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L'INNOVATION PÉRICENTRALE DANS L'INDUSTRIE AUTOMOBILE : UNE

GESTION TERRITORIALE DU RISQUE DE RÉSISTANCE AU CHANGEMENT

Jean-Bernard Layan

Métropolis | « Flux »

2006/1 n° 63-64 | pages 42 à 53


ISSN 1154-2721
DOI 10.3917/flux.063.0042
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Flux n° 63-64 Janvier - Juin 2006 pp. 42-53

L’innovation péricentrale dans l’industrie


automobile : une gestion territoriale du risque de
résistance au changement
Jean-Bernard Layan

P ar sa géographie l’industrie automobile mondiale est emblé-


matique de l’industrie manufacturière dans son ensemble.
La concentration dans les pays du Nord - typique de la division
à une organisation du travail plus flexible et plus tendue qui
détériore les conditions de travail et banalise les statuts et les
savoirs professionnels mais surtout risque d’une opposition au
traditionnelle du travail – est toujours une réalité : les 2/3 des 60 brouillage croissant des références institutionnelles, les fron-
millions de véhicules fabriqués chaque année dans le monde tières de l’entreprise et de la marque s’estompant au sein de
proviennent des trois pôles de la Triade que sont les États-Unis, réseaux productifs plus anonymes.
le Japon et l’Europe occidentale. Les trente dernières années
cependant voient l’émergence de nouveaux espaces productifs. LE PARADOXE DE L’INNOVATION
La Corée du Sud réussit à faire entrer ses constructeurs dans le INDUSTRIELLE PÉRICENTRALE
club fermé de l’oligopole mondial, le Mercosur et les grands
Au cours du vingtième siècle s’étaient constitués dans la plupart
pays continents comme l’Inde et surtout la Chine surent attirer
des pays industrialisés des systèmes automobiles nationaux
les investissements des groupes multinationaux. D’autres pays
contrôlés par quelques constructeurs avec l’assentiment des
aux marchés domestiques beaucoup plus réduits comme
pouvoirs publics, le poids économique de cette industrie étant
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l’Espagne ou le Mexique sont aussi devenus des espaces privi-
considérable du point de vue de l’activité, de l’emploi comme
légiés de la fabrication automobile. Nous avions analysé
des exportations. Le reste du monde était essentiellement une
(Layan, 2000) le processus d’émergence particulier de ces
zone de commercialisation des productions du Nord. Les
espaces péricentraux situés dans les marges immédiates des
implantations à l’étranger se limitaient, dans les marchés natio-
grands pôles traditionnels de l’industrie mondiale. Cette étude
naux les plus protégés, à l’assemblage de lots de pièces déta-
mettait en valeur certaines caractéristiques a priori paradoxales
chées (montage CKD) ou à la production de quelques modèles
de la spécialisation de ces nouvelles régions. L’industrialisation
obsolètes (Amérique latine, Europe de l’Est). Dans les années
périphérique récente est visiblement en rupture avec les sché-
1980, l’espace de la production automobile s’élargit progressi-
mas théoriques les plus familiers aux économistes. Loin d’être
vement à de nouveaux pays, en périphérie de l’Europe com-
une industrialisation « au rabais », déclassée voire obsolète, la
munautaire, par exemple.
production automobile dans ces nouveaux espaces est le plus
souvent à la pointe de l’innovation, en matière de produits et Les installations nouvelles, nous le verrons, sont toujours à
surtout de process. La nature essentiellement organisationnelle la pointe de la modernité et se spécialisent sur des produits sou-
de l’innovation périphérique nous conduit à privilégier l’hypo- vent identiques à ceux qui continuent d’être fabriqués par les
thèse de décisions stratégiques des constructeurs tendant à se usines des régions traditionnelles. Premier paradoxe pour un
prémunir, par l’expérimentation délocalisée, du risque d’une économiste adepte des modèles standard de la spécialisation
résistance des salariés à ces changements. Risque de résistance internationale. Dans ces modèles la division internationale du

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Layan - L’innovation péricentrale dans l’industrie automobile

Production mondiale de véhicules automobiles (Pays ayant l’élargissement par les grands constructeurs internationaux de
construit plus d’un million de véhicules en 2004)
leurs réseaux productifs qui est à l’origine de l’apparition d’une
États-Unis 12,0 industrie automobile moderne dans ces régions voisines des
Japon 10,5 grands pays automobiles. Ce processus a beaucoup profité de
Allemagne 5,6 la constitution des blocs régionaux (Union européenne et
Chine 5,1 Alena) mais n’en est pas une conséquence mécanique. Dès la
France 3,7 fin des années 1960, les géants de Détroit s’étaient implantés au
Canada, dans l’état limitrophe de l’Ontario et certains construc-
Corée du sud 3,5
teurs allemands ou français en Belgique. Dans les années 1980,
Espagne 3,0
l’expansion se poursuit vers la péninsule ibérique (1) ou vers le
Canada 2,7 Mexique, près d’une décennie avant l’intégration de ces pays à
Brésil 2,2 leur bloc économique régional. Plus récemment le phénomène
Grande-Bretagne 1,9 s’est étendu aux anciens pays communistes (2) mais aussi à
Mexique 1,6 d’autres pays européens (Autriche, Finlande) ou limitrophes de
l’Union Européenne (Turquie).
Inde 1,5
Russie 1,4 Le terme de délocalisation généralement utilisé pour dési-
Italie 1,1 gner ce phénomène montre ici toute son ambiguïté, l’émergen-
(En millions d’unités, chiffres provisoires, OICA) ce de ces nouveaux pays automobiles ne s’accompagnant que
de très peu de fermetures de sites dans les régions tradition-
travail est l’expression d’une différence marquée entre territoires nelles. Nous assistons plutôt à une extension de la base territo-
et s’opère par une mise en adéquation entre particularismes des riale de la production automobile accompagnée d’une redistri-
nations et caractéristiques des produits et/ou des process. bution des spécialisations des sites au sein des réseaux produc-
L’optimalité économique conduisant à une valorisation des dif- tifs des constructeurs et des grands équipementiers.
férences structurelles des territoires par leur spécialisation pro-
Nous avons pu par ailleurs (Layan, Lung, 2004) dessiner la
ductive. Réalité plus difficile à admettre que la similitude des
spécialisation marquée de ces nouveaux territoires. Dans ces
productions centrales et périphériques, on peut même trouver
zones les constructeurs ont installé des unités de production de
dans des zones périphériques des produits et des organisations
fort volume (3) avec une concentration marquée dans l’entrée
productives à la pointe de l’innovation.
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de gamme. Ainsi sont montés en périphérie des véhicules
L’émergence d’une industrie péricentrale innovante appartenant aux segments dominants du marché continental (4)
et des moteurs de faible cylindrée. On peut aussi noter dans
L’histoire récente de l’industrie automobile est marquée par
certains de ces pays une surreprésentation de l’assemblage des
l’émergence de nouveaux territoires de production. En marge
véhicules utilitaires. Ces productions essentiellement destinées
des régions centrales de l’économie mondiale, la péninsule ibé-
à l’exportation vers les zones et les pays les plus développés de
rique, le Mexique, la Turquie ou l’Europe centrale et orientale
la région alimentent aussi le marché domestique sur lequel les
sont devenus des espaces de production de véhicules et de pro-
constructeurs bénéficient de facto d’un avantage commercial lié
duits intermédiaires destinés à approvisionner un marché large-
à leur localisation.
ment globalisé. Les usines installées dans ces pays utilisent les
procédés de fabrication les plus modernes, les principes d’or- Cette spécialisation tendancielle n’est ni complète, ni
ganisation du travail les plus innovants et fabriquent certains des unique. D’un côté, les modèles de fort volume sont aussi mon-
produits les plus high-tech du moment. tés dans les usines centrales des constructeurs. De l’autre, la
fabrication de plusieurs produits haut de gamme, souvent à la
De nouveaux pays automobiles en marge des grands pointe de l’innovation, est localisée, comme nous le verrons,
L’émergence des nouveaux pays automobiles que nous étu- dans des zones très éloignées des centres traditionnels et des
dions n’a rien d’un mouvement spontané et autocentré. C’est sièges sociaux des grands constructeurs.

