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Collège
de France
Recentrer l’Asie centrale | Frantz Grenet

Recentrer l’Asie
centrale
Leçon inaugurale prononcée le jeudi
7 novembre 2013

Frantz Grenet
Texte intégral
1 Monsieur l’Administrateur,
Messieurs les ambassadeurs,
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
2 En créant une chaire «   Histoire et cultures de l’Asie
centrale préislamique », d’abord à l’initiative de Gérard
Fussman et de Jean Kellens envers qui je tiens à
exprimer ma gratitude, le Collège de France n’a pas

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totalement innové. Une chaire portant un intitulé assez
proche, mais sans la spécification « préislamique », avait
déjà existé de 1965 à 1977   ; le titulaire en était Louis
Hambis.
3 L’objet scientifique qui s’offrait alors sous le nom Asie
centrale différait beaucoup de ce qu’il est devenu depuis.
On restait alors dans le droit fil des études que Paul
Pelliot avait consacrées à cette zone comme une partie de
l’enseignement de sa chaire, intitulée « Langues, histoire
et archéologie de l’Asie centrale   », mais d’une Asie
centrale vue presque uniquement sous l’angle de ce
qu’elle avait donné à la Chine et de ce qu’elle en avait
reçu. À cette époque, l’archéologie dont on pouvait se
nourrir était presque uniquement une archéologie du
bouddhisme, celui de l’Afghanistan où œuvrait la
Délégation archéologique française en Afghanistan
(DAFA) et celui du Turkestan chinois qu’avaient
parcouru les grandes expéditions européennes du début
du siècle, dont une mission française conduite par Pelliot
lui-même. Les résultats des fouilles soviétiques étaient
demeurés presque inconnus à Pelliot ; Hambis en avait
reconnu l’importance mais il n’avait pas de contact avec
le terrain. Quant aux sources écrites que l’on mobilisait,
il s’agissait presque uniquement des sources chinoises,
chroniques et récits de pèlerins bouddhistes, les seules
dont on pensait alors qu’elles pouvaient fournir des
repères chronologiques fiables. On prêtait aussi une
grande attention aux récits des voyageurs européens du
XIIIe   siècle, dans une perspective où l’Empire mongol
était perçu comme le grand décloisonnement de l’Eurasie
et où l’entreprise emblématique était l’édition et le
commentaire de Marco Polo, tâche à laquelle Pelliot puis
Hambis consacrèrent beaucoup d’énergie.
4 À vrai dire, la chaire de Sinologie du Collège de France
n’avait jamais cessé de prêter une attention toute
particulière – on peut même dire unique – à ces voisins
terrestres que les Chinois avaient appelés « les Barbares

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d’Occident   », avant de subir d’autres invasions, plus
redoutables, venues par la mer sur des canonnières à
partir de 1840. Dès 1820, Jean-Pierre Abel-Rémusat,
premier titulaire de la chaire de Langues et littératures
chinoises et tartares-mandchoues, faisait paraître son
Histoire de la ville de Khotan, tirée des documents
chinois. Un peu plus tard, Stanislas Julien livrait la
première traduction du récit de voyage du pèlerin
Xuanzang, l’une des sources principales sur l’Asie
centrale et l’Inde du Nord au VIIe  siècle. Dans le même
temps, en Russie, Nikita Bitchourine, en religion frère
Hyacinthe, ancien missionnaire orthodoxe à Pékin,
publiait le recueil des notices sur l’Asie centrale
contenues dans les chroniques chinoises, recueil qui
jusqu’à aujourd’hui n’a plus quitté la table de nos
collègues russophones1. Stanislas Julien et frère
Hyacinthe entretenaient une correspondance préfigurant
les liens d’amitié entre savants russes et français qui
allaient plus tard tant contribuer au progrès des études
centrasiatiques. Je suis un jour tombé par hasard sur un
échange où ils déploraient de concert que Marco Polo ne
soit alors accessible que par un instrument insuffisant,
l’édition de Pauthier, un savant dont plus tard Pelliot,
terrible comme il savait parfois l’être, écrivit qu’il avait
passé sa vie à essayer d’apprendre le chinois sans jamais
y parvenir tout à fait. C’est aussi à Saint-Pétersbourg
qu’en 1903 Édouard Chavannes fit paraître ses
admirables Documents sur les Tou-kiue (Turcs)
occidentaux2, un outil de travail qui n’a pas vieilli. Puis
vint Pelliot, son disciple, le premier spécialiste français
de l’Asie centrale à avoir travaillé sur le terrain à
l’occasion de sa mission dans le Turkestan chinois. Sa
contribution majeure fut cependant la moisson de textes
qu’il rapporta de Dunhuang. Parmi tous ceux qui se
servirent dans le capharnaüm à manuscrits du moine
Wang, lui seul pouvait se faire une idée du contenu des
manuscrits écrits en d’autres langues que le chinois et le

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sanskrit. Grâce à la sagacité des choix de Pelliot, le jeune
Émile Benveniste, qui devait enseigner au Collège de
France la grammaire comparée, put faire sur les riches
matériaux sogdiens rapportés à Paris ses débuts de
philologue des langues iraniennes, introduisant alors
dans les études centrasiatiques une culture qui, bien plus
tard, allait se trouver sous les feux de la rampe. Un
avenir qu’annonçait aussi Pelliot lui-même avec un
article précurseur paru en 1916, « Le “Cha Tcheou Tou
Fou T’ou King” et la colonie sogdienne de la région du
Lob Nor3   ». Le thème des colonies sogdiennes n’allait
être repris que dans l’après-guerre par Edwin
Pulleyblank. Il est aujourd’hui installé au cœur de la
recherche sur les routes transasiatiques.
Figure 1. La Tartarie sur l’Atlas de Mercator.

Jodocus Hondius le Jeune, L’Atlas ou méditations


cosmographiques de la fabrique du monde, planche 139,
c.   1613, Royal Geographical Society, Londres, no
d’inventaire : S0011785.
© Royal Geographical Society, Londres.
5 Ce rappel de ce que les études sur l’Asie centrale doivent

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à la chaire de Sinologie du Collège de France était
nécessaire au moment où nous nous apprêtons à en fêter
le bicentenaire. En même temps, et autant que le rappel
qu’eussent aussi mérité les contributions de la chaire
d’Indologie, il nous instruit sur l’approche que reçut
longtemps cette aire culturelle   : une approche par
l’extérieur. Approche dont relevaient aussi les premières
recherches de géographie historique, celles de
Tomaschek et de von Schwartz fondées surtout sur les
historiens gréco-latins d’Alexandre, celles de Markwardt
et de Barthold fondées surtout sur les géographies arabe,
persane et arménienne. Les expressions propres aux
peuples de l’Asie centrale, qu’elles fussent littéraires ou
artistiques, ont mis beaucoup de temps à se dégager de la
gangue des influences.
6 L’Asie centrale est une aire culturelle tardivement
reconnue car son émergence en tant que réalité
géographique a été très lente. Aujourd’hui encore, quand
on parle de Samarkand à un interlocuteur même éclairé,
l’inévitable commentaire « Samarkand, un nom qui fait
rêver » provoque immédiatement des questions sur son
inscription dans des cadres géographiques, politiques et
linguistiques reconnaissables. Le terme Asie centrale fut
créé vers 1825, simultanément du côté russe par l’agent
politique Georges de Meyendorff et du côté français par
Julius Klaproth, un sinologue un peu sulfureux lancé par
Jan Potocki, l’auteur du Manuscrit trouvé à Saragosse,
et qui n’hésitait pas à fabriquer de faux récits de voyage
sans avoir pour cela le talent littéraire de son mentor. Ce
terme ne tarda pas à s’imposer, à côté de sa variante Asie
moyenne parfois préférée en Russie. Quand on lit cette
littérature géographique du XIXe  siècle, on s’aperçoit vite
que derrière les rationalisations sur les climats ou sur les
frontières dites naturelles se joue un profond
malentendu opposant la vision européenne et la vision
russe. Du point de vue européen, l’Asie centrale se définit
comme ce qui n’est ni la Russie, ni la Chine, ni la Perse,

