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Texte de Référence – Pr Vincent Durlach – MOOC tabac

Tabagisme, Diabète et Poids

Le tabagisme et le DT2 s’inscrivent dans le champ des maladies chroniques et constituent deux
problèmes de santé publique majeurs ; ils réduisent l’un et l’autre sensiblement l” espérance de vie
(10 en moyenne pour le tabagisme, 6 ans pour le DT2) et évoluent de manière épidémique1.

On sait que plus d’1 milliards d’homme et 250 millions de femmes fument et que l’évolution du
DT2 est épidémique, satellite de celle de l’obésité abdominale touchant 4 à 10 % de la population2.
En France la prévalence du tabagisme est estimée à 13 % chez les DT2 et 36 % chez les DTI, elle
diminue nettement avec l’âge1.

Tabagisme et Insulino-Résistance

Il existe un lien très probable entre le tabagisme et l’accumulation de graisse viscérale qui fait le
lit du syndrome métabolique associant variablement (DT2, hypertension artérielle,
hypertriglycéridémie à jeun et post-prandiale, baisse du HDL-Cholestérol, état pro-thrombotique)
dans un contexte d’insulino-résistance (IR). En effet si le fumeur présente en moyenne un poids
inférieur à celui du non-fumeur, il présente en revanche un excès de tissu adipeux abdominal avec
un rapport taille/hanche plus élevé qui s’associe à une IR dont témoigne une hyperinsulinémie3.
Cette répartition androïde des graisses chez le fumeur est favorisée par un effet anti-oestrogène de
la nicotine. L’IR tant en aigu qu’en chronique est réversible lors de l’arrêt du tabagisme.
Ses mécanismes sont discutés , mais font intervenir : stimulation de la production d’hormone de
contre-régulation glycémique (catécholamines, cortisol) induite par la nicotine , effet toxique direct
sur l’insulino sécrétion f pancréatique liée à la nicotine et/ou la fumée de tabac, l’effet pro-
inflammatoire de la fumée de tabac induisant une inflammation de bas grade , les effets toxiques
pour Pendothelium vasculaire du stress oxydatifs et de l” hypoxie causée par le CO . Cette IR est
favorisé par le tabagisme actif (+ 40 %) mais également par le tabagisme passif (+ 28 %), des
facteurs génétiques de prédisposition touchant en particulier le récepteur cholinergique à la nicotine
pourraient également intervenir 4.

Sur des données initialement transversales et/ou rétrospectives il a été confirmé prospectivement
que le risque relatif de DT2 était 1,5 à 3 fois supérieur chez les fumeurs que chez les non-fumeurs
et ce de manière dose dépendante5. L’ HbA lc est plus élevé chez les fumeurs actifs (+ 0.1 %) non
DT2 et les ex-fumeurs (+ 0.03 %) que chez les non-fumeurs2.
Tabagisme et DT2

Dès lors que le DT2 est présent le tabagisme majore de manière dose-dépendante l'incidence et la
morbi-mortalité macro-angiopathique (infarctus du myocarde, AVC, artériopathie des membres
inférieurs), que micro-angiopathique (rétinopathie, néphropathie) avec un niveau de preuve plus
faible, tant chez l'homme que chez la femme (tonsdat, sauvanet) soulignant donc l’importance
cruciale du sevrage tabagique chez le DT2.

Les mécanismes impliqués dans l’aggravation des complications micro et macro-angiopathiques


sont complexes et intriqués : liés à l'IR (hypertriglycéridémie, diminution du HDL-cholestérol,
peroxydation des LDL ...) ainsi qu’à la dysfonction endothéliale associant spasme et thrombose
favorisé par l’hypoxie (CO dépendante) et inflammation de la paroi artérielle. Lorsque que le
diabétique est traité son équilibre glycémique est de moins bonne qualité lorsqu’il est fumeur ; s’il
est traité par l'insuline, du fait d’une résorption retardée de l’insuline |” équilibre glycémique est
plus instable, le risque d’hypoglycémie augmenté. Le DT2 plus volontiers dépressif que le non
diabétique l’est d’ autant plus qu’il fume de manière modérée à importante (> 11 cig/j) 7 .

Sevrage Tabagique chez le DT2

Il est indispensable et de bon sens chez le DT2, mais ne fait cependant l’objet que de très peu
d’études reposant uniquement sur des interventions psycho-comportementales associées ou non à
une substitution nicotinique (tableau 1.). Elles portent sur des effectifs limités de patients et ne
permettent donc pas de conclure.
Il se heurte par ailleurs comme chez les non diabétiques à la question sensible de la prise de poids,
susceptible de dégrader l” équilibre glycémique et contre laquelle le diabétique lutte en
permanence. Une méta-analyse récente portant sur 62 études12 a bien montré que celle-ci , bien
que fréquente ( 4 à 5 kg après 12 mois d’ abstinence) , n'est pas inéluctable ( 16 à 21 % des sujets
perdent du poids ), ceci quels que soient les traitements utilisés ( substitution nicotinique,
bupropion, varénicline). Un profil de sujets à risque de prendre du poids a pu être proposé par
certains auteurs13 :

• Sujet de moins de 55 ans fumant plus de 15 cig/j :

• Femme en restriction calorique avec antécédents de fluctuations pondérales et un IMC


bas

• Statut socio-économique bas et sédentaire

De plus le bénéfice relatif du sevrage tabagique en particulier sur le plan cardio-vasculaire est
significativement supérieur sur le long terme au réel inconvénient représenté par la prise de poids
chez le diabétique14, 15. Il doit être envisagé le plus précocement possible puisqu'il apparait
maintenant clairement que le tabagisme maternel majore le risque de retard de croissance intra-
utérin , lui-même facteur de risque de surpoids , d’ obésité abdominale et DT2 pour l'enfant
probablement par des mécanismes épigénétiques16 .
Conclusions

Il existe un lien clairement documenté entre l’accumulation de graisse viscérale lIR et le tabagisme
chronique. Ce dernier favorise donc l’expression du SM et de ses différentes composantes dont le
(DT2). Près d’un quart des patients DT2 sont fumeurs, le tabagisme chronique est un déterminant
majeur des complications macro-angiopathiques (1ére cause de mortalité) mais également de la
mortalité par cancers. Le tabagisme favorise également les complications micro-angiopathiques du
DT2 en particulier la néphropathie. Il y a donc un bénéfice majeur à éviter toute consommation
tabagique chez le DT2 ou a l'aider à se sevrer s’il est déjà fumeur. Il n’existe actuellement que très
peu d’études sur la stratégie spécifique de prise en charge thérapeutique du sevrage tabagique chez
les DT2, qui représente cependant une absolue nécessité. Celle-ci se heurte de plus aux difficultés
particulières de la maladie chronique et à la crainte de la prise de poids chez des patients présentant
pour majorité un excès pondéral.

Néanmoins le bénéfice absolu du sevrage tabagique chez le diabétique est bien supérieur à terme
aux inconvénients liés à la fréquente prise de poids secondaire à celui-ci. En tout état de cause, la
prise en charge du sevrage tabagique doit être systématiquement incluse dans les soins donnés aux
DT2 et sera d’autant plus efficace que les équipes éducatives diabétologiques y sont sensibilisées
et formées.

Références

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