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Des produits et des installations à la pointe de la structure et une carrosserie en aluminium. Notable est aussi la
nouveauté
production de la Phaeton, vaisseau amiral de la marque
La plupart de ces nouveaux pays automobiles possédaient déjà Volkswagen, dans les nouveaux länder est-allemands.
une industrie nationale souvent ancienne (Espagne, Mexique,
Mais l’innovation en périphérie ne se limite pas à l’assem-
Tchécoslovaquie). Mais leur production, destinée à un marché
blage de nouveaux produits. Elle touche largement les proces-
protégé de la concurrence internationale, était d’une qualité
sus de production. De Martorell en Catalogne à Mlada Boleslav
très éloignée des standards du marché « mondial ». Quand
en République tchèque en passant par Resende au Brésil, c’est
cette production était le fait des grands constructeurs interna-
en périphérie que le groupe Volkswagen applique de nouveaux
tionaux, ceux-ci, soumis à des réglementations drastiques (5),
principes organisationnels que l’on a pu résumer dans le
voyaient là l’occasion de prolonger la durée de vie d’anciens
concept de « consortium modulaire » (Frigant, Talbot, 2002).
modèles ou de réutiliser des équipements obsolètes. L’ouverture
Des préoccupations proches conduisent Ford à créer son nou-
commerciale et l’installation de nouveaux centres industriels
veau parc de fournisseurs à Valence avant d’en appliquer le
par les firmes multinationales du secteur se sont accompagnées
principe à Cologne ou à Genk. On est loin du temps où l’on
d’une mise à niveau, technologique et organisationnelle, très
prolongeait le cycle de vie des vieux modèles en Espagne, au
rapide. Cette révolution productive démarre avec la mise en
Mexique ou en Roumanie.
route d’usines, nouvelles ou rénovées, assemblant les tout nou-
veaux modèles des constructeurs, activité jusque-là réservée Ces réalités de la géographie industrielle contemporaine
aux usines leaders des pays centraux. C’est le cas en 1976 peuvent laisser perplexes ceux qu’ont convaincus les arguments
quand Ford met en fabrication à Valence-Almusafes la toute des théories traditionnelles de l’échange international et de la
nouvelle Fiesta. La réaction de Renault au début des années spécialisation territoriale. Expliquer l’ensemble de ces localisa-
1980 sera marquée par la sortie de la R9 à Valladolid en même tions à partir de l’existence d’avantages comparatifs territoriali-
temps qu’à Flins et à Vilvoorde. Il en sera de même de l’autre sés, qu’ils soient de type factoriel ou basés sur des différences
côté de l’Atlantique quand Ford choisira le Mexique pour fabri- de compétences technologiques, tient de la gageure.
quer la nouvelle Escort ou la version américaine de la Mondeo
(Layan, 2000). Les sites péricentraux deviennent ainsi des lieux Un phénomène peu compatible avec le concept
de démarrage de la production des nouveaux modèles. d’avantage comparatif
Aujourd’hui le groupe Volkswagen inaugure même les nou- L’analyse standard de la spécialisation internationale reprend
velles plateformes du groupe dans ces usines d’Europe centra- pour l’essentiel le cadre et les conclusions de la théorie ricar-
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le : celle de la quatrième génération de la Golf a démarré avec dienne des coûts comparatifs, résumée dans le concept, trop
la Skoda Octavia, celle de la nouvelle Polo avec la Skoda Fabia. souvent galvaudé, « d’avantage comparatif » (Camagni, 2004).
Les économistes internationaux qui s’en réclament se partagent
Cette innovation-produit ne concerne pas seulement les
en deux courants inégaux : la majorité adhère à l’interprétation
modèles de fort volume et d’entrée de gamme. Les produits de
néoclassique en termes de différences de dotations factorielles
niche destinés à des publics exigeants sont aussi montés dans
tandis que certains, plus fidèles à Ricardo, défendent un fonde-
les nouvelles usines périphériques. L’exemple le plus embléma-
ment « technologique » de cet avantage, fruit de l’expérience et
tique est la sélection de l’usine de Puebla (Mexique) comme
de la compétence accumulées. Or aucun de ces deux courants,
lieu unique de production de la New Beetle de Volkswagen. La
nous le montrerons, n’est à même de rendre compte de la spé-
PT Chrysler inspirée par la même mode revival est aussi fabri-
cialisation industrielle périphérique dans toute sa complexité.
quée au Mexique (6). En Europe, au-delà des monospaces et
des 4x4 ibériques, c’est surtout la production de l’Audi TT en Une spécialisation dans le haut de gamme
Hongrie qui attire l’attention (Havas, 2000). D’autant que, si les contradictoire avec les dotations factorielles de ces
modèles comme la New Beetle sont essentiellement des régions
habillages originaux de la Golf, l’Audi TT est un produit vérita- Le courant néoclassique explique les différences de coûts de
blement high-tech intégrant nombre de composants à la pointe production constitutives de l’avantage comparatif de chaque
de l’innovation et des technologies avant-gardistes comme une nation par la disponibilité/indisponibilité relative des facteurs