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ni ce qui est en train de devenir l’Inde britannique, donc
une sorte d’entre-deux voué à recevoir des États-
tampons, dont finalement le seul sera l’Afghanistan. Du
point de vue russe au contraire, et cela depuis Pierre le
Grand, c’est un espace terrestre contigu, prolongement
naturel de la steppe russo-sibérienne, et que l’empire des
tsars se donne pour mission de contrôler, puis d’annexer,
enfin de coloniser ; un projet qui sous ses avatars divers
s’est nourri de nécessités stratégiques, d’un sentiment de
supériorité culturelle ou d’un grand dessein idéologique,
quand ce ne fut pas dans les milieux panslavistes le rêve
de reconquérir le berceau des peuples aryens, un thème
qui resurgit aujourd’hui chez certains savants du
Tadjikistan indépendant. Le fait avéré que cet espace n’a
pas de limites scientifiquement démontrables a couvert
commodément diverses tentatives russes puis
soviétiques pour le déborder, que ce soit au Turkestan
chinois à plusieurs reprises, au Khorasan iranien
pendant la dernière guerre, ou en Afghanistan plus
récemment. Parmi les savants aussi la notion est
longtemps restée à géométrie variable. Louis Hambis,
qui travaillait beaucoup sur la Sibérie et sur la Mongolie,
lui donnait une acception très large. Dans mon
enseignement, j’entends pour ma part recentrer l’Asie
centrale dans les limites plus resserrées sur lesquelles les
archéologues se sont accordés depuis quelques
décennies, en englobant sous ce terme les cinq
républiques ex-soviétiques du Turkménistan, de
l’Ouzbékistan, du Tadjikistan, du Kazakhstan et du
Kirghizistan, et aussi l’Afghanistan, avec en plus un
intérêt pour la région autonome chinoise du Xinjiang,
surtout dans les périodes où étaient vives ses affinités
culturelles avec les pays situés à l’ouest du Pamir.
Cependant je ne refuserai pas non plus de m’intéresser à
l’Iran et en particulier à l’Iran sassanide, puissant voisin,
par moments conquérant partiel, dans certains domaines
modèle de référence, un point sur lequel je vais être

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amené à revenir dans un instant. Pas davantage je ne
considérerai comme toujours infranchissable la césure
entre le préislamique et l’Islam classique.
7 Au préalable, il convient de se demander comment cet
espace était défini en Occident avant cette invention, un
peu par défaut, du terme Asie centrale. Ce qu’il est venu
remplacer sur nos cartes, c’est en fait la notion de
Tartarie, ou de Grande Tartarie (fig.   1), suivant la
conception historiquement exacte selon laquelle la
structuration politique précoloniale de toute la zone
remontait au partage de l’Empire mongol entre les fils et
petits-fils de Gengis Khan. Ce passé terminologique n’est
pas innocent dans la façon dont ces peuples ont été
perçus sur la longue durée. La Tartarie, c’est le pays des
Tartares, dont Saint Louis nous disait qu’ils étaient sortis
du Tartare et devaient y être renvoyés. À considérer bien
d’autres épisodes historiques, dont le dernier en date fut
le 11   septembre   2001, on se prend à croire que les
peuples d’Asie centrale sont un peu comme les
anarchistes de Léo Ferré   : on ne les voit jamais que
quand on a peur d’eux. Déjà en 842, à Bagdad, le calife
al-Wathiq s’inquiéta en apprenant que des nomades
s’apprêtaient à sortir de la muraille de Gog et Magog
mentionnée dans le Coran, et il envoya là-bas une
mission d’exploration. Celle-ci ramena la description
d’un des longs murs réellement dressés par les
sédentaires face à la steppe – à vrai dire on ne sait pas
trop lequel, la Grande Muraille de Chine n’étant qu’un
candidat possible parmi d’autres. Plus tôt encore, au
Ve   siècle, s’était formé dans l’Afghanistan actuel et au
nord de celui-ci l’empire des Huns hephtalites, dont
l’aristocratie était peut-être apparentée au clan d’Attila
(fig. 2). En 484, le souverain sassanide Pērōz partit les
affronter et périt au combat avec la fleur de sa chevalerie.
Quand on lit ce qu’écrivait sur eux le chroniqueur
arménien Lazare de Pharp, contemporain de ces guerres,
on a l’impression qu’il décrit le Fléau de Dieu ou la

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terreur mongole :
Même en temps de paix, la seule vue ou la seule mention
d’un Hephtalite terrifiait tout un chacun. [Quand Pērōz
entra dans leur pays], ses troupes s’avançaient
davantage comme des condamnés à mort que comme
des guerriers marchant en campagne.

Figure 2. Le souverain hephtalite Javukha


(c. 490).

© F. Grenet et F. Ory, 2013.


8 En fouillant le site de l’ancienne Merv, aujourd’hui au
Turkménistan, qui fut le point de départ de la campagne
de Pērōz, les archéologues soviétiques ont retrouvé
l’endroit où les contingents amenés des montagnes sud-
caspiennes – qui étaient aux armées de l’Iran ce que la
Suisse était à celles de la Renaissance – avaient dépensé
leur solde à la veille du combat fatal   : des pièces de
cuivre émises par un atelier de leur pays avaient été
laissées dans un bâtiment à petites cellules où nos
collègues voulurent d’abord reconnaître un monastère
chrétien, avant de l’identifier comme un établissement
moins recommandable à la morale4.
9 Ce microscopique exemple aura au moins le mérite de
montrer que la tâche de l’archéologue d’aujourd’hui est
tout autant de donner substance aux récits transmis par
les auteurs anciens que de les démythifier quand il le

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faut. L’archéologie de l’Asie centrale est, par rapport à
d’autres, très jeune. Si l’on met à part les grandes
explorations du Turkestan chinois qui, à l’exception des
travaux de Mark Aurel Stein, étaient surtout des collectes
conduites sans méthode de fouille digne de ce nom, elle
remonte principalement à deux écoles qui se sont
formées dans l’avant-guerre, ne se sont pleinement
rencontrées que dans les années 1980, et ont maintenant
dans une large mesure fusionné sur le terrain. Ces écoles
sont d’un côté l’école française d’archéologie afghane, de
l’autre l’école soviétique des républiques d’Asie centrale.
10 La DAFA, Délégation archéologique française en
Afghanistan, fut créée en 1922 par l’indianiste Alfred
Foucher et conserva longtemps le monopole des fouilles
dans ce pays. Elle s’assignait pour but d’une part l’étude
des très nombreux monuments bouddhiques, d’autre
part la redécouverte des traces archéologiques laissées
par les royaumes grecs successeurs d’Alexandre, qu’on
ne connaissait encore que par leurs monnaies, dont
certaines comptent parmi les plus beaux spécimens des
monnayages hellénistiques. Si le premier objectif fut dès
le départ largement rempli et donna lieu à une série de
publications remarquables, le second fut jalonné par des
échecs, avant qu’en 1964 cette longue quête ne se voie
récompensée, ô combien, par la découverte de la ville
d’Aï Khanoum, qu’on désigne toujours par le nom actuel
du site mais qu’on s’accorde aujourd’hui à identifier à la
ville ancienne d’Eucratidia, capitale d’Eucratide
(171-144   av. n.   è.), l’un des derniers rois grecs de
Bactriane. Entre-temps, la DAFA avait su saisir
l’occasion d’apporter une lumière nouvelle sur l’Empire
kouchan, contemporain de l’Empire romain, qu’on
connaissait jusqu’alors surtout comme protecteur
d’établissements bouddhiques, mais dont des aspects
plus divers surgirent à deux reprises. En 1937, ce fut la
découverte par Joseph Hackin du trésor de Begram, que
l’on prit longtemps pour une cache de marchand mais où

