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Anomalies des dents temporaires


F. Tilotta, M. Folliguet, S. Séguier

L’anatomie externe des dents temporaires est globalement plus stable que celle des dents permanentes.
Malgré tout, la morphologie de ces dents peut faire l’objet de variations anatomiques ou présenter
différentes anomalies qui restent très peu décrites dans la littérature. Ces anomalies sont généralement
corrélées à des troubles intervenus lors de la formation du germe dentaire. Elles peuvent également être
d’origine génétique ou être associées à des syndromes malformatifs. Ces anomalies concernent le
nombre, la morphologie, la structure, la position ou encore la teinte de ces dents. Elles affectent les dents
temporaires de façon unitaire ou globale. Après quelques rappels concernant l’embryologie dentaire et les
caractéristiques anatomiques et histologiques des dents temporaires, les auteurs proposent de décrire les
différentes anomalies dentaires pouvant affecter les dents temporaires, ainsi que l’effet des radiations
ionisantes sur ces dents.
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Mots clés : Dents temporaires ; Anomalies de nombre ; Anomalies de morphologie ; Anomalies de structure

Plan rappels concernant l’embryologie dentaire et les caractéristiques


des dents temporaires, nous traitons plus en détail les différen-
tes anomalies dentaires pouvant être observées sur les dents
¶ Introduction 1
temporaires.
¶ Embryologie dentaire 1
Morphogenèse primaire des lames dentaires 1
Morphogenèse du germe dentaire
Chronologie de développement des dents temporaires
2
3
■ Embryologie dentaire
¶ Caractéristiques des dents temporaires 3 Au 27e jour de la vie intra-utérine, la cavité buccale primitive
Aspects anatomiques 3 est tapissée d’un épithélium qui comporte deux assises cellulai-
Aspects histologiques 3 res :
¶ Anomalies de nombre 3 • une couche germinative basale de cellules cubiques ;
Anomalies de nombre par défaut 3 • une couche de cellules péridermiques souvent allongées
Anomalies de nombre par excès 4 tangentiellement à la surface.
Cet épithélium recouvre le mésenchyme, qui est le tissu
¶ Anomalies de morphologie 4
conjonctif embryonnaire constituant l’essentiel des bourgeons
Anomalies de taille 4
maxillaires et mandibulaires. Ce mésenchyme est enrichi à ce
Anomalies de forme 4
stade par des cellules ectomésenchymateuses et présente des
¶ Anomalies de structure 5 rameaux nerveux provenant du nerf trijumeau, ainsi que des
Anomalies de l’émail 5 vaisseaux embryonnaires émanant du premier arc aortique. Une
Anomalies de la dentine 6 membrane basale sépare l’épithélium du mésenchyme. Les
Anomalies du cément 7 divers constituants dentaires présentent donc une double
Anomalies héréditaires affectant tous les tissus dentaires 7 origine : d’une part, le mésenchyme appartenant aux territoires
¶ Anomalies de position 7 maxillaires et l’ectomésenchyme provenant des crêtes neurales
¶ Anomalies de teinte 7 et, d’autre part, le tissu épithélial qui les recouvre.
Anomalies d’origine héréditaire et congénitale 7
Anomalies d’origine acquise 7 Morphogenèse primaire des lames
¶ Effets des radiations ionisantes 7 dentaires
.
La morphogenèse primaire des lames dentaires conduit à la
constitution des germes dentaires. Elle se traduit par des
■ Introduction transformations cellulaires et tissulaires, à la fois épithéliales et
mésenchymateuses.
L’anatomie externe des dents temporaires est généralement
Formation de la lame primitive
stable et bien définie. Elles peuvent cependant faire l’objet de
variations anatomiques ou présenter différentes anomalies qui Dès le 37e jour de la vie intra-utérine, des épaississements
restent très peu décrites dans la littérature. Après quelques épithéliaux continus préfigurant les deux arcades sont visibles.

