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L’anatomie externe des dents temporaires est globalement plus stable que celle des dents permanentes.
Malgré tout, la morphologie de ces dents peut faire l’objet de variations anatomiques ou présenter
différentes anomalies qui restent très peu décrites dans la littérature. Ces anomalies sont généralement
corrélées à des troubles intervenus lors de la formation du germe dentaire. Elles peuvent également être
d’origine génétique ou être associées à des syndromes malformatifs. Ces anomalies concernent le
nombre, la morphologie, la structure, la position ou encore la teinte de ces dents. Elles affectent les dents
temporaires de façon unitaire ou globale. Après quelques rappels concernant l’embryologie dentaire et les
caractéristiques anatomiques et histologiques des dents temporaires, les auteurs proposent de décrire les
différentes anomalies dentaires pouvant affecter les dents temporaires, ainsi que l’effet des radiations
ionisantes sur ces dents.
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Mots clés : Dents temporaires ; Anomalies de nombre ; Anomalies de morphologie ; Anomalies de structure
Médecine buccale 1
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Pour chaque arcade, l’épaississement épithélial prolifère et confère au bourgeon la forme d’une cupule. En effet, ces
s’enfonce dans le mésenchyme sous-jacent pour former le mur concentrations de cellules mésenchymateuses se divisent en
plongeant ou lame primitive. L’épithélium constituant cette deux groupes :
lame comporte alors quatre à six couches cellulaires : la couche • une concentration centrale dense qui s’oppose à la proliféra-
la plus profonde est formée de cellules prismatiques à noyaux tion des cellules épithéliales ;
allongés, orientées perpendiculairement à la membrane basale, • une concentration périphérique plus lâche qui s’étend sur le
et les couches superficielles présentent des cellules à noyaux pourtour des cellules épithéliales et des cellules mésenchyma-
arrondis et des cellules péridermiques allongées tangentielle- teuses centrales.
ment à la surface. On distingue alors nettement un ensemble épithélial, une
Des mitoses s’opèrent au sein de l’épithélium et du mésen- papille mésenchymateuse et une enveloppe mésenchymateuse.
chyme sous-jacent, témoignant d’une intense prolifération
cellulaire. Ensemble épithélial
Vers le 40e jour de vie intra-utérine, le volume de la langue Parallèlement à la différenciation cellulaire, plusieurs couches
s’accroît et la lèvre inférieure s’individualise. La lame épithéliale, cellulaires apparaissent au sein du tissu épithélial :
initialement pleine, se creuse d’un sillon superficiel par la lyse • une couche externe formée d’une rangée de cellules cuboï-
rapide des cellules les plus superficielles. Le futur vestibule se des ;
dessine et initie la séparation des régions labiale et génienne, de • une couche interne comportant des cellules plus hautes et
la cavité buccale. prismatiques ;
• une couche intermédiaire dans laquelle les cellules paraissent
Lame dentaire détachées des assises périphériques, formant un tissu de
« remplissage » (sa structure évolue ensuite vers celle du
La lame primitive se dédouble en une lame vestibulaire et réticulum étoilé [RE]).
une lame dentaire. En regard de cette dernière, la condensation Près de l’épithélium interne, dans la région centrale de
des cellules mésenchymateuses se précise, alors qu’elle s’affaiblit l’organe de l’émail, apparaît une formation transitoire consti-
au niveau de la lame vestibulaire. Entre la langue et l’arc tuée d’un rassemblement cellulaire : le nodule de l’émail. Cette
mandibulaire, se dessine le sillon lingual. formation se prolonge fréquemment par un cordon, qui traverse
la couche intermédiaire, et la relie à la lame dentaire. À la
Germes dentaires bordure de l’organe de l’émail, l’épithélium externe et l’épithé-
lium interne sont en continuité formant la zone de réflexion.
À partir de la lame dentaire, s’individualisent, de place en
place, de petits renflements épithéliaux, coiffés de cellules Mésenchymes papillaire et péridentaire
mésenchymateuses. Ces bourgeons, issus de la lame dentaire
dite primaire, sont à l’origine des futurs organes de l’émail des La condensation mésenchymateuse principale, située sous
dents temporaires, et des premières, deuxièmes et troisièmes l’organe de l’émail, présente de nombreuses cellules en multi-
molaires permanentes. Par la suite, après la formation des plication mais sans orientation préférentielle. La condensation
premiers organes de l’émail issus de la lame dentaire primaire, périphérique, entourant plus ou moins complètement le germe
une lame dentaire dite secondaire, apparaît pour donner les dentaire, est formée de cellules à noyau généralement allongé,
bourgeons des germes de remplacement. disposées tangentiellement. Dès ce stade, on observe l’appari-
tion d’axes vasculaires papillaires.