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l’on reconnaît maintenant une trésorerie royale murée.
C’était en tout cas un dépôt très éclectique où voisinaient
des verreries d’Alexandrie, des ivoires sculptés de l’Inde
et des laques chinoises, toutes ces catégories du trésor
étant représentées ici au musée Guimet. Puis vint dans
les années 1950 la fouille du temple de Surkh Kotal par
Daniel Schlumberger, éclairée par la première grande
inscription connue en bactrien – la langue iranienne de
la Bactriane écrite en caractères grecs   –, révélant une
expression religieuse officielle qui n’était pas
bouddhique. On crut d’abord à un Feu dynastique
unique en son genre. On sait aujourd’hui que cet édifice
était le premier connu d’une série de temples à images
attestée aussi en Sogdiane, et relevant de ce que l’on peut
appeler la variante centrasiatique du zoroastrisme, qui se
différenciait de la variante ouest-iranienne par une forte
composante iconique empruntant ses modèles à la Grèce
et à l’Inde. À vrai dire, la DAFA n’avait pas attendu Surkh
Kotal pour rencontrer ce zoroastrisme particulier   : le
relevé scrupuleux qui fut alors réalisé de la peinture
surmontant l’un des grands Bouddhas de Bamiyan, et
qui a elle aussi péri par la fureur imbécile des talibans,
allait plus tard permettre de reconnaître Mithra, le dieu
solaire iranien, franchissant à l’aube sur son char la crête
de l’Hindou Kouch.
11 Les archéologues de la DAFA étaient une poignée
d’enthousiastes, travaillant avec très peu de ressources et
parfois sans grand soutien des autorités françaises.
L’archéologie soviétique de l’Asie centrale, plus encore
qu’ailleurs en URSS, fut une entreprise étatique
impliquant de très grosses équipes, certes hétérogènes
dans leurs méthodes comme dans les moyens dont elles
disposaient. Ceux-ci pouvaient être considérables : ainsi
au Khorezm, la Chorasmie des auteurs antiques, le pays
situé au sud de la mer d’Aral, le fouilleur Sergej Tolstov
disposa-t-il d’avions de l’Armée rouge pour effectuer les
photos aériennes qui lui permirent de dresser la

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première carte diachronique des anciens réseaux
d’irrigation jamais réalisée à l’échelle d’un pays tout
entier. Cet effort jusqu’alors sans précédent dans
l’histoire mondiale de l’archéologie avait diverses
motivations : l’esprit encyclopédiste qui animait la jeune
science soviétique et qui rendait les expéditions
archéologiques presque toutes interdisciplinaires, ce
qu’indique par exemple le nom même de l’Expédition
archéologique et ethnographique du Khorezm   ; entrait
aussi en compte un sentiment d’urgence, avec la
conscience que les paysages fossiles, jonchés de châteaux
antiques toujours debout bien que construits en terre,
allaient disparaître sous les effets de la remise en
irrigation (fig.   3)   ; très présent enfin, même s’il était
rarement exprimé ouvertement, fut le souci de rendre à
ces peuples une mémoire historique qui ne devrait rien à
l’islam. Toutes les régions d’Asie centrale, des oasis aux
déserts et aux vallées les plus reculées du Pamir et de
l’Altaï, bénéficièrent de cet effort poursuivi sans relâche
jusqu’aux années 1970, où il commença à s’essouffler. De
nos jours encore, aucun étudiant ne peut prétendre se
spécialiser dans l’archéologie de la région sans
s’immerger au préalable dans ces publications déjà
anciennes mais dont on continue d’extraire des données
essentielles. Certes, à côté de succès éclatants, cette
épopée scientifique eut aussi ses zones d’ombre   : des
publications presque uniquement en russe, une tendance
à la surinterprétation des vestiges religieux ou supposés
tels, un accès limité aux publications étrangères, des
catastrophes individuelles aussi, entraînant des carrières
brisées et la non-publication de nombreuses fouilles.
Longtemps les archéologues occidentaux, dont moi-
même, ont pensé qu’en URSS la profession
d’archéologue avait été bien protégée, offrant un exutoire
à nombre d’intellectuels non conformistes, ou juifs, assez
souvent les deux à la fois. Cette illusion n’est plus de
mise depuis la parution à Saint-Pétersbourg du livre

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Hommes et destins. Dictionnaire bibliographique des
orientalistes victimes de la répression politique à
l’époque soviétique5.
Figure 3. Le château préislamique de Gjaur-kala
au Khorezm (IIe-Ier siècle av. n. è.).

Photographie prise dans les années   1930 (d’après


Ju.   A.   Rapoport, E.   E.   Nerazik et L.   M.   Levina, V
nizov’jakh Oksa i Jaksarta, Moskva, 2000, pl. 26).
12 Je viens de mentionner l’isolement qui avait longtemps
pesé sur cette archéologie. Il n’était partiellement rompu
que par quelques passeurs, tel Roman Ghirshman,
archéologue français d’origine russe, un moment
directeur de la DAFA, qui publia des résumés
substantiels des livres de Tolstov sur le Khorezm et
intégra largement l’apport des fouilles urbaines
soviétiques dans son grand livre Iran. Parthes et
Sassanides6, destiné à la fois aux spécialistes et au grand
public. En 1965, la banquise commença à craquer : pour
la première fois, archéologues français et soviétiques
travaillèrent côte à côte sur la fouille d’Aï Khanoum à la
suite d’une exigence politique des autorités afghanes,
plutôt bien inspirées en la circonstance. Paul Bernard,
qui dirigeait la fouille, demanda dès lors à tous ses
jeunes collaborateurs qui souhaitaient poursuivre dans
cette voie d’apprendre le russe, et il les encouragea à

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entreprendre des thèses fondées en grande partie sur les
matériaux des missions soviétiques. J’eus la chance
d’être de ceux-là. Commençant peu après mes tournées
sur les chantiers en URSS, qui n’ont jamais cessé depuis,
je puis témoigner de l’intérêt que suscitaient partout les
découvertes d’Aï Khanoum, cette cité dont aucun
équivalent ne s’est conservé nulle part ailleurs en Asie
centrale   ; cité si grecque par ses hautes expressions
culturelles – le théâtre, le gymnase (fig. 4), la sculpture
sur pierre   – mais si bactrienne par ses modes de
production et de vie quotidienne, peut-être aussi par sa
place dans la géographie religieuse puisqu’elle était
établie sur un affluent de l’Oxus, l’Ochus, que la tradition
zoroastrienne identifiait à la « Bonne Rivière » au bord
de laquelle Zoroastre avait reçu sa révélation. Passé le
premier mouvement d’enthousiasme, Aï Khanoum
n’avait plus guère intéressé les hellénistes, quelque peu
déçus d’y trouver une Grèce au rabais et un quasi-désert
épigraphique. La découverte, dans la fouille du palais,
d’inscriptions économiques et d’un papyrus conservant
les fragments d’un dialogue philosophique, peut-être un
traité perdu d’Aristote, mit fin à ces années de
regrettable incuriosité. Pierre Hadot consacra au
déchiffrement du papyrus philosophique une année
entière de son séminaire du Collège de France. Mais ces
découvertes intervinrent trop tard, à la veille des
événements d’Afghanistan qui contraignirent à
abandonner le site avant qu’il ne soit finalement anéanti
par les pillages7.
Figure 4. Le gymnase d’Aï Khanoum (état final,
milieu du IIe siècle av. n. è.).

