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Revue du rhumatisme 80 (2013) 176–178

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Fait clinique

Intérêt de l’IRM dans les coccygodynies sur luxations sacro-coccygiennes夽


Anne-Priscille Trouvin a,∗ , Vincent Goeb a , Thibault Vandhuick a , Paul Michelin b , Thierry Lequerré a ,
Olivier Vittecoq a
a
Service de rhumatologie, hôpitaux de Rouen, CHU, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France
b
Département de radiologie, hôpitaux de Rouen, CHU, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France

i n f o a r t i c l e r é s u m é

Historique de l’article : La luxation sacro-coccygienne est une des multiples causes de coccygodynie. C’est une pathologie rela-
Accepté le 27 juillet 2012 tivement rare. Le diagnostic étiologique est difficile à poser. Seule l’imagerie dynamique permet de
Disponible sur Internet le 28 septembre démasquer ces luxations. Nous décrivons deux cas de luxations sacro-coccygiennes révélées par des coc-
2012
cygodynies. Dans les deux cas, les patients rapportent un traumatisme plus ou moins ancien, qui n’est pas
toujours corrélé à l’apparition des douleurs. L’IRM sacro-coccygienne a objectivé des lésions inflamma-
Mots clés : toires locales (bursite, arthrite sacro-coccygienne) pouvant justifier d’un geste local. Devant l’insuffisance
Coccygodynie
d’efficacité des antalgiques, une infiltration d’un dérivé cortisonique de l’articulation sacro-coccygienne
Luxation sacro-coccygienne
IRM
a été proposée et a permis une résolution complète des symptômes chez le patient ayant accepté ce geste
Infiltration local.
© 2012 Publié par Elsevier Masson SAS pour la Société Française de Rhumatologie.

1. Introduction À l’interrogatoire, la patiente décrit une majoration des douleurs


en position assise, s’y associent des fourmillements au niveau de la
Les coccygodynies sont des douleurs de la région périnéale dont marge anale, imposant à la patiente de s’asseoir sur une bouée. Il
l’étiologie est difficile à appréhender. La prévalence de ces douleurs n’est pas noté de douleur nocturne.
reste inconnue. L’origine est principalement traumatique mais il À l’examen physique, on déclenche une douleur à la palpation
existe des formes idiopathiques. Dans certains cas, les coccygody- du sacrum qui irradie vers le pli inter-fessier et la vulve. Le toucher
nies sont liées à des luxations sacro-coccygiennes difficiles à déceler rectal déclenche les douleurs. Le reste de l’examen est normal. Les
en l’absence d’examen d’imagerie dynamique. La prise en charge est analyses biologiques n’objectivent pas de syndrome inflammatoire.
complexe et n’est pas encore codifiée. Le scanner pelvien est normal et ne met pas en évidence
d’anomalie, notamment au niveau de la fosse ischiatique, au voisi-
nage du muscle piriforme, au niveau du muscle obturateur interne
2. Observation 1 ou du plexus sacré.
Quant à l’IRM pelvienne, celle-ci ne montre pas d’anomalie au
Une femme de 57 ans est adressée pour l’évaluation diagnos- niveau du sacrum. En revanche, en arrière des deuxième et troi-
tique d’une douleur sacrée irradiant vers le pli inter-fessier et la sième vertèbres coccygiennes, il est visualisé une petite image de
marge anale. Les symptômes ont commencé quelques mois après densité liquidienne de 16 mm de diamètre, en hypersignal T2 STIR
une succession de deux chutes. La première chute a eu lieu dans et en hyposignal T1 (Fig. 1).
un escalier roulant et a entraîné une rupture du ligament laté- Devant l’absence d’argument pour une névralgie d’Alcock, des
ral interne et du tendon rotulien du genou gauche. Quelque mois clichés standard dynamiques du rachis sacré de profil ont été
après, la patiente fait une nouvelle chute par maladresse. Dans réalisés. Ils ont permis de mettre en évidence une luxation sacro-
les semaines suivant cette deuxième chute apparaissent des dou- coccygienne postérieure en position assise (Fig. 2).
leurs de la charnière lombo-sacrée irradiant vers le sacrum et le pli La réalisation d’un geste infiltratif de l’articulation sacro-
inter-fessier. coccygienne a été proposée à la patiente devant la présence d’une
bursite en regard de cette articulation visualisée à l’IRM. La patiente
a refusé cette infiltration.

