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*** La place de la porte des Ternes vers 1920 et le fameux ballon Bartholdi ***

LA RÉCLAME EFFRAYANTE DE MON ENFANCE , LA LÉGENDE


MARQUÉE SUR LE PLASTRON  : ENFONCEZ - VOUS BIEN ÇA DANS
LA TÊTE  : DE LA POUDRE DE COCK , PAS DE LA DROGUE  !
C ' ÉTAIT POUR LES MAUX D ' ESTOMAC  !
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NON Monique tu ne connaitra presque rien de mon enfance !

Je suis né le 16 septembre 1932 vers 18 heures mais déclaré par le médecin,


du 17 à 2 heures du matin car ma naissance tombée sur un vendredi, mon père n'a
pas eu le temps de me déclarer dans le délai légal de 3 jours. Né comme ma sœur à
la clinique du Rannelach, 19 Boulevard Arago Paris 13 ième, mon frère ainé est né
chez sa grand-mère Chartier à Paris rue de Dunkerque. Je ne connais que du 13
ième la place de la République où se dresse la mairie majestueuse Le médecin de
famille Marcel Bilhaud accoucheur (père adoptif de la starlette Blanchette Brunoy: 70
films: « les dames du bois de Boulogne » et Pub Télévisuelle « Mamie-Nova » en
1994, c’était la nièce de l’écrivain Georges Duhamel, son père Mr Doucet, peintre
assez connu fut tué au front en 14-18. Le docteur épousera sa veuve et adoptera
Blanchette. Je la rencontrais parfois au cabinet médical de son père. Le docteur sera
retardé pour l’accouchement, dans les embarras automobiles parisiens, déjà en 1932, l'année de la
prise du pouvoir par Hitler

Blanchette Brunoy

1932 : C’est aussi l’année de la découverte du neutron !!!. Je n'ai été baptisé à


St Pierre de Neuilly qu'en janvier 33, j’ai perdu ma médaille de baptême dans la
rivière du bois de Boulogne infestée de sangsues, dans laquelle j’étais tombé !
C’est une répétition du destin: ma grand-mère très myope tomba en l’hiver 1897
dans la serpentine mi-gelée, la petite rivière de Hyde-Park à Londres, par un
épais brouillard avec mon père d’un an dans son landau. A ses cris, un
policeman les sortit de ce mauvais pas. Je garde un vague souvenir vers 3 ans de mon petit lit à
barreaux avec un bruyant oreiller de crin, dans l'appartement à Neuilly au premier étage du 27 rue
Louis Philippe en face d'un porche où entrait des tombereaux
attelés. On m’avait offert un ensemble d’outils de menuisier alors
j’en profite pour essayer le maillet sur les vitres de l’appartement !
Mes premiers mots : fout la paix ! Une interprétation des colères de
mon père : fout moi la paix

Je me souviens aussi de la police à cheval place de l'Opéra. Pas


de souvenir possible de mon grand-père bien sûr, décédé en 1933.
Je ne souviens pas non plus de mes premières vacances d’été en
Bretagne à Ploumanach en 1934-35, bien que j’ai un film pris par mon père, par contre je me
souviens bien du voyage à Londres et Brighton en septembre 1936: La douleur due au hurlement des
sirènes du bateau à Dieppe suite à une otite, le mal de mer, la visite du zoo de Londres où je suis
photographié avec ma sœur et un gentil et célèbre chimpanzé apprivoisé déjà vieux, la barbiche
blanchie qui venait nous prendre par la main, nous emmenait sur un banc, nous enlaçait et attendait le
photographe. J’ai une attitude… réservée, ma sœur moins tandis que mon frère enlace franchement
le singe. Je me perds dans le zoo, c'est un policeman qui me ramène à mes parents. Souvenir aussi
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le bateau à roues qui allait de Brighton à l'île de Wight et le Royal piers (la jetée) avec les moules
accrochées aux pieux, les affreux galets de la plage et l’eau glacée. On y rejoint nos amis
Debretagne, d’origine belge, amis des grands-parents, qui habitent Brighton. Il y avait un guignol sur la
plage «  Punch and Judy » mais je ne comprends rien car je ne sais dire que yes et no !

Le scénario : Pris de jalousie, Punch décide d'étrangler son bébé. Judy court pour le sauver, et frappe Punch avec un gourdin
jusqu'à ce que ce dernier, exaspéré, ramasse à son tour un gourdin et frappe sa
femme jusqu'à la tuer. Il jette ensuite les deux corps hors de la maison, ce qui attire
l'attention d'un policier. Punch se sauve mais est finalement arrêté par l'Inquisition
qui le jette en prison. Il parvient cependant à s'échapper grâce à une clé dorée. Punch
est un bossu habillé en bouffon avec son nez crochu qui touche presque son menton.
Il porte un bâton aussi grand que lui, qu'il utilise à son gré sur les autres personnages.
Il possède une voix rauque

Les Mickel-John en parenté tenaient un stand de circuit de petites


voitures sur le bord de mer dont on raffolait. Miss Jackson, une
gentille voisine d’hôtel m’offre une salle de bain miniature avec robinets, baignoire, lavabo, alimentés
en eau par un petit réservoir, une merveille technologique d’époque !

Billet de Cent francs 1938: Le prix d’une semaine de ravitaillement alimentaire au marché de Neuilly
par ma mère. Un vraiment joli billet: les faussaires sont à cette époque punis des travaux forcés à
perpétuité : c’est marqué sur le billet. Jusque vers 1600 ont les faisait bouillir dans une
marmite….Aujourd’hui un simple rappel à la loi ?
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L'église St Ferdinand des Ternes détruite après 1945 Mme Brulé l’instit en 8 ième

En 1936 mes parents emménagent 82 av des Ternes au 3 ième étage dans un cinq pièces faisant le
coin du boulevard Pereire coté soleil. Je n’ai gardé
aucun souvenir du déménagement.

Les Ternes en 1935 le bout de l’avenue, bien mieux que


les batignolles quartier ouvrier un peu pouilleux à
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l’époque mais bien sùr beaucoup moins bien que le quartier Courcelle-Monceaux et ses somptueux
immeubles

Faute de moyens ce n’est qu’en 1962 que j’ai pu acheter une caméra Bell Howell avec zoom et ralenti
et un projecteur Eumig 8 mm. Dans ce format je n’ai qu’un seul et unique film de mon père où l’on voit
le défilé du 14 juillet 1936 avec la garde républicaine, les troupes marocaines, un détachement anglais
et canadien et de ridicules petits blindés Renaud qui ne feront guère le poids devant les panzers
allemands en 1940. Le film s’enchaine sur nos vacances en 1936 à Brighton où ma sœur, mon frère et
moi apparaissent sur la plage de galets en maillots une pièce à bretelles, fort pudiques, bien éloignés
des tenues de beaucoup de demoiselles, en 2000, sur les plages éloignées de Lacanau et Carcan…
complètement nues, bronzées et décontractées. Puis on voit sur le film les vacances au Caire de mon
père. Aussi dans ce format un film de mon beau-père dans les Vosges, mon épouse petite devant le
petit train à voie étroite d’Otrott et la communion de sa cousine Nicole à Strasbourg en 1946.

Les « petits » chars et leur petit canon au défilé du 14 juillet 1936 sur les Champs Elysées

Mon père avait commencé à filmer dans le format


9,5 mm, nos vacances en Bretagne de 1930 à
1937 : d’interminables séquences de plages, de
pêche à la crevette, de vagues et de gosses nus. Il
avait aussi acheté de délicieux courts métrages de
Charlot, Félix le chat, Harold Lloyd…que l’on
trouve maintenant sur internet et un « pécheur
d’Islande » adaptation angoissante du livre
de Pierre Loti : une tempête monstrueuse
naufrageant un bateau en Islande et un
breton fusilier-marin agonisant sur le bateau
qui le ramène du Tonkin, blessé dans un combat
contre les pavillons noirs, les pirates chinois

Un peu avant la guerre, en 1937 j’entre à l'école maternelle à ‘St Fer’, en blouse grise, avec la
maîtresse madame Brulé, ci-dessus, retrouvée avec sa classe sur le site internet trombi, je l’avais
complètement oubliée mais je l’ai reconnu près de 80 ans après. Gaucher, j’aurai du mal à la
maternelle avec mes bretelles et mes lacets que je ne saurai jamais bien nouer car on ne m’a pas
appris alors je fais des rosettes « bizarres et complexes » puis j’ai renoncé presque à jamais aux
chaussures à lacets !

J’accompagne vers 1937 avant la guerre ma mère au marché de Neuilly qui dépense un billet de
100 frs, tous les samedis, et passe en
fraude les denrées alimentaires non
taxées devant l’octroi
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On voit à gauche et à droite les « fortifs » un mur entourant Paris dans lequel on a fait des
troués

L’école St Ferdinand à gauche et le « Franc-tireur » vers 1920

L'octroi, une sorte de douane,


une barrière entourant Paris
qui frappait de taxes tous les
produits entrant des banlieues
dans Paris. Les agents de
l'octroi en uniforme faisaient
passer les voitures et camions
surtout hippomobiles sur un
grand plateau-bascule au sol
pour contrôler le poids et faire
payer les taxes.

Les octrois étaient au niveau


des ‘fortif’ le mur de 1870
entourant Paris-« le mur
murant Paris » dont il reste des
pans de murs porte Clichy par exemple. On passait devant les bâtiments et les grilles de l'octroi des
Ternes barrant l’avenue de Neuilly et devant un garage
devant lequel on voyait un magnifique et antique tacot rouge
et or puis devant le ballon des Ternes, grand ouvrage en
bronze représentant un ballon dirigeable de 1870 pendant le
siège de Paris, sur la place de la porte des Ternes et qui sera
démonté et fondu par les Allemands pendant la guerre ainsi
que la statue du franc-tireur des Ternes du Groupe dit «à la
branche de houx» , défenseurs de Paris en 1870 place
Tristan Bernard face à l'église où on peut lire sur le socle de
l'humoriste qui a remplacé le franc-tireur «on ne peut compter
que sur soi et encore pas beaucoup» Juif de son vrai nom
Block il disait face aux persécutions des juifs en 1941: les
Block sont comptés et
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les comptes sont bloqués .A côté, il y avait un stand de fleurs tenu par une femme homo fumant la
pipe, en pantalon buggy et au langage très coloré et de l’autre côté de l’avenue des Ternes, le
kiosque de journaux et la fontaine Wallace de 1872 d’un modèle rare : les 4 cariatides remplacées
par 4 colonnettes et les gobelets métalliques enchainés supprimés par hygiène. Au coin des rues
Guersant et Demours, le boucher volailler, des cerfs, des lièvres et sangliers entiers suspendus par
les pattes arrières en devanture.

Médaille des francs-tireurs des Ternes « à la branche de houx » 1872

LUNA-PARK

On passait aussi à la place de la porte des Ternes,


devant un immeuble portant sur un pan de mur
sans fenêtres une immense peinture murale, une
réclame sur plusieurs étages du bébé Cadum et
du vermifuge Lune. C'est là aussi que Buffalo Bill
engagé dans un spectacle vint vers 1890 avec le
cirque américain Barnum installé sur la place.
Entre la place de la porte des Ternes et la porte
Maillot aujourd'hui le palais des congrès étaient
occupé par un grand parc d'attractions Luna-park où nous emmenait notre grand-tante Augustine,
La rivière mystérieuse sur laquelle on montait dans une barque, traversant une grotte, qui avançait
toute seule doucement avec le courant, on pouvait en descendre furtivement et l’explorer en douce,
puis reprendre une barque suivante. Dans la grotte s’agitaient des squelettes dans la pénombre et
de fausses et énormes araignées qui vous descendaient sur la
tête. L’assiette au beurre: un plateau centrifugeur glissant
éjectait les participants et un scénic railway (grand 8) très haut
et rapide, on entendait les cris des passagers depuis l'avenue
des Ternes. Des toboggans avec chausse-trappes et
souffleries verticales de bas en haut qui soulèvent les jupes de
filles parfois sans culotte qui offrent leurs charmes…attraction
très suivie écrit Sorlier dans ses mémoires, Devant l’entrée de
Luna-park, un funambule sur un fil très haut tendu entre les 2 piliers de la façade, avec un balancier
et sans filet et des sonneurs de trompe de chasse en tenues de veneurs rouges et noires faisaient
la parade. On ira aussi souvent au jardin d’acclimatation parfois avec le petit train depuis la porte
Maillot, il y a là alors une ménagerie importante: éléphants, girafes, ours, lions, singes, chameaux…
chèvres qui dévorent un jour le bas de la jupe écossaise de ma sœur ! Aussi un guignol superbe
avec un diable rouge cornu et le gendarme …et les fameux miroirs déformants qui existaient encore
avant rénovation du parc. 

La rivière mystérieuse Place St Ferdinand sans la statue de Serpolet en


1900
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L’assiette au beurre

En 1937 Il y eu porte Maillot l'exposition agricole où je


découvre les trayeuses électriques et au Champs de
Mars, l'exposition Citroën avec publicité lumineuse sur la
tour Eiffel. De vagues souvenirs de vacances en
Bretagne avec mes cousins Prot et ma marraine. En
1937 à école maternelle rue St Ferdinand, la directrice
s'appelle Mlle Lebrun comme le Président de la
République de l'époque alors je lui ai naïvement
demandé si elle est son épouse. Elle a secoué la tête et a souri. Je m'accroche parfois à son
tablier, dans la cour. On fait de la peinture à l’eau, des tresses en papiers de couleurs et du
vélo sur la terrasse du toit de l'école. Je suis gaucher –comme ma mère et grand-père
maternel- alors la maîtresse me force gentiment à écrire de la main droite mais plus de 10
ans plus tard j’ai découvert par hasard que je pouvais écrire spontanément en écriture miroir
de la main gauche de droite à gauche sans avoir jamais appris ni exercé. On chante à la
maternelle:
Au pays de cocagne, on vient d’ construire un chemin d’fer
Qui traverse la campagne entre deux rangs d’arbres verts…etc
La gare est toute flambante de drapeaux et de lampions
Une foule impatiente attend l’inauguration…Le v’la qui arrive, avec sa locomotive, On
l’entend fort bien, le voilà qui vient, tchu tchu tchu…

Le soir on fait une prière avant d’aller au lit...petit Jésus protège papa,
protège maman et tous ceux que j'aime...Il y a un crucifix au-dessus du
lit dans chaque chambre avec un brin de buis béni mais mes parents
ne sont pas pratiquants. De 1933 à 1938 on passe nos vacances d’été
en Bretagne : Annelle, Etable, Ploumanach, Carantec où mes parents
pêchent la crevette avec un grand filet à manche.
(reste un film) Après l'école maternelle je vais à
l’école primaire en 1939 rue St Ferdinand avec
mon frère coté garçon et ma sœur coté fille. A
côté de l'école, dans une petite boutique, on
achète un caramel en papillote pour 1 sou (pièce trouée= 5 centimes) et
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des pétards : de petites billes dans du papier de soie appelées bombes algériennes que l’on
jette à terre et qui explosent bruyamment. On apporte à l'école fin 1939 les vieux ustensiles
en fer, zinc, aluminium et cuivre contre des billets de tombola, pour fabriquer des obus. Les
instituteurs, la plupart portant petite moustache sont très désagréables et nous claquent, Ils
nous mettent au piquet si on arrive quelques minutes en avance: Mon père écrira à l’instit
que les élèves ne sont pas soumis aux horaires stricts comme les trains : commentaire de
l’instit en ma présence : quel con, ou bien au coup de sifflet on ne doit plus bouger dans la
cour, je change de pied et reçois une gifle énorme. J’ai retrouvé mon condisciple René
Collinot sur internet qui était avec moi à St Ferdinand pas dans la même classe puis
ensemble à Chaptal en seconde mais guère d’autres : Jean Leiffel, un roux flamboyant, fils
d’un marchand de légumes, rue Torricelli, c’était le suivant après moi dans la liste
alphabétique de la classe, retrouvé quelques années plus tard, gravement brulé à la gorge,
assoiffé en été il me dit qu’il a bu par erreur un grand verre d’eau de Javel. Jean Breton fils
du boulanger du 59 avenue des Ternes, tué plus tard en Algérie, Daniel Borel ami d’école et
de scouts, retrouvé par hasard en 1954 à un bal strasbourgeois au palais des fêtes, alors
qu’il est appelé du contingent en Allemagne. Tous perdus de vue malgré mes recherches.

Mon père m'achète avant 1939, gavroche, un journal de jeune, il y a une BD, une sorte de
superman……….. Le bolide fantôme, Il a une moto qu’il peut appeler à distance avec un
petit boitier de télécommande à la ceinture –ci-dessus. Mon père achète aussi la semaine de
Suzette à ma sœur. Sciences et vie à mon frère plus tard.

On va de temps en temps à Tournan-en-Brie, à 40 Kms à l’Est de Paris, à la maison de mes


grands-parents Lefort, 7 rue du maréchal Foch, ex rue de Meaux, par le train, avec ma grand-
mère qui s'évertue vers 1936 à m'apprendre à lire. Ma sœur de son côté me lit la bibliothèque
rose, le général Dourakine et les albums du père Castor: La
marguerite, le royaume des abeilles, l’ABC
des animaux de l’académicien Jules
Lemaître… Ferdinand le
taureau Aussi «the little
black Quibba», livre anglais
offert à mon père, illustré
vers 1900 par Helen
Bannerman une jeune
anglaise résidant aux Indes,
un peu raciste qui mets en
scène des indiens un peu crétins ce qui lui vaudra
plus tard les rigueurs de la censure. De la même
époque le livre catho de géographie de mon père daté de 1906 écrit: race nègre, au crâne
étroit… généralement de peu d’intelligence ! C’est la 7 ième édition qui est annotée
« soigneusement revue ! « 

La maison de Tournan-en-Brie bâtie


avant 1820 achetée et héritée des
grands-parents de mon grand- père
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Lefort, les Dudez-Ferrant. Ci-contre la rue de Meaux, rue maréchal


Foch aujourd’hui, la maison se situait au niveau du troisième
personnage à partir de la gauche, en retrait de la rue, le vieux mur
et la tonnelle à droite existe encore en 2015. Une maison rustique
en fait 2 maisons mitoyennes l'une louée achetée par mon arrière-
grand-père Jean Lefort, l'autre héritée des parents maternels de sa
femme avec un rez de chaussée, un étage mansardé, une écurie,
un jardin à l’arrière. Les lits bateau en acajou sont très hauts et
froids même avec de gros édredons, il faut chauffer les draps avec
une bassinoire en cuivre à braises. En 1940 on cherche l'eau au
coin de la rue avec un broc, car l’eau du puits est malsaine. On
s’éclaire à la lampe à pétrole ou à la bougie et on cuisine au
charbon. Il n’y a pas de chauffage central, juste le «chauffoir» le
séjour avec une cheminée, ni eau courante, ni gaz, ni l’électricité ni
tout à l’égout. Il reste quelques vieux jouets de mon grand-père comme un grand pierrot blanc en
carton-pâte et une locomotive en fer blanc de 1870 avec
une grande cheminée. Pas de salle de bain, pour se
laver des vasques et brocs en porcelaine, un tub en zinc
et de grosses éponges. Les WC étranges sont
aménagés dans l’ancienne écurie: Une longue caisse
rectangulaire trouée avec un bouchon rond muni d’un
bouton le tout en bois, nauséabond assez rustique et
assez constipant : Le « raffinement » de ma grand-
mère : viens que je te torche…avec du papier journal.
Des cousins habitent en haut de la rue, les Leblanc.
Dans le chauffoir, de mémoire: des lampes sourdes en
zinc avec de petites portes pour la chasse de nuit,
d’énormes pièges à loups à mâchoires d’acier et à ressorts de mon arrière-grand-père Lefort garde-
chasse au château de Combreux proche et son portrait à l’huile percé au cœur d’un coup de pistolet
par un Uhlan occupant la maison en 1870. Dans les chambres des
carpettes au pied des lits bien rugueuses en peaux de sanglier,
souvenirs de chasses, la table tailladée à coup de baïonnette par les
prussiens de 1870, Au mur des assiettes à rébus ou à légendes, un
oranger en pot venant de l’orangerie du château de Combreux proche où
travaillait comme garde-chasse mon arrière-grand-père Jean Lefort. Des
cannes: à pommeau d’argent, canne-épées, à tête de grenouille, à tête de
lévrier, une pendule à poids et balancier à l’écran carré peint de motifs
florales en couleurs , des armoires à 2 battants…Dans le jardin arrière, un
puits creusé dans le mur mitoyen à la maison de mon arrière-grand-tante
Victorine Dudez suite à un partage avec sa sœur Justine voulu par leurs
parents, il existe encore. Et d’immenses cloches à melon en verre. Dans
l’escalier un nid de guêpes qui nous faisait peur. Mon père haïssait
Tournan, « ce pays de bouseux» ! Nous, enfants, on s’y amusait bien. Mon père revendra ces 2
maisons pour 35.000 frs en 1946 aux enchères : un seul adjudicataire, le locataire d’une des 2
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maisons, un communiste, maire-adjoint la terreur du village, personne n’osera enchérir contre lui,
quel dommage qu’elles soient aujourd’hui détruites, reste le puits encastré dans le mur toujours
debout ! On faisait une visite rituelle au cimetière où sont enterrés mes grands-parents Lefort-
Chartier, mes arrière-grands-parents Lefort-Dudez et mes arrière-arrière-grands-parents Dudez-
Ferrant nés là en 1800 et enterrés là en 1867 et 1882, une tombe austère en granit gris, une
jardinière en fonte avec de fausses fleurs en pâte de verre. Mes parents achetaient tout aussi
rituellement une tourte à la viande le dimanche, la spécialité du charcutier de la place du château.
Jeunes, notre père ne nous emmènera jamais au château de Combreux à 2 kms de Tournan où
mon arrière-grand-père Lefort était garde-chasses et où la petite rivière la Marsange se jette dans
l’étang du château puis s’enfonce et disparait dans un gouffre à Ozouers. Mon père n’a pas connu
ses 2 grands-pères décédés en 1890 et 1891 mais ses 2 grands-mères oui

Trouvées à Tournan en Brie Cannes diverses piège à loups Lanterne


sourde

Saint-Denis : Jeune, Je vais aussi de temps en


temps à St Denis 16 rue de la charronnerie voir ma
grand-tante Augustine Luthringer. Il y a là son
logement une chambre, une cuisine, un séjour avec
un secrétaire à rabattant rapporté d’Alsace en 1870
par Romain Luthringer et dont il a forgé les clés

Un buffet et une table


ronde aux 4 pieds d’éléphants aux défenses d’ivoire. Sur un mur,
rapporté d’Alsace par mon arrière-grand-père « le Départ » une
lithographie de Reignier polychrome évoquant
le départ d’un soldat en 1870 quittant parents
et promise. Ce « départ » avait un pendant, le
« retour » le soldat une jambe en moins retrouvant sa promise au village,
mais cette dernière litho avait disparue lors de l’héritage de Romain
Luthringer, attribué à sa fille Louise alors je l’ai retrouvé à la BN, au cabinet
des estampes …en noir et blanc. Sur le buffet la charrue en bronze doré
fabriquée par Romain Luthringer mon arrière-grand-père. Au mur un
baromètre alsacien : 2 petit personnages dont l’un ou l’autre sort d’une
petite maison selon le temps, l’un avec un parapluie, c’est Noémie.
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L’appartement situé au premier étage était relié par un petit escalier en colimaçon à sa boutique de
fabricante et marchande de couronnes mortuaires de fleurs et épitaphes en perles de verre de
couleurs enfilées sur fil métallique, une technique vénitienne .Le petit appartement donnait sur la rue
et à l’arrière sur la grande cour mal pavée de l’usine du
brasseur-limonadier Bouige. A droite du porche cochère la
boutique de ma grand-tante et à gauche la boutique du coiffeur
bossu Gudin. 80 ans après la boutique est toujours tenue par un
coiffeur. La tante Augustine nous emmène souvent au cimetière
où sont enterrés mes parents, ma grand-mère maternelle,
l’arrière-grand-père Luthringer, c'était sa distraction vues les
relations qu'elle conservait de par son métier de marchande de
couronnes, elle nous racontait presque chaque fois l’histoire de cette belle statue, à droite de
l’entrée du cimetière, perchée sur une tombe, en marbre noir d’une jeune fille les bras étendus qui
s’était suicidée, son père ayant refusé son mariage avec son amoureux. Nous passions devant le
parc des « demoiselles de la légion d’honneur » puis la caserne. Il y avait encore des espaces
campagnards et chez une amie de ma grand-tante on se gavait grimpés dans l’arbre, de délicieuses
cerises. On voit avec ma grand-tante quelques films de Shirley Temple et prison de femmes avec
Micheline la fille du limonadier, au cinéma de la place de l’église St Denis de l’Estrée. Chez cette
grand-tante alsacienne, à St Denis, on joue, au nain jaune, au pouilleux, aux petits chevaux, à la
bataille, au jacquet... au monopoly plus tard. Elle nous cuisine des spécialités beckehof, schenkala,
kouglopf, knepfele, spetzele (pâtes), popele (soupe au lait)… coutele (trippes), souvenirs de cuisine
de son enfance alsacienne : Je dirai pour rire à une amie peu au fait de l’Alsace: elle nous fait
même des « bouffe-le». Je retrouverai en 2019 et cuisinerai des Schenkele pâtisserie aux amandes
frits que nous faisait la marraine Elle nous sert du « château la pompe » l’eau du robinet et la
limonade du brasseur. « Au schloff », nous dit-elle au coucher: (alsacien: de
schlaffen=dormir) .Dans cette étroite rue de la charronnerie mal famée, ma mère me racontait que
les «apaches» s’y battaient au couteau vers 1905 au sortir du café en face de la boutique. A St
Denis Il y avait là beaucoup «d’immigrés» bretons et alsaciens. Dans cette maison les caves
voutées révèlent l’emplacement d’un ancien couvent. Les WC sont en 1950 communs à l’étage, pas
d’eau chaude bien sûr alors vers 1910 une entreprise livrait des bains à domicile : on monte une
baignoire en cuivre revêtue d’un drap et les employés montent des brocs d’eau chaude. Pas de
tout-à-l’égout dans ce vieil immeuble, une entreprise dont j’ai perdu le nom apportait périodiquement
la « pompe à merde ». En 1910 dans tout St Denis il y avait qu’une seule voiture à essence celle du
docteur. La voiture des pompiers était hippomobile et portait un énorme chaudron chauffé au
charbon pour alimenter la pompe à vapeur et circulait en urgence au son d’une grosse cloche.
L’électricité ne sera installée à Saint Denis que vers 1910…gratuitement : compteur, fils, ampoules
compris
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Ci-contre la boutique de St Denis, 16 rue de la charronnerie, mon Arrière-grand-père


Romain Luthringer, sa fille ma grand-tante Antoinette, ma mère donnant la main et sa
sœur Lucie vers 1908, en devanture les couronnes mortuaires en perles- Les pompiers

La charrue en bronze doré œuvre de mon arrière-


grand-père Romain Luthringer, il travaillait comme
fondeur chez Delaunay-Belleville le célèbre fabricant
d’automobile de luxe à St Denis Pas loin de la rue de
la charronnerie

CHAMPIGNY On va aussi à Champigny où


les cousins Prot habitent au centre-ville une
grande propriété rue dupertuis appartenant
au Grand-père Prot, riche entrepreneur,
avec écuries, entrepôts et un
immense jardin de plusieurs
hectares: Il ne reste en 1939
des 6 chevaux, que Cocotte
un cheval attelé à un cabriolet, les autres ont été réquisitionnés au début de la
guerre. Une caverne d’Ali Baba : Des coups de poing américains, des poignards, des
menottes, une magnifique boite à musique en marqueterie qui joue 8 airs différents dont Sambre et
Meuse, des lourds wagonnets de chantier sur des rails que l’on assemble et qu’on roule à toute
allure dans l’immense jardin. Plus tard on ira aussi en été à la plage de sable doré et piscine de
Champigny aménagées sur la Marne, pas encore trop polluée, un paradis pour parisiens. Mon
cousin Maurice nous passe en continue OUA OUA sur disque le fameux air hawaïen, repris dans
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une pub à la TV en 2014 et nous fait une démonstration dans son bel uniforme d’escrimeur. Nos
cousins étaient très gâtés

Champigny/Marne : Ma sœur, Claude, Maurice, Gérard et moi devant la rocaille du jardin, remarquer
un spectre : une tête de grand-père estompée dans la rocaille à ma droite, bizarre

Ma mère accablée de sciatique se débarrasserai de moi


jusqu’à l’âge de 7 ans, car insomniaque, je réveillais
parents, frère et sœur, hébergé souvent pour quelques
jours chez ma tante Prot à Champigny. Distrait un jour au
matin j’attraperai pour me brosser les dents le premier
tube à ma portée : un drôle de goût, j’en fis part à ma
tante, c’était un lubrifiant intime qu’elle fit disparaitre
promptement. Je jouais avec mon cousin Maurice- mon
second cousin Alain lui ne naitra qu’en 1940 suite à un
élan patriotique de mon oncle Paul partant au front. Les
Prot ne venaient jamais à Paris et nous les parigots snobions ces banlieusards. De ce fait au moins
une fois par mois c’est ma mère et nous qui allions à Champigny : d’abord le métro de Porte Maillot à
château de Vincennes puis le bus, on traversait le bois, puis le pont de Nogent, on longeait les studios
cinématographiques dont on voyait les magnifiques décors de reconstitutions de rues ou d’immeubles
des films en tournage, puis le rond-point Jean Baptiste Clément (le temps des cerises) où s’arrêtaient
la plupart des autobus puis le pont de Champigny, au pied duquel les villas des berges de la Marne
avaient souvent les pieds dans l’eau dont celle de Charles Trenet, le fou chantant qui avait
curieusement peint toutes les tuiles de son toit en blanc, puis la côte qui nous conduisait parfois à
pied jusqu’à la place de la mairie et à la rue Dupertuis. Je retrouvais là mon cousin Maurice et ses 2
cousins Guedon, fils de la sœur Lucile de l’oncle Prot. Mr Guedon avait une petite entreprise de
fabrication de courroies d’attelage et surtout de fouets de cocher. Avec la disparition rapide des
véhicules hippomobiles on devine aisément ce qui arriva, Guedon fit faillite et quitta le domicile
conjugal avec sa maîtresse. Son épouse Lucile pianiste virtuose dû se résigner à donner de leçons
pour faire vivre sa famille. Des 2 cousins, Claude était brillant et rieur tandis que son ainé Gérald était
nonchalant et terne, il épousa une jolie femme qui le fit cocu, lui fit un « bâtard » qu’ils élevèrent
ensemble. Un beau scandale. La suite serait délectable, mais je ne peux vous la dire mais je n’en
sais strictement rien. Le jardin abritait un magnifique amandier et pour faire plaisir aux parents, mes
cousins et moi avons pris une échelle et au printemps on leur cueillera un gros bouquet de fleurs
d’amandes. Grosse engueulade ! Mon cousin Maurice affirmait souvent son désir d’aller voir un Zorro
au cinéma, sa mère lui en donnait sans rechigner l’argent mais pour ma mère c’était mine renfrognée
et elle cédait mais avec bien des réticences. Plus tard pendant un an mon cousin Maurice inscrit dans
un cours d’électronique vint prendre avenue des Ternes son repas de midi. Ma mère faisant payer
les repas à sa sœur ! Plus tard elle fut plus généreuse déjà pour elle, participant à maintes croisières
mais aussi avec nous, achetant à notre seconde fille une 2 CV, participant aux réparations des
voitures, nous achetant un piano, une cheminée…vendant l’appartement de la rue Chuquet qu’elle
avait en viager et des actions au profit de ses 3 petites-filles.
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Les jeux d’enfants à l’école: on trace dans la cour une ligne et un carré à la craie et
chacun jette à la main un trombone en visant la ligne, celui qui s’en approche le plus
a le droit de ramasser les trombones et les jeter vers le
carré puis de les faire rentrer dans le carré avec l’index
et se les approprier, s’il rate le suivant continue. On joue
à chat, au gendarme et au voleur, à cocorico: une
équipe de 7 ou 8, se mets à la queue leu-leu le premier
adossé à un arbre ou à un mur, le second penché, la tête entre les
cuisses du premier, les suivants penchés en avant la tête entre les
fesses du précédent, les mains cramponnées à leurs cuisses. La deuxième équipe prenant son élan
saute à tour de rôle sur le dos de la première équipe le plus en avant possible pour laisser de la place
aux suivants : attention aux coups de pied. Le but est de faire écrouler la première équipe. On crie
« cocorico » en sautant le plus lourdement possible. Vu la brutalité de l’exercice les profs n’étaient
pas trop d’accord, mais quel plaisir ! On joue
aussi à la chenille en courant très vite, les
derniers de la file sont un peu bousculés, On
joue aux osselets. Collinot mon condisciple
rappelle dans ses mémoires aussi les batailles
de cavaliers : un élève sur le dos d’un autre
essayant de désarçonner un adversaire dans
le même équipage, un jeu pas de tout repos, Un camarade, lui la monture moi le cavalier me laissera
par jeu tomber sur le dos, devant l’école, lourdement en arrière la tête frappant le trottoir et évanoui
un moment au sol, c’est un agent qui me ramènera groggy au domicile. La cour est plantée de
quelques platanes, séparée en 2 une partie réservée aux plus grands. Les filles, elles, jouent à la
marelle ou à la corde à sauter dans l’autre cour accolée à celle des garçons. Les quelques WC à la
turc le long de la cour bitumée sont particulièrement ignobles, nauséabonds, maculées, les portes
sont trouées et n’ont plus ni loquet ni serrure, pas de papier toilette mais les instits ont les leurs…
fermés à clés…charité bien ordonnée…

En septembre 1939 la guerre est déclarée, on nous distribue des masques à


gaz, certains reliés au filtre avec une trompe dans des boites cylindriques grises
que l’on porte en bandoulière pour aller à l’école, même les chevaux en ont, on
fait des exercices quand les sirènes se mettent à sonner, on a peur, mon frère
ainé assez taquin bouche l’orifice du masque à ma sœur et moi, on étouffe ! J’ai
découvert que les nouveaux nés qui ne pouvaient pas mettre de masque
étaient enfermés dans des boites étanches dont on ouvrait de temps en temps le couvercle
transparent. Les soupiraux des immeubles sont obstrués par des sacs de
sable contre les gaz asphyxiants, les vitres de tous les immeubles et usines
sont peints en bleu, même les autos et les vélos ont juste une petite fente
d'éclairage aux phares peints en bleu, il faut tirer les rideaux pour ne pas
laisser passer la lumière à cause des risques de bombardement. La rumeur dit
que les Allemands vont nous asphyxier, couper les mains des enfants et les
seins des femmes. On entend et on voit sur les murs les slogans crétins: Nous vaincrons parce que
nous sommes les plus forts- Avec la ferraille nous forgerons
l'acier victorieux- Méfions-nous, taisons-nous les murs ont des
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oreilles. Des inscriptions peintes en blanc: défense de cracher et d’uriner


loi du 29 juillet 1881, dans l’encoignure des murs protégées contre les
« urineurs » par une barre métallique horizontale à dents de scie et les
affiches annonçant la mobilisation. A cette époque il y a encore beaucoup
de voitures à chevaux à Paris: Des fiacres et un peu avant 1920 des
omnibus trainés par chevaux. Le laitier avec une voiture découverte
attelée à 2 chevaux, avec de grands bidons en aluminium de 50 litres
tenus par des chaînes, il passe vers 6 heures du matin bruyamment- à cause du bruit des sabots,
des bidons et des chaînes – Le livreur pendant sa livraison, face au 82 de l’avenue des Ternes
attache autour du cou des chevaux un grand sac d’avoine en toile que ceux-ci secouent d’un grand
coup de tête pour en manger le fond . Le rémouleur qui crie : couteaux, ciseaux. Le marchand de
charbon descendant des voitures à chevaux en sacs sur l’épaule, les livreurs ont sur la tête un sac
fendu comme chapeau, il monte le charbon en sac de 50 kgs en étages ou à la cave sans éclairage
et en terre battue où il y a d'énormes rats venant de la voie ferrée proche du train de ceinture passant
boulevard Pereire. Le marchand de vin en tablier de cuir qui livre de petits tonneaux. Beaucoup de
petits métiers circulent dans les rues: Une curieuse roulotte bleue attelée de
l’armée du salut. Les marchandes de 4 saisons, les dernières vendront des herbes,
le vitrier qui crie ‘VI-trier’ avec ses vitres sur le dos dans un
châssis, le repasseur de couteaux avec sa meule à pied sur un
petit chariot à roue qui crie ‘couteau, ciseau, rasoir’. Le chiffonnier
qui vers 6 heure du matin vide sur le trottoir sur une toile les
poubelles et trie métaux, papier...Il n'y a pas de couvercles aux
poubelles d'où les rats mais le service des éboueurs est assez
moderne : société Sita avec convoyeur de ramassage. Il n'y a pas encore de
ramassage de verres car tous les récipients sont consignés: bouteilles, verres à
yogourt. Le chiffonnier ramasse à la pelle, tôt le matin, le crottin des chevaux sur la
chaussée et crie « chiffons, ferraille à vendre ». Le lait se vend chez ‘Bardou’ à la
mesure-décilitre ou avec un distributeur qui ressemble aux anciennes pompes à
essence avec un levier pour pomper le lait dans un cylindre mesureur en verre, Mr Bardou en habit et
haut de forme surveille. Le brocanteur muni d’une voiture à bras crie: -ferraille à
vendre-le marchand d'herbes crie -du mouron pour les petits oiseaux- Le
marchand de marrons-Chauds les marrons-Le marchand de glace avec sa
voiturette, la glace sous des cônes métalliques est vendue en cornet : Ma mère
économe refuse de nous en acheter : A cause de la typhoïde dit-elle. Mon père lui
me racontait en 1900 les marchands de plaisirs et d’oublies, gâteaux délicieux, qui
criaient « au plaisir mesdames ». Le marchand de pains de glace en bleu de travail
avec son croc en fer pour les attraper un sac en toile pour les mettre sur l’épaule.
Il n'y a pas 1 % de foyers qui ont un réfrigérateur. On cherche la glace dans un
entrepôt derrière les magasins réunis-aujourd’hui FNAC-sur la petite place Boulnois où a été planté
en 1790 l’arbre de la liberté disparu aujourd’hui. Beaucoup d'éclopés de 14-18 avec des pilons en
bois en guise de jambe ou un bras remplacé par un crochet en métal ou le visage brûlé chantent ou
jouent de l'orgue de barbarie dans les rues. On leur jette par la fenêtre des pièces de un sou (5
centimes troués) enveloppés dans du papier -pour que ceux-ci les voient mieux et qu'ils ne roulent
pas. Aussi des gitanes prétendues « voleuses d'enfants » en vêtements de couleurs proposent de
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dire la bonne aventure. Au coin des rues des rempailleurs de chaises et raccommodeurs de faïence
et porcelaine. Des hommes-sandwich avec un panneau-réclame accroché dans le dos qui distribuent
des prospectus. Les encaisseurs des allocations familiales passent de maison en maison en uniforme
avec bicorne et sous le bras la sacoche de billets de banque attachée à leur ceinture par une chaîne.
Les agents de police en tenues désuètes circulent par 2 à vélo, ce sont les hirondelles- avec des
casquettes plates, les autres avec képis portant le matricule et des bâtons blancs
ventrus. Les juifs polonais émigrés ne sont pas bien vu, l’un quémande rue Demours
et hèle les passants : j’achète toute sorte de marchandises, un passant vindicatif
répond : et la merde tu en achètes ? Cela en dit long sur l’antisémitisme ambiant
bien illustré dans la chanson d’époque avec accent yidish « la fille à Levy ». Tous
les immeubles ont des concierges qui ont une loge au rez-de-chaussée sur cour
souvent sans fenêtre extérieure, aussi ils s'installent devant la porte des immeubles
dès qu'il fait beau, sur des chaises et papotent. Après 22 h il faut pour rentrer,
sonner, dire son nom et ‘cordon svp’ alors le concierge ouvre la porte de l'immeuble. Un jeu d’enfant :
sonner aux portes et se sauver !

Vitrier Quatre saisons Panier à salade (police) Rémouleur flics « hirondelles »

La fête foraine Les forains : haltérophiles, cracheurs de feu, avaleur de sabres, monstres, bateleurs
et lutteurs
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Jusqu’en 1942 on va de temps en temps en temps rue Meissonnier au 6 ième étage, où ma


grand-mère, veuve habite un deux-pièces sous les toits et où elle confectionne des robes sur
des mannequins féminins entoilés aux formes rebondies, fesses et poitrine et piquées
d’épingles multicolores. Il y a encore quelques
jouets de mon père et d’anciens illustrés
hebdomadaires de 1920 genre
« l’illustration ». Ne sachant pas encore lire je
me rappelle, fasciné, d’une image en couleur
d’un agent agressé par un « apache »
casquette, foulard, marcel à rayures et
ceinture de tissus tenant un couteau d’une
main et de l’autre saisissant le bras du flic
tenant un revolver dans le genre de cette
gravure polychrome. L’insécurité à la
« barrière » à la limite de la banlieue de Paris
ne date pas d’hier mais les voyous, dealers,
braqueurs ont remplacé les « apaches »

Au coin de l'avenue des Ternes il y a une petite guérite de vente


de billets de loterie nationale au profit des « gueules cassées »
les mutilés de 14-18, un métier réservé aux veuves de guerre. Il
n'y a pas encore beaucoup de téléphones bien que mes parents
aient eu réfrigérateur, radio et téléphone dès 1922. Dans les rues
il y a des bornes téléphoniques d'appel, rouges pour les
pompiers et noires pour la police à tous les carrefours. Il faut
casser d’un coup de poing une petite glace pour appeler.
D’autres bornes, il ne reste aujourd’hui que celles de la poste et d’appel pour
les taxis. La caserne Champeret n’est pas loin, les pompiers ont 3 types de
voitures rouges qui se suivent lors des
interventions, la première découverte dite
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de première urgence, les pompiers assis dos à


dos sur le réservoir d'eau, la seconde, un fourgon-
pompe, la troisième une grande échelle articulée.
La police utilise des véhicules légers police-
secours ou pour des interventions plus musclées
les fameux « paniers à salades » noirs. Les
enterrements sont vraiment pittoresques : Le
porche de l'église est drapé de noir avec un
cartouche aux initiales ou au blason du mort, le cercueil est porté dans une voiture
noire ouverte, sur laquelle on voit le cercueil drapé de noir, voiture tirée par des 2 chevaux recouverts
de draps noirs à bordure blanche, avec des plumets sur la tête, ils sont accompagnés par les Suisses
avec cannes, hallebardes et bicornes poilus et l'ordonnateur des pompes funèbres, le chef des
croque-morts en redingote noire avec un bicorne emplumé et une canne à pommeau d'argent, le
bedeau en noir avec une chaîne d’argent autour du cou, bonnet rond sur la tête, le sacristain avec sa
calotte noire et sa chaine autour du cou

Les autobus ont des receveurs de tickets qu’ils oblitèrent avec un composteur à manivelle attaché sur
le ventre. Ils font monter les voyageurs, en priorité ceux décorés de la légion d’honneur, puis les
autres et tire le cordon à sonnette pour indiquer au conducteur le départ, plusieurs fois quand le bus
est complet. Les autobus vétustes de la ligne 92 remontent l’avenue Mac-Mahon peinant dans la
montée, en enclenchant la première non synchronisée avec un double pédalage délicat, le
conducteur est en cabine extérieure bien fraîche en hiver, vêtu d’une
veste de cuir. La plate-forme arrière ouverte sur l’extérieure bien
agréable en été, souvent surchargée racle bruyamment souvent la
chaussée. Certains autobus porte des lettre et non des nombres :Ainsi
la ligne Q objet de plaisanterie : « s’il vous plait où est l’arrêt  du Q ».
On attrape hors des arrêts en courant l’autobus en s’agrippant à cette
plate-forme. Le fond de l’autobus est première classe avec des sièges
en cuir, les autres en bois. Au 14 juillet les autobus sont décorés de 2
drapeaux tricolores et les agents portent la fourragère
rouge. Le soir des employés municipaux habillés de
blouse bleue, équipés d’une grande perche allument
les réverbères munis de bec à gaz à manchon Auer.
Dans les rues sur les places il y a beaucoup
d'animation: L’avenue des Ternes contraste en cela
avec l’avenue du Roule qui la prolonge, cossue mais
sinistre. Des chanteurs des rues qui vendent les
partitions des chansons à la mode, des athlètes par
exemple place des Ternes, qui soulèvent des poids
énormes, ou soulèvent en pinçant le bord des poids
de 20 kgs entre pouce et index comme Jo le Breton le roi de la pince et jonglent avec, en tenant
l’anneau. L’un, très connu c'est Boulanger (photo), les badauds font cercle place des Ternes ou
place Blanche, il faut lui jeter des pièces de monnaie avant qu'il
ne daigne travailler, il jette des sorts et promet à ceux qui ne
donnent rien: une colique verte ! Des avaleurs de sabres qui
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s'enfoncent 3 ou 4 sabres dans la gorge plus tard ce sera des tubes de néons allumés, des cracheurs
de feu qui avalent un décilitre de pétrole et le recrachent en l'allumant, des enchaînés avec menottes
et chaînes qui se libèrent seuls. Des fêtes foraines: la foire du trône et celle du boulevard de Clichy
avec des monstres divers: nains, géants, siamoises, des diseuses de bonne aventure, des lutteurs de
pancrace et de boxe qui défient le public à venir combattre avec eux avec une
grosse récompense s’ils sont battus, des dompteurs dont le fameux docteur
Lambert habillé en tenue saharienne et ses lions, des femmes fausses sirènes,
siamoises, femme à barbe, à 4 bras, des camelots qui vendent des ustensiles
ménagers, des peignes, des stylos ou proposent de jouer au bonneteau, un jeu de
filou. Le père-la-souris qui vend de petites souris en cire blanche que l’on attache
par un cheveu invisible à un bouton du gilet, on la fait courir sur la main en tendant
le fil pour faire croire qu’elle est vivante. Un autre type bizarre propose contre une mise modeste, de
recouvrir entièrement un cercle de métal par 6 petits cercles que l’on doit
placer en les laissant tomber sans s’appuyer sur la table. Un petit homme
en imperméable et feutre crasseux propose contre une mise modeste un
autre jeu très difficile: il faut à l’aide de 2 poignées faire
circuler un anneau autour d’une tige tordue sans la toucher:
Si l’un touche l’autre une sonnerie retentit: c’est perdu. Je n’ai jamais vu perdre le petit
homme ni jamais vu gagner un seul joueur. Et aussi une petite locomotive très lourde
sur rail qu’il faut lancer à la main et qui provoque l’éclatement d’un pétard si elle arrive
au bout de la rampe ascendante. Aussi un grand boxeur noir en bois avec un rond en
cuir à la ceinture : Il faut frapper le plus fort possible dans le rond pour gagner, alors le
boxeur grogne et ses yeux s’allument, aussi les voitures tamponneuses, les tirs au
fusils et les jeux de massacre : avec des boules de tissus il faut lancer et faire tomber
des piles de boites en fer ou bien des figures de personnages connus: acteurs, politiciens, Il y a aussi
des cartomanciennes en tenue de gitanes dans de petites guérites. Des chenilles rapides, des autos
tamponneuses avec perches électriques assez brutales…
L'hygiène n'est pas encore très développée, en été il y a d'énormes mouches bleues que l'on
poursuit avec des torchons ou qu'on essaye d'attraper avec du papier à glu, des moustiques et des
mites que l'on chasse au Fly-tox, un pulvérisateur à piston, mais aussi ce qu’on ne voit plus
aujourd’hui une multitude de papillons de toutes les couleurs bleus, jaunes, marron qui volent autour
des arbres, avenue des Ternes. Des « serpents d'argent» sorte de petits insectes qui frétillent sur le
carrelage comme des lézards nous terrorisent dans les WC. Au 82, on cherche, mon frère et moi, le
charbon à la cave avec un lourd seau et une bougie, d’énormes rats habitent la cave en terre battue,
dans des terriers, ils crient, grimpent dans les poubelles dans la cour, la concierge les chasse à
coups de balai. Ils proviennent de la voie de chemin de fer proche. A cause de ces rats on craint
assez les descentes pour vider la poubelle dans celle de la cour et à la cave où l’on cherche le
charbon et aussi le vin que mon père mets en bouteilles lui-même du tonneau livré par le marchand
de vin de l’avenue des Ternes.
Le bain: une fois par semaine le samedi soir. Ma mère nous frotte ensuite à l’eau de Cologne livrée
en grandes bonbonnes de verre, paillées, de 25 litres. La lessive se fait dans une grande lessiveuse
galvanisée avec un tube champignon qui rejette l’eau savonneuse en surface, posée sur un réchaud
à gaz. On utilisera cet ustensile encore au début de notre mariage Ma mère
n’est pas très généreuse pour l’argent de poche alors je confectionne
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d’énormes paquets de vieux journaux que je porte péniblement au


marché couvert et que je vends au poissonnier, au poids, pas très cher.
Pas très glorieux: je prends des cours d’allemand à la Muette où je vais
par le train de ceinture depuis la station Maillot, alors parfois pour me
faire un peu d’argent, au retour je ne prends pas de billet, je saute du
train encore en marche, grimpe 4 à 4 l’escalier de la station Maillot et
me sauve avant que l’employé contrôlant les billets ne sorte de son
guichet. Je ne me suis jamais fait prendre ! Tous les ans au printemps
une fanfare passe et s’arrête au carrefour de l’avenue des Ternes et du
boulevard Pereire : Le réveil du 17 ième qui passe à travers
l’arrondissement à 6 heure du matin et joue une sérénade. Il y a eu
encore pour un temps avant la guerre un tambour de ville qui faisait des
annonces : « avis à la population ». On voit passer sur la ligne du train
de ceinture tous les ans de la fenêtre qui donne sur le boulevard
Pereire, le train officiel amenant le roi du Maroc, tiré par une locomotive à vapeur ornée de drapeaux
tricolores. Il y a encore beaucoup de véhicules hippomobiles en 1950, des chevaux pas toujours
gentils : Un des deux chevaux du laitier a une muselière. J’assiste rue St Roch à un spectacle
insolite : Un passant passe devant un cheval attelé, irascible le cheval attrape le passant avec les
dents par le revers de son veston, le soulève de terre, le secoue et le repose couvert de bave !

Les repas ordinaires

Ma mère s’occupait journellement de faire les courses alimentaires au marché de la rue Demours, rue
Poncelet et rue Guersant. Elle préparait seule les repas et faisait la vaisselle, nous nous contentions
de mettre la table à tour de rôle et d’éplucher légumes et fruits : souvent des petits pois infestés de
vers qui nous épouvantaient et aussi des fruits parfois véreux pêches, poires…Mon père rentrait
déjeuner depuis le bureau 179 blv Haussmann, Mr Michal son patron le raccompagnant souvent en
Hotchkiss. Chacun à table avait son rond de serviette en argent et une timbale également en argent.
Mon frère ma sœur et moi les timbales reçues en cadeau au baptême, ma mère une timbale
marquée LD (Lefort Dudez) héritée des arrières grands parents et mon père une timbale à pied
marquée A. Bardou héritée de mon arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grand-mère Angélique
Bardou datée et poinçonnée de 1754 d’un orfèvre de Corbeil. Sans doute mon père en ignorait-il la
provenance exacte que j’ai identifiée bien plus tard. Rituellement le vendredi était dédié au poisson.
Mon père était presque seul à boire du vin. Pas de baguette de pain mais un pain de 4 livres. Pas de
bénédicité dans notre famille pas pratiquante, mais les enfants réduits au silence…et pas de coude
sur la table. On devait « finir » son assiette et ne pas se lever de table inopinément. Les rares
bagarres, cris ou désordres étaient sanctionnés de vigoureux coups de poing sur la table et de « nom
de Dieu » par mon père – Chez Monique c’était « Got fur damne » de son père

Les agapes

Le jour de l’an, mon père invitait, ma grand-mère qui venait de la rue Meissonnier, ma grand-tante de
St Denis, parfois ma marraine de Livry-Gargan, mon père n’avait ni frère, ni sœur, un seul cousin et
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deux tantes qu’on ne voyait pas, parents grands-pères et grands-oncles déjà décédés, ma mère
n’invitait pas les Prot, sa sœur, car son mari neurasthénique ne supportait ni le bruit ni l’alcool et
refusait de venir, elle n’invitait pas non plus son frère, fâchée car il avait refusé d’être parrain de ma
sœur. Par contre mes parents invitaient 2 couples les Jammes et les Chantagut amis de longue date.
Mon père préparait la table, y mettait les 3 rallonges : mettait souvent une nappe de coton du pays
basque, de très belles assiettes en porcelaine de Limoges bordées d’étoiles bleues et or, les verres
en cristal, un grand pour l’eau, un petit pour le vin rouge, une flute à champagne plus parfois un joli
verre d’Alsace vert soufflé et galbé et aussi l’argenterie grandiose de mes grands-parents et arrière-
grands-parents gravée à leurs monogrammes sur un écusson. Il préparait les vins, ouvrait les huitres,
parfois préparait le saumon, la langouste, le foie gras, tandis que ma mère préparait le rituel rôti de
bœuf accompagné de Yorkshire pudding, de pommes de terre rôties et de raifort et pour le dessert
la glace et surtout le Christmas pudding qu’on arrosait de « golden sirup »- le sirop d’érable, de crème
anglaise et dessus un sucre arrosé de rhum flambé. Le repas fort animé, mon père gros buveur en
ces occasions, s’achevait par un alcool fort servi dans de jolis verres à colonne galbée en cristal de
saxe bleu et blanc dans lequel on mendiait un « canard » (un sucre trempé dans l’alcool). Puis un
café que mon père confectionnait grâce à un Kona appareil à 2 boules en verre : une contenant l’eau,
l’autre au-dessus contenant le café, le tout chauffé par une lampe à alcool, la pression faisant monter
l’eau dans la boule supérieure puis la lampe éteinte l’eau repassant sur le café en redescendant. Une
fois le repas, papotages et cigares au salon, terminé, les invités repartis, mes parents un peu
pompette chantaient rituellement une ritournelle de 1932 : « Puisque tout l’monde est parti, qu’la
corvée est finie, la maison est sens dessous…éteignons tout et couchons-nous », ma mère qui tenait
mal l’alcool parfois assise par terre et rigolant. Pour moi ce n’était pas le nirvana- de 2 à 6 ans je n’ai
mangé que de la purée mélangée à de minuscule morceau de jambon. Plus tard je ne mangeais pas
grand-chose : peu de viande sinon passée à la moulinette, ni fruits de mer, peu de légumes, pas de
yogourt, pas de fromage, peu de fruits : Je découvris seulement à 30 ans au wagon-restaurant du
rapide St Etienne-Paris avec mon patron Dominique Leprince-Ringuet, les délices du fromage, sur
son insistance.

