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Vie coopérative
un cercle vertueux pour le
développement économique
Formations internes, systèmes de parrainage, forums, recours
à des consultants extérieurs, les Scop expérimentent toutes
D
les solutions pour animer la vie coopérative et mobiliser
l’engagement et l’esprit collectif de leurs équipes.
ans les Scop et les Scic, le lien entre vie sociétaires. « Avec près de 80 salariés,
coopérative et performance économique les discussions s’organisent aujourd’hui à
est une évidence. Dans des visées aussi plusieurs niveaux, poursuit Sylvain Cathe-
bien économiques qu’humaines, l’ani- bras, dans la dizaine d’équipes de quelques
mation de la vie coopérative est donc personnes, dans les quatre Scopettes et
un enjeu majeur, qui explique la grande avec la direction du groupe ». Aux ins-
diversité des initiatives pour animer la tances statutaires, assemblée générale
coopération au travail. et commissions, s’ajoutent des réunions
d’équipes et les Alma-cafés, dans les-
Partage de l’information quels les salariés s’expriment sur tous les
« Plus on partage l’information dans l’en- sujets de la vie de l’entreprise.
treprise, mieux elle se porte », déclare Syl- Pour aller plus loin, la Scop grenobloise
vain Cathebras, responsable de la com- a élaboré l’an dernier un document sur
munication du groupe Alma, une Scop les règles de gouvernance. Il introduit de
d’informatique de Saint-Martin-d’Hères nouvelles méthodes en matière de res-
(Isère). sources humaines internes, avec le mé-
Au fil de son développement à la fin canisme Elva (Élaboration/Validation),
des années 90, les dirigeants d’Alma ont qui peut se rapprocher des évaluations à
voulu éviter la dilution des valeurs coo- 360 % des managers. D’après Elva, toute
pératives et l’éloignement des associés personne chez Alma a son mot à dire sur
- toujours plus nombreux - des prises de ceux qui dirigent leur équipe, en partant
décision. Ils ont créé pour ce faire des du principe qu’on ne peut pas imposer
« Scopettes », structures décentralisées un responsable à une équipe qui n’en
à l’intérieur de l’entreprise et dotées veut pas. Aussi, tous les trois ans, chaque
d’une assez large autonomie pour les chef d’équipe soumet son bilan et son
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nous avons aussi mis en place des groupes opérationnel, un comité exécutif chargé de
apprenants, selon une formule dévelop- la prospective et un comité de pilotage, soit
pée par la Manufacture coopérative. Par un groupe de douze personnes directement
groupes de quinze personnes, les futurs impliquées dans la gouvernance. Nous avons
associés vont se familiariser avec l’entre- aussi fait évoluer le mode de management,
prise, avec le soutien d’un activateur coo- moins pyramidal et plus horizontal, en res-
pératif et d’un ambassadeur, venu d’une ponsabilisant les visiteurs médicaux sur leur
autre filiale. Pour créer la coopérative de zone commerciale. Tout avance en même
demain, nous faisons le pari de l’auto-for- temps, la vie coopérative, la responsabilité
mation et de l’intelligence collective. » sociale de l’entreprise (qui nous fait réfléchir
à notre impact sur nos parties prenantes) et
Instances formelles et informelles les résultats. » De fait, la Scop a aujourd’hui
Animer ou réanimer la vie coopérative un chiffre d’affaires de 3,8 millions d’euros,
prend tout son sens à l’occasion des grands avec une croissance de 5 % l’an dernier.
changements dans la vie d’une entreprise : Synphonat est aussi la première entre-
une reprise, une transmission ou tout prise de compléments alimentaires à avoir
simplement un changement de gérant. obtenu le label Lucie, qui garantit l’attitude
Lorsque Fabien Besançon a été élu PDG de responsable de la société.
