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Les différents types de retrait du béton

Pierre-Claude AÏTCIN
Professeur
Departement de Genie civil
Université do Sherbrooke Canada
Adam NEVILLE
Consultant
Paul ACKER (*)
Directeur de recherche
Chef de la division Bétons et cirrenti, pour ouvrages dart
Laboratoire central des Ponts et Chaussées

Cet article est la version française d'une présentation qui vient d'être
publiée, en anglais, dans le numéro de septembre 1997 de la revue
de grande diffusion de l'ACI, Concrète International. Il a été rédigé
par Pierre-Claude Aïtcin, avec l'aide d'Adam Neville et de Paul
Acker, à partir d'une présentation faite par Paul Acker aux membres
de la chaire industrielle sur le béton de l'université de Sherbrooke
en janvier 1996. Les trois auteurs ont voulu faire connaître cette
vision globale des retraits et la traduire dans un langage pragmati-
que, tout en tentant de rapprocher les points de vue et la termino-
logie des communautés scientifiques et technologiques anglo-
phones et francophones des deux côtés de l'Atlantique.

Introduction
À première vue, le retrait est un p h é n o m è n e simple qui
correspond à une contraction volumétrique que l ' o n
observe quand du béton se dessèche. Il se développe dans
les trois dimensions mais, en général, on ne l'exprime que
sous la forme d'une déformation linéaire : en effet, dans la
majorité des cas, les éléments structuraux ont une ou deux
dimensions nettement plus petites que la troisième, où les
RESUME
effets du retrait sont les plus sensibles. Dans le vocabulaire
C e t article décrit les effets simultanés d e la
réaction d'hydratation : gain d e résistance,
technique courant, le terme retrait est utilisé à la place de
dégagement d e chaleur et contraction volu- l'expression « retrait de séchage du béton durci exposé à
métrique, et traite d e s différents types d e l'air dont le degré hygrométrique est inférieur à 100 % ». Il
retrait qui peuvent s e développer au sein d u
béton : existe cependant d'autres types de retrait qui, selon les
>- retrait plastique, circonstances, peuvent, ou non, se produire de façon
retrait de séchage, simultanée et indépendante les uns des autres. U n des
>- retrait endogène, objectifs de cet article est de décrire et d'expliquer ces
>- retrait thermique.
différents types de retrait d ' a p r è s leur origine et les m é c a -
Il présente enfin les effets de c h a c u n de c e s nismes mis en jeu lors de leur développement. Cet exer-
retraits s u r divers éléments structuraux e n
béton à hautes performances.

M O T S C L É S : Béton hydraulique - Retrait -


Hydratation - Ciment - Béton hautes perfor-
mances - Résistance (mater.) - Chaleur. (*) Depuis le 15 octobre 1997, Responsable Recherche-
Développement pour le béton chez Lafarge Ciment.

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cice se veut ne pas être purement a c a d é m i q u e ou Hydratation du ciment
savant ; au contraire, i l d é b o u c h e sur un certain
et retrait e n d o g è n e
nombre de suggestions pratiques dans le but de
diminuer les effets quelquefois malencontreux L'expression « réaction d'hydratation du ciment »
du retrait qui se matérialisent sous forme de est une expression globale qui regroupe, en fait,
fissures [1]. N o n seulement ces fissures nuisent à plusieurs réactions chimiques qui se produisent
l'apparence du béton, mais elles favorisent aussi lorsque du ciment entre en contact avec de l'eau.
la pénétration d'agents agressifs dans le béton et L e résultat pratique des réactions d'hydratation est
accélèrent la corrosion des armatures. Le retrait la formation d'une pâte de ciment hydraté cohé-
des bétons à hautes performances est traité de sive, qui confère au béton sa résistance. Les réac-
façon plus détaillée. tions d'hydratation qui ont lieu au sein du béton
génèrent une certaine quantité de chaleur et sont
O n peut identifier cinq formes de retrait. a c c o m p a g n é e s d'une réduction de volume de la
© L a première forme, qui est la plus connue, est pâte de ciment hydraté, contraction que l ' o n
le retrait de s é c h a g e qui se développe dans le appelle c o m m u n é m e n t la contraction de L e
béton durci. Chatelier. A i n s i , tout d é v e l o p p e m e n t de résistance
à l'intérieur d'un béton est toujours a c c o m p a g n é
© Cependant, chronologiquement, le retrait de de deux p h é n o m è n e s concomitants : un dégage-
séchage est précédé par le retrait plastique, qui ment de chaleur et une réduction du volume de la
se développe dans des bétons qui perdent de pâte de ciment ; c'est ce que représente la figure 1
l'eau alors qu'ils sont encore à l'état plastique. sous forme d'un triangle éternel. Il est important
E n général, cette perte d'eau se fait par évapora- de bien comprendre la nature concomitante de ces
tion dans l'air sec ambiant, mais elle peut être trois p h é n o m è n e s , dont deux - le d é g a g e m e n t de
aussi la c o n s é q u e n c e d'une absorption par un chaleur et la réduction de volume - peuvent
béton ou un sol sous-jacent sec. entraîner certains p r o b l è m e s qui peuvent parfois
être gênants. E n règle générale, ces deux p h é n o -
© U n troisième type de retrait est celui qui se
m è n e s sont tout à fait tolerables et les ingénieurs
produit dans du béton qui durcit par suite du déve-
ont appris depuis longtemps à composer avec leurs
loppement de la réaction d'hydratation. Étant
effets sur les structures en béton. S i le béton était
d o n n é que ce retrait a lieu dans toute la masse du
un matériau qui gonfle en s'hydratant, tout en
béton et pas seulement dans la partie du béton en
voyant sa température baisser, la tâche des ingé-
contact avec le milieu ambiant, on l'appelle par-
nieurs qui voudraient utiliser un tel matériau pour-
fois retrait d'autodessiccation et quelquefois aussi
rait être beaucoup plus difficile.
retrait chimique. O n emploie aussi l'expression
retrait e n d o g è n e et c'est l'expression que nous
B i e n que les expressions globales « hydratation
utiliserons par la suite dans cet article.
du ciment et chaleur d'hydratation » soient très
© L e quatrième type de retrait que l ' o n peut utiles, leur apparente simplicité peut induire en
observer dans un béton est une conséquence de la erreur si l ' o n oublie que le ciment Portland est un
diminution de la température du béton au moment matériau multiphasique dont la composition peut
de sa prise, ou juste après, quand les dimensions
globales de l ' é l é m e n t ont été fixées. Il vaudrait
mieux parler dans ce cas de contraction thermique,
mais, pour des raisons d ' h o m o g é n é i t é de vocabu-
laire, on utilisera l'expression retrait thermique.
© E n outre, la réaction de la pâte de ciment
hydraté avec le gaz carbonique de l'air en pré-
sence d ' h u m i d i t é cause une contraction que l ' o n
appelle le retrait de carbonatation.