Les festivités

Les crêpes qu’on retournait en les faisant sauter pour la chandeleur, ma mère un louis d’or dans la
main pour porter bonheur. Tirer les rois avec fève et couronne dorée pour l’épiphanie, des œufs de
Pâques en chocolat, cocottes, poissons… Mardi gras ou mi-carême avec masque de charlot, Laurel
et Hardy ou autre vedette, les anniversaires avec gâteaux et bougies

Petits on ne manquait pas postés à la fenêtre de guetter le père Noël pour le remercier des friandises
et à Pâques pour voir passer les cloches de retour de Rome

Quant au vin je n’en ai bu pour la première fois qu’à 22 ans à Strasbourg aux bals étudiants pour me
donner un peu de hardiesse pour draguer les demoiselles, du mauvais Riesling qui vous laissait à
cause des éthers, le matin suivant, la tête douloureuse ou vomissant. Marié je suis depuis resté
parfois plusieurs semaines sans boire une goutte de vin, en plus je n’ai guère de nez.

Quant à l’alcool, à part les « canards » je n’ai eu ma première fois que lors d’un voyage de Moselle à
Héming, le directeur de la cimenterie Mr Gentel croyant me faire plaisir me servant un grand verre de
fine, un alcool vieux de framboise 60 C° au moins au parfum délicieux mais pour moi épouvantable à
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boire. Je l’ai bu cependant par politesse et n’ai plus jamais bu d’alcool à part le rhum d’un baba ou un
gin-orange rituel en arrivant assoiffé par la chaleur au Caire alors que mon collègue Cariou avalait
sans problème 3 ou 4 whisky . Aussi pendant une courte période en vacances au camp de Morsiglia
où nous consommions cap corse, cognac et cédratine sans modération. Pendant près de 15 ans
après mon hépatite l’alcool et les œufs me provoquaient de fortes douleurs au foie, ce qui ne
m’incitait pas à la consommation, la tante Olga de Monique tentait d’y remédier à l’aide d’un infâme
remède : l’Hépatoum. Quant au tabac je peux compter sur les doigts d’une main le nombre de
cigarettes que j’ai fumé- Ma grand tante Augustine nous apportait, elle, des paquets de cigarettes en
chocolat .Mon père fumait pipe, cigarettes et cigares comme un pompier empestant toute la maison,
ma mère dans les grandes occasions fumait, elle avec un porte-cigarette en ambre. J’ai fumé à 11
ans en 1943, ma première cigarette avenue Carnot, hélé par un jeune soldat allemand à la nuit
tombante alors que je revenais d’une excursion des éclaireurs, il m’en offrit une et me tint en allemand
tout un discours auquel bien sûr je ne comprenais rien et pour une raison que j’ignore…puis il partit.
Enfin au Caire j’ai tiré une bouffée sur une cigarette de H qui ne me fit aucun effet. Monique après
notre mariage fumait un paquet de « royale «  par jour puis enceinte de notre deuxième enfant elle
cessa d’un coup complètement, ce qui me laisse pantois devant les difficultés que d’autres invoquent
pour ne pas cesser surtout quand on en connait maintenant les ravages .Quant à mon frère je ne l’ai
jamais vu prendre une seule goutte de vin ou d’alcool ni fumer une cigarette.

Ma mère

Mon père rentrait souvent fatigué de son travail et de ses nombreux déplacements en province, il
travaillait du lundi au samedi midi et se consacrait en fumant à la lecture, à sa collection de timbres et
à développer et encadrer ses diapos assis à son bureau, les 6 souris blanches courant dans les
manches de sa veste d’intérieur et ressortant par le col, alors ma mère courait seule les magasins,
s’achetait d’invraisemblables chapeaux, négociait chez des antiquaires rue des St Pères
d’innombrables bibelots, porcelaines que nous avaient laissé les grands parents Lefort, faisait monter
des bijoux d’un goût incertain, faisait réparer des meubles anciens, restaurer des tableaux, relier des
livres et courrait chez les Jammes rue Gozlin ou chez les Chantagut à Neuilly, aussi chez ses amies
Simone au Trocadéro, Aimé à Puteaux, Denise, Lucie, Marguerite au Raincy…. Mon père peu porté
ni sur les pièces de théâtre ni sur le cinéma, c’est parfois avec le docteur Bilhaud qui ne s’entendait
guère avec son épouse qu’elle fréquentait théâtres, cinémas, concerts et cabarets sans que cela ne
provoquasse jamais de scènes conjugales. Les seuls éclats de voix de mon père assez coléreux
n’étaient dus qu’à des problèmes domestiques futiles accompagnés de coups de poing sur la table,
de « nom de Dieu » et de « si ma tante en avait » auxquels ma mère répondait par des « Je t’en prie
Edmond, les enfants ». Le docteur qui m’avait à tout âge torturé avec ses piqures maladroites :
DTTAB, Ictère, otite, paratyphoïde, coqueluche et lassé des piqures de rappel à 7 ans je m’enfermerai
dans une armoire normande en verrouillant de l’intérieur jusqu’à ce que le « bon docteur »  lassé, s’en
aille, partie remise bien sûr…Il n’était pas vraiment mon copain : jalousie ? De quoi se mêlait-il celui-
là ! Il se joignait à ma mère contre moi pour des choses futiles : je n’avais pas aimé une exposition ou
j’avais fait un trou dans ma chemise en décousant un bouton mais aussi pour des choses plus
sérieuses : une discussion sur l’accès à l’internat de médecine par cooptation que je trouvais
contrairement à lui tout à fait scandaleux- j’envisageais de faire médecine à cette époque-. Il mourut
gâteux en 1957 n’ayant pas détecté ma pleurite qui heureusement se guérit toute seule en quelques
semaines. Bon je lui pardonne, c’est quand même lui qui m’avait sorti de l’utérus. Dès 1926 sans
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doute à la suite de la naissance au forceps de mon frère et jusque vers 1957 ma mère eut de
terribles crises de sciatique qui la laissaient clouée au lit, alors elle suivit seule chaque été, sauf
pendant la guerre bien sûr, des cures thermales à Abano et Salsomagiore en Italie où l’on appliquait
des boues thermales radioactives. Elle nous vantait le bienfait de ces soins, la gentillesse du
personnel et en particulier du directeur de l’hôtel qui ne la laissait pas indifférente, et avec lequel elle
échangeait des vœux. Avec l’âge j’ai oublié son nom, si, Bordini car je retrouve une carte de première
communion de sa fille : En 1939 ma mère me traina comme chaperon dans diverses expositions
parisiennes avec un juif russe Lévine, un beau garçon à fine moustache échappé d’URSS sur le
point de s’expatrier aux USA. Il nous laissera un 78 tours, un tango dont raffolait ma mère Cercé (le
cœur en russe) Cercé, tchi veni co tchi tapaco ya, Cercé kaka ra tchou… (à peu près ça les paroles
que j’ignore) mon cousin l’avait appris par cœur. Lévine laissera aussi à ma mère un petit éléphant
en ivoire, une merveille, ciselé avec finesse. Un cadeau d’adieu, puis nous n’eûmes plus jamais de
ses nouvelles.

Période 1939-1945

En septembre 1939 nous sommes en vacances à Viareggio, à la


Marina di piétrasanta en Italie dans un bel hôtel, on fait du pédalo, il y
a beaucoup de méduses car la chaleur est forte : le bitume fond ! Des
vendeurs de fruits sur la plage passent en criant: Pere, mele,
moscato, fragole. Ils prononcent MOScato FRAgole (avec l’accent
tonique). On voit des chars à bœufs tirant d’énormes barres de
marbre de Carrare et nous mangeons les pignons de la pinède
proche. Les jeunesses de Mussolini passent au pas cadencé en
chemise noire dans les rues en chantant Giovinezza…é viva la
liberta ! un chant fasciste. Pas de manifestation d’hostilité envers
nous cependant au contraire le boulanger
devant le fournil

Ma sœur à Viareggio en 1939

nous offre tous les jours à ma sœur et moi de délicieux sablés à la


confiture. La guerre déclarée avec l'Allemagne on rentre précipitamment
par le train. A la frontière, des employés SNCF apportent dans les
wagons, dans une grande corbeille et branchent des ampoules
électriques bleues, pour le 'black-out', une prévention contre une
éventuelle attaque aérienne des Allemands. J’apprends dans le train mes
premiers mots d’italien : E pericoloso sporgersi (c’est dangereux de se
pencher par la fenêtre du train) - E vietato tirare la nella (c’est interdit de
tirer le cordon d’alarme…sans raison), E viétato fumare. En arrivant à une gare: on lit le nom de la
gare: Fermata, une autre gare : encore Fermata … non cela veut dire arrêt !
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Le VELOCAR en 1939: Pierre, M-Thérèse, Jacques

En 1940, mon père qui n’a pas le permis de


conduire a acheté un vélo pour lui et un vélocar,
cette curieuse voiturette à 4 places: à double
pédaliers fabriquée en petite série du côté de la
porte Maillot ou de Puteaux, sans permis, à 3
vitesses mais pénible dans les côtes, 2 places
devant pour ma mère et mon frère, 2 derrière,
très petites pour ma sœur et moi qui sommes
obligés de descendre dans les côtes. On ira en
1940 jusqu’à Rambouillet avec cet équipage et
de là, à la Hogue à 6 kms de Rambouillet où Mr
Ninaud, le patron de mon père nous a prêté son
pavillon de chasse pour un été, il faut pour y arriver franchir la terrible côte de l’étang de la Tour lieu
des chasses à courre, sur la N 306. Le manoir est situé au niveau des étangs de la Hogue. Pas de
réseau d’électricité, il y a des batteries et un groupe électrogène au démarrage difficile à la manivelle
et le jardinier intoxiqué par les vapeurs d’essence sort de cette épreuve ivre et riant comme un fou. Il
y a un étang: on y pêche les grenouilles avec un chiffon rouge et on y prélève de la glaise pour faire
des poteries que l’on cuit. La maison est très isolée et une nuit on entend des pas dans l’escalier, ma
mère s’inquiète : ce n’est qu’un énorme crapaud qui monte en sautant les marches venant du sous-
sol inondé. Il y a une annexe avec de vieilles voitures de luxe, on fait la cueillette des champignons,
mures, noisettes, on pose des collets pour attraper des lapins…un paradis. Notre berger allemand
affamé avale d’un coup des lapereaux crevés… avec la peau et les os. Le domaine est immense plus
de dix hectares, on s’y perd. Mon père qui a maigri perd sa chevalière en or magnifique avec 3
diamants, héritée de son père. Il croit l’avoir perdu dans le lavabo alors on videra toute la fosse
septique…sans succès et je la retrouverai dans un
sac...mais ma sœur me la prenant des mains,
coquine dira : c’est moi qui l’ai retrouvé et elle sera
couverte de baisers. Un nuage de fourmis volantes
nous tombe dessus alors que l’on déjeune sur la
terrasse, j’en ai dans les cheveux : je crie
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hystérique alors mon père me donne une bonne gifle, la seule qu’il m’ait jamais donné. On va avec le
vélocar au « ravitaillement » au marché à Clairefontaine village proche et à celui de Rambouillet et
aussi chez Mr Lothaire le propriétaire du restaurant « le grand veneur » aujourd’hui disparu

Retour à Paris. Fin 1939 les militaires installent un ballon captif contre avion appelé saucisse vu la
forme- avec un grand filet en dessous à l’entrée du bois de Boulogne à la
porte Maillot. Mon père qui n'a pas été mobilisé est fermement sollicité
pour être chef d'îlot, muni d’un casque, d’un brassard et d’un sifflet: Au
moment des alertes aériennes, les sirènes hurlent et les gens sous la
direction des chefs d’îlot doivent entrer dans les caves des immeubles
transformées en abris, les soupiraux obstrués par des sacs de sable
contre les gaz asphyxiants. Les chefs d'îlot sifflent les retardataires et
ceux qui laissent voir de la lumière à leur fenêtre, en criant « lumière «   .Le 14 juin 1940 c'est la
déroute des troupes françaises, les Allemands approchent de Paris, qui est déclarée « ville ouverte »,
il n’y aura pas de résistance, beaucoup de gens partent: en train, en voitures, à pieds, on essaie de
quitter Paris le 13 juin par la gare de Lyon: Une foule immense, mon père avec un sac à dos et 2
valises, ma mère avec une poussettes en osier à roulettes dans laquelle est entassée le nécessaire,
les 3 enfants, mon frère avec sa souris blanche, ma sœur avec sa poupée en celluloïd, ma grand-
mère portant une cage avec son serin, moi mon doudou, un petit âne gris. . .Une folie. La tante
Antoinette n’a pas voulu partir. Mais il n’y a plus de trains, alors on rentre. Beaucoup de chiens
errent, abandonnés dans les rues désertes. Avenue des Ternes, un agent tente d’en tuer un à coups
de revolver, c’est un beau berger allemand beige clair, « bas noirs », oreilles cassées heureusement
indemne que nous recueillons, probablement un chien policier car il obéit à de nombreux ordres :
assis, couché et saute très haut les haies. Il nous adopte tout de suite. On l’appellera Mickey. C’est un
chien très doux très obéissant. Il a le palais noir des chiens de race. Juin 1940, Les sirènes hurlent,
les dépôts d’essences flambent et fument noir couvrant le soleil de juin. Les allemands arrivent avec
encore beaucoup de véhicules à chevaux ou à pied, ils installent des mitrailleuses av Mac Mahon et
défilent à pied avenue des Ternes. Ils chantent heidi-heido-heida, hahahahahaha. Les armes à feu
sont interdites et mon père se défait de son pistolet en le jetant à l’égout, mon frère le manipulait en
cachette bien imprudemment. Paris se couvre de panneaux de signalisation en allemand, de
drapeaux à croix gammées et de guérites noir blanc rouge
Dès fin 1940 il y a des restrictions, on a des cartes de tickets: charbon, électricité, gaz, denrées
alimentaires, habillement, tabac, vin. Les bals sont interdits, un grand nombre de stations de métro
sont fermées par économie. Il fait zéro degré en 1942 dans les pièces le matin cet hiver-là, on porte
des sabots de bois fourré en lapin. Le chauffe-eau gèle alors on ira parfois aux bains douches
municipaux rue d’Armaillé, en face de l’église, les cloisons
des cabines percées de trous par des voyeurs. Les
enfants classés J1, J2, J3 selon l'âge touchent quelques
rations supplémentaires. Moi, je suis J2, j'ai, seul de la
famille, droit à 1/4 de litre de lait par jour qu'on partage
entre nous cinq. Pendant l'hiver 1942, il fait -14 °C à
Paris. Pour traverser l'avenue des Ternes, j'ai de la neige
jusqu'aux cuisses en franchissant la chaussée. La Seine
est gelée, Les chevaux tombent sur le verglas sur le pont
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en pente du boulevard Pereire à cause des pavés en bois silencieux et moins durs
aux pattes des chevaux mais couvert de givre. Il fera à Paris jusqu’à -15° en 1940, -
11° en 1941 et 15 cm de neige, -14° en 1944, -13° en 1945 et parfois 0°C dans
l’appartement. Il y a avenue des Ternes sur la chaussée des fentes glissantes des
anciens rails de tramways. A l'école St Ferdinand (1938-1943) quelques rares gamins
portant en 1942 l'étoile juive jaune obligatoire se font huer par de sales gamins. Un condisciple de ma
classe à « St Fer » assez chenapan Duval exhibe un revolver à l’école, c’est le copain inséparable de
Sorlier qui est le frère du brillant graveur des Lithographies de Chagall qui a écrit ses mémoires et
une histoire des Ternes «Un homme de couleurs». Sorlier père tenait le ratodrome et un bar un peu
bordel, porte des Ternes, mal famé où des parieurs dressaient des chiens à tuer le plus de rats
possible, lâchés sur le ratodrome mais je ne l’ai jamais vu car il fut détruit lors d’un incendie du garage
attenant en 1934 entrainant la mort, carbonisée du propriétaire et des 80 chiens du chenil de Sorlier.
Ne restera que le bar.

L’incendie du ratodrome et garage attenant, nous habitions encore Neuilly, derrière le ballon des
Ternes

En 1941-42 ma sœur de 2
ans mon ainée va en 6 ième
à Neuilly au lycée Sainte
Foy. L’uniforme : Chemisier
blanc, jupe, socquettes et
pull-over bleus, les
pantalons sont interdits- Elle
a comme amie la fille d'un
radiologue Lehman qui pour
nous distraire nous passe
dans les cheveux un peigne
haute fréquence : Nos
cheveux électrisés se
dressent verticalement.
Juifs, ils disparaissent
mystérieusement après
1940. Ma sœur contracte
en 1942 la tuberculose probablement de la raccommodeuse qui venait à la maison, elle va en
préventorium aux Marmousets à Megève, elle va mieux puis décède brusquement à 12 ans d'une
méningite tuberculeuse que les médecins avaient pris pour une appendicite, les symptômes assez
proches. Elle est enterrée à St Denis au caveau familial. Elle était très pieuse, au-dessus de son lit il y
avait un bénitier qu'elle remplissait d'eau bénite, un brin de buis attaché. L'eau bénite que l'on prenait
à l'église était dans une bouteille bleue. Mon père qui avait soif une nuit en a bu en croyant que c'était
de l'eau de fleur d'oranger, mais avait trouvé le goût bizarre. En 42-43 vacances d’été à Antrain et
Plounérain en Bretagne, tristes vacances à cause du décès de ma sœur, dans ces villages
misérables. A l’hôtel les WC sont au bout du couloir alors il y a des pots de chambre dans les tables
de nuit …et des souris. En visitant une ferme bretonne, le sol encore en terre battue, en quête de
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nourriture, un molosse caché dans une meule se jette sur moi par derrière et m’ouvre la fesse
méchamment, la fermière nous dédommagera de quelques denrées alimentaires.

La mort de ma sœur Marie-Thérèse à 12 ans

Mes parents ramenèrent en aout 42 en ambulance depuis Megève ma sœur dans le coma. Ils la
couchèrent et firent appel bien inutilement à un mage. Elle avait un œil fermé et la moitié du visage et
un bras paralysé, méconnaissable. On me demanda de l’embrasser sur le front. Elle mourut après
une journée et le jour de l’enterrement on m’envoya chez les amis Chantagut rue Ste Foi à Neuilly. J’y
restais une nuit et un jour. Suzon la fille ainée de 7 ans mon ainée un peu délurée me prenant comme
chaperon m’emmena chez une amie interdite, pas en odeur de sainteté dans cette famille ultra-
catholique et me fit jurer de ne rien dire de cette visite à ses parents, je n’ai jamais eu le goût à être
une balance ! Le soir Mme Chantagut nous fit chanter en cœur « Ce n’est qu’un au revoir mes
frères » et rentré chez moi je trouvais mon père en pleurs et ma mère en robe noire, bas noirs, gants
noirs, chapeau noir auquel était attaché un immense crêpe noir qui lui entourait les épaules  et qu’elle
garda dehors plus d’un an. L’absence de ma sœur ne me pèsera pas vraiment, partie depuis 6 mois à
Megève, je l’avais quelque peu oublié et ce corps inerte ce n’était plus elle. Par contre je ressenti plus
tard l’absence féminine de toutes ses petites copines que je connaissais et qui m’auraient un peu
débrouillé et plus tard sans doute un peu enhardi. Ma mère parfois exaspérée par nos bagarres mon
frère et moi, nous disait « si seulement c’était vous qui étiez mort à la place de votre sœur » je ne
peux pas dire que cela m’ai vraiment traumatisé. Le choc émotionnel déclencha chez ma mère une
maladie de Reynaud définitive : ses doigts devenant blancs et douloureux dès les premiers froids. Un
chirurgien professeur fort célèbre Leriche un peu fou lui proposa comme
remède le sectionnement de 2 nerfs vasoconstricteurs au niveau du cou,
bien heureusement elle refusa. Le côté sombre de Leriche : Il recensa en
1942 avec le conseil de l’ordre les médecins juifs évincés de la profession
selon la loi de Pétain. A Rambouillet à la bergerie ma mère avait l’habitude
de réchauffer ses doigts blancs et douloureux sur les cornes jaunes et très
chaudes des paisibles mérinos

Les louveteaux Les éclaireurs

Je suis louveteau en 1942, la meute des ??? On porte un béret avec cousue dessus une tête de loup
rouge sur fond noir, un foulard bleu et rouge. Après des épreuves de connaissances on gagne 1 puis
2 étoiles dorées qui encadrent le loup du béret et des badges. Le chef de meute porte un totem avec
des rubans de couleurs. Notre cheftaine s'appelle ‘gazelle apprivoisée’ puis l’année suivante une
autre ‘Nanouk’ qui vient au printemps avec son fiancé se rouler dans les prés et les bois et nous
envoie jouer plus loin....puis je suis éclaireur en 44 avec mon ami Daniel Borel, fils
d'un fourreur de la rue Guersant et condisciple de St Fer. On chante: «youpayi
youpaya» et « entendez-vous dans le feu tous ces bruits mystérieux», on apprend le
morse au sifflet et aussi à faire des nœuds: droit, de chaise, de vache, de pécheur, de
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tisserand, de cabestan, de jambe de chien. Jeu de piste : on recherche des indices cachés dans la
forêt pour trouver et suivre un itinéraire. Jeu de foulards aussi: il faut attraper le foulard de l’adversaire
fixé dans le dos à la ceinture, Des jeux et déjeuner autour d’un feu de camps, chacun apporte sa
«gamelle» que l’on réchauffe sur un bruleur à méta, alcool solide C8H16O4… Je vais ensuite avec les
éclaireurs laïcs du groupe Pasteur en forêt à Viroflay, à Verrières, à Chaville, à Meudon...d’où on
assiste en juin 44 de loin au bombardement des usines Renault de Billancourt. Le bizutage d’initiation
–la promesse-est plutôt rude : le futur initié est pris par les pieds et les mains, torse nu, le pantalon
plus ou moins baissé puis il est balancé plusieurs fois au-dessus d’un buisson d’orties. Charmant !
Souvenir épouvantable d’une sortie de 3 jours à Pâques dans les bois dans la tente trempée sous
une pluie battante, on grelotte toute la nuit ; Je porte une pèlerine à capuche bleue et je rentrerai à la
maison tout le corps et la figure teint en bleu à cause de la pluie diluvienne

Avec mon seul copain Borel, qui va aux éclaireurs avec moi, on essaie de faire des fusées avec de
vieilles cartouches, on fabrique des pétards avec du soufre, du charbon et du chlorate de potassium
acheté chez le pharmacien de la place de l’église qui exhibe en vitrine des peaux de chat
multicolores censées guérir les lumbagos. Daniel Borel geint un peu car à l’école des « copains »
l’appellent ironiquement « bordel »

1940-44 C'est l’époque du culte du


maréchal Pétain: « Maréchal nous
voilà, vous nous avez redonné
l’espérance... » chante t-on à
l’école d’où on doit lui écrire une
lettre pour Noël. Il existe une milice
de jeunes avec un brassard portant
un « gamma » noir sur fond rouge, au bras, ils nous
injurient nous les éclaireurs, Les scouts et
éclaireurs, sont des mouvements plus ou moins bien
acceptés par le régime. J'assiste en 1942 salle
Pleyel à un Noël du maréchal Pétain réservé aux
bons élèves (ce n’est pas sûr), je reçois en cadeau un puzzle en couleur du
maréchal en tenue. L’école nous fait visiter au grand palais l'exposition bolchevique
où on montre les tortures que font subir les Russes aux prisonniers et aussi
l'exposition anti-juive très raciste: « comment reconnaître un juif » au palais Berlitz,
Boulevard des Italiens...visite recommandée aux enfants ! Une majorité d’instits
portent comme signe distinctif… une petite moustache et
un béret sans doute peu gaullistes. La francisque une
hache franque à double tranchant, emblème de Pétain trône partout
même sur les pièces de un franc. Mitterand sera décoré de l’ordre de la
francisque pour service rendu à l’Etat comme bien d’autres : Charles
Vanel, Pierre Frenay, Giscard père, Jean Nohain, Couve de Murville, Pinay…Pétain sera condamné à
mort puis gracié à la libération. Ce n’est que dans les années 2000 que l’on apprendra que l’ignoble
décret antijuif a été signé et corrigé par Pétain

Folklore
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On chante en 1935 Mayol, Polin, Dranem,


Ouvrard, Chevalier Trenet: France dimanche,
la caissière du grand café, des vielles
chansons que ma mère chante: PhiPhi: c’est
une gamine charmante, Cousine, cousine,
l’amour boiteux, la matchiche, elle vendait des p’tits gâteaux
de Mayol, les présages- la mascotte- chanté par Lucien
Baroux, l’angélus, le credo des paysans, les blés d’or, le grand café, le
p’tit objet d’Urban, la tonkinoise de Polin: elle s’appelle mets- la-au-lit, la fille
à Levy et couché dans le foin de Pills et Tabet, ce sont 2 homos, les p’tit
pois, les chansonniers Charpini et Brancato encore 2 homos… Noël-
Noël chante: le chapeau, des opérettes qu’on ira voir au théâtre: la belle Hélène, la vie parisienne, la
Péricole, le p’tit duc, les brigands, ciboulette, les mousquetaires au couvent, La fille de madame
Angot, les cloches de Corneville, la grande duchesse de Gerolstein…En 1950 la radio diffuse –signé
Furax- un conte délirant de Francis Blanche et Pierre Dac: « Furax, tu es un monstre, je sais, c’est
pour cela que tu m’aimes  Malvina », la mise en ondes est de Pierre Arnaud de Chassy-Poulet, 1000
épisodes de 1950 à 1960. On écoute sur un vieux gramophone les vieux disques 78 tours anglais que
mes grands-parents ont rapporté de leur séjour à Londres : Des fox-trot : girl of my dream I love you,
Ramona, the farmer in the dell, Ice cream-you scream, et d’autres Oua-Oua chanson tahitienne,
Cerce (le cœur) tango russe !…On écoute aussi du classique: la chevauchée des walkyries, Casse
noisettes, Copélia … A la radio: « Sur le banc » de R. Souplex, un sketch journalier
d’un clochard, un roman radiophonique d’aventure de Lise Elinat, les secrets de la
mer rouge de H. de Monfreid, Lise Elina encore avec la famille Duraton, un autre
explorateur raconte la vie des tahitiens en proie aux Tupapaous les fantômes. Puis
plus tard au théâtre du palais de Chaillot, le TNP, des classiques de Molière et
Corneille et Lorenzacio avec Gérard Philippe dans un costume éblouissant, aussi les
nuits de Musset, sans décors, ni costumes ni éclairage, les techniciens sont en grève, L’actrice un
bras accroché à un rideau récite cette horreur dans une demie obscurité, que c’est long ! Beaucoup
plus tard encore au théâtre, Adjani à 18 ans dans Ondine, quelle beauté, quel talent, quelle fougue:
elle enfonce langoureusement ses ongles dans la chevelure de son partenaire, dont j’aurais bien pris
la place. Aussi Sartre: le diable et le bon dieu, les mains sales…Anouilh: la tête des autres, la valse
des toréadors de M Aymé, …Au Cinéma en 1947 sur les Champs Elysées, est diffusé le reportage
sur les camps d’extermination nazis, il n’y a pas de mots pour décrire ces horreurs. Je vois aussi au
cinéma les portes de la nuit, les corbeaux, les enfants du paradis, les visiteurs du soir, avec Alain
Cuny et Arlety, quelques films de Noel-Noel, Le docteur Knock avec Jouvet…Singoalla, l’histoire
d’une bohémienne superbe, ce film, le chef-d’œuvre bien méconnu de Christian Jacque avec Michel
Auclair et Louis Seignier, aussi l’étrange docteur X buveur de sang une horreur. Nous irons aussi au
cirque Médrano place Blanche voir une scène du « tour du monde en 80 jours » : l’attaque du train
par les indiens. Le train et sa locomotive entre sous le chapiteau. Nous irons aussi au cirque Amar
porte Maillot.
on chante : Toc toc toc qui est là : c’est Moscou, me s’coue, pas, me s’coue pas comme un prunier tu
pourrais me faire tomber, Minuit crétin c’est l’heure solennelle, amour sacré de mes bretelles,
hachons tous ces prussiens pour en faire du boudin… sur l’air de la marseillaise et timéla lamédou
panpan timéla timélamédou cocodou la baya, il s’appelait boudou badabou…et des comptines que
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mon frère rapporte d’Angleterre en Septembre 39 : Thinker, tailor, seller, soldier, richman, poorman
beggerman, thief en comptant des noyaux de fruits. Et the farmer in the dell…Taquin, Il appelle ma
sœur un peu geignarde, « grumpy » du nom anglais du nain grincheux, cela ne va pas sans cris et
pleurs
On chante Three blind mice, three blind mice, See how they run, see how they run, three blind mice
They all ran after the farmer’s wife, she cut their tails with a carving knife…

Les Ternes vers 1945-1950

Les commerces- Longtemps encore après la guerre la plupart des commerces subsistent comme
ceux de la rue Demours , Guiet le crémier filou, Gros le boulanger qui fait de délicieux puits en
nougatine pour Pâques , le volailler avec une vitrine de
scènes de chasse en pâte de verre, l’horloger, la
teinturerie- stoppeuse de bas: une odeur de trichlo
inoubliable, le cinéma, ancien théâtre avec galeries et
loges, le restaurant « Le grand veneur » qui sera repris
par le mari d’une ex-speakerine Denise Fabre .Le
marchand de fruits et légumes du marché couvert où
sert sa fille, une ado une brune superbe, celui du
passage Boulnois une famille de vendeurs de légumes
au vocabulaire coloré et ordurier, le mini supermarché
Lafé, sur l’avenue des Ternes : les cinémas, les marchands de chaussures Raoul, André et Bailly
avec un curieux appareil à rayons X pour visionner les pieds et voir si
la taille des chaussures est correcte, le monoprix, les magasins
réunis, Lissac le lunetier, les marchands de tissus Bata et Boussac- dit
toile à sac !, le bijoutier Dieutegard, mon père m’y achète une
couteuse montre automatique aux aiguilles radioactives et
fluorescentes pour fêter mon bac tardif, les pharmacies, et sur
l’avenue Wagram les salles de spectacles: l’Empire, la boxe, la salle
de joueurs d’échec, le bal de la salle Wagram, le bal des « boniches »
disait-on. Plus tard à 18 ans j’irai voir là, les championnats du monde
de catch, rien à voir avec les ridicules matchs de catch à 4
d’aujourd’hui: Se produisaient alors le fameux Delaporte ci-contre,
Von Shenock et son terrible étranglement qui endort l’adversaire,
W...ski, le champion du monde. De véritables athlètes et des combats
terribles non truqués finissant généralement par un « tombé » ou un
abandon suite à des clés. Plus tard l’ange blanc, le bourreau de
Béthune bien moins brillants, du cirque bidon, ce n’est plus du catch. Bon ! Ce n’était pas très
intellectuel mais quelle ambiance ! Aussi avenue de la grande Armée, l’immense magasin
d’accessoires auto-vélo Mestre et Bladgé réputé rendez-vous des homos

Les cafés les hôtels –chez Dupont place des Ternes,


slogan: chez Dupont tout est bon: mes parents ont un
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téléphone: Le N° : Etoile 27-29, à cette époque le cadran de téléphone comportaient lettres et
chiffres. Chez Dupont c’est: Etoile 29-27, c’est dire qu’on était souvent dérangés. Plus tard ce sera le
même problème avec l’hôtel Doisy un peu bordel, nous serons très sollicités pour des rendez-vous
galants et nous ferons quelques blagues à ceux qui appellent. Aussi d’autres hôtels borgnes du 10 bis
de la rue du débarcadère et du début du boulevard Péreire, au niveau de la gare du train de ceinture,
bordels clandestins fréquentés dit-on par des hommes d’église. Quand je passe là encore très jeune
sortant du métro Porte Maillot, une des prostituées m’appelle, comme je me défile, elle me dit: viens il
faut bien que je gagne ma croûte, Je me sauve. Le joli marché aux fleurs de
la place des Ternes, le café « au chasseur des Ternes » dont le propriétaire
sera assassiné, celui de la porte des Ternes dont le propriétaire collabo sera
lynché à la libération, la crèmerie Maggi - Une chaîne allemande - rue du
colonel Moll saccagée en 1940, Donatti le glacier, Pou la charcuterie fine,
Rech le restaurant fruits de mer où allait souvent mon père en déjeuner
d’affaires, l’école maternelle du château des Ternes, là les Saint Sénoth propriétaire du château
descendaient à cheval la rue Demours avec leur meute vers 1850, chasser à courre du côté de la
porte Champerret. Le restaurant marché noir pendant la guerre, « Le père Noël » de la rue du colonel
Renard. Les tickets de rationnement sont distribués pour nous à l’école du Boulevard Pereire en bas
de notre immeuble. On assistera à un holdup de tickets, le voleur poursuivi, s’enfuyant en jetant son
pistolet sur les rails du train de ceinture. Le sinistre et crasseux commissariat de police de la rue de
l’Etoile, on pouvait s’y faire établir une carte d’identité avec 2 témoins obligatoires justifiant votre
domicile: 2 clochards que l’on recrutait sur le trottoir d’en face contre rémunération certifiant sur
l’honneur votre adresse et recommandés par l’inspecteur de police !!!, Le commissariat côtoyait
quelques hôtels borgnes. Je vais aussi parfois au patronage de la rue J-B Dumas où je découvre le
film muet en noir et blanc de Tom Sayers avec la tante Polie et les indiens. L’Honolulu, un dancing un
peu glauque de la rue des acacias avec sa façade peinte d’une plage et de palmiers exotiques. A
chaque représentation aux théâtres, doivent être présents un pompier, un médecin, un inspecteur de
police alors en 1946 une voisine amie du commissaire lassé de cette obligation nous donne à mon
frère et à moi 2 billets pour aller voir au théâtre de l’Etoile Annie Cordy 18 ans dans « Annie du Far
West »…une belle ânerie…en tant que représentant de la police, au contrôle des billets mon frère que
j’accompagne coiffé d’un chapeau mou et portant imperméable sera salué par un «  par ici, Monsieur
l’inspecteur »

L’Ecole primaire « St Fer » 1939-1943

Souvenirs à l’école: Collinot m'a remis en mémoire grâce à sa publication « le témoin gaulois » le nom
et visage de l'instit Mr Boucher, sa blouse grise et sa pipe, je l'avais bien effacé ! Les pénibles
vaccinations DTTAB: ce n’est pas la douceur: l’épaule est paralysée: des
«copains» nous tapent sur l’épaule et ça fait très mal. Il y a un curieux
appareil pour faire les analyses d’urine , recherche d’albumine avant
vaccination fait d’un circuit horizontal sur table munis de petites portes
articulées en bois où circule l’urine et les réactifs. Des distributions de
cachets roses très acidulés ou des chocolats vitaminés: Le prof nous
surveille afin qu’on ne les recrache pas. On doit se laver les mains avant l’entrée en classe, aux
robinets dans le grand préau qui servait de salle de gymnastique, il y avait aussi une estrade, scène
de théâtre en fin d’année et pour remise des prix: Je n’en ai eu qu’un: un affreux bouquin rouge même
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pas relié: prix de géographie matière que je détestais. Mes condisciples devaient être encore plus nuls.
Les classes sont meublées encore de bancs très durs liés à pupitres en bois, les plus délicats
apportent un « sous-cul » un rectangle en tissus avec une pochette qui sert aussi à porter les livres.
Moi je traine le très vieux cartable en cuir de mon frère et le manteau de ma sœur au col de fourrure,
ce qui me vaut bien des risées. Un encrier en plomb est encastré au pupitre dans lequel le maître
verse l’encre d’une grande bouteille à bec: Je volerai à l’instigation de mon frère aîné un ou deux de
ces encriers car il a reçu en cadeau un moule à soldat de plomb dit « plat d’étain » et comme on
manque de métal, Je couperai aussi à la pince sur le bord de fenêtre de ma chambre des morceaux de
vieux câbles téléphoniques en cuivre enrobés de plomb, moi penché par-dessus la balustrade, mon
frère me tenant par les pieds au 3 ième étage. Notre grand-tante nous mettait pourtant en garde en
disant : Ne vous penchez pas, la tête est plus lourde que le corps. Le plomb est fondu dans un
creuset… un faux mouvement et mon frère m’en versera -un peu- sur la tête, heureusement j’avais une
épaisse chevelure. On écrit alors avec des plumes sergent major en acier pour faire des pleins, des
déliés …et des pâtés, stylos à réservoir interdits, le stylo à bille n’existait pas encore mon père c’était
encore la plume d’oie avec laquelle il faisait d’admirables calligraphies dans les
livres comptables, technique acquise de ses cours de l’école commerciale
Trudaine. Au mur de la classe le tableau noir et les cartes de géographie
certaines dites muettes où on doit identifier montagnes, fleuves, villes, …
l’angoisse. Le calcul mental, avec le résultat qu’on inscrit sur une ardoise le
bras levé, là pas d’angoisse. Des jeux aussi: on perce au bord dans le bois du pupitre 2 petits trous un
horizontal relié à un vertical, on verse de la poudre de craies multicolores dans le trou vertical muni
d’un petit entonnoir en papier et on souffle dans le trou horizontal d’où un joli nuage. Certains envoient
au plafond à la sarbacane des boulettes de papier mâché qui restent collées, bien sûr quand le maître
ne regarde pas- Plus tard à Chaptal le prof surprenant un élève en train de maltraiter son pupitre
l’apostrophe: vous vous croyez dans l’écurie paternelle, arrêtez de faire le singe ! Qui oserait dire cela
à un élève aujourd’hui surtout s’il est «de couleur»
Après «St Fer» en octobre 43, mes parents m’envoient, je ne sais pas pourquoi, au cours privé
Richelieu, 86 avenue des Ternes, très snob, j’y redouble ma 6 ième, je ne comprends rien aux
déclinaisons latines et allemandes. J’ai trop honte et je signe mon carnet de notes plein de zéro à la
place de mon père : grosse engueulade. Le prof d’allemand interroge « Was ist das ? », on répond
pour rire « petite fenêtre » On passe une bonne
partie des mois de mai et juin 44 dans les caves-
abris à cause des alertes aériennes. Y sont stocké
des seaux rouges plein de sable, pioches et pelles
pour éteindre les incendies. Pour passer le temps,
on creuse un trou à la pioche dans les minces
parois provisoires de briques de l’abri aménagé,
pour rejoindre la cave-abri des filles du cours privé d'à côté et papoter. Pour
passer le temps aussi un condisciple façonne un pénis en pâte à modeler et nous
improvise un cours d’éducation sexuel. Fin de l’hypothèse des choux, des roses et
de l’amour courtois. J’essayerai d’en savoir plus en consultant en douce un livre de
pratiques sexuelles caché dans l’armoire de mes parents : L’acte y est décrit très
pudiquement comme « l’art du violoniste maniant l’archet sur les cordes
vibrantes » : Je n’en saurai pas plus. Mes camarades d'école- le gratin du
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quartier ? Francis Nakache fils d'un peintre juif de Constantine, Armand Nakache (sans doute
épargné grâce à sa conduite héroïque en 14-18) aussi célèbre vers 1950 que Bernard Buffet, il habite
à la villa des Ternes un loft couvert de peintures de nus féminins. Autres camarades au sang bleu :
De la Forêt d’Yvonne, De Larminat, fils d'un célèbre général, de Gaulle l’ayant nommé président du
tribunal militaire chargé de juger les généraux félons de l’OAS, il s’y refusera et se suicidera, De
Kergariou un peu dégénéré mais un joli blason et un ancêtre croisé en 1247 , Bentz…et d’autres
oubliés
En 1940 mon père n'est pas gaulliste plutôt pétainiste, mais pas pour des raisons
politiques. D’abord il a fait la guerre de 14-18…alors pense-t-il que le maréchal
Pétain chef de l’Etat ne peut pas être mauvais. Et puis mon père a travaillé dans
le cabinet suisse de brevets industriels Ninaud-Rohmer: Les freins de trains
Westinghouse, des voiturettes à 3 roues, des bateaux en caoutchouc genre
zodiac....Mon père essayera vers 1927 (?) de vendre au ministère de la guerre,
ces bateaux qui se révélèrent bien utiles aux armées allemandes en 1940-1945
pour traverser les cours d'eau. Le secrétaire à la défense nationale Ch. de Gaulle
membre du secrétariat présidé par le maréchal Pétain, fit retourner le dossier
avec la mention de sa main -sans intérêt pour l'armée- aussi mon père n'était pas gaulliste et tenait
le général pour un imbécile: Il l’appelait «Le haut mais con» (Le haut-Mékong) et «le jars d’assaut»
(char d’assaut) mais Hitler et Mussolini n’étaient pas mieux traités. Mon père racontait la blague
suivante: Un français regarde une affiche avec le symbole germanique: l’aigle soutenu par les
portraits de Hitler et Mussolini et il se demande si l’aigle est un mâle alors la réponse est oui car il y a
2 couillons en dessous.

Mon père achetait Je-suis-partout et Signal, journaux pro-


allemand, mais il ne sera jamais collaborateur. Bilingue, il a
passé avec ses parents à Londres ses 10 premières années
de 1896 à 1906 et nous écoutions en douce avec lui Pierre
Dac chantant sur radio Londres « radio-Paris ment radio-
Paris est allemand » mais j’entends aussi sur radio-Paris
Jean Herold Paqui et son slogan haineux : «comme
Carthage l’Angleterre sera
détruite» .Mon père m'achète de
1942 à 44 un journal de jeunes
«Le Téméraire » bimensuel le seul toléré dans lequel on propose aux
lecteurs de s'enrôler dans une sorte de confrérie de chevaliers: Les
«téméraires» mais je n'en fait pas partie. Les journalistes des BD illustrées
de ce périodique se retrouveront bizarrement après 1944 blanchis, sans
ennuis (tous sauf un, Vica), embauchés dans Vaillant le journal
communiste et dans Lisette journal catholique. J’avoue que l’antisémitisme
et le racisme de ce journal très brillant de BD, d’anticipation et de
découvertes m’est passé à l’époque au-dessus de la tête. La collection Le
Téméraire que j’ai conservé vaut en 2015, 2500 € pourtant tiré à 100.000
exemplaires mais sur du mauvais papier très friable, sans doute disparus en grande partie de ce fait.
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Il y a dans le Téméraire une rubrique de recherches policières, par exemple


comment savoir si c’est un homme ou une femme qui a dormi dans un lit:
L’homme laisse dans le lit de petits plis, la femme des plis plus larges. Le
professeur globule de Gavroche devient sous la plume du même Eric le
docteur fulminate dans le Téméraire, avec l’affreux Vorax au faciès supposé
sémite, aussi le héros blond Norbert en lutte avec Vénine le traitre qui a une
étoile rouge sur sa casquette et Mossul au fasciés de grenouille qui habite les
marais. Je lis aussi avec passion les romans chevaleresques et patriotiques
de la série «Le prince Eric» de Serge Dalens, ancien magistrat, nationaliste,
très à droite et adepte de l’ordre…Je lis aussi des revues légères bien
anodines que me prête mon ami Borel en cachette. Après 1945 je suis
abonné au «journal des voyages» des histoires coloniales «saignantes» en feuilleton, journal que
lisait déjà mon grand-père en 1876 et mon père en 1909, des exemplaires que l’on a conservés et
que je dévore

Professeur Globule (Gavroche 1939) Professeur Fulminate (Le Téméraire 1943)

Le vélo-taxi

Après 1940 il n’y a plus d’essence. Au coin de l’avenue des Ternes et


du Boulevard Pereire devant le café PMU, d’immenses chars à bancs
découverts traînés par 6 chevaux emmènent les parieurs aux courses
de chevaux à Longchamp. Paris invente le vélo-taxi, Les autobus
fonctionnent au gaz et sont surmontés d’un énorme réservoir blanc, les
voitures fonctionnent au gaz de charbon gazogène ou avec des
bouteilles de gaz sur le toit.

L’hiver 1942 sera terriblement froid. On apprend en 1942 la défaite des Allemands à Stalingrad, des
affiches signalent les ‘terroristes’ recherchés ou fusillés, En 1943 un soldat allemand est assassiné
près de la cimenterie de Heming en Moselle pour laquelle mon père travaille comme expert-
comptable et il sera interrogé par la police allemande rue Lauriston, siège de la Gestapo. On apprend
début 44 qui nous est révélé par un pasteur suisse, le sort réservé aux juifs dans les camps- Churchill
et le pape en avaient été informé dès 1941. Un ex-patron de mon père Alfred Strauss Juif allemand,
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est arrêté en zone libre à Lyon et déporté à Auschwitz, insomniaque il avait coupé les fils de la
bruyante pendule électrique de sa chambre d’hôtel, alors le directeur furieux, un salaud l’avait
dénoncé à la gestapo. On aide son épouse catholique dépouillée de ses bijoux par la gestapo, à
sauver et déménager ce qu’on peut de son appartement parisien saccagé, sous scellés…brisées et
ouvert à tout vent . Mon père hébergera quelques semaines, aussi à la libération son condisciple juif
Kahn de l’école Trudaine « le premier de la classe » dont l’appartement est complètement dépouillé et
squatté.

Mon père échange du ciment de l’usine de Heming, contre un cuissot de sanglier tué en douce en
Moselle et que l'on monte discrètement à l’appartement. Je m’ébrèche une dent sur un plomb de
chasse resté dans la chair. Je n’ai jamais eu de chance avec le plomb !

En 1943, Frantz Werlin notre cousin germain...et germain de Stuttgart, mobilisé,


vient voir à Paris mon oncle Marcel Werlin, en uniforme de la luftwaffe, avatar de la
séparation des grands-pères, Frantz et Séverin, 2 frères alsaciens de Lutterbach
séparés après la guerre de 1870, Séverin ayant opté pour la France, Frantz pour
l’Allemagne, puis leurs fils face à face en 1914-18 puis encore en 1939-45. Accueil
discret de mon oncle à cause des voisins: «Il y a des temps où il est impossible de
faire bien», écrivait de Retz

En 1942-44 l’avenue des Ternes est déserte, le dimanche je peux faire du patin à roulette sur la
chaussée, pas une voiture. L’avenue est encore plus déserte le soir à cause du couvre-feu. Je me
régale de réglisse Zan à la confiserie du 82, Le roquet du marchand de cycles du N°80, Révil, me
mord régulièrement les mollets quand je patine. La commerçante du 78 a un fox-terrier «toutou laine»
savant, on lui pose un sucre sur le museau, il l’attrape seulement quand on lui en donne l’ordre, cette
dame devenue veuve se suicide au gaz, elle en réchappe mais pas le chien. En face du 82 il y a un
marchand de couleurs bric-à-brac, la façade multicolore où l’on achète de grandes bouteilles vertes
d’eau de Javel, des boules antimites, du flytox et du papier d’Arménie, et aussi une crèmerie et la
boulangerie où l’on cherche de grands pains économiques de 4 livres… et jamais de croissants.

En juin 44 c'est le début de bombardements intensifs autour de Paris parfois la nuit le ciel est comme
en plein jour du fait des fusées éclairantes que lancent les allemands pour repérer les avions
américains qui lancent des bandes de papier métallisé pour déjouer les radars et la DCA. (Les canons
de Défense Contre Avions). On ramasse dans la rue et collectionne les éclats d’obus qui tombent
encore brulants, ce n’est pas sans danger. La gare de l'Est est bombardée par les américains, de très
haut et sans grande précision, et tout un côté de la cité de la goutte d'or est détruit. La femme de
ménage Germaine Meunier y échappe de la mort avec ses 6 enfants, son mari facteur absent car
emprisonné pour avoir falsifié des mandats. Ainsi que la gare d’aiguillage d’Ozoir la Ferrière, là, ce
sera toute la rue principale de Tournan qui sera détruite avec les archives du notaire. Le pont de
chemin de fer détruit par l’aviation américaine de très haut, il faut alors aller d’Ozoir-la-Ferrière à
Tournan-en-Brie à pied. – Un jour de juin 44 c’est la panique et l’exode dans le 17 ième arrt : Radio
Londres lance le message secret: «Chez Bati on boit de la gnolle»: certains comprennent que le
quartier des Batignolles va être bombardé car la gare de triage n’est pas loin. Ce fut une fausse
alerte. Le 18 juin 1944 je suis le premier de la famille à apprendre le débarquement allié. A la
libération en aout 1944, on voit les FFI qui font le coup de feu au Trocadéro. Un char allemand circule
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dans les rues et tirent sur un barrage de deux arbres abattus par les FFI en travers de l’avenue des
Ternes au niveau de l’église et qui se retirent prudemment après cet exploit.

L’école En mai 1944 j’ai passé le ‘prestigieux’ diplôme d’étude primaire


préparatoire crée en 1941 le DEPP, puis tardivement le CEP le
certificat d’études primaires en 1946, décision du directeur au cas où
on n’arriverait pas jusqu’au brevet. Il y a une épreuve de chant au CEP
alors à l’oral je chante «Alla prend son ombrelle, son arc et son
carquois…il tire et la sarcelle s’envole au fond des bois »…chant indou
bizarre et peu harmonieux que chante encore Eliot notre petit-fils en
2013 à l’école.

L’église Je suis en 1944 le cours de catéchisme. L’abbé a un claquoir:


clac: on se lève, clac-clac: on s’assoie. On fait le signe de croix: au
nom-du père-du fils- ET du St Esprit: 4 signes
pour 3 personnages ! Je reçois maintes gifles d’un abbé Duputz, un colosse aux
mains énormes, qui prétend nous inculquer une éducation religieuse. Je ne suis
pas très assidu. Il nous dit : si vous manquez UNE SEULE messe et êtes ensuite
écrasé par un autobus : alors c’est l’enfer éternel assuré: ah les cathos, même à
12 ans ça fait peur. Je fais ma première communion en mai 1945 et reçois
comme c'est l'usage des cadeaux: Une épingle de cravate, une pendulette à
affichage digital futuriste à rouages mécaniques…qui ne marche pas, cadeau de
Mr Tabary, l'avocat des de Wendel l'entreprise où travaille mon père, je suis
émerveillé par son appartement de l’avenue Mac-Mahon: des
boiseries dorées, des plafonds au ciel bleu ennuagé. Je
reçois aussi une vierge polychrome en plâtre à l’auréole
ébréchée, cela m'a bien fâché car il a fallu que j'aille la
chercher à pied av Henri Martin -cadeau de la
seconde l'épouse du patron de mon père, Mr Michal-,
un ancien testament relié cuir des Chantagut, des
boutons de manchettes de ma marraine. Une médaille
en argent: St Michel terrassant le dragon. Je porte un
brassard en dentelle et mes parents font imprimer des
images pieuses à mon nom. On les échange entre
nous. Les filles en bas, gants et souliers blancs sont
vêtues en mariée, avec un voile blanc couvrant corps et tête et tenant leur
missel et un cierge à la main. Chaque communiant est apparié à une
communiante, la mienne très jolie s'appelait Thérèse Leygues et habitait
rue des Ternes en face de chez moi. On se souri, elle me prend
gentiment la main pour aller à l’autel communier et on échange tous les
deux nos images de communion avec nos noms et adresses, Premiers émois, Thérèse une
blondinette que je ne reverrai jamais, à 13 ans je n’étais pas très dégourdi. J’aurais pu l’inviter à mon
anniversaire. On récite: Je renonce à Satan et à ses pompes et on chante glo-glo-glo-ria, au lieu de
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glo o o o ria, cela nous fait bien rire et énerve l’abbé et aussi «les saints et les anges et tous les élus
si ça les démangent se grattent le cul… avé avé le ptit doigt», l’harmonium couvrant l’incongruité. Le
jour de la communion, l'évêque vient dans une immense voiture américaine rose, suite à un vœu de
pauvreté sans doute ? Il arrive crosse à la main et mitre sur la tête. On doit embrasser son anneau,
on se fait oindre le front de baume, on doit communier à jeun et on doit embrasser aussi la main
d’une statue de la vierge, tout le monde bave dessus. De quoi vous dégoûter à jamais de la religion.
Je suis photographié chez Harcourt, le célèbre photographe, pour l'occasion. Fin de ma «carrière
religieuse» ce qui ne m’empêche pas d’admirer la ferveur et l’art qui a permis la construction les
cathédrales gothiques. Un mauvais souvenir de la communion de mon frère à Neuilly en 1938: Ma
sœur et moi sommes équipés d’une corbeille et en procession nous devons semer des pétales de
roses en gants, chaussettes et chaussures blanches c’est ridicule, cela m’a pas mal énervé, je fais la
tête !

