Vous êtes sur la page 1sur 6

Ecrire les révolutions

2 études de texte car présente une vision du peuple révolutionnaire totalement différente
dans des oeuvres de fictions : négative chez Flaubert et positive chez Vallès

Ce sont des extraits d’oeuvres françaises du XIXe s :

- L’éducation sentimentale ​de Gustave Flaubert (1869) : révolution de 1848 en la


mettant fortement à distance. L’une des manières de la mettre à distance est de
recourir à un narrateur omniscient. De cette manière, il va rendre compte de la vision
que lui inspire le peuple. Il est pensé comme un grand roman parisien. Son auteur
est déjà connu (scandale avec Bovary) quand ce roman paraît. Il espère faire
l’histoire de sa génération. Il fait le portrait moral de ces contemporains à travers son
héros Frédéric, incapable d’agir. Le roman est sous-titré ​Histoire d’un jeune homme
(roman de formation mais vie qui piétine, n’avance pas). Il est passif, lâche et
prétentieux. Il échoue en amour et politique. Le roman débute en 1840, Frédéric à 18
ans et il s’achève en 1868-69 où Frédéric a une cinquantaine d’années mais rien n’a
changé pour lui. Flaubert veut montrer que rien n’a changé en France, que les
révolutions n’ont mené à rien. L’extrait décrit les journées révolutionnaires de 1848 et
précisément le moment où ouvriers et bourgeois renversent la Monarchie de Juillet et
proclament la République. C’est à cette occasion que les 2 personnages vont voir
leurs vies s’inscrire dans le cours de l’histoire. Ils vont être témoins de la révolution
sans en être complètement acteurs. Le narrateur va les suivre à la 3e personne et
donner à voir la révolution dans ce qu’elle peut avoir de plus spectaculaire et de plus
effrayant : détonation, barricades, morts, blessés.

- L’insurgé​ de Jules Vallès (1886) : exalte la Commune de 1871 à travers l’expérience


de l’un de ses participants (qui est le narrateur, alter ego de Vallès qui a participé à la
Commune du côté du peuple). Vallès comme Flaubert souhaite écrire l’histoire d’une
génération. Pour se faire, il compose une trilogie d’inspiration autobiographique
L’enfant ​(1879), ​Le bachelier ​(1881) et ​L’insurgé​ (1886). Son personnage ressemble
beaucoup à l’auteur : Jacques Vingtras. Il a été maltraité par la vie, connu la misère
(précarité) et va combattre aux côtés des révolutionnaires de la Commune. Vallès est
mort avant d’achever son dernier roman mais il a laissé des notes à ses proches
permettant de le terminer. L’extrait est la toute dernière page du roman : la
Commune a été écrasée, le héros doit se cacher et il réussit à quitter Paris. C’est
arrivé à Vallès lui-même. Beaucoup sont envoyés en Nouvelle-Calédonie. La
Commune de 1871 est considérée comme le prolongement de la révolution de 1848.

Importance de prendre en compte cet écart

1/6
La Commune est une révolution qui éclate notamment en réaction à l’entrée en France de
l’armée prussienne qui menace d’entrer à Paris. Le peuple de Paris défend la ville puisque
le IInd Empire de Napoléon III est vaincu. La République est proclamée et la Commune
instaure un gouvernement autonome. D’autres villes, notamment Marseille, vont faire de
même mais la reprise de Paris est organisé par les conservateurs, réfugiés à Versailles. On
les appelle les versaillais. Ils vont récupérer la ville et massacrer les communards. Les
communards se réfugient au cimetière du Père Lachaise et ils sont fusillés sur un mur qui
est aujourd’hui un mur de pèlerinage pour une partie de la gauche et de l’extrême gauche.

I. Etude du texte de Gustave Flaubert : extrait de ​L’éducation sentimentale ​(1869)

1. Le bruit et la fureur …

Au début, question d’une joie frénétique.


A la fin, question de fureur puis de délire

L’événement décrit semble échapper complètement à la rationalité.


La violence se fait entendre ​La Marseillaise​ (violence auditive). Rien n’échappe au
déchaînement populaire comme le suggère l’énumération d’objets. Volonté de destruction
totale.
Pour Flaubert, les objets sont insignifiants, de purs symboles. La preuve est que le fait que
le peuple se saisisse du trône : simple fauteuil mais symbole de roi.

Pour Flaubert, c’est l’enfer au sens métaphorique : chaleur insupportable, la foule brûle une
série d’objets (7 bûchers). Le peuple a des allures sataniques : visages rouges, sueurs. Le
peuple se laisse aller au plus bas instinct : colère, gourmandise… Fantasme de la foule ivre.
Péché de la luxure.
Ruban de la légion d’honneur pour faire une ceinture par les prostitués (reconnaissable aux
ceintures jaunes, dorées). Une prostituée fait la statue de la liberté. La liberté se vend aux
plus offrants.
Idée que la révolution de 1830 n’a mené à rien en dehors d’une liberté mal entendue.