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Pour chaque arcade, l’épaississement épithélial prolifère et confère au bourgeon la forme d’une cupule. En effet, ces
s’enfonce dans le mésenchyme sous-jacent pour former le mur concentrations de cellules mésenchymateuses se divisent en
plongeant ou lame primitive. L’épithélium constituant cette deux groupes :
lame comporte alors quatre à six couches cellulaires : la couche • une concentration centrale dense qui s’oppose à la proliféra-
la plus profonde est formée de cellules prismatiques à noyaux tion des cellules épithéliales ;
allongés, orientées perpendiculairement à la membrane basale, • une concentration périphérique plus lâche qui s’étend sur le
et les couches superficielles présentent des cellules à noyaux pourtour des cellules épithéliales et des cellules mésenchyma-
arrondis et des cellules péridermiques allongées tangentielle- teuses centrales.
ment à la surface. On distingue alors nettement un ensemble épithélial, une
Des mitoses s’opèrent au sein de l’épithélium et du mésen- papille mésenchymateuse et une enveloppe mésenchymateuse.
chyme sous-jacent, témoignant d’une intense prolifération
cellulaire. Ensemble épithélial
Vers le 40e jour de vie intra-utérine, le volume de la langue Parallèlement à la différenciation cellulaire, plusieurs couches
s’accroît et la lèvre inférieure s’individualise. La lame épithéliale, cellulaires apparaissent au sein du tissu épithélial :
initialement pleine, se creuse d’un sillon superficiel par la lyse • une couche externe formée d’une rangée de cellules cuboï-
rapide des cellules les plus superficielles. Le futur vestibule se des ;
dessine et initie la séparation des régions labiale et génienne, de • une couche interne comportant des cellules plus hautes et
la cavité buccale. prismatiques ;
• une couche intermédiaire dans laquelle les cellules paraissent
Lame dentaire détachées des assises périphériques, formant un tissu de
« remplissage » (sa structure évolue ensuite vers celle du
La lame primitive se dédouble en une lame vestibulaire et réticulum étoilé [RE]).
une lame dentaire. En regard de cette dernière, la condensation Près de l’épithélium interne, dans la région centrale de
des cellules mésenchymateuses se précise, alors qu’elle s’affaiblit l’organe de l’émail, apparaît une formation transitoire consti-
au niveau de la lame vestibulaire. Entre la langue et l’arc tuée d’un rassemblement cellulaire : le nodule de l’émail. Cette
mandibulaire, se dessine le sillon lingual. formation se prolonge fréquemment par un cordon, qui traverse
la couche intermédiaire, et la relie à la lame dentaire. À la
Germes dentaires bordure de l’organe de l’émail, l’épithélium externe et l’épithé-
lium interne sont en continuité formant la zone de réflexion.
À partir de la lame dentaire, s’individualisent, de place en
place, de petits renflements épithéliaux, coiffés de cellules Mésenchymes papillaire et péridentaire
mésenchymateuses. Ces bourgeons, issus de la lame dentaire
dite primaire, sont à l’origine des futurs organes de l’émail des La condensation mésenchymateuse principale, située sous
dents temporaires, et des premières, deuxièmes et troisièmes l’organe de l’émail, présente de nombreuses cellules en multi-
molaires permanentes. Par la suite, après la formation des plication mais sans orientation préférentielle. La condensation
premiers organes de l’émail issus de la lame dentaire primaire, périphérique, entourant plus ou moins complètement le germe
une lame dentaire dite secondaire, apparaît pour donner les dentaire, est formée de cellules à noyau généralement allongé,
bourgeons des germes de remplacement. disposées tangentiellement. Dès ce stade, on observe l’appari-
tion d’axes vasculaires papillaires.
Mésodermisation de la lame dentaire
Membrane basale
Les premiers renflements épithéliaux destinés à former les Elle reste située entre le tissu épithélial et les tissus mésen-
dents temporaires se développent rapidement et se structurent chymateux. Elle se compose de fibrilles de collagène et de
pour donner les organes de l’émail. La lame dentaire est réticuline associées à des glycoprotéines.
entrecoupée de coulées mésenchymateuses. Les fragments Au cours de la morphogenèse, la prolifération des tissus
épithéliaux résiduels sont éliminés, détachant les renflements épithéliaux et mésenchymateux constitue une entité organoïde
épithéliaux de l’assise épithéliale buccale dont ils sont issus. appelée « germe dentaire ». Cependant, à ce stade du dévelop-
Au sein de chaque germe, l’organe de l’émail se développe au pement, l’aspect des différentes cupules est très voisin et ne
contact d’un tissu mésenchymateux : la papille dentaire. Le rend pas encore compte de la morphologie dentaire future.
mésenchyme entourant l’organe de l’émail et la papille est à Malgré une morphologie comparable des diverses cupules, de
l’origine du sac folliculaire mettant en rapport le germe dentaire légères différences de taille existent, probablement en raison de
et les structures voisines. proliférations cellulaires dissemblables. La morphogenèse
coronaire définitive débute au stade de la cloche induisant des
Morphogenèse du germe dentaire différences morphologiques entre les germes.

Le germe dentaire est composé de tissus d’origine épithéliale Stade de la cloche


et mésenchymateuse. Sa morphogenèse primaire regroupe des
L’histogenèse de l’organe de l’émail se précise, aboutissant à
stades successifs, qui correspondent à la morphologie particu-
la mise en place de quatre couches cellulaires distinctes. En
lière du constituant épithélial : bourgeon, cupule, cloche
revanche, l’histogenèse de la papille, moins avancée, se caracté-
dentaire.
rise seulement par des variations numériques dans la répartition
des fibroblastes.
Stade du bourgeon
Organe de l’émail
Le germe dentaire est constitué d’une masse de cellules
épithéliales en multiplication active, entourée de cellules Les couches de l’organe de l’émail précédemment décrites
mésenchymateuses. Ces dernières sont à l’origine de la papille poursuivent leur évolution et s’enrichissent d’un quatrième
dentaire et du sac folliculaire, alors que la prolifération épithé- élément : le stratum intermedium (SI), qui apparaît entre
liale donne naissance à l’organe de l’émail. l’épithélium interne et le RE. L’organe de l’émail avec sa forme
en cloche est ainsi constitué de quatre couches cellulaires :
Stade de la cupule • l’épithélium adamantin externe (EAE) ;
• le RE ;
Rapidement, la prolifération cellulaire épithéliale progresse • le SI ;
entre les concentrations mésenchymateuses odontogènes et • l’épithélium adamantin interne (EAI).

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Tableau 1.
Chronologie de développement des dents temporaires (d’après Schour et Massler, 1941) [1].