Quand certaines de ces formes, ou toutes ces


formes de retrait se développent dans un béton
simultanément ou séquentiellement, on parle alors
de retrait total.

De façon à saisir les différents m é c a n i s m e s de


retrait, i l est nécessaire de bien comprendre le
p h é n o m è n e d'hydratation et ses c o n s é q u e n c e s phy-
siques, m é c a n i q u e s et thermodynamiques. Ce n ' est
que si l ' o n a une bonne c o m p r é h e n s i o n de ces p h é -
n o m è n e s que l ' o n p o u r r a prendre toutes les me-
sures appropriées pour réduire les différents types
Fig. 1 - Le triangle de l'hydratation : résistance, chaleur,
de retrait ou, tout au moins, atténuer leurs effets. réduction de volume.

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varier de façon sensible. De nos jours, comme le influent sur le flux thermique vers l'extérieur.
ciment Portland est très souvent e m p l o y é avec Étant donné que le développement de la résis-
d'autres matériaux cimentaires, la situation est tance et de la température sont affectés par les
encore plus complexe. Cependant, toutes les m ê m e s paramètres, le développement de la résis-
réactions chimiques qui se produisent sont exo- tance d'un béton peut être suivi par l'évolution de
thermiques, de telle sorte que la température du sa température. C'est d'ailleurs ce qui est mis à
béton augmente, sauf si des pertes de chaleur profit dans les maturimètres.
conduisent à des conditions isothermes ou m ê m e
à une réduction de la température du béton. Il est bon de souligner que la température
atteinte par le béton lors de son durcissement a
Les notations cimentières utilisées sont les sui- un effet sur sa résistance car, à ce moment-là, les
vantes : dimensions de l'élément en béton sont fixées.
>> C pour CaO,
Puisque les silicates de calcium représentent
*- S pour Si0 , 2
l'essentiel du ciment Portland, les changements
>- A pour A1 0 ,2 3
volumétriques qui se produisent durant leur
>- F pour Fe 0 .
2 3 hydratation ont une importance primordiale ;
cependant, les considérations suivantes sont
Les principales phases minérales que l ' o n
encore valables de façon générale lorsqu'il s'agit
trouve dans du ciment sont le silicate tricalcique de la réduction de volume de l'ensemble de la
( C S ) , le silicate dicalcique ( C S ) , 1'alumínate
3 2
pâte de ciment hydraté.
tricalcique ( C A ) et l'aluminoferrite tétracal-
3

cique ( C A F ) ainsi que du sulfate de calcium,


4 S i un volume C de ciment réagit avec un volume
que l ' o n m é l a n g e au clinker pour éviter une E d'eau, cette eau étant non evaporable
hydratation trop rapide du C A . L e ciment 3
(c'est-à-dire plus ou moins chimiquement liée),
contient aussi des c o m p o s é s mineurs et des le volume résultant P des produits d'hydratation
impuretés tels que des sulfates alcalins, de la est toujours inférieur à la somme des volumes du
chaux libre, de la silice qui n'a pas réagi et de ciment et de l'eau :
la m a g n é s i e ; leur influence n'est pas toujours
P < C + E
négligeable.
Il est assez difficile d ' é v a l u e r avec précision cette
L'hydratation des deux silicates de calcium réduction de volume de la pâte de ciment hydraté,
conduit à la formation d'un m ê m e c o m p o s é , dont c'est-à-dire de la somme des volumes des pro-
la composition stœchiométrique n'est pas connue duits solides de l'hydratation et de l'espace
de façon précise : le silicate de calcium hydraté, rempli de gel, à l'exclusion du volume des capil-
noté de manière abrégée C - S - H . L'hydratation laires. Il y a près de cent ans déjà, L e Chatelier [2]
des deux silicates de calcium conduit aussi à la avait estimé que cette réduction de volume était
formation de chaux hydratée C a ( O H ) , appelée 2 de l'ordre de 8 à 12 % de l'espace original occupé
portlandite. E n présence d'eau et de sulfate de par le ciment anhydre et l'eau qui était destinée à
calcium, le C A se transforme en ettringite ( C A .
3 3
se combiner dans la pâte de ciment hydraté. Il y a
3 C a S 0 . 3 2 H 0 ) ; quand i l n'y a plus de sulfate
4 2
presque cinquante ans, Powers [3] a trouvé que la
de calcium, l'ettringite se transforme en monosul- réduction de volume était égale à 0,254 fois le
foaluminate ( C A . C a S 0 . 1 2 H 0 ) et libère ainsi
3 4 2
volume d'eau non evaporable, que la quantité
une certaine quantité de sulfate de calcium. d'eau non evaporable représentait environ 23 %
Quand le sulfate de calcium est totalement épuisé, de la masse de ciment anhydre (qui a une densité
le C A s'hydrate finalement en aluminate de cal- de 3,15) et enfin que la pâte de ciment hydraté
3

cium hydraté stable C A H . Quant au C A F , i l avait une porosité caractéristique de 28 %. S i l ' o n