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© DAFA, 1975.
13 Le terrain perdu ne tarda pas à s’offrir de nouveau, mais
ailleurs. À la faveur de la perestroïka, les collègues
soviétiques pouvaient enfin proposer à des archéologues
étrangers ce qui avait toujours paru impensable, même à
l’époque tsariste : ouvrir chez eux des chantiers de fouille
en collaboration. En 1989, avec l’appui du CNRS et du
ministère des Affaires étrangères, j’établis à Samarkand
la Mission archéologique franco-soviétique de Sogdiane.
Deux ans plus tard, l’Ouzbékistan devenu indépendant
eut à cœur de maintenir cette ouverture, la mission étant
rebaptisée «   franco-ouzbèke   ». Après les qualités
fraternelles du peuple afghan, nous apprîmes à aimer
celles du peuple ouzbek. Là continuent de travailler

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ensemble, désormais avec des méthodes communes et
publiant de concert, des camarades d’Aï Khanoum,
d’anciens fouilleurs de l’époque soviétique, de jeunes
archéologues ouzbeks et, de plus en plus, des étudiants
de divers pays qui viennent se former. Une autre mission
issue de la DAFA nous avait précédés au Tadjikistan, où
elle fouille encore sur le site clef de Sarazm remontant à
la période chalcolithique. Des missions françaises,
européennes, australiennes, japonaises, et maintenant
russes de nouveau, travaillent sur d’autres sites et selon
les mêmes principes de coopération transnationale.
14 Le choix de Samarkand comme terrain de notre seconde
chance s’était fait sur le fond d’un renouvellement des
connaissances déjà ancien, mais qui ne donna
pleinement ses fruits qu’à cette époque. Ce
renouvellement, ce fut la redécouverte de la civilisation
sogdienne de l’Antiquité et du haut Moyen Âge, liée
principalement à la fouille de la ville de Pendjikent
entamée dans l’immédiat après-guerre par le musée de
l’Ermitage, et qui se poursuit encore aujourd’hui. La
Sogdiane est le nom que portait depuis l’Antiquité le
pays de Samarkand et de Boukhara, s’étendant au sud
jusqu’à l’Amu-darya, l’Oxus des Anciens. Pendjikent,
fondée au Ve  siècle de notre ère à soixante kilomètres à
l’est de Samarkand et maintenant située en territoire
tadjik, a pu être comparée à Pompéi, comparaison banale
en archéologie, mais qui dans le cas présent s’appuie sur
quelques analogies pertinentes. Là aussi il s’agit d’une
ville moyenne, qui a pu abriter au maximum 5   000 à
6   000 personnes, faubourgs compris. Là aussi la
proportion de population aristocratique ou même
simplement aisée était exceptionnelle, en partie parce
que Pendjikent échappa dix ans de plus que Samarkand
à la conquête arabe de 712 et que pendant ces années elle
accueillit un nombre important de grandes familles de la
capitale, animées d’un fort esprit de compétition sociale
et ayant à cœur de se faire bâtir autant de petits palais

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décorés de peintures. Comme Pompéi, Pendjikent s’est
trouvée en quelque sorte scellée, non pas sous des
cendres volcaniques, mais sous l’écroulement de ses
murs de terre à la suite de son abandon rapide par la
première génération islamisée. Comme Pompéi enfin,
elle est maintenant fouillée sur la moitié de sa surface, ce
qui entraîne un effet de seuil dans les possibilités
d’interprétation des vestiges. J’ajouterai que cette fouille
fut successivement dirigée par deux des plus grands
esprits de l’orientalisme russe moderne. D’abord
Aleksandr Belenitskij, au départ éminent spécialiste de
l’arabe et du persan, qui avait dû se reconvertir en
catastrophe dans l’archéologie pour échapper à
l’épuration qui menaça l’école orientaliste
pétersbourgeoise lors des derniers soubresauts du
stalinisme. De sa première formation il garda une
aptitude inégalée à mettre en résonance les documents
iconographiques et les œuvres littéraires. Lui succéda
mon ami Boris Marshak, mort sur la fouille en 2006, qui
sut maintenir cet héritage intellectuel en l’adossant aux
méthodes les plus exigeantes de l’archéologie de terrain
et de l’analyse formelle. Tous les archéologues de l’Asie
centrale savaient que Pendjikent était la référence. Il est
juste, toutefois, de rappeler que la contribution majeure
de la Sogdiane à l’histoire du Ve au VIIIe  siècle, son rôle
organisateur à toutes les étapes du commerce
transasiatique, de la Chine à Byzance, de la steppe
mongole aux cols de l’Himalaya, n’est guère saisissable à
Pendjikent, où les valeurs affichées sont surtout celles de
la sociabilité aristocratique et de la prouesse guerrière. Si
cette histoire du grand commerce a pu récemment
recevoir un éclairage décisif dans le livre d’Étienne de La
Vaissière publié au Collège de France, c’est en grande
partie grâce à des documents écrits   : lettres de
marchands, documents douaniers chinois, graffitis de
caravaniers en route vers l’Inde découverts dans les
passes du haut Indus.

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15 Paradoxalement, les découvertes sur la civilisation
sogdienne ouvrirent aux études centrasiatiques des
occasions nouvelles de revenir à l’Inde et à la Chine qui
avaient été leurs points de départ au début du siècle
dernier. En ce qui concerne l’Inde du Nord, c’est
l’archéologie de la Sogdiane et de la Bactriane qui a
conduit à réévaluer le bilan de la période des « Huns » et
des Hephtalites, aussi sombre dans les descriptions
transmises par les bouddhistes contemporains que dans
celles du chroniqueur arménien que j’ai tout à l’heure
cité. Sur le long terme, ce fut en réalité une période
d’interaction particulièrement féconde dans le nouvel
espace politique commun qui s’était formé à cheval sur
l’Inde et l’Asie centrale8. C’est alors que l’Asie centrale
connut une nouvelle vague d’urbanisation en villes
moyennes fortifiées, c’est alors aussi que les écoles de
peinture murale nées dans l’Empire kouchan migrèrent
en Sogdiane, y donnant naissance à un art capable
d’illustrer tant le panthéon zoroastrien que l’épopée
iranienne ou les fables issues de multiples traditions. En
Chine du Nord, à partir des années 1990, les découvertes
répétées de tombeaux sculptés à la fin du VIe  siècle pour
des marchands sogdiens établis à demeure ont non
seulement révolutionné ce que l’on savait du statut des
élites centrasiatiques dans l’empire des Zhou du Nord et
des Sui, mais également fourni les images les plus
détaillées que l’on connaisse des mythes zoroastriens sur
l’au-delà9. Après avoir été longtemps réticents à
admettre ces composantes étrangères, nos collègues
chinois les assument pleinement et font appel à
l’expertise des spécialistes de la Sogdiane.
16 On sait maintenant beaucoup de choses sur les Sogdiens,
ainsi que sur leurs voisins de Bactriane et du Khorezm. Il
est vrai qu’on en ignore aussi beaucoup et que parmi les
nouveaux éléments d’information dont nous disposons,
certains entrent en contradiction, aussi bien entre eux
qu’avec certaines notions que l’on croyait acquises. Je me

