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19, 1914
Alfred Droin
Poèmes d’Islam
LE JET D’EAU
Et voici ce que dit, dans son prône, l’Imam, Envoyé d’El Hiba,
champion de l’Islam : « Les Français sont venus, plus nombreux que
les mouches
Satan, le lapidé, triomphant par leurs bouches, Plus puantes que les
tombeaux ; Ils sont venus chez nous déshonorer la terre,
L’Atlantique les a vomis ;
Sur notre plaie à vif, en place du cautère, Ils ont mis du sel, ces
roumis !
Les youdis, réprouvés dans l’un et l’autre monde, Les ont fêtés dans
leurs mellahs, Ils ont fait ruisseler pour eux l’alcool immonde, Et mis
leurs femmes dans leurs bras.
Ont, sur nos os, changé leurs longs sabres en scies, Chevaux
lancés à plein galop !
Les têtes des croyans, à l’arçon de leurs selles, Ont dansé, les deux
yeux crevés, Tandis que le sang noir qui coulait derrière elles
Marquait leurs noms sur les pavés ; On a vu les Français pénétrer
dans nos temples, Par les brèches de leurs boulets, Brûler nos livres
saints sous les ogives amples Où le feu jetait ses reflets.
Ont régné sur l’Islam, sans répit, sans mesure, Nous ont broyés
dans leurs étaux.
Comme le lait bien frais gardé dans l’outre épaisse, Dans chacun de
ses mots dort un flot bienfaisant, Qui guérit toute soif et sur la lèvre
laisse Un souvenir longtemps présent.
Qui frôle son burnous imprégné de cinname, Sent passer sur son
front l’haleine des houris, L’onde du Selsébil murmure sur son âme,
Au milieu de vallons fleuris.
Les tribus des déserts, celles des hautes plaines, Artisans et tolbas,
laboureurs, chameliers, Le poignard aiguisé, poires à poudre
pleines, Accourent vers lui par milliers.
Ils attendent les jours des rudes représailles, Où les chrétiens seront
rejetés à la mer, Où l’on verra rouler la meule des batailles, Sur le
sol rouge de leur chair.
Que le Sultan Hamed El Hiba, notre maître, Dirige vers les saints
combats : Que chacun prenne alors son fusil et sa poudre, Son
chapelet et son Coran,
Qu’il selle son cheval, plus ailé que la foudre, Et crie : « Allah, toi
seul es grandi »
Les champs que nos aïeux, jadis, ont faits prospères, Purifiez les
horizons !
Et qui peut, sans effort, d’un clin de ses paupières, Redresser les
murs abattus.
Qui dans l’enfer auront, pour femelles, des gouges, Sur des lits de
soufre et de feu.
Que les cadavres nus des Français, par les orges, Perdent leur
graisse et tout leur sang, Que milans et vautours en remplissent
leurs gorges, Qu’ils mangent en s’éclaboussant.
Tuez, tuez leur chef à face de panthère, Le Djinn plus maigre que le
roc, Qui, dans la même nuit, sans effleurer la terre, Bondit de Rabat
à Maroc.
Feront claquer leur bec, agiteront leurs ailes, Et vous loueront par
leurs ébats.
Alors, vous porterez plus loin votre victoire, Vous irez chez vos
ennemis ;
Rien ne restera plus des chrétiens en Afrique, Que ceux jetés dans
les silos ; L’Émir, lion de Dieu, Hiba le magnifique, Aura leurs princes
pour féaux,
VENDREDIS MUSULMANS
Allégresse des yeux, là-bas, le ciel bleu pâle Se fond dans l’Océan,
aussi pâle que lui, Et l’eau lointaine, en cette union idéale, Devient
de la clarté qui tremble et qui séduit.
Les vieux canons massifs dévorés par la rouille, Les affûts à gradins
disloqués par le temps, Abdiquent le passé dans l’herbe qui les
mouille Et berce des iris, beaux calices flottans.
La vie est plus légère et le cœur moins aride, L’eau des ablutions a
rafraîchi les corps ; Sous le ciel lumineux qui n’a pas une ride,
L’Espérance éternelle élève ses accords.
O Rabat, qui dira ta splendeur et ta grâce, Par les après-midi des
mystiques printemps, O perle du Moghreb que l’Atlantique
embrasse, Parure du Prophète et gloire des Sultans., JARDIN DE
LA MAMOUNIA
Tes cyprès dont s’émeut la pointe délicate, Bercés par le flot calme
et transparent de l’air, Écrivent sur l’azur quelque belle sourate En
marge d’un nuage clair.
PAYSAGE
ALFRED DROIN.
électronique
Zoé
Phe
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Titre
Revue des Deux Mondes tome 19, 1914
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