Synphonat, en novembre 2013, il a pris le C’est également à la faveur d’un change-
relais d’un des fondateurs de cette Scop de ment de PDG, qu’Euclid Ingénierie, bureau
Villemur-sur-Tarn (Haute-Garonne), spé- d’études techniques du bâtiment à Beau-
cialisée dans les compléments alimentaires mont (Puy-de-Dôme), s’est réinterrogé sur
de santé. Comme la passation a été prépa- sa dimension coopérative. « Nous sommes
rée en amont, il a pu suivre une formation une Scop depuis 40 ans, souligne le PDG,
de dirigeants à l’université Paris Dauphine, Jérémie Jacquart. Mais depuis quelques an-
pour renforcer ses compétences gestion- nées, les aspects coopératifs passaient après
naires, mais aussi réinsuffler de l’esprit les projets économiques, ce qui est contre-
coopératif auprès des 26 salariés de Syn- productif. Afin que les salariés et des parties
sentiment d’appartenance et de diffu- phonat. prenantes puissent se prononcer sur le deve-
ser l’esprit coopératif à l’ensemble du « Au-delà des instances statutaires, nous nir de l’entreprise, nous avons imaginé un
groupe. « Nous avons élargi le système avons mis en place trois comités nouveaux, forum collaboratif, pour que tout le monde ait
des parrains, continue Caroline Brison. Et précise Fabien Besançon. Il y a un comité la parole sur un pied d’égalité. Le Forum, qui
Parcours Cadres dirigeants de Scop tives et gestionnaires, la CG Scop a créé d’un départ harmonieux du dirigeant
En partenariat avec la CG Scop, l’Univer- en 2005 le fonds Form.coop, qui résulte sortant, qui, à l’inverse d’une entre-
sité Paris-Dauphine propose une forma- d’une convention paritaire signée avec les prise traditionnelle, n’a pas de recon-
tion généraliste diplômante à destination cinq confédérations syndicales de salariés. naissance financière des responsabili-
des dirigeants des Sociétés coopératives et Toute coopérative adhérente de la CG Scop tés qu’il a occupées. La succession est
participatives. Elle dure trente jours étalés est donc tenue de verser sa contribution de qui plus est un enjeu-clé de la transmis-
sur dix mois et débouche sur un diplôme 0,1 % de la masse salariale brute en sus des sion du projet coopératif et du maintien
d’université (DU) Business Management. cotisations légales de formation (en baisse ou de la relance de l’esprit coopératif.
C’est déjà la cinquième année d’une for- de 0,6 % pour les entreprises de 20 salariés C’est pour doter les UR Scop d’outils
mation qui rassemble une vingtaine de et plus depuis 2015). d’accompagnement face à ces enjeux
personnes par promotion. Dans le contenu Form.coop est géré par Uniformation, l’Op- que le Mouvement Scop a développé
de la formation : stratégie d’entreprise, ca de l’économie sociale. En savoir plus : le programme Maillages avec l’aide de
gestion financière, animation et leader- nblanchon@uniformation.fr consultants spécialisés en manage-
ship, droit coopératif, financements de ment de l’économie sociale. Le pro-
l’économie sociale. Maillages gramme a permis d’aboutir à une mé-
La succession du dirigeant est une thode et des outils de diagnostic pour
Form.coop étape clé dans la vie d’une Scop. Elle accompagner les dirigeants quittant la
Pour faciliter le financement ou co-fi- pose l’enjeu non seulement du bon direction de leur coopérative.
nancement des formations coopéra- recrutement du successeur, mais aussi
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Vie coopérative, RSE, résultats économiques… Chez Synphonat, tout avance en même temps !
a eu lieu cette année, a été préparé six mois à Ses conclusions ont été un socle pour réveil- il dit aussi qu’il faut prendre son temps
l’avance par un comité de pilotage associant ler la vie coopérative ! Cela a abouti à des pour faire entrer l’esprit coopératif dans
des salariés de tous échelons hiérarchiques. groupes de travail en 2014, avec l’utilisation les gènes d’une entreprise. « Dès la reprise,
» Pour l’animation du Forum, Jérémie Jac- du questionnaire sur le ressenti des associés je propose des règles coopératives, affirme
quart a fait appel à Cultures Trafic, une inclus dans la révision coopérative. Enfin, Dominique Haudiquet. Plusieurs mesures
Scop voisine. Depuis, des groupes de tra- l’AG de juin dernier a donné aux dirigeants sont mise en place, notamment le sociétariat
vail (communication, action commerciale) une feuille de route pour continuer à amélio- obligatoire, la conversion de la participation
ont été mis en place pour avancer sur les rer la vie coopérative, au travers d’une nou- en parts sociales, et la présence au capital
deux pieds de la coopération et du déve- velle GPEC pour l’ensemble des salariés, de des seuls salariés. Et bien sûr, il faut que les
loppement économique. la poursuite du management par la qualité, associés aient une information régulière sur
mais aussi de la création d’une newsletter et la vie de l’entreprise. Après le CA mensuel, il
Enjeu stratégique le maintien des groupes de travail. » Confor- y a une réunion de l’ensemble du personnel
« AG, conseil d’administration, IRP, cela nous té sur le sentiment de bien-être au travail, pour expliquer tous les sujets traités lors du
semblait des rendez-vous trop formels et pas transcendé par les valeurs coopératives, le CA. Le système coopératif permet que tout
assez réguliers pour les salariés », assure De- PDG de Nea veut désormais améliorer le le monde se sente concerné dans l’entreprise
nis Simiand, PDG de Nea, une entreprise taux de sociétariat, déjà passé de 7 à 43 avec des répercussions sur la bonne santé
adaptée en Scop, à La Ravoire (Savoie). salariés en quelques années. économique. » Mais une fois mis en place,
Cette société de services aux entreprises Animer la vie coopérative ne va pas de soi. ces dispositifs ne gardent leur sens que
est devenue une Scop SA en 2008, après Il faut le vouloir, mais aussi faire preuve de s’ils sont régulièrement réinterrogés en
avoir été association puis Sasu ; elle em- méthode et bénéficier d’expérience. C’est interne.