Incisives Canines 1res molaires 2es molaires


Début de minéralisation 3-4 mois in utero 5 mois in utero 5 mois in utero 6 mois in utero
Couronne achevée 4-5 mois 9 mois 6 mois 10-12 mois
Éruption 7-8 mois 16-20 mois 12-18 mois 20-30 mois
Racine achevée (après 2 ans à 2 ans et demi 3 ans 2 ans et demi 3 ans
éruption)
Début de rhizalyse 4 ans (incisives centrales) 8 ans 6 ans 7 ans
5 ans (incisives latérales)
Exfoliation 6-8 ans 11-12 ans 10 ans 11-12 ans

Les cellules de l’EAI varient morphologiquement de la pointe


de la future cuspide à la zone de réflexion. En effet, dans la
zone de réflexion, la couche épithéliale est constituée de cellules
de type embryonnaire qui se multiplient activement et sont
séparées par des espaces intercellulaires, alors qu’au sommet de
la future cuspide, on observe la présence de cellules nettement
étirées : les préaméloblastes. Ces cellules ont un diamètre de 4
à 5 µm et une longueur de 25 à 30 µm. Ils possèdent un noyau
situé au pôle basal (voisin du SI), tandis que les organites
cytoplasmiques, à l’exception de l’appareil de Golgi, se situent
entre le noyau et la membrane basale. Le pôle cellulaire, dirigé Figure 1. Anodontie des dents temporaires associée à une oligodontie
vers la membrane basale, devient le pôle de sécrétion, alors que des dents permanentes.
le pôle opposé est appelé pôle nucléaire. Les préaméloblastes
entretiennent entre eux des rapports de cohésion par l’intermé-
diaire de desmosomes, structures qui les unissent aussi aux fortement marqués. Les incisives et canines semblent « ceintu-
cellules du SI. rées » au collet tandis que les molaires présentent une forte
convexité amélaire cervicale mésiovestibulaire [1]. Les racines
Papille mésenchymateuse
sont proportionnellement plus longues et plus effilées, avec des
La région papillaire se distingue très nettement du conjonctif apex pointus. L’extrémité apicale des racines des dents antérieu-
maxillaire par sa densité cellulaire due à une multiplication et res est inclinée en direction vestibulaire et les racines des dents
à un rassemblement de cellules mésenchymateuses. De plus, ces postérieures sont fortement divergentes à partir du collet. Cette
cellules contiennent des fibrilles de collagène en quantité disposition radiculaire permet d’accueillir les germes des dents
importante et leur substance fondamentale est très riche en permanentes en phase de maturation prééruptive. La cavité
mucopolysaccharides. Dans cette région papillaire, les capillaires pulpaire des dents temporaires est plus volumineuse et présente
et les fibres nerveuses sont très nombreux. des cornes proéminentes.

Sac folliculaire et membrane basale


Aspects histologiques
Au stade de la cloche, le sac folliculaire entoure le mésen-
chyme papillaire et l’organe de l’émail, laissant passer à sa partie La couche d’émail est fine (1 mm) mais sa répartition est très
supérieure la lame dentaire et, à sa partie inférieure, les axes régulière. Elle donne à la dent temporaire sa couleur blanche
vasculaires et nerveux. Il est constitué par un feutrage dense en caractéristique. Son usure est plus rapide que celle de la dent
collagène auquel se mêlent de nombreux vaisseaux. permanente.
La membrane basale est formée de fibres de réticuline et de L’épaisseur de dentine axiale est également réduite. La
collagène. Des hémidesmosomes sont visibles entre la mem- dentine mise en place avant la naissance est disposée de
brane plasmique du préaméloblaste et la membrane basale. manière homogène, tandis que celle formée durant la petite
enfance est plus globuleuse [2]. De manière générale, la dentine
est moins dense et comporte des tubules larges. La pulpe est
Chronologie de développement des dents bien vascularisée.
temporaires
La chronologie du développement des dents temporaires est ■ Anomalies de nombre
décrite dans le Tableau 1.
Le nombre de dents est déterminé par les gènes dits « dentai-
res » qui induisent la différenciation de la lame dentaire.
■ Caractéristiques des dents La denture temporaire peut présenter des anomalies de
nombre par défaut ou par excès.
temporaires
La denture temporaire stable comporte 20 dents : huit incisi- Anomalies de nombre par défaut
ves, quatre canines et huit molaires.
L’absence de toutes les dents temporaires à la suite de
l’agénésie de tous les germes, ou anodontie, est extrêmement
Aspects anatomiques rare (Fig. 1).
L’hypodontie, appelée également agénésie, caractérise
Les dents temporaires sont plus petites que leurs dents de l’absence d’une à plusieurs dents, tandis que l’oligodontie
remplacement, à l’exception des molaires dont le diamètre traduit l’absence d’un grand nombre de dents.
mésiodistal est plus important que celui des prémolaires. Les L’hypodontie est rare en denture temporaire. Elle affecte
couronnes sont moins hautes et les collets anatomiques sont préférentiellement l’incisive latérale maxillaire, puis les incisives

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Figure 2. Anomalie de nombre par excès : présence d’une incisive


latérale temporaire supplémentaire chez une enfant de 12 ans, associée à Figure 3. La gémination se manifeste cliniquement par une encoche
une agénésie de l’incisive latérale permanente. plus ou moins marquée sur la couronne, ici une incisive latérale maxillaire.