17 sur 39
bornerai à passer en revue quelques-uns de ces
paradoxes constituant autant de défis qui nous sont
lancés.
17 Un premier paradoxe tient aux structures du pouvoir et à
la place de la royauté. L’Asie centrale contemporaine de
l’Iran sassanide a longtemps été considérée comme une
sorte d’extension culturelle de celui-ci. Nous savons
aujourd’hui qu’il y a là un élément de vérité, mais qu’il
touche surtout à la symbolique du pouvoir. Les
souverains des diverses principautés d’Asie centrale se
mettent en scène et, vraisemblablement, se perçoivent
comme les équivalents des rois sassanides, plus encore à
partir du moment où la royauté iranienne a vécu. En
660, neuf ans après l’assassinat à Merv du dernier Roi
des Rois en fuite, le roi de Samarkand, allié de la Chine
des Tang, commande ou inspire dans une riche demeure
de sa capitale un cycle de peintures qui le pose en
souverain de la paix universelle présidant aux festivités
du Nouvel An et recevant les ambassades, c’est-à-dire
dans la fonction politique publique qui était par
excellence celle des rois sassanides10. Sur le mur sud de
la salle, précisément la direction attribuée au Roi des
Rois dans la symbolique cosmique, il conduit la
procession au mausolée de ses ancêtres (fig. 5). Malgré
cela, on sait que sa dynastie dura ce que duraient en
général les dynasties sogdiennes, pas plus de deux ou
trois générations. Sur la peinture, les visages furent
biffés lors d’un épisode violent lié à un changement
politique. La conquête omeyyade trouva toute la zone
partagée entre des principautés rivales où le vrai pouvoir
était aux mains de groupes tribaux turcs, et d’oligarchies
foncières ou marchandes elles-mêmes divisées entre ce
que Marshak comparait aux guelfes et aux gibelins, en
l’espèce le parti des Arabes et le parti de la Chine.
Figure 5. Samarkand, Peinture des
Ambassadeurs (c. 660).

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Détail du mur sud   : un cheval et des oies menés en
procession au mausolée des ancêtres du roi   ; les
dignitaires montés sur des chameaux tiennent en main
les massues sacrificielles.
©   Mission archéologique franco-ouzbèke de Sogdiane,
1999.
18 Dans le domaine religieux aussi, les paradoxes sont
nombreux. On a coutume de lire que le bouddhisme avait
pour appui principal la classe marchande urbaine. On
peut éventuellement faire ce raisonnement pour la
Bactriane où il occupait une position importante,
quoique non hégémonique. Mais en Sogdiane, la plus
marchande de ces sociétés, c’est exactement l’inverse :
les traces archéologiques du bouddhisme y sont très
rares ; passant en 630 à Samarkand, le pèlerin chinois
Xuanzang signale qu’il ne reste presque plus de moines

19 sur 39
et que les derniers sont pourchassés dans leurs
monastères par des zélotes zoroastriens brandissant des
feux de purification. Les bouddhistes sogdiens ont certes
laissé d’abondants écrits, mais ces bouddhistes
n’existaient pratiquement qu’en Chine, où ils s’étaient
convertis sur place. Le zoroastrisme serait en principe un
élément de continuité avec l’Iran sassanide où cette
religion était celle du roi et de l’État, mais, ainsi que j’ai
déjà eu l’occasion de le signaler, il se présente en Asie
centrale sous un aspect très différent. Son originalité la
plus spectaculaire est la large place faite aux images de
culte. L’Iran n’avait su créer qu’un art religieux d’une
désolante pauvreté, toute l’inventivité allant à l’art
monarchique. Au contraire le zoroastrisme d’Asie
centrale, non moins « authentique », si ce terme peut
avoir un sens en histoire des religions, en tout cas
originaire de la région, abreuvé aux mêmes textes qu’en
Iran et partageant avec lui certains rituels, ce
zoroastrisme-là n’a jamais manifesté de réticence à
accueillir les modèles iconographiques fournis par les
colons grecs, puis par les contacts avec l’Empire romain,
et plus tard par l’hindouisme11. Loin d’avoir été
transposés de manière servile, ces modèles furent
retravaillés pour être adaptés aux personnalités du
panthéon iranien auxquelles on les affectait, avec un
évident souci d’exhaustivité : peut-être sera-t-il un jour
confirmé que chacun des vingt-sept dieux du calendrier
avait sa propre image. Il y eut aussi des créations
originales étroitement inspirées par les textes. Il y avait
enfin des éléments étrangers à la religion iranienne et
pourtant intégrés au calendrier festif   : le culte
mésopotamien d’Ishtar, appelée Nana en Asie centrale
et, découverte surprenante de ces dernières années, un
culte à Déméter associé au précédent dans des
célébrations saisonnières. On est forcé de reconnaître
dans cette transplantation des mystères d’Éleusis un
héritage de la période grecque, et ceci bien qu’aucune

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monnaie grecque de Bactriane ne comporte l’image des
divinités qui leur sont associées.
19 Une autre différence importante –   à vrai dire plutôt
sympathique – avec le zoroastrisme sassanide, souvent
sinistre dans ses manifestations d’intolérance, est que la
religion sogdienne ne fut pas persécutrice, sauf du
bouddhisme, sans doute parce qu’elle n’avait jamais reçu
l’appui complet des appareils d’État. Elle dut toujours
s’accommoder de la présence d’autres croyances. En
Bactriane, certaines d’entre elles, comme le bouddhisme
et l’hindouisme, avaient auparavant bénéficié des faveurs
du pouvoir kouchan qui pourtant n’affichait sur son
monnayage presque que des divinités zoroastriennes.
Contrairement à ce qui est le cas en Iran, aucun nom de
martyr juif, chrétien ou manichéen ne nous a été
transmis pour l’Asie centrale préislamique. Ceci ne
prouve évidemment pas qu’il n’y en a jamais eu, mais il
est clair que de telles persécutions n’eurent pas un
caractère massif qui leur aurait permis d’alimenter les
martyrologues.
20 Un autre paradoxe qui mérite qu’on s’y arrête un peu a
trait aux usages de l’écrit. À coup de découvertes
successives, les peuples anciens de l’Asie centrale se sont
remis à nous parler avec leurs propres mots, et non plus
seulement avec ceux des autres. La langue sogdienne,
presque éteinte à partir du XIe siècle, est maintenant bien
connue – j’ai même trois collègues qui la parlent, il est
vrai en la prononçant de manière assez différente, l’un
plutôt à l’anglaise, l’un plutôt à la japonaise, l’un plutôt à
la russe. Quant au bactrien, auparavant attesté
seulement par quelques inscriptions monumentales, il a
ressuscité à partir de 1991 lorsqu’une masse d’archives
sur parchemin émises par un petit royaume montagneux
d’Afghanistan entre le IVe et le VIIIe  siècle a surgi d’une
grotte rouverte pour être aménagée en cache d’armes12. Il
faut bien admettre cependant que ces documents écrits
ne nous ont pas livré tout ce qu’on aurait été en droit

21 sur 39
d’espérer. Les textes sogdiens comportent certes une
proportion importante de textes littéraires, mais dans
leur grande majorité ceux-ci sont des traductions d’écrits
des grandes religions missionnaires alors à l’œuvre sur
les routes de la Chine   : bouddhisme, christianisme
nestorien, manichéisme. Pourtant, les Chinois nous
apprennent que les Sogdiens chantaient sur les routes en
s’accompagnant d’instruments de musique. S’ils
chantaient, c’est qu’ils avaient des poèmes. On les
cherche encore. Les murs des riches maisons de
Pendjikent sont couverts de bandes dessinées peintes
figurant des scènes épiques, ainsi que de tableautins
représentant de manière ramassée toutes sortes
d’apologues et de fabliaux. Un seul des nombreux sujets
identifiables, un épisode des exploits du héros Rostam
(fig. 6), s’est retrouvé dans un morceau conservé de la
littérature sogdienne. Celle-ci comporte aussi divers
contes transcrits par les manichéens et inspirés tantôt
d’Ésope, tantôt de la Bible, tantôt du Panchatantra
indien qui est à la source d’une partie des Fables de La
Fontaine. Toutes ces composantes se reconnaissent ou se
devinent dans le répertoire des contes illustrés par les
peintures, et pourtant on n’a encore pu déceler aucun cas
de correspondance directe.
Figure 6. Pendjikent, détail des exploits de
Rostam (c. 740) : combat contre une
dragonnesse.