DOI de l’article original : http://dx.doi.org/10.1016/j.jbspin.2012.09.006. 3. Observation 2


夽 Ne pas utiliser, pour citation, la référence française de cet article, mais la
référence anglaise de Joint Bone Spine avec le DOI ci-dessus.
∗ Auteur correspondant. Un homme de 71 ans est adressé pour la prise en charge
Adresse e-mail : aptrouvin@gmail.com (A.-P. Trouvin). de douleurs de la charnière sacro-coccygienne se manifestant

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http://dx.doi.org/10.1016/j.rhum.2012.07.017
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Fig. 1. IRM du rachis lombo-sacré en séquence T2 STIR. Image de densité liquidienne


de 16 mm de diamètre en hypersignal en arrière des pièces coccygiennes.

en position assise et lors du lever et disparaissant en Fig. 3. IRM sacrée en séquence T2 STIR, coupe para-sagittale. Image de densité liqui-
position debout, à la marche ou lors des activités. À l’interrogatoire, dienne en hypersignal en regard de l’articulation sacro-coccygienne.
le patient rapporte une chute de sa hauteur sur le coccyx. L’examen
physique provoque une douleur à la palpation de la charnière
lombo-sacrée irradiant vers le pli inter-fessier. 5 femmes pour 1 homme [1]. L’origine de cette douleur peut être
Les premiers examens d’imagerie notent en position statique traumatique ou idiopathique. Les traumatismes pouvant induire
une intégrité du sacrum, L’IRM sacrée objective une inflammation une coccygodynie sont multiples. Il peut s’agir de chutes en posi-
en regard de l’articulation sacro-coccygienne (Fig. 3). Les clichés tion assise, de microtraumatismes engendrés par des sports, tels
sacrés ont donc été réalisés en dynamique et ont permis de révéler que le vélo ou la moto, ou d’un accouchement. En l’absence de cause
une luxation sacro-coccygienne postérieure en position assise. traumatique identifiable, les douleurs seront considérées comme
Ce patient a bénéficié d’une première infiltration d’un dérivé idiopathiques. Par ailleurs, il a été démontré qu’un indice de masse
cortisonique (cortivazol) au niveau de la charnière sacro- corporelle (IMC) augmenté est un facteur de risque de douleurs
coccygienne sous contrôle scanographique. Suite au geste, le coccygiennes, avec un seuil de 27,4 kg/m2 pour les femmes et de
patient rapporte une amélioration partielle de sa symptomatologie 29,4 kg/m2 pour les hommes [2].
évaluée à 40 %. Le patient supporte plus longtemps la position assise Les deux observations présentées montrent que le diagnostic de
et les trajets en voiture. Devant la persistance de ces douleurs, il est coccygodynie est complexe [3]. Il est essentiel de rechercher sys-
réalisé une deuxième infiltration de cortivazol sous contrôle scano- tématiquement toute forme de traumatisme aigu ou chronique à
graphique. Après ce deuxième geste, le patient est complètement l’interrogatoire, nos deux patients avaient fait une chute plus ou
asymptomatique avec un recul de huit mois. moins récente par rapport à l’apparition des symptômes. Les dou-
leurs sont de rythme mécanique et majorées en position assise.
4. Discussion Généralement, le coccyx est douloureux à la palpation, le toucher
rectal est douloureux et la mobilisation des osselets coccygiens
La prévalence des coccygodynies est inconnue. En revanche, reproduit la douleur habituelle du patient. Il ne faudra pas mécon-
il existe une nette prédominance féminine avec un sex-ratio de naître des douleurs projetées, pouvant être d’origine rachidienne
ou plus à distance liées à une atteinte viscérale (rectum, sig-
moïde, tractus uro-génital. . .). De la même façon, des douleurs de
rythme inflammatoire, persistantes en décubitus, orienteront vers
une pathologie infectieuse ou tumorale. Les douleurs d’origine neu-
rologique sont mal systématisées et peuvent, elles aussi, mimer
une coccygodynie. Cependant, il existe quelques atypies, dans ce
dernier cas, car les douleurs sont plutôt de nature neuropathique
(brûlure ou élancement) et sont souvent associées à une hypoes-
thésie ou des paresthésies. Dans ce contexte, les douleurs peuvent
être reproduites à la palpation du coccyx mais ne sont pas provo-
quées par la mobilisation du coccyx au toucher rectal. Le syndrome
d’Alcock est un diagnostic différentiel des coccygodynies [4].
La démarche diagnostique, outre l’examen clinique, comporte