centrales et latérales mandibulaires. Pour Courson et al., Macrodontie


l’agénésie d’une dent temporaire ou une fusion laisse présager
l’agénésie d’une dent permanente dans 20 % à 40 % des cas [2]. La macrodontie est l’augmentation anormale de la taille des
L’hypodontie est souvent d’origine héréditaire, mais peut dents. Elle concerne une, plusieurs, ou beaucoup plus rarement,
également résulter de facteurs exogènes comme la radiothérapie toutes les dents comme dans le cas du gigantisme hypophysaire.
pendant l’odontogenèse [3]. La macrodontie la plus fréquente est celle des incisives centrales
Les anomalies de nombre par défaut, et particulièrement les supérieures. Une macrodontie de la denture temporaire peut
oligodonties, sont fréquemment associées à des syndromes être associée au syndrome de Down. De même, en cas de fente
malformatifs. Ainsi, 12 % à 17 % des enfants atteints du alvéolopalatine, une macrodontie des dents temporaires qui
syndrome de Down (trisomie 21) présentent une absence des jouxtent les berges est parfois constatée.
incisives latérales [4]. Pour Cohen, il existe des agénésies des
dents temporaires au niveau d’une fente labio-alvéolo-palatine Microdontie
dans 14 % des cas [5]. Une oligodontie des dents temporaires est
La microdontie touche exceptionnellement les dents
associée au syndrome de Bloch-Sulzberger (incontinentia
temporaires.
pigmenti, génodermatose de transmission dominante liée à l’X
affectant surtout les filles). L’hypodontie de dents temporaires
est retrouvée dans le syndrome de Wolf en association avec une Anomalies de forme
microcéphalie et des anomalies oculoauriculaires.
Les anomalies de forme peuvent affecter la couronne, la
racine ou l’ensemble de la dent, et concerner chaque classe de
Anomalies de nombre par excès dents. Les incisives temporaires peuvent présenter une hyper-
trophie cingulaire. L’incisive latérale maxillaire est rarement de
La présence d’un nombre de dents temporaires supérieur à forme conoïde (0,2 % des cas). Les tubercules de Carabelli et de
20 constitue l’hyperdontie. Malgré son incidence de 0,2 % à Bolk, fréquemment observés sur les molaires permanentes, ont
1,9 %, elle est plus fréquente que l’hypodontie et concerne également été décrits en denture temporaire [6].
surtout les dents du secteur incisivocanin maxillaire, de façon Les dents temporaires, et en particulier les canines maxillai-
unilatérale [6]. Ainsi, il peut exister une incisive latérale maxil- res, présentent fréquemment des racines accessoires. Ainsi, une
laire temporaire surnuméraire présentant une morphologie racine accessoire linguale peut être observée sur les deuxièmes
normale (Fig. 2). molaires.
Cette anomalie de nombre affecte surtout les garçons. Elle est
souvent associée à une hyperdontie de la denture permanente. Gémination
Elle peut être observée dans les syndromes malformatifs.
Ainsi, pour Boehn, 37 % à 60 % des cas de fentes labio-alvéolo- La gémination traduit une division incomplète du germe
palatines sont associées à une hyperdontie des dents temporai- dentaire qui aboutit à la formation d’une dent possédant
res [7]. Dans le syndrome de Papillon-Léage et Psaume deux couronnes plus ou moins séparées et une racine com-
(syndrome oro-digito-facial de type 1), des canines ou molaires mune. Cette anomalie affecte particulièrement les incisives
temporaires maxillaires surnuméraires sont parfois remarquées. mandibulaires temporaires. Cliniquement, elle se manifeste
souvent par une encoche sur la couronne d’une incisive (Fig. 3).
L’étiopathogénie de cette anomalie est encore mal connue [8].
■ Anomalies de morphologie
Fusion
Les anomalies de morphologie affectent la taille ou la forme
La fusion est l’union, généralement par la dentine, de
des dents temporaires. Ces éléments sont sous le contrôle de
deux germes dentaires normaux pendant l’odontogenèse. Elle
facteurs génétiques.
intéresse exceptionnellement plus de deux dents. Cette anoma-
lie affecte particulièrement les incisives et canines, parfois
Anomalies de taille symétriquement. La fusion est soit totale, soit partielle. En cas
de fusion totale, les deux dents partagent le même complexe
La taille des dents est déterminée génétiquement et varie pulporadiculaire avec généralement deux chambres pulpaires
selon le sexe et l’appartenance à une population. Les anomalies plus ou moins séparées et une pulpe radiculaire commune.
de taille peuvent intéresser l’ensemble des dents ou seulement Lorsque la fusion est partielle, les couronnes sont fusionnées et
certaines dents de l’arcade. Les anomalies de taille généralisées les racines séparées. En clinique, c’est la formule dentaire qui
à toutes les dents sont très rares et le plus souvent associées à permet le diagnostic différentiel entre la fusion et la gémina-
un dysfonctionnement de l’hypophyse. Les anomalies de taille tion : le nombre de dents sur l’arcade est réduit en présence
de certaines dents sont, au contraire, plus fréquentes. d’une fusion, sauf lorsque celle-ci s’effectue entre un germe