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Layan - L’innovation péricentrale dans l’industrie automobile

de production. Le paradigme construit par Heckscher et Ohlin thèses, les tenants « de l’avantage technologique » mettent la
et développé par Samuelson (H.O.S.) explique la spécialisation maîtrise des innovations au centre de leurs paradigmes explica-
des économies nationales à partir des différences d’intensité tifs de la spécialisation internationale. La thèse la plus connue de
factorielle des produits et des dotations en facteurs de chaque ce courant a été formulée par Raymond Vernon (1966) et s’ap-
nation. Tout pays aurait intérêt à se spécialiser dans les produc- puie sur sa formalisation du cycle de vie du produit: les nou-
tions utilisant le plus intensément le facteur de production rela- veaux produits et les nouvelles technologies apparaissent dans
tivement le moins rare. Dans sa formulation originelle la notion les pays les plus développés (pays leaders (7)) qui concentrent les
de facteur est limitée à sa définition classique : capital, travail et ressources scientifiques, techniques et financières nécessaires à
terre. Suite aux travaux de Léontief les analyses plus récentes l’invention et aux innovations techniques. La production s’y
(néofactorielles) prennent en compte la structure par qualifica- localiserait pendant la période d’émergence d’une part parce
tions de la population active : les pays développés devraient pri- que la mise au point de ces nouveaux produits nécessite des per-
vilégier les productions les plus intenses en main-d’œuvre qua- sonnels à la pointe de la connaissance scientifique et technolo-
lifiée, les pays en développement se spécialiser dans les indus- gique et donc une certaine proximité de la source innovante,
tries employant principalement de la main-d’œuvre peu quali- d’autre part parce que le marché potentiel s’y concentre: les
fiée. Les analyses non formalisées qui expliquent l’industrialisa- régions les plus développées sont les seules à offrir la masse cri-
tion périphérique par la faiblesse des coûts salariaux peuvent tique de consommateurs à haut pouvoir d’achat capables de se
être rattachées à ce courant. procurer ces produits aux prix inévitablement très élevés.

Cette théorie peut être efficacement mobilisée pour rendre La période de maturité du produit est marquée par sa diffu-
compte des délocalisations dans les industries de main- sion au sein de la population du pays leader puis de celles des
d’œuvre. Dans l’industrie automobile elle éclaire de manière autres pays, par la baisse relative de son prix (grâce aux écono-
assez pertinente la spécialisation des périphéries centrales dans mies d’échelle) et par la banalisation des technologies utilisées.
le montage des véhicules d’entrée de gamme. Le coût salarial Les conditions sont alors réunies pour un transfert de cette pro-
est globalement plus élevé dans les vieilles régions centrales duction vers les pays suiveurs moins développés. La baisse
que dans les zones périphériques émergentes. Or, toutes choses continue du prix des produits en fin de cycle renforce encore
égales par ailleurs, le coût de la main-d’œuvre directe est sur- l’avantage des pays à plus faible coût salarial, s’ils ont une capa-
représenté dans la structure de coût des produits les moins com- cité d’absorption technologique suffisante. Les conclusions de
plexes. Corrélativement, c’est sur l’entrée de gamme que la cette thèse sont partagées par beaucoup d’économistes contem-
porains qui voient dans l’innovation permanente le seul moyen
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concurrence par les prix est la plus vive et que les marges com-
merciales sont les plus faibles. En revanche, la spécialisation de pour les pays développés de maintenir leur place dans le com-
ces régions dans des véhicules haut de gamme consommateurs merce mondial, et au-delà leur niveau d’activité et d’emploi.
de main-d’œuvre qualifiée et de composants sophistiqués est La nouvelle division du travail dans l’automobile mondiale
totalement inexplicable dans ce cadre analytique. De même confirme en partie ce schéma : l’essentiel de la production des
que la production parallèle des mêmes véhicules de fort volu- véhicules haut de gamme destinés aux catégories supérieures
me dans les zones centrales et dans les zones périphériques : des pays riches est localisé dans les pays automobiles les plus
des pays structurellement différents ne sauraient avoir des spé- anciens. À l’opposé, la spécialisation des zones périphériques
cialisations identiques. Les analyses issues du paradigme HOS dans les véhicules d’entrée de gamme renvoie autant à l’adé-
sont rebelles à toute idée des flux commerciaux non univoques. quation entre compétences humaines locales et niveau d’inté-
gration de nouvelles technologies dans ce type de véhicules
Une spécialisation dans le high-tech en l’absence qu’à la structure des marchés locaux marquée par la surrepré-
d’avance technologique sentation des segments inférieurs. Cependant cette vision méca-
Pour les grands classiques comme Adam Smith ou David nique et linéaire du cycle de vie et du contenu technologique
Ricardo, la division du travail - entre nations comme à l’intérieur de la spécialisation est largement prise en défaut par les carac-
de chaque pays – se justifiait par des différences de savoir-faire téristiques des nouvelles localisations industrielles que nous
entre producteurs. Se réclamant d’une filiation directe avec ces décrivions plus haut. On doit d’abord rappeler la tendance à