1944 La libération et après

En septembre 1944 les Allemands envoient sur Londres et


Paris, une première, des fusées V1 puis des V2 qui volent
plus haut, explosives qui font quelques dégâts. On voit
depuis notre fenêtre beaucoup d’avions américains des
quadrimoteurs dites forteresses volantes qui tombent
autour de Paris et dont on voit les pilotes descendre en
parachute. On ramasse les éclats d’obus encore chauds.
On assiste en août à la libération de Paris: il n'y a plus d'électricité, presque plus de gaz. On
réinvente la marmite norvégienne, sorte de marmite calorifugée chauffé par un réchaud à boulettes
de papier, une boite en fer cylindrique. Comme mon père a récupéré des anciennes actions de la
société des ciments Portland de Lorraine, on en brûle pour 1 million par jour dit mon père. On va
chauffer le repas à son bureau 179 Bd Haussmann où il y a encore un peu de gaz et d’’éclairage par
manchon Auer. Au bureau attenant un Mr Comte prépare l’édition du « grand armorial de France»
Tous les blasons et la généalogie de la noblesse française. Avec les étrennes de mon parrain, j’en
achète les 7 volumes, pour compenser la frustration de l’absence de sang bleu, sans doute. Comme
il fait de mauvaises affaires alors Comte se suicide en se pendant dans son bureau. On est pris dans
une fusillade, entre des miliciens pro-allemands qui tirent des toits et les agents en révolte de la
caserne de l'ancien hôpital Beaujon au coin du boulevard Haussmann et de la rue du fg st Honoré.
Depuis le palais de Chaillot on voit des combats de chars allemands et de FFI (forces françaises de
l’intérieur, les résistants) au pied de la tour Eiffel, les balles sifflent. Des F.F.I abattent deux platanes
feuillus en travers de l'avenue des Ternes…et se sauvent. Un char TIGRE ( ?) allemand tire dessus
au canon et aussi à la mitrailleuse sur la boutique –aujourd’hui ‘le grand homme’ au coin de la rue
Labie, surpris par le bruit d’une voiture pétaradante. Le long de cette boutique existait une échoppe
de 2 m² d’un cordonnier bossu, ma mère lui échangeait les sachets de mégots de mon père qui
fumait beaucoup –pour éliminer les fourmis de son jardin- en échange de
ressemelages gratuits, « faut pas gâcher » disait ma mère économe. Les
pompiers casqués et armés de fusils chassent les miliciens cachés sur les
toits. Une voiture 11 Citroën FFI s’encastre dans l’angle de notre
immeuble, un des occupants perché sur l’aile de la voiture est éjecté et git
la tête fracassée dans une mare de sang, il est évacué à bras sur une porte faisant office de
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brancard sur l’hôpital Marmottan proche. Mon frère, 18 ans qui ne tient pas en place est recruté aux
Batignolles par des FFI qui lui mettent un revolver en main mais ses exploits s’arrêteront là, mon père
faisant une colère

Puis le régiment d’infanterie Américain et la division blindée du Général


Leclerc arrivent : On va voir les chars, mon père et moi, place de l'Etoile,
des miliciens perchés sur les toits tirent et on se réfugie dans la cour d’un
immeuble de la rue Tilsitt, les passants se cachent sous les chars qui
ripostent à la mitrailleuse. Encore des miliciens tirent depuis le toit d’un
immeuble avenue des Ternes en face du 82. Des pompiers casqués
ripostent. On voit passer le 25 aout de Gaulle sur les Champs Elysées
depuis le N°75 où mon père a aussi un bureau au premier étage. On voit une femme collabo (ou
amoureuse ?) en gaine et soutien-gorge, la tête rasée, exhibée et huée av des Ternes. Plus tard
Brassens désapprobateur, évoquera cet événement dans « la tondue » D’autres seront maltraitées,
exhibées nues le pubis couvert de goudron et parfois fusillées: 20.000 tondues. Sont nés de 1940 à
45, 200.000 bébés franco-allemands mais les tondues ce ne fut pas le pire car certains prétendent
que cela leur a sauvé la vie parfois. Le pire ce sont les tribunaux populaires où des pseudo-résistants
règlent leurs comptes personnels 10.000 à 30.000 assassinats impunis car amnistiés et encore les
juges pétainistes restés en place trop content de retourner leur veste qui président les « cours
d’épuration » Plus tard 30.000 bébés franco-américains dont
3.000 issus de viols surtout dans le nord, Lille, Roubaix,
Tourcoing, principalement par des GI noirs, malgré la répression
féroce de la police militaire US, car 300 seront pendus. Mon père
qui se rend dans cette région nous dit que les femmes se terrent
et n’osent pas sortir la nuit. Pire encore les flics et gendarmes qui
participèrent à la rafle des juifs et qui impunis et amnistiés seront
versés dans les CRS crées à cet effet. La honte.

Notre voisin de palier Fleury peu recommandable se décrète


lieutenant FFI et arbore un bel uniforme US, portier à l’hôtel
Georges V, il lance un juteux trafic de cigarettes et de putes avec les américains. Il squatte et pille
l’appartement réquisitionné en face du notre, qui appartient à une dame, la comtesse de Verchère
absente. Mon père gagne moins que lui et râle. Je défile sur les champs Elysées en tenue scout en
44 ou 45. (J’étais éclaireur laïc, mon frère lui fut avant la guerre Scout catho et ma sœur fut
jeannette). Mon frère très habile fabrique des maquettes d’avions magnifiques : des avions DC4, « les
forteresses volantes US », des Stukas avions chasseurs allemands, des spitfire, des jeeps aussi que
je revends à des copains. Mon frère me donne 10% du prix de la vente. Il a suivi à St Fer les cours
jusqu’au brevet élémentaire, on y apprenait le travail du bois et du fer, moi avec le BEPC je n’ai pas
eu cette chance.

En octobre 1944, je retourne faire une 6 ième à l'école catholique St Roch, rue St Roch où je reste
jusqu'en 3 ième. Mon frère qui a décidé de reprendre ses études fait une 3 ième là aussi pour obtenir
le BEPC- puis il fera une école d’ingénieur automobile-aéronautique. Il avait fait un C.A.P de fraiseur-
tourneur rue Vercingétorix. Le Directeur Mr Valour est un peu fou, éthéromane dit-on, il parle patois
picard et chante «mon p’tit kinkin» Nous en rang dans la cour il nous harangue tous les jours du haut
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de son balcon avec des proverbes pour nous exhorter à faire des efforts : Les carottes sont
cuites...C'est le sprint final, il faut partir à point...tandis que sa petite fille de 2 ans nous arrose la tête
depuis la terrasse. Valour a aussi décidé d’instituer un cours d’éducation sexuelle- un précurseur-, il
demande l’avis aux parents, les miens s’empressent d’approuver trop heureux de se décharger de
ce problème délicat .Valour entreprend en classe de 4 ième de nous parler des relations précoces,
des risques de grossesse des adolescentes et de l’ignominie de les délaisser ou de les condamner.
Le prof d'anglais Karl est terrible et nous assène des coups de règle : on glousse en récitant :Where
are you going to, my pretty maid?, I am going to the milking, what is
your fortune ? my face (fesse) is my fortune, so I won’t marry you,
nobody asked you sir she said. On glousse encore en littérature en
récitant…plus le désir s’accroît, plus l’effet se recule (les fesses
encore). Un autre prof Guillot nous assène d'énormes gifles à tout
propos, Le prof de math s’appelle Périlleux alors dans son dos
certains élèves crient narquois ‘Sot (saut) périlleux’, furieux excédé,
il donne une gifle violente à un camarade un peu hémophile…

Blason de la comtesse de Verchère, notre voisine : vaisselle et très belle argenterie


armoriées

qui se met à saigner abondamment du nez, et essore son mouchoir plein de sang, alors le directeur
Valour nous explique qu'il s'agit d'une sainte colère, Ah les catho ! Nous assistons à des messes bien
ennuyeuses à St Roch et suivons le jeudi matin des cours de sténo (Duployé et Prévost-Delaunais,
les 2 méthodes !) et de catéchisme. A une tombola de fin d’année à St Roch: je gagne le gros lot: une
TSF câblée par Valour. Les cours de chant sont incroyables. Le prof essaie de nous inculquer le
solfège accompagné d’un harmonium portatif et rituellement en fin de cours nous entonnons en
gueulant et en enchaînant : Gloire immortelle de nos aïeux, de bon matin j’ai rencontré le train, avec
la garde montante, mourir pour la patrie, allons enfants de la
patrie…le prof résigné et bon enfant nous accompagne de son
harmonium. Le prof de dessin fréquente les beaux-arts, alors
devant mes dessins décevants je lui dis : moi c’est les laids-arts. Il
nous apprend à faire des reflets de châteaux sur une étendue d’eau
et l’art de la perspective avec les lignes de
fuite, je découvre le nombre d’or. En 4 ième
comme je suis en retard de 2 ans, j'essaie de
passer mon brevet mais je ne l'aurais que
l'année après. Je contracte la coqueluche et tousse comme un fou –le chant du
coq- dans le métro (Argentine-Tuileries) où j'ai dû contaminer pas mal de monde.
Mes parents ne supportaient pas que l’on puisse manquer l’école. La bouche de
métro de la station Argentine ex-
Obligado où je passais 4 fois par jour
côtoie une pissotière malodorante, très fréquentée, le
rendez-vous habituel des homosexuels que les flics
pourchassent et embarquent de temps en temps. Je serai
41

plusieurs fois dans le métro sollicité pour signer l’appel de Stockholm contre les armes nucléaires par
des communistes, je refuse, ils m’agressent : tu es l’ennemi de la paix alors. Je monte toujours dans
la première rame motrice où le conducteur, étoiles et deux éclairs sur la casquette use de tout son art
pour arrêter la rame au mètre près dans les stations. Aux extrémités des quais un poinçonneur
poinçonne les tickets laissant parfois attaché au ticket un confetti rond que l’on fait un malin plaisir par
jeu de remettre dans le trou pour utiliser frauduleusement le ticket une seconde fois. Aux extrémité
des quais il y a de lourds portillons automatiques muni d’un boudin en caoutchouc qui se ferment à
l’arrivée des rames dans les stations et dans lesquels des provinciaux peu avertis voulant passer
pendant la fermeture se trouvent coincés par le torse où par une valise : On appelle par dérision ces
portillons « la machine à refouler les croquants ». La rame de métro comprend 5 wagons, celui du
centre est rouge la première classe aux sièges en cuir. A minuit des employés emportent de lourdes
mallettes blindées en acier contenant la recette des stations

Je fais en 1948 à l'école St Roch un discours de remerciement en anglais- je suis le moins mauvais
du fait de mes cours privés- à un général américain qui est le délégué de l'aide alimentaire US (plan
Marshall), et a apporté de grands sacs de farine J’aurais bien aimé le retrouver lui et le texte. Ma prof
privée d’anglais était une vieille fille catho très fière d’avoir appris l’anglais à l’empereur Bao Daï. A la
libération à côté de l’église St Roch sera installé un hôpital de secours et faute d’électricité ce sont
des dynamos de vélo qui donnent le courant d’éclairage en pédalant. Curieusement ce quartier était
encore fournie en courant continu, l’adaptation électrique de l’appareil de projection de films que nous
passe Valour est kafkaïen et prend des heures.
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Mes copains d’école à St Roch: Claude Chaponnais qui fera une carrière à L'ORTF comme
ingénieur du son, je le retrouve en 1952 à Chaptal et il me dit alors que je m’inscris en prépa : il ne
faut pas péter plus haut que son cul ! Cela n'encourage pas. Karl fils d'un « loueur de diables » aux
halles, tout fier il nous raconte sa visite au cabaret –le ciel et l’enfer – boulevard de Clichy: Des
diables invitent les filles et leur disent: entrez, entrez, vous en sortirez toutes en saintes (enceintes).
Bonnet, le crâne chauve : Il a perdu tous ses cheveux suite à une grosse frayeur, lors d’un
bombardement. Bernard
Larinier
dont le
père
fabrique
des postes
de radios,
Nicolet un
blondinet
au visage
de fille qui
jouera le
rôle de la vierge enceinte avec un coussin
dans une scène de représentation
biblique, sarcasmes assurés. Michel que
je retrouve à une réunion d’anciens qui
sera modiste !...et Jean...Salaud
affublé d’un tel nom on ne l’appelle que
par son prénom. Claude Regad, bel
adolescent, sapé comme un
prince, fils d'un marchand de glaces à la
République, très attiré par les
filles, en s’approchant par derrière, il leur
caresse les mollets et les cuisses sous
leurs jupes, avenue de l’Opéra à la
sortie de l’école et provoque leur émoi ,
elles gloussent et gambadent sous les caresses, moi je n’aurais jamais osé. Il fera l’école d’électricité
Violet. Aussi Delplanque qui habite rue Villaret-Joyeuse tout près de chez moi, il avait acheté les
questions du brevet, fraude très à la mode à cette époque. C’est comme cela que j’apprends 5
minutes avant l’épreuve le sujet de géographie: La plaine de Gascogne : quel sujet imbécile, je suis
bien incapable d’un dire un mot… encore aujourd’hui. Le surveillant annonce je vais distribuer le sujet,
avant même, un élève crie du fond de la classe : La plaine de Gascogne, sans que personne ne
s’émeuve des fuites Il y en a dû en avoir pas mal. Récréation au jardin des Tuileries en 1946: on
constitue 2 équipes de foot. Les 2 capitaines choisissent leurs équipiers, à tour de rôle, les meilleurs
d’abord. Comme je suis nul, je suis toujours choisi en dernier, c’est la honte…j’ai horreur du foot !
Sport en salle à St Roch: le gymnaste- théâtre donne sur la rue de la sourdière, au premier étage un
atelier de cousettes, fenêtres ouvertes, en se mettant en tenue de sport un élève argentin un peu
dévergondé leur fait un strip-tease intégral apprécié. Une pièce annexe à ce gymnase : c’est là que le
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directeur range le champagne qu’il sort quand vient l’inspecteur scolaire pour déjeuner, des élèves
trouvent la cachette et se soûlent, un beau scandale. Le gymnase sert aussi les jours de visite
médicale, déshabillage, pesée, examen pulmonaire, dentaire et…testiculaire. Les grèves en 1948 se
multiplient et je rentre souvent des Tuileries jusqu’à l’avenue des Ternes à pied, en remontant les
Champs Elysées, une belle ballade, faute de métro ni d’autobus. Une jeep US de MP (police
militaire) manque à grande vitesse de renverser mon frère avenue de Rivoli à la sortie du cours, mon
frère qui lit couramment beaucoup de littérature US leur crie furieux «dirty dog» ils s’arrêtent,
descendent et le coursent- j’ai appris une injure US à manier avec précaution !

Nenette et Rintintin :En Juin 1947 on fait à la demande de l’école,


rue de Rivoli et aux Tuileries, une collecte dans la rue pour ‘la famille
française’ on a une tirelire et on distribue en échange d’une obole,
des pin’s en laine de Nénette et Rintintin, 2 petits personnages, fille
et garçon qui se tiennent par la main- très en vogue en 14-18- il fait
une chaleur épouvantable, et une soif, alors, c’est moche, je sors
quelques pièces de la tirelire et m’achète une boisson fraîche

Contine : Connaissez-vous Nénette et Rintintin, qui habitent au


Tonkin ? Leur bateau a chaviré, Nénette et Rintintin se sont noyés
dans une barque en papier

On doit aussi vendre des timbres pour la campagne antituberculeuse et que je


n’arrive jamais à placer, mes parents m’en achètent un peu.
Je suis chargé par mes parents en 1945 d’apporter un paquet à ma
marraine qui travaille rue de Prony à la société Timor l’insecticide «là où
Timor passe, l’insecte trépasse»: je me trompe de numéro de rue et me
retrouve dans un hall avec des dames maquillées, assez déshabillées.
C’est un des derniers bordels qui fermeront quelques mois après. Vu
mon âge, elles me reconduisent gentiment, comme je m’étonne de leur
tenue, ma marraine m’expliquera car j'ignore tout de cette activité ! Plus tard ma mère
me racontera une visite dans sa jeunesse d’un de ces établissements avec mon père…
pour y prendre seulement une boisson, le bordel One-two-two je crois, rue de
Provence…cela se faisait par curiosité  me dira-t-elle !

En 1944 Les américains mettent en circulation des billets de banque provisoires en


France, de très médiocre qualité, sans vergogne. Il y
aura bientôt presque autant de faux billets que de
vrais, rapidement remplacés par un billet à l’humour
imprévu ! « La vache fait sa prière ». De 1939 à 45 une
inflation d’un facteur 25 aura réduit à presque rien le montant de
mon livret de caisse d’épargne produit de mes étrennes auquel mes
parents m’interdisaient tout accès pendant la guerre.  En
1948 les restrictions alimentaires perdurent, Le ministre
du ravitaillement s’appelle Goin, les gens défilent en
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criant malicieusement «Du pain…Goin». Les communistes font trembler le pouvoir, font des grèves
et des manifestations gigantesques anti-américaines sur les Champs Elysées, en criant « US go
home «  en jetant des boulons sur les flics avec des frondes, les flics chargent à la matraque et
fouillent les sacs. Mon frère qui fait en 1946 son service dans l’aviation sera rappelé par décret en
1947 à l'armée pour quelques mois vue la situation insurrectionnelle et finira sergent. En 1950 le
BEPC en poche et après examen, je fais une seconde au collège Chaptal, avenue de Villiers : Je ne
me rappelle que du prof de physique-chimie Mr Dévoré dit Dev et plus du tout de mon condisciple
Collinot ni des autres ! A quoi peut être due cette amnésie ? J'essaie de passer mon bac première
partie en seconde, je suis recalé en juillet mais reçu à l’écrit en septembre hélas recalé à l'oral que
de 5 points en candidat libre à cause des oxydes de plomb, encore le plomb …le dernier chapitre du
livre de chimie, que je n’ai pas retenu : L’oxyde puce PbO² me souffle l’examinatrice sans succès.
Quelle déveine. Pour m’être présenté en candidat libre, un an d’avance, le censeur de Chaptal,
Decotignie m’exclut, est-ce bête, alors je fais en sautant la première, en 1950 une classe de math
élem à l'école St Sulpice rue d'Assas. Mon copain Vanneuville qui fit ensuite l'école coloniale, ce
n’était pas le bon choix avec la décolonisation, me dira quand on fit connaissance : où habites-tu ?, je
lui réponds : les Ternes, terne me dit-il ! Cela te va très bien puis s’excuse, c’était sans doute un peu
vrai. Le camarade Pommier en cours de philo crie sans arrière-pensée « pimpon pimpon » quand on
étudie Lévi-Bruhl dont j’ai tout oublié. Un chanoine nous fait un cours de religions comparées : Le
bouddhisme, le shintoïsme…pour nous convaincre de la supériorité du christianisme. Je passe mon
bac moderne, première partie, puis je fais en 1951 après examen une deuxième classe de math-élem
à Chaptal. Proudhon prof de math nous traite de ‘petits crétins’ et nous menace de finir en H.E.C, le
déshonneur, si on ne travaille pas mieux. Il a un fort accent bourguignon et maugrée  »boudiou de
boudiou » et « boldel de boldel ». Ce fut un prof très compétent que je regrette de ne pas avoir revu.
Avec lui on découvre les coniques, la géométrie descriptive, la trigonométrie et une grande rigueur de
raisonnement… il faut résoudre a.CosX+b.SinX= c. Si on oublie de dire «  a différent de zéro »,
Proudhon fait une colère ! Au Lycée Proudhon avait coutume de dire "Le bon sens étant la chose la
mieux partagée au monde, il n'en reste, que fort peu pour chacun".

On est tenu de suivre un cours de seconde langue, je choisis l’italien : Un vrai plaisir car on peut dès
la première leçon lire et comprendre le texte
presque sans dictionnaire du roman « i
promessi sposi » (promesses d’épousailles) le
roman célèbre de Manzoni. Le jeune moniteur
d’italien, lui nous apprend pour passer le
temps des termes amoureux ou érotiques.
« Ti volio tanto bene, te chiéro, un baccio su
la bocca » Je fais à Pâques 1952 avec mes
parents, une croisière fabuleuse sur le
steamer Champollion décoré à l'égyptienne
avec ascenseur et piscine. Mon Père a fait
vers l’Egypte en 1938 une croisière sur ce
même bateau. Il coulera fin 52 devant
Beyrouth sur des rochers suite à une erreur
45

de repérage de phare par le commandant Bourde ! (un nom prédestiné) 17 morts noyés : ceux qui ont
sauté à l’eau se sont enlisé dans la nappe de la fuite de fioul). De loin il a confondu dans la brume le
phare du port et de l’aéroport de Beyrouth et le flash vert pris pour un blanc. On visite les Baléares, la
fête des pénitents à Séville, Tanger où des marocains nous menacent de leur canne, Majorque,
Rabat, Marrakech (le célèbre hôtel Mamounia et la place Jamaa El Fna aux charmeurs de cobras),
Madère, les Canaries : on grimpe au Teide enneigé. J'y rencontre une jolie Denise Page, elle a 16
ans, fille de riches industriels, soyeux stéphanois du cours Fauriel le quartier chic de St Etienne. Je lui
colle un peu. Elle devient plus tard championne nationale de tennis et hôtesse de l'air. Elle meurt
ainsi que tous les passagers et membres d’équipage dans un terrible accident d'avion d'Air France,
un Boeing qui s'écrase en 1962 à Pointe-à Pitre par orage, absence de guidage ILS et le VOR de
l’aéroport en panne. (ILS et VOR le système d’aide à la navigation) le pilote chevronné très fatigué et
le copilote chargé de la navigation incompétent

Des jouets : Ma sœur reçoit des dinettes et poupées. Mon frère gâté par son riche parrain reçoit petit
une magnifique voiture à pédales puis plus tard un train électrique, une boite de mécano, un atelier de
verrier, des moules à soldat de plombs… Aussi un jeu de course de petits chevaux qui avancent sur
une plaque vibrante commandée par une manivelle. Un autre manège de petits chevaux, on parie sur
l’arrêt d’un des chevaux au poteau d’arrivée qui sonne...Plus modestement je recevrai des soldats
de plomb, des indiens et cow-boys en alu que ma marraine pas du tout anglophone appelle « cove-
bois » et de mon parrain m’offre un jeu de stratégie le tac-ty, un superbe Kriegspill : 2 armées de
files de pions s’affrontent et tentent de couper les files adverses pour les capturer : on peut investir
les villes, organiser des débarquements, franchir les rivières… Lorsque mon frère perd, il balaie tout
le jeu d’un revers de main !, Autre cadeaux : un damier, un char d’assaut qui, les engrenages du
ressort hors d’usage, fonce à une vitesse incroyable en crachant des étincelles du canon. Aussi un
magnifique livre « les amusements de la science » de mon père : on peut y apprendre à faire des
pliages, des ombres chinoises, des tours de magie, des feux d’artifices, à faire un volcan qui fume et
entre en éruption fait de terre glaise de limaille de fer et de soufre, et tant d’autres choses, source de
ma vocation de chimiste

Mais on invente aussi des jeux : Une planche à dessin


posée sur 4
patins à
roulettes, un
conducteur assis
dessus et
poussée par un
autre dans le
couloir de
l’appartement :
Des chutes brutales un bruit infernal, les voisins
grognent. Mon cousin Maurice invente le lâché de fléchettes à pointe d’acier en tourbillonnant :
résultat : une fléchette plantée dans le lobe de mon oreille, la fléchette pendouille du lobe et ça saigne
abondement. On ferme les volets de la chambre et on dispose toutes sortes d’obstacles, on doit
progresser les yeux bandés dans le noir, cela ne va pas sans quelques ornions, chutes, dégâts et
colère paternelle. Depuis le troisième étage on envoie des dizaines d’avions en papier décorés de
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cocardes que l’on fait planer le plus loin possible. Traditionnellement je reçois un magnifique œuf ou
cloche en chocolat noir Jacquin pour Pâques de mon parrain. Je reçois aussi une tente d’indiens dont
le montage n’est pas trop facile, on peut s’y tenir à 2 ou 3, mon frère et cousins s’y cachent pour
diverses expériences et lectures que l’on peut imaginer, ma sœur et moi en somment exclus, trop
jeunes.

Aussi les anciens jeux anglais de mon père : une superbe construction de maison en bois, une autre,
en briques pour construire des palais selon modèles, un
petit meunier qui monte des sacs de farine et surtout
une boite de magicien extraordinaire à laquelle 4
générations auront joué, bientôt 5. On a aussi un poste
à galène avec de gros écouteurs et on cherche des
postes d’émission en déplaçant la
pointe de détection posée sur le
cristal de galène, cela ne marche
pas si mal sans courant ni pile.
On fait aussi naviguer un petit bateau à vapeur avec une petite chaudière
chauffé au méta, un alcool solide, appelé pop pop steamerboat vu le bruit
produit par la vapeur et aussi un autre bateau alimenté d’un morceau de camphre

Des commerçants offrent aux enfants de petites images animées : 2 bandes coulissantes
horizontalement l’une striée verticalement de barres noires et transparentes alternativement la
seconde placée derrière portant une locomotive. En tirant sur cette bande on a l’illusion du
mouvement, de la rotation des roues et de la fumée s’échappant de la cheminée

En 1946 pour ses 20 ans mes parents offrent à mon frère, c’était son souhait, une énorme chevalière
en or de plus de 50 g à ses initiales, pas vraiment à mon goût. Elle lui sera volée aux Indes bien plus
tard de nuit à côté de son lit avec l’appareil photo Leica de mon père. Il avait bien des mangoustes
domestiquées pour le protéger des nombreux cobras mais rien prévu
contre les voleurs furtifs. A l’occasion de cet anniversaire mes
parents nous emmènent aux folies-bergères, j’ai 14 ans et je suis en
culottes courtes : la honte !. Je n’en ai pas gardé un souvenir
émerveillé. J’aurais comme petit dernier beaucoup de mal, un an
après à obtenir de ma mère des pantalons longs zippés. Mon frère
part au service militaire à Creil en 1946, dans un corps d’aviation :
Uniforme bleu troué, nourriture misérable : du chocolat plein de vers, il passe facilement son permis
de conduire militaire et il conduit un gros véhicule de pompiers jusqu’à Marseille… après avoir
échoué au permis civil : individu dangereux avait noté en rouge l’inspecteur terrifié par la vitesse !
Plus tard il passera entre autres fantaisies sous un passage à niveaux se fermant, à vive allure en
cabossant le toit de sa voiture, ma mère est terrifiée ! ça va passer lui dit-il…et ça passe tout juste

Des mœurs La période Gaulliste, après la guerre, est dans le droit


fil du pétainisme quant à la rigidité des mœurs, on peut sans
vergogne exhiber et maltraiter dans les fêtes foraines tous les
monstres possibles, couper des têtes des condamnés, gifler les
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enfants : ma mère parfois excédée nous poursuit dans l’appartement avec un martinet dont on a ôté
toutes les lanières ! Mais pas question de montrer une femme dévêtue ! Les chansons « les jolies
colonies de vacances » de Perret et « le gorille » de Brassens sont interdites d’antenne. Les bordels
sont fermés à l’initiative de Marthe Richard une parlementaire…ancienne prostituée, A cette époque
le JO publie tous les mois les titres croustillants des revues érotiques, interdites à l’affichage des
kiosques à journaux. Les présentatrices TV n’ont pas le droit de montrer ni décolleté ni leurs genoux
sous peine de renvoi mais par contre le cardinal Danielou fréquente les prostituées comme bien
d’autres ecclésiastiques bien que les maisons closes officielles viennent d’être fermées, Il fera chez
l’une d’elles, Mimi, un arrêt cardiaque mortel, on le rhabilla en vitesse et on déclarera qu’il était en
visite de charité, quelle hypocrisie. Une boutique d’objet de culte place St Sulpice cache en arrière-
boutique un de ces bordels clandestins fréquentés par les prêtres. Le Président de la chambre Le
Troquer, lui, organisera des « ballets roses » de petites filles, 12 ans et plus, très dévêtues et
fouettées, il ne sera pas beaucoup sanctionné, car c’était un héros de 14-18  et il a accompagné de
Gaulle à sa droite lors de la descente des Champs-Elysées en 44, celui-ci dira de Le Troquer à
l’époque du procès : « je n’aime pas les youpins « ce n’est pas vraiment à la hauteur du personnage !
Le Troquer dira amer : Après tout ce que j’ai fait pour lui ! Pas encore de Crif  ! . De Gaulle n’avait pas
sa langue dans sa poche appelait Mitterand « l’arsouille ». Le président du Congo l’abbé Fulbert
Youlou se faisait remarquer à l’Elysée en pinçant toute les fesses féminines passant à sa portée.
Jacques Lang, Frédéric Mitterand, Cohn-Bendit et de nombreux prêtres prendront la relève de ces
fantaisies pédophiles, dit-on

Ce sera aussi la fin de l’époque des duels imbéciles : En 1967 Deferre maire de Marseille ayant traité
d’abruti un député d’extrême-droite –témoin JM Le Pen- Deferre prétendit avoir visé l’entre jambe du
député « pour gâcher la nuit de noce » de ce dernier qui devait se marier le lendemain. Aussi en
1958 Le marquis de Cuévas chef de ballet à l’opéra, traité de plagiaire par Serge Liffar le danseur
célèbre, giflé par le marquis, ils se battent à l’épée heureusement sans trop de sang.

En 1946 on passe nos vacances à Trouville où j'apprends à


nager tardivement dans la piscine d'eau de mer glacée. La plage
est encore cernée de mines, les zones minées matérialisées par
des rubans blancs. Mon père est chargé par le cabinet Ninaud
de vendre par appartements l’hôtel le Trouville-Palace : Le
matériel d’hôtellerie est vendu mais les magnifiques plateaux d’or
massif de la conciergerie disparaissent !   On est logé à l’hôtel, le
temps est épouvantable, froid, des vagues immenses qui
envoient des galets et des paquets de mer par-dessus la jetée,
un vent d’ouragan : Une nuit, une femme qui a acheté là un appartement se précipite dehors en
chemise de nuit en hurlant car l’ouragan a arraché sa fenêtre et l’encadrement qui s’abat dans la
chambre. Il faut dire que l’hôtel est resté sans entretien pendant toute la guerre, les fenêtres murées.

L’ Alsace et la Moselle : Dabo et le Saint Léon


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Nous allons en vacances en Moselle l’été 1947 à Dabo, Dasbourg lit-on encore sur les panneaux
germaniques, où l’on rencontre à l’hôtel Bour, Maître Fleuriot l’avocat célèbre défenseur du docteur
Petiot, d’Abetz, des J3… grandiloquent, bottes et chapeau à plume, cartouchière… il vient là pour
chasser le coq de bruyère encore abondant que l’on entend chanter. Les cloches du village à toute
volée nous réveillent à 6 heures puis c’est le bruit strident de la saboterie… Dans la cour de l’hôtel
une grande maquette de l’ancien château remplacé par la chapelle St Léon sur le rocher. La forêt est
encore couverte de tracts américains garantissant l’immunité aux soldats allemands qui veulent se
rendent, signés par Eisenhower. Pas inutile quand on sait les exactions de part et d’autres. A noter
sur le tract le blason US et Britannique et l’absence de l’insigne RF français et pourtant la 2 DB
(division blindée) n’est pas loin ! Cela laisse songeur quant au
mépris des alliés pour les troupes françaises !

On va en vacances à St Quirin, un village de Moselle été 1948,


un voyage en traction Citroën, avec Mr Gentel le directeur de la
cimenterie d’Heming près de Sarrebourg (Les ciments Portland
de Lorraine). La N4 est encore complètement défoncée, les
ponts coupés remplacés par des passerelles
métalliques made in USA. Le français est un peu
oublié en Alsace-Lorraine : un passant nous
demande à Strasbourg : Bitte wo ist der banhof
(la gare). Le chauffeur qui a oublié le mot abeille
nous demande le nom de la « bedite pête » qui
fait du miel. Le soir comme il y a encore des
restrictions alimentaires, le chauffeur roule plein
phares, éblouit les lièvres et essaie de les heurter avec une roue
en faisant une embardée. Les voitures, denrée rare, sont
attribuées avec parcimonie et on peut avec le prix d’une voiture d’occasion très rare en acheter une
neuve- bien sur si on a droit à un bon d’achat -

Je vais à l’été 49 et 50 à Brighton chez Léon et Leila Debretagne des amis d’origine belge et leurs 3
enfants Dorothée épouse d’Eric un assureur, Marie épouse de Fred un boucher et Yvonne- une
débile, je l’accompagne un jour elle trébuche et fait quelques mètres à 4 pattes dans la rue, hilarité
générale, la honte- puis je vais dans une famille les Carrolls à Worthing (Sussex) .4 traversées
Dieppe-Newhaven, 3 fois malade, la dernière un vent latéral violent, le bateau gîte aux redressements
de barre, une partie des bagages de pont tombent à la mer et un passager se fracasse la tête sur le
bastingage. Je mange mal, mais je goûte au Brighton rock un rouleau de sucre et à la viande de
baleine pas chère et j’avale beaucoup de concombres, tomates vertes du jardin… et de matchs
durant la «semaine du cricket» un calvaire ! «Heureusement», mon correspondant anglais Richard
prend dès le second jour, une balle de cricket à la tempe, ce qui nous dispensera des matchs restant,
quel soulagement. Dieu que ce jeu est bête et ennuyeux.

Je fais en 1951 avec mes parents un voyage, très secoué, jusqu'à


Naples, l’avion à hélices volant à 5000 mètres à l’époque depuis
Orly au-dessus des Alpes dans les turbulences. Les italiennes font
le signe de croix, la plupart des passagers vomissent. On visite
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Naples, le Vésuve, Capri, Herculanum, les solfatares, Pompéi où je ramasse par terre un joli morceau
de fresques romaines polychromes bimillénaires. J’ai un peu honte, mais je l’ai gardé. Le gardien
des ruines, contre un pourboire, ouvre les petits volets articulés en bois qui recouvrent pudiquement
les fresques murales érotiques des bordels de Pompéi

L’Italie du sud  est misérable après la guerre: A Naples, Les cigarettes se vendent à l'unité, la farine à
la louche, sur une toile dans la rue à même le sol ! On y vend même des mégots. Un manège
d’enfants: 2 poutres en croix sur un axe, qu’un homme pousse tristement à la main, sans musique.
On fait aussi une croisière dite des volcans : Les iles Lipari : le Stronbilichio, Vulcano, au cratère
couvert de soufre dans lequel on descend, le Vésuve, l'Etna, Le Stromboli : un spectacle splendide,
de nuit, une éruption tous les ¼ d’heure, un rêve mais il faut pour arriver au sommet, grimper assez
raide pendant 2 ½ heure dans la cendre. Un petit nain assez laid et pied bot décide de monter aussi
malgré son handicap et pendant toute la montée s’accroche à ma ceinture, on me félicite de mon
dévouement ( ?) mais j’aurais préféré une compagnie plus agréable et à défaut pendant toutes cette
croisière une instit mademoiselle Brun célibataire et « cougar » me collera, elle a bien vingt ans de
plus que moi.

Un voyage en Espagne aussi jusqu’à Barcelone puis Madrid, logés au grandiose palais de l’Escurial
on y croisera Michel de Roumanie jeune roi exilé puis Grenade, Cordou, Séville…

En 1952 bac enfin en poche, on passe nos vacances à Cayeux


près du Tréport où habite ma grand-tante Marie Chartier sur la
falaise, la seule fois où je la vois, veuve de Justin Landry,
constructeur automobile malheureux, car la Landry est la voiture à
avoir connu le premier accident mortel mondial en course, au lieu-
dit du saut du chevalier à la sortie de Périgueux en 1898: Le
marquis de Montaignac qui finance et préside la compagnie
Landry-Beyroux pilote une des voitures, il avait voulu saluer un
concurrent en le dépassant et avait lâché imprudemment le volant
de sa Landry, il heurte un arbre et se tue. Marie Chartier, Jeune,
un peu coquine reçoit au lit avec son mari, S. Meker une cousine
lesbienne ( ?) et lui propose de partager leur couche. Refus
indigné raconte celle-ci. C‘était une vielle dame distraite, quand je
l’ai rencontré elle nous sert un café au goût bizarre: au fond de la
cafetière, une souris morte ! Nous faisons à Cayeux la
connaissance du directeur des aciéries de Knutange les Petitfrère
dont la fille aura une chambre chez nous pour suivre polytechnique féminine à Paris, et aussi les
Chantagut lui condisciple de mon père sont là aussi. Il fait un froid de chien, il pleut, on s’ennuie,
impossible de se baigner…

Charline à la plage et les cabines de la plage à Cayeux


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Alors je joue au tennis avec Monique sa fille et avec lui aux dames, il me bat régulièrement et ravi il
m’offrira son bel échiquier en cuir, bois d’ébène et citronnier : Il est en manque de garçon, il a 3 filles.
Il est ultra catholique, sa fille ainée Suzon (+) aura 10 enfants et se convertira au protestantisme ! Sa
fille cadette A-Marie sera nonne-infirmière et sa dernière Monique avec laquelle, jeune, je partageais
mes jeux suivra l’école de dance Janine Solane et épousera ensuite un algérien qui devra se convertir
mais elle, abandonnera la danse. Un drame familial: qu’a-t-on fait au bon dieu…pour mériter cela. Je
l'ai retrouvé veuve en 2015 sur internet en maison de retraite à St Médard en Jalles. Il y a à Cayeux,
Charline 13 ans, elle en parait bien plus , fille de l’hôtelier, une beauté précoce, aguicheuse très
sollicitée et surveillée étroitement par ses parents, de beaux yeux lavande qui me dit « est-ce pour
moi que tu as prolongé ton séjour  ? » Une autre, Miss Cayeux élue au casino de Cayeux que je
retrouve, plus tard, au bal annuel de l’école commerciale Trudaine de mon père, à l’hôtel
(inter)continental à Paris.
Mon frère, son diplôme d’ingénieur en poche, nous serine en chantant toute la journée Mathilda, une
scie à la mode et peu après se marie en 1950 à Mathilde Zorzit, 18 ans, fille d’un ébéniste italien du
faubourg St Antoine à peine francophone
après 40 ans de présence en France car
ses ouvriers sont tous italiens, il prononce
‘aoutobousse’ à la place de autobus.
Farouchement de gauche il n’a pas fait
baptiser sa fille, elle le sera donc avant son
mariage religieux, je serai son parrain.
Pierre a rencontré Mathilde à 13 ans avec son futur beau-père qui font voler des maquettes d'avion
motorisées en balsa sur des terrains d’aviation. Ma mère le matin du jour du mariage, encore
ensommeillée, ouvre le gaz du four, oublie de l’allumer puis allume un bruleur, d’où une forte
explosion, ma mère se retrouve projetée assise sans sourcils et les cheveux et le front brulés. Mon
père paie en râlant un coûteux droit de reprise de location pour que le couple puisse emménager
dans un immeuble de la fondation Rothschild, rue Championnet. Les précédents locataires, des
italiens élevaient des poules dans la baignoire, de ce fait, quelle crasse, Je refais le circuit électrique
et l’on repeint mon frère et moi l’appart mais il reste des puces et ça pique ! Mariage avec réception à
l'hôtel du grand-Veneur à Rambouillet en présence de Mr Michal patron de mon père chez de Wendel
et Mr Ninaud parrain de mon frère et ex-patron de mon père, qui feront au retour de la réception, un
peu éméchés, la course sur l'autoroute de l'ouest (Hotchkiss contre Delahaye à 140 kms/h) la seule
autoroute à l’époque, c’est la A10 aujourd’hui.

On passe en 1950 ou 1952 la visite médicale au lycée Chaptal tous nus devant un médecin scolaire
et une jeune infirmière souriante, assise à un bureau, visiblement intéressée par notre physique: Le
médecin nous demande de nous coucher sur le dos les jambes repliées, en position fœtus ! En 1950
au conseil de révision à la caserne de Reuilly, on y est encore tous nus à la queue leu-leu ! L’adjudant
donne un coup de règle sur le sexe de ceux qui sont en érection. Je suis déclaré « Bon pour le
service ». . En 1945 la France mènera pendant 8 ans la guerre en Indochine qui se termine par le
désastre de Dien Bien Phu. Je suivais avec passion sur les cartes du Figaro la progression puis le
repli et le massacre des troupes sur la route militaire RC 4 autour de Lao Kaï et Lang Son vers la
51

frontière chinoise où mon grand-père alsacien Séverin Werlin né allemand en 1872 à Lutterbach,
engagé 5 ans dans la légion étrangère à 18 ans pour recouvrer la nationalité française faisait déjà en
1892 le coup de feu contre les féroces « pavillons noirs » au Tonkin. Il reviendra avec la médaille
coloniale… et la nationalité française en 1897. « Dura lex » pour les pauvres alsaciens ! Je suivrai
ensuite sur plan avec de petits drapeaux les batailles difficiles en Corée 50-53, cent mille
américains et alliés et un ou deux millions de coréens et chinois y seront tués.
Le sport à Chaptal : course de 50 ou 100 m sur la terrasse du lycée, il y a intérêt à freiner en fin de
course ! Sport aussi au stade de Colombes une fois par semaine : départ de la gare Saint Lazare,
descente à la gare de Colombes et à pied, 20 mn jusqu’au stade : il n’y a de ballons que de ceux qui
en apporte ! D’ailleurs, vu la distance à la gare à peine arrivés c’est déjà l’heure du retour ! Je resterai
toujours incapable de faire un mille mètres dans un temps convenable, je tousse au bout de 100 m

Période 1951-1961

En 1951 en allant voir la fête foraine du Boulevard Clichy je montais jusqu’au bal du moulin de la
galette très populaire en plein air, il y avait encore le moulin, une folle ambiance…mais je n’y entre
pas je ne sais pas encore danser !
Après la guerre, je lis dans le Figaro avec mon père, les chroniques en première page de Germantes,
François Mauriac, d’André Billy, Georges Duhamel, Daninos, souvent émaillées de
citations latines, que je ne comprends pas, c’est énervant. Je lis aussi un peu le Daily
Mail quotidien anglais avec les cartoons de Flook et de Blondie. Je suis la célèbre
affaire des J3 raconté dans un livre d’André Billy, c’est l’assassinat d’un adolescent
mythomane: Alain Guyader, il se prétend agent secret et exhibe un pistolet, des
liasses de (faux) dollars, se vante de sa prétendue maîtresse et son enfant qui
logent au Crillon: Ses copains Panconi et Petit le trucident croyant acquérir une
fortune, se greffe dessus une histoire de rivalité amoureuse pour une Nicole perverse
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mais vierge. L’un des protagonistes est fils d’un inspecteur de police. L’assassin se verra proposer
après quelques mois une alternative à la prison: un engagement dans les paras en Indochine. Je lis
aussi la revue des deux mondes: c’est là que je découvre un article sur les secrets de la fission
nucléaire et ma vocation Je lis aussi la revue « les œuvres libres » …. 1948 c’est l’affaire Petiot le
médecin qui assassine une trentaine de juifs et de truands à qui il promet une fuite en Argentine. Il
avait son hôtel particulier lieu de ses crimes, rue Lesueur pas loin de l’avenue des Ternes. C’est
Floriot l’avocat célèbre qui essayera de sauver sa tête

Flook le petit ours (Auteur Trog)

Je lis presque tous les Rougon-Macquard de Zola


pendant un été, un peu des contes de Balzac, les
misérables de Hugo, livres relié grand format de mes
grands- parents, Les beaux Jules Vernes illustrés par
Herzel et du Proust, à l’ombre des jeunes filles en fleurs,
qui me rase, pardon à ce grand auteur ! Les anglais
humoristes dissertent beaucoup sur la race exacte de
Flook dans le courrier des lecteurs du daily mail : ours ou cochon ? Cette BD de Trog sera interdite à
force d’attaques féroces contre Mme Thatcher premier ministre, dans ce journal conservateur après
10.000 parutions

BLONDIE

Je passe en juillet 1952 mon bac mathématique sans problème car j’ai redoublé cette classe en
sautant la première: La seule fois où j’aurai une bonne note en dissertation, sujet : L’Emile de
Rousseau.
Lors de l’épreuve orale du bac, une vieille toupie me torture pour connaitre la production annuel
d’acier de l’URSS, moi cancre géographique émérite je ne savais même pas que l’URSS produisait
de l’acier, je réponds par une habile pirouette : Madame ce qui est important c’est la proportion de la
production de l’URSS par rapport à la production mondiale, je pensais naïvement qu’on allait changer
de sujet, mais elle insiste : alors cette proportion ? Évidemment je n’en savais rien, ça m’a couté une
mention…mais la nuit précédente de l’oral je rêve qu’on m’interroge sur la fonction glycogénique du
foie, une question de chimie en somme, que je connais par cœur…c’est cette question que je tirerai
au sort…pas de mention mais je sauve mon bac
53

En octobre 1952 je rentre en préparation de l’école nationale supérieure d'ingénieurs de Physique-


Chimie–dit PC- à Chaptal, programme niveau math-sup-math-spéciale, très copieux.
Malheureusement je contracte une hépatite sévère peut être due à l'habitude de sucer en classe des
sucettes au caramel pierrot-gourmand, approvisionné par le bizut-sucette et que l'on se passe de
bouche en bouche. Je fais du judo – activité vite arrêtée, je ne dépasse pas la ceinture blanche, à
cause d’une fêlure de la clavicule- Le moniteur est un ex champion d’Europe R. Godet ! Puis je fais du
culturisme aussi au gymnase des magasins-réunis (aujourd'hui la FNAC av des Ternes) avec le
moniteur Poujol ex champion de France de culturisme: Des séances d’enfer, un excellent prof. Il nous
appelle « les foutriquets » mais grâce à lui je grimpe à la seule force des bras à la corde comme un
singe après quelques mois. Je soulève une barre de 80 kgs à l’épaulé et je fais la croix de fer aux
anneaux ! Une revanche après les quolibets méprisants du prof d’éducation physique de Chaptal en
seconde : Paysan me disait-il, car j’étais incapable de monter à une corde. Souvenir de cet imbécile
de prof de gym adepte du plateau Lambert: on circule dans le gymnase en colonne puis en ligne en
faisant des mouvements respiratoires: passionnant
On est bizutés à Verrières le buisson à la batterie de Gâtines, ruines des « fortifs », les fortifications
de 1870 munis de canons. Le bizutage : Descente au bout d’une corde dans les souterrains
marécageux et « dégustation » les yeux bandés d’un mélange de dentifrice et d’huitres. La promotion,
la 72 ième s'appelle Hf 72 (Hafnium). Je découvre tout un vocabulaire étudiant: Un chameau c'est une
fille- à cause des rondeurs- Un bizuth récal celui qui résiste aux brimades: Au bizutage le « bural »,
les anciens, me demande pourquoi la promo s’appelle HF alors à tout hasard je réponds : promotion
mixte Hommes Femmes et je serai baptisé Bizut-obsédé. On porte un calot avec toute sorte de pins,
objets de chimistes en métal: cornues, éprouvettes, béchers, monogrammes PC, Hf, 72…J’ai
presque tout oublié de ce vocabulaire étudiant. Trois cousins Meker- dont Georges
qui invente et fait breveter au plan international vers 1900 le bruleur Meker- une
astucieuse amélioration du bruleur à gaz Bunsen, car à la flamme nettement plus
chaude- entreront par le passé à PC cette école prestigieuse, pas moi hélas, j’en
enrage encore car admis, j’aurais sans doute orienté ma carrière bien autrement. Je
me rappelle une anecdote à propos de Dévoré le prof de physique chimie: Il avait
décidé de nous faire préparer du nitrotoluène: on mélange acide sulfurique acide
nitrique et toluène dans un bécher plongé dans de la glace: il faut refroidir
vigoureusement car c’est un mélange explosif si la température monte trop, moi j’étais émerveillé par
la belle couleur jaune du mélange et j'oubliais de tourner la spatule pour refroidir et ça a commencé à
bouillir d’où une grosse frayeur du prof. On fera aussi des expériences de physique : le frein de Prony
qui sert à calculer l’équivalent travail-chaleur : Une calorie = 4,18 joules, le pendule, les cordes
vibrantes et quelques préparations chimiques. J’emporterai dans mon cartables, dans des flacons,
des échantillons des produits chimiques : acides, bases, sels divers et je continuerai chez moi de
‘fabuleuses expériences’

Une histoire de brigands

Mon père m’invite pour diner en 1952 au restaurant de la tour Eiffel pour fêter les
succès de Alain comte de Villégas, un belge un peu flambeur et charmeur- il empreinte
régulièrement de l’argent à mon père pour finir le mois- Il a été engagé chez les de
Wendel, c’est un ingénieur chimiste, génial inventeur d’un béton allégé, peu coûteux et
léger comme du bois blanc, grâce à l’injection de bulles d’air dans le béton.
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Le château de Rieviren Villegas à droite en blouse blanche

Ce soir-là il est accompagné de sa


très belle, très jeune et dispendieuse
maîtresse-secrétaire Mlle de Wind.
Mon père et lui viennent d’aller en
Israël en avion comète, négocier une
licence pour la construction en béton
allégé des maisons de nouveaux
kibboutz. Un beau succès. Alain fait sauter en l’air à table
dans ses mains une grosse brique de ce béton ultra-léger.
On retrouvera dans les années 75, Mr de Villegas complice du principal escroc de l’affaire des
avions renifleurs de pétrole, une gigantesque escroquerie de 1 milliard de frs aux dépends de ELF.
Avec une carte et un appareil électronique ils prétendant en
survolant, identifier des nappes de pétrole. De Villegas achètera
même, avec son complice, un Boeing 707 pour prospection du
pétrole. Il fera restaurer pour une fortune, grâce à cette opération,
son château belge de Rivieren, puis l’affaire dévoilée, il
remboursera, un peu, et disparaitra ruiné, retiré en Amérique du
sud dans un couvent. Chimiste mais n’étant pas féru
d’électronique, il est probable que De Villegas ait été aussi
victime et caution du principal responsable de l’escroquerie, un
électronicien italien. C’est le célèbre physicien Horowitz qui
découvrira la supercherie. Les fonds restitués furent détournés
pour soutenir la campagne de Chirac. Les 2 enfants Villegas Anita
et Tanguy mènent en 2014 grand train en Belgique

Blason des Villegas, famille d’origine espagnole

A propos de restaurant..je fais à cette époque une poussée de


fièvre socialiste et je refuse d’accompagner mes parents qui invités par le patron de mon père vont
diner au prestigieux restaurant « à la  tour d’argent » sur les quais et manger un canard aux oranges,
numéroté et hors de prix, la spécialité, est-ce bête de refuser ça
55

Le Lycée Chaptal

La seconde à Chaptal en 1950-51 photo retrouvée miraculeusement sur internet, moi mal fagoté, en
pull, septième de la rangée
du haut à partir de la
gauche, Collinot, bien plus
élégant, premier à gauche
de la rangée en dessous,
Zeller au-dessus en blouse
blanche, le professeur de
chimie Roussel, Comment
ai-je pu oublier nom et
visage de tous ces
camarades? Moi qui étais
dans les premiers à St
Roch, à Chaptal en
seconde, je rame ! En
géographie dans une
copie j’écris pour montrer
ma science « des bœufs à
l’embouche » alors le prof
qui ne m’aime pas trop
prétend que j’ai écrits « bœufs à l’embauche » rire général, l’humiliation ! Je lui en veux encore

Classe de Math Elem en 1950-51 à St Sulpice rue d’Assas. (Je n’ai jamais fait de première)

Pas de photo de classe, j'en cherche une. J’ai gardé un bon souvenir de cette classe. Un petit
chanoine, calotte noire et soutane, nous fait un cours de religions comparées et je me rappelle du
brillant prof de math ce qui me permettra d’aborder ma seconde classe de math-élem l’année
suivante à Chaptal avec un solide bagage. A l’issue de cette classe je passerai sans problème mais
sans mention la première partie du Bac que je prépare seul.

Classe de Math-Elem 1951-52 à Chaptal:

Je suis le quatrième à partir de la gauche,


toujours mal fagoté, toujours en pull, au-
dessus, à gauche du prof d’histoire-géo
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agrégé Vincent, je me suis bien ennuyé à ses cours magistraux, aussi le souvenir du prof de philo
socialo Simon, mais j’ai adoré les cours de math. Quant aux camarades, tous oubliés ! A part moi,
pas de candidat pour la classe de prépa Physique-chimie,  j’y suis admis sans problème car je ne
rame plus en redoublant. A l’issue j’obtiens le Bac sans problème et sans mention !

La promotion 1952-53 (Hf 72) de la prépa PC (Physique-Chimie) une classe de 61 élèves à


Chaptal et le prof de math Plomion brillantissime, moi en canadienne, 9 ième de la rangée du haut à
partir de la gauche. A ma gauche Rostas, à ma droite Zeller. Au-dessus à droite de Plomion, la belle
Joëlle en manteau noir. Je rame encore plus qu’en seconde. Souvenir du prof de physique-chimie Mr
Dévoré dit ‘Dev’ et de son cours très fourni et de Mr Le Corre.

Bizutage à la batterie des Gatines à Verrières le Buisson (Joëlle n’est pas venue !) mais
les « boudins » sont là, moi aussi à coté de Levy et sous un des jumeaux Guillot)
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Une photo de la classe de prépa (1952-53) et du bizutage au bois de Verrières le


buisson devant la batterie des Gâtines- ruines des fortifications de 1870- C'est la
première classe mixte pour moi. Les 13 filles de la prépa sont assez moches mais
brillantes, elles intégreront toutes l’école de physique-chimie !! Une revanche de la
science sur la beauté…sauf la belle Joëlle Lallite qui a pourtant déjà réussi MPC et
Maths Générales en fac, Elle est en manteau noir sur la photo de la classe de prépa.
Elle se sauve, effarée, lorsque je lui propose à brûle pourpoint, un jour, devant
Chaptal, à la sortie du cours de l’emmener au théâtre voir une pièce d’Anouilh. Un premier râteau
mémorable ! Pourtant je n’étais pas si mal ! Plus tard, elle sera médaillée de bronze 1968 du CNRS
(photophysique à Orsay) elle épousera le très élégant François Rostas lui aussi sur la photo à côté
de moi et que je retrouve ingénieur bien des années plus tard à CGE à Marcoussis. Autres
camarades: Les jumeaux J-Pierre et J-Paul Guillot communistes notoires et indiscernables. Le prof de
math Plomion disait assez maniéré devant une équation difficile : ça s’arrange, svp, UN Guillot au
tableau, faute de les distinguer. Il couvait du regard la belle Joëlle dont il vantait en classe la coiffure
et la faisait rougir. Aussi Fleury très 16 ième, Kahn qui fera l’école de chimie de Paris, Jon qui fera
l'école de chimie de Lille...Rostas qui entrera à PC

Je ne suis en juillet 53 ni reçu à Physique-Chimie de Paris, ni Chimie de Paris ni en Fac à MPC. A


chaque concours 40 élus pour 400 candidats. Mon hépatite y est pour quelque chose, car j’ai manqué
6 semaines de cours ; En septembre 1953 je présente 2 concours : L’école d’hydraulique et
Electrotechnique de Grenoble et l’école nationale d’ingénieurs de chimie de Strasbourg ENSCS,
plus accessibles que PC, après avoir travaillé dur tout l'été. L'écrit est à Paris, on est surveillé par des
gardes mobiles, je suis reçu à l’école de Grenoble mais seulement en section hydraulique et à
Strasbourg cinquième sur 200 à l’écrit et douzième sur 30 reçu à l'oral qui se passe à Strasbourg, rue
Goethe, ville que je découvre maussade dans la brouillasse à 5 heures du matin glacé après une nuit
blanche dans le train -8 heures de trajet- à réviser les travaux pratiques de séparation chimique des
ions que je n’ai jamais pratiqué .Le classement m’a un peu
rassuré sur mes capacités, à force de ramer ! Le concours
me donne une équivalence à MPC (certificat Math-Physique-
Chimie première année de licence) inespérée. Le problème
de physique : l’étude d’une palette suspendue à un fil de
torsion, plongée et freinée dans un liquide et qui oscille. Une
équation linéaire du deuxième degré à intégrer,
Ay’’+By’+C=D la classe ! L’inertie, le couple de torsion du fil
et le couple de friction de la palette !