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normal et un germe surnuméraire. À l’inverse, le diagnostic hypoplasie localisée de l’émail sous forme de puits, de sillons ou
différentiel entre fusion et concrescence (union de deux dents de plages anormales horizontales présents au niveau du tiers
par le cément) s’établit histologiquement. L’étiopathogénie de la moyen des dents, et particulièrement des molaires temporaires.
fusion reste à préciser. Selon Piette et al., elle serait d’origine Le type IC se traduit par des atteintes localisées plus sévères,
mécanique, des phénomènes de compression pouvant contrain- avec un émail hypoplasique et parfois hypominéralisé. Il peut
dre les germes dentaires à s’unir par leur couche épithéliale de concerner la quasi-totalité des dents temporaires.
Hertwig [8]. En denture temporaire, une incidence de 0,5 % à
2,5 % a été relevée par Pindborg [6]. Par ailleurs, une fusion des Type II : hypomaturation
dents temporaires est généralement suivie d’une hypodontie des Cette forme d’amélogenèse imparfaite résulte d’un défaut de
dents permanentes correspondantes. En présence du syndrome maturation de l’émail. Par conséquent, l’émail est d’épaisseur
de Down, la fusion entre l’incisive latérale mandibulaire normale, mais est moucheté ou marbré. Il est également friable
temporaire et la canine ou l’incisive centrale peut être obser- et plus mou que l’émail normal. Il présente une radiodensité
vée [4]. La fusion de dents temporaires est également observée comparable à celle de la dentine.
dans le syndrome de Sensenbrenner (dysplasie Les dents temporaires peuvent être concernées, en particulier
cranioectodermique). par le type IIB (transmission récessive liée au chromosome X) de
cette anomalie. L’émail est blanc, opaque et dépoli. Il peut être
Invagination dentaire lésé par une sonde. Chez l’enfant de sexe féminin, l’atteinte est
Cette anomalie traduit l’invagination plus ou moins pronon- généralement moins sévère et se traduit par l’alternance de
cée de la couronne ou de la racine vers l’espace pulpaire. Elle bandes verticales d’émail normal translucide et de bandes
résulte d’une invagination de la couche épithéliale avant le d’émail anormal blanc crayeux et dépoli. Le type IIC (transmis-
stade de minéralisation. Histologiquement, les parois d’une sion liée au chromosome X) peut également atteindre les dents
invagination coronaire sont tapissées d’une couche d’émail temporaires dont la couronne présente alors une « coiffe »
mince et hypominéralisé, favorisant l’apparition de la lésion d’émail blanc opaque, pouvant être confondue avec des signes
carieuse avec atteinte pulpaire précoce. Des facteurs étiologiques de fluorose. Le nombre de dents concernées varie en fonction
comme la fusion de deux germes, une pression anormale des de la sévérité de l’atteinte.
tissus environnants pendant la formation de la dent, ou encore
Type III : hypominéralisation
la rétention de cellules épithéliales aberrantes lors de la
différenciation de l’organe de l’émail ont été proposés. En Ce type d’amélogenèse imparfaite est plus fréquent. Il résulte
denture temporaire, cette anomalie reste exceptionnelle. d’un défaut de minéralisation de l’émail et affecte les dents de
manière bilatérale et symétrique.
Taurodontisme L’émail est d’épaisseur normale mais présente une consistance
molle et une coloration jaune orangée à l’éruption qui devient
Décrit par Keith en 1913, le taurodontisme se caractérise par progressivement brune. Il a tendance à s’effriter sous l’effet de
une élongation de la pulpe camérale au détriment de la pulpe la mastication. Sa radiodensité est comparable à celle de la
radiculaire et par un diamètre au collet supérieur à la dentine.
moyenne [9].
Le taurodontisme est généralement attribué à un défaut Type IV : hypomaturation-hypoplasie avec taurodontisme
d’invagination de la gaine épithéliale de Hertwig à un niveau
horizontal normal [8]. L’origine génétique de cette anomalie est L’émail est marbré ou moucheté et présente des puits. Il est
admise, mais le mode de transmission précis reste mal connu. de couleur blanche, jaune ou brune. Son épaisseur est parfois
Cette anomalie concerne particulièrement les molaires plus fine avec des zones d’hypomaturation. La radio-opacité de
temporaires isolément ou non, uni- ou bilatéralement. l’émail est très légèrement supérieure à celle de la dentine. Les
molaires présentent un taurodontisme. Cette anomalie est due
à une atteinte polygénique complexe.
■ Anomalies de structure Amélogenèses imparfaites associées
Ces anomalies affectent l’émail, la dentine ou le cément. Elles à des syndromes
peuvent être macroscopiques ou microscopiques et affecter une
Elles sont nombreuses et n’ont pas toutes été recensées. Ce
ou plusieurs dents.
sont le plus souvent des hypoplasies accompagnées parfois
d’hypominéralisation. À titre d’exemple, nous pouvons citer le
Anomalies de l’émail syndrome de Down, le syndrome de Turner (syndrome XO),
l’épidermolyse bulleuse dystrophique ou encore la
Amélogenèses imparfaites héréditaires phénylcétonurie.