donc des examens d’imagerie et notamment des radiographies
standards de profil du sacrum incluant des clichés dynamiques
afin de démasquer les luxations [5]. L’IRM permet la mise en
évidence d’une bursite, d’une inflammation de l’articulation sacro-
coccygienne avec anomalie de signal du disque et/ou des plateaux
Fig. 2. Radiographies standard dynamiques du rachis sacré de profil. En position vertebraux de type Modic, d’anomalies des parties molles ou de
assise, luxation postérieure au niveau de l’articulation sacro-coccygienne. lésions nerveuses (compression du nerf pudendal, schwannomes)
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[6–8]. Dans les deux cas présentés, les clichés dynamiques n’avaient Déclaration d’intérêts
pas été réalisés de façon systématique et l’IRM a permis la mise
en évidence de bursites qui nous ont donc conduit à la réalisa- Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-
tion de ces clichés dynamiques du sacrum permettant de révéler tion avec cet article.
les luxations. Il ne faut donc pas oublier la réalisation des clichés
dynamiques du sacrum chez les patients présentant une coccygo- Références
dynie et avoir recours à l’IRM en l’absence de luxation sur les clichés
dynamiques ou afin de mettre en évidence les conséquences locales [1] Patijn J, Janssen M, Hayek S, et al. 14. Coccygodynia. Pain Pract 2010;10:554–9.
[2] Maigne JY, Doursounian L, Chatellier G. Causes and mechanisms of common
éventuelles de cette luxation [8]. coccydynia: role of body mass index and coccygeal trauma. Spine (PhilaPa
Le traitement des coccygodynies [1,3,9] n’est pas codifié. Les 1976) 2000;25:3072–9.
options non chirurgicales comprennent les traitements antalgiques [3] De Andres J, Chaves S. Coccygodynia: a proposal for an algorithm for treatment.
J Pain 2003;4:257–66.
et anti-inflammatoires, les manipulations intrarectales des osselets [4] Mazza L, Formento E, Fonda G. Anorectal and perineal pain: new pathophysio-
coccygiens [10], les infiltrations associant corticoïdes et anesthé- logical hypothesis. Tech Coloproctol 2004;8:77–83.
siques. Il conviendra cependant d’être prudent dans le choix des [5] Maigne JY, Guedj S, Straus C. Idiopathic coccygodynia. Lateral roentgeno-
grams in the sitting position and coccygeal discography. Spine (PhilaPa 1976)
corticoïdes comme le montre ces quatre cas rapportés en 2009 avec
1994;19:930–4.
l’apparition d’une calcification discale après infiltration par corti- [6] Fogel GR, Cunningham 3rd PY, Esses SI. Coccygodynia: evaluation and mana-
vazol ayant entraîné chez deux des patients un surcroît de douleurs gement. J Am Acad Orthop Surg 2004;12:49–54.
[11]. Chez notre patient, il n’a pas été noté de surcroît de dou- [7] Mouhsine E, Garofalo R, Chevalley F, et al. Posttraumatic coccygeal instability.
Spine J 2006;6:544–9.
leurs après les infiltrations avec un recul de huit mois. En cas [8] Maigne JY, Pigeau I, Roger B. Magnetic resonance imaging findings in the painful
d’échec du traitement médical, certaines équipes ont obtenu des adult coccyx. Eur Spine J 2012, http://dx.doi.org/10.1007/s00586-012-2202-6
résultats encourageants avec 50 % de patients soulagés à six mois [9] Patel R, Appannagari A, Whang PG. Coccydynia. Curr Rev Musculoskelet Med
2008;1:223–6.
en utilisant la radiofréquence pulsée comme alternative à la chi-
[10] Maigne JY, Chatellier G. Comparison of three manual coccydynia treatments: a
rurgie [12]. En cas d’échec de l’ensemble de ces traitements, pilot study. Spine (PhilaPa 1976) 2001;26:479–83 [discussion E84].
l’option chirurgicale se discute et consiste en une coccygecto- [11] Maigne JY. Four cases of coccygeal disk calcification after cortivazol injection.
Joint Bone Spine 2009;76:699–700.
mie partielle ou totale [13]. Cependant, et comme dans la plupart
[12] Atim A, Ergin A, Bilgic S, et al. Pulsed radiofrequency in the treatment of coc-
des pathologies idiopathiques chroniques résistantes à tous trai- cygodynia. Agri 2011;23:1–6.
tement, une évaluation du profil psychologique du patient est [13] Kerr EE, Benson D, Schrot RJ. Coccygectomy for chronic refractory coc-
nécessaire avant la réalisation d’un geste invasif en particulier cygodynia: clinical case series and literature review. J Neurosurg Spine
2011;14:654–63.
chirurgical.

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