3 6 4

réagit également avec le sulfate de calcium, mais considère alors que 100 g de ciment anhydre s'hy-
dratent complètement, on peut effectuer les cal-
plus lentement que le C A , en formant du sulfoa- 3
culs suivants [4] :
luminate de calcium et du sulfoferrite de calcium,
les produits finaux de l'hydratation étant le >- masse du ciment anhydre = 100 g
C A H et le C F H .
3 6 3 6
>- volume absolu du ciment anhydre
100/3,15 = 31,7 m l
L a quantité de chaleur dégagée et le développe-
ment de la résistance sont influencés par plusieurs 5 - masse d'eau non evaporable = 23 g
facteurs tels que les proportions respectives des
>- volume des produits solides
quatre principales phases du ciment, sa surface
d'hydratation =
spécifique, la température initiale du béton, la
31,7 + 0,23 x 100 (1 - 0,254) = 48,9 m l
température ambiante durant le développement
de la réaction d'hydratation, le volume et la forme volume d'eau dans le gel
des éléments en béton, paramètres qui tous w /(48,9 + w) = 0,28 donc w = 19 m l

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A i n s i , le volume de la pâte de ciment hydraté est Hydratation, résistance et chaleur
48,9 + 19 = 67,9 m l . S i l ' o n compare cette valeur
au volume original du ciment anhydre, de l'eau Nous allons considérer les deux autres effets
non evaporable (23 ml) et de l'eau du gel (19 ml) concomitants de la réaction d'hydratation :
qui totalisent 73,7 m l , on constate que la réduc- * - l ' u n m é c a n i q u e : le d é v e l o p p e m e n t de la résis-
tion de volume de la pâte de ciment hydraté est tance,
(73,7 - 67,9) / 73,7 = 8 %. Cette valeur du retrait » - l'autre thermodynamique : la chaleur déga-
e n d o g è n e correspond à la limite inférieure gée, qui nous intéressera lorqu'on aura à évaluer
trouvée par le Chatelier. Cette réduction de les effets mécaniques qui en résultent.
volume se développe sous forme de pores très
fins, qui sont distribués dans la masse de la pâte
de ciment hydraté. Résistance
B i e n que l ' o n sache que la résistance du béton
Il est bon de rappeler que, parce que les produits augmente avec le temps, les causes fondamen-
d'hydratation ne peuvent se former que dans des tales de ces gains de résistance sont plus ou
espaces remplis d'eau, seule une partie de l'eau moins bien connues. M ê m e si les progrès réa-
contenue dans les capillaires peut être utilisée lisés en microscopie électronique à balayage
pour hydrater le ciment. Pour que la réaction ont permis d'observer de près les changements
d'hydratation se produise, i l faut q u ' i l y ait suffi- de phase qui se produisent durant le durcisse-
samment d'eau pour amorcer les réactions chi-
ment du béton, la structure m ê m e du silicate de
miques et remplir les pores de gel. De cette
calcium hydraté ( C - S - H ) , responsable de sa
façon, si le rapport eau/ciment de la pâte de
résistance, est plus ou moins bien établie. O n
ciment hydraté est égal ou supérieur à 0,42,
sait que le C - S - H a une structure en feuillet,
comme dans l'exemple précédent, le ciment
mais elle est moins bien connue que celle de
Portland pourra c o m p l è t e m e n t s'hydrater. S i , par
deux hydrates voisins : la kaolinite (silicate
contre, le rapport eau/ciment est inférieur à 0,42,
d'aluminium hydraté) et l'amiante chrysotile
à un certain moment, i l n ' y aura plus assez d'eau
(silicate de m a g n é s i u m hydraté). E n outre, on
pour saturer la surface solide des capillaires et
ne comprend pas très bien comment les cristal-
l'hydratation du ciment s'arrêtera pratiquement
lites de C - S - H sont imbriquées les unes dans
quand la pression partielle de l'eau sera égale à
les autres pour finalement conférer une certaine
80 % [5]. C'est ce que l ' o n appelle l'autodessic-
cation. Cependant, cette expression n'est cor- résistance à la pâte de ciment et, par conséquent,
recte que si le béton n'est pas en contact avec au béton.
une source d'eau extérieure. Une telle situation
se produit dans un élément de béton parfaitement Ce qui est important et incontestable de façon
scellé ou au cœur d'une grande masse de béton. pratique, c'est que la résistance du béton aug-
Dans de tels cas, la réduction de volume de L e mente pendant un certain temps. L a génération
Chatelier ou de Powers se développe. de chaleur qui accompagne ce gain de résistance
peut occasionner ou non une augmentation de la
température du béton selon les conditions ther-
E n revanche, si de l'eau extérieure peut pénétrer
modynamiques extérieures. De la m ê m e façon,
dans le système, l'hydratation se poursuivra tant
la réduction du volume intérieur (ciment anhydre +
q u ' i l y aura assez d'espace pour que des produits
hydrates + eau) de la pâte de ciment hydraté
d'hydratation continuent de se former, comme
peut engendrer ou non du retrait e n d o g è n e sui-
c'est le cas dans un béton mûri à l'eau dont le
vant les conditions de mûrissement.
rapport eau/ciment est inférieur à 0,38. S i un tel
béton n'est pas mûri à l'eau, on peut noter que la
présence de grains de ciment non hydratés ne
constitue pas un désavantage : en fait, les grains Résistance, température, volume
de ciment non hydratés constituent un excellent
granulat, certes assez onéreux. Af' , AT, -AV
c

A i n s i , quant du béton est mûri continuellement à


l'eau, son système capillaire est constamment
rempli d'eau, tout au moins dans la partie en
contact avec la source d'eau extérieure, si bien
que l'hydratation s'y poursuit. E n se servant de
l'éternel triangle de la figure 1, on conclut que la *1 *2 Temps t
résistance du béton augmente, que de la chaleur
se dégage et que la compacité de la pâte de Fig. 2 - Représentation schématique de la variation de la
résistance en compression (f'J, de la température (AT) et
ciment hydraté augmente tout en aspirant de du volume de la pâte de ciment hydraté (-AV) en fonction
l'eau. du temps dans des conditions adiabatiques.

