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Les mappes sardes sont une collection de documents cadastraux cartographiques réalisés à la fin du

XVIII e siècle sur l'étendue du Duché de Savoie 1 , hormis le Val d'Aoste, qui disposait à l'époque des
lettres de franchises l'exonérant du paiement de la taille. Ils constituent le premier cadastre graphique
européen. Origine et histoire des mappes sardes Dans les États de la Maison de Savoie, la collecte de
l'impôt foncier, la taille, ne relevait d'abord que d'une mesure exceptionnelle. Il faut attendre 1559 pour
que les besoins financiers croissants du pouvoir ducal justifient l'annualation de cet impôt. Celui-ci est
dû par la commune ou la paroisse de manière globale, charge à elle d'établir une péréquation fiscale
entre ses administrés. Naturellement, le clergé et la noblesse réussissent à se faire exempter du
paiement de l'impôt, qui est donc entièrement supporté par le « tiers-état »; cet état de fait donne lieu à
moult protestations, inutiles et vaines. Malgré tout, les considérations d'équité élémentaire, doublées
du désir d'augmenter l'assiette de cet impôt, conduisent le duc Charles-Emmanuel I er —profitant d'un
renforcement de son pouvoir sur ses vassaux — à promulguer, le 27 mars 1584, un édit visant à indexer
le montant de la taille sur la propriété agricole, édit confirmé par un second acte daté du 1 er mai 1600.
L'application de ces mesures entraîne la première tentative de cadastration; bien vite abandonnée pour
deux raisons principales: le manque évident de bonne volonté des nobles et du clergé, farouchement
hostiles à une telle mesure, et l'état embryonnaire de l'information géographique de l'époque, les
communes ne connaissant pas, pour la plupart, les limites exactes de leur juridiction. Les tabelles
établies vont cependant servir de départ à la nouvelle campagne de cadastration, ordonnée par Victor-
Amédée en 1728, voulue « pour le cas où une terre viendrait à être vendue par un noble à un roturier».
Dix ans de labeur La campagne de relevé et de bornage durera dix ans, un temps record pour l'époque,
la surface cadastrée couvrant la Savoie et la Haute-Savoie actuelle, plus des communes actuellement
rattachées au canton de Genève (le Piémont avait fait l'objet d'une opération similaire quelques années
avant — quant au Val d'Aoste, son Conseil des commis s'opposa à l'établissement d'un cadastre,
excipant de privilèges du XII e siècle dispensant l'intégralité du territoire du paiement de la taille ; il eut
finalement gain de cause). L'unité de mesure en usage dans le Piémont à l'époque, était le « trabuc » (le
mètre n'ayant pas encore été défini) équivalant à 3,144 mètres. Les géomètres choisis pour les relevés
sont aidés par deux commis: les indicateurs et les estimateurs. Les premiers ont comme rôle d'indiquer
les limites et les propriétaires de chaque parcelle, alors que les seconds en estiment le rendement; pour
éviter les cas manifestes de mauvaise foi, un expert officiel est chargé de confirmer les estimations. La
mesure des parcelles s'accomplit sous le contrôle du propriétaire — à peine pour celui-ci de perdre le
droit à contester l'opération; une mesure unique, puisque, en France du moins, le cadastre, instrument
fiscal, n'a jamais été établi au cours d'une procédure contradictoire. Ce mode opératoire spécial
conférera une validité juridique aux mappes, en tant que documents établissant une présomption de
propriété. Finalement, les fonctionnaires produisent trois documents par commune: une carte, la
mappe, établie au 1:2400 dessinée à la planchette; un livre de géométrie, sorte de registre de consigne
répertoriant, pour chaque parcelle, le nom du propriétaire et l'étendue du fonds ; un livre d'estime
ajoutant à ces informations le degré de bonté (productivité) ainsi que la production annuelle de chaque
terrain. Ces deux documents, envoyés à des «calculateurs» permettent de fixer, pour chaque parcelle, la
valeur foncière et le montant de l'imposition. Le tout sert à rédiger un document provisoire, la tabelle
préparatoire ou cadastre minute dont un exemplaire, joint à la mappe, est mis en consultation dans
chaque commune. Tous les propriétaires, dans un délai de quinze jours à peine de forclusion, doivent
vérifier le document et donner leur accord — ou protester. Une fois tranchés les litiges, le document
final ou cadastre mis au net est versé à l'administration, qui en réalise des ampliations destinées aux
communes dès 1732 au début du règne de Charles-Emmanuel III (rares sont celles qui ont survécu). Une
initiative sans suite En parallèle, les livres de transport et le journalier permettent à un tabellion
communal d'enregistrer les mutations effectués postérieurement à l'établissement de la mappe. Ces
registres sont bien tenus jusqu'à la Révolution, mais la première annexion à la France engendre un total
abandon des enregistrements; la période du Ier Empire ne permet pas de reconstituer les données
manquantes malgré les efforts consentis par les fonctionnaires impériaux. La Savoie, de retour en 1815
au royaume de Piémont-Sardaigne, fait alors l'objet d'un projet de nouveau cadastre en 1855, mais
l'annexion définitive à la France, en 1860, sonne le glas de cette initiative. Les fonds cartographiques
existants sont alors versés aux archives de chaque département. Conservation Les mappes sont
physiquement constituées de feuilles de papier épais collées sur un support en lin. Le dessin a été
effectué à la plume, le coloriage à l'aquarelle, parfois avec un souci du détail extraordinaire. Les couleurs
utilisées codent l'usage du sol: bâti, champs, jardins, rocaille… Leur état de conservation varie
considérablement suivant les communes: certaines sont très bien conservées, d'autres sont
partiellement effacées, parfois brûlées. Heureusement, les ampliations communales ont parfois permis
de reconstituer les originaux manquants. L'état général reflète fidèlement l'usage intensif que les
communes ont fait des documents jusque naguère, le cadastre français ayant mis parfois quelques
décennies avant d'arriver dans les municipalités les plus isolées. Les archives départementales de Savoie
et de Haute-Savoie ont récemment ouvert un service de consultation Internet des mappes, les
documents ayant été numérisés pour en autoriser la consultation publique non-destructive. Les registres
ont été également numérisés et archivés, un SIG permet désormais d'associer parcelle graphique avec
les informations écrites (propriétaire, bonté, superficie…).

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