Photo de la classe de première lettres 1951-52 mon


condisciple Collinot en seconde a opté pour les lettres en
première, nos voies se séparent, le prof de math Prudhon est au milieu du premier rang, l’air
sévère.

Mes copains parisiens A Paris en 1950 j'ai pour copains Yvon Gourlin-Sabard,
( +2018) mon condisciple à St Roch, un peu fumiste,
orphelin, fils unique, émancipé, élevé par sa tante qui habite
Boissy-St-Leger place Charles Louis et Jacques Reynaud
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quai de la Pie à St Maurice le long de la Marne, une superbe villa louée avec jardin donnant sur la
Marne. Il est le sixième enfant, soutien de famille car orphelin de père et exempté de service militaire.
On s'entraîne au dos crawlé à la piscine Ledru-Rollin très javellisée, on nage au milieu d’un nuage de
vapeur, les lampes formant halo, on en sort les yeux rouges, ou bien à la couteuse piscine Molitor
mais dès Pâques on se baigne dans la Marne froide pas encore trop sale, mais il y a beaucoup de
courant, de la vase et des araignées d'eau qui piquent, ou bien on fait du canoé, du vélo, du ping-
pong. Jacques Reynaud a 2 sœurs charmantes : Mado et Cécile qui épousera un exploitant forestier
d'Afrique noire. Ils sont très catho. Yvon fera une licence de psycho à l’institut catholique puis rentrera
dans les assurances, Jacques fera radio (en morse à l’époque) sur un chalutier dans la marine
marchande puis entrera au CEA à Grenoble. Perdus de vue ! J'ai appris à monter à vélo -à 17 ans -
tout seul au bois de Boulogne pour pouvoir retrouver mes copains à Boissy St Léger à 20 kms des
Ternes en passant le soir à la place de la Bastille, la peur au ventre à cause de la circulation démente
et en peinant dans la cote de la porte de Vincennes . Yvon retrouvé en 2016 toujours à Boissy était un
farceur, à la sortie du métro il disait par jeu bonjour à tout le monde, plutôt littéraire, en classe de
sciences naturelle il avait dessiné le tube digestif traversant le foie. Il avait invité 2 hollandaises
maîtrisant encore mal le français et quand elles disaient merci -en hollandais: dank-u il répondait
imperturbable sans rire: la balayette, alors ensuite elles le répétaient naïvement quand on leur disait
merci

En photo : La gentille Cécile Jacques Reynaud et moi: La Marne au quai de la pie

La Fac des sciences à Strasbourg 1953-1956

Je suis le seul élève de prépa de Chaptal à me retrouver à l’école nationale supérieure


de chimie à Strasbourg en octobre 1953. La plupart des autres intègrent d’autres
écoles ou doublent (les carrés), triplent (les cubes) ou même quadruplent (les bicarré)
la classe de préparation aux grandes
écoles de Physique-chimie mais à l’issue de la
première année j’étais hélas en limite d'âge (21
ans). Ci-contre le bizutage de la première année de
l’école de chimie de Strasbourg en octobre 1953,
nous sommes déguisés en bagnards et
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accompagnés de la guillotine que tire le camarade Ruhl. Sur la photo, Place St Pierre le Jeune à côté
de la statue du chimiste Wurtz, on voit Zaza la seule fille de la promotion, Ruhl, Taillandier, Maire,
Pillot, Demarez, Butaye, …et moi, en bagnards. Moins drôle, les ‘seconde année’ nous graveront
diverses grossièretés sur le front avec des cristaux de nitrate d’argent : Con, Merde, putain, salope...
Ça tient sur la peau en trace noirâtre une quinzaine de jours, Zaza aura droit à un ‘pucelle’ sur le
front qu’elle tentera de cacher avec sa frange. On lui chante : Une pucelle à l’horizon don daine don
don… On nous enfermera dans le sous-sol de l’école, et nous serons arrosés d’acide muriatique dont
la caractéristique: une odeur épouvantable et persistance de merde: Un grand succès à notre entrée
au resto La Gallia au moment du repas. Je suis sur la photo tout à gauche, le crâne couvert de pâte
blanche

Le bizutage MPC première année de fac des sciences en 1954: perchées sur la paillasse (plan de
travail carrelé du labo de chimie) et enfermées dans une hotte de ventilation vitrée du bâtiment de
chimie, les bizuts filles sont invités si l’on peut dire- à se dépouiller de leurs sous-vêtements et les
échanger avec ceux des bizuts mâles. Spectacle un peu limite… de nombreux spectateurs !
En Octobre 1953 Je m'installe provisoirement au foyer
la Gallia place de l'Université avec mes copains
Demarez, Butaye et Pillot puis je loue une chambre rue
Waldteufel chez une vieille chipie. En juillet 54 je rate
l'examen de fin d'année et m'inscris en licence de
physique et chimie. Prof: Biet, Kirrmann, Foex,
Gorodetzky, Forestier, Longchamp...Lehné, chef de
travaux en chimie, un peu rondouillard qui quand on lui
apportait le précipité d’une «sauce» dont on n’arrive pas
à identifier les ions nous disait inlassablement avec un
bel accent alsacien: ça, je ne m’explique pas, je suis impuissant !

La visite médicale : Le médecin universitaire m’explique avec beaucoup d’application l’intérêt de se


faire vacciner au BCG, car je suis encore à 21 ans négatif à la cutie. Il me fait 9 scarifications
profondes à la cuisse, j’en garde encore la trace, un peu sous-alimenté, étourdi, je m’accroche pour
l’honneur à la crémone d’une fenêtre mais je m’écroule quand même entrainant un chariot de verrerie
qui se casse dans un grand fracas et me blesse la lèvre et me laisse une cicatrice: çà saigne. Succès
assuré. Mais je suis maintenant positif à la tuberculine et rassuré.

Janvier 54 fut particulièrement froid ! -15 °C à Strasbourg

Vue depuis Morsiglia la plage et le port de Centuri et l'ile aux lapins

Je passe un mois en vacances en aout 1954 et septembre 1955


au camp étudiant de l’AFGES pour un prix bien modeste à
Morsiglia au Cap Corse dominant le magnifique petit port de
Centuri aujourd’hui célèbre, désert à l’époque, aucun yacht,
quelques barques de pêche. Il faut bien 20 minutes pour y
descendre s’y baigner en suivant le lit pentu et caillouteux d’un
torrent desséché. Une plage assez dangereuse, des vagues
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impressionnantes. On loge dans un ancien couvent loué à l’AFGES. Une cafétéria tenue par la belle
Michelle Brocard où on boit pas mal de « cap corse » On y danse sur un fabuleux tango «coquito» un
78 tours que l’on passe en continu. Les garçons sont logés en chambrées de 6 dans le couvent, les
filles dans une tour proche du couvent mais il y a de l’osmose. L’ambiance est très relax. On
organisera avec un vieil autocar Citroën un tour de Corse en 3 jours nourris de pâté, saucisson et de
pain en dormant à la belle étoile en sac de couchage, (moi le partageant avec une Marguerite qui a
oublié le sien) à même le sol dans la nature. Les nuits sont fraiches. Une belle ballade quand même
un peu spartiate qui nous laisse affamés. On voyage perchés sur le toit du car, car il fait très chaud

Le tour de Corse, moi à droite sur le toit Edith une copine


juive

L’eau est rare: les douches collectives


alimentées par une source misérable: les
garçons se douchent en premier alors
une jeune étudiante belge révoltée par
tant de muflerie se mêle nue aux garçons sous la douche,
grand succès du fait de sa belle plastique. Lipmann copain
juif, lui ne quitte pas son slip sous la douche : peur qu’on
voit sa circoncision ? On le raille gentiment, c’était un bon
copain qui nous chantait la truite de Schubert version
Francis Blanche. On invite les garçons de Morsiglia à la
pétanque. Les gagnants ont droit à des bouteilles de rosé:
bien sûr les Corses gagnent et repartent sans nous offrir à trinquer. Un bal est organisé: les filles de
Morsiglia dansent avec les garçons du village qui eux draguent les filles du camp mais les filles du
village refusent toutes nos invitations…alors la prétendue hospitalité Corse, j’ai des doutes. On invite
le maire de Pino, le village à coté, où on a aidé à éteindre un feu de maquis gigantesque et on lui
chante bien sûr : Pino cul papa, Pino cul maman, Pino curé de Paris. Le maire est un peu coincé. Les
2 seuls Corses sympa: le facteur, bachelier il nous raconte son séjour à Paris, la Sorbonne… Facteur,
c’est le seul travail qu’il a trouvé ici. Le boucher de Bastia qui nous fournit, lui, nous offre une super
soupe de poissons qu’il a péché. On descend parfois à la plage à 12 dans une vieille Citroën Rosalie,
les filles assises sagement sur nos genoux mais une fois dans la descente, la voiture fera une embardé
et s’empalera au milieu de la caisse sur un tronc d’arbre sans dommages corporels. Quelques années
plus tard on tentera à Porto-Vecchio d’avoir quelques timbres d’un distributeur qui avale les pièces
sans rendre de timbres, protestation au guichet: le préposé mafieux refuse de nous rembourser et de
nous donner le cahier de doléances et ajoute: il faut bien vivre : la mafia

Le camp d’étudiants de Morsiglia

Beaucoup de copains ici:


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Edith, Pierre, Monique, Michelle Françoise, Alain, Lipmann, Suffer.


Hannezo, Dupeyron, Denyse Magniac… Au port de Centuri les égouts débouchent pas loin de la
plage et comme nous sommes écorchés sur les rochers car il y a d’immenses lames bien
dangereuses, alors nous sommes couverts d’écorchures, rongés d’impétigo…et tartinés de bleu de
méthylène par un copain étudiant en médecine Alain Dreyel. On courtise sans succès une Monique
une très sage alsacienne instit en Moselle à Vrigne-au-bois, à l’accent charmant alors un copain dira
ironiquement : dur à grimper le ballon d’Alsace

3 étudiants communistes essaient d’organiser des réunions politiques dont la belle


Michèle Fouquet que je rabroue vertement sur son engagement aveugle .Ce n’est
pas ma copine ! Dupeyron le directeur du camp s’opposera à ces réunions.
Françoise ci-contre une copine étudiante en médecine de Montpellier, elle est
épuisée par la montée raide et la chaleur alors je la remonte depuis la plage de
Centuri jusqu’à Morsiglia à bras le corps… un bout de chemin, une jolie partenaire
de tango

La Licence es sciences

L’année universitaire 1954-1955, d’un coup, je prépare et passe avec succès 2 certificats de licence:
Physique générale et Chimie générale: Un programme monumental, un travail de
forçat: optique, électricité, mécanique, métrologie, thermodynamique, magnétisme,
électromagnétisme, chimie minérale, chimie organique, chimie-physique,
cristallographie, métallographie, relativité…je révise sur la musique de la radio
trilingue Luxembourg. Plus de 2000 pages, Rien que la chimie organique: 288 pages
manuscrites écrit serré de formules, propriétés et valeurs à savoir par cœur, Mais c’est aussi le plaisir
de découvrir la synthèse du parfum de muguet, des essences de géranium, de violette, du colorant
des tomates et des carottes….

Copains chimistes, épouses, copines et moi en ballade dans les Vosges

la synthèse des plastiques, les vapeurs verdâtres, rouges,


violettes de chlore, d’iode et du brome… Au labo avec les
alcools, aldéhydes et acides on fabrique des esters qui
sentent bon la pomme, la poire, la pêche, l’abricot…on
monte une expérience de fabrication d’aide sulfurique, on
hume aussi le chloroforme: j’y retrouve 18 ans après sans
coup férir cette odeur sucrée que j’associe immédiatement
à une pénible opération des amygdales par le médecin de
famille à l’appartement, à l’âge de 5 ans ligoté, terrorisé
assis sur une chaise à barreau dont a hérité Lou pour éviter
l’étouffement par vomissement puis anesthésié au
chloroforme : il faut compter 1, 2, 3…et on s’endort. Au réveil défense de manger ni de boire je suce
des glaçons, ça fait mal.

La promo devant l’école de chimie


62

Kirma
nn le prof de chimie nous prépare L’ammonium
NH4+ un étonnant pseudo métal mi-liquide
argenté comme le mercure et Forestier fait
circuler une pépite d’or dont on arrache quelques
fragments, on recherche dans des préparations à
identifier des métaux et metalloïdes par exemple:
le manganèse donc le sulfure rose
couleur « cuisse de nymphe émue » ou l’arsenic
qui fait par condensation de jolis anneaux
métalliques sur une éprouvette, anneaux très
ressemblant à ceux du manganèse, et difficile à
distinguer, cela perdra l’ « expert » du procès de
Marie Besnard « l’empoisonneuse » piégé par
les avocats. Avec ces 2 certificats de physique
et de chimie, il ne me manque qu’un certificat mineur au choix pour avoir la licence d’enseignement
complète: un soulagement. Je loue, allée de l'orangerie dans une belle villa une chambre chez la
veuve un peu coincée d'un architecte, une allée de platanes aujourd’hui «squattée» par les nids de
cigognes perchés dans les arbres ; Pour avoir accès au resto universitaire et avoir des tickets il faut
être inscrit en fac donc être bachelier…sauf ceux qui s’inscrive sans bac en « capacité en droit » en
fac de Droit…beaucoup de pseudo-étudiants en profitent. Je suis les brillants cours de physique-
électricité et magnétisme- de Foex déjà très vieux qui dodeline de la tête en nous parlant des circuits
électriques oscillants !

Le Permis de conduire En l’été 1956 je passe à Paris mon permis de conduire sur une 11 CV
Citroën. Forfait: Dix leçons de ½ heure : code et conduite. Pas de problème avec le
code, bien que les questions soient particulièrement stupides : exemple il faut
connaitre la hauteur imposée des phares des véhicules ! Pour la conduite le moniteur
dit à l’inspecteur : je vous présente un super candidat, je n’en demandais pas tant.
l’inspecteur me fait faire un créneau puis un démarrage en côte puis m’entraîne à
midi place de l’Etoile puis place du Palais de Chaillot, une circulation déjà bien intense et une grosse
peur: Surpris à un carrefour étroit je ne peux éviter de refuser la priorité à droite à un automobiliste qui
me fonce dessus, alors l’inspecteur me dit : pourquoi appliquez-vous la priorité à l’envers ! Bien
indulgent, il m’accorde quand même le permis. Plus tard en 1957 mon épouse à qui j’apprends à
conduire, passera en candidat libre le permis mais vicieux l’inspecteur lui demandera de tourner
autour d’un terre- plein triangulaire avec notre 11 CV en serrant le trottoir, mission impossible.

Vie sentimentale à Strasbourg

Avant d’arriver à Strasbourg, en 1953, ma vie sentimentale est un désert, à part


quelques éléments féminins comme Marie-José Martin, nurse rencontrée au cours de
dance de la rue Mermoz où j’apprends valse, tango, rumba, samba, rock sous la
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direction d’un couple champion du monde de danse latino . Nous verrons ensemble la plupart des
pièces d’Anouilh. Josette Jadot rencontrée à Cayeux, infirmière à l’hôpital de Reims où j’irai la voir…
Relations restées très chastes. Un copain du cours de danse me fera découvrir «paroles» de Prévert
et «psychanalyse» de Freud. A Strasbourg fin 1953, je rencontre quelques jeunes
filles avec lesquelles nous irons aux bals du palais des fêtes avenue des Vosges ou
ceux de la Gallia le foyer-restaurant étudiant place de l’université ou ceux de l’école
de chimie rue Goethe: Micky élève infirmière à l’hôpital avenue de la victoire, très
sexy, pas avare de baisers, qui, au sortir d'un bal dans le petit matin glacial , -15 °C, nous propose à
mon copain de Fac Pierre Mandry et à moi de nous réchauffer les mains sous son manteau sur sa
poitrine tiède ! On ne refusera pas. Bernadette Chartier fille d’un colonel, logée au foyer de jeunes
filles qui nous invite fièrement au mess des officiers place Broglie avec sa coturne Jacqueline
Meriaux. Dorice Schaeffer, pas très belle mais très douce fille d’un médecin, étudiante en lettres qui
m’invite chez elle dans une vielle ferme de Wolfisheim banlieue de Strasbourg, son jeu préféré: on se
fait lécher la plante des pieds nus par les vaches qui accourent du près voisin, la langue râpeuse, un
délice. Aussi Evelyne Schtatt, une blonde alsacienne avec qui je prends des cours d’anglais à
l’université et avec qui à Paris j’irai en boite et au théâtre voir les horreurs du « grand guignol » rue
Chaptal. Nicole Jaegi, la cousine de Monique: Pierre Mandry se battra pour elle avec un rival (pas
avec moi) et se retrouvera avec l’œil poché, Il fera l’école de chimie de Lille, perdu de vue, décédé en
1998 à Paris sans qu’on se soit revu, quel dommage. Aussi Françoise Forrer logée à l’Esca en face
de la Gallia qui tente de me faire aimer les cantates de Bach sur son tourne-disque, Lise et Annie
Schertz…2 sœurs, filles d’un riche marchand de meubles, qui fréquentent les bals de l’école de
chimie et nous invitent parfois chez elles à une boum. Aussi Rita Hauser et sa copine Paméla,
étudiante américaine juive en sciences-po à l’université de Strasbourg, boursière de la fondation
Fullbright. Au premier Mai, recevant un bouquet de muguet, elle dit à son copain Marc avec un fort
accent yankee : Oh Marc ce n’est pas du muguet, chez nous à New York les fleurs sont 10 fois plus
grosses.  Avocate, elle est passée de temps en temps pendant de nombreuses années à la TV
française commentant l’actualité politique internationale. Je l’ai retrouvé sur internet en 2013,
conseillère à Genève pour les droits de l’homme auprès du président Bush puis du président Obama.
C’est elle qui a poussé Arafat à reconnaître l’Etat d’ Israël et a beaucoup travaillé à la paix israëlo-
palestinienne: mais il y a encore du travail ! Richissime, elle a créé une fondation Hauser avec son
mari pour financer les études des étudiants. Contactée, elle s’est souvenue de nous. Elle a fait un don
en 2015 à l’université de Harvard de 40 millions de dollars !

de Castelbajac

La promotion 1953 des ingénieurs chimistes ne comptait qu’une seule fille


Jeanine Crouzet alias Zaza alors les quelques jeunes filles qui voulaient
bien partager à la Gallia notre table étaient les bienvenues. L’épouse de
Bob Laporte: Fella, déjà enceinte, celle de Yves Debard: Marie-Thérèse,
déjà enceinte, celle de Michel Gubler: Béatrice de Castelbajac un peu
pincée, du sang bleu: on lui chantait Béatrice trice-trice lèves la cuisse
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cuisse-cuisse, ho hisse: Je ne suis pas sûr qu’elle trouvait cela drôle. Et Bambi étudiante MPC alias
Claudine Devillers, une gentille camarade de MPC très nature, elle se gratte l’entrejambe, Mandry
alsacien très facétieux lui demande: tu joues avec ou bien tu te grattes ? fille d’un commandant de
CRS, elle disait bien à tort qu’elle avait honte du métier de son père. Venait aussi une première
fiancée de Demarez…et aussi Monique Maret …

Monique Maret née en 1932 à Mont Saint Martin


près de Longwy, passage d’Alsace-Lorraine ses
parents y résident puis s’installent à Libourne, son
père ingénieur à sidélor –mon père l’a peut-être
connu comme expert-comptable à Wendel-sidélor –
Il est nommé là en 1939 puis à Lyon jusqu’en 1944.
L’appartement est détruit par un incendie, elle y
perdra toutes ses photos et documents puis elle est
de retour à Mont St Martin
puis elle habite à Terville
banlieue de Thionville,
elle est scolarisée à
Thionville de 1945 à 50
à Notre Dame de la
Providence : Ce lycée
catho a fait la une en 2011 :
2 filles du lycée en voyage
scolaire rejoignent dans leur chambre, de nuit, des polonais qui les violent,
elles les dénoncent à la directrice mais elles seront virées du Lycée non pour
dévergondage mais pour ivrognerie ! Puis Monique va à la fac de sciences de
Strasbourg de 51 à 53 passant MPC avec un camarade qui comme moi entrait à
l’école nationale supérieure de chimie de la rue Goethe, elle avait présenté et
raté le concours, Elle nous rejoignait naturellement aux repas à la Gallia, le
resto-u avec une quinzaine d’étudiants chimistes non originaires de Strasbourg
avec son amie Huguette amie et condisciple du lycée de Thionville qui préparait
dentaire. Aux repas, des histoires lestes, des chansons d’étudiants, des
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compliments appuyés et flatteurs sur son physique: Des seins moulés sous son
pull ajusté laissaient Monique Maret imperturbable et ses répliques, du tac au
tac : Je me les taille tous les matins au taille crayon ! , mais cela devait quand
même la changer du lycée Notre Dame de la Providence de Thionville !
Monique Maret: châtain aux yeux noisette, pas vraiment mon canon de beauté,
et pourtant si attirante…. Sa tenue préférée : souvent un pull noir très seyant,
une jupe plissée, des ballerines et un chignon, peu maquillée, son arrivée à
table était souvent gentiment ovationnée. Au long de l’année 1954 nous avions
pris l’habitude après le déjeuner d’aller, tous les deux, prendre un café à la
cafétéria le Minotaure à coté du resto-u parfois à la cafétériat PicPic place
Kléber où on prenait…. un lait grenadine !

Monique Maret sur les bords de l’Ill en 1953

C’est là qu’au fil des mois nous avons fait


connaissance. Elle habitait  une chambre
avenue de la Marseillaise que j’ai fréquentée
quelquefois. Le dimanche, elle nous
retrouvait souvent au Fec le foyer-resto-u
catholique de la place St Etienne. Elle était
bien facétieuse et un jour fit le pari de nous
montrer dans la cafétéria, ses talents de
gymnase qu’elle avait dû conserver de sa
scolarité. Elle prit entre ses dents les pans
de sa jupe plissée, pour la pudeur, et fit un
saut de carpe arrière très réussi. C’était
une jeune fille catho elle allait à la cathédrale à la messe tous les
dimanches, mais ni triste ni coincée ! Nous jouions un peu de bridge, on
discutait et allions voir au ciné-bref pour 25 centimes d’anciens francs
des films un peu débiles, à l’entracte une attraction: des chiens savants !
Mes finances bien basses. On regardait des courts-métrages d’une demi-
heure en boucle, souvent des westerns pas malins et au bout de deux à
trois séances on commentait tout haut, d’avance, les séquences suivantes
au grand mécontentement des autres spectateurs ! Comme chante
66

Vincent Delerm je regardais sur le côté, comment ses cheveux étaient


noués, mais ce fut surtout, pour nous deux, l’obscurité propice à
beaucoup de tendresse. Un soir moi très amoureux, elle, je ne le saurai
jamais, nos effusions furent beaucoup plus tendres. Nous étions tous les
deux au cinébref à la dernière rangée : on s’embrasse, on s’étreint, je la
caresse, nous n’avons rien vu du film. Je la raccompagne rue de la
Marseillaise, dans le hall on s’étreint bien longtemps encore, je lui dis
que je veux faire ma vie avec elle mais je la laisse bêtement partir- que
ne l’ai-je pas suivi dans l’escalier, combien de fois je ne l’ai pas regretté
–c’est le diable qui suggère de telle idées pour vous faire souffrir. Avant
de se quitter on se donne rendez-vous le lendemain mais elle ne viendra
pas et je pleurerai sur l’épaule de son amie Huguette. Si je dois garder
en mémoire l’instant le plus heureux et le plus malheureux de ma vie
c’est celui-là, car elle décida  d’aller plutôt prendre ses repas au resto-
U Pasteur, l’antre des carabins, sans que j’ose bêtement d’aborder le
sujet de son départ. Ce fut une séparation bien douloureuse pour moi
mais je pense qu’elle ne voulait pas me faire de peine et ce fut sans
rancune mais non sans tristesse. Je la revis parfois à un bridge mais
jamais seule ; Elle revint une fois déjeuner seule à la Gallia, mon copain
Bob me suggérant de la rejoindre mais pétrifié je ne le fis pas, encore un
regret. Elle travailla suite  au labo médical Schuh, place du corbeau, elle
faisait des mesures de chromatographie et eu un assez grave accident,
brulée aux doigts par de l’acide, nitro-sulfurique, l’eau régale, c’était
impressionnant.  On ne s’est revu que très rarement jusqu’en 1956 plus
jamais seuls puis fortuitement fin septembre 59 devant le laboratoire
médical Schuh, 3 ans plus tard, je venais juste de passer ma thèse de
physique nucléaire, je lui annonçai mon départ au service militaire…à
Thionville à coté de Terville où habitaient ses parents et elle aussi
quand elle était en congé. Elle me demanda en souriant très gentiment de
lui écrire, de quoi me fendre le cœur, je lui promis et jeune marié, je ne
le fis pas, c’était bien  bête  car cela a fait un trou de plus de 50 ans
dans notre relation ! Quel regret encore une occasion ratée où j’aurais
pu lui dire combien elle avait compté pour moi. Quelques mois plus tard
mon épouse m’annonça lors de ma première permission, le mariage de
Monique Maret à Strasbourg publié dans le quotidien « les dernières
nouvelles d’Alsace » en janvier 60, mais…elle refusa de m’en montrer
67

l’annonce. Toute ma vie durant, il n’y a pas de mois où je n’ai pensé à


elle, me demandant quel avait été son destin, où était-elle, était-elle
encore en vie et aussi pas de mois où je n’ai rêvé d’elle durant près de 50
ans. En rêve je la recherchais dans des lieux insolites, parfois la
retrouvais avec un peu de tendresse puis elle disparaissait, rêves tristes,
décevants et répétitifs : Je la cherchais aussi désespérément à
Strasbourg au resto-U comme si nous avions toujours 22 ans. Un rêve
parmi d’autres : Je suis en vacances avec elle dans une sorte de club
med, il fait un temps horrible, il pleut à torrent, Elle essaie d'ouvrir une
énorme valise à l'hôtel puis allongée sur le sable, les ongles couvert de
vernis rouges elle me dit : ce sont les pires vacances de merde que j’ai
jamais passé et en plus je ne reçois pas mon courrier. Je lui dis pour la
consoler : il ne faut conserver que le souvenir des bons moments, mais
elle ne semble pas convaincue. Une autre fois, je la rencontrai à une
réunion d’amis, j’essaie de la rejoindre mais elle disparait, des rêves
tristes. J’avais pensé à retrouver l’annonce de son mariage aux dernières
nouvelles d’Alsace mais ne l’ai pas fait il aurait fallu aller sur place à
Strasbourg aux archives du journal. Puis dès 2000 à l’apparition des
sites internet de recherches comme Trombi, perdudevue, copainsdavant
…je l’ai recherché plusieurs années sur ces sites à son nom de jeune fille,
sans succès, Pourtant j’aurais pu la retrouver bien plus tôt en frappant
simplement Monique sans le nom de famille + Strasbourg ou Thionville
sur trombi car sur la liste qui en découle apparait en parenthèse le nom
de jeune fille.  C’est la connaissance du lieu et date approximative de
son mariage qui m’a permis de la retrouver si longtemps après, début
2012 en demandant en trichant un peu auprès des services de l’état civil
de Strasbourg, son acte de mariage. J’avais tant attendu avant de faire
cette démarche, persuadé qu’on ne me répondrait pas et angoissé devant
le devenir de cette éventuelle retrouvaille. J’appris ainsi son nom marital
Jacques Hufschmitt, médecin généraliste. Début 2012 ayant repris mes
recherches sur internet je l’ai retrouvé miraculeusement sur Trombi.com
site internet sur lequel ses enfants l’avait inscrite ,avec son prénom, son
nom marital et nom de jeune fille, alors je lui ai envoyé un message que
je voulais spirituel, juste un « c’est encore moi » mais croyant à un
mauvais plaisant, elle ferma mon accès à son site sans me répondre,
Alors utilisant un autre pseudo je la recontactais sur Trombi.com lui
68

envoyais la seule photo que j’avais d’elle, lui


expliquais qui j’étais et elle accepta de renouer le
contact. Elle se rappelait bien de moi mais plus du
tout de nos effusions, Comme elle doutait un peu de
cette relation je lui rappelais comment dans sa
chambre les premières fois assis sur son lit j’étais
pétrifié et n’osais l’approcher, et je lui ai écrits que
je pouvais de mémoire 60 ans après lui décrire
l’agencement de sa chambre. Elle m’a vouvoyé mais a reconnu la photo
bien sûr. Cela m’a vraiment étonné et peiné, peut-être a-t-elle voulu nier
notre relation passée par pudeur. Elle était dans une situation très
difficile, dans de longs mails elle m’a raconté un peu sa vie 
douloureuse : Une sœur paralysée après un accident de voiture, un fils
homo, elle, installée à Mulhouse, 4 enfants dont 2 jumeaux. De nouveau
un incendie-la foudre- où elle a reperdu tous ses documents et manqué de
périr, un mari médecin fou, bipolaire dès le début de son mariage,
hospitalisé par intermittence, il fallait trouver un remplaçant et de
l’argent, puis il est interné en 2013 dans le coma après avoir avalé 10
litres d’eau se croyant empoisonné, la couvrant d’injures et la traitant de
prostituée. Nous deux : Un dialogue plus qu’amical, elle a renoncé au
vouvoiement après un mois et elle a informé ses enfants de nos
retrouvailles. Je lui ai fait son horoscope et son arbre généalogique. Elle
m’a envoyé une photo prise dans le jardin de la maison qu’elle avait
reprise de ses beaux-parents en centre-ville de Mulhouse et dont elle
louait une partie, ses finances pas brillantes, son mari à la retraite dès
1988. J’ai retrouvé sur la photo son petit air ironique mais bien sûr entre
22 et 80 ans on change. Ce fut vraiment un grand bonheur de la
retrouver. Elle vivait seule, ses enfants mariés. Je lui raconte mes rêves
dont elle est l’objet alors elle me raconte les siens tout aussi insolites.
Elle chante dans la chorale de la paroisse et cultive son jardin…et
m’envoie beaucoup de mails de plus en plus tendres. On gémit ensemble
de notre sort, nos conjoints malades et on essaie de se remonter le moral
mutuellement. On s’est raconté tant de choses, tendrement par mail
plusieurs fois par semaine, hélas pendant si peu de temps, 19 mois
seulement car elle m’annonce un jour des douleurs violentes au ventre :
Un cancer du pancréas l’a emporté en 2 mois, un mois après la mort de
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son mari, en aout 2013. Dans un de mes


derniers messages je lui ai dit qu’elle fut
mon soleil pour un peu plus d’un an en
1953-54, elle m’a répondu combien elle
était troublée et émue. De son coté, elle
m’a écrit tendrement « qu’aurait été
notre vie ensemble » dans un e-mail
accompagné de la jolie chanson de
Marie Laforêt : la tendresse. -car sa vie
n’a pas été un lit de roses. Quelle phrase
cruelle car depuis je n’ai cessé de me
remémorer tout ce que j’avais raté, tout
ce que j’aurais pu dire pour tenter de la
séduire et j’ai rêvé de réécrire le passé. Dans son dernier sms, quelques
jours avant de mourir, se sachant perdue, elle m’a adressé un : « adieu,
je te donne  rendez-vous dans l’au-delà » … Qui sait ! Je l’ai eu au
téléphone dans ses derniers jours, en clinique mais que dire, ne pouvant
plus s’alimenter elle était déjà à moitié dans le coma. Elle a été incinérée
à Mulhouse. Une grande peine, c’est bien injuste. Une de ses filles m’a
écrit gentiment et envoyé un faire-part. Jacques Hufschmitt, Monique
Maret, Monique. Ehrbar, Jacques. Lefort nés tous les 4 à quelques mois
d’intervalle, mêmes prénoms, les 2 couples mariés à Strasbourg, 2
chimistes et 2 membres du corps médical, les 2 conjoints malades
d’Alzeimer , que de coïncidences .Cette disparition en plus de la maladie
débutante de Monique, cela m’a fait beaucoup de mal à surmonter après
2013. 6 ans déjà. En 2019 : j’ai encore rêvé d’elle ! je reçois une grande
enveloppe blanche et dedans une lettre de Monique qui m’écrit le plaisir
qu’elle a de nos retrouvailles…hélas un réveil douloureux. Une autre fois
je la retrouve et lui dit j’ai un secret à te dire : Je suis amoureux de toi…
elle disparait sans que j’ai pu lui demander adresse ou N° de téléphone…
tristesse
Mais si l'on a manqué sa vie Alors, aux soirs de lassitude
On songe avec un peu d'envie tout en peuplant sa solitude
Des fantômes du souvenir à tous ces bonheurs entrevus
On pleure aux baisers qu'on n'osa pas prendre
Les lèvres absentes, aux cœurs qui doivent vous attendre
Aux yeux qu'on n'a jamais revus de toutes ces belles passantes
Que l'on n'a pas su retenir Les passantes (Pol et Brassens)
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Période 1954-1960

Mes parents qui n’ont pas voulu acheter leur appartement dans l’immeuble vendu en
copropriété 82 av des Ternes, une affaire pourtant: Un million d’ancien frs, sont
expulsés et achètent en 1953 trois fois plus cher un appartement neuf au 3 ième étage
sur cour et déménagent du 82 av des Ternes au 27 rue St Ferdinand en 1954. Cet
immeuble neuf remplace un immense dépôt de
charbon- le fameux anthracite de Dong-Trieu, du
Tonkin- Un entrepôt sous verrière qui alimentait
tout le quartier. Des fondations sortent d’énormes
rats noirs, gris et blancs qui attaquent et mordent
les bottes des ouvriers et des pompiers appelés là.
Mon père est opéré d'un rein (cancer).Je passe
mes vacances à Morsiglia (cap-Corse) en août
1955 où j'aide aux cuisines pour payer mon
séjour : Je fais des frites et steaks pour les 100
étudiants… et la vaisselle, mais mon père mourant
d'un métastase au foie, je rentre précipitamment, il
décède à la maison le 16 septembre 1955 dans
d'horribles cauchemars. Il est enterré à St Denis,
cérémonie religieuse à St Ferdinand des Ternes
en présence d’une centaine d’amis, d’anciens
condisciples de l’école Trudaine, de collègues, du
président De Wendel et du directeur général
Michal, ses patrons, il faut dire que ses patrons lui devaient une fière chandelle car mon père expert-
comptable s’était affronté violement avec les inspecteurs du fisc souvent avec succès, avec en jeu
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des sommes d’impôts sur la société, considérables et pas toujours justifiées selon mon père qui
revenait épuisé de ces combats dans lesquels il gagnait parfois.

L’université de Strasbourg

Le 15 novembre 1955: cérémonie d'ouverture de l'année universitaire à Strasbourg:


Les professeurs des diverses facultés défilent, en grande pompe sur une musique
solennelle dans le hall du palais
universitaire, toques galonnée et robes
chargées des 3 pattes d'hermine, robe
violette pour le recteur, noire pour la théologie- oui ça
existe en Alsace- rouge pour le droit, cramoisi pour la
médecine, amarante pour les sciences, orange pour
les Beaux-Arts. Ils portent des tenues magnifiques
Il court des rumeurs de turpitude de certains
professeurs, de leurs épouses, amants et maîtresses.
Alors les étudiants facétieux qui font la haie devant les
profs passant impassibles, chantent :

Si tous les cocus portaient des clochettes, Des clochettes au cul et au d’ssus d’la tête
On s’entendrait plus, Dig ding dong, Dig ding dong Voilà les cocus qui passent
Dig ding dong, Dig ding dong. Voilà les cocus passés quel succès !

Lille l’ENSCL En octobre 1955 je ne renonce pas à la chimie et je rentre sur titre en deuxième année
à l'école supérieure d’ingénieurs de chimie de Lille l’ENSCL où je retrouve 2 condisciples Mandry
copain de la Fac de Strasbourg et Jon condisciple de la classe de prépa de Chaptal. Je loge chez
un commandant frère de jacqueline Petitfrère qui prépare polytechnique féminine et est hébergée
chez nous à Paris (elle sera tuée peu après, sur un refus de priorité de son mari au volant, sa sœur
Marguerite, amie de ma mère, possédée par le diable dit-elle, jette ses meubles par la fenêtre) Je
retrouve une copine lilloise rencontrée en Corse, Monique Vander…. Le plus jeune enfant de 3 ans du
commandant avale mon porte-clefs (le centre en métal d’un pneu Michelin) et il faut lui ouvrir
l'estomac. Je suis bien ennuyé. Je commence l’année, la prof de travaux pratiques est une jeune
femme bien séduisante, cela ne suffira pas à me retenir là. En 1955 Lille est moche et pluvieux, alors
je repars au bout de 15 jours à Strasbourg, la nostalgie, et m’inscrit au certificat de physique
nucléaire qui vient d’être crée. Je ne regretterai jamais mon choix. Je milite un peu à l’UNEF (syndicat
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étudiant) comme délégué avec Marc Taillandier qui est président de l'association des étudiants en
sciences à l’AFGES. Mais le syndicalisme ce n’est pas mon truc.

Le resto-u La Gallia et La cafétéria le Minotaure au coin de l’immeuble

Ci-dessous : La grève du resto universitaire: (Journal DNA) : le « jeûne » des étudiants : La


belle Michelle Brocard et sa queue de cheval tressée et blonde que je lisse, elle ne proteste
pas, Moi en bas à gauche

La guerre d’Algérie animait beaucoup nos conversations. Lacoste ex-


gouverneur général en Algérie vient nous passer des films des atrocités
algériennes- pas les nôtres- femmes éventrées, enfants la tête fracassée
et propose sa solution: les pieds noirs garderont les villes côtières les
musulmans l’intérieur du pays ! Un sénateur communiste Cuniot viendra
aussi nous vanter les vertus communistes et parler du « juste » procès
stalinien des dites « blouses blanches », des médecins assassinés par
le régime soviétique. L’éditorialiste de L’Humanité de l’époque écrivait à
propos de Staline qu’il avait rencontré à Moscou: Son regard de velours
reflétait toute la bonté du monde- sans doute une glace déformante !
La société étudiante est très divisée sur la guerre d'Algérie où sont
envoyés près de 400.000 appelés par an. Les étudiants de Sciences et
Lettres sont à gauche, ceux de Dentaire, Pharmacie, Médecine et Droit à
droite. Pierre Dupeyron plutôt à gauche, étudiant en Droit, président de
l’AFGES l’association des
étudiants de Strasbourg se marie avec la belle Michelle
Brocard enceinte mais il meurt quelques jours après son
arrivée au service en Algérie, fin 1958 d’un virus au cœur.
Mort pour la France précise le site internet des appelés tués
en Algérie. Quel gâchis. J’apprends aussi la mort de Jean
Breton tué au combat en Algérie mon condisciple de St
Ferdinand. On manifeste pour l’Algérie libre…et pour un
salaire étudiant, on fait grève en jeûnant…un peu, la Gallia
fermée. L'université refuse ma demande de bourse vus les
revenus de mon père décédé l'année passée.
L’administration: c’est Kafka ! Je galère.
73

C‘est où l’endroit où l’on s’amuse?

Outre la piscine à côté de la Gallia, boulevard de la victoire, Un bassin


très court mais dans un décor fabuleux de bains romains, à partir de
mai il y a la piscine découverte de la Robersau bien fraîche et au
printemps la fête foraine du Waken où on retrouve les mêmes
attractions que celles du boulevard de Clichy et de la foire du Trône.
Vers 1954 Strasbourg est encore une ville un peu triste, froide et
quelque peu en ruine: beaucoup d’immeubles éventrés par les
bombes. En hiver sur le bord de l’Ill où s’ébattent les gros rats
musqués, on peut patiner en hiver à glace au «stella polaris» et en été cela devient une piste de
dancing. Beaucoup encore de personnes ne parlent que dialecte- Monique a oublié complètement le
français en 1945- et des panneaux et journaux- les DNA par exemple- sont
pleins de fautes d’orthographe. Une boutique affiche « farmacie ». Il y a
beaucoup de Winstubs avec orchestre alsacien en costume et danseurs le
samedi soir. Aussi les cinémas où on peut réserver ses places à l’orchestre,
au balcon. La police est …germanique, il est vrai que 1945 c’est encore
bien près. L’ordre alsacien n’est pas un vain mot ! Un peu partout en ville
circulent des trams antiques et sur les mêmes rails circulent des wagons de
betteraves qui traversent la ville sur les quais vers la sucrerie d’Erstein alors
inévitablement à vélo on chute dans le creux de ces rails dérapant. Mon
père qui vient de temps en temps à Strasbourg au siège alsacien de De
Wendel, m’emmènera parfois dans les meilleurs restaurants: Zimmer, le
Crocodile, le Kammerzell. Mais dès 1955, mon père décédé, mes moyens
seront bien réduits. Je lis quand je suis à Paris le figaro littéraire qu’achetait mon père et surtout
j’essaie de résoudre de nuit dans ma tête les problèmes d’échec proposés- mat en 3 coups : un
concours primé. Je gagne et envoie le prix modeste à ma copine Monique Maret accompagné d’un « 
je t’aime ». Je lis au foyer de la Gallia, l’Huma: si un ouvrier se blesse: c’est toujours la faute au
patron ! Je lis aussi à la Gallia le Figaro et les dernières nouvelles d’Alsace qui relate les batailles au
couteau des algériens avec les gitans en banlieue de Strasbourg à la Krutenau. On fait quelques
escapades à vélo par exemple aux cascades du Nideck 100 kms quand même, aller-retour avec mon
vieux clou et de sacrés côtes et en car jusqu’à Riquewihr mais c’est surtout après mariage qu’on
74

pourra en voiture profiter des Vosges et principalement des escalades aux châteaux en ruine: …des
excursions à la magnifique route des crêtes parfois enneigée, à la Schlucht, aux lacs blanc, noir,
vert..et glacés, plus tard marié j’y plonge ce qui me vaudra un sévère lumbago, même notre berger
allemand ne voulait pas y aller…Quelques descentes à ski au champs du feu, mais Il n’y a pas
encore de téléskis, il faut remonter à pied !

La Physique nucléaire

Mon père décède le 16 septembre 1955 à 59 ans le jour de mon anniversaire, sans avoir réglé ses
cotisations d’assurance retraite et de maladie. La situation de ma mère est difficile
l’appartement chargé d’un emprunt, mon père n’a pas pris d’assurance décès,
heureusement Mr Michal son ex-patron arrange les choses en payant les arriérés à la
sécu. Je passe mon certificat de physique nucléaire avec mention AB, j’ai alors ma
licence complète, par contre je rate le certificat de mécanique rationnelle du prof
Malgrange militant communiste qui se bat à un meeting salle de la bourse avec les flics à coups de
chaises pour soutenir l'Algérie indépendante. Je n’avais guère besoin de ce certificat et avait suivi ce
cours pourtant bien intéressant en dilettante. Je rate aussi le certificat passionnant de chimie
nucléaire de la célèbre Mlle Perey ex-assistante et « esclave » de Marie Curie: Découvreuse de
l’élément atomique Francium, vieille fille assez prétentieuse et magouilleuse une tête de clown coiffée
d’un chapeau grotesque, son cours : brouillon. Tyrannique elle entendait décider de la longueur de
ma barbe mal rasée. Elle avait eu pour sa thèse en 1938 simultanément 2 patrons : Debierne le
directeur de l’institut Curie et Irène Joliot-Curie, la fille de Marie à l’institut Curie auxquels elle avait
caché l’un à l’autre le résultat des mêmes recherches qu'ils lui avaient confiées sans le savoir, quand
ils s’en aperçoivent: Un clash, elle manquera d’être virée. Elle décède à 66 ans en 1975 de
radiodermite comme sa patronne Marie Curie, aussi imprudente.

Je loge en 1956 au foyer de l'E.N.I.S av de la forêt noire pour 10.000 afrs/mois –le foyer de l’école
d’ingénieurs que suis Jean Drouin le futur époux de Marianne amie d’enfance de Monique- . Je gagne
100.000 afrs à la loterie nationale
(Prix de Longchamps) alors je
m’achète à la Pleiade, les propos et
les propos sur le Bonheur d’Alain.
Nietzche et son Zarathoustra lu à
Morsiglia m’étant passé par-dessus
la tête, alors Alain (Chartier) sera
mon seul philosophe de chevet

Pas riche, je travaille le samedi


comme mesureur sur l'accélérateur
de particules: payé 10.000 afrs par
mois: Il faut piloter au pupitre et
maintenir la haute tension à 1,2 MeV,
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et injecter des ions, Si on est maladroit la haute tension monte trop d'où un flash, détonation et
engueulade par les thésards.

Les copains chimistes et moi, en 1953 devant l’école ENSCS rue Goethe à Strasbourg et… les
danseuses de l’opéra de Marseille en visite à l’opéra de Strasbourg, une réputation «flatteuse».
En 2013 la moitié de ces chimistes sont décédés hélas. Je suis à l’avant dernier rang,
deuxième à partir de la gauche

Les Conscrits

En attendant le départ au service militaire, on


croise dans les rues à Strasbourg, les troupes
joyeuses des conscrits alsaciens et leurs copines
qui défilent avec leurs chapeaux fleuris,
tambours, trompettes, drapeaux, chants en
dialecte…l’insouciance, et pourtant 13.000
appelés mourront en Algérie et combien de
blessés. La censure fait son œuvre. Aujourd’hui
la mort d’un seul soldat en Irak soulève
l’indignation et il a droit aux obsèques nationales

L’institut de recherches nucléaires l’IRN

L’IRN organise un stage d’été au centre nucléaire de Saclay,


bien payé 50.000 afrs pour 15 jours soit 2 fois mon futur salaire
mensuel au CNRS, gentil accueil mais il n’y a
rien à faire, les repas se font par roulement sur
présentation d’une carte de différentes couleurs,
pour nous c’est à 14 heure, on a trop faim ! On
s'ennuie alors pour s’occuper on décide de fabriquer de
fausses cartes pour déjeuner à midi. Choix du cartonnage de la
bonne couleur, gravure du pictogramme du CEA, du cachet…
un très beau résultat. A l’IRN, à Strasbourg les mesureurs» sont
aussi astreints à des calculs gigantesques et pénibles de
coefficients numériques de diffusion dits de Raccah, un
physicien israélien, calculs du genre 2.3.5/17.49 + 6.9.4/34.78
+ .6.7/9.6.5…, Raccah encore un juif comme disait Gainsbourg
à propos de Iceberg, le naufrageur du Titanic ! Ces calculs
servent à prédire les probabilités de diffusion de particules
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nucléaires selon l’angle de détection, et on n'a pas encore de calculette à l’époque et il faut donner la
valeur exacte ! C’est un cauchemar.

A gauche Le resto-U Le FEC une jolie maison alsacienne

En juillet 1955 avec le certificat de physique nucléaire je possède la licence complète, Fin 1955
j'obtiens une bourse annuelle, la bienvenue, de 3 ième cycle de physique nucléaire de 300.000 afrs.
Je rentre à l'institut de recherches nucléaires (I.R.N). Beaucoup des boursiers habitent à la Gallia:
Demarez, Nonnenmacher, Taillandier, Blum, où je prends mes 3 repas à la Gallia le resto
universitaire pour 3.000 afrs/mois. Le resto-U Gallia a pour gérante Mme Vogele très fière d’avoir
hissé à sa fenêtre, la première à Strasbourg, le drapeau français à l’approche de la 2 ième DB en
novembre 1944. Elle sera décorée de la LH. Un peu affamé par le régime de jockey du resto-U, on
resquille à la queue du resto-U, et on lui mendie du ‘rab’. Les jours fastes : frites et babas parfumés à
l’anis. Le dimanche midi, la Gallia fermée, on déjeune au FEC place St Etienne, le foyer catholique et
le dimanche soir on ne peut manger là que knacks + kartoffels + moutarde, au bar. C'est le royaume
de la belle Marlène, la serveuse au terrible accent alsacien et celui du frère Médard, célèbre directeur
et conférencier du FEC. La plaisanterie favorite des résidents est de miauler furieusement la nuit et de
crier: Au secours Médard on encule le chat ! (raconte Alain Dreyer, mon copain qui loge là)

En juillet 1955 Je révise à Paris mes cours avec une agrégée de physique d’un lycée de Bourges,
une belle rousse, Marguerite Clément que j’ai connue en Corse au camp d’étudiants de Morsiglia et
qui vient d’être nommée dans un lycée Parisien. Je passe en juillet 1956 mes vacances en
Yougoslavie (voyage étudiant misérable, en train mais pas cher 10.000 afrs) , Lubiana, Zagreb,
Belgrade, Skoppïe, Split, Zadar Dubrownik, puis en bateau le long de la côte jusqu’à Venise...où je
rencontre Monique Ehrbar et retrouve, Nicole étudiante en anglais ancien et Christiane Jaegi, ses
cousines, Aussi Jacqueline Mériau amie de Bernadette Chartier étudiantes en lettres l’amie de
Butaye, Lipman, Alex…mes copains. Belle balade de 3 semaines mais une faim terrible pendant tout
le séjour comme je n’ai pas changé d’argent je dévore les chocolats de Monique. Christiane Jaegi a
emporté deux énormes valises qu’elle ne peut soulever et nous met à contribution. Alex flirte avec
une belle yougoslave blonde Monika, cela exaspère Nicole amoureuse qui se couche sur lui dans le
train mais repoussée elle déchire de rage tout un livre en petits morceaux. A Zagreb on visite une
usine de roulements à billes la fierté du pays et à Belgrade on est invité à l’opéra et à la radio
yougoslave où l’on chante « A la claire fontaine » en chœur.

Quelques chimistes, En bas, Bernadette Chartier qui fait sa folle à coté de René Barriere qui
tentera de se suicider en avalant de la soude pour
les yeux d’une belle rétive. Moi en haut avec Butaye
à gauche et d’autres
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Ci-contre : Colloque à l’IRN, à gauche le


capitaine, futur général Bailliard qui sera
Diram- c’est à dire directeur administratif
militaire du chantier nucléaire à Mururoa en
1966

Je suis nommé stagiaire de recherches au


CNRS à l'IRN (Institut de recherches nucléaires)
qui se trouve dans l’enceinte de l'hôpital civil.
C'est un bâtiment, un radier en béton en sous-sol
à l’abri des radiations, surmonté par un édifice
imposant parallélépipédique en bois isolant
contenant un accélérateur de particules
Cockroft-Walton du nom de ses inventeurs US, de 1,5 MeV de puissance, qui a servi aux allemands
jusqu'en 1944 pour la fabrication d’isotopes radioactifs destinés aux applications médicales. Il a été
construit par une firme allemande filiale de Philips et dirigé jusqu’en 1944 par un brillant physicien
nucléaire Freischermann « copain » de Himler dit-on.