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S i un échantillon de béton est scellé et mûri dans Retrait de séchage
des conditions adiabatiques, durant un certain
et retrait endogène
intervalle de temps, le béton verra sa résistance
augmenter, sa température s'élever, et le volume A f i n de bien clarifier la situation, nous allons
de sa pâte de ciment diminuer. Toutes ces varia- définir ce que nous appellerons le volume apparent
tions se développent qualitativement de la m ê m e d'un élément en béton. C'est le volume compris à
façon, comme on peut le voir sur la figure 2. l'intérieur de ses surfaces extérieures, sans se pré-
occuper de sa structure interne ou de sa porosité.
L e volume solide, au contraire, correspondra à la
Chaleur partie du volume apparent occupé par de la matière
solide : ce terme sera précisé ci-après.
L'hydratation du ciment est toujours accompa-
gnée du d é g a g e m e n t d'une certaine quantité de Dans la pâte de ciment hydraté ou en cours d'hy-
chaleur. Cependant, l'amplitude de ce dégagement dratation, la matière solide est celle constituée
de chaleur et, surtout, l'élévation de température des grains de ciment non hydratés, des produits
qui en résulte dépendent de plusieurs facteurs : la d'hydratation et des pores de gel (remplis d'eau),
quantité de ciment qui s'hydrate, le type de ciment, mais elle ne comprend pas les pores capillaires
les propriétés thermiques des granulats, les condi- (qui peuvent être ou ne pas être remplis d'eau).
tions thermodynamiques au cours de la matura- Dans le cas du béton, la matière solide inclut les
tion, la forme et la dimension de l ' é l é m e n t en granulats qui, pour simplifier les choses, seront
béton et, dans une moindre mesure, la température considérés comme non absorbants (c'est-à-dire
du béton au moment de sa mise en place et la comme ayant une porosité nulle).
température ambiante. D u point de vue thermique,
Alors que la masse de matière demeure
on peut considérer deux situations particulières : constante, le volume qu'elle occupe change et
un mûrissement isotherme (c'est-à-dire à tempéra- ce, tant que la réaction d'hydratation se poursuit,
ture constante) et un mûrissement adiabatique comme nous l'avons v u p r é c é d e m m e n t . Par
(c'est-à-dire sans échange de chaleur avec l'exté- contre, quand du béton se dessèche, l'hydratation
rieur). Cependant, dans la pratique, le béton s'hydrate ralentit et la perte d'eau se traduit par une dimi-
dans des conditions que ne sont ni isothermes, ni nution du volume apparent suite au développe-
adiabatiques. ment du retrait de séchage au sein du béton. L e
volume apparent peut également changer à cause
Habituellement, on constate une période pendant d'une variation de température, le béton ayant un
laquelle l'augmentation de la température du coefficient de dilatation thermique positif.
béton est négligeable. A p r è s ce palier, la t e m p é -
rature du béton augmente de façon plus ou moins Dans un béton très jeune, i l se peut très bien que
rapide et intense. Finalement, l'hydratation se la diminution de volume absolu soit accompa-
poursuit par une période prolongée durant gnée d'une augmentation du volume apparent.
laquelle la température du béton diminue pro- E n fait, ceci se produit quand du béton est placé
gressivement pour revenir à la température sous l'eau dès q u ' i l a été m a l a x é ; le retrait endo-
ambiante. Ces changements de température ont gène de la pâte de ciment est alors a c c o m p a g n é
été représentés schématiquement sur la figure 3, d'un gonflement du volume apparent lorsque de
l'eau pénètre dans ses pores. Cependant, cette
qui sera utilisée pour discuter de la manière la
expansion est très faible et se stabilise autour
plus appropriée de mûrir un béton, si l ' o n veut 6
d'une valeur de 150.10" dans des bétons ordi-
atténuer les effets des différents types de retrait
naires, pour des objets de faible épaisseur.
qui pourraient s'y développer.
L a combinaison du retrait endogène et de l'ab-
sence de retrait de séchage des bétons à hautes
performances a une très grande importance pra-
tique et sera discutée plus en détail par la suite.
Cependant, dès que le béton commence à se des-
sécher, m ê m e à un âge avancé, un retrait de
séchage s'y développe.

Parce que le retrait endogène peut être ou non


a c c o m p a g n é de retrait de séchage, i l est très
important de bien comprendre les p h é n o m è n e s
qui sont à l'origine de ces deux formes de retrait.
Moins de 1 jour Plusieurs Temps L a cause essentielle du retrait de séchage est évi-
en général jours demment l'évaporation de l'eau contenue dans
les capillaires de la pâte de ciment hydraté à
Fig. 3 - Variation typique du béton
dans un élément structural. partir de leurs extrémités exposées à de l'air