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l’uniformisation croissante des procédés industriels dans l’in- UNE RÉPONSE TERRITORIALISÉE À L’INCERTITUDE
dustrie automobile : l’unification des gammes au niveau conti- NÉE DE L’INNOVATION
nental et les stratégies de commonalisation croissante se conju-
Même si elle peut paraître iconoclaste aux yeux de beaucoup,
guent pour exiger des niveaux de qualité identiques de toutes
la remise en cause de la notion d’avantage comparatif et plus
les unités participant au réseau productif de chaque groupe et
généralement de l’idée d’une spécialisation manufacturière
donc des process très semblables, quel que soit le territoire de
découlant de ressources territorialisées préexistantes à l’instal-
leur implantation. Ceci est d’autant plus vrai pour les modèles
lation de l’entreprise est déjà sous-jacente à la plupart des tra-
de plus forts volumes, le plus souvent fabriqués comme nous
vaux contemporains d’économie industrielle ou d’économie
l’avons vu à la fois au centre et en périphérie. Au-delà de cette
spatiale. Si l’on admet l’existence d’économies d’échelle
remise en cause de l’hypothèse de procédés techniques diffé-
internes ou externes, d’économies d’apprentissage ou d’agglo-
renciés selon les produits, le cadre théorique vernonien est sur-
mération, on doit reconnaître dans la spécialisation d’un terri-
tout incapable d’expliquer la production en périphérie de véhi-
toire un processus essentiellement autoentretenu (Krugman
cules de niche innovants, de haut niveau technologique et des-
1980, Helpman et Krugman, 1985). Le programme de
tinés majoritairement aux marchés des pays développés. Il en
est de même du fait que des innovations organisationnelles recherche de l’économie internationale doit alors se déplacer. Il
puissent être développées en périphérie avant d’être générali- ne s’agit pas de formaliser les avantages spécifiques d’un terri-
sées à l’ensemble du réseau productif. Du point de vue verno- toire, déterminants de sa spécialisation optimale par la localisa-
nien tout cela constitue une paradoxale inversion des processus tion de firmes parfaitement rationnelles, mais de comprendre la
d’imitation ou d’apprentissage. logique stratégique qui pousse certaines firmes à localiser (ou à
maintenir) une activité donnée sur un territoire donné.
Ces productions périphériques innovantes mettent aussi à L’installation d’une firme multinationale ou le développement
mal les conceptions trop schématiques de l’opposition de ses activités sur un territoire est ainsi la traduction spatiale de
centre/périphérie : le pouvoir des firmes étrangères et les inéga- ses orientations stratégiques, passées et présentes, dans un
lités de développement ne réservent pas inéluctablement aux contexte de rationalité essentiellement procédurale.
périphéries les activités productives les moins gratifiantes et les
moins innovantes. L’intérêt stratégique des firmes transnatio- Or si elles se donnent l’apparence de décisions rationnelles
nales peut les conduire à modifier les caractéristiques de la divi- résultant de procédures rigoureuses, les stratégies de firme ne
sion internationale du travail héritée de l’histoire. sont pas les résultats parfaitement prévisibles de calculs méca-
niques. Elles découlent toujours de choix complexes intégrant
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Plus généralement la compréhension de la géographie des objectifs divers et de nombreux paramètres. Leur variété au
industrielle contemporaine exige de ne pas s’en tenir à des ana- sein d’une industrie donnée comme leur évolution dans le
lyses monofactorielles, à des déterminations mécaniques des temps pour une même entreprise en sont la preuve. Les implan-
localisations. Elle doit même nous conduire à abandonner la
tations péricentrales qui sont notre champ d’étude ne concer-
notion d’avantage comparatif d’un territoire comme détermi-
nent pas tous les constructeurs à la même époque. Les plus
nant de sa spécialisation. La firme industrielle ne s’adapte pas
récalcitrants dans les années 80, comme Volkswagen, sont
mécaniquement à son environnement, elle n’est pas seulement
aujourd’hui les plus présents dans ces régions. De plus des
prédatrice de ressources génériques préexistantes. Elle est pour
décisions identiques et concomitantes peuvent résulter de prio-
l’essentiel créatrice de ressources spécifiques et donc d’avan-
rités différentes ou ne pas concerner les mêmes types de pro-
tages économiques pour les territoires. Comme le montrent de
duits, (Layan, 2001).
nombreux auteurs de l’économie industrielle contemporaine
(8), les firmes construisent les avantages des territoires autant Pour comprendre les éléments objectifs qui ont pu pousser,
qu’elles les utilisent. La compréhension de la spécialisation des au cours des dernières décennies, certaines firmes à installer
territoires passe donc par la compréhension des stratégies glo- dans les régions concernées des unités productives dont la spé-
bales des firmes qui y sont implantées. Or ces stratégies intè- cialisation est pour le moins paradoxale, il nous semble essen-
grent aujourd’hui de nouvelles préoccupations au vu d’un uni- tiel d’intégrer deux éléments décisifs. D’une part l’importance
vers concurrentiel plus imprévisible. de l’innovation dans un contexte d’incertitude caractéristique

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de l’espace économique contemporain. D’autre part la nécessi- ici, dans la lignée de plusieurs travaux majeurs du Gerpisa (11),
té pour les firmes de protéger la démarche innovatrice des deux aspects à nos yeux fondamentaux : l’incertitude du marché
risques nouveaux qu’elle génère. L’innovation en périphérie et celle du travail.
peut être alors légitimée.
La première, désignée par Marx sous l’expression imagée de
Le rapport dialectique entre incertitude et innovation « saut périlleux de la marchandise », est de fait très familière
aux stratèges d’entreprise : le produit rencontrera-t-il son mar-
Un consensus existe pour expliquer la délocalisation péricen-
ché ? La stratégie produit sera-t-elle validée ex post par une
trale par l’existence d’un différentiel de coût salarial (9) au détri-
demande en évolution permanente ? La demande automobile
ment des régions centrales. La proximité stratégique des mar-
contemporaine peut être schématiquement scindée, au niveau
chés est aussi une motivation identifiable : les zones péricen-
mondial, en deux espaces géomarchands, très différenciés mais
trales sont à la fois proches des marchés mûrs et de marchés en
également instables. D’un côté la grande masse des volumes
croissance forte. Mais la stratégie d’une firme internationale est
vendus est située dans les pays développés. Il s’agit d’une
un processus complexe qui n’est jamais réductible à un nombre
consommation de renouvellement, relativement stable du point
restreint de déterminants objectifs parfaitement identifiables. La
de vue des volumes mais beaucoup plus instable dans sa struc-
structure concurrentielle du secteur est à l’origine de comporte-
ture. Le consommateur, déjà équipé d’un ou plusieurs véhi-
ments d’imitation et/ou de différenciation stratégique, des
cules, est peu fidèle dans ses choix et très sensible aux modes,
influences socioculturelles sont aussi perceptibles, etc. Dans
aux innovations techniques, à la sécurité, aux effets environne-
l’industrie manufacturière cependant la prégnance des écono-
mentaux, etc. À l’opposé, la croissance du marché mondial est
mies d’échelle fait de la croissance des volumes produits et des
assurée par les marchés de premier équipement concentrés
parts de marchés un élément structurant indépassable. Or cet
dans les pays émergents. L’émergence n’étant pas un processus
objectif est aujourd’hui confronté à un environnement de plus
continu et uniforme, des phases de croissance forte (30 ou 40 %
en plus global et, par là même, de plus en plus imprévisible
annuels) peuvent alterner avec des phases de contraction aiguë
(Veltz, 1993). Si l’incertitude est une contrainte inhérente à
de la consommation (12). La faible qualité des indicateurs sta-
l’économie concurrentielle elle-même, la globalisation en a
tistiques et mercatiques dans ces pays augmente encore la diffi-
transformé l’acuité mais surtout a mis à mal les équilibres
culté des constructeurs à anticiper les évolutions de la deman-
concurrentiels et les modes de régulation définis sur une base
de. D’autant que cette instabilité des volumes s’accompagne
nationale (10). La gestion de cette incertitude est devenue une
d’une relative instabilité de la segmentation du marché. La
préoccupation stratégique centrale des global players. Il s’agit
croissance peut transformer rapidement un marché élitiste en
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pour les grandes firmes d’améliorer en permanence leur « flexi-
un marché d’entrée de gamme, sans que cette évolution soit ni
bilité stratégique » c’est-à-dire leur capacité à se réorienter, à
linéaire, ni prévisible. Le désir de premier équipement est lui-
absorber les échecs comme à profiter des opportunités. Pour les
même peu lisible : les constructeurs se heurtent souvent au
constructeurs automobiles, cet objectif passe depuis une ving-
paradoxe entre le niveau de vie moyen très faible, qui limite
taine d’années par une redéfinition permanente des relations
l’accès à de petites voitures extrêmement dépouillées et le désir
interentreprises comme du procès interne de production. Mais
de berlines de grande taille plus adaptées à la taille des familles
ces innovations sont elles-mêmes créatrices de nouvelles incer-
élargies et aux représentations symboliques liées à la motorisa-
titudes capables d’obérer les effets vertueux qu’on pouvait en
tion.
attendre.
L’incertitude qui touche au travail, assimilée par certains à
L’incertitude au cœur de la stratégie des un risque opportuniste, est inhérente à la relation salariale elle-
constructeurs même. Pour l’employeur elle se présente sous la forme d’une
La libéralisation des échanges - par ailleurs créatrice de nou- recherche permanente de l’efficacité du temps de travail des
velles opportunités stratégiques pour les firmes - a considéra- salariés et de leur implication maximum, toutes deux néces-
blement fragilisé les régulations sectorielles en place, dans l’au- saires à l’obtention d’un niveau convenable de productivité et
tomobile en particulier. Si cette incertitude croissante a concer- de qualité du produit. Dans ce cadre, les dirigeants sont très
né l’ensemble de l’environnement de la firme nous retiendrons sensibles à la propension du personnel à revendiquer ou à