Cet accélérateur avait fait dès 1945 l'objet de luttes « sanglantes » entre la direction strasbourgeoise
de l'hôpital qui souhaite en conserver la propriété et reprendre la fabrication d'isotopes à usage
médical et les physiciens nucléaires parisiens dont Joliot-Curie qui voulait récupérer l'accélérateur et
l'emporter à Orsay car l'accélérateur dont il disposait à Fontenay était hors d'usage. Une fois
partiellement vainqueur, les physiciens parisiens des gens de droite comme Leprince-Ringuet et de
Broglie et des communistes comme Joliot-Curie se livrèrent à un nouveau combat pour désigner un
directeur pour gérer l'accélérateur strasbourgeois. Finalement le centre qui dépendra du CNRS sera
dirigé sur le conseil de Foex par un ex-collaborateur de Leprince-Ringuet, Serge Gorodetzky,
codécouvreur de la masse du méson mu, une particule cosmique, Il a en juin 1940 sauvé le stock
de quelques 10 tonnes de minerai d’uranium français en l’emportant par bateau au Maroc et en le
cachant dans une mine de phosphate, en murant une galerie désaffectée dont l’ingénieur des mines
truque les plans pour égarer les recherches éventuelles. Cela a permis d’échapper aux vols musclés
et crapuleux d’uranium, plus de 1000 tonnes de minerai, par les américains en 1945, armes à la main
en France, en Belgique et en Allemagne. - Truman prétendait que les USA étaient choisis par Dieu
pour détenir seuls le feu nucléaire- Comme disait Fatima à Mahomet à propos de la polygamie: ton
dieu t’envoie des lois qui t’arrangent bien. Ces quelques tonnes de minerai d’uranium sauvées ont
permis à la France de démarrer la première centrale nucléaire expérimentale Zoé. ‘Goro’ était un
homme de caractère mais modeste car je n’ai jamais rien su de ses exploits avant qu’ils ne soient
révélés il y a quelques années par un livre de B. Goldsmidt, « pionniers de l’atome» célèbre atomiste,
juif honteusement exclu de l’université en 1941 avec la nouvelle loi Pétain. Goldsmidt a été le
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préparateur de Marie Curie qui lui a dit à son engagement : « Vous serez mon esclave ». Grâce à son
initiation à la distillation fractionnée, il est le premier à isoler le plutonium par solvant, réfugié aux USA
pendant la guerre, il était surveillé de près par la CIA qui souhaite son internement, il en sait trop. A
l’IRN, on fait des expériences de physique fondamentale, des mesures de vie moyenne de noyaux
atomiques. Beaucoup de mes collègues feront carrière dans la recherche nucléaire: Knipper,
Gallmann, Chevalier, Armbruster, Suffer, Sutter, Debeauvais, Gerber, Finck et 2 capitaines
détachés de l’armée Lacombe et Bailliard (+2013), un malgré-nous alsacien, enrôlé de force, rescapé
de Russie qui finira Ingénieur-général et président du mémorial de Struthof, le camp de déportation
alsacien. Il se battra pour obtenir la réhabilitation des SS alsaciens incorporés de force présents au
massacre d’Oradour. Il a écrits ses mémoires. Pour ma part, je travaille faute de place d’octobre 1956
jusqu'en octobre 1959 au sinistre sous-sol du bâtiment de dermato-vénérologie proche du bâtiment de
l’accélérateur. En septembre 1956 je loge chez la grand-mère d'un camarade Gilbert Mignaval au
quartier des 15 rue d'Ypres. Je gagne 47.000 afrs/mois dix fois moins que mon père, comme stagiaire
de recherches du CNRS pendant 2 ans ce qui n’est pas beaucoup mais mieux que l’allocation
annuelle de 3 ième cycle de 300.000 afrs ... Le sous-sol de dermato outre mon labo contient les
réserves de sang de l'hôpital que gère un « beau vampire » Claudine Hein la cousine de Monique qui
vient là s’approvisionner et me voir de temps en temps- (Claudine ainée de 6 enfants orpheline de
père à 18 ans sera attirée par Jeannot son cousin germain le frère de Monique- aux cris de la famille !
- puis par un homme marié puis épousera Vogelweith, de 30 ans son ainé, se mettant ainsi à l’abri du
besoin, brillant luthier exerçant la vente d'instruments de musique, de disques, partitions et billetterie
de spectacles mort à 102 ans, elle peint et vend des bouquets de fleurs avec talent

Le sous-sol de dermato abrite aussi à côté du labo une énorme génératrice électrique de secours
pour tout l’hôpital qui fait un bruit hallucinant quand elle recharge les batteries. Des chats errent et se
cognent dans le labo car ils se brûlent les moustaches aux fers à souder qui restent branchés la nuit.
On travaille du lundi au samedi midi soit 44 heures mais d’autres chercheurs sont moins assidus et se
payent 3 ou 4 mois de vacances en douce. La nuit je vais travailler au labo car l’ascenseur du
bâtiment dans la journée fait tomber à chaque démarrage la tension secteur de 220 volts à moins de
100 volts, conditions peu propices à des mesures scientifiques délicates. On pouvait aussi allumer
curieusement des ampoules en les branchant entre les radiateurs hors d’usage et les cadres
métalliques des fenêtres, le sous-sol à peine éclairé par économie car le CNRS n’est pas très riche :
on nous alloue en début d’année un bloc de papier et un crayon que nous remets Francis la
secrétaire-maîtresse de Goro. L’accélérateur de particules Cockroft Walton construit par les
allemands avant 1944 était le seul accélérateur presque en état en 1945 en France. Il faudra, la
honte, demander à l’ingénieur allemand de Phillips de le remettre en route. Pour épater les visiteurs,
Gorodetsky tirait au revolver entre les 2 colonnes de l’accélérateur ce qui provoquait une détonation
et un éclair impressionnant. Les convalescents de l’hôpital venaient s’asseoir sur un banc le long du
bâtiment de l’accélérateur pour prendre le soleil et je ne suis pas sûr que cela ait accéléré leur
guérison vu le taux de radiations: Une autre époque: en 1920 on faisait même des liqueurs au radium,
les noirs se faisaient blanchir aux rayons X et les ouvrières horlogères léchaient les pinceaux avant
d’enduire de radium les aiguilles de montres d’où de terribles cancers de la gorge après quelques
années
Gorodetsky facétieux courait après les bulles de savon irisées en cours d’optique mais courait aussi
après sa secrétaire Francis tandis que Cuër prof de physique corpusculaire « courtisait » Mme
Forestier femme du directeur de l’école de chimie et Forestier « courait » après Mme Cuër ! Avec
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Melle Perrey, ils se haïssaient et jalousaient tous les uns les autres car le Cockroft devait être utilisé
par l'hôpital civil et les 3 services : celui de Cuër, prof de physique corpusculaire celui de Perey, prof
de chimie nucléaire et celui Gorodetsky prof de physique nucléaire mais en fait il ne sera utilisé que
par ce dernier seulement ce qui a quelque peu desservi le développement du centre nucléaire
strasbourgeois, dommage, alors le centre sera ensuite en quelque sorte mis sous tutelle de l’IN2P3
organisme national de recherches nucléaires du CNRS

Le bâtiment du Cockroft construit par les allemands à côté du bâtiment de


dermatologie de l’hôpital civil et l’accélérateur à l’intérieur du bâtiment à gauche

Le gratin de la physique nucléaire


française : De gauche à droite Gueron,
Muller, Mlle Perey et son chapeau, Joliot-
Curie, Gorodetzky, Lucas. Photo prise
vers 1950 devant la base en béton du
bâtiment de l’accélérateur, le haut du
bâtiment est en bois isolant

Gueron sera avec Goldsmidt celui qui révèlera à


Londres en 1942 à de Gaulle, l’importance du
programme militaire nucléaire US. Il leur dira : je
vous ai compris, déjà !

En me rendant au labo, je croiserai un jour un gros scorpion la queue dressée courant sur une allée
dans l’enceinte de l’hôpital, mais que faisait-il donc là, échappé d’un labo sans doute !
Du sous-sol du bâtiment de dermatologie annexé par les physiciens faute de place, le mercredi on
entendait au-dessus de nos têtes les hurlements des patients qui se faisait brûler des verrues ou subir
d’autres horreurs, et le jeudi, c'était le jour de visite médicale obligatoire des prostituées
strasbourgeoises, en vénérologie dont la belle et jeune Eve, blonde aux cheveux courts qui officiait
le soir en tenue très pittoresque en centre-ville, rue du 22 novembre et que nous retrouvions se
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bronzant et copinant à la piscine olympique du Wacken en plein air dès le mois de mai, bien fraîche.
Moi j’y faisais 1.000 parfois 2.000 mètres dos crawlé et du volley-ball.
Un technicien nouvellement embauché à l’IRN, un peu effrayé par la radioactivité, était, comme nous
tous, munis d’un film radiologique, dépouillé chaque mois à Paris pour contrôler notre niveau
d’exposition aux rayonnements, méfiant sur la qualité des contrôles, il plaça son film, quelques heures
dans un château de plomb abritant une puissante source gamma de Na 22 (sodium)… Après une
semaine : coup de téléphone du CNRS annonçant la mort prochaine du technicien, vu le taux de
radioactivité mesurée sur le film. Il a été fortement réprimandé.

Mariage en février 1957

Je suis sursitaire jusqu'à 27 ans, en octobre 1959 et


espère bien que la guerre d'Algérie va finir avant mon
appel. Hélas ce sera raté. Après notre voyage en
Yougoslavie je me fiance avec belle Monique Ehrbar en
décembre 1956 à Paris, mes futurs beaux-parents viennent
à Paris pour l’occasion. Ma mère a organisé un repas et loué un serveur
qui se prend les pieds dans le tapis et fait
tomber le dessert, un ananas, par terre;
mauvais présage car je contracte une pleurite
en lavant imprudemment par 0° C les vitres
extérieures de l’appartement, torse nu. Je
tousserai quelques semaines. Bizarrement à
chaque fois que je passerai au long de ma vie,
une radio pulmonaire le médecin me dira : tiens, vous avez une cicatrice
sur le poumon. J’aurai ainsi accumulé depuis mon enfance : rougeole, otite,
varicelle, scarlatine, paratyphoïde, -j’y laisserai quelques mèches de
cheveux et définitivement tous mes cils inférieurs-, puis coqueluche, hépatite et pleurite. On se marie
le 9 février 1957 au temple protestant St Paul à Strasbourg assisté du Pasteur Appia- Le sermon:
l’amour est plus fort que la mort. Dîner à la maison des Tanneurs à la petite France, on danse, des
copains Strasbourgeois et des Yougoslaves rencontrés au voyage d’étudiants viendront aussi pour le
champagne : c’est le beau-père qui paie ! Sont présents au mariage coté Monique: Les Jaegi, les
Weber, les Royer et le père et les frères de Monique. Ma belle-mère seconde épouse de mon beau-
père, fâchée avec Monique ne viendra pas, mais l’ayant chassé de la maison quelques mois avant lui
dira perfidement : Ah tu as retrouvé le chemin de mon cœur !!!. De mon côté: ma mère et ma belle-
sœur Mathilde. Un mariage mixte catho-protestant pas très bien vu côté catho, ma mère me disant : A
mes yeux tu n’es pas marié…est-ce bête, Pour l’ocasion ma mère me fait retailler un costume noir de
mon père et une robe de chambre par un ami de mon père Timmel tailleur du roi d’Angleterre blv
Haumann,  condisciple de l’école Trudaine ; Puis voyage de noces en Autriche à Galtür où j'apprends
à faire du ski. C’est là qu’il y a eu en février 1999 une terrible avalanche meurtrière (31 +). Une route
enneigée aux ornières profondes, effrayante pour un conducteur inexpérimenté. Affamé je joue avec
Monique les petits pains du petit-déjeuner de l’hôtel au poker. Nous ne disposons à Strasbourg au
départ comme tout mobilier que d’une table, deux chaises et d’un lit de 90 cms de large, avec
Monique enceinte fin décembre 1957, juste avant l’accouchement, c’était un peu étroit ! Un avantage :
Des déménagements rapides et simples. Pas riches nous irons souvent à Kehl acheter divers
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appareils: aspirateur, balance…moitié prix et nous ravitailler en essence à mi prix aussi en déjouant
les contrôles douaniers grâce à un petit dispositif électrique branché sur la jauge. Monique
passionnée de jeux de hasard dépense à Kehl un peu de nos économies sur les machines à sous
des winschtubs où nous allons déjeuner

Là où nous avons habité de 1957 à 1958, place du vieux marché aux


poissons dans la mansarde en haut à droite. La superbe maison des
Grauvogel, un savant collectionneur d’herbiers et de minéraux
d’Alsace. En 1957 sur la place souvent une seule voiture garée. Sur
la seconde photo : Monique et Caroline N°1 notre 11 CV Citroën .

On loue une chambre rue Daniel Hirtz dont on est expulsés


car Monique est enceinte, puis un 2 pièces mansardé que
nous cède Zaza au 4 ième étage d'une maison magnifique place du marché aux
poissons chez Mr Grauvogel d'où on entend les concerts en plein air du palais de
Rohan, mais les escaliers sont bien raides avec Maité sur les bras, alors on
emménage ensuite 21 rue de la première armée et titularisé au CNRS , je prépare une thèse de
doctorat de 3 ième cycle. Je passe après 2 ans attaché de recherches au salaire de 80.000 afrs/mois.
La grille de salaire du CNRS comporte une bonne quinzaine d’échelons de stagiaire jusqu’à directeur
de recherches. Monique travaille comme infirmière laborantine au laboratoire du docteur Trentsz au
salaire de 30.000 afrs/mois, jusqu’à la naissance de Maité, salaire bien moindre que celui attribué à
une étudiante en médecine, Gilberte Sybille (anesthésiste + 2012) embauchée là aussi, et pourtant
formée par Monique. Selon que vous serez puissant…En plus des prises de sang et analyses
globulaires, elle doit veiller sur l’aquarium: La prise électrique de l’aérateur tombera dans l’eau et tous
les poissons seront électrocutés, le ventre en l’air mais heureusement reviendront spontanément à la
vie après quelques minutes. On achète d’occasion à crédit une 11 CV Citroën 300.000 afrs et on fait
un voyage en juillet 57 avec la 11 CV en Espagne jusqu'à la palmeraie d’Elche avec Michel Butaye
en camping assez rudimentaire, il n'y a pas grand-chose à manger, tout est encore très primitif: On
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récolte encore le blé au fléau. On passe les cours d’eau sur un bac ou à gué. Monique est enceinte
du 5 ième mois, Les routes sont encore souvent empierrées, aie les nids de poules et les travaux.
«précaution obras» indiquent les panneaux !!! Ce n’était pas bien prudent.
Maïté naît le 18-12-1957 à l'hôpital civil (Dr Fr-Xavier Walter qui accouche selon la méthode dite sans
douleur…aux hurlements entendus dans la salle commune on peut en douter), Ma belle-mère,
seconde épouse de mon beau-père, apporte des Chrysanthèmes- la marguerite des morts dit
Brassens, une co-accouchée fera pleurer Monique en lui disant bêtement que les Marie-Thérèse
meurent jeunes... Maïté fait une super jaunisse du fait d’incompatibilité sanguine et est hospitalisée
jusqu’ à Noël.

On achète la TV (une seule chaine en noir et blanc !). A l’époque, en 1957, à la


TV, il y a une émission fétiche somptueuse: « Le gros lot » de P. Sabbagh – un
million de francs à gagner- Une séries de questions sur 6 semaines très bien
illustrées sur un sujet choisi par le candidat :Je propose le blason et l’héraldisme,
sujet que je connais bien: Les lions lampassés de gueule, les grues et leur
vigilance, les aigles bicéphales, les chats hérissonnés… mon thème sera retenu,
je serai convoqué à Paris, mais par manque d’argent,
bien bêtement je ne me présenterai pas, avec le recul je suis persuadé
qu’il m’aurait payé le voyage depuis Strasbourg, quel regret mais pas sûr
que j’aurai gagné. Le 2-09-1959 naît Anne à l'hôpital civil (Dr F-X Walter
encore lui). Entre temps j'ai fait un dérapage sur le verglas avec la 11
Citroën à la sortie en virage de Somessous près de Vitry-le-François sur la
RN4 mal entretenue verglacée et très enneigée en revenant de Paris avec
nos amis Demarez, sans dommage corporel heureusement: la voiture
irrécupérable a perdu 15 cms de longueur de châssis d’un côté en cognant
un platane avant de se coucher sur le côté après avoir traversé la route.
Mon seul accident grave en 60 ans. Un de trop, en plus je ne me suis pas
assuré tout risque et je n’ai pas d’argent pour racheter une voiture

Le diplome de Docteur en physique nucléaire

Chaque année les thésards doivent adresser à leur


parrain du CNRS, un mémoire de leurs recherches en
cours. J’aurai ainsi successivement 3 parrains
prestigieux prix Nobel, Fréderic Joliot-Curie, Louis de
Broglie et Francis Perrin avec lesquels… je n’aurai
aucun contact. Bravo la convivialité. Préalablement
aux thèses nous faisons aussi des articles publiés aux
comptes rendus de l’académie des Sciences- en toute
simplicité ! J’obtiens mon certificat d’aptitude de
physique nucléaire -3 ième cycle- en 1959 et Je
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présente en septembre 1959, après 3 ans, ma thèse de doctorat devant Mrs Gorodetzky, Yoccoz et
Mme Denyse Magnac déjà docteur es-sciences, une copine du camp étudiant de Morsiglia et
collaboratrice de Cuer et Gorodetsky de la première heure. J’ai retrouvé DenYse Magnac, grâce au
Y, à Toulouse, 97 ans en 2019. D’autres comme Mme Debeauvais, Gerber, Finck travaillaient
encore au centre nucléaire de Cronembourg en 2009
La thèse: C'est l'étude de la déformation du noyau atomique du Cadmium Cd 111 et des cadmium
isotopes en général: Des noyaux il y en a des sphériques, ou déformés en forme de soucoupe ou de
cigare. On mesure le temps de désintégration des niveaux nucléaires excités qui exprime la forme
des noyaux. Thèse: Mention honorable –On détecte avec des cristaux de INa, les rayonnements
gamma et béta et on mesure les enchaînements de 2 radiations
avec une ligne électrique, et leurs temps de coïncidences. Je
me lancerai pour publication dans la traduction du livre sur la
structure des noyaux déformés de Aage Bohr le fils de Niels
tous les deux prix Nobel de physique mais je n’aurai pas le
temps de terminer. La bibliothèque du labo possède une théorie
de la relativité généralisée d’Einstein que je lirais sans doute
une vingtaine de fois. Le professeur Cuër directeur de physique
corpusculaire fera de fausses factures de prestations fictives à
l’université de Heidelberg pour payer ses voyages aux USA et
ses maîtresses, et sera viré de l'Université quelques années
plus tard: un gros scandale !, puis il se rachètera et se
reconvertira en bioéthique. Il est décédé en 2011. Un bel
homme brillant physicien sympathique et chaud lapin. Au sortir
d’ébats, il entre un jour dans l’amphithéâtre pour faire son
cours un peu essoufflé, avec la chemise dehors. Gorodetsky lui
se fâchera avec la fac de médecine à laquelle il devait fournir
des isotopes, cela ne l’intéressait pas, seulement la recherche
pure ! Puis le premier Octobre 1957 : j’ai 27 ans, départ à
l’armée !

Comptes rendus de l’académie des sciences (Gorodetzky, Lefort and co)

Le sous-sol du batiment de dermato : le labo de physique nucléaire

C’est un peu le fourbi ! Le CNRS n’est pas bien riche. En premier plan : sur la table les 2
monocristaux d’iodure de sodium, dans un blindage d’aluminium, détecteurs de particules alpha, beta,
gamma associes à 2 photo-multiplicateurs qui génèrent des d’impulsions électriques et au sol la ligne
à retard de quelques mètres qui permet de mettre en coïncidence les 2 impulsions générées par les
radiations gamma ou béta et introduites à chaque extrémités de la ligne. Les impulsions en
coïncidences sont ensuite décomptées selon la position du détecteur mobile que l’on déplace cm à
cm sur la ligne dont les deux sorties sont reliées à un dispositif de comptage. Cela détermine deux
courbes en cloche dont la pente et le décalage donne la période de décroissance des niveaux
nucléaires et indique la structure du noyau étudié : une période longue indiquant un noyau déformé.
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A l’époque on mesure des temps de 0,01 nanosecondes, le temps qu’un photon mets pour parcourir
3 mm

Bâtiment de physique corpusculaire rue de l’Université, les professeurs

Mon labo de physique nucléaire au sous-sol du batiment de dermatologie de l’hôpital  :


l’appareillage de détection : Sur la table, les détecteurs, au sol la ligne à retard

Prémonitions

Je suggèrerai modestement lors d’un colloque interne


que le proton pourrait ne pas être une particule
élémentaire et être constitué d’autres particules, devant
mes collègues ébahis, c’était iconoclaste, mais un an
après Gell-Man un américain proposera la théorie des
Quarks où le proton est constitué de 3 particules : 2
quarks « UP,  un bleu l’autre rouge » et 1 Quark
« DOWN,  vert » et il aura le prix Nobel, mais je n’avais
pas, loin s’en faut, sa culture mathématique et ce n’était
qu’une idée en l’air de ma part.
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Au Service militaire octobre 1959-octobre 1961

La caserne Jeanne d’Arc, à Thionville, à droite : Le poste de garde et la prison

Peu avant de partir au service, j’ai été contacté


et auditionné à Paris par Westinghouse,
département nucléaire à Pittsburgh (USA) pour
engagement alors je leur demande de
transmettre une demande de détachement au
ministère de la défense. Cela n’aboutira pas: pas
de piston et le contexte politique franco-
américain n’est pas vraiment serein: dommage
ils me proposaient un pont d’or 800
dollars/mois, soit 4000 frs le double des
propositions françaises, 5 fois mon salaire du
CNRS avec un bémol: 15 jours de vacances
seulement et une ville assez polluée. Je pars au
service le premier octobre 59 (Pour 24 mois seulement au lieu de 28 pour les pères de 2 enfants)
Monique reste seule avec nos 2 filles et sous-loue une chambre à son frère Jeannot rentré du service
en Algérie. Maïté va un peu à la crèche et prend un accent alsacien assez chantant

Arrivée à Thionville, quartier Jeanne d’Arc, où je suis les cours EOR (officiers de
réserves) je rate délibérément les
examens car comme s/lieutenant je
serais parti pour l'Algérie (peut-être).
Mais j’aurais pu quand même être
sergent cela aurait été moins pénible ! Beaucoup de
films intéressants, certains horribles sur les mines
bondissantes qui sectionnent un individu au niveau
du ventre, le désamorçage des mines, le démontage
des armes, le tir au bazooka, le maniement des
canons 105 HM2. L’art du guetteur: voir sans être vu
! Le close-combat: coup de pied dans le bas-ventre,
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l’arrachement de la peau du tibia, la clé mortelle au cou…L’inspection du canon des armes à feu se fait
par le sous/off avec gants blancs. Des blagues : de quoi sont l’objet des pieds du soldat ? De soins
attentifs. Sur quoi tire la sentinelle ? Sur ordre !

Page d’humour : lettre


envoyé par le colonel
aux familles à
l’incorporation

On monte la garde la nuit au dépôt de munitions, fusil chargé à cause des risques d’attentats
algériens. Un soldat électrocuté chute et se tue en urinant sur un fil électrique la nuit par la fenêtre de
la chambrée. Un autre prend une balle de mitrailleuse dans la cuisse en déchargeant l’arme, une balle
d’exercice en carton, heureusement. Un appelé Loustaud pas très futé tire au bazooka sur un char,
abrité par un muret, il tire et on voit sortir du muret, en roulant, son casque, on craint le pire, mais il a
juste mal calé l’arme et avec le recul elle lui a échappé. A l’arrivée au corps on est obligé d’acheter fort
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cher l’écusson et la fourragère du régiment et pour Noël, étant encore consignés du fait des
vaccinations- vaccin Typhus l’horreur : Je suis comateux quand Monique viendra me voir à Thionville
au bout de 2 mois avec Maité, 2 ans laissant Anne 3 mois à ses parents et demandera au colonel une
permission pour moi, on sera gentiment hébergés pour la nuit par André et Anne-Marie Clément-Klein
amie infirmière de Monique. On doit écrire pour Noël une lettre-type assez imbécile pour dire que tout
va bien, aux parents pour la plupart et pour quelques autres à leur épouse: Gare à ceux qui font
fautes ou ratures ils sont condamnés à recommencer. Les séances de sport en short torse nu par 0°
C, à 6 heure du matin en décembre, Que faire quand on est seul et qu’il neige en décembre, pas de
marmot à croquer ! Le froid est sec alors pas de malades ! Après 2 mois je suis affecté au 25 ième
RA où je n'ai jamais tiré au canon 105 HM2 et 155 HM2 américain mais on le manie dans un parc de
Thionville : accrochage décrochage du camion tractant, mise en position: écartement des poutres de
maintien, réglage site azimut avec la hausse mais on ne tire pas, sauf en décembre 59 à Bitche où on
passe 3 jours : les nuits y sont fraîches -25 °C sous la tente, l'horreur ! On se serre. La caserne
Jeanne d’Arc de Thionville n'est pas chauffée car le chauffage central a gelé, ainsi que les
canalisations des WC. Il y a dans chaque chambrée, de petits poêles que l'on doit éteindre la nuit par
sécurité. On garde le fort de Hettange où sont stockées des munitions, de nuit, on est casqué, armé
d’un fusil, cartouches dans la poche et on interpelle la relève : qui va là? On demande le mot de
passe. Le cahier de service relate: Une nuit une sentinelle vide un chargeur sur un supposé suspect !
C’était la relève qui avait oublié le mot de passe ! Beaucoup sont terrifiés seuls dans l’obscurité, à
cause des risques d’attaques de terroristes algériens et claquent des dents. Les sous-officiers font des
brimades et chargent les futurs EOR en bottes de vider avec seaux et pelles les sous-sols envahis
d’une couche d’excréments moitié gelés de quelques dizaines de centimètres à la suite de rupture de
canalisations à cause du gel. A cause du gel aussi une seule douche chaude collective par semaine
dans une autre caserne, le reste du temps : toilette le matin, nus devant un évier, à l’eau glacée…pour
quelques courageux. Le soir, on est couchés en chambrée dans des draps et couvertures troués:
Extinction obligatoire du poêle à charbon par prudence alors les nuits sont bien froides. Le froid, l’alcool
associé aux vaccinations et le manque de tabac font chez certains quelques ravages, cela finit par de
fortes fièvres et à l’hosto

Exercice de tir à la Mat 49 (Pistolet Mitrailleur), en groupes à la nuit tombante.


Après le tir, on va boucher les trous sur les cibles avec des pastilles de papier
collant, le nouveau groupe se mets en place et le sous-lieutenant distrait ou mal
voyant dans la pénombre ordonne le tir en rafale alors qu’on est encore derrière
les cibles. Les balles sifflent, on court .Pas de blessés, On a eu chaud.

Je râle, lors d’une corvée de patates alors l’adjudant me condamne à  « une


tenue de campagne »: Je dois me présenter au poste de police avec: casque,
sac à dos, barda, fusil…J’y découvre la prison et les ‘prisonniers’ têtes rasées et
goguenards, sans lacets ni ceinture, les cellules, les paillasses …

Le tir Lambert : on est chargé de participer à des simulations de tir au canon: une maquette 10 x 10
mètres en relief avec collines, arbres, villages, églises, chars, canons… les officiers calculent les
angles de tirs, nous, on déplace les cibles, chars, canons… un adjudant simule les tirs: pan ! pan !
pan ! en scandant de la voix et en frappant du pied, c’est grotesque
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Exercice à Bitche par un temps glacial, départ de Thionville en camion mal bâché, glacial, On monte
la garde par - 25° avec sur le dos une tenue de sortie plus 2 capotes ! On chante, dans des marches
au pas sans fin, à la fureur des adjudants : « j’ai, j’ai, j’ai quelque chose dans le cul qui m’empêche de
marcher ». Je termine une de ces marches insupportables de 15 kms en petite foulée avec casque,
sac à dos bourré et fusil, en faisant du stop, dans une bétaillère odorante d’un paysan en compagnie
d’un cochon qui couine et j’arrive dans les premiers… en forme et parfumé au cochon !

La nourriture est particulièrement détestable et …folklorique: au petit déjeuner: maquereau au vin


blanc ou sardines associés à de la purée de marron, quant au café j’y renonce, ce n’est pas le pire, je
m’aperçois que les cuvettes en aluminium qui nous servent à laver le sol du réfectoire sont les mêmes
qui servent à servir la soupe ! Le commandant passe : Est-ce bon aujourd’hui? Non?, oui mais hier,
ça allait, demande- t- il ? bon alors ! Je vais ensuite après les classes à Hettange-Grande comme
planton du colonel: Je dois faire son lit et chasser de sa chambre des centaines de coccinelles, C'est
le printemps, cela change de la recherche fondamentale

Hospitalisé brièvement à l’hôpital militaire de Strasbourg à l’issue d’une permission, pour colibacillose,
je subis un examen des reins précédé de soins par une infirmière un peu sadique qui manie la canule
à l’aveuglette. Je partage la chambre avec un gradé de CRS qui m’explique qu’il s’est fait hospitalisé
car «il ne s’est pas engagé aux CRS pour aller se faire tuer en Algérie» mais trouve tout normal que
les appelés y aillent. Nos rapports resteront froids.
La garde : le poste de garde est muni de bat-flancs et de paillasses bien dures: 2 heures de garde,
deux heures de repos alternativement, un café infâme, impossible de dormir dans ces conditions.
Quelques copains dont X garagiste de Sarrebourg il a 35 ans marié plusieurs enfants, à 20 ans il a
été oublié par l’armée et n’a rien dit, jusqu’à ses 34 ans, il nous ramène de Thionville à Hettange en
Dauphine: arrêt terminal devant la caserne en faisant un brillant tête-à-queue au frein :
impressionnant , Un autre, un paysan nous explique les ravages de la suppression imbécile des haies
dans les champs : le remembrement. Ils ont droit à des permissions supplémentaires pour les
moissons et les vendanges

L’Hopital de Metz

Au bout d’un an je suis envoyé à l'hôpital Legouest à Metz en CAR6 (corps


d’affectation temporaire) pour des cercles de nodules bizarres mais bénins aux
articulations des doigts qui intéressent, pour sa thèse un médecin appelé, bien sympa
: il me fait une biopsie pas très douloureuse et prend des photos pour sa thèse de
dermato en échange de l’hospitalisation. Ce jeune médecin décide aussi de soigner
ma calvitie naissante, et m’enduit la tête de goudron et d’un pansement impressionnant. Cela n’a pas
eu trop d’effet. On devait me prendre pour quelque héros de guerre. Je suis affecté trois mois au
secrétariat du médecin colonel, très déprimé par des opérations sur les soldats rapatriés d'Algérie,
pas toutes réussies : atroces séquelles des mines, éventrations, membres arrachés… Un très brave
homme ulcéré par tous ces morts et ces mutilés. Je lui dois une permission de 48 heures toutes les
semaines pour aller de Metz à Strasbourg avec un train encore à vapeur tiré par une 141 Pacific
roulant à 140 km/heure et brinquebalante. Mon travail: Je rédige les permissions et demande des
certificats de naissance pour l’archiviste chargé de régler les dossiers de retraite et réforme, je
demande à diverses mairies les fameux certificats de bonne vie et mœurs des futures épouses
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d’appelés: toujours élogieux ces certificats ! Cela me laisse quelques loisirs pour arrondir mes fins de
mois en corrigeant des copies de l’école universelle. Il y a là aussi tout un ensemble de militaires
hospitalisés en instance de réforme: teigneux, galeux algériens, incontinents, psychopathes,
homosexuels exhibitionnistes…et oui, pas encore de mariage gay, un acnéique, le dos couvert de
furoncles qui bizarrement est affecté aux cuisines…car c’est son métier civil ! Eczémateux aussi, car
la tenue des hospitalisés est constitué d’un pantalon et veste bleus en grosse toile mal lavé qui
provoque des dermatoses, j’en contracte une et me rend à l’infirmerie. Les ¾ des militaires examinés
là, ont contracté une blennorragie avec des prostituées en ville de Metz, une infirmière d’âge mur, pas
très avenante est chargée d’enfiler une impressionnante seringue d’antibiotique prolongée par une
mince canule , enfin pas si mince que ça, dans le pénis des malades. Goguenarde, pour permettre
l’opération, elle dit à l'un d'eux: «raidissez-vous mon garçon»…plus facile à dire qu’à faire …ce n’était
pas Claudia Schiffer ! A l’issue de leur hospitalisation, ils seront privés de permission de détente,
double punition pour ces imprudents: Je rédige toutes ces demandes de permissions qui sont
refusées par le colonel, en 1960 on ne rigole pas avec les mœurs, enfin en métropole car en Algérie
c’était différent avec les BMC (bordels militaires)

Le Centre Mobilisateur 66

A la fin de mon hospitalisation de 3 mois à Metz, c’est ce séjour qui me permet


d’obtenir ma mutation de CAR6 –affectation temporaire-, à Strasbourg, fin 1960 au
centre mobilisateur de Strasbourg le CM 66, au quartier Lecourbe, quai Vauban et
peux alors revenir coucher chez moi presque chaque soir. Je
m’inscris au cours de préparation à l’agrégation de physique ce qui
me permettra de m’échapper un peu plus. Je suis secrétaire au centre mobilisateur
où sont casernés désarmés et consignés beaucoup d'algériens FNSA vindicatifs:
l'un éventre d'un coup de couteau un français qui lui a lancé bêtement, au réfectoire
une couenne de jambon, geste jugé insultant par un musulman. Un autre me
menace de mort car il trouve son tour de garde trop fréquent- il n’avait pas tort
sans doute- mais eux n’avaient pas droit de sortir. Je suis sous les ordres de
l'adjudant Anquès, dit «encaisse toujours» une crapule qui a participé à des
exécutions capitales à la libération, il s’en vante, il se répand en propos
salaces sur la PFAT du service, il dénonce et fait condamner par le tribunal
militaire à 6 mois de prison un pauvre soldat qu’il a surpris endormi pendant sa
garde de nuit, dans une voiture, pour aggraver son cas il lui avait dérobé son
fusil. Il y a aussi tout une meute de chiens, six beaux bergers allemands enfermés en cage métallique
grillagée et comme leurs maîtres-chiens changent tous les 2 mois du fait des départs en Algérie, ils
ne sortent guère de leur cages, ils sont féroces, inapprochables et pas facile à nourrir

Le livre de service de la compagnie est plein d’anecdotes: Une par exemple: le CM66 a une annexe
hors de Strasbourg au fort Kleber et des appelés de relève entraînent pendant le week-end la fille
mineure et peu farouche d’un adjudant, déguisée en soldat, en capote et casque sur la tête pour
passer en douce le poste de garde, un beau scandale, le père furieux, la fille pas mécontente du tout,
dit-on
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Le long du quai du canal, des camps de roulottes de gitans: à 6 heure du matin bien frais, je regagne
la caserne à pied, les gitanes font leur toilette en plein air, torse nu, ça réveille!

Autre anecdote : Le CM66 gère les ordres de mobilisation et ordres de convocation des matériels
réquisitionnés en cas de conflit: En particuliers des camions, un jour une enveloppe contenant tous
ces ordres transmis à l’état-major s’ouvre accidentellement au tri postal, alors les ordres de
réquisitions sont transmis aux intéressés qui se présentent le jour dit en nombre avec leur véhicule
au centre CM66. La discipline alsacienne. Une belle pagaille!

Fin avril 61 c’est le push des généraux à Alger et on craint que les paras arrivent en France pour
renverser de Gaulle. Alors à Strasbourg, on nous distribue casques, fusils et munitions et le capitaine
Debaine nous demande de défendre la République ! Finalement le putsch avorte. Heureusement car
je ne me vois guère tirant sur les paras. Je touche 4.18 frs par quinzaine comme brigadier c'est peu,
mais on reçoit un peu d'aide de la ville de Strasbourg (60 frs/mois) et des allocations logement 150
frs/mois. Le loyer du trois-pièces à Strasbourg coûte 290 frs. Quant aux services d'entraide de
l'armée, un général sympa me retourne ma demande d’aide avec souligné en rouge un : 'aides-toi le
ciel t'aidera'. J'ai contracté un prêt d'honneur de 3000 frs au rectorat remboursable en 10 ans -10 ans
c’est bien long-. Au bout de 18 mois je retrouve mon salaire du CNRS: 800 frs/mois comme
fonctionnaire-contractuel maintenu sous les drapeaux, un grand soulagement, mais bien injuste pour
les salariés du privé, et j'arrive en trichant un peu sur mes permissions à être libéré au bout de 23
mois. Comme je gère le secrétariat, un poste se libérant du fait des départs, je me nomme brigadier-
chef avant de quitter l'armée: vanitas, vanitas. Je touche alors 6,18 frs au lieu de 4,18 frs par
quinzaine et l’argent des cigarettes que je revends. Un camarade brigadier-chef procédurier qui
déjeune chez lui potasse le règlement et se fait rembourser ses repas. Fin 1961 je reçois la nouvelle
tenue de sortie: un uniforme kaki une cravate noire et un béret (Seule photo que je possède en
tenue militaire sur mon permis de conduire militaire). Les appelés passent leur permis de conduire
gratuitement et comme on s’ennuie, nous, brigadiers et sergents essayerons de passer le permis
poids lourd en nous exerçant sur les camions militaires dans la caserne, aux vitesses non
synchronisées, on s’entraîne le week-end mais le jour de l’examen on ne fera que casser la flèche
clignotante en frôlant un lampadaire et on fera grincer très fort la boite de vitesses non synchronisée:
Tous recalés dit l’adjudant grognon !

Les sous-officiers d’active restés en France sont un peu rouillés et ventripotents, quand ils arrivent en
Algérie, les marches les font souffrir alors l’état-major décide d’imposer des marches d’exercices, le
week-end. Avec les ampoules et courbatures, le lundi ce n’est pas la joie ! Par contre on laisse
tourner les moteurs des camions des heures entières : Car il faut consommer le quota d’essence
alloué, faute de le voir réduit l’année suivante. Quel gâchis

Il y a un brigadier-chef de carrière, alcoolique, un peu crétin, maintes fois cassé, père de 6 enfants,
c’est la tête de turc ! Mais il y a aussi un adjudant-chef jovial, Vandewerne… de garde comme nous le
soir de Noël 1960, il nous apporte à tous des religieuses au chocolat, pour nous remonter le moral. Il
y a aussi Sherr un deuxième classe peintre en bâtiment, déjà 2 enfants, le capitaine, imbécile, l’utilise
pour repeindre en blanc les joints des murs en brique de la caserne ! Il fait le mur la nuit pour travailler
à quelques travaux de peinture et nourrir sa famille. Le L-Colonel R…. qui dirige le centre a été muté
là, la rumeur dit qu’il aurait fait massacrer dans une embuscade en
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Algérie un certain nombre de troufions, il regarde toute les semaines le J.O. pour voir s’il n’est pas
promu colonel: rien, alors il râle. Moi je lis après lui les décrets concernant l’armée: Qui a droit à
réduction ou exemption de service : Par exemple un appelé marié, un enfant sa femme enceinte: Si
elle accouche d’un bébé vivant alors 24 mois au lieu de 28 mois de service, mais telle autre, le bébé
est mort-né alors pas de réduction ! Un autre, avec 5 enfants, épouse enceinte, en attendant la
naissance, on est exempté avec 6 enfants, lui sera quand même incorporé, c’est sordide. On a
réussi à aller quelques jours en vacances dans les Vosges au col du Bonhomme avec la 15 CV
Citroën dans une ferme, en juillet 61, ayant récupéré mon traitement de fonctionnaire contractuel de
l’Etat après 18 mois étant au terme de la loi maintenu sous les drapeaux, On passe en nouveau
francs: 1 nouveau franc pour 100 anciens francs. J'ai acheté d'occasion 800 frs nouveaux, un mois de
salaire, cette ‘magnifique’ 15 Cv Citroën noire à suspension hydropneumatique- elle vaut aujourd’hui
en 2014, 30.000 euros mais en meilleur état que la mienne ! Le bas de caisse est en dentelle et il y a
un gros trou dans le toit ! Pendant mon service, Monique utilise un peu la voiture mais a du mal à la
faire démarrer car c'est un 6 cylindres et la batterie est assez faible alors il faut démarrer le moteur à
la manivelle et comme c'est trop dur, Monique demande aux passants de la tourner, mais ils ne sont
pas toujours enthousiastes, les passants !

Je gère au secrétariat: les effectifs, le tableau de service, les permissions, les ordres de mission,
mutations, départs en Algérie, les commandes de repas, les gardes…etc, intellectuellement pas
fatiguant, je dois aussi cirer les parquets des bureaux dont celui du L-colonel tous les matins, mais je
suis exempté de garde !

Un jour, le commandant Petitfrère qui m’a hébergé à Lille en


1954, devenu colonel à l’état-major à Strasbourg vient au centre
pour inspection. A cause de l’accident survenu à son fils à Lille
et dont je n’ai jamais demandé de nouvelles, j’ai honte, je me
cache !

A la fin du 23 ième mois, j’ai un peu bricolé mon livret militaire


pour faire disparaître les permissions déjà prises, car je dispose
au secrétariat des feuillets et cachets nécessaires, je me rédige
mon certificat de bonne conduite, je rends mes effets militaires,
il manque toujours quelque
chose alors l’adjudant fourrier
furieux répète inlassablement
à chacun ‘Vous me gonflez
tous les couilles’ Adieu l’armée
!

Caroline N° 2 la 15 CV Citroën au col du Bonhomme Monique et


Anne 1 an
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L’hôtel Le Recati

Enfin libéré on va en octobre 61 en


vacances en Espagne avec la 15 CV Citroën
jusqu'à Valencia à 15 Kms au sud à El
Perello à l’hôtel Recati, désert et accessible
financièrement pour nous seulement hors
saison, magnifique tout seul à l’époque dans
les dunes. Cela a bien changé hélas. Maître
d’hôtel en habit, serveuses en tablier, coiffe
et gants blancs. Des hors-d’œuvre fabuleux.
Une touriste allemande appelle Anne bien
bronzée « apfelchen » Anne 2 ans demande
à grand cris des frites !!! .La propriétaire de
l’hôtel a 6 pékinois qui terrorisent les filles et leur mordent les mollets. On aura quelques problèmes
avec la 15 CV, le précédent propriétaire a laissé à l’abandon cette voiture pourtant coûteuse dans un
hangar, il y a un trou dans l’arrière de la carrosserie et de petites araignées rouges se sont installé
dans la tapisserie du toit, elles sortent au moindre chaos et terrorisent les filles. Je casse une bielle
sur la RN4 à Vitry-le-Francois- réparation très coûteuse- le prix d’achat de la
voiture, puis un cardan près de St Etienne dans le col de la République. Un
garagiste me forge pour une somme dérisoire un cardan neuf en une heure, quelle
époque ! Une voiture de 75 CV avec une accélération étonnante en première !
140 kms/h de vitesse maximum. Du chrome partout mais un chauffage primitif: un
simple tuyau évasé en fer apposé sur le radiateur et que l’on fixe en hiver, une
consommation de 16 litres/cent mais une telle largeur de caisse que les 2 filles
peuvent se coucher en travers sur la banquette arrière, une suspension
pneumatique idéale qui précède celle de la DS 19. La voiture est livrée avec une
cale en bois à crampon, c’est tout ce qui me reste !

Le nucléaire civil 1961-1964

Libéré du service, je travaille 2 semaines à nouveau à Strasbourg au CNRS à l’IRN


qui a déménagé à Cronenbourg, puis j’hésite entre 3 propositions : L'institut de
recherches Batelle à Genève (le regret de Monique) Michelin à Clermont-Ferrand et
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CRC la compagnie radioélectrique du centre, filiale de la compagnie des compteurs CDC, à St


Etienne rue Daguerre: A Genève, une bonne proposition mais un accueil suisse glacial, à Clermont-
Ferrand chez Michelin, atmosphère catho paternaliste alors je choisis finalement CRC qui m'offre
2000 frs/mois mais si le travail est intéressant, la ville est moche, couverte de poudre de charbon,
encombrée de mineurs crasseux et de rapatriés d'Algérie, par contre les environs sont magnifiques
le col de la république en particulier très enneigé en hiver. Le logement est difficile. On loge en face
des abattoirs, d’une aciérie qui crache un nuage roux et du stade, 155 rue Bergson, on a comme
voisin de palier Herbin le pas-encore célèbre capitaine puis entraîneur de football de AS-St Etienne. Il
y a des rats dans la rue. CRC est une usine d’électronique et d’instrumentation nucléaire. Mon travail
consiste à développer pour le CEA un nouveau détecteur immédiat ultra-sensible de radioactivité de
l'eau: Cela s'appelle un Babar du nom d'un appareil similaire pour contrôler l'air qui a une grande
trompe d'aspiration. Il existe au CEA un appareil concurrent de la société Suisse Landis et Gyr très
réputée : Un rouleau de papier qui avance lentement sur lequel tombe des gouttes de l’aérosol et
s’évaporent chauffé aux IR, mais le papier brule et craque tout le temps et l’appareil est inexploitable !
Mon Babar c'est un ruban de rilsan posé sur un ruban de cuivre chauffé qui avance lentement sur
lequel tombent des gouttes d'eau qui se vaporisent: la radioactivité du résidu sec qui reste sur le
ruban est mesurée par des compteurs Geiger et photomultiplicateurs à cristaux INa (alpha et béta-
gamma) protégés par un blindage de plomb contre les rayons cosmiques parasites. Pour stocker le
Strontium Sr90 radioactif de test le directeur achète d’occasion un coffre-fort dont on ne trouvera
jamais le code. Je travaille avec comme adjoint un mécanicien et un électronicien polonais
Zafranieck. Le directeur s'appelle Bealem, il aime les belles voitures et les femmes mais il n'aime pas
les syndicalistes qui réclament entre autre du papier pour les WC alors il leur répond d'apporter leur
journal ou de faire cela chez eux ! Le chef du personnel demande aux employés: comment ça va ? , à
ceux qui parlent de leurs petits maux, il répond: votre santé je m'en fous, c'est de votre travail dont je
vous parle ! Toute une époque. J’inaugurerai mes travaux en allant d’urgence au CHU de St Etienne
pour retrouver d’urgence à l’aide d’un détecteur gamma une dangereuse aiguille au radium pour le
soin des cancers, égarée…et jamais retrouvée. Après 2 ans, on vend quelques babars à de
Pierrelatte Un EHR 835 y sera encore en service en 1971 à l’usine de séparation isotopique. Un
autre aux mines d’Uranium, à Saclay pour contrôler les eaux d'égouts à la sortie du centre car
quelques chercheurs peu consciencieux vident les produits radioactifs inutilisés dans les éviers,
effluents qui finissent dans l'étang de Saclay, zone protégée ! Je visite le centre de Saclay: tout un
bâtiment est occupé par des cages de singes objets d’expérimentations: la plaisanterie est de dire
que ce sont les enfants des chercheurs irradiés. On vend un Babar à la mine d'Uranium de St Priest
la Prugne dans le Forez: L'Uranium du minerai est séparé mais le radium, pas rentable est rejeté
dans les eaux de la rivière en aval, les vaches paissent et s’abreuvent là, or quand on branche
l'appareil sur l'eau de la rivière la Prugne, la mesure de radioactivité est très élevée, 1000 fois la
dose maximum admissible pour les eaux de boisson ! Les vaches et les buveurs de leur lait devaient
être luminescents la nuit. L’ingénieur des mines est quand même bien honteux. Pub de l’époque:
Volvic, l’eau minérale la plus radioactive ! C'est l'époque où les Russes font sauter des bombes H de
40, 50 mégatonnes- 3000 fois Hiroshima- qui contamineront pour plusieurs centaines d'années par
les retombées (strontium Sr90 et césium Cs137) le lait et le riz, toute la population mondiale, en
doublant le taux de radioactivité naturel interne (potassium K40 et Radium). Une satisfaction : Mon
Babar sera homologué au catalogue instrumentation du CEA. appareil pour le contrôle de
radioactivité des mains pour le C.E.A. Monique s'ennuie, Anne prend bien malgré elle le pas trop
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harmonieux accent stéphanois et chante à l’école rin-tin plin (rantanplan) j'ai perdu mes guins
(gants). On fait de belles promenades au Pilat, au col de la République et aux jasseries, les fermes
d’altitude, souvent enneigées mais il y a quelques vipères en été. La famille, Roland, Jeannot,
Christiane, les Royer, les Weber et ma mère viennent nous voir. Je retrouve amicalement une fois à
St Etienne 7 ans après notre première rencontre la jolie Denise Page, hôtesse de l’air sur AF et
championne nationale de tennis. Elle meurt peu après dans un crash d’un vol AF en 1962 à Pointe à
Pitre, elle avait 26 ans et bien mignonne. Un attentat dit-on du fait de personnalités à bord

Le Babar EHR 835 mon oeuvre !!!

A CRC mon patron est Dominique Leprince-


Ringuet ingénieur X fils du célèbre physicien
Louis Leprince-Ringuet. Fervent alpiniste, il se
tue dans la cordillère des Andes au Pérou en
1966 en dévissant de plusieurs centaines de
mètres, il tombe dans une crevasse au retour
du Huscara, son corps n'a pas été retrouvé. Il
laisse veuve et orphelins. Assez facétieux, je
l’ai accompagné à un congrès de physique
nucléaire à Clermont-Ferrand en 1962 où
parle une conférencière très moche Mme
Avant, alors il me glisse à l’oreille : La voilà
Avant, qu’est-ce que ce doit être Après !!
95

Le Nucléaire Militaire 1964-1968

Comme Monique s’ennuie à St Etienne et que j’ai terminé mon babar, je postule pour
une place de cadre à Paris en 1964 à la Sodeteg filiale de la Thomson, société qui est
l’architecte industriel du CEA militaire chargé du chantier nucléaire , en fait une tutelle
imposée, très mal acceptée par le CEA militaire la DAM (direction des applications
militaires), dont les directeurs ont peu la notion des contraintes industrielles et
financières.

Le CEA prescrit les appareils et installations désirés souvent de façon peu réaliste, la Sodeteg
entreprend les études, rédige les cahiers des charges, choisit les sous-traitants, dépouille les offres,
choisit les contractants, suit la fabrication, fait la réception des matériels, les teste, les livre au CEA,
les installe sur les sites et fournit le personnel en assistance technique sur le site: 100 techniciens et
ingénieurs presque tous de Thomson payés royalement, un pactole ! J’entre à la Sodeteg filiale de
Thomson comme cadre 3B salaire 4000 frs/mois le double de mon salaire à CRC.

Je contrôle et signe les 100 feuilles d’attachement hebdomadaires du personnel détaché de


Thomson, impossible à en vérifier la véracité, Je suis chargée du développement et installation des
instruments nucléaires sur le site d'expérimentation des engins nucléaires à In-Eker au Sahara au
nord de Tamanrasset, pour le compte du CEA militaire. Je reçois donc tous les dossiers techniques
du CEA, les appels d’offres, les propositions…que je passe à mes ingénieurs pour exécution. Un
autre ingénieur Beranger s’occupe des études, un autre Brun s’occupe des installations de génie civil,
un autre Guérand de l’énergie électrique

Faute de trouver un logement, on loue à Fontenay aux roses, l'appartement de mon frère absent en
mission aux Indes, au 42 rue G. Bailly. Le gros problème en 1961, c'est le logement et le téléphone (il
faut attendre plusieurs années et il faudra payer l’installation de la ligne).