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ayant un degré hygrométrique inférieur à celui béton très mince exposée à l'air dont l ' h u m i d i t é
du réseau capillaire. L ' e a u contenue dans les relative est comprise entre 30 et 70 %. Sous l'effet
capillaires, que l ' o n appelle eau libre, y est de cycles alternés de séchage et de mouillage, on
retenue par des forces qui sont d'autant plus peut voir se développer à la fois du retrait de carbo-
fortes que les pores capillaires ont un diamètre natation et du retrait de séchage, ce qui entraîne
plus fin. Par conséquent, la perte d'eau est pro- l'apparition de fissures très fines : ce p h é n o m è n e
gressive et décroissante, comme on peut le voir est connu sous le nom de faïençage [4].
sur la figure 4. Les différents types de retrait qui sont décrits
L a figure 4 montre que la perte d'eau, e x p r i m é e dans cet article se produisent dans la pâte de
en termes de pourcentage du volume apparent du ciment hydraté. E n revanche, le béton contient
béton, est plus faible lorsque le rapport sur- aussi des granuláis, qui occupent une grande
partie de son volume. Les granuláis ne sont
face/volume de l ' é l é m e n t de béton est plus faible.
soumis à aucun retrait de séchage, e n d o g è n e ou
Les autres facteurs influençant l'amplitude de la
encore plastique, et une de leur fonction est de
perte d'eau sont la porosité du béton et les carac-
résister à la contraction v o l u m é t r i q u e de la pâte
téristiques du système de pores capillaires dans la
de ciment hydraté. Cependant, ils n ' é c h a p p e n t
pâte de ciment hydraté, telles que la dimension, la
pas au retrait thermique, bien que leur coefficient
forme des pores et leur connectivité, comme nous
de dilatation thermique soit inférieur à celui de
l'avons déjà m e n t i o n n é . L e degré hygrométrique la pâte de ciment hydraté. L a réduction du retrait
de l'air ambiant est aussi un facteur important. de la pâte de ciment hydraté créée par le sque-
D ' u n point de vue pratique, ce n'est pas tant le lette granulaire est d'une importance capitale :
retrait de séchage qui est important, mais plutôt la en effet, le béton aurait autrement un retrait
fissuration q u ' i l provoque. Des fissures s'ouvrent d'une telle amplitude qu'on ne pourrait l'utiliser
lorsque les efforts de tension créés dans la pâte de comme matériau de construction. Il faut aussi
ciment hydraté par les forces capillaires dépassent ajouter que, à l'interface entre les granuláis et la
la résistance à la tension du béton. L e développe- pâte de ciment hydraté, i l peut y avoir une cer-
ment du retrait e n d o g è n e peut aussi créer de la taine incompatibilité au niveau des déformations
respectives et que des microfissures peuvent se
m ê m e façon des fissures. Cependant, i l y a une
développer dans cette zone.
différence majeure entre ces deux types de retrait.
L e retrait e n d o g è n e se développe de façon isotrope
B i e n qu'en général les granulats d'un béton bien
dans toute la masse du béton, dans la mesure où la
m é l a n g é soient distribués uniformément, la mince
distribution des grains de ciment dans le béton couche de béton que l ' o n retrouve en surface ou
frais est h o m o g è n e . L e retrait de séchage, quant à derrière les coffrages (la peau du béton) est moins
lui, commence toujours à se développer au niveau riche en granulats. Par conséquent, près de la sur-
de la surface du béton exposée à l'air sec, que ce face, le retrait de séchage de la pâte de ciment
soit à partir d'une seule ou de toutes les surfaces hydraté est moins contrecarré par le squelette gra-
d'un élément en béton. Les forces de tension, qui nulaire que celui de la pâte de ciment hydraté
apparaissent alors près de la surface, sont équili- située à l'intérieur de l ' é l é m e n t en béton ; ainsi, la
brées par des forces de compression intérieures, peau du béton développe plus de retrait et plus de
ces dernières étant libérées chaque fois que la fissuration que, par exemple, une surface sciée de
partie extérieure du béton se fissure ou flue [7]. béton. Cet enrichissement de la peau du béton en
pâte de ciment hydraté peut créer des p r o b l è m e s
O n ne s'étendra pas longtemps sur le retrait de dans le cas des bétons à hautes performances, qui
carbonatation qui se développe dans la couche de ont un dosage en ciment plus élevé que les bétons
ordinaires et un granulat de plus petit diamètre
Perte d'eau (%)
maximal [8]. L a cure des bétons à hautes perfor-
10 ,_ 70 x 70 x 280 mm mances est donc particulièrement importante,
comme nous allons le voir par la suite.
2 1 0 x 2 1 0 x 8 4 0 mm

700 x 700 x 2800 mm


Retrait global et mûrisssement
Nous définirons le retrait global ou total comme
la somme des différents types de retrait que nous
avons considérés individuellement j u s q u ' à pré-
0 1 2 3 4 5 6
sent : le retrait de séchage, le retrait e n d o g è n e et
Âge (années)
le retrait thermique, en n'oubliant pas de
Fig. 4 - Perte en eau (exprimée sous forme compter les fissures induites. Ces différents
de pourcentage de la quantité d'eau totale de malaxage)
de prismes de béton de différentes dimensions exposés
types de retrait s'additionnent mais, à l'occasion,
à l'air et ayant une humidité relative de 55 % [6]. il peut y avoir une certaine interaction entre eux.