2. Le crépuscule du peuple romantique

crépuscule :​ tombée de la nuit

Flaubert prend le contre-pied des représentations optimistes et mystifiées du peuple qu’on


pouvait retrouver chez les historiens républicains et les romantiques.
Flaubert est un écrivain contre-révolutionnaire qu’il va détourner une représentation : celle
de la fête révolutionnaire (on boit, danse, fume, joue aux cartes, déguisement). On parle de
carnaval effrayant car s’apparente à un moment ponctuel de renversement de rôles (​ex :
femmes se déguisent en hommes). Donc les ouvriers s’assoient sur le trône du Roi et le
peuple s’habille avec les vêtements du Roi. Les bagnards se roulent dans le lit des
princesses. Cette énergie s’avère positive et dévoyée en rage. Pour Flaubert, c’est le
danger. Les 2 personnages au départ sont séduits par le spectacle puis quittent les lieux de
peur d’être étouffé. Ce qui leur paraît exotique les terrifie, les dégoûte.

2/6
On peut se poser la question de si c’est le peuple qui les dégoûte, cette énergie.

Les 2 héros ne sont pas sensibles à cette nouvelle forme d’héroïsme. Vision désidéalisé du
peuple : beaucoup plus terre à terre, réel du peuple qui est susceptible de casser le mythe
romantique du peuple en action. Quand Frédéric continue de trouver le peuple magnifique, il
dit qu’il préfère s’en tenir aux clichés du romantique plutôt qu’à la réalité. Ça signifie qu’il ne
juge le peuple que du point de vue esthétique. Mais dans une scène pareille, est-ce
vraiment la beauté qui compte et non l’efficacité politique d’un tel mouvement ?

Connotations négatives du peuple : canaille, populace, masse, monde, multitude, …

Tournures passives : pas le peuple lui-même

Métaphores qui marquent la force naturelle : “mer orageuse”, … Importance du flot, de la


mer qui est ici pure destruction.

Les seuls portraits qu’on a sont stéréotypés qui associent le peuple au crime : galérien,
chenapan, violeurs en puissance, …
Animalité mis en avant : mugissement et grouillante

3. La déroute du sens

Le peuple ne donne aucun sens (synonyme de direction et de signification) à son action, qui
n’est pas mue par une idéologie politique mais l’envie. Ce qui motive secrètement la foule ce
n’est pas une véritable idéologie mais l’envie (aspiration aux honneurs et à la richesse).

Flaubert dénonce la fausse union qui s’opère autour de ce symbole révolutionnaire : ​La
Marseillaise​. Quand il nous dit que chacun satisfaisait son caprice, il nous peint le peuple
comme un enfant. Le peuple semble s’agiter plutôt qu’agir. La scène révèle une perte de
sens dans l’histoire. Cette perte de sens se traduit dans le texte par la suppression des
connecteurs logiques.
Il brouille les points de vues (avis contradictoires sur le peuple).

La scène n’est pas réaliste, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Flaubert ne décrit pas
février 1848 mais n’importe quelle révolution, ce qu’il imagine être n’importe quelle
révolution.

Film : ​Un peuple et son roi :​ pas très bon film mais prise de la Bastille semblable au passage
de Flaubert donc toutes les révolutions semblables dans l’imaginaire

L’héroïsme individuel est impossible car le héros, Frédéric, reste un simple observateur,
passif, en retrait. Il engage un polytechnicien à s’interposer plutôt que de le faire lui-même.

3/6
II. Etude du texte de Jules Vallès extait de ​L’Insurgé​ (posthume, 1886)

Ce 2e texte décrit une autre révolution : la Commune en 1871

1. Malheur aux vaincus ?

La révolution n’est pas décrite à chaud, comme chez Flaubert.


Ce ne sont pas les combats qui sont donnés à voir mais ce qui suit la bataille.
Le narrateur-personnage, un communard, est recherché par les versaillais. Il se cache
depuis des semaines. Il s’est en quelque sorte emprisonné lui-même pour ne pas être fait
prisonnier. Il vit reclus, dans un espace restreint et obscur, silencieux. Dans le texte, ce lieu
est désigné comme un trou. C’est peut être aussi que dans ce trou le personnage est “blême
comme celle d’un noyé”. Un noyé est un homme mort donc d’une certaine manière, il est
déjà mort.
Le personnage est presque mort, comme s’il avait été submergé par sa répression. Le héros
Vingtras est totalement isolé, affaibli et il semble avoir perdu la notion du temps. Dans ces
conditions, ce personnage se livre à une introspection. Evidemment, on la fait à “je” (sujet et
complément d’une même phrase dans le texte). Il fait un examen de conscience. Cet
examen se veut rationnel, raisonnable. Peut-être que le personnage craint que la folie le
guette. Il médite sur son sort. Cette méditation transparaît à travers de nombreux verbes de
jugement : “je ne crois pas”, “je sais”, “à force d’y avoir pensé”, … Quand on est privé
d’interlocuteurs, on se parle à soi-même et le personnage le fait : il s’auto-consulte par le
discours direct “de quoi te plains-tu ?”. Ça permet de créer un lien avec le lecteur, de rendre
les choses plus vivantes.