Le président de Sodeteg s'appelle Belpomme (+2017), le directeur technique s'appelle Laplume, le


directeur administratif s'appelle Leborgne, le peu apprécié directeur financier: de Monlord- dit «de
mon cul», le directeur du site polynésien: Lesourd dit l’amiral: en fait un capitaine de corvette. La
plupart de ces cadres supérieurs assez brillants sont d’ex officiers pro-OAS en retraite d’office
anticipée. Quelques-uns de mes adjoints ont des noms bizarres: Conard, Lanusse, Convert..!. Le
président de Sodeteg est très prude: De très rares femmes travaillent là, essentiellement au
secrétariat, en pool. Belpomme a fait clouer un panneau aux bureaux de ces dames afin qu’on ne
voit pas leurs jambes, et pas question de voir ces dames sur les chantiers. Je dirige une quinzaine
d'ingénieurs et techniciens. La Sodeteg est alors une toute petite équipe, on est logé dans une belle
villa de Clamart puis provisoirement dans des Algéco où il fait très froid l’hiver 64, puis enfin
l'immeuble Sodeteg est construit au Zipec (Zone Industrielle du Petit Clamart). Les missions au
Sahara puis en Polynésie sont très bien payées: En mission, salaire multiplié par 3.5, une partie sans
96

impôt, plus une dotation: chemise, short, blouson kaki, lunettes et chapeau de brousse que je mets
encore et surtout un laissez-passer du ministère de la défense qui nous autorise à recourir à la force
publique et une habilitation au secret-défense, l’enquête préalable des inspecteurs de la DST ira
jusqu’à interroger mes beaux-parents à Strasbourg quelque peu étonnés. On ne peut pas être habilité
si on a des parents dans les pays de l’Est. De Gaulle n’a pas mégoté pour la force de dissuasion.
Mais le contrat de travail précise aussi: d’astreinte de jour de nuit, dimanche et jours fériés ! Je
découvre les bombes A et les essais atomiques au Sahara à In Eker : Une montagne de quelques
kms en forme de cône le Tanafela et le Tanataram sont creusées des galeries horizontales dans le
granit très dur sur 1 km puis il y a un coude formant cul-de-sac appelé la bouteille atténuant le choc
de l’explosion, puis encore quelques centaines de mètres de galerie qui se termine en spirale au
centre de la montagne sur une salle dite la salle engin où se trouve la bombe expérimentale : Ce sont
2 demi-sphères creuses en uranium naturel entouré de TNT, écartées l'une de l'autre dans lesquels
sont implantées une vingtaine de détonateurs. A l'intérieur une petite sphère d'uranium U 235 ou de
plutonium Pu239 appelée le cœur qui est placé par un bras mécanique au centre des 2 demi-sphères
au centre desquelles se trouve une alvéole demi-sphérique. Une fois le cœur en place les demi-
sphères se referment pour former une sphère parfaite. Le tout est refroidi par une soufflerie glacée
car le cœur chauffe à cause des neutrons émis. La mise à feu fait contracter la masse d'uranium le
cœur devient plus petit et devient explosif, on envoie alors une bouffée de neutrons avec un
générateur (dans le délai de quelques microsecondes: un des secrets). L'explosion quelques dizaines
de kilotonnes provoque l'écrasement de la galerie en spirale évitant ainsi une contamination
extérieure. La galerie est toutefois fermée de 4 portes blindées étanchéifiées à la mousse de
polyuréthane. On mesure avec toute sorte de détecteurs les flux de gammas, de neutrons, de
secousse sismique. A l'extérieur une grande boucle de métal en forme de tore, de plusieurs kms dite
boucle Rocard (le père du politicien spécialiste de l'électromagnétisme et de la radiesthésie) mesure
la puissance de la bombe par le flux électromagnétique engendré. Il y a une nouvelle expérience tous
les 3 mois Beryl, Diamant, Emeraude, Améthyste, Rubis, Opale, Topaze, Turquoise, Saphir, Jade,
Corindon, Tourmaline, Diamant d’où la plaisanterie mnémotechnique : Boum Des Engins Avortent
Ridiculement Ou Tonnent Timidement Sans Jamais Causer Tout Dommage. Sur le site on installe les
shelters avec cages de Faraday contenant les appareils de mesure électronique. Baléras un des
s/directeur du CEA veut qu’on déplace les câbles sortant des shelters selon une certaine direction en
faisant des boucles, perplexe, on demande pourquoi, alors Baléras nous dit abruptement: les
américain ont fait comme ça ! C‘est lui le chef ! Exécution, Quelle ambiance. Il vient de décéder en
2014 commandeur de la légion d’honneur ! Son patron directeur des mesures le colonel Busquet est
encore pire, il insulte grossièrement ses adjoints. Belpomme a fait réaliser au frais de la Sodeteg une
belle maquette du champ de tir, il y appose une discrète étiquette Sodeteg, Busquet l’arrache
rageusement. Cet individu a pour tout mérite d’avoir eu fortuitement l’occasion d’espionner
l’électronique de détection du programme nucléaire US qui sera ainsi copiée par les services français

L’accident : Lors du 2 ième tir nommé Beryl, le


premier mai 62 l'engin explosera mal (trop de
puissance : 4 fois Hiroshima) et la galerie en
spirale ne se fermera pas assez vite, la porte
extérieure, la quatrième, est projetée à plusieurs
dizaines de mètres avec une immense flamme
orange et à la sortie de la galerie, des débris de
97

lave radioactive seront expulsés et un nuage radioactif se propagera au ras du sol. Le ministre des
armées Messmer ancien légionnaire pourtant réputé brave s'enfuie avec Palevsky ministre et son
état-major en essayant de passer devant tout le monde aux opérations de douche de
décontamination car le nuage radioactif est passé juste sur le PC: Un beau chahut, ils se font huer
doivent abandonner leurs vêtements et feront la queue nus comme les autres et passés à la brosse :
Tout y passe les fesses, le sexe et on recommence si le détecteur crépite encore. Messmer nu
réclame un pantalon et fuit le site immédiatement pour Paris avec son état-major, pas glorieux. ! Pas
de morts immédiats heureusement, mais 9
personnes fortement contaminées et
hospitalisées au secret: 800 mSv, un dixième
de la dose létale. Certains auront des
diarrhées sanglantes. Le secret-défense sera
décrété pour…60 ans, Impossible de faire un
bilan. Palevsky mourra 20 ans après persuadé
qu’il meurt de l’irradiation reçue. Je participe,
lors d’une dizaine de tirs plus calmes aux
installations avec le directeur du site Salomon
ancien colonel en Indochine- son dicton favori:
« Gardez le dos au mur ! « – à cause du CEA bien sûr- et le Directeur Hemery- décédé en 2012, son
beau-frère ex-capitaine de frégate déclare « Dans une affaire il y a toujours un bâton tordu. »- encore
le CEA-. Belpomme lui déclare : L’ingénierie c’est faire ou faire-faire mais jamais faire-faire-faire ! Il y
a beaucoup de spécialistes de télécommunications, de génie civil, du vide, d’électronique, d’optique,
de sismique. A un des retours d’In Eker, le Breguet-deux-ponts perd au sud l’Alger un moteur, alors
demi-tour et à quelques minutes d’arrivée on en perd un deuxième sur les quatre, le général
d’aviation assis à côté e moi est blême et crispé, ce n’est pas rassurant, On atterrit cependant sans
encombres avec les voitures de pompiers qui nous escortent, roulant à côté de l’avion. In Eker est un
désert de sable parsemé de « menhirs » granitiques appelés par les militaires la bite à toto, la bite à
Jojo, la bite à Camille couverts de peintures rupestres d’animaux, éléphants, girafes, gazelles que les
bidasses ont trouvé bon de souligner à la craie et de compléter par des dessins obscènes... Seuls
achats possibles aux quelques nomades : des roses des sables et des fennecs très sauvages. A
quelques dix Kms vivent deux ermites à qui certains iront rendre visite. C’est l’ex ermitage du père de
Foucauld. Pour se déplacer du camp de base à la montagne lieu des tirs on dispose d’une centaine
de 2 CV poussives affectées individuellement mais avec l’interdiction de sortir de la zone militaire

Le site de l’ermitage

Les algériens indépendants refusent que les expériences continuent au Sahara, elles seront dès lors
effectuées dès 1966 sur les atolls de
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Mururoa et de Fangatofa à 1500 kms de Tahiti achetés discrètement. Un hôtel le Taoné est aménagé
à Papeete ainsi qu’une base technique sur l’atoll d’Hao. Pierre Giscard d’Estaing dit PGE, un cousin
du président, dirige la Sodetra avatar de la Sodeteg et gère le chantier polynésien.

En 1967 les premiers tirs se font sur barge au milieu du lagon puis
les tirs suivants l'engin est accroché à un ballon gonflé à
l'hydrogène- les USA ayant refusé de vendre de l’Hélium plus sûr
car non inflammable-. En France, les essais de ballons dont on a
perdu la technique se passent mal parfois. Un ballon du fait de
l’électrostatisme s'enflamme, un autre s'envole par grand vent
jusqu'en Allemagne avec sa nacelle arrachant les lignes
électriques : on indemnise discrètement

Les Américains essayent de s'opposer aux essais et font embargo


sur le matériel électronique, sur l'hélium des ballons, les câbles
coaxiaux, l’appareillage nucléaire, les caméras ultrarapides, les magnétoscopes, les liaisons
hertziennes. On sera obligé de tout redévelopper à grand frais : L'électronique de mesures, les
télécommunications et d’acheminer le béton depuis la France, deux mois de voyage, pour construire
de grands blockhaus dans lesquels est placé l’instrumentation électronique protégée par des hublots
en verre au plomb protégeant des radiations. Aussi il faut redévelopper la fabrication de câbles
coaxiaux de grande bande passante près de 8 cms de diamètre d’un
prix faramineux. Ils servent à véhiculer le signal radioélectrique ultra-
rapide émis lors du tir. Le voyage par avion Paris Papeete dure 24
heures de bout en bout avec escale au Canada, faute de pouvoir se
poser aux USA interdisant l’atterrissage. A l’arrivée remise à chacun à la
descente de l’avion d’un collier de tiaré par une jolie tahitienne ; Arrivée
le lendemain des fêtes du 14 juillet à Mururoa je n’en verrai guère plus,
Un dernier bal à Papeete le soir du 15 quand même : De jeunes
tahitiennes qui ne parlent pas un mot de français mais pratiquent le
tamouré avec grâce et jubilation. Puis un vol de 1500 Kms jusqu’à Mururoa.

Des vahinés comme ça, Je n’en ai pas vu!

Un collègue, comme moi habilité secret défense, oublie dans la poche


de son siège, en vol entre Paris et Papeete tout un lot de documents
classés secrets, Ils seront récupérés et rapportés malicieusement à
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l’ambassade de France par des agents de la CIA. Il sera viré avec en plus un procès devant le
tribunal militaire. On loge sur 4 bateaux le Médoc, le Maine, la Maurienne, le de Grasse... vieux rafiots
autrefois sur les lignes d'Algérie et amenés là trainés parfois par des remorqueurs depuis la France.
Abrités dans le lagon ils sortent au moment des tirs. Ils y a quelques manœuvres tahitiens très cools
qui chantent accompagnés à la guitare, des Tannés mais pas de Vahinés. En 1967 lors du 2 ième tir,
notre bateau, le Médoc vétuste, prend l’eau, il y a quelques cms d’eau dans les cabines, les cafards
courent, les chaudières explosent…mais on fait une orgie de langoustes de Cuba. Le Médoc bloque
son gouvernail en rentrant dans la passe de l'atoll après un tir mais on est sauvé in extremis de
vagues impressionnantes qui risquent de nous faire échouer, par un remorqueur, le Rhinocéros qui
nous hale. Je filme l’incident

De Gaulle vient assister au tir en 1967 et visiter l’atoll de Mururoa. Il nous dit la phrase historique: Ah
je suis content de vous voir ici ! Il est furieux car il a dû patienter 2 jours afin que le nuage radioactif
entrainé par les vents dominants ne contamine pas Tahiti. Un atoll sera quand même bien contaminé.
Je filme les 2 premières explosions. Les relations avec les directeurs du CEA sont exécrables et la vie
professionnelle difficile mais le travail est passionnant: génie civil, énergie, télécom, instrumentation
nucléaire….Les américains ont envoyé toute une flottille pour espionner les expériences, on dit même
qu’ils essaieront de brouiller les ondes radio du signal de déclenchement du compte à rebours !

On peut se baigner 2 jours après les tirs, peu de contamination dans l’eau chaude à l’extérieur du
lagon, bien agréable. Il ne faut pas s’éloigner à cause de la présence des requins. Sur la plage, des
cocotiers bien fournis il faut être très prudent de la chute éventuelle des noix qui peuvent facilement
vous tuer. Les directeurs du CEA m’ont fait acheter des moteurs de hors-bords au frais du
contribuable, et passent une bonne partie du temps à faire du ski nautique sur le lagon avec leurs
secrétaires féminines : Deux en tout sur l'atoll de Mururoa ! Le soir séances cinéma sur les 3 bateaux
accostés côte à côte, on peut regarder trois films à la fois ou lire des astérix au bar-bibliothèque où
les manœuvres tahitiens jouent de la guitare et s’enivrent de bière ; On développe ou achète pour le
CEA toute sorte d'appareils de mesures: Des caméras ultra-rapides, des magnétoscopes, des
oscilloscopes, des luminomètres fabriqués à St Etienne par C.R.C pour mesurer la taille de la boule
de feu qui donne la valeur de la puissance de la bombe: 10 kms de diamètre de boule
de feu pour une mégatonne : tout est vitrifié ! Mais les essais resteront modestes sauf
à Fangatofa où il y aura un tir de puissance mégatonnique. Il y a au moment du tir un
compte à rebours comme pour les fusées Ariane aujourd'hui. On mesure aussi la
hauteur de la vague produite, la radioactivité des poussières et de la pluie sur des
bouées qui se retournent dans l’océan malencontreusement à la moindre vague, la
honte pour la Sodeteg...car l’ingénieur responsable avait calculé le rho-theta (??) et
avait assuré de leur stabilité .Je reste 2 mois à Mururoa. Même les ATP –agents
techniques-principaux- voyagent en first, en salopettes bleues et mettent dans le
Boeing une ambiance très remarquée après quelques verres de champagne.
Une tragédie: un petit bimoteur Piper Astek décroche et s'écrase dans la mer devant
Fangatofa après un virage serré pour se poser sur la piste minuscule, 2 jeunes
collègues du CEA sont engloutis avec le pilote un adjudant-chef pourtant chevronné,
ils y sont encore, par plus de 1000 m de fond, irrécupérables à quelque cent mètres du rivage. Autre
accident gravissime: la rupture d’une élingue d’acier qui s’étire, romps et qui comme un fouet coupe
100

en 2 un marin. Après les tirs on voit des rats devenu aveugles à cause du flash nucléaire errer sur
l’atoll
Avant le retour en France, à la base arrière de l’atoll de Hao les « nettoyeurs » en « fenzi » orange
décontaminent à grands jets les avions qui ont traversé le nuage radioactif ou l’objet de retombées, je
passe au « cercueil» le détecteur intégral de radiations, un peu comme l’IRN d’aujourd’hui: Pas de
contamination interne mais je dois quand même abandonner mes sandales trop contaminées.
Quoiqu’en disent écolos et autres la contamination des personnes sera très modeste, Sauf à Régane
le premier site nucléaire saharien où il y eut bien des imprudences et lors du tir Beryl à In Ecker. Les
employés de la Sodeteg ont sur les chantiers une tradition issue des marins : Le cardinal Paf: il faut
verre en main faire dans l’ordre toute sorte de mouvements: se frapper les genoux, les cuisses, le
front… en récitant : je bois à la santé du cardinal paf…une fois, deux fois, si on se trompe on doit
vider le verre et recommencer et ainsi de suite, peu réussissent une fois saoul après quelques verres
on se voit délivrer le «diplôme du cardinal paf» Je retrouve là-bas un cousin de Béatrice-trice-trice de
Castelbajac, gestionnaire à la Sodetra qui enregistre au magnétoscope de jolies musiques et danses
tahitiennes à Papeete

Presque tous les directeurs de Sodetra seront écartés et remplacés- moi inclus, qui avait remplacé un
Précédent ingénieur viré lui aussi -après quelques années et remplacés du fait du caractère irascible
du directeur CEA des essais, le colonel Busquet, qui traite les employés de la sodeteg et aussi ses
adjoints comme des chiens. Je croiserai à Mururoa sans le rencontrer Bailliard mon ancien collègue
strasbourgeois au CNRS devenu colonel et Diram c-a-d haut-responsable administratif du site pour
l’armée. Une belle carière

Pendant mon séjour de 2 mois à Mururoa, Monique m’annoncera qu’elle est enceinte d’un
« Philippe » mais il ne vivra pas à terme

Vacances

On passera nos vacances de 57 62, 63, 64, 65, 67, 68 en Espagne et en Italie avec ma mère
On va en 1966 en vacances avec l’autorisation de la DST, (le secret-défense) en Europe de l'Est avec
ma mère: Allemagne, Autriche, Yougoslavie, Roumanie,
Bulgarie jusqu'à la mer noire à Varna et Mamaïa, en DS 19
Citroën. Il ne faut pas s’attarder car les visas sont attribués pour
une semaine. A la frontière bulgare un garde-frontière nous dit
pince-sans-rire vous pouvez passer mais je garde vos filles,
plaisanterie bulgare- en français- pas trop appréciée par
Monique. On rencontrera à l’hôtel l’actrice M-Josée Nat qui
tourne un film à Belgrade et Jacques Esterel, le grand couturier, à Mamaia sur la mer noire tout
étonné de nous voir là, venus de si loin en DS19 à la fiabilité moyenne, à l’occasion du fabuleux
festival international du dessin animé auquel nous seront invité et nous verront quelques chefs
d’œuvre du cinéma yougoslave. Seul incident : en visitant des ruines romaines un gros serpent gris
de 2 mètres nous passe entre les jambes. Les hôtels un peu désuets, fabuleux, le diner dans les
jardins avec accompagnement d’orchestre.
101

On a acheté en 1966 un appartement à crédit à Massy au 13 ième étage d’une tour 21 avenue
nationale, Le dépliant du promoteur Anjou plutôt bâtisseur d’appartements de luxe précise qu’il y aura
au pied de l’immeuble un « parc de haute futaie » mais Il y aura en fait, un immense bidonville
portugais misérable sans eau, sans électricité ni évacuation, un bourbier qui persistera pendant tout
notre séjour. On signe l’achat mais suite à chute de ski j’ai la jambe dans le plâtre, le commercial du
promoteur me dit : vous en souffrirez toute votre vie, dans le même genre pied dans le plat Poulain le
médecin généraliste, comme je me plains de mes vertèbres me dira : votre dos est foutu…j’ai 39 ans !

Le bois de Boulogne 1935-1940, retour en arrière : Jusqu’en 1940 ma mère nous emmenait le jeudi
ou le samedi au bois, partant de l’avenue des Ternes nous faisions d’abord, souvent une halte chez
Mme Payot, parfumeuse à la porte Maillot qui nous donnait des échantillons d’eau de Cologne ou de
parfum dans de petites colonnes en verre bouchées de liège que nous appelions des « sent bon » et
que nous respirions avec volupté. Ma mère nous emportait un peu de chocolat pour le gouter, on
faisait halte au niveau du bois de pins au sol sablonneux - proche du quartier des sablons- juste avant
l’entrée du jardin d’acclimatation, dont on ne prenait jamais le petit train par économie. Ma mère
emportait un pliant afin de ne pas louer les chaises ou fauteuils en fer peints en jaune éparpillés dans
le bois- dont les chaisières venaient percevoir la location contre la remise d’un ticket. Je jouais sur la
rivière glauque avec un bateau à voile à la coque en fer objet rare offert par mon parrain et tentait
d’attraper des grenouilles. Avec quelques chenapans on posait de petits cailloux sur les rails du petit
train munis de sa motrice sonnant la cloche, les voyageurs dans les wagons découverts fixés par une
chaine de sécurité et nous, tapis dans les broussailles on attendait un hypothétique déraillement. Il y
en eu un une fois mais pas de notre fait. Il y avait des gardiens pensionnés de la guerre de 14-18
comme dans les squares que nous redoutions et qui nous sifflaient dès qu’on s’aventurait sur les rails
et les gardes forestiers logés dans les jolis pavillons à colombage aux 4 coins du bois et circulant à
cheval. Il y avait à cette époque encore quelques rares biches, renards, cerfs et lapins nous disaient
les gardes qui n’avaient pas trop de soucis  en ce temps-là: ni agresseurs, ni exhibitionnistes, ni
prostituées, ni travestis. Parfois pendant la guerre, j’allais ramer sur le lac et on voyait les soldats
allemands s’amuser à descendre depuis la berge dans l’eau avec leurs superbes voitures amphibies.
Dans les années 1965 quand nous revenions de chez ma mère de la place St Ferdinand jusqu’à
Fontenay aux roses, nous empruntions la route de la reine Marguerite, une grande ligne droite dont la
chaussée comporte à mi-parcours une profonde cuvette, alors accélérant ma DS19 je franchissais
cette cuvette à vive allure et nos 2 filles qui s’enfonçaient à l’arrière dans les coussins par effet
d’ascenseur criaient « mon tutu, mon tutu » Quelques années plus tard retournant à nuit tombée vers
notre nouvel appartement de Massy, j’empruntais un autre itinéraire longeant le lac, là des voitures
klaxonnaient faisant la queue et dans la lumière des phares on voyait des groupes de prostituées en
bas résille, en slip et la gorge largement dénudées. Nos filles marquaient par leur silence leur
désapprobation. Plus tard ce furent les travestis en d’autres coins du bois.

L’Informatique en France 1968-1972


102

Début 1968, je change de situation et vais travailler à la CGE, au centre de recherches de Marcoussis
qui est construit dans un grand parc où abondent cerfs, lapins et faisans et où viennent chasser les
grands directeurs CGE le week-end. Je suis l’adjoint de l'ingénieur en chef Lebail du département
DAT, adepte des religions indiennes, un peu exalté, qui dirige la division électronique. Pour moi ce
n’est pas vraiment une promotion sinon financière. On y développe de l’électronique ultra rapide, des
transmissions et de puissants lasers capables de percer des tôles de plusieurs millimètres.
A la fin d’un déjeuner bien arrosé un chef de service parlera de son lézard (laser) vert en
développement précurseur du blue-ray. Un collègue développe la voiture électrique de demain: des
tonnes de batteries au plomb ! Un autre développe un générateur de synthèse de paroles qui récite
le corbeau et le renard d’une voix gutturale, un autre développe le visiophone précurseur des
portables et de Skype. Je suis péniblement un cours de Fortran où s’était inscrit Lebail déjà âgé et qui
se récuse prudemment et je m'occupe de mettre en place l'informatique des tests de l’électronique
des fusées nucléaires Pluton. Je choisi du matériel informatique HP Hewlett-Packard 2116 coûteux
mais bien meilleur et plus puissant que celui développé à grand frais par la France le CII 10010-20.Je
découvre l'informatique industrielle et je fais chez HP un stage à Cupertino en décembre à coté de
San Francisco, Wolfs’ road une voie déserte et interminable, Je ne vois qu’un seul passant dans cette
immense avenue de banlieue. Je cherche le N° 11.000 ! Je lui demande mon chemin: il s’enfuit et
s’enferme dans sa maison. Par contre je reçois un accueil chaleureux des ingénieurs HP qui mettent
un ordinateur à ma disposition et me font visiter à Los Angeles diverses installations. J’en profite pour
faire le week-end une descente à ski à Squaw Valley à côté du lac Tahoé. Sur le chemin depuis San
Francisco, channel-seven diffuse sur la radio en boucle la chanson : I beg your pardon, I never
promised you rose garden. Squaw Valley, c’est un peu de la montagne à vaches comparé aux pentes
vertigineuses de Zermatt, et pourtant ce fut le site des JO de 1960. Puis je fais un autre stage HP à
Genève beaucoup moins chaleureux: Le moniteur américain nous dit que nous, stagiaires européens,
sommes bien moins bons que ses stagiaires américains ! Le cours est en anglais avec accent
yankee, Par contre le support de cours est un modèle de clarté, l’efficacité américaine !

Révolution de Mai 1968

Puis c'est la petite révolution de Mai 1968: Tout est en grève,


Le motif initial est l’interdiction de cohabitation des
filles et garçons dans les cités universitaires, puis
une protestation générale contre la rigidité de la
société gaulliste. Plus d'argent dans les banques,
plus d'essence : les pompistes refusent les
chèques qu’ils ne peuvent encaisser, plus de
transport, un début de pénurie alimentaire...En
bas de notre tour à Massy le centre EDF en grève
hisse un drapeau rouge et un noir. Le personnel
du centre de recherches de Marcoussis en grève retient le directeur
Gossot prisonnier pendant 2 jours, j’ai voté à main levée contre cette
séquestration presque seul, il s’enfuit de nuit avec son adjoint Chevrillon
qui se casse une côte en sautant le haut mur du centre CGE qui jouxte le
château de Bel-Ebat par lequel ils s’échappent...Gossot sera puni par
Ambroise Roux le pdg de CGE pour avoir négocié un statut de cogestion avec les grévistes et sera
103

envoyé dans une usine de production, les câbles de Lyon, pas vraiment une promotion, Chevrillon lui
sera félicité. On ne sera pas payé pour les jours de grève, j’aurais mieux fait de m’abstenir et on devra
récupérer ces jours de grève en été : Très peu de vacances cette année-là. Alors femme et enfants
partis en Espagne, je peins à la gouache le soir…et même la peinture à l’eau c’est bien difficile et
pourtant ce ne sont que des copies. J’en profite aussi pour créer un film d’animation, vue par
vue avec la caméra: un combat de shadocks étudiants bombardant de livres des Gibbis CRS casqués
et armés de matraques.

Petit chinois révolutionnaire écrit en fortran en mai 1968 !

On ira voir, Monique et


moi la révolution
étudiante et écouter les
longs discours
révolutionnaires à un
amphi de la Sorbonne
toute maculée de slogans
et on sera pris dans une
charge de la police rue
Gay-Lussac où 100
voitures ont brûlé, le gaz
lacrymogène nous brûle
les yeux, 12 heures
encore après, la police charge, alors on court

A Fontenay-aux-roses en 1965 l'environnement était encore très champêtre, une vielle dame fait
paître son troupeau de chèvres dans un pré en bas de l'immeuble, de même en 1975 il y aura encore
une prairie et un troupeau de 25 vaches qui chargent les imprudents, à la ferme d'Amblainvilliers à
Verrières où on pouvait avoir du lait et des œufs. En 1971 on a acheté là une maison à Amblainvilliers
le long de la Bièvre très champêtre, mais avec des voisins de copropriété peu agréables ! Des
cathos fervents, corses en plus. Quand on revendra cette maison 12 ans après, il faudra rembourser
par anticipation bien plus que le prix d’achat de la maison, la banque filou n’a prélevé que des
intérêts ! Maité fait une licence d’économie et langue, Anne une formation d’institutrice, en stage –
école privée du parc Monceau- elle a comme élèves Ali le fils de Bongo, le président du Gabon et
Sarah la fille de Romi Schneider, jeune orpheline, sa mère suicidée.

En 1971 nait le jour du printemps Antonia à la Haye les


roses: Docteur Bailly-Salin assez pête-sec je l’appelle
Bouillie-salope et Gonfreville la gynéco que j'appelle gonfle-
vite. Monique fera une grosse hémorragie et ressortira bien
pâle de cette épreuve. On achète un jeune berger allemand
Titan 45 Kgs adulte, taré et féroce, toutefois il ne mordra
que quelques fesses, dont celles du petits voisin, dit
chichinou, de ma belle-sœur et celles d’une jeune fille qui
104

passe un peu trop près de lui en Alsace, le père voudrait nous montrer les dégâts, la jeune fille non !
Lorsque le facteur passe le courrier par la porte, Titan le déchiquette. Titan adorait Antonia qui le lui
rendait bien, nés à quelques mois d’intervalle et élevés ensemble, Antonia à un an, lui tire les
moustaches et enfonce son bras entier dans sa gueule

L’Informatique au Moyen-Orient 1972-1988

En 1972 Ambroise Roux le PDG de CGE qui regroupe Alstom, Alcatel, Cegelec, Telic,
CIT… se venge de la grève de 1968. Un plat qui se mange froid, Il démantèle le centre
de recherches de Marcoussis en unités de productions. Un triste individu Hognon est
chargé de vendre le matériel de la division et virer le personnel. Heureusement
j’adresse un cv au directeur informatique du centre de Marcoussis Mr Klein qui le
soumets à son beau-frère Csech vice-président de CGA à Bondoufle, une autre filiale de CGE, dont la
spécialité est la fourniture de l’électronique des barrières de péages et portillons –trains, métro,
autoroutes… Cela tombe bien car le département où je travaille est dissout suite à un contrat manqué
pris par Dassault électronique, grâce à des magouilles et pot de vin, projet destiné à rendre
l'électronique des fusées nucléaires insensibles aux rayonnements de bombes nucléaires envoyées
par l'adversaire.

Le constat d’huissier

La salle informatique, les Iris 50 rutilants

CGA est situé à coté de Bondoufle


et du terrain d’aviation de Brétigny où on verra les premiers essais
du Concorde. CGA vient de signer un contrat juteux de 65 millions
de frs, c’est le montant du chiffre d’affaire annuel de cette
compagnie, pour développer un système téléinformatique de
contrôle des personnes recherchées en Egypte, à la frontière
libyenne à Saloum, à l’aéroport du Caire, au port d’Alexandrie et
dans les 25 préfectorats: Une première pour le Moyen-Orient, 300
terminaux arabisés vidéo et d’impression, les télétransmissions, un système de saisie ICL, 14
ordinateurs Mitra 15 et 2 Iris 50 le fleuron de la CII, une belle carrosserie en acier étincelant mais c’est
vraiment tout ce qui brille ! Et quant au logiciel… Heureusement on dispose du brillant logiciel de
télétraitement STRATEGE d’origine américaine… . On maquette l’installation à Brétigny mais un
105

agent israélien viendra dans le centre non gardé, de nuit, saboter les ordinateurs en arrachant une
partie du câblage – le Wrapping- Enquête de police et constat d’huissier : Ne pas faire de vagues
nous dit-on et CII remplace le matériel saboté, rapidement. Les israéliens voyaient, semble-t-il d’un
mauvais œil l’installation d’un tel contrôle aux frontières

La négociation du contrat sera homérique: La CII désire pour sa part négocier directement la vente
des ordinateurs avec le ministère égyptien et non en sous-traitant alors le directeur commercial de
CGA profitera d’un moment d’inattention du directeur commercial de la CII pour l’enfermer à clé dans
une pièce du centre CII de Louveciennes pendant les négociations !

En juillet 73 logés provisoirement au 8 ième étage dans l’immeuble CIT de Villarceau à coté de
Nozay, on voit passer à ras du sol un Boeing fumant de la Varig qui s’écrase en feu juste après à
Sault les chartreux à 5 kms d’Orly…seulement 11 rescapés dont 10 de l’équipage réfugiés et
verrouillés dans la cabine de pilotage ! 123 morts.

J'ai la responsabilité de l'informatique du système à mettre en place. L’installation au Caire en 1973


du matériel est pittoresque: De l’aéroport au ministère de l’intérieur : 30 kms: les ordinateurs sont
chargés sur des chariots tirés par des chameaux. A l’arrivée les ascenseurs chinois sont en panne:
Les égyptiens sont en froid avec les chinois qui ont cessé les livraisons: les ascenseurs n’ont ni
portes ni boutons d’appel, il faut appuyer sur les contacts avec un crayon. Ils sont aussi trop étroits
pour l’accès au huitième étage des ordinateurs qui seront hissés par câble et poulie, le câble enroulé
autour d’un palmier et tiré par un chameau. Il faudra passer en tranchées-creusées à la main- plus de
30 kms de câbles informatiques entre aéroport et le ministère
(Darleya) près la place Tarhir en traversant les zones militaires, les
voies ferrées en buses, le célèbre bazar Khan el Khalili, la tranchée
barrant les rues: c’est l’émeute: Backchich pour obtenir les
autorisations: Des chemins de fer, de la police, de l’armée, des
ponts et chaussées, des PTT, du ministère de l’électricité, des
eaux….obtenues seulement pour 48 heures !! Ensuite re-
backchich. La nuit quelques kms de câbles sont volés alors que la
tranchée n’est pas encore refermée : Pour voler le cuivre, déjà !

Le secrétaire d’état responsable du projet est un coquin, quoique musulman et marié, il entretient une
maîtresse, la belle Maya. Ses collègues, généraux de l’armée, outrés, vont un jour à son domicile,
pour lui faire remontrance, le ton monte, l’un casse une bouteille sur la tête de l’infidèle, ça saigne, les
voisins appellent le commissaire de police qui arrive bien ennuyé d’arrêter tous ces hauts
personnages, ils sont embarqués avec la belle Maya et le secrétaire d’état sera démis de ses
fonctions et remplacé par un colonel brillant, francophone, anglophone et …corrompu Ragaï

Le système informatique est livré clé en main, selon l’expression avec obligation de résultat mais non
de moyens, centre informatique, ordinateurs, logiciel, télétransmission, terminaux, climatisation,
formation, installation, armoires électriques, faux-planchers, maintenance. Un groupe électrogène
avec batteries de secours- un monstre de 1800 CV, 10 mètres de long est fourni, vu le nombre de
pannes de courant journalières. Le groupe doit être installé au sous-sol mais le Nil n’est pas loin, le
terrain imbibé d’eau et on trouve même quelques petits cobras dans les égouts où passent les câbles
de télétransmission, alors le groupe est installé au rez-de-chaussée de l’immeuble dans lequel
106

travaillent toute une brochette de généraux et colonels. Le démarrage d’un tel groupe c’est un enfer
sonore alors quelques généraux feront appel à un expert qui décrétera que les vibrations vont faire
écrouler l’immeuble. Il faut dire que beaucoup d’immeubles du Caire bâtis avec plus de sable que de
ciment et bâtis sur pieux métalliques verticaux de plus de 15 m dans un sol marécageux s’écroulent
régulièrement. Il faudra bien 18 mois pour qu’un autre expert avec quelques bakchichs décrète qu’il
n’y a pas danger d’écroulement.

Le fichier manuel des personnes recherchées en caractères arabe et latin est examiné avant d’être
transféré en fichier informatique : Noms, date, lieu de naissance, motif, conduite à tenir, on y trouve
des Mohamed, des Mohamed Mohamed, des Mohamed Mohamed Mohamed et même un Mohamed
Mohamed Mohamed Mohamed, en fait 50 % des Egyptiens ont Mohamed dans leur nom composé,
un vrai casse-tête pour les identifier et programmer la recherche. En plus la police a pris l’habitude de
noter sur les fiches l’âge et non pas la date de naissance, mais l’âge cela change tout le temps et les
documents ne sont pas toujours datés ! Des experts du ministère de l’intérieur français nous prêtent
assistance pour l’analyse phonétique des noms et les procédures
policières. De nombreux stagiaires plutôt sympathiques dont 5
colonels viendront en France : Ragai, Choukri, Sheriff, Radouan,
Merez un vieux barbon accompagné de sa très jeune épouse qu’il
surveille jalousement car très sollicitée, on l’appelle par son
prénom, elle flirte… Tous les stagiaires ne sont pas des anges,
deux d’entre eux iront acheter en fraude des armes en Belgique,
les importeront par Alexandrie et se feront prendre. Les stagiaires
repartiront tous avec un véhicule acheté avec leurs indemnités de
séjour prévues dans le contrat–le fameux lubrifiant des relations
sociales

Cela est peu habituel et douloureux, mais 80% du montant du


contrat est payable à la réception c’est-à-dire à l’acceptation du système après tests par le client
après 2 ans de développement, alors on est soumis à de fortes pressions pour finir dans les délais
malgré les difficultés et on touchera une belle prime !: Avec l’inflation et les taux bancaires chaque
jours coûte une fortune à la CGA. Les officiers égyptiens refusent de travailler pendant le ramadan.
Le système informatique a des ‘étreintes fatales’ (dead locks) rien de sexuel juste des pannes
complètes du logiciel système ce qui ne semblent pas traumatiser les chefs de service de la CII. On
arrivera quand même à finir à temps. Le paiement matérialisé par le certificat de réception, c’est juste
un document signé par la partie égyptienne, contresigné jusqu’au ministre qui remis à la banque
débloque les fonds du crédit. Les termes du document sont précis, les signatures sont légalisées,
date et cachets indispensables car la banque est sourcilleuse sur le versement de ce crédit
documentaire qui engage sa responsabilité. La CII proposera aux égyptiens un contrat de
maintenance informatique à un prix faramineux alors je reprendrai la maintenance au nom de CGA en
débauchant quelques techniciens CII et en embauchant des ingénieurs égyptiens, contrat au
rendement financier très juteux…et au grand dam de la CII, Un montant sur quelques années bien
plus élevé que la valeur du contrat initial, une belle affaire 12 millions de francs par an. Je suis assez
content de moi mais je deviendrai la bête noire de la CII !
107

En Arabie, en 1978, on ratera un grand contrat pour informatiser le ministère de l'intérieur: Six
milliards de frs ! Les infrastructures, les télécom, l’informatique. Le directeur adjoint de la CGA
Namy un peu mégalo louera un jet jusqu’à Ryad pour présenter le projet mais cela n’impressionnera
pas les Saoudiens et ce sont les Américains CSC qui l'emporteront avec un matériel IBM désuet dont
16 enregistreurs magnétiques qui ne servent à rien mais c’est la configuration IBM standard et les
séoudiens auront la CIA sur le dos. On fournit par contre le système informatique et on développe le
logiciel du central téléphonique de la ville de Jubail avec la CIT.

A Ryad je participe à une mission menée par Robert Mitterand, frère du président, conseiller à la
CGE, pas du tout du même bord politique, Le directeur du ministère de l’intérieur lui remets une
‘œuvre d’art’ faite de médailles d’or: Au moins 200 grammes ! Je rencontre à l’ambassade le fameux
crabe-tambour le lieutenant de vaisseau Pierre Guillaume, partisan de l’OAS, conseiller en sécurité
des Saoudiens, iI s’occupe, à sa sortie de prison pour avoir soutenu le push des généraux, à la
retraite, à dresser des dauphins pour détecter les mines flottantes envoyées en mer rouge par les
iraniens; De pauvres bêtes ! (les dauphins). Il animera à radio-courtoisie la chronique que suivra
Monique de si nombreuses années et sera le héros du film me crabe tambour, incarné par l’acteur
Jean Rochefort

En Egypte On ratera aussi en 1978 l'informatisation


de l'armée égyptienne, mon grand regret: conscription,
mobilisation, affectation, état- major, la gestion du
matériel… projet soutenu personnellement par Sadate
qui sera assassiné peu avant signature prévue,
Farouk à droite sur la photo vient négocier à Paris le
contrat déjà bien avancé. C’est le général le plus haut
gradé, Rock-botom-price, nous demande-t-il ! Je
présente au Caire ce projet devant le gratin des généraux de l’état-major égyptien, Un jeune colonel
se lèvera en fin de conférence en fustigeant l’organisation de l’armée dont l’informatisation aurait pu
selon lui éviter le désastre des troupes égyptiennes au Sinaï, ce n’est pas sûr ! . Nous ferons quand
même l’étude de ce système informatique. Pour ce projet, je collabore avec le ministère de la
défense, la DGA et me rend au CEDOCAR le centre de documentation de l’armée. La
documentaliste de la CGA, Kadomzef, ancienne russe émigrée me dénoncera à la DST pour
espionnage au profit de l’Egypte et quoique habilité au secret-défense depuis 1964 et muni du fameux
CIEEMG (certification d’exportation du matériel de guerre) je serai convoqué par Csech le vice-
président et interrogé par la DST, bien sûr je serai blanchi et la documentaliste internée un peu plus
tard pour d’autres fantasmes dénonciateurs. Autre mésaventure: Un agent du fisc viendra au service
comptable de la CGA pour faire saisi sur mon salaire ! En fait il s’agit d’un homonyme Lefort de la
CGE qui n’a pas payé ses impôts. Encore une mésaventure: Peu avant mon arrivée à la compagnie,
un comptable Claude Galopin –Le bien nommé- détourne des chèques CGA à encaisser en les
«complétant» en C.GALOPIN, ça peut marcher un certain temps… On essayera de vendre bien
d’autres projets d’informatisation: La gestion portuaire du port et des containers à Alexandrie, le
système documentaire à l’agence de presse el Aram et le fichier criminel au ministère de l’intérieur…
On étudiera aussi la protection du bureau de Sadate, dans le palais présidentiel, une salle du trône
prestigieuse datant de l’époque du roi Farouk : trône et dorures On pouvait facilement lui tirer dessus
108

depuis l’immeuble en face  il n’était guère prudent ! On prendra en compte l’informatique de l’usine
de fusées égyptiennes installées par la société française SNPE.

Barbouses irakiennes moustachues au Lido et quelques collègues : Debernardi,


Quillot, Faurel, Ferchaux, Froelicher

En l’Irak On signera en 1975 pour 80 millions en Frs un contrat pour informatiser le fichier des
personnes recherchées du ministère de l'intérieur: 2 systèmes informatiques soit 12 ordinateurs dont
4 Iris 55 de CII pour les 2 organismes de police
rivaux. Quelques centaines de terminaux.
Beaucoup d’aléas, des clients peu commodes !
Les stagiaires à Paris barbouzes patibulaires et
moustachus sont couverts de balafres sur les
joues: résultat d’excision médicale de vers
pondus dans la chair par les mouches locales.
Stagiaires en France ils ouvrent les canettes de
coca avec leurs dents, menacent une collègue
de la faire pendre, car enceinte elle demande à l’un d’eux de ne pas fumer à table et de ne pas lui
souffler dans la figure, ils font du couscous en brulant le plancher de leur chambre d’hôtel ! Ils nous
font visiter le souk à Bagdad en nous demandant de garder la main sur notre portefeuille, cependant
un collègue se fait quand même dépouiller, le voleur arrêté, les policiers demandent quelle sorte de
torture nous voulons lui voir infliger ! Les policiers nous remettent les plans du ministère pour prévoir
les installations informatiques et nous menacent de pendaison s’il y a des fuites ! Ce n’est pas un vain
mot car les pendus se balance sur la place de Bagdad. Le contrat de 80 millions de frs sera figé par
les irakiens plus d’un an à cause de différences d’interprétations du contrat mais l’assurance coface
nous versera encore 80 millions de frs d’indemnités d’interruption de contrat ! Une rente ! Pas de
fâcheries, car des contrats d’armements sont alors en négociation entre la France et Irak et 80
millions ce n’est rien par rapport au montant de ces contrats d’armement, puis le contrat reprendra. Le
contrat est en dollars et le taux du dollar doublera pendant la durée du contrat. Un pont d’or pour la
CGA et les résidents : 45% de sursalaire plus des indemnités locales. De bons souvenirs  de
Bagdad quand même: les poissons grillés verticalement fendus en deux devant un feu de bois, sur
les bords du Tigre et des innombrables boutiques de bijoux en or à des prix sans concurrence.

Au Gabon pour le ministère de l'intérieur, on fera l’étude du système de contrôle des personnes à
l’aéroport. CGA possède un département architecture, on a construit une clinique à Gentilly, un
centre d’affaire à Kinshasa, un hôpital à Lomé…alors le chef de projet gabonais demande à la CGA
de dessiner sa future maison à Libreville avec 4 chambres pour ses 4 épouses, la dernière qui voyage
avec lui a 16 ans à peine, un gentleman !

En Iran, en 1976…l’an 1515 pour les iraniens on signe


un contrat mirifique pour établir un état-civil
informatisé, ‘soutenu’ par le premier ministre Ovéida,
un ami de la France qui sera exécuté à la destitution
du Shah. Le système manuel d’état civil est assuré
par des fonctionnaires qui une fois par an, parcourent
109

les villages avec un âne portant les gros registres et notent de mémoire du maire, naissances,
mariages, décès de l’année. Le directeur informatique iranien Berouz nous dira en français, méprisant
«Le plus grand des plus grands quadri-processeurs n’est rien devant les besoins de son altesse
sérénissime le shah». Il veut nous montrer fièrement son système informatique, sur un écran : des
caractères latins s’affichent …à l’envers: il est furieux ! Le contrat sera interrompu par la chute du
shah, et on ne fera hélas que l’étude du système, avec 4 experts US fort coûteux car nous français,
sommes tous récusés… faute de diplômes américains

Le billet de 100 francs des touristes français sera confisqué à l’aéroport après l’arrivée des ayatollahs
…à cause des seins nus et plantureux de Marianne !

C’est le temps des idylles irano-américaines et israélo-


iraniennes et les ordinateurs Iris 80 de CII et les français, ce
n’est pas vraiment leur tasse de thé. Je rapporterai d’Iran
seulement une magnifique miniature d’une chasse perse
célèbre, peinte sur ivoire, un achat durement marchandé à
Téhéran

Je suis nommé directeur du département informatique « grands systèmes ». Le précédent est viré en
conflit avec la direction, Je trouve un désordre indescriptible dans les logiciels développés

En l'Egypte encore en 1978 on signera avec le ministre des finances un


contrat pour informatiser les douanes d’Alexandrie, du Caire et de Port
Said. 3 centres informatiques, 6 ordinateurs interconnectés, plus de 300
terminaux arabes Hewlett Packard fabriqués à mon initiative à la CGA
sous licence, ce qui parait bien modeste aujourd’hui, mais à l’époque ! 75
Millions de frs financés sur le protocole financier franco-égyptien. On
développe un super logiciel système-expert qui calcule réglementations,
droits et taxes et imprime la déclaration douanière en arabe : valeur et
réglementation, contrat encore bien plus profitable le double du contrat
initial avec les extensions et la maintenance. Je présenterai ce projet à
Paris au ministre des finances Loutfi . Il sera quelques semaines après
avoir signé le contrat nommé premier
ministre…seulement huit jours car il aura la
mauvaise idée de suivre les
recommandations imbéciles du FMI de
supprimer les subventions sur les denrées de
110

base : pain, sucre, semoule, gaz butane : d’où une des plus importantes émeutes au Caire et Loutfi
sera viré. Le plus brillant économiste d'Egypte !

Csech Le PDG de CGA, Campet le Dr Général des Douanes, Amin son homologue
égyptien, le ministre des finances, Bayoumi le directeur des douanes du Caire.
Ali Loutfi ministre des finances puis premier ministre à droite ci-dessus

En 1975 l’attaché commercial délégué en poste au Caire Demumieux (+) propose au ministre des finances Loutfi, la mise en
place de procédures douanières informatisées, évitant les fraudes et augmentant l’efficacité des déclarations douanières et
propose la CGA déjà implantée en Egypte comme réalisateur. Le projet est financé sur le protocole financier français très
avantageux, à très faible taux intérêt. Ce projet a été le sujet de mémoire de Demumieux fraichement promu à ENA

Le projet d’exporter le projet d’informatisation douanière appelé projet SUD, déjà réalisé en France est soutenu pour
promotion à l’étranger, de longue date par un consortium de trois ssci informatiques : les 3S : Stéria, Sinorg, Sema

La CGA pressentie pour réaliser le projet, les 3S évincés ne l’entendent pas de cette oreille et veulent une part du gâteau et
menacent de se porter candidats. Le représentant du ministère de l’industrie Ayrauld et celui des finances Baquiast convoquent
alors CGA et les 3S et interdisent aux 3S de se porter candidat mais leur concède la sous-traitants d’une partie informatique. Je
représente la CGA. Le représentant du ministère de l’industrie me demande de formuler une distribution de tâches aux 3
sociétés. Je fais remarquer perfidement qu’il serait difficile de contracter avec autant de sociétés et je propose qu’elles se
regroupent pour répondre aux besoins et de faire une proposition commune. Les 3 directeurs des 3S sociétés concurrentes
n’entendent pas s’allier et se disputent sans aboutir, alors après quelques heures dans une décision violente le représentant du
ministère de l’industrie exaspéré déclare : alors vous n’aurez rien ! Je ne me suis pas fait des amis mais j’ai sauvé pas mal de
millions de frs à la CGA !

Toutefois l’IFCI une association 1901 informatique de Grenoble attachée à l’université dirigé par un universitaire Peccoud un
peu escroc et qui a participé à la conception du projet SUD se verra attribuer l’analyse informatique en langage structuré
qu’elle a développé et la Stéria la réalisation d’un programme de traduction du langage structurée en cobol- ce coûteux
programme ne sera jamais prêt à temps et d’une lenteur telle qu’il sera inutilisable mais on avait omis de préciser le temps de
traduction !

Quant à l’IFCI elle fera son travail honnêtement. J’avais eu l’imprudence cependant de dire à mon directeur de division
Debernardi : En général ces associations 1901 un peu crapules ne sont que des paravents sous imposées, assez perfidement
alors Debernardi le répètera à Peccoud….qui deviendra tout rouge !

Avant signature comme il faut respecter la procédure d’appel d’offres j’écrirai 2 offres, une offre CGA, une offre Sinorg que je
rédigerai moi-même à coût supérieur et CII fera une offre en recommandant CGA comme contractant avec CII comme
fournisseur des équipements informatiques. Sinorg se verra dédommagé en prestation d’ hommes-mois de développement
logiciel

Demumieux (+) se verra en récompense, offert les services d’une call-girl, notre agent égyptien Shamma gérera les quelques 8
% du »poste D » du contrat, rétribuant ses services de suivi administratif dédouanement et levée des cautions, suivi financiers,
suivi des travaux locaux de génie civil …et le versement en monnaie trébuchante à des tiers, des faciliteurs… «   de l’huile dans
les rouages » !

C’est moi qui présenterai au ministre Loutfi à Paris, le projet et après son accord sur une des deux alternatives de réseau
informatiques dont je lui laisserai la décision, j’irai avec Monique le distraire au fameux cabaret le Crazy Horse avec quelques
autres délégués égyptiens

Bien sûr ces contournements d’appels d’offres, ces bakchichs, ces commissions sont autant d’illégalités mais il faut préserver
l’emploi et presque toutes les firmes étrangères font pareil parfois allant même jusqu’à l’assassinat de concurrents, de
111

contractants ayant des « états d’âme » ou suite au non versement de commissions comme sur ordre de Chirac les commissions
promises dans l’affaire des frégates Thaïlandaises, des militaires thaïlandais : 4 morts et dans l’affaires des sous-marins
pakistanais : 15 ingénieurs français y perdront la vie

Quelques anecdotes: le directeur des douanes du Caire, Bayoumi , est une buse: les voitures des
expatriés entrent sans frais de douane temporairement pour un an , après il faut les réexpédier ou
payer 200 % de leur valeur en taxes douanières .On lui explique le désagrément, alors il propose de
créer un certificat d’importation temporaire-définitif, bien sûr le directeur général refusera cette
ineptie.

-Des tapis de prière à boussole intégrée pour s’orienter vers la Mecque sont importés d’Iran en
Egypte : l’importateur veut se voir appliqué le tarif « boussole », le directeur des douanes veut
appliquer le tarif « tapis persan » bien plus élevé, l’affaire remonte au ministre des finances qui est
accusé d’être un mauvais musulman et risque être viré !

-La douane d’Alexandrie est dirigée par un brigand: les voitures importées sont dépouillées à l’arrivée
des pneus de rechange, delco, filtre, essuie-glace et tout accessoire accessible mais une boutique
sur le port revend tout ce qui manque et dont l’origine ne fait pas mystère.

Les douaniers d’Alexandrie voit d’un mauvais œil l’informatisation qui entravera un peu les
magouilles, Il faut passer les câbles téléinformatiques dans des buses sur le port immense, près de
100 kms de câbles téléinformatiques reliant ordinateur et terminaux, des saboteurs bloqueront les
issues des buses en y enfonçant des ….Corans, pas faciles à extraire, bizarre, bizarre.

-La douane française nous apporte son savoir-faire et nous détache des douaniers informaticiens au
Caire, l’un, bien que déjà marié en France épousera en douce religieusement en « mariage à
l’essai » à la mode égyptienne une secrétaire de CGA, Aeger une jolie égyptienne musulmane, Il lui
fera 2 jumeaux Omar et Abdel mais il mourra peu après d’un cancer et sa « seconde épouse » sera
abandonnée…tandis qu’un autre douanier amoureux déçu d’une autre secrétaire se suicidera sous le
métro à St Geneviève des bois. Un troisième, gay fera venir au Caire son concubin …outrageusement
maquillé en robe et chaussures à talon, ce collègue nous dira logé en hôtel local : Je suis tombé sur
un lit bien dur, j’ai mal aux fesses mais on fera semblant de comprendre vu ses mœurs : Je suis
tombé sur un Libyen dur. Un autre encore viendra, accompagné de sa femme assez jalouse qui
tricote en salle informatique du ministère et surveille de près son époux …pas le temps de s’ennuyer
avec les douaniers. Une monitrice informaticienne éplorée nous racontera : Je viens de divorcer, au
retour de mission mon ex a vidé tout l’appartement laissant seulement le frigo mais le lendemain
revenant chez elle, même le frigo a disparu. On ne s’ennuie pas avec mes collaborateurs non plus,
l'un géniteur prolifique dont des jumeaux s'appelle de Saillie, ses collègues l'appellent « coup
double »

J’accompagnerai au Caire de nombreuses fois Campet (+) le directeur général des douanes un
séducteur, énarque, un sosie du comédien Jean Rochefort qui soutient et cautionne activement
notre projet et Baquiast directeur de l’antenne informatique du ministère des finances, des énarques,
et aussi le peu respectable Papon, ministre du budget, dont on ignore encore les vilénies antisémites
et plus tard arabophobes (Il a signé des déportations de Juifs et plus tard sous ses ordres des
112

dizaines d’ algériens sont tués à Paris en 1961, certains sont jetés et noyés dans la Seine lors d’une
manif interdites et dont le FLN porte une bonne part de responsabilité) viendra aussi inaugurer le
centre …l’occasion rare de voyager en first ! Ces énarques sont pleins de tics de langage et
ponctuent leur dialogue de « en tant que de besoin » et de « autant que faire se peut » que l’on
intègre avec malice dans nos rapports de réunion.

Chirac vient au Caire pour inaugurer le système des douanes en 1986 à l'aéroport du Caire en même
temps que le nouveau métro (Alsthom+CGA)

Un des s/directeur à la CGA Faingold, un X, juif, magouilleur et


imbu de sa personne. Au Caire, Faingold se précipite sur Chirac
se présente, pavane mais est incapable de donner le nom du
projet d’informatisation des douanes que demande Chirac et
surtout il ‘oublie’ de présenter ses collaborateurs…« Pour me
venger » de Faingold, je ferai une figurine de lui en mastic, une
hache plantée dans la tête. On finira ce projet dans les délais et
on reprendra la maintenance à notre compte avec grand profit.

Je dirige avec une vingtaine d’ingénieurs et techniciens l'ensemble des équipes informatiques de ces
projets avec Debernardi, un X très compétent mais un peu provocateur, directeur de la division, il a
pris pour maîtresse la secrétaire du directeur adjoint, qui furieux, le fera licencier. Sa femme jalouse
le poursuit avec un couteau dans un hôtel à Genève. Ils finiront au poste de police: C’est lui qui nous
raconte tous ses malheurs sans pudeur. Froelicher, Ferchaux, Cariou résident au Caire et tant
d'autres partageront ces expériences industrielles sans oublier Jean Q…. notre séduisant marketing
manager, un sosie de Belmondo, qui prospecte souvent en Arabie, où régnait le prince Feyssal, ce
qui lui faisait dire qui allait draguer les hôtesses de la compagnie Feyssal-air (fesses-à-l’air) …en fait il
fréquente plutôt les hôtesses d’Air-France, pas toujours très farouches. Vols Roissy-Le Caire AR:120
fois en 10 ans on se lasse ! Les vols Iran-air: les meilleurs vols, de jolis cadeaux et un vol ultra rapide
grâce au jet-stream et sans économie de carburant: 3½ heures au lieu de 4½. Les vols Egypt-air:
vols souvent retardés, avions un peu vétustes, à l’atterrissage un peu brutal on s’enfonce de 20 cms
dans les sièges usagés. Les vols Suisse-air : de jolies hôtesses, de bon repas. Les compagnies
d’Extrême-Orient, un bon service, de bons aménagements de cabine. British-airway: des hôtesses
hors d’âge ! Les vols Air-France : Jolies hôtesses mais souvent revêches: asseyez-vous disent-t-elles
sèchement. Il y a de belles saoudiennes maquillées outrageusement qui minaudent en jeans et pulls
seyants mais à mi-parcours entre Paris et Ryad, elles disparaissent aux toilettes et reviennent voilées
jusqu’aux yeux et silencieuses …c’est quand même un début de libéralisation ! Les égyptiens rentrent
de France avec entre autre d’énormes paquets de couches qu’on ne trouve pas encore au Caire. Fort
indisciplinés, ils se lèvent et s’habillent l’avion roulant encore, du coup l’un envoie un coup de coude
dans l’œil d’une hôtesse qui se retrouve à quatre pattes essayant de retrouver sa lentille qui a sauté
et hurlant : ah le con ah le con ! On logera au début en 1972 au Caire à Zamalek un peu en périphérie
aux « bidons bleus », les hôtels locaux crasseux et bondés et dans le seul hôtel international
inaccessible : il faut chaque jour donner en backchich le montant du prix de la chambre. Les « bidons
bleus » c'est un vieil immeuble loué que l'on repère par 2 grands bidons bleus cabossés posés le
long du trottoir. Petit déjeuner folklo et misérable : des sardines et café infâme (comme au service
militaire) et faute de taxis il faut marcher jusqu'au ministère. Ensuite une demie douzaine d'hôtel
113

internationaux seront construit rapidement : Mariott, Méridien, Hayat, Hilton, Mena-house..mais on


gardera nos quartiers au Nile Hilton, central et bien que vieillissant de bon standing : tennis, piscine,
plusieurs restaurants, boutiques, sauna, service d'agence, salle de sport... et dans le hall des
mariages locaux avec youyou, tambourins lancement de piécettes de monnaie, danseuses orientales
et mariées grassouillettes en costume oriental et à Noël…un sapin et des cadeaux factices exposés.
Des touristes en mini-jupes à la mode à cette époque et des musulmans tolérants.