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L e retrait plastique, par définition, se développe Température T
dans le béton avant sa prise. L'amplitude du
retrait de séchage dépend de la quantité d'eau
perdue qui, à son tour, dépend de la température,
de l ' h u m i d i t é ambiante et de la vitesse du vent. Retrait / Retrait \ . Retrait
N é a n m o i n s , la vitesse à laquelle se produit cette plastique / endogène \ . de séchage
perte d'eau ne permet pas de prédire l'amplitude
du retrait plastique, lequel dépend également de la
rigidité du béton frais. E n fait, si la quantité d'eau
perdue par unité de surface dépasse la quantité Temps
d'eau apportée en surface par le ressuage, le Membrane de Mûrissement Film
retrait plastique peut fissurer la surface du béton. mûrissement à l'eau imperméable
Ce p h é n o m è n e est particulièrement important ou brumisation ou brumisation
dans le cas des bétons à hautes performances, qui
ne ressuent que très peu ou m ê m e pas du tout. llIttltlIJIII
Nous reviendrons sur ce point par la suite. E n
utilisant des traitements de mûrissement appro-
tttttlt
Il faut Il faut absolument tout
Itttttttttt
Il faut ralentir ou
priés, on peut éviter le développement de fissures
absolument faire pour que les retarder le retrait de
de retrait plastique. Une nouvelle finition de la empêcher capillaires soient séchage. Par contre,
surface du béton à un temps approprié peut certes l'eau de continuellement le retrait endogène
refermer les fissures de retrait plastique qui s'y s'évaporer remplis d'eau se poursuit au rythme
de l'hydratation.
sont initialement développées. Cependant, si la
surface continue à se dessécher, les vieilles fis- Fig. 5 - Représentation schématique
sures pourront se réouvrir et l ' o n pourra m ê m e d'un mode de cure idéal.
voir d'autres fissures apparaître sous forme de fis-
sures de retrait de séchage. O n peut utiliser une membrane de protection,
une brumisation, ou le noyage sous l'eau pour
L e développement du retrait de séchage et du éviter le développement de retrait plastique juste
retrait e n d o g è n e peuvent être retardés par une après la mise en place du béton. Par contre,
cure prolongée à l'eau, qui peut éviter l'appari- durant la période pendant laquelle la température
tion de fissures. L a cure humide doit débuter dès du béton s'élève puis décroît, i l est absolument
que l'hydratation du ciment commence, ceci impératif de ne traiter le béton q u ' à l'eau sous
étant particulièrement important dans le cas des forme de brumisation ou de noyage. Lorsque la
ciments qui durcissent vite et des bétons à hautes cure à l'eau est terminée, i l faut alors appliquer
performances. un film imperméable pour éviter la dessiccation
du béton.
Pour réduire le plus possible le développement du
retrait e n d o g è n e , la cure humide doit se prolonger L a mise en application de ces différents types de
suffisamment longtemps pour que le béton traitement peut être difficile dans la pratique,
atteigne une résistance en tension suffisante pour car, par tradition, la cure du béton est très négli-
résister à la fissuration. Il n'y a aucune contradic- gée, pour ne pas dire inexistante, bien que tous
tion à traiter un béton à l'eau le plus longtemps les devis contiennent toujours des clauses très
possible, car l'augmentation de la résistance à la précises la concernant. L a meilleure façon de
compression du béton est une fonction directe de remédier à une telle situation est de demander à
la durée de maturation, ou maturité. l'entrepreneur de chiffrer exactement toutes les
dépenses occasionnées par la cure du béton et de
Pour éliminer le retrait de séchage, i l n'est pas
s'assurer de leur mise en application avant de la
toujours indispensable d'avoir une source d'eau
payer. B i e n que cette solution puisse représenter
extérieure qui alimente continuellement le béton.
un coût initial additionnel pour le maître d'ou-
Il est seulement nécessaire, dans certains cas,
vrage, une telle approche conduira à des écono-
d'éviter que l'eau contenue dans le béton ne
mies substantielles à long terme pour ce dernier
s ' é v a p o r e . C'est pourquoi l'application d'une
puisqu'elle augmentera incontestablement la
membrane i m p e r m é a b l e est alors suffisante. Ceci
durabilité de sa structure tout en améliorant son
représente é v i d e m m e n t un coût additionnel qui
apparence. Une telle procédure a déjà été appli-
peut être justifié ou non par la conséquence de
quée avec succès au Q u é b e c . O n n'insistera
l'apparition de fissures dans le béton. Cette justi-
jamais assez sur l'importance de la cure.
fication doit se faire en termes de durabilité, plus
qu'en termes d'esthétique. Est-il absolument nécessaire d'effectuer une cure
humide ou suffit-il d'appliquer une membrane de
Il est aussi bon de rappeler que le traitement à l'eau
protection sur les surfaces du béton ?
a un effet de refroidissement. Sur la figure 5, on
trouve le type de cure le plus approprié au cours du S i le rapport eau/ciment est supérieur à 0,42, la
d é v e l o p p e m e n t de la réaction d'hydratation. quantité d'eau contenue dans le béton est suffi-

B U L L E T I N D E S L A B O R A T O I R E S D E S P O N T S E T C H A U S S É E S - 2 1 5 - MAI-JUIIIN 1998 - RÉF. 4184 - PP. 41-51


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santé pour assurer l'hydratation c o m p l è t e du © Troisièmement, les bétons à hautes perfor-
ciment, si bien que la pose d'une membrane est mances voient leur hydratation se développer
tout à fait suffisante pour permettre au béton de très rapidement, ce qui entraîne une fort autodes-
mûrir convenablement. Malgré une diminution siccation.
de volume de la pâte de ciment hydraté, comme
Comme le rapport eau/ciment des bétons à
nous l'avons montré précédément dans cet article,
hautes performances est très faible, i l faut abso-
le retrait e n d o g è n e d'un béton ayant un rapport
lument éviter de n'utiliser qu'une membrane
eau/ciment supérieur à 0,42 est négligeable, car
comme seul moyen de cure, car elle peut e m p ê -
ce sont essentiellement les gros capillaires qui se
cher par la suite toute pénétration d'eau exté-
vident. O n peut m ê m e ajouter que plus le rapport
rieure au sein du béton, ce qui est crucial dans le
eau/ciment est élevé, moins le béton souffrira
cas des bétons à hautes performances pour éviter
d'un manque de maturation. E n revanche, une
de voir s'y développer très rapidement un retrait
fois que la membrane aura perdu de son effica-
endogène important. Les exigences quant à la
cité, le retrait de séchage commencera à se déve-
durée d'une cure humide dépendent des circons-
lopper et i l sera d'autant plus élevé que le béton
tances particulières qui prévalent sur le chantier,
aura un rapport eau/ciment élevé.
comme on le verra dans les exemples ci-après.
S i le rapport eau/ciment est inférieur à 0,42, un
retrait e n d o g è n e se développera très rapidement
Cas des grosses colonnes
malgré la présence d'une membrane de mûrisse-
ment. Quand la membrane aura cessé d'être Considérons la colonne massive de la figure 6
effective, le retrait de séchage se développera qui a, par exemple, une section de 1 m x 1 m et
également, mais i l sera très faible. une hauteur de 2,5 m, et examinons le retrait du
béton en trois endroits particuliers :
Ce n'est donc que lorsque le rapport eau/ciment
» - le point A situé au centre de la colonne,
est supérieur à 0,42 que l ' o n peut envisager
»> le point B placé au centre d'une face de la
d'utiliser une membrane pour prolonger la
colonne,
période de cure à l'eau du béton. A l'inverse,
>- le point C localisé à la partie supérieure de la
puisqu'on utilise de plus en plus des bétons à
colonne.
hautes performances ayant de très faibles rap-
ports eau/ciment (inférieurs à 0,42), la cure à • E n A , au cœur de la colonne, i l n ' y a pas de
l'eau devient essentielle. retrait plastique ou de séchage possible, m ê m e
après plusieurs dizaines d ' a n n é e s . E n revanche, en
ce point, le retrait thermique sera le plus important,
car la température atteinte par le béton y sera la
Le retrait dans les bétons
plus élevée. Il est assez facile de calculer l'inten-
à hautes performances sité du retrait thermique en A à partir des caracté-
Pour s'assurer de la durabilité d'une structure en ristiques thermodynamiques du béton, des pro-
béton, i l est non seulement nécessaire de sélec- priétés isolantes des coffrages et de la température
tionner des ingrédients appropriés, et de bien les ambiante. L e calcul du retrait e n d o g è n e n'est pas
proportionner pour fabriquer un béton de qua- aussi facile, mais, dans une colonne ayant les d i -
lité, mais i l faut aussi assurer au béton un traite-
ment adéquat. L'utilisation d'un béton à hautes
performances ne garantit que les deux premières
conditions, mais i l est indispensable de ne pas
oublier que ce type de béton est particulière-
ment exigeant en termes de maturation, si l ' o n
veut éviter tous les inconvénients occasionnés
par un trop grand retrait p r é m a t u r é pour les rai-
sons suivantes.