Ces affections se traduisent par une détérioration de l’émail Hypoplasies


associée à une structure dentinaire normale. Les dents atteintes
présentent une bonne résistance à la maladie carieuse, mais ont Les hypoplasies de l’émail sont générées par de nombreuses
une tendance à l’inclusion. Ces anomalies sont héréditaires et pathologies. Leur importance clinique varie en fonction de la
congénitales. période de survenue de la pathologie pendant l’amélogenèse. Si
Witkop a proposé en 1989 une classification des amélogenè- l’apparition est précoce (pendant la synthèse de la matrice),
ses imparfaites reposant sur des critères cliniques et radiogra- l’hypoplasie est d’une sévérité proportionnelle à la durée plutôt
phiques, ainsi que sur le mode de transmission [10]. qu’à l’intensité. Si l’apparition est tardive (après la formation de
la trame organique), seule la minéralisation est affectée. Toutes
Type I : hypoplasie les dents en formation, lors de la survenue de la pathologie,
Cette anomalie résulte d’une quantité réduite de matrice sont touchées. Selon Piette et al., des hypoplasies des dents
d’émail apposée pendant l’amélogenèse. L’émail formé est temporaires sont observées chez 2 % à 14 % des enfants âgés de
aprismatique et immature. Il est déposé en couches parallèles à deux à six ans [8].
la surface. Il est dur mais fragile en raison de sa faible épaisseur.
Hypoplasies prénatales
Il peut, par conséquent, être invisible radiographiquement. Les
dents temporaires sont principalement atteintes par le type IB Elles apparaissent in utero et sont consécutives à la survenue
(transmission autosomique dominante) et le type IC (transmis- d’une pathologie chez la mère au cours de la grossesse, à type
sion autosomique récessive). Le type IB est caractérisé par une d’avitaminose A ou C, ou encore d’affection fébrile comme la

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rubéole lors des derniers mois de gestation. Les hypoplasies progressive et rapide des chambres pulpaires, ainsi que les
concernent particulièrement les molaires et les canines tempo- canaux radiculaires en raison d’un dépôt continu de dentine.
raires et se présentent sous forme d’une ligne d’incrément. Les racines sont courtes et les apex arrondis. L’examen histolo-
Pour Kaqueler et al., ces lésions des dents temporaires sont gique révèle une couche d’émail normale mais une jonction
retrouvées chez 25 % des enfants prématurés [3]. amélodentinaire rectiligne responsable de l’écaillage. La dentine
profonde, plus altérée, est hypominéralisée, et sa microdureté
Hypoplasies néonatales réduite. Elle comporte des régions dépourvues de tubules et des
Elles sont associées à la survenue, à la naissance ou au cours espaces de matrice non calcifiée. La cavité pulpaire est comblée
du premier mois de vie, de pathologies telles qu’une hyperbili- par une matrice dentinaire irrégulière comportant des odonto-
rubinémie, un ictère nucléaire, un désordre métabolique du blastes atypiques [8]. La résistance à l’atteinte carieuse est due
calcium ou une infection virale ayant nécessité un traitement aux canalicules qui sont en faible nombre et se minéralisent
intensif néonatal. Elles se manifestent par des lignes mésiodis- rapidement.
tales au niveau du tiers cervical des faces vestibulaires des
incisives maxillaires. Dentinogenèse imparfaite de type II (dentine opalescente
L’hypoplasie néonatale est à distinguer de l’odontoclasie qui héréditaire)
est une hypoplasie linéaire atteignant les mêmes sites, respon- Ce type de dentinogenèse imparfaite est le plus fréquemment
sables de caries rampantes et décrite principalement à Hawaï, en rencontré. Il n’est pas associé à l’ostéogenèse imparfaite. Toutes
Nouvelle-Zélande, en Polynésie française, en Nouvelle-Guinée, les dents temporaires sont atteintes. Les signes cliniques et
en Birmanie, à Panama, au Salvador et en Ouganda [8]. Ces radiologiques sont sensiblement identiques à ceux décrits pour
hypoplasies sont plus fréquentes chez l’enfant prématuré. le type I.