Port-SaÏd : Invité avec le directeur général des douanes, Ramadan, directeur des douanes de Port-
Saïd entend bien amadouer son directeur général pour obtenir rapidement son système informatique.
Un avenant de contrat juteux pour la CGA. On loge au seul hôtel, à l’époque l’Etap qui ne mérite
même pas une étoile, on passe devant un immense socle de statue, Ramadan s’excuse: après la
piteuse expédition de Suez les émeutiers en 1956 ont jeté la statue de F. de Lesseps dans le canal…
elle a été repêchée mais le socle reste vide ! Invité à Paris Ramadan musulman très strict vomit à
table son repas dans son assiette, il a cru y déceler du porc, bon appétit !

Alexandrie : Nous sommes invités à Alexandrie par le terrible Fouad, directeur des douanes locales,
il contrôle à peu-près avec le port la quasi-totalité des importations en Egypte et n’entend pas
partager son empire. D’abord méfiant vis-à-vis de l’informatique, ce rusé a bien compris tout le profit
qu’il tirera du contrôle des douaniers corrompus, des importateurs fraudeurs et de l’augmentation des
taxes à percevoir, mais pas question de mettre le nez dans ses affaires, le directeur général des
douanes résident au Caire se gardera prudemment de venir à la réunion. Un accident est si vite
arrivé. On appelle Fouad « le crocodile » à cause de son faciès saurien.

On entamera aussi l’informatisation des décisions du conseil d’état égyptien et la recherche de la


jurisprudence par mots-clés, avec l’aide d’un jeune juge qui est aujourd’hui prestigieux premier avocat
général à la cour de cassation Yves Charponnel c’est lui qui instruisit l’affaire des meurtres à
Mourmelon de l’adjudant-chef Chanal et ceux de Dutroux et avec Mme Cadoux membre du Conseil
d’Etat et ex-présidente de la CNIL , et encore l’informatisation de la sécurité sociale, avec Lecointe
directeur des services informatiques retraites de la CNAV, La gestion des universités, avec le recteur
de l’université de Toulouse, de l’agence de presse El Aram, de la gestion du réseau d’eau potable :
80 % de l’eau disparait entre citerne et arrivée au robinet !

Au Zimbabwe: J'ai visité plusieurs fois en prospection commerciale le


Zimbabwe- 10 heures de vol mais pas de décalage horaire : Le vol AF
fait escale à Luzaka cela allonge le trajet d’une heure et du coup la durée
de travail légal est dépassée alors un second équipage est embarqué 10
personnes qui s’octroie depuis Paris, couchés, une bonne partie de
l’avion pendant 10 heures alors que les passagers resteront serrés à leur
place assise. Je visiterai les chutes du Zambèze et la cité préhistorique
de Zimbabwe où un blanc nous propose de nous vendre des pépites d’or, le lac de Kariba, des
merveilles.- Le Zimbabwé souhaite créer un fichier criminel informatisé: Les individus, les faits
criminels, les objets trouvées, volées ou perdues, le modus opérandi. Projet financé sur protocole
financier français. L’accueil est froid pendant notre séjour car un criminel français est pendu. Juste
après l’indépendance les noirs évincent les blancs des postes administratifs. Le directeur de la police
114

criminelle est encore en place, pour plus longtemps il s’appelle Peter O Toole ! Un blond aux yeux
bleus comme l’acteur célèbre. Le climat est parfois très humide alors les autorités ont distribué des
cartes d’identité métalliques gravées assez réussies résistants à la pluie et aux dégradations. Le
directeur de l’état-civil, un blanc, assez raciste nous raconte que les noirs n’ont pas de nom de
famille : l’un voit passer un camion alors il appellera son fils Lorrie, un autre trouve une pièce de
monnaie alors son fils s’appellera six-pence !

L’aigle symbole national du Zimbabwé

Anecdotes relevées dans le journal local de Harrare: Un homme traverse la


route d’un hippopotame qui le happe et le coupe en deux, un autre mordu dans
la brousse par un serpent très venimeux doit sa survie en se précipitant vers une
femme qui donne le sein à son bébé, il tête la dame…avec son accord: le seul
remède local dit-on. Le nouveau régime noir du président Mugabé fustige dans
la presse et veut réprimer la prostitution des écolières précoces qui semble
aller bon train à Harrare la capitale. Hararre une ville presque sans voitures, la
moitié des boutiques sont des magasins de chaussures et d’habillement : des
mannequins noirs. Il n’y a pas de n° de rue, les immeubles ont chacun un nom,
pas facile à repérer, l’eau y est rationnée. En visite du poste frontière vers
Victoria nous sommes dans une jeep, chargés de face par un très grand éléphant mâle trompe levée
et barrissant, ça fait peur, le flic nous accompagnant avait déjà armé son fusil, mais l’éléphant
abandonne à quelques mètres et se sauve. On accroche avec la caisse de la Jeep des bouses de
plus de 50 cms de haut. A Victoria, à côté des vertigineuses chutes du Zambèze, une nursery de
serpents venimeux pour la préparation des vaccins et une nursery de crocodiles pour la peau,
certains de quelques cms qui cherchent déjà à mordre, d’autres énormes plus de 1 mètre de large, 7
mètres de long, les reproducteurs. On peut leur caresser le museau derrière les fortes grilles
Au retour de Harare, l’avion avec le plein de kérosène et de passagers pour un vol de 10 heures vers
Londres, décollage, à moitié piste, un moteur explose, freinage d’urgence en fin de piste, il ne reste
que quelques mètres, les singes assis le long de la piste nous regardent imperturbables. Les
mécanos tentent de réparer, mais finalement on repartira avec un autre appareil. Ce seront mes seuls
frayeurs aéronautiques sur plus de 400 vols avec celle de l’incident au retour d’ In-Eker, et celle d’un
décollage raté du petit aéroport de Belfort à Fontaine : la piste gelée, le petit avion de la TAT se mets
en tête à queue et le pilote abandonne prudemment alors on fera le retour par le train, enfin un
atterrissage en catastrophe au Luxembourg sous un orage impressionnant

En Corée J’irai aussi pour informatiser les cartes d’identité des JO de Séoul. Dans les galeries
marchandes du gingeng partout, en sirop, en poudre, en racine, en granules…un long voyage pour
pas grand-chose. CGA fera là le métro de Pousan avec Alsthom; Pour la CGA: les portillons de péage
automatiques. Le chef de projet coréen, un peu rugueux, un général mécontent, jette à la tête de
notre résident le lourd contrat enliassé. Un peu comme le coup de l’éventail du Bey à notre
ambassadeur à Alger en 1827, mais là on s’écrase : Les affaires obligent
115

En Côte d'Ivoire en mission avec le directeur des douanes françaises Campet un sosie de Jean
Rochefort, la douane locale a saisi un lot de champagne «Laurent-Perrier» introduit frauduleusement
comme «  eau de Perrier» .on en a bien profité. Le directeur des douanes de Douala nous invite et
pour nous honorer, il réquisitionne toutes les jeunes filles de sa famille pour nous faire danser. Elles
ne semblent pas vraiment ravies !

Bab Touma

En Syrie: Projet sur financement français très avantageux du fichier


informatisé de contrôle aux frontières mais le ministère n’a pas
d’argent. Régulièrement la banque centrale saisit pour des motifs
fallacieux les cautions bancaires étrangères en dollars des projets en
cours, pour finir le mois.

Les bâtiments sont protégés par des sacs de sables car des attaques
à la voiture explosive sont fréquentes. Visite des services secrets
installés dans un curieux immeuble en forme de pyramide inversée.
Notre agent syrien se déplace avec 2 gardes du corps, en civil, revolver à la ceinture.

Au milieu du bazar à la mosquée des Omeyades, ancienne cathédrale où est enterré St Jean-
Baptiste, l’iman nous interpelle et dit gentiment en souriant: Jésus n’était qu’un prophète ! C’est bien
possible.

Les Omeyades, la cathédrale convertie en Mosquée et le tombeau de St J-Baptiste

A l’aéroport les barbouzes fouillent les hommes, djellaba retroussées: Ils se retrouvent en public, en
caleçons multicolores, certains ont des ceintures cartouchières avec
des pièces d’or ! Quel spectacle. On examine le fichier des
personnes recherchées: Un million de cartes manuelles multicolores:
1 million d’individus fichés dont beaucoup d’américains sur cartes
rouges: les plus recherchés dont celle de Mr Baltimore. En route
pour le centre-ville, faute de taxi, un particulier nous propose ses
services mais prend l’autoroute en sens inverse pour éviter les
contrôles de police, slalom impressionnant

Au Pakistan: Le gouvernement a un projet pour établir un état civil informatisé. Nous sommes reçus
à Islamabad par les sympathiques directeurs de l’état civil et de l’intérieur, bedonnant, en grand sari
blancs, ils nous offrent un thé au lait, 90 % de lait, une horreur. On propose une méthodologie: Pour
établir l’état civil informatisé il faudrait entrer dans chaque maison photographier et prendre les
empreintes digitales des femmes: Ce n’est pas possible, les enquêteurs ne sortiraient pas vivants,
nous disent-ils ! Devant nos commentaires acerbes notre agent pakistanais qui a épousé une
française nous fait remarquer perfidement que la France n’est pas si avancée que ça et que les
116

femmes pakistanaises ont obtenu le droit de vote bien avant les nôtres: c’est vrai ! A Islamabad une
vue magnifique sur l’Himalaya enneigé

Au Brésil: De l’aéroport au centre-ville de Rio, des favelas, ne pas


s’arrêter, ce serait prendre
beaucoup de risques. Visite aux
douanes et au célèbre pain de
sucre: logés au Sofitel à
Copacabana, à la sortie de
l’hôtel, sur la plage, des putes
nous attrapent par surprise
l’entre-jambes d’une main et de
l’autre nous font les poches sous l’œil indifférent des policiers.
Méfiant j’avais mis mon argent dans ma chaussure. Des « cireurs »
arrosent discrètement vos chaussures avec du cirage noir liquide
puis vous proposent leur service. Ascension du Christ, Visite à Sao
Polo puis à Brasilia, la belle cathédrale futuriste. On avait projeté d’aller à Manaus au milieu de
l’Amazonie, c’est loin on abandonne, les brésiliens sont déjà largement informatisés

A Moscou: visite à l’agence Tass, L’hôtel aux abords de la place rouge: pas de climatisation une
fournaise, des barbouzes à chaque étage, Dans les couloirs, Des «dames qui demandent l’heure».
Le directeur de l’agence nous reçoit, il s’excuse et grogne, le président a interdit de servir de la
Vodka. On visite Le kremlin, la grande cloche fêlée posée au sol, la place rouge, la cathédrale Saint
Basile, le Bolchoï, le musée…

Presque tous ces contrats financés sur fonds publics français étaient assortis de commissions
juteuses, certaines légales, d’autres moins …bien que financées souvent par les protocoles
financiers et couvertes par les assurances coface qui pallient les aléas techniques et financiers,
créées à l’initiative du député Marcel Dassault -au bénéfice, au départ de ses propre contrats je ne
doute pas que cela ait perduré ! Les commissions d’agent commercial normales, les commissions aux
décideurs : contestables, les rétro-commissions condamnables mais si courantes : Certains
directeurs commerciaux gonflent les commissions versées aux agents commerciaux et se font
reverser une partie des commissions

A Alger: En mission un taxi, le chauffeur nous emmène chez notre agent: il erre et pour cause les
belles plaques émaillées d’identification des rues ont été remplacé après la libération par des plaques
en arabe et en tôle bien sûr rouillées et illisibles à cause de l’air salin. A Bruxelles c’est autre chose
les plaques sont en Wallon et en Flamant mais parfois ce n’est pas traduisible ainsi on peut lire Cours
Albert et en dessous Cours Albert: malins ces belges ; Blague de notre agent à propos des
fonctionnaires algériens corrompus: Si tu coopères alors tu n’iras peut-être pas en prison mais si tu ne
coopères pas alors c’est sûr, tu vas te retrouver rapidement à El Arrach –la sinistre prison d’Alger

A Stockhom: Visite de la firme ID-Kord qui élabore les cartes


d’identité suédoises, dans le but de faire un partenariat. La firme a
sollicité une célèbre starlette locale pour réaliser le prototype de
117

carte qui sert aussi de permis de conduire en Suède. Une carte infalsifiable à l’époque vers 1990.
Nous sommes reçus comme des rois, un fastueux déjeuner aux poissons fumés. Il tombe un déluge
de neige à Stockholm mais les pelleteuses de jour de nuit déblaient en permanence et les rues
restent dégagées…pas comme le bordel français!

Visite du musée Viking

Voyages en Egypte en mission: L’administration

Du temps de Nasser, de crainte de guerre, les hauts cadres administratifs et militaires


vêtus de saharienne sable, à peau nue, sans cravate se sont vu imposer une sorte
d’astreinte de nuit dans les bureaux en cas de mobilisation, pour cela, une pièce
attenante au bureau est aménagée et contient un lit, des vivres, des boissons, un
réfrigérateur, la radio, le thé….cela perdurera du temps de Sadate

Je présente en 1977, au Caire, au nouveau ministre des finances, le système


informatisé de dédouanement. Derrière le ministre, Fouad le directeur des douanes
d’Alexandrie, un brigand !

Le bureau standard d’un général, secrétaire


d’état: C’est un bureau portant des piles de
papiers, des téléphones nombreux et
multicolores, diverses médailles de grande
dimension, le portrait de Sadate, plus tard celui
de Moubarak, la tasse de thé , un cold-air
bruyant (climatiseur local), dans le reste de la
118

pièce d’immenses fauteuils et sofas un peu défraichis dans lesquels s’enfoncent les visiteurs et
quémandeurs divers qui entrent en ordre dispersé, jamais refoulés, discutent, attendent leur tour,
certains s’installent à une grande table , écrivent ou lisent, d’autres cassent la croûte, écoutent la
radio, papotent. Un visiteur expose ses doléances au fonctionnaire, interrompu par les aïoua (allo) au
téléphone. Parfois le fonctionnaire interrompt la conversation pour discuter avec un autre visiteur, qui
vient s’assoir à côté du précédent, parfois aussi disparaît mystérieusement dans la pièce attenante
pour quelques dizaines de minutes : Pourquoi En fait le fonctionnaire va se restaurer ou bien faire un
petit somme en douce. Les journées de travail sont courtes, elles s’arrêtent à midi car la plupart de
ces fonctionnaires mal payés, exercent l’après-midi un second métier. Beaucoup de mouches dans
ces bureaux, lors d’une entrevue nous sommes reçu par le général dirigeant le recrutement, on
chasse de la main ces mouches inopportunes, le général un peu vexé nous dit que c’est nous qui les
avons apporté.

En Egypte en Tourisme: Hors des sentiers battus vers 1980

Les pyramides de Guizèh: Depuis le centre-ville on passe devant le palais Manial rebaptisé
Mohamed ali pasha qui fut loué quelques années au club med, on longe, la magnifique résidence de
l’ambassade de France devant le Zoo puis avant d’arriver à Guizeh: un canal: un buffle crevé, le
ventre ballonné, à moitié enfoui dans l’eau, un peu plus loin les femmes lavent leur linge, les enfants
jouent dans l’eau. Un peu après un chemin à gauche pour rejoindre les écuries AA des frères
Mohamed, au moins une centaines de chevaux à louer à l’heure, sellés et harnachés, pour une
somme dérisoire.- une livre soit 10 frs à cette époque. A gauche au canal une route conduit à un
village Kerdasah où des femmes tissent de joli tapis…persans. Au-dessus des pyramides est
construit tout un village de villas, cahutes, tentes, cabanes où les égyptiens viennent s’y délasser le
week-end, Même Sadate en a une, ainsi que le fils d’ Abdel Krim, le célèbre résistant marocain
réfugié au Caire qui nous invite dans la sienne. Moubarak quand il prendra le pouvoir après
l’assassinat de Sadate enverra les bulldozers de l’armée et fera tout raser y compris la villa de
Sadate ! Au pied des pyramides on peut assister le soir aux représentations d’Aïda ou d’autres
opéras, son et lumières dans ce cadre magnifique des 3 pyramides et du Sphinx

Les pyramides de Sakkarah: Pour moi une première chevauchée, je n’étais jamais monté sur un
cheval. De Guizeh à Sakkarah: 30 kms aller-retour dans les
dunes. Bien que l’on ne chevauche pas des étalons, le guide
nous dit ironiquement qu’on sera obligé de revenir à pied à
cause des plaies aux fesses et aux cuisses du fait de notre
inexpérience. Finalement on reviendra à cheval sans trop de
dommage, après avoir admiré et visité les pyramides à degrés
et avalé les inévitables tasses de thé que l’on vous offre. Une
autre fois, bien qu’ayant fait de sérieux progrès et sans guide,
mon cheval un peu plus fougueux part au galop, m’éjecte dans
les dunes à 2 kms de l’écurie, heureusement chute amortie
dans le sable, le cheval galope tout seul vers l’écurie, je rentre
à pied dans les dunes suivi par 2 gamins qui me propose une monture…un âne, l’humiliation !
119

Les pyramide de Saloum: Pyramides à degrés, faites en briques de terre séchée on se demande
comment elles ont pu résister au temps. Il est vrai qu’il ne pleut qu’une fois par an et encore. Paysage
féerique: des champs de coton en fleurs blanches, un paysage de neige, la production est
entièrement hypothéquée au profit des russes, des filous qui ont vendu en échange, des armes
désuètes à l’Egypte et les notices d’armes qui sont en cyrillique ! Monique me rejoindra là.

L’Oasis et lac de Fayoum : En descendant au sud du Caire on passe à Memphis et ses colosses
couchés gigantesques puis en arrivant à Saloum, un oasis, un
beau paysage et une immense dune de sable blanc
étincelante qui se reflète dans le lac. On trouve en creusant
dans le sable à proximité des tombes, de petites amulettes en
granit, bleutées, trimillénaires, des «colonnes de félicité»
gages de bonheur de 2 à 3 cms ou des
statuettes de dieux, bien sûr le ramassage est
interdit théoriquement, mais c’est un trésor
bien pillé, j’en rapporte une à Monique

Cariou le résident m’invite là à une chasse aux canards, certains en tue 100 ! moi un
seul même pas en vol, posé sur le lac, j’ai honte, pauvre bête

Les Pyramides de Béni-Souef: Un général nous y emmène en voiture, des gamins


nous caillassent, c’est habituel, le général est furieux, les enfants jouent avec des
jambes de momies noirâtres millénaires encore entourées de leurs bandelettes, qui gisent à moitié
enfouies dans le sable. On visite une sépulture : un boyau, on rampe une dizaine de mètres pour
arriver dans une cellule de quelques m2 où des milliers de chauve-souris effrayées par les lampes
électriques se mettent à voler autour de nous, et s’accrochent aux cheveux. Le général nous sert des
sandwichs assez pâteux et sans boisson, on étouffe, alors Cariou notre résident jette le sien
discrètement dans un orifice de la pyramide, pour les pharaons dira-il

Ballade au Caire: Au printemps les étudiantes encore


peu ou pas voilées et les garçons révisent, et flirtent le
long du Nil se tenant par la main. En allant à Guizeh le
beau palais Manial de Farouk, un temps loué au club
Med, j’y logerai avec Monique : de gros cafards courent
sous les lits. Dans ce palais dance Shou-Shou Amine
une belle danseuse orientale pas trop enveloppée, Sur
l’avenue menant aux pyramides: des cabarets où les
saoudiens-mâles- par couple se tenant par l’auriculaire,
bravent les interdits et se gorgent de whisky et jouent
gros au 421. Le cabaret red carpet, le parisiana flanqué
d’une tour Eiffel miniature que briseront les intégristes lors d’une émeute contre la consommation
d’alcool et de vins: le Rubis d’Egypte, l’Omar Khayan, le Ptolémée et… gin et whisky !

Au coin de la place Tarhir : une petite cabane genre kiosque, des femmes, leur jeune enfant dans les
bras, font la queue : De la cabane close par un rideau on entend des hurlements, on circoncit au
couteau, à la chaine et à vif. Passe un défilé militaire au Caire musique en tête, des généraux des
120

colonels, les uns déboutonnés trainant des sacs de super-marché, d’autres trainant sans képis, à la
main leurs moutards, les femmes poussant des landaus…la classe

Le Musée : En 1975, outre les merveilles pharaoniques, une caisse vide vitrée, là
devrait se trouver la momie de Ramsès II, mais elle a été envoyée à Paris pour
‘réparation’ car elle est couverte de moisissures. Alors dans la caisse, un petit mot
écrit sur un bout de journal déchiré, en français, d’une écriture malhabile: «Ramsès
II n’est pas là»

Le Ghetto du Caire: Seulement quelques pâtés de


maisons entourés complètement d’un mur d’enceinte, l’accès se fait
uniquement par des souterrains passant sous le mur et fermé de portes
monumentales en bois. Il reste parait-il au Caire en 1980 entre 10 et 100
juifs. La synagogue Ben Ezra est typique et un rabbin à barbiche bien
sympathique nous fait la visite, nous sommes que Monique et moi, et il
nous montre les rouleaux sacrés

Le Bazar : A l’entrée la belle mosquée et un célèbre café dit des miroirs


où l’on fume le haschich au narguilé , beaucoup de boutiques d’épices,
de bijoux d’or et argent, de tissus, des cuivres et un atelier de
fonte d’aluminium, de réparation auto, des tailleurs qui
repassent avec des fers à pied à long manche, des tapis
persans, des milliers de ceintures en cobra, ah les pauvres
bêtes ! sacs en crocodile, sculptures et bracelets en ivoire
(en os ?) des portes en bois cloutées multicentenaires. Saad
le bijoutier qui vend de copies illégales de bijoux français en
argent, Mustapha, l’inévitable vendeur clandestin de
haschich qui se fume, mêlé au narguilé ou dans des gâteaux
ou dans le thé ou en pétard, pas pour moi, mais pour la
bonne d’un résident qui, gourmande, avale à son insu un
demi gâteau au haschich et se retrouve dans un état bizarre.
Dans une circulation intense et bruyante, vélos, chameaux et
ânes attelés se mêlent à de vieilles tractions Citroën d’avant 1939, pick-up japonais transportant
moutons, chameaux, ânes… et travailleurs. Les taxis : Pour le
touriste lambda, au départ de course, le compteur truqué
indique .00 mais en chiffres indien c’est .55 livres en fait. Plus de
la moitié du prix d’une course jusqu’à l’aéroport  !!!

L’aéroport du Caire: En 1975, une salle d’embarquement


crasseuse et étouffante et une seule porte d’accès aux pistes dans
un angle. Un haut-parleur inaudible annonce départs et arrivées,
Alors tout le monde se précipite dans le doute et s’écrase contre la
porte unique. Parfois on voyagera sur des vols Paris Le Caire sur de
vieux Egypt-air, déjeuner hallal imposé. Entre aéroport et centre-
ville, à Héliopolis un curieux château style indien construit par le
121

baron Empain au milieu d’un parc à l’abandon. A l’aéroport un seul radar d’atterrissage ultra puissant:
A chaque balayage, du radar les terminaux que nous avons installés s’éteignent et les ordinateurs
boguent. Il faudra blinder le bâtiment informatique par une cage de faraday en cuivre et blinder les
terminaux,…à nos frais un exemple des aléas des projets « clés en mains »

Après la réconciliation de Sadate avec Israël de nombreux touristes israéliens passent à l’aéroport du
Caire et font bruyamment leur prière en se courbant dans le hall de l’aérogare, geste visiblement
réprouvé silencieusement par les égyptiens, sans plus

La place Tarhir: Le musée mais aussi, un immense


bâtiment administratif, à la russe, en béton,
parallélépipédique de 13 étages, on installe là les terminaux
du gouvernorat du Caire Il y a une cour intérieure
rectangulaire où les fonctionnaires jettent par les fenêtres
tous les documents périmés. Cela a fini par faire une couche
d’un mètre d’épaisseur. Les égyptiens sont de gros fumeurs
alors un jour, inévitablement il y aura un bel incendie. On
boit, pas loin, de délicieux jus de mangue bien frais car en
février 1978 venant de Paris avec -5°C, il fait 4 heures plus
tard déjà à midi au Caire 42°C. Un camion benne passe, les ordures non couvertes se dispersent
avec le vent sur la place. A proximité l’arrivée des trains de banlieue, les passagers accrochés aux
tampons ou perchés sur le toit. Devant le ministère, un flic dirige la circulation, un homme en djellaba
s’accroupit devant lui et urine, un autre, automobiliste mécontent frappe un autre flic, un cycliste
passe, il a sur son cadre tout un ensemble de boyaux de bœuf qui se balance et frappe les pédales.
Les flics rançonnent en toute impunité les taxis devant les hôtels internationaux. Les automobilistes
klaxonnent et s’injurient : mafish mour (t’as pas de tête)…mais en général il règne une grande
bonhommie dans la population mais aussi une énorme corruption, on achète diplômes, permis de
conduire, les amendes, on fraude la sécu en revenant aux pharmacies les médicaments, sans parler
des pots de vin associés à toute transaction commerciale …. On trouve des poissons et poulets
délicieux, Andréa-poulets à Guizèh et Andréa-poissons sur les bords du Nil, mais que de moustiques
et le grandiose hôtel Mena house où se sont tenues les négociations de paix à Guizèh, j’y subirais le
seul mais terrible vent de sable en 15 ans. Un centre-ville ancien sauvegardé: Garden city, des
maisons lambrissées, Mahadi la cité des villas luxueuses louées aux américains, Zamalek avec une
superbe piscine à l’eau de source glacée. On goutte les fraises à la crème (fraola) au Méridien ou au
Hilton. Le réveil à 5 heures par les Muézins puis peu après les chants des écoliers en uniforme
rentrant en classe au pas cadencé, il faut vite se précipiter sous la douche au risque de se retrouver
ensavonné et sans eau, et se raser vite à cause des coupures de courant. En 1975 il faut aussi
demander les communications téléphoniques internationales plusieurs jours à l’avance. Les mots clés
magiques: mafish karaba (pas de courant), mafish maya (pas d’eau) ,arabeya matsoura (voiture en
panne) mafish felouz mafish faca (pas de monnaie) mafish mouftar (pas de clé) et bien sûr: bocra
(demain) ou mieux baden bocra (après-demain) et malesh (on s’en fout). Notre agent commercial,
Shamma, un riche copte, propriétaire d’une immense orangeraie, emprisonné sous le régime Nasser,
nous reçoit chez lui, comme des rois: des foies de volailles, des calamars comme je n’en ai jamais
122

plus mangé, des desserts fabuleux l’Omali la spécialité égyptienne. Son letmotiv: Mr Lefort: faites des
prix raisonnables mais lui ne s’oublie pas ! Le long du Nil, à Zamalek, sur une péniche, une curiosité:
l’institut de papyrus enluminés de hiéroglyphes à vendre, le directeur est bizarrement un ancien
ingénieur de l’école sup-élec et affiche fièrement son diplôme. Au restaurant pas loin on rencontre
Demis Roussos et Danny en tour de chant. Au Hilton se produisent des troupes de girls très dénudée
pour l’Egypte. Notre principal ingénieur égyptien Fodah a été formé en Tchécoslovaquie ex-capitaine
de l’armée, il a subit la déroute dans le Sinaï Il parle outre le russe et le Tchèque, l’anglais et
français, il nous invite chez lui, à table, son épouse apporte les plats mais ne s’assied pas avec nous
et ne nous sera pas présenté ! Un autre très évolué verra son épouse, secrétaire à la CGA se voiler
du jour au lendemain à son grand désespoir. Petit à petit le nombre de femmes voilées augmente, le
vin est interdit dans les hôtels, début de l’islamisation encouragée par les frères musulmans, mais qui
sont les seuls à apporter un peu de réconfort aux plus démunis…avec les financements saoudiens !

Alexandrie: Malgré les limitations de vitesse on joint les 2 villes en deux heures. 200 kms d’autoroute
rectiligne et déserte du Caire à Alexandrie, une seule halte crasseuse, station-service et snack
misérable à mi-parcours: des WC particulièrement dégoutants et maculés. Comme partout au M-O
ces WC sont munis de 2 robinets un pour la chasse
d’eau l’autre commande un jet d’eau vertical pour se
laver en musulman, mais vu l’état de saleté il vaut
mieux pas se tromper de robinet ! Mais la route
réserve d’autres surprises, pas de séparation de voies,
pas de piste d’arrêt d’urgence, mais un fossé, de
nombreux camions en panne réparent sur la voie de
droite et pour se protéger positionnent d’énormes
pierres sur la chaussée quelques dizaines de mètres
en amont … LE BAZAR
DU CAIRE en oubliant parfois de les
enlever quand ils repartent ! Malech (on s’en fout) et
aussi parfois un vent de sable jaunâtre qui si on roule à 100 kms/heure décape le pare-brise en
quelques minutes et le rend complètement opaque. Il ne vaut mieux ne pas tomber en panne sur
cette route meurtrière jonchée de carcasses de voitures et camions .Le long de la route des fermes
bien inattendues au milieu du sable : ce sont des hangars d’avions militaires camouflés en bâtiments
agricoles ! Les russes ont réussi il y a 50 ans, l’exploit de planter le long de la route des forêts de
conifères dans le sable aride, des rangés de pins plantés en périphérie de carrés irrigués
artificiellement et qui se développent vers le centre
du carré petit à petit, Une réussite remarquable. A l’arrivée à Alexandrie, un village Agami, une jolie
petite plage, un marchand de poissons, un débit de vin, du Rubis d’Egypte, une boulangère grecque
francophone. On y dort parfois à la belle étoile, mais que de moustiques Agami côtoie le palais
présidentiel, puis voilà Alexandrie, un front de mer qui vaut bien celui de Nice avec de beaux
immeubles, un port immense, une vieille ville, des antiquaires, des salons de thé. Là, les belles
alexandrines de l’aristocratie papotent en français, la classe, alors que le Caire est plutôt anglophone,
bien plus chaud et poussiéreux, on parle français et grec à Alexandrie, c’est une résidence d’été des
cairotes…les jeunes égyptiens hardis hèlent dans la rue les filles par un «bint abibi « (fille chérie)
123

Le Ski

Le ski alpin est le seul sport de loisir que nous pratiquerons assidument en Février ou à Pâques.
Monique avait déjà avant notre mariage fait un peu de ski avec des copains et « son » J-Marc
étudiant en médecine dans les Vosges. Moi ce ne sera pour débuter que pendant notre voyage de
noce en février 1957 à Galthur bien que j’aurais pu apprendre plus tôt avec l’association des étudiants
de Strasbourg au champs du feu

On pratiquera de 1957 à 2003… chaque année sauf pendant le service militaire et lors de l’année de
naissance d’Antonia. En France à Tignes, à Flaine horrible station bétonnée, au champs du Feu et
une seconde fois en février 1958 à Galthur en Autriche avec Maïté, 3 mois, en passant avec la
traction 11 CV le terrible col de St Anton dans de profondes ornières de neige gelée, pas facile pour un
conducteur débutant. C’est non loin de Galthur à San Gallenkirch qu’habitait un de mes ancêtres Fleich lointain
vers 1700 charpentier qui émigrera vers Mulhouse et Willer

Nous irons surtout en Suisse moins chère qu’en France au début : 1 FS valait 3.5 FF, aujourd hui c’est presque 1
€ !

Nous irons à Zinal, à Anzère, à Montana, Verbier, Andermatt mais surtout 6 fois à Zermatt, la chic station
préférée des américains, très fréquentée,
des remontées fabuleuses au Stockhorn à
3400 m au-dessus du Gornergrat que l’on
atteignait avec le poussif petit train à
crémaillère 14 kms /h en près de ¾
d’heure On peut maintenant monter à
3900 m au Klein Matterhorn avec la vue
superbe sur le Cervin. Mon grand regret
trop tard !

Nous irons 15 fois à Saas Fee montant


d’abord au Schwartsee puis au mont
Allalin à 3500 m, une fois construit le
« métro » creusé dans la montagne qui
vous emmène en quelques minutes au
sommet. Maïté et Anne nous accompagnerons sur ces pistes bleues rouges ou noires mais au début, petites,
elles n’aimaient pas trop. Antonia petite à 2 ans en pension avec Liselotte alias Zizilolotte  ! mais ensuite le ski
ce n’était pas trop son truc. Nos 15 séjours à Saas Fee nous vaudront une médaille de fidélité et la promesse
d’une réception mais trop tard ! après 2003 nous n’y retournerons plus. Zermatt comme Saas Fee des villages
sans circulation auto, les chalets parfois antiques couverts de pierres plates, des calvaires et fontaines
pittoresques encore quelques fermes et moutons en ville, des traineaux tirés par de gros chevaux
124

On assistait aux descentes aux flambeaux nocturnes et au cavalcades du carnaval avec les sorcières
fouetteuses et masquées accompagnées d’un orchestre folklo couvert de peaux de bête et les moniteurs
chantant en cœur à la nuit tombée. Et une belle blonde monitrice qui s’occupera…des filles. Quelques cours
de perfectionnement où on apprendra le « piqué de bâton » et les virages serrés

On a fréquenté ces pistes souvent avec les amis d’enfance alsaciens de Monique les Royer, avec les Butaye,
parfois avec les Blum et les Demarez, logés en Hôtel puis plus tard dans une location d’une villa de Mme
Supersaxo (dite super chignon) pendant de longues années

On ne subira qu’une seule grosse avalanche qui remplira le village d’un nuage de neige et cassera quelques
tire-fesses heureusement à 8 h du matin les pistes étaient encore désertes

Plus grave à Galthur une gigantesque avalanche détruira une partie du village après 6 semaines de chute de
neige et tuera en 1999, 31 personne mais nous n’y étions pas. Le village restera bloqué pendant près d’une
semaine, les chutes de neige empêchant l’arrivée des hélico de secours

Par imprudence je me ferai bien des blessures, entorses, déboitement d’épaule, mais Monique évitera
presque toujours ces accidents, ainsi que les filles. Pour moi 2 fois 15 jours de plâtre et 4 semaines de
rééducation, 6 mois pour l’épaule déboitée, et une fois à la nuit tombée coincé dans de la neige à Andermatt
pendant près d’une demie heure sans pouvoir me dégager l’angoisse. Au début mon parrain qui tenait un
magasin de sport à Paris m’offrira de vieux skis que je casserai en me plantant dans une rivière gelée,
Monique ne rêvait que de louer des « Head » très performants. Ensuite on louera nos skis au comité
d’entreprise.

On montait à Zermat en laissant la voiture dans la vallée, la route fermée en hiver, avec un petit train et je
me souviens d’une arrivée avec les 5 paires de skis, 15 sacs ou valises, Titan notre berger allemand et…les 3
filles !

Tandis qu’à Saas Fee il fallait prendre la rampe escarpée depuis la vallée, souvent enneigée jusqu’à la station,
parfois Monique conduisant et moi accroché au capot avant de la DS 19 pour donner un peu d’adhérence

Le voyage environ 8 à 9 heures : 300 kms d’autoroute jusqu’à la bifurcation de Dijon puis 200 kms vers
Besançon à grande allure, On pouvait au début rouler à 160 km /h, puis au début pénible surtout à la
traversée du Jura enneigé, verglacé et encombré à cause de la douane. On s’arrêtait souvent à mi-parcours
soi dans le Jura soi dans la vallée de Sion où nous faisions provision de produits suisses ; Souvenir d’une
arrivée à minuit vers Pontarlier la neige tombée en abondance on ne voyait plus la route, l’angoisse  ! Ensuite
la construction de l’autoroute suisse de Lausanne jusqu’à Visp nous fera dès 1997 éviter les bouchons mais
la traversée du Jura jusqu’ à Valorbe non aménagé restera toujours pénible. Parfois on passera pour changer
par le col de Sainte Croix assez raide, un joli village berceau des fabricants de boites à musique 

Souvenir encore des winstubs de Zermatt dansant avec orchestre folklorique et surtout des petits déjeuners
fabuleux : petits pains, croissants suisses bien meilleurs qu’en France, confiture de myrtille, puis fondues et
raclettes le soir : Le ski donne faim ! Aussi des balades dans la forêt de mélèzes et les bisons élevés là.
125

Mais avec les emprunts immobiliers à payer on tirait souvent le diable par la queue à la fin des séjours et je
me demande s’il ne faut pas mieux rester en location qu’acheter sa résidence. Mon beau-père cynique
disait : Quoi ! moi ? acheter, pour laisser tout cela à mes héritiers !!!
126

La retraite Fin 1988 le Moyen-Orient n'est plus porteur commercialement et je suis mis en pré-retraite
pour 5 ans. Je gagne alors environ 40.000 frs/mois. (6100 €) Nous pourrons nous
libérer des dettes de l’achat de la maison avec ma prime de départ, pas très
généreuse, j’aurais pu choisir le licenciement et le chômage pendant 5 ans, j’aurais
ainsi été indemnisé un peu mieux…mais j’ai préféré un contrat sans aléas, car les
décrets sur le chômage ne sont que des promesses gouvernementales
Financièrement ce n’était pas l’enfer …ni le paradis !...on a pris une locataire étudiante en Pharmacie
pour compenser un peu  financièrement la baisse de revenu, logée en studio au sous-sol de notre
maison. Elle s’envoyait en l’air très bruyamment avec des partenaires variables, mon épouse
protestante puritaine indignée dans un silence nocturne assourdissant car on a seulement 2 voisins
latéraux assez distants et derrière en contrebas un village encore plus distant planté sur pilotis vu que
c’était au départ un marécage  on les appelait les « crapauds » et devant : le cimetière… assez
tranquille….Puis cette nymphomane partie, une autre
étudiante de l’ IUFM vint la remplacer, elle pleurait seule
dans sa chambre en criant : mais quelle vie, mais quelle
vie…On n’a pas essayé de la consoler, cette désespérée,
puis logera un étudiant russe puis un allemand pas très
beau qui faisait peur à Antonia. On ne reprendra ces
locations qu’en 2017 en prévision d’un couteux placement
de Monique malade
Après 400 vols internationaux, j’ai assez voyagé, souvent
en classe affaire, peu en first ! Pour le M-O le départ c’est
le vendredi et on travaille le samedi et dimanche. Au
départ en retraite peu de congratulations, les seniors à la
casse ! …la médaille du travail…un peu comme les
palmes académiques des enseignants ! Les Saoudiens,
nous appelaient les ‘golden slaves’

Vœux à mon départ en retraite de la secrétaire du PDG


Denise Ruymbeke cousine du fameux juge Ruymbeke

On passera beaucoup de nos vacances d’été dans les


magnifiques paradors espagnols à des prix dérisoires avec le change favorable: Cuenca, Ronda,
Antequera, Saler, Ayamonte…en suivant 30 ans après « l’itinéraire espagnol » de T’Stersevens en
1936 avec sa Citroën T4, sa Marie Jeanne et son gato mayor (le gros chat) et les enfants mendiants
qui  crient « a peseta ! « Marie-Jeanne leur crie : Anda manillos ! (tirez-vous petits singes). En 63 à
San Andrea avec une hôtelière formée en Suisse, En 62 à Castel de Ferro, en 65 à Gabiche-mare,
en 66 à Vienne puis à Rimini, en 67 en Europe de l’Est, en 68 à Laredo, en 69 en Algarve puis à
Tarifa en face de Gibraltar, en 70 à Vienne, en 72 à la croix-Valmer, en 74 à Tannenkirch, en 75 à
Porec en Yougoslavie misérable, en 76 à Denia, en 77 en Corse à St Julia, en 78 à Capri et Sorrente,
en 79 à Petragione, en 80 en campant avec notre caravane pliante, il fait 0 C° à Dieppe et un temps
127

exécrable en Ecosse, en 85 à Riquewihr, en 87 à Porto Vecchio, Après ces vacances nous irons
après 1990 pendant 8 ans dans une maison de vacances achetée à Castelnau de Medoc, un trou
rural sans âme mais les belles plages de Lacanau et Carcan ne sont qu’à 20 mns. En 97 et 98 nous
irons dans l’ouest américain en 99 dans l’ouest canadien sans grand intérêt. En Alsace et foret noire
en 2000, En 2001 à Menton, en 2002 à Villefranche Aux iles Borromées en 2002, A Sierre en 2003, à
Florence et Sienne en 2004, retour précipité de Sienne à cause d’un infarctus, en Suisse aux bains
thermaux à Lavay et Leukerbad, 1400 m un site prodigieux en 2005, 2006, 2007, 2008 puis plus rien
du fait de la maladie de Monique

On fait avec la poussive Panhard PL17 en 1962


une montée fabuleuse jusqu’à 3400 mètres au
Picacho de Veleta le plus haut sommet espagnol de
la Sierra Nevada au-dessus de Grenade, en
traversant en août des congères impressionnantes
plus de 5 mètres, une carburation limite avec
l’altitude. Une montée motorisée interdite
aujourd’hui. Une collègue monitrice informatique de
la CII au Caire fera 20 ans après le même trajet
avec son mari mais dans la descente vertigineuse
du col percutera de plein fouet un camion et ils
seront blessés sérieusement. Vers Tarragone Monique et moi passeront un diplôme de navigation sur
Vaurien ou 421…sans nous éloigner de plus de 300 m des côtes et sans lendemain, je n’ai pas de
vocation de marin !

On ira voir Robert. Manuel et ses danseurs tahitiens au théatre et Dassin, Brassens, Blier, Adjani, les
Beetles et surtout ABBA avec la belle Agnatha. Mes livres de chevet :Alain chartier, la virginienne, les
livres de Goldsmitd, l’atomiste et puis internet…Je retrouverais en 1984 à un pot d’adieu Sodeteg au
zipec, Salomon, le directeur de Sodetra à Papeete, rencontré 20 ans après sur un vol vers le
Zimbabwé et mon ancienne et minuscule secrétaire Melle Patrinayan que j’avais complètement effacé
de ma mémoire mais qui me reconnait toute joyeuse 15 ans après . Aussi une étape mémorable à la
Sainte Baume la grotte de Ste M-Madeleine qui se serait réfugiée là dit-on avec le fils de Jésus au-
dessus du couvent ...où j'ai couché il y a fort longtemps en 1972 avec épouse, 2 filles, bébé Antonia 5
mois et chien Titan, faute de trouver un hôtel, l'hospitalité chrétienne, pas de prix de chambres, juste
une obole (ça a bien changé !). Moi errant à 5 h du matin dans les immenses sous-sols lugubres et
obscurs pour trouver où réchauffer un biberon, mais un site en altitude à l'aube ...et des puces et 2
filles terrorisées dans leur chambre isolée, l’aube extraordinaire
128

Grandeur et décadence de la CGA

La direction: Un président : d'Argenton « a pompous ass » que je ne verrai qu'une fois au Caire "en
visite" il ne fait que toucher des jetons de présence. Un vice-président directeur
général Csech, juif de nationalité Tchèque, électronicien le créateur de la CGA qui sera
absorbée comme filiale par Alcatel un peu plus tard, il est un peu absent, il travaille,
bien qu'il ait un bureau à Bondoufle, à Paris rue de la Boétie siège de la CGE Notre
directeur commercial se moque et l'appelle « le fossile ». Pour l'inauguration du centre à Brétigny Il a
fait installer comme décoration dans le hall du bâtiment principal un curieux ver plat en spirale
verticale qui va en se tortillant du rec au second étage, en plaques d'aluminium et que l'on appelle le
ténia. Il a aussi fait réaliser une plaquette publicitaire qui représente un bateau nommé CGA...
échoué bizarre et prémonitoire qui ne sera pas diffusée. A 16 heures il descend chercher un petit
pain au chocolat. Les contrats avec tous les pays arabes sont assortis d'une clause de boycot
d'Israël. Un directeur adjoint juif aussi, Namy très dynamique et sympathique, le véritable chef, très
ambitieux, trop sans doute, il ratera ce grand projet informatique avec l'Arabie Saoudite et créera une
filiale bien inutile aux USA, Alta avec un directeur américain majoritaire très retord qui coûtera en
gestion et en frais de rupture de contrat une fortune à la CGA. Lui succèdera Bourdeau responsable
des péages l'activité de base de la CGA choisi entre d'autres directeurs de divisions qui n'arrivera
jamais à établir son autorité et une flopée de présidents R. Gest puis d'autres ….

Les baisses de commandes « péages » et la chute des contrats au M-O aboutiront à la quasi faillite
de la compagnie en 1984: J’essayerai vainement de faire accepter à la direction l’achat de 2 sociétés,
Morpho et Gallia, l’une fabricant une carte d’identité informatisée, l’autre une machine d’identification
des empreintes digitales. 2 sociétés qui auraient pu relancer une activité mais rachetées peu après
par Thomson avec grand profit. Une partie du personnel est licenciée 100 dessinateurs qui n’ont plus
lieu d’être avec l’informatisation et d'autres mis en chômage partiel avec demi salaire: un vrai coup de
tonnerre et le moyen de virer le personnel sans indemnité en les forçant à démission. La direction
malgré les avertissements de Thabut le directeur financier, avait masqué les déficits en anticipant le
budget basé sur des prises des commandes...aléatoires et qui ne se réaliseront pas. Csech est viré
sans ménagement car CGE la maison mère est obligée d'assurer les échéances. CGA passera de
1000 à 300 personnes. La société passée succursale de Alcatel à Cegelec puis de retour à Alcatel
changera 3 fois de directeur puis sera vendue à une société de fonds monétaires du Quatar et
changera plusieurs fois de nom accompagnant la déconfiture d'Alcatel

A la retraite, je pars à la chasse aux ancêtres et


j’entreprends pendant plusieurs années le développement
d’un logiciel d’aide à la recherche généalogique Genea-se
en Quick-basic puis en Visual-basic, version 4, 5, 6 en
créant une association 1901, Sys-expert et je vendrai 150
exemplaires de ce logiciel de 500 pages de
programmation pour un prix modique, modeste score,
mais beaucoup de plaisir ! J’écrirai et illustrerai avec
photoshop une version un peu humoristique du «little
129

black Quibba» le livre de mon enfance et «Blue Jean» l’histoire d’un petit éléphant rebelle qui veut
voir Paris, et j’éditerai de nombreux arbres généalogiques illustrés de la famille et familles alliées ou
amis. Chantagut, Chatriot, Meker, Maret, Prot, Menegaux, Smadja…

L’ENSEIGNEMENT SCIENTIFIQUE : Enseigner c’est bien, mais enseigner comment apprendre avant
toute chose, ce serait mieux

-De la maternelle, peu à dire: le B-A BA, ça a marché pour moi, juste la difficulté de passer de l’écriture de la main gauche à
la droite vite surmontée sans trauma, et le plaisir de faire des tresses de papier, du vélo et de chanter ! La maîtresse donne des
fessées-très rarement- mais mets au piquet avec un bonnet d’âne

-De la primaire: détestation immédiate de l’histoire-geo, détestation des dictées: dégoût personnel ou incapacité des maîtres?
mais aussi la découverte et le plaisir des maths,

-Du secondaire: Les sciences, les maths le bonheur, je m’inscris au périodique ‘le cahier de math-élem’, et toujours l’horreur
de l’histoire-géo. Mais le bonheur de l’étude des classiques Molière, Racine, Corneille, d’apprendre les longues tirades et
disséquer les sentiments et ressorts de ces textes. Pour les dissertations je ne suis guère capable d’écrire plus d’une page,
alors un prof donne un conseil: Il prend pour exemple de disserter sur: Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. Il
nous propose alors de faire l’analyse des mots: science, conscience, ruine, âme puis des ensembles science-conscience et
ruine-âme puis d’appliquer le « thèse-antithèse-synthèse » à l’ensemble en enrichissant un peu avec des citations et des
exemples. Cela m’a au moins servi à frôler la moyenne!

Du supérieur: Dès la prépa je suis confronté au volume des matières à apprendre en chimie par cœur et à la difficulté des
exercices de math et physique
Alors en première année de fac, je constate:
-Les profs font des cours magistraux sans aucune interaction avec les étudiants, seulement un peu
d’expériences scientifiques préparées par les assistants, sans aucune participation des étudiants
-A part le jour de l’examen final, on n’a aucun contact personnel avec les profs : Une exception: Kirrmann le prof
de chimie organique qui nous demandera quel sujet on aimerait qu’il aborde, un cas rare
-Aucun conseil méthodologique de la part des profs
-Un volume de travaux pratiques en chimie-physique qu’il aurait fallu décupler

Pour le volume des cours de chimie: j’ai décidé d’une mise en page toujours identique des cours saisis avec soulignés,
encadrés, couleurs…et pour apprendre je relisais et recopiais sans cesse le texte dans la même configuration de la page lue en
prononçant le texte à haute voix, Sans doute existe-il bien d’autres méthodes et j’aurais bien aimé que les professeurs nous
donnent des conseils afin de perdre moins de temps: plusieurs heures par jour pendant des mois

Pour les exercices j’achetais les annales des examens des 5 dernières années en essayant de résoudre les problèmes posés,
pour voir la tendance des sujets et j’achetais des livres d’exercices corrigés. Pour les travaux pratiques, Comment rédiger un
cahier d’expérience: Là aussi pas de conseils de nos profs, les TP, le niveau était très insuffisant et ce n’est guère qu’en cours
de physique nucléaire que des exercices sérieux seront proposés et aussi en première année de l’école de chimie: analyse
d’ions, synthèses de produit chimiques, mais les cours de licences n’avaient pratiquement pas de TP, une honte
130

De mon expérience professionnelle: Construisant mon Babar je fus confronté à une difficulté: Je préparais dans une
bombonne en polyéthylène, une solution d’un sel de Strontium 90 à très forte dilution et testait la sensibilité radioactive de mon
Babar: mais aucune détection radioactive comme de l’eau pure ! Alors je m’en ouvris à mon ancien prof de chimie minérale Biet
de Strasbourg qui dans un document très approfondi calcula que la totalité du Strontium avait été absorbé par les parois de la
bombonne, ce dont je n’osais croire, et me donnait des conseils pour remédier à cet incident. Rincer le récipient, ajuster le Ph,
choisir un récipient à rapport surface/volume le plus petit possible…Comme quoi ces profs étaient tout disposés à discuter,
conseiller, écouter mais…. Seulement si on les sollicitait
En informatique si les cours de Hewlett-Packard étaient des modèles de clarté j’ai été confronté aux exécrables documents de
la CII et plus tard à la documentation ésotérique de Visual Basic alors si j’ose cette comparaison avec la méthode structuraliste
de Levy-Stauss vis-à-vis des mœurs et langages des tribus indiennes : l'étude des légères différences de cultures entre tribus,
j’ai appliqué cette approche aux éléments de programmations comportant parfois des centaines de paramètres, par exemple
pour la gestion des fichiers, de manipulation d’images ou de textes, en renonçant à écrire d’emblée ces équations sans bien
comprendre, mais plutôt en appliquant de petites variations sur quelques paramètres d’exemples corrects proposés dans les
manuels, et en observant les résultats espérés, les erreurs produites…et en limitant au minimum le nombre de formules
utilisées

Bien que cela ne se pose guère à l’université j’ai beaucoup appris par moi-même de l’organisation des équipes de
développement logiciel, de la taille des groupes de travail, de l’évaluation en temps et en coût à priori de ces travaux souvent
au forfait, qui si on se trompe peut conduire à de catastrophiques dépassements financiers dès lors que l’on gère des équipes
de 100 personnes sur un projet. Aussi il faut contrôler la faisabilité, la fiabilité et les performances de ces logiciels, la
sauvegarde des données et leur protection aussi. On a vu récemment ce qu’a pu donner la désastreuse réalisation du logiciel
Louvois de gestion des soldes de l’armée : Un officier a reçu une solde mensuelle de 50 € un autre soldat 500.000 € (Cap
gémini et Stéria). De même j’ai eu à connaitre un logiciel de Cap-Sogeti, un traducteur automatique de spécifications du langage
structuré vers le cobol qui, parfait comme traducteur, demandait des heures entières pour traduire quelques lignes de
spécifications et donc inutilisable, une belle arnaque, mais on avait omis de fixer un temps de traitement  ! et encore l’exemple
du programme Cheops, le contrôle aux frontières français souvent en panne, on a même pas prévu un fichier manuel de back-
up pour au moins filtrer les individus les plus dangereux

La rédaction des contrats commerciaux est aussi un exercice périlleux mais passionnant, la moindre faille pouvant conduire au
désastre, bien qu’un canevas soit habituellement utilisé, chaque contrat contient en germe des traquenards que bien sûr on a
du mal à imaginer : par exemple les cas de forces majeures: une vraie caverne d’Ali Baba, les délais, les logiciels…les clauses
d'arbitrage internationales, les aléas d’installation

L’INFORMATIQUE A LA PAPA

1- Hewlett-Packard 2116 en 1968

Je découvre l’informatique en 1964 à la Sodeteg au Zipec un immense centre d’ordinateurs IBM pour la
Jestion du personnel, les paies de tout le groupe Thomson et le PERT des projets CEA gérés par la
Sodeteg, puis en 1968 j’assiste à un cours Fortran, découvrant à 36 ans dans la douleur les do, les next, les
go to… Je suis chargé à la CGE du choix d’un ordinateur qui servira à monter un banc de tests de
l’électronique des fusées nucléaires Pluton dont on développe le logiciel. Beaucoup de choses à apprendre:
L’informatique c’est à l’époque un investissement considérable pour ce département, car au centre de
Marcoussis la totalité des travaux informatiques sont fait en télétraitement fort coûteux sur le centre IBM de Neuilly à partir d’un
lecteur de cartes, un télétype, un dérouleur magnétique et d’une ligne téléphonique. Mr Klein le directeur informatique du centre
de Marcoussis me convoque et me dit sévèrement «vous n’avez pas intérêt à vous tromper dans le choix de l’ordinateur»: Alors
cela me permettra de négocier un stage aux USA chez Hewlett Packard!