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Flux n° 63/64 Janvier - Juin 2006

défendre ses intérêts, à sa capacité d’adaptation individuelle et vulnérabilité commerciale de la firme, l’échec d’un produit par-
collective aux changements industriels voire de participation à ticipant à la détérioration de l’image de la marque. Les innova-
l’amélioration continue des produits et des process. Or, l’insta- tions de procédés comme les nouveautés organisationnelles
bilité croissante des marchés et la concurrence accrue élèvent peuvent se heurter à des résistances de la part du personnel :
progressivement les normes internationales de productivité et dysfonctionnements organisationnels, baisses de la productivi-
de qualité et diminuent les temps d’adaptation et de réaction à té, moindre engagement des salariés, turn over et, plus excep-
l’évolution de la demande et aux choix stratégiques des concur- tionnellement, conflits sociaux ouverts.
rents, posant de nouveaux problèmes à cette gestion efficace
Sous cet éclairage l’installation en périphérie prend une
des salariés.
autre signification et permet de mieux rendre compte des réali-
L’innovation, une réponse risquée au problème de tés innovatrices.
l’incertitude
Prévenir la résistance au changement par la
L’innovation est la réponse privilégiée des constructeurs auto- localisation en périphérie
mobiles à cette incertitude croissante : dans l’industrie automo-
Si la fabrication de véhicules high-tech est l’aspect le plus appa-
bile l’innovation-produit est maintenant permanente, accélérée
par le renouvellement de plus en plus rapide des modèles. rent de l’innovation automobile en périphérie, l’essentiel du
Essentiellement incrémentale, elle consiste en l’introduction de changement s’est pourtant produit en coulisses. Les usines péri-
nouvelles fonctionnalités, d’équipements de confort ou de phériques ont été des lieux privilégiés d’expérimentation de
sécurité innovants. Elle conduit à une croissance continue des nouveaux paradigmes organisationnels « post-fordistes », en
niveaux d’équipement des véhicules sans permettre à aucune particulier des lieux où les constructeurs européens et nord-
firme de se différencier durablement. Plus radicale mais plus américains ont testé leur capacité d’adoption de pratiques ins-
rare est l’invention par un constructeur d’un nouveau type de pirées du modèle toyotiste. Le risque était en effet trop grand de
véhicule (monospace, SUV, etc.) et donc d’un nouveau segment voir ces réformes rejetées par les salariés des usines centrales,
de marché dont il devient instantanément le leader, s’assurant attachés à des statuts et à une culture professionnelle que ces
ainsi un avantage concurrentiel majeur à moyen terme (13). innovations remettaient profondément en cause. Nous pouvons
le montrer à travers trois exemples qui renvoient à trois
L’innovation au niveau du procédé et de l’organisation pro- moments de l’histoire récente du secteur et à trois types d’in-
ductive interne et/ou externe se révèle tout aussi décisive pour novations organisationnelles et institutionnelles : l’introduction
le constructeur. Ces innovations organisationnelles sont en effet
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de nouveaux modes d’organisation du travail à l’intérieur des
à l’origine de progrès substantiels en matière de productivité du usines, d’assemblage en particulier, la reconsidération des rela-
travail et de qualité du produit final. Dans le cadre d’une ges- tions verticales entre constructeurs et fournisseurs de premier
tion stratégique de l’incertitude, elles visent aussi à favoriser la
rang et le changement des règles du jeu concurrentiel suite au
réactivité de l’appareil productif et plus largement la capacité
mouvement de fusions-acquisitions et aux multiples « alliances
structurelle de la firme à s’adapter aux évolutions de son envi-
stratégiques » entre marques concurrentes.
ronnement. Il s’agit d’une part d’absorber à court terme les fluc-
tuations de la demande (flexibilité statique), d’autre part d’aug- La « japonisation » des firmes états-uniennes
menter sa capacité à se réorienter en cas d’échec ou à profiter
La source des principaux changements organisationnels de ces
des opportunités (flexibilité dynamique). Ce qui passe par une
vingt dernières années est à chercher du côté des succès com-
réduction de ce que P. Veltz (1995) baptisait coûts de commu-
merciaux des constructeurs japonais des années 1970, en par-
tation et que les économistes industriels résument dans le
ticulier sur le marché nord-américain. Ces succès ont poussé
concept plus restreint de coûts irrécouvrables, barrière capita-
leurs concurrents états-uniens et européens à vouloir adopter
listique à une réorientation des activités.
des pratiques productives développées dans les usines du
Cependant l’innovation-produit comme le changement Japon : pilotage par l’aval, flux tendus, polyvalence des opéra-
organisationnel sont eux-mêmes des sources de risques accrus. teurs, implication des salariés dans l’amélioration des produits
Les produits nouveaux peuvent être des échecs et augmenter la et des process, réduction du nombre de niveaux hiérarchiques,