Mésodermisation de la lame dentaire
Membrane basale
Les premiers renflements épithéliaux destinés à former les Elle reste située entre le tissu épithélial et les tissus mésen-
dents temporaires se développent rapidement et se structurent chymateux. Elle se compose de fibrilles de collagène et de
pour donner les organes de l’émail. La lame dentaire est réticuline associées à des glycoprotéines.
entrecoupée de coulées mésenchymateuses. Les fragments Au cours de la morphogenèse, la prolifération des tissus
épithéliaux résiduels sont éliminés, détachant les renflements épithéliaux et mésenchymateux constitue une entité organoïde
épithéliaux de l’assise épithéliale buccale dont ils sont issus. appelée « germe dentaire ». Cependant, à ce stade du dévelop-
Au sein de chaque germe, l’organe de l’émail se développe au pement, l’aspect des différentes cupules est très voisin et ne
contact d’un tissu mésenchymateux : la papille dentaire. Le rend pas encore compte de la morphologie dentaire future.
mésenchyme entourant l’organe de l’émail et la papille est à Malgré une morphologie comparable des diverses cupules, de
l’origine du sac folliculaire mettant en rapport le germe dentaire légères différences de taille existent, probablement en raison de
et les structures voisines. proliférations cellulaires dissemblables. La morphogenèse
coronaire définitive débute au stade de la cloche induisant des
Morphogenèse du germe dentaire différences morphologiques entre les germes.
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Anomalies des dents temporaires ¶ 28-270-E-10
Tableau 1.
Chronologie de développement des dents temporaires (d’après Schour et Massler, 1941) [1].
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normal et un germe surnuméraire. À l’inverse, le diagnostic hypoplasie localisée de l’émail sous forme de puits, de sillons ou
différentiel entre fusion et concrescence (union de deux dents de plages anormales horizontales présents au niveau du tiers
par le cément) s’établit histologiquement. L’étiopathogénie de la moyen des dents, et particulièrement des molaires temporaires.
fusion reste à préciser. Selon Piette et al., elle serait d’origine Le type IC se traduit par des atteintes localisées plus sévères,
mécanique, des phénomènes de compression pouvant contrain- avec un émail hypoplasique et parfois hypominéralisé. Il peut
dre les germes dentaires à s’unir par leur couche épithéliale de concerner la quasi-totalité des dents temporaires.
Hertwig [8]. En denture temporaire, une incidence de 0,5 % à
2,5 % a été relevée par Pindborg [6]. Par ailleurs, une fusion des Type II : hypomaturation
dents temporaires est généralement suivie d’une hypodontie des Cette forme d’amélogenèse imparfaite résulte d’un défaut de
dents permanentes correspondantes. En présence du syndrome maturation de l’émail. Par conséquent, l’émail est d’épaisseur
de Down, la fusion entre l’incisive latérale mandibulaire normale, mais est moucheté ou marbré. Il est également friable
temporaire et la canine ou l’incisive centrale peut être obser- et plus mou que l’émail normal. Il présente une radiodensité
vée [4]. La fusion de dents temporaires est également observée comparable à celle de la dentine.
dans le syndrome de Sensenbrenner (dysplasie Les dents temporaires peuvent être concernées, en particulier
cranioectodermique). par le type IIB (transmission récessive liée au chromosome X) de
cette anomalie. L’émail est blanc, opaque et dépoli. Il peut être
Invagination dentaire lésé par une sonde. Chez l’enfant de sexe féminin, l’atteinte est
Cette anomalie traduit l’invagination plus ou moins pronon- généralement moins sévère et se traduit par l’alternance de
cée de la couronne ou de la racine vers l’espace pulpaire. Elle bandes verticales d’émail normal translucide et de bandes
résulte d’une invagination de la couche épithéliale avant le d’émail anormal blanc crayeux et dépoli. Le type IIC (transmis-
stade de minéralisation. Histologiquement, les parois d’une sion liée au chromosome X) peut également atteindre les dents
invagination coronaire sont tapissées d’une couche d’émail temporaires dont la couronne présente alors une « coiffe »
mince et hypominéralisé, favorisant l’apparition de la lésion d’émail blanc opaque, pouvant être confondue avec des signes
carieuse avec atteinte pulpaire précoce. Des facteurs étiologiques de fluorose. Le nombre de dents concernées varie en fonction
comme la fusion de deux germes, une pression anormale des de la sévérité de l’atteinte.