Ce personnage est un révolutionnaire vaincu et la cause à laquelle il croyait a été écrasée. Il


se projette donc dans le futur de manière lucide et un peu pessimiste (amis morts). Il a des
raisons d’imaginer le pire “Par 2 fois, je me suis trahi. Des voisins ont pu voir sortir ma tête”.
Il a peur de la délation, de la trahison. Il se donne la faute de cette trahison.

On a donc un personnage dans un moment d’anonymat et d’attente. Le personnage ne


cesse de penser à la mort et lié au poteau de Satory, lieu d’exécution des communards. Ce
poteau prend la forme d’un crucifix et il est précisé “notre crucifix à nous” car les
communards pour la plupart était très opposé à ce qu’il considérait l’oppression religieuse.
Donc la plupart était laïque. Le symbole chrétien est déplacé. Les communards deviennent
eux-même des martyrs, comme s’ils étaient comparés à Jésus. On va prendre un symbole
ennemi qu’on va retourner de manière à devenir un symbole de la cause en lui donnant un
sens nouveau (inversion du symbole)

4/6
2. Par-delà la mort, une communauté vivante

L’extrait est traversé par l’opposition entre les 2 camps : communard et versaillais.
Au départ cette opposition est d’abord figuré dans le texte par la tension entre le “je” du
narrateur-personnage et la manière impersonnelle et vague “ils” ou “on” dont sont désignés
les adversaires. Plus loin, sont évoqués les soldats et la Perquisition (p majuscule car sorte
d’allégorie de la répression).
A cet adversaire insaisissable et vague s’oppose un “nous”, une communauté. Image de ce
qu’est la grande fédération des douleurs.

Le personnage fait son examen de conscience et en tire quelques certitudes : “je sais que
les fureurs des foules sont crimes d’honnêtes gens”. Ici la colère du peuple est jugée
positive, compréhensible et même bénéfique. Crime ici est une trace du langage des
versaillais car les communards considèrent qu’ils sont dans leur bon droit. Ces crimes sont
signalés plus loin de manière imagée (“enfumée et encaillotée de sang”). Enfumée renvoie
aux incendies allumés par les communards pour détruire les symboles du pouvoir (chateau
des tuileries, hôtel de ville de Paris qui a été reconstruit à l’identique) et empêcher les
versaillais de prendre possession des lieux. Encailloté renvoie aux cailloux

Ce texte dit que ceux qui sont tombés ne sont pas morts pour rien, que leur mémoire restera
vivante. Le héros a la conviction que la vérité finira par triompher et a donc la conscience
tranquille. C’est pour ça qu’il dit qu’il est prêt à mourir. Ces rancunes sont mortes “je suis en
paix avec moi-même”. C’est en replaçant son parcours dans l’histoire que le héros parvient
à dédramatiser son sort. Il comprend que ce n’est pas le premier à avoir souffert.

Les guerres sociales ont encore de beaux jours devant elles.


Le héros se félicite d’une chose : avoir lutté pour la justice commune et non pas pour ses
intérêts personnels : “toi tu as rassemblé [...] douleurs”.
Peloton renversé pour désigner les communards et la justice.

Le héros ressent une forme de fierté à l’idée d’avoir lutté pour les autres, de ne pas être
resté les bras croisés : “mon nom restera affiché [...] fainéant”

3. L’horizon des luttes

Le personnage joue sa vie mais ne cède pas au désespoir.


Dès le début, il utilise un langage imagé et des expériences familières (“filer entre les
doigts”) qui permettent de donner une certaine légèreté au texte.
“!” → rythme et légèreté

Le personnage exprimait le désir impossible de sortir du trou et trouver la lumière. Il devient


possible à la fin du texte. Le blanc typographique marque une rupture géographique,
chronologique et psychologique puisque le narrateur parvient à quitter le lieu où il était
enfermé et reprend donc espoir.
L’action succède à la réflexion.

5/6
On est dans le témoignage en temps réel.
Le narrateur ne sait pas où il se trouve exactement mais il sait que d’une certaine manière il
s’est échappé.
Lui qui avait peu d’espoir peut enfin s’exclamer comme étant libre.

La lutte continue. D’autres révolutions sont prévisibles : “si le peuple est rejeté dans la rue”

Une nouvelle vie s’offre au personnage : il relève la tête, retrouvant ainsi une certaine
dignité.
La nature semble solidaire de la révolution (ciel bleu = blouse bleu = tenue de travail).
On retrouve la métaphore du flot (“inondé” de sang dc des martyrs)

Le roman se terminerait par une allusion au drapeau bleu (ciel) blanc (blanc typo) rouge
(sang)

6/6

Vous aimerez peut-être aussi