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Layan - L’innovation péricentrale dans l’industrie automobile

etc. Mais les risques d’une résistance des salariés à de tels chan- conception du produit et deviendront intégrateurs de systèmes
gements ont été rapidement perçus par les dirigeants des et/ou de modules (tableau de bord, par exemple).
groupes automobiles.
Cette coproduction hiérarchisée conduit au cours des
Aux États-Unis, en particulier, l’imitation des méthodes années 1990 à une transformation des sites d’assemblage en
japonaises est abordée avec beaucoup de prudence. Tout réseaux productifs localisés (clusters). Les usines finales des
d’abord parce que cette imitation de l’ennemi d’hier – vaincu constructeurs se voient adjoindre des parcs de fournisseurs SILS
qui plus est – va heurter un patriotisme toujours vivace chez les (16) qui les alimentent en flux tendus. Cette quasi-intégration
ouvriers américains. Mais aussi parce que les nouveaux prin- des fournisseurs est poussée à l’extrême quand les opérateurs
cipes d’organisation sont en opposition frontale avec les règles des équipementiers interviennent directement sur la chaîne
en usage dans l’industrie en matière de conditions de travail, d’assemblage pour y monter des modules pré-assemblés. Cette
de définitions des postes et des qualifications, en particulier nouvelle organisation débouche sur un compagnonnage forcé
dans les usines « syndiquées ». Les accords avec les syndicats entre salariés d’entreprises différentes au sein du même collec-
de l’UAW imposent en effet une définition précise des postes tif de travail. Ce découplage entre organisation productive, lieu
et des compétences associées. Et au-delà des réactions des de travail et entité juridique porte inévitablement atteinte à
directions syndicales, il faut s’attendre à de fortes résistances l’identité professionnelle du personnel. Les anciens salariés des
de la part du personnel, ouvriers attachés à leur identité de constructeurs, souvent très attachés à la firme et à sa culture
« professionnels », cadres intermédiaires peu enclins à aban- d’entreprise y sont évidemment sensibles. Le risque du côté du
donner leur reconnaissance statutaire en devenant des « team personnel des fournisseurs est de rendre plus palpable la discri-
leaders » ou des « group leaders » à la japonaise, plus anima- mination qu’il subit en matière de rémunérations ou de condi-
teurs que dépositaires d’une autorité hiérarchique incontes- tions de travail. Mais dans les deux cas il s’agit là d’une source
table. majeure de conflits, dommageable in fine au constructeur lui-
même.
Cette inquiétude d’une possible résistance des salariés
conduit les firmes à s’éloigner de Detroit pour expérimenter ces En Europe, les firmes qui s’engagent les premières dans ce
nouveaux paradigmes organisationnels. Déjà Toyota avait pré- type d’intégration des fournisseurs (Ford et surtout Volkswagen)
féré s’installer dans le Kentucky pour bénéficier de la liberté sont essentiellement implantées en Allemagne. Elles peuvent
réglementaire des états « non syndiqués » du Vieux Sud. Les Big légitimement s’inquiéter de la réaction des salariés allemands,
Three vont également choisir la périphérie pour apprendre les massivement syndiqués et très attachés à des traditions profes-
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innovations organisationnelles japonaises des constructeurs sionnelles fortes. C’est donc logiquement que le groupe
nippons eux-mêmes. General Motors convertit dans ce but son Volkswagen choisit l’Espagne pour inaugurer sa première usine
usine californienne de San José en une co-entreprise (NUMMI) avec parc de fournisseurs intégré (Martorell) puis le Mexique
avec Toyota et choisit l’Ontario canadien pour s’associer avec (Puebla) pour en perfectionner le principe. C’est dans l’usine
Suzuki (CAMI). C’est au Mexique (14) que Ford se fait construi- brésilienne de Resende qu’il mettra au point le nouveau
re par son associé Mazda une usine où des ingénieurs et tech- concept organisationnel de « consortium modulaire » (Salerno
niciens japonais forment les salariés et les cadres aux standards et Carneiro Diaz, 2000) qu’il adaptera plus tard dans la nouvel-
japonais de production. le usine tchèque de Mlada Boleslav.

L’intégration des fournisseurs L’avènement des usines multimarques


La généralisation progressive du paradigme japonais va condui- Le risque d’opposition au changement touche aussi le change-
re l’ensemble de leurs concurrents à redéfinir leurs relations ment institutionnel. Les années 1990 sont marquées par un
d’approvisionnement, créant là encore de nouveaux risques de nombre important de fusions-acquisitions conduisant à la proli-
tensions. L’externalisation va considérablement se développer fération de groupes multimarques. Le souci de rationalisation
(15) et la nature de la relation avec les fournisseurs de premier conduit ces groupes multimarques à reconstruire les gammes
rang profondément se modifier (Simon, 2004). Ces derniers, de l’ensemble de leurs filiales autour d’un nombre restreint de
dont le nombre sera réduit, seront de plus en plus associés à la plateformes communes. Cette volonté de commonalisation