tissus environnants pendant la formation de la dent, ou encore
Type III : hypominéralisation
la rétention de cellules épithéliales aberrantes lors de la
différenciation de l’organe de l’émail ont été proposés. En Ce type d’amélogenèse imparfaite est plus fréquent. Il résulte
denture temporaire, cette anomalie reste exceptionnelle. d’un défaut de minéralisation de l’émail et affecte les dents de
manière bilatérale et symétrique.
Taurodontisme L’émail est d’épaisseur normale mais présente une consistance
molle et une coloration jaune orangée à l’éruption qui devient
Décrit par Keith en 1913, le taurodontisme se caractérise par progressivement brune. Il a tendance à s’effriter sous l’effet de
une élongation de la pulpe camérale au détriment de la pulpe la mastication. Sa radiodensité est comparable à celle de la
radiculaire et par un diamètre au collet supérieur à la dentine.
moyenne [9].
Le taurodontisme est généralement attribué à un défaut Type IV : hypomaturation-hypoplasie avec taurodontisme
d’invagination de la gaine épithéliale de Hertwig à un niveau
horizontal normal [8]. L’origine génétique de cette anomalie est L’émail est marbré ou moucheté et présente des puits. Il est
admise, mais le mode de transmission précis reste mal connu. de couleur blanche, jaune ou brune. Son épaisseur est parfois
Cette anomalie concerne particulièrement les molaires plus fine avec des zones d’hypomaturation. La radio-opacité de
temporaires isolément ou non, uni- ou bilatéralement. l’émail est très légèrement supérieure à celle de la dentine. Les
molaires présentent un taurodontisme. Cette anomalie est due
à une atteinte polygénique complexe.
■ Anomalies de structure Amélogenèses imparfaites associées
Ces anomalies affectent l’émail, la dentine ou le cément. Elles à des syndromes
peuvent être macroscopiques ou microscopiques et affecter une
Elles sont nombreuses et n’ont pas toutes été recensées. Ce
ou plusieurs dents.
sont le plus souvent des hypoplasies accompagnées parfois
d’hypominéralisation. À titre d’exemple, nous pouvons citer le
Anomalies de l’émail syndrome de Down, le syndrome de Turner (syndrome XO),
l’épidermolyse bulleuse dystrophique ou encore la
Amélogenèses imparfaites héréditaires phénylcétonurie.
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rubéole lors des derniers mois de gestation. Les hypoplasies progressive et rapide des chambres pulpaires, ainsi que les
concernent particulièrement les molaires et les canines tempo- canaux radiculaires en raison d’un dépôt continu de dentine.
raires et se présentent sous forme d’une ligne d’incrément. Les racines sont courtes et les apex arrondis. L’examen histolo-
Pour Kaqueler et al., ces lésions des dents temporaires sont gique révèle une couche d’émail normale mais une jonction
retrouvées chez 25 % des enfants prématurés [3]. amélodentinaire rectiligne responsable de l’écaillage. La dentine
profonde, plus altérée, est hypominéralisée, et sa microdureté
Hypoplasies néonatales réduite. Elle comporte des régions dépourvues de tubules et des
Elles sont associées à la survenue, à la naissance ou au cours espaces de matrice non calcifiée. La cavité pulpaire est comblée
du premier mois de vie, de pathologies telles qu’une hyperbili- par une matrice dentinaire irrégulière comportant des odonto-
rubinémie, un ictère nucléaire, un désordre métabolique du blastes atypiques [8]. La résistance à l’atteinte carieuse est due
calcium ou une infection virale ayant nécessité un traitement aux canalicules qui sont en faible nombre et se minéralisent
intensif néonatal. Elles se manifestent par des lignes mésiodis- rapidement.