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© B. Marshak, 1980.
21 Quant aux écrits bactriens, la situation est encore plus
frustrante. Un collègue médiéviste à qui je montrais des
photographies des parchemins récemment retrouvés
s’exclama : « On dirait des chartes médiévales ! » À quoi
je répondis : « Ce sont des chartes médiévales » (fig. 7).
Nos médiévistes sont heureux d’avoir des chartes, ils le
seraient moins si la littérature du Moyen Âge se réduisait
à elles comme c’est pratiquement le cas en Bactriane, à
l’exception de quelques textes de correspondance
personnelle. Par éclairs, les noms de personnes laissent
entrevoir une culture littéraire sous-jacente. Un sceau du
Ve siècle a transmis les traits d’une jeune princesse et son
nom, Schéhérazade (fig. 8) : c’est la seule Schéhérazade
connue avant Les Mille et Une Nuits. Avait-elle quelque
chose d’intéressant à raconter ? On se plaît à l’imaginer.
Plus sérieusement, un autre protagoniste des documents
bactriens s’appelait Purlangzin, c’est-à-dire « l’Homme à
la peau de panthère » : c’est le surnom du héros Rostam
que nous venons de rencontrer à Pendjikent et que l’on
retrouve dans Le Chevalier à la peau de tigre de l’épopée
georgienne13.

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Figure 7. Contrat de vente bactrien (document J)
daté de 518 de n. è.

L’écriture est dérivée de l’écriture grecque.


© N. Sims-Williams, 1996.
Figure 8. Tsiurâzâd, la Schéhérazade bactrienne
(c. 400-430).

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© N. Sims-Williams, 2005.
22 Ayons confiance dans les découvertes futures. Même si
ces littératures étaient pour l’essentiel réservées à
l’oralité, il existe une probabilité non négligeable pour
qu’en réapparaissent des morceaux, peut-être sous la
forme des rouleaux historiés qu’on devine avoir servi de
modèles aux peintres sogdiens. On n’ose espérer qu’il en
ira de même pour la musique, même si les instruments
anciens sont de mieux en mieux connus.
23 Il ne faut pas se voiler la face   : ces découvertes,
notamment celles de textes et de peintures sur supports
périssables, passeront moins par les fouilles régulières
que par le marché des antiquités, comme cela fut déjà le
cas pour les archives bactriennes. En Afghanistan,
malgré la reprise de l’activité archéologique et la
réouverture de la DAFA en 2002, le métier d’archéologue
nourrit moins son homme que celui d’entrepreneur en
fouilles clandestines. Cette profession n’est pas apparue
dans les républiques ex-soviétiques, du moins à ma
connaissance, mais celle d’archéologue y est devenue
financièrement peu attractive et l’on peut concevoir des
inquiétudes quant à la relève de l’actuelle génération,

25 sur 39
très bien formée à la période précédente. Le
durcissement des barrières frontalières entre les
nouvelles républiques gêne les contacts personnels entre
les chercheurs. La perte d’expertise se fait déjà sentir de
manière préoccupante dans la restauration des
monuments, tandis que le Musée d’histoire de
Samarkand, l’un des plus riches par son contenu tant
archéologique qu’ethnographique, a fermé sans
perspective claire de réouverture. Mais sommes-nous
nous-mêmes toujours bien placés pour donner des
leçons ? Le Cabinet des médailles de notre Bibliothèque
nationale, qui, outre bien d’autres choses, abrite tant de
trésors numismatiques et artistiques d’Iran et d’Asie
centrale et où, comme je viens d’en faire l’expérience, on
peut encore faire des découvertes importantes, ce
Cabinet est maintenant inaccessible pour quatre ans,
faute de moyens, faute aussi semble-t-il d’interlocuteurs
administratifs suffisamment éclairés quant à ses
richesses scientifiques.
24 Tournons-nous plutôt vers des signaux plus positifs qui
compensent largement les autres. À l’heure où je parle,
les fouilles sont de nouveau très actives dans la totalité
des États concernés. Au Xinjiang, où les autorités furent
longtemps réticentes à admettre des archéologues
étrangers, ceux-ci sont maintenant présents sur le
terrain, notamment une équipe française qui obtient des
résultats remarquables dans les anciennes oasis
ensablées au sud du Taklamakan. Autre facteur
encourageant, la chronologie auparavant très incertaine
des premiers siècles de notre ère est maintenant bien
arrimée, mettant pratiquement fin à des débats qui
avaient accaparé trop d’énergies au siècle dernier.
L’entreprise internationale de la Sylloge nummorum
lancée par une initiative conjointe à Vienne et à Paris est
en train de doter la numismatique de l’Iran et de l’Asie
centrale des meilleurs outils possibles. La céramique de
toutes les périodes a elle aussi reçu les siens, ou est en

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passe de les recevoir, sous forme d’ouvrages et de
tessonniers de référence, notamment grâce aux efforts
successifs de Boris Marshak, de Jean-Claude Gardin et
de Bertille Lyonnet. Enfin, le retard qu’avait l’archéologie
centrasiatique dans l’utilisation des sciences physiques
est en train de se résorber. Récemment a été proposé un
modèle climatologique convaincant reliant l’écroulement
du premier Empire turc de Mongolie à un épisode
volcanique survenu en 62614. On va bientôt nous en
proposer un autre susceptible d’apporter un nouvel
éclairage sur l’expansion foudroyante de l’empire de
Gengis Khan et sa fragmentation ultérieure. Les
recherches sur l’ADN s’invitent aussi, peut-être un peu
bruyamment en ce qui concerne le Xinjiang où s’est
manifestée chez certains chercheurs occidentaux une
tendance à vouloir désiniser à toute force le passé de la
région en exhibant des momies aux cheveux roux, en
réalité d’époques très diverses, en même temps que l’on
faisait des anciens poètes koutchéens quasiment des
bardes celtiques, sur la foi de rapprochements
linguistiques superficiels. Le Collège de France saura
accueillir ces innovations avec discernement autant
qu’avec ouverture, dans des journées d’études que
j’espère mettre sur pied avec des collègues scientifiques.
25 Ce n’est sans doute pas un hasard si plusieurs projets
d’ouvrages cumulatifs visant à afficher la notion d’Asie
centrale s’engagent à peu près en même temps. J’y
participe, et je prévois que mes premières années
d’enseignement au Collège de France accompagneront
ces efforts de synthèse. Je proposerai notamment de
dresser un état des lieux des fouilles d’archéologie
urbaine entre l’âge du fer, époque où émergent les
grands pôles d’oasis qui ont perduré jusqu’à nos jours, et
les débuts de la période islamique. Pour l’âge du bronze,
qui connut une première urbanisation suivie d’un
effondrement à peu près général, j’inviterai à mon
séminaire des collègues directement compétents ; nous