O Tout d'abord, les bétons à hautes perfor-


mances ne ressuent pratiquement pas. Comme
nous l'avons déjà signalé, cette situation est tout
à fait propice au développement du retrait plas-
tique.

© D e u x i è m e m e n t , les bétons à hautes perfor-


mances produisent en général une importante
quantité de chaleur pouvant engendrer l'appari-
tion de grands gradients de température, particu-
Fig. 6 - Représentation d'une colonne
lièrement dangereux lors du refroidissement. de grandes dimensions.

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mensions citées précédément, on a trouvé que ce \ * /
6
retrait était de 250.10" après quatre jours et q u ' i l \ C /
6
n'avait augmenté que de 30.10" durant les
quatre années suivantes [9]. Étant donné que
l'hydratation rapide du ciment en A est accom-
p a g n é e de gains rapides de résistance en tension,
le risque de fissuration y est négligeable.

• E n B, i l n'y a pas de retrait plastique. Par


contre, si aucun traitement à l'eau n'est prévu
après l'enlèvement des coffrages, le retrait de
séchage s'y développera rapidement ; i l était égal
6
à 330.10" sur la colonne précitée [9]. E n outre, le
béton présente aussi un retrait e n d o g è n e et un / B \
retrait thermique. L e retrait thermique en B est
300 mm
plutôt réduit, cependant son amplitude dépend
des gradients thermiques qui se développent dans
le béton, lesquels sont fonction des propriétés iso- Fig. 7 - Section d'une grosse poutre.
lantes des coffrages : plus les coffrages ont de
bonnes propriétés isolantes, plus les gradients
seront faibles. Il vaut donc mieux utiliser des cof- • E n A , la situation est très semblable à la situa-
frages en contre-plaqué ou des coffrages d'acier tion précédente au m ê m e point, à l'exception du
isolé plutôt que des coffrages d'acier nu. S i l ' o n retrait thermique qui est plus faible.
veut limiter les effets du retrait e n d o g è n e en B , i l
• E n B, la situation est critique car, en plus des
suffit de desserrer le plus rapidement possible les
effets du retrait, i l y aura celui des contraintes de
coffrages afin de pouvoir démarrer au plus vite
tension par suite de la déflexion de la poutre
une cure humide. S i cette cure se poursuit pendant
sept jours, le béton aura pratiquement atteint les lorsqu'elle sera chargée. E n outre, les coffrages
trois-quarts de sa résistance en tension finale de demeurent en place suffisamment longtemps
telle sorte que, lorsque le traitement cessera et que (pour éviter toute déflexion excessive à cause du
le retrait de séchage commencera à se développer, poids propre de la poutre), de telle sorte que le
le béton sera assez résistant vis-à-vis des effets du retrait endogène s'y développe intégralement. Il
retrait de séchage. E n revanche, dans le cas où faut absolument commencer un traitement qui
aucun traitement n'a été appliqué et que le seul fournit un apport d'eau.
traitement reçu a consisté à maintenir les cof-
• E n C , la situation est semblable à celle des
frages en place, on n'aura finalement que retardé
grosses colonnes et la fissuration due aux diffé-
l'apparition du retrait de séchage, et rien fait pour
rentes formes de retrait qui pourraient s'y pro-
éliminer le retrait endogène qui se sera développé
duire sera annulée par un traitement adéquat à
en totalité.
l'eau.

• E n C , on peut voir se développer très facile-


ment du retrait plastique, du retrait de séchage et Cas de petites poutres
du retrait endogène. Par contre, c'est en ce point
q u ' i l est le plus facile de protéger adéquatement Par petite poutre, nous entendons évidemment
le béton. D è s la surface du béton finie, on peut une poutre ayant sa plus petite dimension infé-
appliquer une membrane de protection, à condi- rieure à 300 mm. O n étudiera également le
tion de l'enlever par la suite avant que le ciment retrait en A , B et C aux m ê m e s endroits que pour
ne commence à s'hydrater ou on peut vaporiser les grosse poutres. Dans une telle poutre, les
de l'eau au-dessus du béton mais, dès que le effets thermiques sont en général négligeables, si
béton a e n t a m é sa prise, i l est impératif de le bien que la nature des coffrages a moins d ' i m -
traiter à l'eau. portance. Cependant, en B , le retrait endogène
peut avoir des effets très néfastes de sorte q u ' i l
faudra y appliquer le m ê m e type de cure à l'eau
Cas de grosses poutres que dans le cas des grosses poutres.