tales au niveau du tiers cervical des faces vestibulaires des
incisives maxillaires. Dentinogenèse imparfaite de type II (dentine opalescente
L’hypoplasie néonatale est à distinguer de l’odontoclasie qui héréditaire)
est une hypoplasie linéaire atteignant les mêmes sites, respon- Ce type de dentinogenèse imparfaite est le plus fréquemment
sables de caries rampantes et décrite principalement à Hawaï, en rencontré. Il n’est pas associé à l’ostéogenèse imparfaite. Toutes
Nouvelle-Zélande, en Polynésie française, en Nouvelle-Guinée, les dents temporaires sont atteintes. Les signes cliniques et
en Birmanie, à Panama, au Salvador et en Ouganda [8]. Ces radiologiques sont sensiblement identiques à ceux décrits pour
hypoplasies sont plus fréquentes chez l’enfant prématuré. le type I.
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Dysplasies dentinaires associées à des syndromes peuvent être associées à des anomalies de structure de la dent.
Cependant, d’autres anomalies de coloration peuvent être dues
Différents syndromes ou pathologies héréditaires peuvent être à un trouble survenant lors de la formation de la dent et avoir
associés à des dysplasies dentinaires des dents temporaires. On une origine héréditaire ou acquise.
peut ainsi citer l’hypophosphatasie qui s’accompagne générale-
ment d’un élargissement des chambres pulpaires des incisives
temporaires et de la perte prématurée de ces dents. Anomalies d’origine héréditaire
et congénitale
Anomalies du cément Une coloration verdâtre des dents temporaires peut être
Les anomalies du cément surviennent pendant la formation associée à différentes affections comme un anasarque fœtopla-
de la racine, mais également au cours du vieillissement de la centaire avec ictère nucléaire ou des cholestases. Cette colora-
dent. tion indélébile de l’émail et de la dentine est causée par des
Les aplasies et hypoplasies du cément affectent notamment dépôts de biliverdine. Plus occasionnellement, des colorations
les dents temporaires antérieures avant l’âge de trois ans. Le verdâtres ou brun-jaune peuvent être observées en présence
diagnostic est généralement radiologique et confirmé histologi- d’ictères associés à des pathologies telles que la rubéole, la
quement. Ces anomalies se traduisent par un défaut de dépôt de toxoplasmose, la syphilis, l’herpès, la mucoviscidose ou encore
cément cellulaire superficiel sur la couche de cément acellulaire un kyste du cholédoque. Une coloration brun-jaune des dents
qui est, par ailleurs, amincie. Des aplasies et des dysplasies du temporaires peut également être liée à une hépatite néonatale.
cément peuvent être associées au syndrome de Scheuthauer- En cas de maladie de Günther (porphyrie érythropoïétique
Marie-Sainton (dysostose cléïdocrânienne) ou à l’hypophospha- congénitale), les dents temporaires peuvent parfois présenter
tasie (ostéopathie d’origine génétique entraînant une une coloration rougeâtre ou brun-rose. Par ailleurs, elles
déminéralisation osseuse). montrent toujours une fluorescence rouge en lumière
ultraviolette.
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arrêt du développement dentaire consécutif à la destruction des [8] Piette E, Goldberg M. Anomalies et malformations des dents. In:
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Histologiquement, la couche odontoblastique est désorgani- Bruxelles: De Boeck & Larcier; 2001. p. 5-17.
sée, entraînant la formation d’une dentine atypique. La vascu- [9] Keith A. Problems relating to the earlier forms of prehistoric man. Proc
larisation est également perturbée et se traduit par une atrophie R Soc Med 1913;6:103-24.
pulpaire [8]. [10] Witkop Jr. CJ. Hereditary defects of dentin. Dent Clin North Am 1975;
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F. Tilotta (tilotta.yasukawa@wanadoo.fr).
Service d’odontologie, Hôpital Louis Mourier, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France.
Département Anatomie dentaire, UFR odontologie, Université Paris-Descartes, 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France.
M. Folliguet.
Service d’odontologie, Hôpital Louis Mourier, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France.
Département Santé publique, UFR odontologie, Université Paris-Descartes, 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France.
S. Séguier.
Service d’odontologie, Hôpital Louis Mourier, 178, rue des Renouillers, 92700 Colombes, France.
Département Anatomie pathologique, UFR odontologie, Université Paris-Descartes, 1, rue Maurice-Arnoux, 92120 Montrouge, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Tilotta F., Folliguet M., Séguier S. Anomalies des dents temporaires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Médecine buccale, 28-270-E-10, 2010.
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