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croissante devrait logiquement conduire les constructeurs à Le double avantage de l’innovation périphérique
monter sur un même site l’ensemble des véhicules d’une plate- Les changements à l’œuvre depuis une vingtaine d’années en
forme donnée, quelle qu’en soit la marque. Pourtant cette Europe et en Amérique du Nord, qu’ils soient organisationnels
option est loin d’être systématisée par les constructeurs, en par- ou institutionnels, en déstabilisant les identités professionnelles
ticulier en Europe, et même par les groupes multimarques les et les références symboliques des salariés, sont des sources
plus anciens comme PSA Peugeot-Citroën. La crainte est gran- potentielles de conflits au sein des unités de production des
de en effet de brouiller l’identification du personnel à l’image, constructeurs. Cela confère un nouvel intérêt aux implantations
souvent très forte, de ces différentes marques. Il semble dange- périphériques. D’une part parce que la faible capacité de résis-
reux de jouer avec des références culturelles auxquelles sont tance de ces salariés est un gage de réussite de ces mutations.
attachés les salariés, et, au-delà, les habitants de régions D’autre part parce que ces succès vont être utilisés pour favori-
entières qui se définissent à travers un tissu industriel et des pro- ser l’adoption de ces innovations dans les usines centrales, ren-
duits qui ont marqué l’histoire du territoire (17). forçant chez les salariés la crainte de délocalisations générée
par l’ouverture des nouvelles usines. Mais cette implantation
Ce type de prévention n’existe pas pour les sites périphé- périphérique peut aussi se révéler un avantage en cas d’échec.
riques. Ainsi l’usine Citroën de Vigo a une longue expérience
de l’assemblage de véhicules Peugeot (505 par exemple). Elle L’absence de résistances à l’innovation
est aujourd’hui le centre de production des ludospaces des Le premier avantage des sites périphériques dans l’exploitation
deux marques (Peugeot Partner/Citroën Berlingo) tandis que les des nouveaux paradigmes organisationnels est d’ordre tech-
Citroën C3 Pluriel sont montées dans l’usine Peugeot de nique : leur architecture est parfaitement adaptée aux nouveaux
Villaverde (près de Madrid). Le même principe est observable principes. L’implantation des constructeurs en périphérie ou le
au sein du groupe Renault-Nissan : bien que la direction de développement de leur activité productive dans ces régions
Renault revendique haut et fort la mise au point de plateformes s’accompagne de la construction de nouvelles usines ou de la
communes avec Nissan, les seules usines à assembler à la fois restructuration profonde des installations anciennes (19). Dans
des voitures des deux constructeurs sont les sites mexicains de les deux cas il est permis de concevoir des solutions techniques
l’associé japonais (Renault Scénic à Cuernavaca, Renault Clio en adéquation avec les nouvelles contraintes logistiques et
(18) à Aguascalientes). organisationnelles (mais aussi environnementales). Au début
des années 1990 la nouvelle usine SEAT de Martorell par
Le risque d’une confusion identitaire devient paroxystique
exemple est, dès l’origine, conçue pour faciliter l’accès des
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dans le cas de produits réalisés dans le cadre d’une « alliance
fournisseurs au plus près des chaînes de montage. Il en sera de
stratégique ». Formes privilégiées de gestion stratégique de l’in- même à Mladá Boleslav lors de la réhabilitation du site princi-
certitude commerciale et technologique, ces associations non pal de Skoda. La restructuration des vieux sites (Puebla, Pitesti)
financières de constructeurs se sont multipliées au cours des s’accompagne toujours de la libération d’espaces pour l’instal-
années 1990, en particulier dans l’automobile. Elles débou- lation de parcs de fournisseurs de type SILS.
chent souvent sur la production au sein d’une même usine, par-
fois sur les mêmes chaînes, de véhicules qui seront commer- Mais plus encore que cette adaptation de la conception
cialisés par des groupes concurrents. architecturale, c’est bien sûr la moindre résistance des salariés
au changement qui favorise l’expérimentation dans les nou-
Ce type d’opération ne concerne pas les usines centrales veaux pays industriels. La plus grande flexibilité des salariés en
des constructeurs, mais est assez courante en périphérie. périphérie est souvent la conséquence d’un droit social peu
Longtemps des Ford Maverick furent assemblés à Barcelone sur protecteur, corollaire d’une moindre capacité de défense col-
la ligne des Nissan Terrano. La filiale portugaise de Volkswagen lective. Dans nombre de ces pays le droit syndical est inexistant
produit toujours des Ford Galaxy et des Seat Alhambra sur la ou très récent, les syndicats peu influents ou très discrédités.
chaîne de montage des VW Sharan dans la banlieue de Setúbal. Dans le cas d’investissements greenfield dans des régions sans
Et c’est en République tchèque qu’est fabriquée depuis 2005 la passé industriel (nord du Mexique, Hongrie de l’ouest), les nou-
petite Peugeot-Citroën-Toyota. veaux salariés n’ont aucune expérience du travail industriel,

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Layan - L’innovation péricentrale dans l’industrie automobile

aucune connaissance personnelle des conditions de travail tra- tages que leur simple faisabilité. Leur exemplarité va être utili-
ditionnelles dans l’industrie automobile, aucun préjugé sur les sée par les dirigeants des groupes pour faire accepter la nou-
modes habituels de production, aucun « avantage acquis » à velle organisation du travail et les nouvelles relations profes-
préserver, aucune position sociale à maintenir (20). Les salariés sionnelles - intra et interentreprises - aux salariés des usines
des unités périphériques sont aussi de nouveaux entrants dans centrales. Elles constituent au minimum des « précédents » que
l’entreprise. Ils n’ont aucun attachement particulier à cette l’on peut opposer aussi bien aux opérateurs qu’à l’encadre-
entreprise ou à l’une de ses marques, a fortiori à sa culture : la ment : il est possible de fabriquer efficacement des produits, très
production multi-marques ne heurtera aucunement leur sensi- semblables à ceux des usines centrales, en utilisant d’autres
bilité. procédés. Bien plus : les performances des usines périphériques
sont en général meilleures que celles des régions tradition-
Dans les cas de reprises de constructeurs locaux par les
nelles. Non seulement en terme de coûts (salariaux), mais éga-
multinationales du secteur, le traumatisme lié au risque de fer-
lement en termes de productivité, de qualité ou de respect des
meture ou à la peur du licenciement est tel qu’il suffit à expli-
délais. Des indicateurs comme le nombre moyen de véhicules
quer le faible niveau d’exigences de ces salariés. Les problèmes
par employé ou le temps moyen de fabrication d’un véhicule
d’attachement à la marque ne posent pas trop de problèmes
sont systématiquement exhibés (21) par les dirigeants pour
non plus : l’adhésion ancienne à la marque précédente n’est pas
démontrer l’efficience productive des unités périphériques. Les
incompatible avec une adhésion ouverte aux marques du repre-
syndicalistes ont beau arguer des différences de versions des
neur, surtout quand ce rachat a permis la continuité de la
modèles, du degré d’intégration ou de l’avance technologique
marque d’origine (Seat, Skoda, Samsung Motors).
des nouvelles usines, l’argument est socialement redoutable. Et
On peut même penser que loin d’être une source de la pression sur les salariés des usines plus anciennes est alors
conflits, la mise en place de solutions productives modernes et très forte pour faire accepter les réformes, pour obtenir plus de
le montage de produits innovants sont des motifs supplémen- flexibilité. Ce chantage – classique – à la délocalisation est
taires d’adhésion à l’entreprise et des sources d’implication sup- d’autant plus crédible que l’usine concurrente existe et repré-
plémentaire des salariés. D’autant que dans des régions indus- sente un danger palpable, appuyé sur des données chiffrées.
triellement peu développées et/ou dans des pays victimes de
L’usine d’Hermosillo a ainsi servi de référence à la direction
décennies d’isolement international, toute référence à la
de Ford pour obtenir des salariés de l’ensemble de ses usines
modernité, au progrès est connotée positivement.
nord-américaines les changements organisationnels qu’elle
Cette innovation en matière organisationnelle loin des pensait nécessaires (Babson, 1998). Pourtant, depuis la
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centres traditionnels peut surprendre, elle n’est pourtant pas construction de cette usine en 1986, Ford n’a pas installé la
entièrement nouvelle. Andrew Mair, dans sa monographie de moindre nouvelle unité de production au Mexique (22). En
Honda (1994), montrait comment la firme japonaise expéri- revanche la généralisation du teamworking (« travail en équi-
mentait dans ses transplants américains des modes nouveaux pe », façon Toyota) dans toutes les usines américaines a permis
de recrutement du personnel et de relations avec les fournis- au groupe de Detroit d’éliminer les anciennes qualifications et
seurs, modes particulièrement adaptés à sa stratégie d’innova- le droit – lié à l’ancienneté – de les obtenir. Ce blocage des car-
tion mais impossibles à mettre en œuvre sur le sol japonais. Nos rières ouvrières et cette déqualification de fait ont largement
observations confirment aussi la thèse de Robert Boyer (2000) participé à la stagnation des salaires réels dans l’industrie auto-
qui voit dans les implantations à l’étranger, généralement can- mobile états-unienne depuis 1980, comme le montrent Katz,
tonnées dans la diffusion/adaptation du modèle productif de la Mc Duffie et Pil (2002). L’installation en périphérie a donc une
maison mère, des espaces potentiels d’une hybridation forte- signification stratégique autant en matière de contrôle de la
ment innovante. main-d’œuvre que de gestion du changement organisationnel :
les innovations y sont testées dans le but d’être ensuite déve-
Un levier pour le changement au centre loppées dans l’ensemble des sites et en particulier dans les
La transformation des nouvelles installations périphériques en anciennes usines centrales. L’exemple européen, en particulier
véritables laboratoires organisationnels présente d’autres avan- dans le groupe Volkswagen, est à ce titre significatif.