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n’en manquons certes pas. Plusieurs grandes fouilles
sont maintenant publiées, d’autres le sont en partie et
vraisemblablement ne le seront plus guère davantage,
d’autres enfin s’engagent dans ce processus. Chaque site
a sa personnalité scientifique liée à son histoire propre, à
l’état inégal de la documentation, aux méthodes et aux
présupposés des diverses équipes d’archéologues. Le
moment semble venu de mettre en série ces histoires
urbaines distinctes et de les soumettre à un
questionnaire commun   : quand et pourquoi ces villes
ont-elles pris naissance, quand et pourquoi sont-elles
mortes ou se sont-elles déplacées   ? Y a-t-il eu des
passages de relais d’une ville à l’autre ? Les programmes
monumentaux qui se révèlent à l’archéologue ont-ils
toujours abrité des fonctions majeures de la vie urbaine ?
Si l’on prend le cas de Samarkand, la réponse est loin
d’être évidente : à l’instar de la Samarkand de l’album
d’Hugo Pratt, évoquée mais jamais dessinée, le centre
urbain prémongol dont nous mettons au jour les vestiges
donne un peu l’impression d’une ville virtuelle où l’on a
sans cesse entrepris et rarement achevé quoi que ce soit,
sinon les remparts, parce que chaque pouvoir successif
voulait apposer sa marque et négligeait celle de son
prédécesseur.
26 Une fonction de mon séminaire devrait être de
contribuer à ce que j’appellerai la «   veille
documentaire ». En Asie centrale, davantage sans doute
que dans bien d’autres domaines géographiques, il
importe de savoir accueillir et gérer l’inattendu. Quand je
considère ma production scientifique de ces quinze
dernières années, je m’aperçois qu’un quart, au bas mot,
de mes articles échappait à toute planification. Qui aurait
pu prévoir ne serait-ce que quelques mois à l’avance la
réouverture de l’Afghanistan à la recherche
archéologique en 2002, après vingt ans de fermeture15  ?
Peu de temps après me parvinrent des photographies du
seul relief sassanide jamais découvert à l’est de l’Iran,

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sculpté sur une falaise au nord de Kaboul, ce qui
m’amena toutes affaires cessantes à monter une mission
de crainte qu’il ne soit détruit. On ne s’attendait pas à
trouver un relief sassanide ; on s’attendait encore moins
à ce que révéla son étude, c’est-à-dire un relief montrant
Shāpūr   Ier, le vainqueur des Romains, chassant le
rhinocéros sous un manguier dans une région où il n’y
avait ni rhinocéros ni manguier (fig. 9). Par le choix de
ces motifs, Shāpūr nous invitait à regarder en direction
de l’Inde dont il avait entamé la conquête16. Une
expérience analogue survint en 2006, quand je reçus des
photographies d’inscriptions trouvées au Kazakhstan,
qui depuis quelque temps circulaient sous le manteau et
étaient supposées hébraïques. Soupçonnant qu’elles
étaient sogdiennes, je les envoyai à Nicholas Sims-
Williams qui sur l’heure produisit un déchiffrement
complet confirmant mon idée : c’étaient les plus anciens
documents connus en cette langue, des proclamations de
colonisation militaire et agricole sur le front de la steppe,
datables du IIe ou du début du IIIe  siècle, une époque où
nous ne connaissions les Sogdiens que comme
caravaniers sur la route de Chine17. Ceci m’amena à
prendre contact avec le fouilleur du site d’où provenaient
ces inscriptions et à étendre au Kazakhstan la zone
d’intérêt de ma mission. Dernier exemple   : en cette
même année 2006, nos collègues australiens travaillant
au Khorezm eurent la confirmation que le site de
Kazakly-yatkan où ils fouillaient, et qui avait échappé à
l’ancienne mission soviétique, avait été la première
capitale de ce royaume, dans les deux ou trois siècles au
tournant de notre ère, et cela notamment grâce à la
découverte de peintures murales à l’étude desquelles ils
m’ont associé18. Dans un contexte qui est probablement
celui de la fête du Nouvel An, elles figurent des
processions de chevaux comparables à celles de
Persépolis, et une galerie de portraits royaux qui
pourraient être des ancêtres, ce pour quoi nous n’avons

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dans l’aire iranienne qu’un seul point de comparaison,
strictement contemporain mais géographiquement
strictement opposé : la double galerie d’ancêtres iraniens
et grecs au tombeau royal du Nimrud Dagh, en Turquie
orientale.
Figure 9. Le relief sassanide de Rag-i Bibi en
Afghanistan (c. 250-270) : Shāpūr Ier chassant le
rhinocéros.

Photographie prise lors de la mission d’étude en 2004.


© F. Grenet et F. Ory, 2004.
27 Certes, en même temps que des terrains s’ouvrent
d’autres risquent de se refermer, sans plus de préavis,
mais les interactions historiques entre tous les pays de
l’Asie centrale ainsi que le nécessaire va-et-vient
méthodologique entre le terrain, les textes et les images
offrent maintes possibilités de repli et de réorientation.
Tous les chercheurs travaillant sur la zone ont à un
moment de leur carrière connu ces contraintes, qui à
l’expérience peuvent se révéler plus stimulantes que des
enracinements trop confortables.
28 J’ai, dans cette présentation, tenté de montrer qu’on

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pouvait tenir un discours sur l’Asie centrale en
s’autorisant une disparition majeure dans le vocabulaire.
Ce nom que sans doute vous attendiez, mais que vous
n’avez pas entendu, c’est la Route de la soie. Loin de moi
l’idée que ce produit n’ait joué aucun rôle historique, ni
que la notion de Route de la soie forgée en 1877 par le
géographe Ferdinand von Richthofen n’ait eu un rôle
heuristique majeur dans le développement de nos
études. Mais le terme apparaît aujourd’hui un peu
fatigué à force d’avoir été mis à toutes les sauces. Il
masque le fait, maintenant bien reconnu, que la soie
n’était pas pour ses producteurs chinois un objet de
profit mais tout simplement une monnaie servant à
payer les fonctionnaires et à gratifier les souverains
étrangers, notamment les menaçants nomades. Ce furent
les marchands sogdiens qui la captèrent en route et en
firent un objet économique. Même de leur point de vue,
il ne semble pas qu’elle ait toujours été perçue comme
formant l’essentiel de leur activité. À lire les lettres qu’ils
échangeaient et les registres des douanes qu’ils
franchissaient, ils auraient pu tout aussi bien se dire les
maîtres de la route du musc, ou de la route du santal.
Dans tous les cas, il s’agissait de quantités infimes à
l’aune du commerce moderne et de produits peu
pondéreux, dont le prix relevait presque uniquement de
la valorisation symbolique. Même si le commerce
lointain, par les contacts qu’il a permis, a énormément
apporté à la culture religieuse, littéraire et artistique de
l’Asie centrale, il faut se défaire de l’idée qu’il en ait
jamais constitué la principale assise économique. Cette
assise, qui par endroits remonte à l’âge du cuivre ou à
l’âge du bronze, c’est le labeur toujours recommencé des
creuseurs de canaux – on a envie de dire : des ingénieurs
de l’hydraulique, tant leur expertise se compare
favorablement à celle de la technologie moderne. C’est,
corrélativement, un génie tout particulier dans la
sélection et l’acclimatation des plantes, notamment des

31 sur 39
fruits   : à l’époque du commerce sogdien, les «   pêches
d’or   » de Samarkand avaient acquis une renommée
légendaire en Chine (fig. 10), et bien plus tard le Grand
Moghol Babur, conquérant de l’Inde, confia dans ses
Mémoires avoir pleuré le jour où il put de nouveau
savourer un melon de Kaboul qu’on lui avait apporté
dans la glace. L’archéobotanique vient maintenant
confirmer ces données longtemps fournies seulement par
la littérature et par les images. L’identité de l’Asie
centrale, c’est aussi la terre crue sous toutes les formes
où elle peut être utilisée, ce sont les arts de la céramique,
des métaux nobles, des pierres semi-précieuses mais fort
peu de la pierre à bâtir, ce sont les arts du bois
aujourd’hui bien raréfié, du tapis, de la tenture, du
confort urbain en général, à l’exception notable des
installations balnéaires qui disparurent entre les Grecs et
l’arrivée de l’Islam. C’est aussi, et on saisit là un caractère
plus spécifique à la zone, les relations d’échange et de
complémentarité entre le monde sédentaire et le monde
nomade, nouées en lisière de chaque oasis et parfois à
l’intérieur même de celles-ci, et qui sur la longue durée
ont beaucoup plus compté que les épisodes hostiles,
avant la rupture majeure qu’a constituée l’invasion
mongole de 1220, terrible saignée du peuplement qu’on
lit partout sur le terrain, comparable par ses effets à la
Grande Peste d’Occident qui en fut sans doute la
conséquence lointaine.
Figure 10. Pendjikent, pêches et melons dans
une scène de banquet (c. 740).