ploie 200 personnes, dont 85 % de salariés le cas de Dominique Haudiquet, qui a C’est tout l’avantage pour les coopéra-
en situation de handicap. L’opportunité de repris au fil des années trois entreprises en tives d’appartenir à un réseau qui peut les
repenser la vie coopérative a été trouvée difficulté en Scop, en Bourgogne. Selon lui, accompagner au plan technique sur leur
lors d’un partenariat avec Iseor, un centre ces reprises en coopérative de deux impri- projet de création ou de développement,
de recherches de l’Université Lyon II. « Un meries (Laballery et Chevillon) et d’une mais aussi les aider sur l’animation de leur
chercheur a fait un travail de six mois sur la entreprise de thermoformage (Scot) ont sociétariat et la mise en pratique de la
participation en Scop à partir de l’exemple permis de les relancer et surtout de res- démocratie en entreprise. « Les Scop nous
de notre entreprise, précise Denis Simiand. taurer la confiance avec les salariés. Mais sollicitent, mais on est aussi force de propo-
Depuis les années 70 et le célèbre quadrilatère d’Henri Desroche, peu d’outils ont
vu le jour pour formaliser des outils d’aide à la bonne gouvernance coopérative
et aux spécificités du management en Scop. Annick Lainé, docteur en sciences de
gestion, s’est penchée sur la question dans l’ouvrage « Coopération & manage-
ment, l’exemple des Scop » qui vient de paraître aux Editions L’Harmattan.
Quels sont les moments forts lors desquels s’exprime la vie coopérative ?
L’AG est évidemment un moment-clé : mais comment la prépare-t-on ? Il faut mettre en
place des méthodes pour que tout le monde puisse s’exprimer. Le rôle du management est
aussi très important dans la mise en œuvre de la démocratie dans l’entreprise : on parle au-
jourd’hui de management bienveillant, qui se rapproche des pratiques coopératives. Le ma-
nagement participatif doit accompagner les salariés dans la vie de l’entreprise, notamment
au moment du recrutement, lors duquel on embauche un technicien et un futur sociétaire. « On ne naît
Il y a beaucoup de questionnements autour du management, qui à la fois incarne l’autorité
dans l’entreprise, mais qui est en même temps élu et redevable devant les associés.
pas coopérateur,
on le devient. »
Pouvez-vous nous préciser ce qu’est le SCCCORRET, qui permettrait aux coopérateurs
d’être véritablement acteurs du système ?
J’ai en effet élaboré cette méthode de management dans mon livre, sur la base d’une mé-
thode d’évaluation existante, le Score, et à partir des bonnes pratiques de management coo-
pératif que j’ai vécues dans la CAE Oxalis et dans une Scop de la formation. Le Scccorret
(système coopératif de communication, de culture, d’organisation, de rémunération, de rela-
tions sociales, d’emploi et de transmission) consiste à utiliser les bons outils en fonction des
questions que se posent les coopérateurs. Par exemple, des comités coopératifs réguliers,
par petits groupes, pour parler de la vie de la coopérative, des agoras coopératives (sur des
thèmes plus larges), des visites d’entreprises partenaires, mais aussi des prises de parole en
public pour parler de sa coopérative. C’est un outil de management collectif, qui peut être
déclenché quel que soit le niveau hiérarchique. Le Scccorret peut aussi être utilisé en lien
avec un outil appelé « pyramide de l’équilibre coopératif », qui permet aux associés de s’auto-
évaluer sur six dimensions-clés lors des entretiens individuels. Beaucoup de ces méthodes de
management existent déjà dans les Scop, mais elles ne savent pas qu’elles mettent en œuvre
le Scccorret !
sition. On leur apporte un regard extérieur », Scop. Par-delà les interventions intra- place en 2015 une formation sur le conseil
témoigne Anne Rostand, déléguée de l’UR Scop, le réseau organise des rencontres de surveillance pour les Scop SARL de 20
Scop Midi-Pyrénées. En 2014, l’UR Scop a inter-coopératives permettant aux acteurs associés et plus soumises à cette obliga-
ainsi animé un séminaire sur l’élaboration d’échanger sur leurs pratiques. En Midi- tion légale.
d’une charte interne à la demande d’une Pyrénées, l’UR Scop a par exemple mis en Eric Larpin