Ce sont des poutres dans lesquelles la plus petite L e problème le plus sérieux que l ' o n rencontre
dimension est supérieure à 300 m m , de telle sorte dans le cas de petites poutres est celui du retrait
qu'en leur centre la température atteinte par le de séchage : la valeur élevée du rapport sur-
béton peut être élevée. Nous allons encore exa- face/volume facilite beaucoup l'évaporation de
miner le retrait du béton en trois endroits différents l'eau du béton. L'application d'un film imper-
: en A au centre de la poutre, en B à sa surface infé- m é a b l e (après un traitement à l'eau adéquat)
rieure et en C à sa surface supérieure (fig. 7). peut s'avérer très utile.

BULLETIN DES LABORATOIRES DES PONTS ET CHAUSSÉES - 215 • MAI-JUIN 1998 - RÉF. 4184 - PP. 41-51 49
Cas de dalles minces Pour des dalles épaisses, de plus de 300 m m
d'épaisseur, on voit se développer des gradients
Par dalle mince, nous entendons des dalles qui
thermiques élevés à la partie supérieure et infé-
ont moins de 200 m m d'épaisseur (fig. 8). Nous
rieure de la dalle. Une température élevée à la
allons encore considérer le retrait du béton en
base de la dalle conduit, en outre, à une hydrada-
trois points : en A au centre de la dalle, en B à sa
tion plus rapide du béton et au d é v e l o p p e m e n t
surface inférieure et en C à sa surface supérieure. plus rapide de la résistance, ce qui contribue à
• E n A , B o u C , i l n ' y aura pas de p r o b l è m e s diminuer le fluage [6] de telle sorte que les
thermiques majeurs parce que la chaleur d'hy- contraintes thermiques qui apparaissent lors du
dratation se dissipe régulièrement et rapidement. refroidissement ne sont pas bien relâchées, pro-
Les températures en ces points n'augmentent pas voquant la fissuration du béton.
considérablement et ne diffèrent pas tellement Pour toutes ces raisons, pour des dalles épaisses,
les unes des autres. il faut absolument chercher à diminuer la chaleur
d'hydratation du ciment en utilisant un ciment à
• E n C , i l faut éviter à tout prix de laisser se
faible chaleur d'hydratation et en l u i substituant
développer un retrait plastique, mais i l ne faut
des matériaux cimentaires supplémentaires. Il est
pas oublier que le retrait e n d o g è n e et le retrait de
également utile d'abaisser la température du
séchage peuvent aussi s'y produire de façon
béton frais en employant de l'eau froide ou de la
considérable. Cependant, on peut prendre très
glace broyée, ou des granulats prérefroidis. Dans
rapidement des procédures adéquates de traite-
les ciments chauds, placer le béton la nuit quand
ment à l'eau, semblables à celles préconisées
la température ambiante est l a plus faible peut
pour la partie supérieure des grosses colonnes.
s'avérer judicieux. Quelquefois, on peut aussi
Il faut souligner que, s ' i l est assez facile de refroidir la base de la dalle.
traiter de manière adaptée des dalles minces, la
Les différents cas que nous avons envisagés
moindre carence peut être catastrophique. ci-dessus illustrent la nature complexe des pro-
_ — ,
b l è m e s de retrait en ce qui concerne les bétons à
hautes performances. Dans chacun d'eux, nous
avons suggéré des mesures appropriées pour atté-
e > 200 mm • A
nuer les effets du retrait. Ces mesures peuvent
être adaptées à d'autres situations.
-• . B

Fig. 8 - Dalle de faible épaisseur.


Conclusion
Lorsque l ' o n comprend bien la nature des diffé-
Cas de dalles sur sol
rents types de retrait qui peuvent se développer
Si la dalle est mince et qu'elle est placée sur un sol dans un béton et le m é c a n i s m e de leur développe-
humide, la partie inférieure de la dalle mûrit dans ment dans diverses circonstances, on peut plani-
des conditions idéales et aucun retrait de séchage fier la mise en application de mesures adéquates
ne s'y développera. Par contre, on verra apparaître pour minimiser les conséquences néfastes du
très vite un retrait e n d o g è n e et un retrait de retrait. Par le passé, quand les bétons avaient des
séchage à la surface de la dalle, si aucun traitement rapports eau/ciment élevés, les c o n s é q u e n c e s
à l'eau n'est mis en place. L a différence de défor- d'un mauvais mûrissement n'étaient pas trop
mation longitudinale entre la partie supérieure et la catastrophiques, sauf dans des cas extrêmes.
partie inférieure de la dalle a m è n e un gauchisse- Cependant, avec l'utilisation croissante des
ment de la dalle et l ' o n voit les bords et les coins se bétons à hautes performances, qui peuvent être
relever. O n peut réduire un tel gauchissement en très rapidement (en moins de 24 h) le siège d'un
plaçant une couche drainante sous la dalle, ou au p h é n o m è n e de retrait e n d o g è n e très sérieux, i l est
contraire en installant une membrane imper- absolument essentiel de contrôler le retrait global
méable e m p ê c h a n t le béton de s'imbiber d'eau. du béton par un traitement à l'eau adéquat.

R E F E R E N C E S BIBLIOGRAPHIQUES

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Creep of plain and structural concrete,
Longman, Angleterre, 361 pages.

ABSTRACT
The different types of concrete shrinkage
P.-C. AITCIN - A. NEVILLE - P. ACKER
This paper describes the simultaneous effects of the hydration reaction - gain in strength, emission of heat and
volumetric) contraction - and covers the different types of shrinkage which can occur within the concrete - drying
shrinkage, endogenous shrinkage and thermal shrinkages Finally it describes the way each of these types of shrin-
kage affects a variety of high performance concrete structural members.

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