32 sur 39
© B. Marshak, 1980.
29 Ces recherches sont maintenant reprises par des équipes
jeunes et nombreuses, qui chaque année produisent des
matériaux nouveaux et expérimentent de nouvelles
approches. Bien au-delà des travaux que je conduis et
continuerai de conduire avec mes collaborateurs à
Samarkand et ailleurs, la chaire à laquelle le Collège de
France m’a fait l’honneur de m’élire aura vocation à
accueillir ces recherches, à les faire dialoguer et à les
soutenir.

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33 sur 39
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Problèmes d’histoire et de culture, Paris, Maisonneuve,
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Annexes

La vidéo de la leçon inaugurale est disponible sur le site


du Collège de France : http://www.college-de-france.fr/
site/frantz-grenet/inaugural-lecture-2013-2014.htm

Notes

35 sur 39
1. Bitchourine N. Ja., Sobranie svedenij o narodakh, obitavshikh v
Srednej Azii v drevnie vremena, 3   vol., Moskva-Leningrad,
1950-1953 (réédition du texte paru en 1851). [Les titres qui auraient
dû être cités à plusieurs reprises sont donnés dans la bibliographie
d’orientation, en fin d’ouvrage.]
2. Paris, A. Maisonneuve, 1900 ; réimprimé en 1973.
3. Journal asiatique, série 11, no 7, janvier-février 1916, p. 111-123.
4. Loginov S.D. et Nikitin A.B., « Sasanian coins of the late 4th-7th
centuries from Merv », Mesopotamia, no  28, 1993, p. 271-312, voir
en particulier p. 274.
5. Vasil’kov Ja.   V. et Sorokina M.   Ju. (éd.), Ljudi i sud’by.
Bibliograficheskij slovar’ vostokovedov – zhertv politicheskogo
terrora v sovetskoj period (1917-1991), Saint-Pétersbourg, 2003.
6. Ghirshman R., Iran. Parthes et Sassanides. Le Proche- et le
Moyen-Orien ancien, Gallimard, coll. «   L’Univers des formes   »,
1962.
7. Dernier volume paru, où l’on trouvera la bibliographie
antérieure : Lécuyot G., Bernard P., Francfort H.-P., Lyonnet B. et
Martinez-Sève L., L’Habitat. Fouilles d’Aï Khanoum IX (Mémoires
de la DAFA en Afghanistan, XXXIV), Paris, 2013.
8. Grenet F., « Regional interaction in Central Asia and Northwest
India in the Kidarite and Hephtalite periods », in Nicholas Sims-
Williams (éd.), Indo-Iranian Languages and Peoples, Oxford,
Oxford University Press, 2002.
9. Grenet F., «   Religious diversity among Sogdian merchants in
sixth-century China: Zoroastrianism, Buddhism, Manichaeism, and
Hinduism   », Comparative Studies of South Asia, Africa and the
Middle East, Toronto, vol. 27, no 2, 2007, p. 463-478.
10. Comparetti M. et La   Vaissière É. de (éd.), Royal Naurūz in
Samarkand. Proceedings of the conference held in Venice on the
pre-Islamic paintings at Afrasiab, Pise/Rome, 2006.
11. Grenet F., «   Iranian gods in Hindu garb: the Zoroastrian
pantheon of the Bactrians and Sogdians, second-eighth centuries »,
Bulletin of the Asia Institute, no 20, 2010, p. 87-99.
12. Sims-Williams N., «   Nouveaux documents sur l’histoire et la
langue de la Bactriane   », Comptes rendus de l’Académie des
inscriptions et belles-lettres [abrégé ci-après CRAI], vol. 140, no  2,
1996, p.   633-654   ; idem, Bactrian Documents, 3   vol., Londres,
2007-2012 (Corpus Inscriptionum Iranicarum, II.VI). Sur les
documents d’archives en sogdien   : Livshits V.   A., Sogdijskaja
èpigrafika Srednej Azii i Semirech’ja, Saint-Pétersbourg, 2008.

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13. Sims-Williams N., Bactrian Personal Names (Iranisches
Personennamenbuch: Mitteliranische Personennamen, 7), Vienne,
Austrian Academy of Sciences Press, 2010, nos   438 et 379
respectivement.
14. Fei J., Zhou J. et Hou Y., « Circa A.D. 626 volcanic eruption,
climatic cooling, and the collapse of the Eastern Turkic empire »,
Climatic Change, no 81, 2007, p. 469-475.
15. Bernard P., Besenval R. et Marquis Ph., « Du “mirage bactrien”
aux réalités archéologiques   : nouvelles fouilles de la Délégation
archéologique française en Afghanistan (DAFA) à Bactres
(2004-2005) », CRAI, 2006, p. 1175-1248.
16. Grenet F., « Découverte d’un relief sassanide dans le Nord de
l’Afghanistan », CRAI, 2005, p. 115-134.
17. Grenet F., Podushkin A. et Sims-Williams N., «   Les premiers
monuments de la langue sogdienne : les inscriptions de Kultobe au
Kazakhstan », CRAI, 2007, p. 1005-1034.
18. Kidd F. et Betts A. V. G., « Entre le fleuve et la steppe : nouvelles
perspectives sur le Khorezm ancien », CRAI, 2010, p. 637-686.

Auteur

Frantz Grenet
Professeur au Collège de France,
chaire « Histoire et cultures de
l’Asie centrale préislamique »
Du même auteur

Recentrer l’Asie centrale,


Collège de France, 2014
Refocusing Central Asia,
Collège de France, 2016
Le chapitre apocalyptique du
traité pehlevi Ayādgār ī

37 sur 39
Jāmāspīg in De Samarcande
à Istanbul : étapes
orientales, CNRS Éditions,
2015
Tous les textes
© Collège de France, 2014

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Référence électronique du chapitre


GRENET, Frantz. Recentrer l’Asie centrale : Leçon inaugurale
prononcée le jeudi 7 novembre 2013 In : Recentrer l’Asie centrale :
Leçon inaugurale prononcée le jeudi 7 novembre 2013 [en ligne].
Paris   : Collège de France, 2014 (généré le 21 octobre 2021).
Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/cdf/3594>.
ISBN   : 9782722603288. DOI   : https://doi.org/10.4000
/books.cdf.3594.

Référence électronique du livre


GRENET, Frantz. Recentrer l’Asie centrale : Leçon inaugurale
prononcée le jeudi 7 novembre 2013. Nouvelle édition [en ligne].
Paris   : Collège de France, 2014 (généré le 21 octobre 2021).
Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/cdf/3590>.
ISBN   : 9782722603288. DOI   : https://doi.org/10.4000
/books.cdf.3590.
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Recentrer l’Asie centrale

Leçon inaugurale prononcée le


jeudi 7 novembre 2013
Frantz Grenet

Ce livre est recensé par

Anatole Danto, Lectures, mis en ligne le 30 janvier 2019.


URL : http://journals.openedition.org/lectures/15176 ; DOI :

38 sur 39
https://doi.org/10.4000/lectures.15176

Recentrer l’Asie centrale

Leçon inaugurale prononcée le


jeudi 7 novembre 2013
Frantz Grenet

Ce chapitre est cité par

Kirmse, Stefan B.. (2020) Die politischen Systeme


Zentralasiens. DOI: 10.1007/978-3-658-31633-4_2

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