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« Noces à Tipaza »

Nous arrivions par le village qui s'ouvre sur la baie. Nous entrons dans un monde jaune
et bleu où nous accueille le soupir odorant et âcre de la terre d'été en Algérie. Partout, des
bougainvillées rosat dépassent les murs des villas ; dans les jardins, des hibiscus au rouge
encore pâle, une profusion de roses thé épaisses comme de la crème et de délicates bordures.
A l'heure où nous descendons de l'autobus. Couleur de bouton d'or, les bouchers dans leurs
voitures rouges font leur tournée matinale et les sonneries de leurs trompettes appellent les
habitants.

A gauche de port, un escalier de pierres sèches mène aux ruines, parmi les lentisques et les
genêts. Le chemin passe devant un petit phare pour plonger ensuite en pleine campagne. Déjà,
au pied de ce phare, de grosses plantes grasses aux fleurs violettes, jaunes et rouges
descendent vers les premiers rochers que la mer suce avec un bruit de baisers. Debout dans le
vent léger, sous le soleil qui nous chauffe un seul côté du visage, nous regardons la lumière
descendre du ciel, la mer sans une ride, et le sourire de ses dents éclatantes. Avant d'entrer
dans le royaume des ruines, pour la dernière fois nous sommes spectateurs.

Au bout de quelques pas, les absinthes nous prennent à la gorge. Leur laine grise couvre
les ruines à perte de vue. Leur essence fermente sous la chaleur, et de la terre au soleil monte
sur toute l'étendue du monde un alcool généreux qui fait vaciller le ciel.

Albert CAMUS, Noces, 1939.


Nous prenons au départ de Casablanca, le train rapide à destination de Marrakech. Trois
heures plus tard, la perle rouge du sud nous souhaite la bienvenue. Notre première impression,
si intense, tient simultanément du baiser et de la gifle. Si Marrakech est rouge, c’est non
seulement par la couleur de ses murs, mais surtout d’émotion.

De la gare en traversant Gue lise, un quartier de la ville moderne, nous nous dirigeons vers
la place Djemaa el Fina au centre de la médina. Là, ce rêve Marrakech, s’initie son mystère et
se cultive son amitié.

"Djemaa el Fina est aussi appelée Djemaa Er Bah, nous dit un témoin, car c’est une place
généreuse qui nourrit son homme"

A la fontaine "Chroub ou Chouf", nous nous désaltérons et nous regardions des magiciens
gnaouas dont la musique s’inspire du sable et ressemble aux tatouages, des jongleurs et des
charmants de serpents ainsi que des gamines entreprenantes qui essayent de vendre des
colifichets. Ici un monde en rétribue un autre est divertit. Et même si les mains sont tendues,
les bras restent grand ouverts et le cœur tenace.

Aujourd’hui, elle garde jalousement les vestiges de son riche passé et le minaret de la
Kourtoubia témoigne, dans le ciel de la ville, d’un art serein et d’une prodigieuse passion.
Nous nous promenons dans les souks et nous voyons que le peuple de Marrakech a encore les
mains agiles. Ici de merveilleux tapi, des poignards incrustés d’argent, des miroirs ornés
d’arabesque. Là des plateaux de cuivre et mille autres trésors qui empliront nos souvenirs.

Dans un restaurant de la médina, nous nous offrons pour une vingtaine de dirhams, un
repas de roi, et après avoir flâné dans des jardins de l’Agdal, nous nous retournons emportant
dans nos yeux Marrakech, le plus beau mirage du désert.

D’après Amine BOUALI (In Horizon du 26octobre1996)

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