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Flux n° 63/64 Janvier - Juin 2006

Notons enfin que l’expérimentation loin des centres tradi- ce géographique pour protéger les décideurs de l’échec de leurs
tionnels offre un dernier avantage stratégique essentiel en décisions en termes de stratégie produit comme d’organisation
matière de gestion de l’incertitude : celui d’une facilité plus productive.
grande de désengagement en cas d’échec. L’innovation, qu’elle
Si l’installation des constructeurs internationaux (et des
s’applique à l’organisation du travail ou au produit est un pro-
grands équipementiers) en périphérie immédiate des espaces
cessus risqué : l’échec est tout aussi probable que le succès. Le
centraux de la Triade n’est pas réductible à l’éclairage théorique
désengagement éventuel d’un site éloigné des centres de déci-
donné par les analyses en termes d’avantage comparatif des ter-
sion est plus facile à envisager pour les dirigeants et plus accep-
ritoires, cette localisation n’est pas fortuite. À côté de préoccu-
table pour les syndicats de la maison mère que la fermeture
pations en termes de coûts salariaux ou de proximité des mar-
d’une usine historique. La décision de Renault de faire fabriquer
chés les firmes voient dans cette implantation péricentrale le
la Logan par Dacia (23) est à cet égard symptomatique.
moyen de mieux gérer la double incertitude du marché et du
L’avantage-coût du véhicule roumain est essentiellement lié à
travail : en favorisant la flexibilité de leur structure productive et
son sous-équipement eu égard aux normes commerciales
en brisant la résistance des salariés aux nouvelles formes d’in-
actuelles. Ce qui constitue paradoxalement une innovation stra-
tensification du travail. La multiplication des grèves sur le parc
tégique majeure dans ce secteur : le principe du decontenting
de fournisseurs de Puebla ou dans l’usine postmoderne de
(dépouillement) se positionne à contre-courant de la tendance
Resende montre la difficulté à se libérer totalement de cette
contemporaine d’élévation continue des niveaux de confort, de
incertitude.
sécurité et d’agrément. Le risque est grand pour Renault
d’échouer comme Fiat (avec la Palio/Siena) ou Toyota (avec la
Corolla VIII) avant lui.

Ainsi le territoire est utilisé par les firmes pour gérer l’incer-
titude à moyen terme. Pierre Veltz (1993) fut un des premiers à Jean-Bernard Layan
économiste, agrégé de sciences sociales,
montrer le caractère assurantiel du territoire dans le cas de la Membre de l’équipe E3i du GRES-IFReDE
métropolisation. Dans le cas qui nous occupe il ne s’agit pas de (Université Montesquieu Bordeaux IV) et du réseau GERPISA.
Auteur de plusieurs études sur l’industrie automobile
garantir un accès à une variété de ressources spécifiques mais en Europe et dans les pays émergents.
de profiter des différences de législation sociale et de la distan- Courriel : layan@u-bordeaux4.fr

BIBLIOGRAPHIE
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NOTES
(1) L’Espagne est aujourd’hui le 3° pays automobile en (13) La renaissance de Renault sur les segments des mono-
Europe derrière l’Allemagne et la France. spaces en est une preuve visible.
(2) Il s’agit essentiellement de la République tchèque et de (14) À Hermosillo, capitale de l’état frontalier de Sonora.
la Pologne mais aussi de la Slovaquie, de la Hongrie, de la (15) Les constructeurs français achètent aujourd’hui à leurs
Slovénie, de la Roumanie. Des projets d’installation existent en fournisseurs près des trois quarts de la valeur finale du véhicu-
Ukraine (Layan, 2001). le en sortie de chaîne (données FIEV 2002).
(3) La norme se situe autour de 200 000 unités/an pour les (16) Pour Sequenced In Line, l’ordre d’assemblage des
véhicules, au-dessus de 500 000 unités pour les organes méca- modules chez le fournisseur est dicté par le séquencement pro-
niques (moteurs et transmissions). grammé des véhicules par le constructeur.
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(4) Segments B et M1 en Europe, compact en Amérique du (17) En France l’attachement de la région Franche-Comté à
nord. Peugeot est de ce point de vue emblématique.
(5) En particulier des taux élevés de contenu local minimal. (18) Ainsi que son clone, la Nissan Platina.
(6) À Toluca, dans l’état de Mexico. (19) La rénovation à la fin des années 1980 de son usine de
(7) Pour Vernon il ne s’agit que des États-Unis mais on peut Puebla exigea du groupe Volkswagen plus d’un milliard de dol-
élargir à l’ensemble des pays développés. lars d’investissements, soit le coût des plus importants établis-
(8) En premier lieu issus du courant évolutionniste, mais sements industriels du secteur.
aussi du courant schumpetérien (voir Amendola Gaffard, 1986). (20) C’était déjà une motivation majeure de la Southern
(9) Même si le différentiel ne s’est pas accru et que la part Strategy de General Motors dans les années 1960 et des délo-
des salaires directs n’a jamais été aussi faible (moins de 10 % calisations provinciales des constructeurs parisiens dans les
du coût d’un véhicule). années 70 (Renault à Douai, Citroën à Rennes-La Janais).
(10) Les systèmes automobiles nationaux ont été, dans de (21) Les directions d’entreprises donnent beaucoup de
nombreux pays, au cœur des processus de croissance autoré- publicité aux études comparatives de sites de production
gulée de l’après-guerre. comme celles de l’Economist Intelligence Unit ou du World
(11) Une synthèse en est donnée par R. Boyer et M. Markets Research Centre.
Freyssenet (2000). (22) Les autres sites de Ford au Mexique (Chihuahua,
(12) En 1995 le marché mexicain a par exemple régressé Mexico-Cuautitlan et Guadalajara) sont plus anciens.
des 2/3 par rapport à l’année précédente. (23) Elle sera pourtant vendue sous la marque Renault.

Dossier 53

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