Opacités de l’émail Dentinogenèse imparfaite de type III


Les opacités de l’émail sont des taches blanchâtres et mates L’aspect des dents est comparable à celui décrit pour les
présentes généralement sur les faces vestibulaires des incisives. types I et II. Il s’accompagne de nombreuses expositions
Elles seraient dues à un défaut de diffraction de la lumière par pulpaires en denture temporaire. L’examen radiographique
l’émail et résulteraient d’une perturbation de courte durée du montre des dents « en coquillage » avec des chambres pulpaires
dépôt de la matrice d’émail. très larges et des racines extrêmement courtes. À l’examen
histologique, la couche d’émail est normale, alors que la
Hypoplasies dues aux allergies dentine, très mince, présente une structure fibrillaire anormale.
Des hypoplasies de l’émail sont fréquemment observées chez Les chambres pulpaires sont comblées d’une substance fibrillaire
l’enfant présentant un terrain allergique congénital. Elles sont grossière.
généralement localisées sur la pointe cuspidienne des canines et
sur le tiers occlusal des molaires temporaires, situant l’atteinte
Dysplasies dentinaires héréditaires
au dernier trimestre de la grossesse. Elles se traduisent par un émail normal, une formation
dentinaire atypique et des anomalies pulpaires. Witkop en
Hypoplasies dues aux intoxications distingue deux groupes : les dysplasies radiculaires (type I) et les
Fluor. La fluorose, ou intoxication par les ions fluorures, dysplasies coronaires (type II) [10].
entraîne des hypominéralisations de l’émail se manifestant,
selon la susceptibilité individuelle, par la présence de taches Dysplasie dentinaire de type I (radiculaire)
blanches opaques, de lignes ou de striations jaunâtres. Ces Également appelée « malformation familiale essentielle des
lésions amélaires atteignent exceptionnellement les dents racines », elle affecte toutes les dents de la denture temporaire.
temporaires. La transmission serait autosomique dominante, avec une
Tétracyclines. En plus des dyschromies caractéristiques, incidence de 1 pour 100 000 [8]. Cette anomalie se traduit par
l’ingestion de tétracyclines peut être responsable d’hypoplasies des « dents sans racines » dont la morphologie coronaire, la
de l’émail des dents temporaires. couleur et la consistance sont cependant normales. L’agence-
ment de ces dents sur les arcades est généralement perturbé.
Hypoplasies associées à des syndromes L’avulsion de ces dents peut survenir lors de traumatismes
L’hypoplasie de la deuxième molaire temporaire maxillaire est mineurs. La dysplasie dentinaire de type I peut être subdivisée
retrouvée dans le syndrome de Williams en association avec une en quatre sous-types en fonction de l’examen radiologique [12].
malformation cardiaque (sténose aortique supravalvulaire), une Généralement, l’oblitération pulpaire prééruptive conduit à une
déficience intellectuelle et des traits faciaux caractéristiques. absence de radioclarté pulpaire en denture temporaire. À
l’examen histologique, l’émail est normal et la dentine présente
quelques zones dépourvues de tubules.
Anomalies de la dentine
Dysplasie dentinaire de type II (coronaire)
Dentinogenèses imparfaites héréditaires La transmission de cette anomalie serait autosomique domi-
Les dentinogenèses imparfaites héréditaires peuvent se nante. En denture temporaire, le tableau clinique rappelle celui
présenter sous différentes formes cliniques qui ont amené Shield de la dentinogenèse imparfaite. Les dents sont de couleur
et al. à établir une classification de ces anomalies [11] . La ambrée. La morphologie et la longueur radiculaires sont
transmission s’effectue sur le mode autosomique dominant. normales. L’examen radiographique révèle l’oblitération des
chambres pulpaires, qui est ici postéruptive. L’examen histolo-
Dentinogenèse imparfaite de type I (dentinogenesis gique montre une couche de dentine superficielle normale,
imperfecta) suivie sans transition d’une dentine amorphe très dense conte-
nant seulement quelques tubules dispersés.
Cette anomalie à expression variable survient toujours chez
des familles touchées par l’ostéogenèse imparfaite (maladie des
Dysplasie pulpaire
os de verre). La denture temporaire est la plus atteinte : les
dents s’altèrent rapidement après leur éruption, l’émail s’écaille La transmission serait autosomique récessive. La morphologie
et découvre une dentine qui est plus molle. Les dents ne sont et la couleur des dents temporaires sont normales. Cette
cependant pas plus susceptibles à l’atteinte carieuse. Elles sont anomalie se traduit par un remaniement morphologique de la
translucides avec une coloration qui varie du gris au brun- chambre pulpaire qui prend une forme de « chardon » et par la
violet. L’examen radiographique montre une oblitération présence de nombreuses calcifications pulpaires (denticules).

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Anomalies des dents temporaires ¶ 28-270-E-10

Dysplasies dentinaires associées à des syndromes peuvent être associées à des anomalies de structure de la dent.
Cependant, d’autres anomalies de coloration peuvent être dues
Différents syndromes ou pathologies héréditaires peuvent être à un trouble survenant lors de la formation de la dent et avoir
associés à des dysplasies dentinaires des dents temporaires. On une origine héréditaire ou acquise.
peut ainsi citer l’hypophosphatasie qui s’accompagne générale-
ment d’un élargissement des chambres pulpaires des incisives
temporaires et de la perte prématurée de ces dents. Anomalies d’origine héréditaire
et congénitale
Anomalies du cément Une coloration verdâtre des dents temporaires peut être
Les anomalies du cément surviennent pendant la formation associée à différentes affections comme un anasarque fœtopla-
de la racine, mais également au cours du vieillissement de la centaire avec ictère nucléaire ou des cholestases. Cette colora-
dent. tion indélébile de l’émail et de la dentine est causée par des
Les aplasies et hypoplasies du cément affectent notamment dépôts de biliverdine. Plus occasionnellement, des colorations
les dents temporaires antérieures avant l’âge de trois ans. Le verdâtres ou brun-jaune peuvent être observées en présence
diagnostic est généralement radiologique et confirmé histologi- d’ictères associés à des pathologies telles que la rubéole, la
quement. Ces anomalies se traduisent par un défaut de dépôt de toxoplasmose, la syphilis, l’herpès, la mucoviscidose ou encore
cément cellulaire superficiel sur la couche de cément acellulaire un kyste du cholédoque. Une coloration brun-jaune des dents
qui est, par ailleurs, amincie. Des aplasies et des dysplasies du temporaires peut également être liée à une hépatite néonatale.
cément peuvent être associées au syndrome de Scheuthauer- En cas de maladie de Günther (porphyrie érythropoïétique
Marie-Sainton (dysostose cléïdocrânienne) ou à l’hypophospha- congénitale), les dents temporaires peuvent parfois présenter
tasie (ostéopathie d’origine génétique entraînant une une coloration rougeâtre ou brun-rose. Par ailleurs, elles
déminéralisation osseuse). montrent toujours une fluorescence rouge en lumière
ultraviolette.

Anomalies héréditaires affectant tous


les tissus dentaires Anomalies d’origine acquise
Des colorations grisâtres, jaunâtres ou brunâtres des dents
Ces anomalies sont exceptionnelles et affectent à la fois
temporaires peuvent être dues à l’ingestion de tétracyclines lors
l’émail et la dentine, malgré leurs origines embryologiques
de la minéralisation de la couronne dentaire. Elles concernent
différentes.
donc la zone de la dent qui était en formation au moment de
l’administration. Des colorations denses des dents temporaires
Odontogenèse imparfaite apparaîtraient pour des doses équivalentes à 21 mg/kg/j [13]. La
La transmission est autosomique dominante. Les dents période à risque pour les incisives et canines temporaires s’étend
atteintes sont de petite taille et de couleur brunâtre. L’examen de l’âge de quatre mois in utero à neuf mois.
histologique révèle un émail hypoplasique et des anomalies
dentinaires comparables à celles décrites pour les dysplasies
dentinaires. ■ Effets des radiations ionisantes
Odontodysplasie régionale Les germes dentaires sont particulièrement sensibles aux
radiations. Suivant le type de rayonnement, le dosage et la
Également appelée « dents-fantômes », elle affecte préféren- durée d’exposition, les radiations ionisantes peuvent engendrer
tiellement les incisives et canines maxillaires temporaires chez des modifications cellulaires réversibles ou non, voire la mort
les enfants de sexe féminin. L’éruption des dents atteintes est cellulaire immédiate ou retardée [3]. Une radiothérapie de la
retardée voire entravée. Les dents sont plus petites et présentent sphère orofaciale a généralement des effets néfastes sur le
des déformations associées à un aspect mat, rugueux et à une développement et l’éruption des dents.
couleur jaunâtre. À l’examen radiologique, l’émail et la dentine Les dents temporaires peuvent être atteintes en cas d’irradia-
coronaire sont amincis. Les racines sont courtes avec des apex tion de l’embryon in utero. En fonction du stade de développe-
béants. Les chambres pulpaires sont larges et comportent des ment dentaire au moment du traitement, la radiothérapie peut
corps calcifiés. Les dents atteintes semblent radiotransparentes entraîner des anomalies de taille (microdontie), de structure
avec une limite émail-dentine difficilement objectivable. À (hypoplasies de l’émail, dysplasies dentinaires), de morphologie
l’examen histologique, l’émail est hypoplasique et hypominéra- coronaire ou radiculaire, ou encore une hypodontie due à un
lisé. La dentine est réduite, avec de larges espaces de dentine
interglobulaire.

■ Anomalies de position “ Point important


Les dystopies primaires des dents temporaires, à type d’ecto-
pie, de rotation, de migration de transposition ou encore
L’anatomie externe des dents temporaires est plus stable
d’anastrophie sont très peu décrites dans la littérature. Les que celle des dents permanentes. Cependant, ces dents
dystopies secondaires sont plus fréquentes et généralement peuvent être affectées par des anomalies :
associées à des dysmorphoses ou des malocclusions. En denture • de nombre ;
temporaire, des encombrements dentaires peuvent être observés, • de morphologie ;
parfois en rapport avec des pathologies générales. On peut ainsi • de structure ;
citer l’articulé croisé associé au torticolis congénital. • de position ;
• ou de teinte.
Ces anomalies affectent les dents temporaires de façon
■ Anomalies de teinte unitaire ou globale. Elles sont d’origine génétique,
consécutives à un trouble apparu lors de la formation du
La dent temporaire a une teinte blanche caractéristique. germe ou encore associées à un syndrome malformatif.
Comme nous l’avons évoqué, des modifications de cette teinte

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Histologiquement, la couche odontoblastique est désorgani- Bruxelles: De Boeck & Larcier; 2001. p. 5-17.
sée, entraînant la formation d’une dentine atypique. La vascu- [9] Keith A. Problems relating to the earlier forms of prehistoric man. Proc
larisation est également perturbée et se traduit par une atrophie R Soc Med 1913;6:103-24.
pulpaire [8]. [10] Witkop Jr. CJ. Hereditary defects of dentin. Dent Clin North Am 1975;
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F. Tilotta (tilotta.yasukawa@wanadoo.fr).
Service d’odontologie, Hôpital Louis Mourier, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France.
Département Anatomie dentaire, UFR odontologie, Université Paris-Descartes, 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France.
M. Folliguet.
Service d’odontologie, Hôpital Louis Mourier, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France.
Département Santé publique, UFR odontologie, Université Paris-Descartes, 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France.
S. Séguier.
Service d’odontologie, Hôpital Louis Mourier, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France.
Département Anatomie pathologique, UFR odontologie, Université Paris-Descartes, 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Tilotta F., Folliguet M., Séguier S. Anomalies des dents temporaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine buccale, 28-270-E-10, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


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