En 1968 il n’y a alors en mini-informatique que 3 concurrents: Digital equipment avec le PDP8 12 bits, très populaire et pas
cher, Cii avec le 10010 français, 8 bits assez minable et Hewlett Packard avec le 2116 mémoire 16 bits, le plus cher, avec
lequel on peut adresser directement une page de code de taille double ou quadruple des concurrents. La conception des cartes
électroniques est bien meilleure aussi. On peut insérer dans l’ordinateur 16 ou 32 cartes électroniques: digitales, analogiques,
à relais, multiplex ou personnalisées ainsi que celles gérant le « power failure », les canaux d’accès direct, les périphériques:
consoles, lecteurs, imprimantes, disques et tambours magnétiques, terminaux multiplex…
131

Le logiciel de base est des plus faciles, le RTE (real time executive) permet une configuration rapide des cartes des I/O - les
Entrées/Sorties et des programmes. Le manuel de base plus de 1000 pages à digérer ! On dispose aussi sur le 2116 d’un
Fortran avec accès à la gestion des E/S, un assembleur avec formateur de texte Fortran, un algol et un Basic interprèté en
ligne. L’assembleur, le fortran et algol sont compilés et chargés et assemblés, on dispose même d’un assembleur -1
permettant de décompiler des programmes fortran. Bien sûr au départ toutes les opérations se font sur rubans perforés en
plusieurs passes avec le fameux télétype TTY33 mais dès l’année suivante on disposera d’un lecteur optique de rubans, d’un
tambour magnétique à têtes fixes d’accès ultrarapide 2 ms, un lecteur de cartes cochées ou perforées, d’un dérouleur
magnétique, d’une imprimante, d’une console vidéo et d’une mémoire de 32 Ko. L’OS, le RTE, permet de gérer plusieurs
programmes en swapping ou en overlay et disposant des listings du fournisseur on peut facilement créer ou modifier les
handlers. Le 2116 démarre en 1 seconde mais au besoin on le redémarre en entrant aux clés 16 doubles octets qui font
démarrer le bootstrap du disque, ou du dérouleur magnétique à la seconde…à comparer avec les laborieux démarrages de
Windows, 50 ans après, il est vrai plus complexe.Outre la gestion des cartes de test de Pluton avec ce système, on fera divers
travaux comme le développement d’un logiciel de reconnaissance de caractères manuscrits pour le compte des PTT, un
logiciel de reconnaissance de forme en holographie sous-marine pour Thomson et la programmation et l’étude de la FHT la
Fast Hadamard Transform, une étude pour la DGRST pour faire de la compression de données. Hadamard : Un génie français

2-Les IRIS 50-55 Les MITRA 15 de CII en 1972

En 1972 j’aborderai la grande informatique avec les Iris 50 de CII; Une grosse
déception: Le logiciel de base Siris est peu au point: un exemple: Il faut, bien
sûr frapper un mot de passe pour accéder au système …mais quand on
frappe le mot de passe, il apparait en clair sur la console système et s’imprime
…bravo la CII. Même pas honte. La configuration du moniteur de télétraitement
est faite à partir d’un bac de cartes perforées: la modernité ! La gestion de
fichiers est pratiquement inutilisable en séquentiel indexé vue sa lenteur, la
gestion des terminaux branchés en grappes sur des mitra15 est encore en
cours de développement tant sur l’iris 50 que sur le mitra15, et bogue sans
cesse…quant à la documentation ! Le cobol est vraiment peu adapté à ses
configurations téléinformatiques, on se replie sur l’assembleur. Heureusement le moniteur de télétraitement Stratège
adaptation d’Autoflow logiciel américain sous licence est très complet et facile d’emploi. On livrera ces configurations avec
plusieurs centaines de terminaux tant en Egypte qu’en Irak. En fait des ordinateurs HP 2116, bien moins chers auraient fait
l’affaire mais financement français oblige!

3-La SERIE DPS6 de Bull-Honeywell en 1978

En 1978 Cet ordinateur DPS6 au catalogue de CII mais construit par Honeywell USA sera choisi pour le système des douanes
égyptiennes plutôt que le DPS7 français bien coûteux: Cela permettra de doubler chaque ordinateur par site pour sécurité. On
développera un logiciel system-expert qui à partir des données d’origine et de qualité des marchandises permet de calculer
taxes et réglementations et d’imprimer la déclaration douanière en arabe

La CII a 4 équipes de vente pour ce matériel et se font une coûteuse et stupide


concurrence, une équipe pour le client lambda, une seconde pour les grands
132

groupes, une troisième pour l’export et une quatrième vend en OEM, matériel en pièces détachées, sans documentation, sans
support, sans garantie mais à 50% du prix de base, c’est cette solution qu’on adopte. Je ferai à Los Angelès une visite de
l’usine de fabrication des DPS6

Ma fille ainée Maïté en 1977 est étudiante en sciences-éco. En informatique on lui demande de programmer en langage PL1
si une certaine phrase est un palindrome ou non: par exemple: « élu par une crapule» ou « un roc cornu». Je l’aide, et comme
je ne connais pas le PL1 je fais au plus simple: résultat: «méthode médiocre» note le prof. Je suis fort vexé

Notre dernière fille Antonia fera en 2000 un DESS d’intelligence économique à l’université de Marne la Vallée- seule fille de la
promotion- (le contre-espionnage avec l’amiral Lacoste comme prof : l’inénarrable organisateur du sabotage du Rainbow
Warrior de green peace) puis finalement elle sera Prof des écoles comme son ainée Anne..Les voies du destin sont
impénétrables ; Cela m’aurait bien plu d’avoir une fille espionne : on fera tous les 2 quand même pour le compte d’un agent de
la DGSE (le contre-espionnage) une recherche rémunérée sur internet sur les chars russes mais je crois que ce dernier
s’intéressait plus à Antonia qu’aux blindés 

LA JUSTICE en folie

A la retraite je serai pris de folie procédurière: Il faut dire qu’en activité je n’avais guère le temps de
me lancer en procédure, des semaines de travail de 50 à 55 heures et que de déplacements !

-Un serveur téléinformatique AOL déjà condamné maintes fois me débite indûment mon compte
pendant 3 mois- soit 380 frs- pour un service résilié: procès au tribunal d’instance de Palaiseau: c’est
gagné, il me rembourse sans besoin de faire intervenir d’huissier !

-Le service des impôts me réclame 3000 frs pour une location à étudiant: procès auprès du tribunal
administratif, c’est long 2 ans mais procès gagné avec en prime la notification de la décision à tous
les tribunaux administratifs pour jurisprudence

-Malfaçon dans notre maison sous garantie décennale, j’assigne l’architecte et l’entreprise qui font la
sourde oreille: mobilisation d’expert, d’avocat, d’huissiers, quatre ! Le tribunal d’instance de
Palaiseau débordé a trouvé une parade: pas moins de 15 renvois fallacieux alors de guerre lasse je
mobilise mon ami Charponnel, procureur à Evry, Le 16 ième renvoi sera le dernier, procès gagné:
35.000 frs: frais de procédure, expertises, huissiers, avocats et réparations

-L’Agirc caisse de retraite complémentaire décide en 1994 d’abaisser le taux du supplément familial
de 2 % aux familles de 3 enfants et plus sans toucher aux retraites des autres retraités, procès
collectif de « familles de France » qui arrive à annuler à l’issue d’un procès cette injustice pour les
retraités d’avant 1994 mais j’échappe à cette mesure à 3 mois près alors je fais procès auprès des
instances européennes . Jugement après 3 ans: j’ai perdu cette fois ! Sans attendus ni possibilité
d’appel

-Les emprunts bancaires sont assortis de frais d’assurance-vie conséquents. Aux termes de la loi le
reliquat non utilisé de ces frais doit être reversé aux contractants au prorata. Assignations aux
133

banques sans effet. Les banques sont plus fortes que la loi ! Il s’agit de plus de 16 milliards d’€ en jeu
volés aux millions d’emprunteurs… sur une vingtaine d’années, il est vrai !

-Contestation d’amende de 68 € pour excès de vitesse (144 au lieu de 130 Km/h) pour radar présumé
non contrôlé dans les délais, le tribunal classe sans suite, il fallait faire un dépôt de valeur égale à
l’amende !

-Ma tante Lucie reçoit un jour une missive de Coutaut le généalogiste successoral : une révélation
d’héritage assortie de… 50 % de frais ! Ma tante radine comme pas deux m’en fait part, je réfléchi la
famille n’est pas si nombreuse, côté paternel vraiment personne, côté maternel, euréka, ce doit être
ma marraine, cousine germaine fâchée avec sa famille- pour pas grand-chose, Dieu que c’est bête,
j’avais bien essayé de renouer, ma mère hospitalisée « diagnostic vital engagé » mais pas de
réponse de ma marraine. Je cours à Livry-Gargan : la concierge me dit votre marraine est morte seule
depuis un an, « sa gentille amie » a déménagé la vaisselle, les bibelots tout le mobilier et l’a
remplacé, la coquine, par quelques ruines en bois, c’est une employée des PTT qu’elle ne porte pas
dans son cœur. Je préviens les 4 héritiers, côté maternel : un cousin que je n’ai jamais vu qu’en photo
à 5 ans, côté paternel 3 héritiers : Ma mère, ma tante, mon oncle. La loi est dure : Le côté paternel
hérite autant que le maternel, Coutaut prend 50% et le fisc 50 %. Travailleurs travailleuses le fisc vous
spolie

L’héritage= X= 400.000 frs, pas si mal au départ, après


impôts X/2 et après Coutaut X/4 et après la part maternelle
X/8 et après la part maternelle coupée en 3 reste à ma mère
x/24 ! mais comme je vais me passer de Coutot puisque je
connais la décédée cela lui fera X/12 au lieu de X/24… Le
cousin maternel Loguet un peu crétin malgré mon
avertissement signe mandat à Coutaut et perd la moitié de sa
part .Ensuite je porte plainte pour récupérer un bibelot qui me
tient à cœur une magnifique charrue conduite par un paysan
et tirée par deux bœufs, coulée en bronze doré, œuvre de
mon arrière-grand-père …et que j’ai vu toute mon enfance chez ma grand-tante à St Denis. Le
commissaire fait l’enquête, « l’amie » avoue le vol, profil bas elle risque la révocation mais le juge
nous déboute au pénal : ces cons ils n’avaient qu’à s’occuper de leur cousine pense-t-il ! Il n’a pas
tout à fait tort, travail en moins aussi pour les tribunaux surchargés, reste la procédure au civil que je
découvre avec avocat, frais et résultat aléatoire, on renonce mais « l’amie » qui risque de perdre son
emploi a senti le vent du boulet, elle s’accoquine avec le notaire, lui restitue la charrue contre le
retrait de notre plainte dans un acte notarié.

Monique se lancera dans un procès avec l’avocat Kling président des alsaciens à Paris contre son
frère Jeannot qui à la mort de son Père a accaparé les assurances-vie, les bijoux du coffre-fort, vidé
le compte en banque, pillé l’appartement…Et Monique récupérera des bribes de l’héritage. Avant de
mourir mon beau père découvrira que sa femme suissesse décédée a placé en banque une petite
fortune à son insu à Bâle et ira récupérer en taxi depuis Strasbourg les fonds en spoliant son fils
Roland héritier !

SYS-EXPERT : 1984-1994
134

A la retraite j’utiliserai la technique des système-expert avec un moteur d’inférence de mon cru pour
écrire en plusieurs années un copieux logiciel sur PC, GENEA-SE qui se propose d’offrir des filières
de recherches généalogiques: En partant des dates, lieux , circonstances de naissance, mariage,
décès, profession, diplômes, religion…etc , on génère des directives de recherches et les modalités :
lieux de consultations et cotes d’ archives pour découvrir de nouvelles données relatives à la vie,
l’ascendance et la descendance d’un individu. Plus de 500 pages de code J’ai créé pour diffuser ce
logiciel, une association 1901 SYS-EXPERT et vendus 100 exemplaires du logiciel

Première page du programme GENEA-SE

La Retraite : Je rechercherai et j’écrirai l’histoire de 1750 à 1950 de la « dynastie » d’une


cinquantaine de gardes et piqueurs de chasses Lefort et familles alliées : Gardes et piqueurs de père
en fils jusqu’à 8 générations de suite dans des châteaux et des équipages de chasses prestigieux
Pré-retraite fin 1988 puis retraite en 1994, paisible à Verrières, des recherches généalogiques sur
internet, encore quelques descentes à ski à Saas Fee, puis trop de chutes, l’épaule déboîtée,
j’abandonne. Deux voyages en voiture individuelle, fabuleux aux USA: les parcs nationaux Brice,
Zion, Yellowstone, le grand Canion, Las Vegas et surtout la death valley le désert de la mort, l’oasis
135

de furnace creek, un paysage insolite jusqu’à -10° en hiver +57° en été, puis un troisième voyage au
Canada, Vancouver, l’Alberta, sans grand intérêt, si l’on compare aux Alpes, puis en Italie à Florence
et Sienne, en Suisse à Lavay et Leukerbad au-dessus de la vallée de Sion: bains chauds 36-40 ° et
paysages grandioses, des roches vertigineuses. En Alsace on ira en 2000 à Oderen le pays de mes
ancêtres maternels, à Colmar, à Strasbourg, Ribeauvillé… en Allemagne, à Bellhein le pays des
ancêtres de Monique, les Ehrbar, en Belgique à Bruges, en Grande-Bretagne jusqu’à Iverness et au
lock Ness où je filme au bord du lac un « monstre du Lock » en plastique plus vrai que nature, en
Italie les lacs, les iles Borromées, Florence, en Autriche à Vienne, en Suisse.
2 débuts d’infarctus maîtrisés avec des stents : Le 14 juillet 2003 Monique m’emmène aux urgences
piqué à la morphine contre la douleur je suis emmené sur un brancard à roulette à toute allure dans
les couloirs de l’hôpital d’Antony et avec l’effet de la drogue j’ai la sensation d’être sur un grand huit
mais au bout… la salle d’opération et en février 2004 une seconde opération un peu mouvementée
retour de Florence en urgence, pose du stent mais  arrêt cardiaque et défibrillation laborieuse. Le
torse entièrement couvert de bleus dus aux multiples tentatives de difficile réanimation, on est peu de
chose. « ça a été chaud » me dit le chirurgien à mon réveil brutal après une dernière défibrillation, ce
qui ne m’a pas rassuré. Ma mère meurt d’un anévrisme en 1994 et mon frère Pierre en 2012 aussi
d’un anévrisme. Monique débute un Alzeimer en 2010. 3 mariages des filles et les petits-enfants,
onze, qui grandissent: Emmanuel déjà 35 ans qui se marie à Pinal Patel une indo-américaine en
2016 ainsi que Victoria qui se marie en 2016 à Mathiew Dupont un américain, Fabien, Julie, Audrey
en ménage, Lauriane en ménage, Florent, Justine, Eliot, Robin, Jules né en juillet 2014, et Flavio un
arrière-petit-fils d’Audrey et de Rémi Alcaraz, né en décembre 2015 : Flavio puis une arrière-petite fille
Lou de Laurianne et Fabien Vannier en novembre 2016 et puis peut-être pour 2018 encore un(e)
rejeton d’Emmanuel et Pipa…. Et la promesse d’une centrale à fusion nucléaire pour 2032 ! Un ADN
de synthèse réparateur des organes et des gènes et des voitures à hydrogène autonomes et
volantes

En 2019 la plupart de mes copains d’école meurent : Gubler, Azfazedourian, Latitte…

Le mari de la cousine Nicole decède de défaut d’O² dans le sang . En 2020 retrouvaille des cousines
Martine, Brigitte et francoise Weber

Furnace Creek (la vallée de la mort) Les Thermes de Leukerbad (Le


Valais)
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Les pièges à rêves (dream-catchers) des indiens Navajo, à suspendre dans la chambre

Les mauvais rêves sont attrapés dans la toile d’araignée

DES COPAINS CHIMISTES STRASBOURGEOIS de 1954 à aujourd’hui

Gérard Brown: On l’a peu fréquenté car il prend ses repas au resto-U israélite. Lors
l’une visite technique en Allemagne, au retour c’est vendredi soir. Tout le monde est
dans le car on l’attend depuis un moment: Brown arrive enfin et dit: c’est Shabbat, je
ne peux pas partir. Retiré à Jérusalem, il consacre sa vie à la prière, Un grand copain de Netanyaou,
le premier ministre : Je lui ai raconté par mail l’histoire du chien condamné à mort par un tribunal
judaïque pour être rentré dans une synagogue de Jérusalem, mais sauvé par des enfants
palestiniens, pas sûr que cela l’ai fait rire, j’aurais pu aussi lui raconter l’anathème présent dans le
Talmud le livre sacré : Les Rabbi condamnant Jésus à être aux enfers plongé dans de la merde
bouillante…seulement pendant… 2000 ans, mais non ce n’est qu’une médisance antisémite !

Gérard Hannezo: fils d’un industriel de Sweighouse, il vient parfois en cours conduit en voiture par le
chauffeur de son père, il fait le choix judicieux de suivre à la fois la chimie en fac des sciences et
l’économie en fac de droit. Conseil en développement industriel. Un garçon brillant plein d’humour et
un homme de droite, peintre et grand polémiste, il blogue

+Jean Blum: un joyeux camarade, mal fagoté, farfelu et farceur: au labo pour nous épater il fait
semblant de lécher un cristal de cyanure et de se verser de l’azote liquide sur la main ! Au resto-U
s’inspirant des Boulingrin de Courteline, il nous dit souvent: bouffez-en bouffez en, vous êtes foutus
d’en claquer ! Juif pas très orthodoxe, il mange avec nous à la Gallia. Il nous chantait: La petite
danseuse étoile, dansait complet’ment à poil,
Un petit ange joufflu, lui soufflait dans l’cul ………..avec une paille
Spécialisé chimiste en pharmacie .Skieur occasionnel avec nous en Suisse à Zermatt

+Jack Sebbah: Un de mes meilleurs camarades, Juif pied noir, rapatrié de Constantine ,
La première semaine au resto-U, nous, tous attablés, lui seul à une table l’air renfrogné:
Le premier pas, alors ensuite il nous rejoindra, et nous racontera ses souvenirs de la
place de la brèche à Constantine et de la protection attentive qu’il porte à sa jeune sœur,
alors pour le taquiner on lui demande de nous la présenter, on ‘s’occupera’ d’elle, cela le mets en
fureur , mais c’est un cœur en or et un caractère exécrable. Fiancé il va à la pêche, il marche devant
fièrement, sa Dulcinée Simone suivant portant canne à pêche et casier ! Il n’était pas bien gentil avec
son coreligionnaire Blum et l’appelait Tartarin de taras…blum. Devant le resto-U la Gallia, une
charmante petite marchande de marrons chauds vend occasionnellement ses charmes. Sebbah hèle
Butaye un camarade: je t’ai vu avec elle ! Celui-ci devient rouge vif, moi je n’ai pas pu dit-il, elle porte
une petite culotte noire et elle ne sent pas bon. Il se marie: puis quelque temps après nous présente
sa première fille Brigitte de quelques jours : elle fait de si jolies petites crottes dit-il !
Pour me consoler d’amours malheureux il me conseillait d’aller « voir » des demoiselles de petite
vertu.
Plaisanterie pour chimiste seulement, il avait inventé le proverbe : Vert Malachite ne profite jamais
137

Il m’invite une fois au théâtre de Strasbourg pour y voir Les contes d’Hoffmann. Je retrouve son
épouse au théâtre mais pas de Sebbah. Il arrive furieux au milieu du premier acte: En retard il a
shooté dans sa cuisine dans une bouteille de tipol et l’a cassé (produit vaisselle 50 fois concentré) il a
essayé de laver mais cela a fait une mousse de plus de 20 cms ! Il dira à son épouse qui a laissé
traîner la bouteille: malheur le jour où je t’ai rencontré…ils finiront après 40 ans de mariage par
divorcer; malgré tout un excellent camarade, le plus touchant, le plus ouvert. Il nous raconte que les
Kabyles berbères aux yeux bleus- comme Adjani- ne parlent pas mais grognent seulement dit-il.
Carrière dans la métallurgie du nord. Juif pas très orthodoxe non plus, il mange avec nous à la Gallia
mais ne prend jamais un ascenseur. Décédé en 2018. Retrouvaille épistolaire en 2016 de son ex-
épouse Simone à Strasbourg

+ Yves Debart: joyeux luron, il nous chante: et l’on entend dans les champs…les éléphants
et l’on entend dans les prés…les chimpanzés. Il est fou amoureux d’une copine de MPC
Claudine Devillers alias Bambi minuscule à côté de ce grand gaillard mais il a entretemps
mis enceinte une autre fille Thérèse qu’il épousera et dont il divorcera après quelques
années. On chante à Thérèse : C’est Thérèse qui rit quand on la b… Rupture douloureuse avec
Bambi à laquelle nous assistons impuissants

+ Michel Gubler: fils de la s/directrice de l’institut du pétrole, admissible à normale sup,


boursier donc, super brillant après l’école de chimie il fera une thèse en macromolécules et
un doctorat d’Etat. Chef d’entreprise, consultant en transfert de technologie. Marié à
Béatrice-trice-trice (+) puis divorcé aussi, de santé chancelante retiré à Bordeaux il y
décède en 2019

+Michel Butaye: Mon grand et regretté copain. Ingénieur au CEA DAM. Jeunes, on ira
ensemble en voyage étudiant en Yougoslavie en 1956 et en Espagne camper en 1957. Je
descendrai avec lui bon nombre de pistes de ski en Suisse pendant plusieurs années. Très
sobre pourtant en 1954, à l'arrivée à la Gallia en scooter par -15 C° il est bleu-violet : on lui
chante : qui c'est qui fait glou-glou c'est le Butaye ! (la bouteille) Décédé d’un AVC en 2010

+Jacques Demarez: élevé, mal, dans une famille communiste,


il me disait ironiquement: « Trou-duc, toi le bourgeois, tu pètes
dans la soie »…mais boursier et logé à bon compte en cité-U à
la Gallia, il déjeunait tous les dimanches dans un bon
restaurant de la rue des Juifs, moi pas, trop fauché, il avalait sans
vergogne les marrons glacés que ma mère m’avait envoyé. Un bon
copain quand même, skieur occasionnel en Suisse, un peu tourmenté,
fiancé, il potassait un livre de pratiques sexuelles. Une carrière pépère
aux charbonnages au cerchar, le centre de recherches. Skieur
occasionnel et maladroit avec nous. Mal assorti à son épouse Jacqueline (+ Alzeimer), volage,
ambitieuse et brillante inspectrice générale de l’enseignement technique hôtelier, ci-contre avec
Allègre le ministre de l’enseignement « sus au mammouth » Jacques Demarez disait à Monique
« c’est toi que j’aurais dû épouser «  Mort d’un terrible cancer de la gorge car gros fumeur et gros
buveur d’alcool
138

+ Michel Azfazadourian: Grec, étudiant à Alexandrie, son prof lui promet une bourse à Strasbourg
en chimie, Il s’y rend, pas de nouvelles, le prof est mort subitement, alors sans bourse, Azfa fera la
plonge au restaurant de la Gallia bien courageusement pour payer ses études. Parrain du gosse de
Michelle Brocard et de Pierre Dupeyron

+Vincent Alexandravicius dit Alex échappé de Lituanie pour fuir les russes, avec sa mère, son père
ingénieur resté prisonnier à Vilnius. Elle deviendra médecin-chef du service de Monique à l’hôpital
des enfants malades de Mulhouse- Vincent beau blond, son accent slave fait craquer beaucoup de
filles. L’amour déçu de Nicole Jaegi : Ted son mari jaloux tentera de le retrouver
Grand organisateur des boums de l’école de chimie, il décore la salle, installe la sono, confectionne
le punch: des fruits, de l’alcool absolu à 99% du labo et un peu d’eau, mortel ! Naturalisé, soucieux
d’intégration, il fait changer son nom en Sandray, commandant de réserve, il épousera la fille d’un
général. Carrière métallurgique à Dunkerque, il est mort trop tôt d’un infarctus

+Thomas Rull: Hongrois, déjà diplômé pharmacien, il s’est échappé à


l’invasion russe, il nous reprochera l’inertie de l’Europe lors de cet
évènement. Il entre à l’école de chimie : Il doit se rendre en Allemagne
pour stage, pas de passeport, alors je lui prête le mien avec un peu
d’appréhension. Il est chauve, rondouillard, beaucoup plus âgé que moi,
avec un accent terrible, pas vraiment mon sosie ! Malgré tout il passera
sans difficulté les contrôles de police à Kehl. Il nous parle des Hounsss, (les Huns) de son pays et de
Dracula. Amoureux, Il assiégeait sans succès rue Pfeffel le domicile de Nicole Jaegi, la cousine de
Monique. Décédé vers 2005. Sa fille après sa mort découvrira tout un pan caché de sa vie dans une
valise : son grand- père déporté par les russes, son père résistant et Thomas agent secret
antisoviétique, il possédait tout un lot de faux papiers. Elle organisera une exposition sur son père au
centre culturel Tchèque en 2014 à Paris

Elle témoigne : En 2008, mon père, Tamàs Rull, décède. Deux ans plus tard, en vidant
l’appartement familial parisien, je découvre de vieux papiers, des vieilles photos qui me lancent
sur la piste du passé paternel. Dans ces documents cependant, il n’y avait aucune lettre qui
m’était destinée. S’en suivent plusieurs mois d’enquête et de recherches, en France et en
Hongrie, afin de reconstituer le parcours tenu secret de ce père à la vie tourmentée et
aventureuse, dans l’Europe de la guerre froide. « La lettre » est à la fois celle que j’aurais aimé
recevoir de lui, les mots que j’aurais aimé qu’il me confie, mais aussi ma propre interprétation de
ce passé qui m’avait été jusqu’ici caché.

+Paul Gabano : fils de pauvres commerçants nantais, il n’obtiendra de ce fait jamais de bourse, bien
injustement, il fera une brillante carrière chez SAFT dans le développement des batteries au Lithium,
auteur de nombreux brevets…décédé en 2018

Jacques Pillot : Alzeimer en 2018 je renonce à l’appeler c’est son épouse divorcé qui me l’a annoncé

+Jean-Claude Maire : Ingénieur chimiste, docteur en physique, agrégé de physique comme son
épouse, Il enseigne en fac, pilote d’avion , divorcé, commandant de réserve, prof puis doyen de la fac
de Toulouse, j’admire, En retraite veuf à Strasbourg, décédé en 2016
139

Marc Taillandier: Délégué de l’AFGES, il me procurera des billets gratuits à la plupart des bals
étudiants. De retour de bal après minuit, la résidence de la Gallia est fermée, alors il grimpe souple
comme un chat à main nu la façade jusqu’au premier étage, moi je n’y arrive pas alors je passe par la
partie ouverte du foyer, celle des couples mariés , je me trompe de porte dans le noir et réveille dans
l’obscurité un couple ahuri en heurtant une chaise, alors je rentre au foyer étudiant en sortant par une
fenêtre de la cour, je longe la corniche pour entrer dans la partie du foyer fermée, au 6 ième étage, la
peur de ma vie. Sa carrière: Il fera une thèse de physique à Jussieu puis sera administrateur à cette
même fac de Jussieu

Jean Petin: Un des 2 luxembourgeois de la promo, il veut nous apprendre quelques mots de
luxembourgeois: on doit dire pour avoir une allumette: «fixfeuer» pour allumer le bec Bunsen

Bob Laporte: Le plus débrouillard de la bande, une belle carrière technico-commerciale à SEMA
puis à d’autres firmes, c’est lui qui organise nos réunions d’anciens et anime les associations
d’étudiants alsaciens en recherche d’emploi

+ Schmitt chimiste retrouvé à notre première réunion d’ancien puis décédé brutalement en 2016

Autres copains Avec des copains de l’AFGES en déplacement en car, un abbé en soutane, qui
prépare théologie à la fac, on chante « le père Dupanloup à l’opéra se conduisait comme un
goujat… » L’abbé en soutane proteste, rouge de colère, il s’agite comme un diable dans un bénitier.

On chante beaucoup alors, le patron des winstub de la


place Gutemberg, à « l’Aubette » et « aux armes de
Strasbourg » nous voit arriver avec appréhension, vu nos
chants d’étudiants bruyants et obscènes. On fréquente
aussi le « Dauphin » place de la cathédrale un winstub avec
billard et une curieuse boite à musique: un disque tournant
à cordes circulaires jouant le rôle d’archet sur lequel
viennent s’appuyer des violons qui basculent pour donner
les accords. Aussi le « Lockäs », winstub du quartier de la
« Petite France », face à la maison des tanneurs restaurant
réputé, là aussi un super limonaire à musique, il faut mettre une pièce de monnaie, l’instrument joue
alors de l’orgue, un couple automate valse et d’une cheminée à gauche sort de temps en temps un
diable rouge qui pousse un miaulement

Vieillevigne : fils à papa …d’un administrateur de la CECA (communauté européenne charbon-acier


précurseur de la CEE) il nous emmènera en traction 11 CV paternelle aux somptueux bals étudiants
du château de Pourtalès à la Robertsau

+ Pierre Mandry : chimiste retrouvé trop tard par l’ENSCL. Un alsacien très facétieux. Chimiste à
Valourec décédé en 1998 sans l’avoir revu

+ Gilbert Mignaval : Je loge avec lui, avant de me marier, dans la villa de sa grand-mère absente
où il faisait une nouba pas possible avec des nanas pas convenables. Il fera l’institut de géophysique
140

et carrière dans le pétrole. Je ne le reverrai pas, mais joint au téléphone vers 2010 peu avant son
décès

Oscar Ostertag, étudiant en droit, pied noir alsacien, hébergé au séminaire à la Roberstau, il
s’entraine à tirer avec un bruyant pistolet 22 long sur les arbres du parc au grand émoi des abbés, et
en prévision de son retour à Alger…avant la décolonisation. C’est la fin de l’Algérie française : La fac
de droit s’agite, les ultras tirent des coups de révolver sur la résidence la Gallia, repaire réputé de
gauchistes, j’ai oublié leurs noms

Joelle Lalitte et François Rostas son époux, condisciples à Chaptal en prépa en 1952 se
suicideront tous les 2 en même temps en 2019 sans doute bien malades.

Jean Paul Gerber condisciple à l’IRN, de culture alsacienne, achtung bicyclette dit il, Hop là Geiss
(quand on marche sur le pied de quelqu’un : entendu dans le bus), Gorpeau platz mans bilipt: (la
place du corbeau svp: arrêt du bus où on descend pour aller au labo…). Il nous récite avec l’accent:

Channot (jeannot) lapin est né à l’âge de septe (7) ans


Ses amis ses parents, voyant qu’il avait des goûts pour la beindure (peinture)
L’envoyèrent dans les Alpes étudier la nature, Les fleurs, les oiseaux, les babillons (papillons)
Ha c’est peau (beau) les babillons ! Chemin faisant il rencontra une auberge
Eh bonjour monsieur l’aubergiste avez-vous des eufsses (œufs)
donnez m’en septe, Il les mangea, il s’étouffa, il mourut et sur sa tombe on écriva:
Ci-git Channot lapin né à l’âge de septe ans
Ses amis, ses parents, voyant qu’il avait des goûts pour la beinture…. Etc
Il pleut des couteaux (gouttes d’eau) alors çà fait des marteaux (des marres d’eau)
Ou une charade : mon premier est un chendarme, mon deuxième est un chendarme…mon sixième
est un chendarme, mon tout: un grand zoiseau d’Alsace: réponse : c’est six cognes
Ou une histoire: Ma petite chienne a eu des betits (petits), Décha (déjà) ! Mais non pas des chats, des
chiots !

Des collègues à l’IRN

René Manquenouille: Collègue grimaçant de mon groupe à l’IRN, il porte bien son nom et ne fera
pas merveille avec l’appareillage électronique mis au point par mon chef de groupe A. Knipper

Albert Knipper: Il m’aidera considérablement pour ma thèse dans l’interprétation des résultats de
mes expériences. Fera toute sa carrière à l’IN2P3 dans l’étude des noyaux nucléaires hyper-lourds:
La recherche frénétique de la synthèse de noyaux stables et sphériques: autour du nombre magique:
Z=126 N=188 (Z nombre de protons N nombre de neutron) appelé l’ilot de stabilité…on approche.
Petit à petit, en 2015 on a synthétisé et identifié un Z=118 !

D’autres : Sutter, Suffer, Baumann, Fink, Galmann, Walter…qui feront carrière dans le nucléaire
141

L’avant-dernier « ilot de stabilité » en gris en haut et à droite : les noyaux atomiques sphériques et
relativement stables (Z=126 Nombre de protons et N=188 nombre de neutrons) Le précédent ilot de
stabilité en gris inclus le plomb (Z=82 N=126) ultime élément de la décomposition des radioéléments
naturels

Des collègues à CRC

Je n’ai guère gardé de


contact : Leprince-Ringuet
le plus sympathique décédé
si tôt, Goutelle le directeur
commercial, Croizier le
directeur technique (+
2015), Toutain vieil
ingénieur découvrant en
1961 l’électronique à
transistor, copiant des oscilloscopes Techtronics US, Il se disait fort de savoir allumer ses
pets comme l’oncle dans le film Fanny et Alexandre ! D’autres, Masclos, Bouchacourt, Girardin…le
commercial

Des Collègues de la Sodeteg :

Salomon le directeur du site polynésien : je lui dois la vie car arrivant au Sahara en chemise…il fait 0
C° et il me prête son pull. Hemery + vers 2014, mon directeur gros travailleur frappé par un AVC en
1966 il restera 48 h seul au sol de son appartement, et restera très diminué. Je garderai contact à sa
mort en 2014 avec sa fille qui trop jeune n’a pas connu son père avant son AVC. Très peu de copains
avec mes correspondants du CEA peu sympa : Rohan, Herbin, aussi Capdeville plus ouvert et les 2
gentils collègues tués dans le crash de Fangataufa

Des collègues à CGE Marcoussis

Mon patron Lebail un peu fou, des collègues Ducourtioux, D’Humière, Dupont, Martre, Vernet qui sera
obligé de démissionner faute d’obtenir une habilitation du CEA, sa femme étant russe, tous
spécialistes d’électronique rapide et de haute fiabilité pour qui je mettrai en œuvre un système
informatique HP. Je n’ai guère gardé de contacts ni de souvenirs…sinon de ma secrétaire Mme
Anriquez, sa voiture redémarrée un très froid soir d’hiver par moi à la manivelle elle aura un accident
à la sortie du centre de recherches et réussira à se retourner sur le toit avec sa DS19 sur le verglas
dans le creux de la route où passe un ruisseau gelé « le Mort » et elle prendra un coup à la tempe de
la manivelle restée dans l’habitacle, ça saigne mais sans séquelles graves.

Des collègues à CGA


142

Cariou résident du Caire, sup-elec, un joyeux luron, breton travailleur, grand amateur de Whisky qui
finira directeur CGE résident à Séoul puis en Chine, conseiller du commerce extérieur, je
l’approvisionnais, lui en saucissons et ses 2 jeunes filles Karine et Véronique en réglisse, denrées
introuvables au Caire. Lui nous hébergera quelques week-end près d’Alexandrie à Agami dans sa
modeste cabane de plage. Directeur d’Alsthom à Séoul, Il divorcera de Manou pour épouser une
coréenne plus ou moins compromise dans une affaire de pot de vin (le métro de Séoul) Mme Ho Ki-
Chun, qui aurait reçu 3,86 millions de dollars de commissions illicites de la part d'Alstom

Jean Quillot un sosie de Belmondo, le directeur commercial de CGA au M-O, débrouillard et


magouilleur, deux larrons en foire avec son copain Acké directeur commecial d’Alsthom au M-O, tous
les deux séducteurs invétérés et brillants tennismen.

Mon ami Quillot à CGA-Alcatel, retors directeur


commercial, sur un coup de folie achète avec sa prime de
licenciement le château de Courgent du même genre que
celui de Chirac dans un bled de l'Est de Paris, sa femme
Joséphine un peu effrayée seule achète 2 bergers
allemand et prend un jardinier, puis vient l'automne, il
découvre les 2 énormes chaudières, une année coûte
aussi cher que le château, il se ravise  heureusement et
commerçant avisé revend après 3 mois au détail, meubles,
lustres, fauteuils, tentures, billard, piano...puis le château
vide à un Kowetien !!! Il n'y avait que 3 fenêtres....par
étage

Eric Acké (+) : Brillant directeur commercial d’Alstom pour tout le Moyen-Orient, Acké entré en
fraude à la Mecque échappera de peu à la prison. Commercial négociateur des contrats il gardait un
œil sur l’Egypte et nos activités. Il réservait à ses intimes un traitement rude en guise de bonjour : Un
coup de poing au foie bien appuyé. Grand amateur de femmes il avait séduit l’épouse du directeur de
Suisse-Hôtel au Caire, il nous la présente et emmène sa conquête à sa chambre du Hilton. Le
devançant on

mettra par jeu un trombone dans la serrure ce qui a dû un peu perturber ses intentions. Il
« négociera » le contrat SAMIS d’informatisation du ministère de l’intérieur saoudien auprès du
directeur informatique saoudien….qui lors de ma visite avec Robert Mitterrand me dira tout de go
qu’il n’est pas à vendre !

Carcenac de Torne : de la direction scientifique de CGA qui me recyclera aux techniques du PC

Joël Vétillard le « constructeur » des clauses de contrats, d’assurance coface et de financement qui
m’initiera à ces techniques
143

Piola brillante analyste informatique puis ingénieur maison, ma taupe, qui me renseignera utilement,
comme représentante au comité d’entreprise, sur l’évolution, les potins et la stratégie de CGA et
passera ingénieur-maison

Et quelques autres Turquié libanais chef du projet douanes, Froelicher auquel je succederai comme
chef de département, Fichet et Ferchaud responsable des équipements annexes, Auriol, Rames…
informaticiens…et beaucoup de contact tant avec l’administration française : finances, CNAV, DGA,
douanes, université, armée, police…qu’avec les fonctionnaires égyptiens, irakiens, syriens,
saoudiens, Iraniens…

Les fous de la CGA

X : un ingénieur informaticien, il a décidé de ne rien faire car toutes les tâches qu’on lui assigne ne lui
plaisent pas ou ne sont pas de son niveau dit- il. Il trainera un salaire au minimum légal de sa
catégorie, il prétend qu’il est occupé à préparer une thèse et que cela lui suffit

Y : la CGA associé à un médecin a construit et équipé de matériel d’analyse une clinique à Ivry. Le
médecin qui a un jeune fils polytechnicien, déjà interné à plusieurs reprises pour désordre mental
nous demande de l’intégrer dans nos équipes. Il rédige au jour le jour un cahier plein de
récriminations contre ses parents puis au fil des pages son écriture devient illisible puis se résume à
des griffonnages. Un jour il déclare un mal de tête et disparait nous laissant son fameux cahier

Z : Une jeune informaticienne punk, les cheveux teints en rouge me dit voyant passer un bel
intérimaire, celui-là j’en ferais bien mon « quatre heure »

CGA est constitué d’un bâtiment principal et de petits bâtiments linéaires disposés
perpendiculairement à un grand bassin rond où nagent poissons et canards de profondeur de 2 à 3 m.
Il sert de réserve d’eau en cas d’incendie. En hiver le basin est souvent gelé sur 50 cm et couvert de
neige. Un jeune homme se présente pour embauche et traverse le basin couvert de neige qu’il prend
pour une cour et passe à travers la glace. Finalement il ne sera pas embauché !

J’hérite » en plus du département « grands système » du département de l’informatique « petits


systèmes » quelque peu en faillite et en désordre. Une jeune informaticienne assiège mon bureau et
réclame l’augmentation que lui aurait promise le précédent chef de département viré. Complètement
hystérique elle m’agresse bien que je lui montre graphique à l’appui qu’elle est parmi les techniciennes
la mieux payée de sa catégorie !

Une autre jeune et ambitieuse informaticienne Brigitte T. est chargé avec un commissaire divisionnaire
déjà d’âge mur et pourtant bienveillant, de préparer le projet « fichier criminel » extension de notre
projet d’informatisation du ministère de l’intérieur égyptien : Ils ne s’entendent guère et elle maltraite le
pauvre commissaire lui disant qu’il a la cervelle pleine de courant d’air.

En 1978 J’ai 10 ans d’informatique derrière moi, Un jour Csech le vice-président me convoque : Lefort
venez dans mon bureau ; Csech : J’ai un fils débutant en informatique, pourriez-vous lui trouver un
livre très simple… par exemple qui explique la « notation polonaise posfixée » ....pour commencer.
144

Lefort obséquieux : Je vais m’en occuper tout de suite ! Diable je n’ai jamais entendu parler de la
« notation polonaise posfixée » se moque t il de moi ? La honte je me plonge dans quelques
documentations : la notation polonaise c’est la mise en forme d’une équation afin de la rendre
exécutable par un calculateur : Ainsi une  racine d’une équation du second degré   

Y= -b- (√b²-4ac) /2a
s'écrira    bb* 4ac**  - √  - b- 2a*  / Y ←  (ou quelque chose dans ce genre)
C’est ce que fait un compilateur mais Je ne suis pas sùr que c’est par là qu’il faut
commencer...le chef a toujours raison !

²Médaille du ministère de l’intérieur égyptien (darleya) 30 cms

Plus le rang est élevé plus les médailles accordées sont


grandes : de quelques cms pour l’ingénieur lambda, jusqu’à
50 cms pour un directeur général La mienne 15 cms !

Médaille de la douane
égyptienne (gamalek)

Me manque celle du
ministère de l’intérieur
d’Arabie et d’Irak encore
plus grande
145

Des Bêtes: Avec nous, jeunes, nos parents seront bien indulgents quant aux
animaux de compagnie: outre le berger allemand Mickey, nous aurons jusqu’à
6 souris blanches qui vagabondent et grignotent tous les meubles, aussi un
oiseau, une tortue, un chat, un poisson rouge qui ne survivront pas longtemps

Ha ! la famille: Portraits saignants

L’oncle Paul Prot + : Epoux de la sœur Lucie Werlin de ma mère, fils


d’un très riche entrepreneur de TP de Champigny, après des études
d’architecte, migraineux, neurasthénique et hypocondriaque, cependant il
chantait en vacances bretonnes en 1936 en boucle «  je lui fais pouët
pouët » la scie du moment et à ma marraine « Raymonde le fait voir à
tout le monde » une autre scie débile. Il ne fera pas grand-chose puis mobilisé en 1939 il restera 5
ans, prisonnier en Allemagne en Poméranie, au retour il sera employé du ministère de la
reconstruction porte Maillot qui remplace Luna-Park mais ne viendra jamais nous voir avenue des
Ternes. Obsédé par le cancer il fera un régime végétarien excessif et mourra encore assez
jeune….d’un cancer de l'estomac. Lucie, elle, devra se battre pendant la guerre pour survivre avec la
146

gérance de marbrerie que lui concède son beau-père. De ce couple, 2 cousins Alain et Maurice
(+2014) que je verrai souvent jeune. Lucie était très rousse, ma mère racontait qu’à la sortie de l’école
primaire à St Denis tenue par la mère du dessinateur Poulbot, de sales gamins chantaient à son
passage: « la rouquine a fait ses p’tits derrière la commode, le rouquin les a trouvé, il les a bouffé ».
Le ‘93’ çà n’a jamais été le raffinement. Très radine Lucie offrira à notre dernière fille, pour
anniversaire un petit bracelet en métal argenté…son seul cadeau... qu’elle a trouvé dans un baril de
lessive bonux !!! Bien que ma mère la prédisait un pied dans la tombe, Lucie mourra à 101 ans bien
après elle.

L’oncle Marcel Werlin (+) : Frère de ma


mère, peu chanceux, du fait du décès
prématuré de sa mère il sera placé interne au
collège St Nicolas- on n’y rigolait pas- il y
apprend le métier de dessinateur industriel
mais sera aussi un excellent peintre du
dimanche, il vendra des toiles sans en faire une profession.
Marié à une folle, Gilberte, sans enfants. Retiré à
Châteaudun d’où elle était originaire.. Le « bon air » disait-il
Car il habitera longtemps Monparnasse
Le Château de Chateaudun par M. Werlin

La cousine Raymonde Luthringer: (+) cousine germaine de ma mère, fille de Xavier Luthringer, un
peu disgraciée, elle épouse un charcutier André Leprêtre qui fait faillite, lui aussi
prisonnier 5 ans en Allemagne, au retour, le ménage sans enfant ne va pas fort,
André prétend que sa femme est une tête de lard, ils divorcent, il disparaît sans
laisser de trace puis je l’ai retrouvé remarié et décédé. Raymonde était ma
marraine. Elle fut élevée avec ma mère et sa sœur à St Denis pendant 14-18,
son père mobilisé, son caractère faisait dire à ma mère : vivement que la guerre
finisse et que tu retournes chez toi ! Un jour, j’envoie des vœux de noël à ma marraine et à mon
parrain que je remercie pour un cadeau, étourdi, j’inverse lettres et enveloppes. Alors mon parrain
sera peiné de ne pas être remercié et ma marraine furieuse d’être remerciée pour un cadeau qu’elle
ne m’a pas fait ! A la libération ma marraine, patriote se teint les cheveux en bleu-blanc-rouge ! Elle
mourra seule, fâchée avec sa famille, son appartement pillé par une « amie » sa succession
recherchée par le généalogiste Coutot, car d’héritiers inconnus du notaire, et je devrai porter plainte
pour récupérer une charrue en bronze œuvre de mon arrière-grand-Père Romain Luthringer fondeur
alsacien

La cousine Suzanne Meker +: Pas très jolie, le nez Meker (busqué dont j’ai
malheureusement hérité), un peu naine, cousine issue de germain de mon père,
célibataire, un peu pique-assiette, employée de bureau de la SNCF, mon père
exaspéré par les avantages exorbitants de cette »corporation» la titillait un peu à ce
sujet. Nous la terrorisions avec nos 6 souris blanches qui circulaient sur le plancher.
Elle vivait avec une vieille lesbienne à moustache et à barbiche, Melle Naudin, av de
Neuilly: Notre « héritage »: un bruleur à gaz Meker antique. Sans enfant bien sur
147

Les cousins Chartier- Chatriot: Cousin germain de mon père, fils de Blanche
Chartier sœur de ma grand-mère, Raymond représentant de commerce, sa femme,
ses filles et parents ont eu longtemps, un commerce de blouses féminines de luxe au
Sentier : 3 cousins-cousines Jean, Geneviève(+), Monique de mon âge que je ne verrai
guère, dommage, mais retrouvés en 2014, lui Jean à la retraite à Maretz dans la
maison familiale et antique qui affiche en fronton la date de construction : 1789, et
Monique à Paris tous les deux célibataires, Geneviève, mariée, divorcée et décédée jeune a laissé
une descendance Culas perdue de vue. Blanche Chartier était réputée très stupide (d’après mon
père).

Les cousins alsaciens Werlin-Rantz: La sœur Lucie Werlin de mon grand Père Séverin-
dite «la tante riche», optant pour la France épouse Rantz négociant- leur fils est
traducteur-juré en allemand, ils habitaient rue Lesueur juste à côté de l’hôtel particulier du
sinistre docteur Petiot assassin d’une vingtaine de Juifs en 1942-44. 2 petits-fils nés vers
1930 l’un polytechnicien (+), l’autre un peu gangster de sort inconnu, je ne connais d’eux que la
tombe familiale

Les cousins Werlin-Schuller: 3 enfants d’Antoinette Werlin sœur de mon grand-père


Séverin et restée en Alsace après 1870, ils habitaient Mulhouse : Laurence 1892-1968,
Arsène 1892-1951 et Lucy épouse Higy 1896-1980 sans descendance et enterrés à
Mulhouse j’aurais pu les rencontrer vers
1955, lorsque j’étais à Strasbourg. Dommage ! Sans
descendance. 3 autres cousins-cousines plus éloignés,
enfants d’un jacques Werlin restés en Alsace en 1870 à
Lutterbach à coté de Mulhouse que j’aurais pu
connaître et enfin près de Denver USA, des cousins
Werlin fils de Otto émigré en 1921 qui ont créé une
célèbre station de ski, Wonderland…du côté de Denver.
Encore 3 autres cousins issus du frère Frantz de mon
grand-père Séverin , resté en Allemagne en 1870. Un
tué en Russie au front, les 2 autres : L’un, un peu nazi à
Berlin, l’autre de descendance suivie à Stuttgart, d’où
une cousine Vera et une immense famille Werlin en Allemagne où j’ai retrouvé une cousine petite fille
du frère de mon grand-père

La cousine Marie Chartier, sœur de Blanche et de ma grand-mère, marraine de mon père, une très
jolie femme et une belle dot, comme ses sœurs, elle
épouse en première noce un
boucher- spécialité: agneaux de pré
salé- ils divorcent : le jugement du
tribunal est pittoresque: Elle couchait
avec un cousin, lui, s’exhibait devant
ses clientes ! Elle épouse assagie en
seconde noces un brillant ingénieur constructeur
automobile Landry qui rivalisait en course avec succès
148

en 1898 où est engagé Peugeot-1 voiture-, Panhard- 3 voitures, De Dion- 4 voitures, Bollée- 2
voitures, Landry -3 voitures. Landry ingénieur arts et métiers associé à son condisciple Beyroux
Marie est restée sans enfant, Beyroux. Elle décédée en 1954. En photo ci-dessus : Ci-dessus une
Landry à vendre en Allemagne en 2017

La tante Augustine Luthringer: Adorable demi-sœur de ma grand-mère Marie


Luthringer qui est décédée à la naissance de son troisième enfant-, elle élèvera ses 2
nièces avec son commerce florissant de marchande de couronnes mortuaires. Elle
avait en 1914 un grand pot plein de louis d’or qu’elle cède contre des billets de
banque, quelle erreur ! Elle fera construire vers 1913 un grand immeuble de 5 étages
à St Denis mais un peu diminuée et l’immeuble un peu sinistré en 1944 elle le
revendra en 1946, 350.000 frs flouée par des escrocs. Restée célibataire sans enfant elle nous
gâtera beaucoup: Cinéma, luna-park, A Pâques des poules emplumées qui quand on leur appuis sur
la tête pondent des œufs en chocolat ou en sucre. Cette grand-tante
Dionysienne beaucoup plus généreuse que ma mère et assez
malicieuse nous apportait à chaque visite cadeaux, réglisse- je suis
resté accro- poil à gratter, fluide glacial, sucres fondant dans un verre
laissant surnager pseudo araignée ou cafard, boules puantes, coussin
péteur, fausse crotte, fausse moustache, serpentins déroulant qui
couinaient quand on soufflait dedans et à la mi-carême, masques de
carnaval en carton à l’effigie de  Chaplin, blanche-neige, d’un loup…
les lèvres  enduites de sel de radium qui brillait dans l’obscurité, les
anti-nucléaires ne sévissaient pas encore. Tout se perd : Ni mes filles
ni mes petits enfants n’auront connu ces joies puériles

Pas du tout intéressée par les papiers de famille, elle a tout jeté:
diplômes, photos, papiers d’archives…bizarrement elle n’avait gardé
aucun accent de son enfance alsacienne et prononçait: Râdis,
Sômmier, Mâtelâs, Gâre et on la raillait gentiment. Célibataire sans
enfant. Elle ira en 1910 voir avec ses nièces la grande crue
parisienne place de l’Opéra inondé et gardera une grande frayeur
d’une glissade d’une planche passerelle, elle ne savait pas nager

Cousine Werlin-Guyetant : Louise sœur de mon grand-père Séverin Werlin, épouse Guyetant chef
cuisinier du roi du Monténégro Danilo II. Il organise le dîner de mariage de mes parents en 1922 et
du baptême de mon frère en 1926 au restaurant Marguery- boulevard bonne nouvelle où l’on servait
le célèbre filet de sole Marguery à la recette gardée secrète: soles, crevettes, moules… Louise
décédée en 1943 sans enfant, sans que je l’aie connue

Cousins Luthringer-Reisser: La Sœur unique de mon arrière-grand père Romain, Françoise


Luthringer restée en Alsace à Mulhouse en 1870 avec son père, mariée à Emile Reisser elle aura 8
enfants: 5 filles toutes célibataires couturières et 3 fils jardiniers dont 2 tués en 14-18 dans les rangs
allemands, le troisième aura un seul fils tué en 1943 un «malgré-nous» en Russie. . J’ai pu avoir un
contact avec sa mère centenaire juste avant sa mort  qui me donnera cette photo: Un miracle. Une
149

famille complètement décimée sans descendance. Ma mère verra à St Denis 2 membres de cette
famille venue en 1922 pour son mariage et recevra en cadeau un joli plateau plaqué d’argent

1922 : Le dernier contact de ma mère avec cette


famille alsacienne

Cinq des enfants de Françoise Luthringer, un


« air de famille » frappant et la veuve d’un
sixième tué en 14-18, émigrée aux USA en 1920
(La deuxième à gauche sur la photo)

Cousins Lefort: Plus de 50 Lefort furent gardes et


piqueurs sur 200 ans de 1750 à 1950: Une multitude
mais lointaine car mon père était fils unique et mon grand-père eu
juste un frère sans enfant, par contre mon arrière-grand-père Jean
Lefort avait 10 frères et sœurs dont 5 morts en bas âge et peu de
descendants mâles: Des «cars Lefort» sillonnent les routes d’Ile de
France, Beaucoup d’autres perdus de vue de générations plus
anciennes. Je retrouve juste avant sa mort André Juteau arrière-
petit- fils de Louis Lefort frère de mon arrière arrière-grand-père
Jean Denis Lefort, il me fera cadeau de sa trompe de chasse (datée
de 1840) et de sa dague de chasse (datée de 1790) à manche de
corne et au fourreau de cuir et d’argent ciselé

La maison du garde-chasse Georges


Lefort du duc de Choiseul-Praslin
seigneur de Vaux le Vicomte, mon ar-
ar-ar-grd-père. Située aux Brandins
hameau de Blandy, la maison date
d’avant 1770, Ici en 1990 avant sa
destruction, avec Antonia devant
l’étable-écurie. A l’arrière la maison le
toit écroulé
150

Fernand Chardon: condisciple de mon père à l’école de commerce de Paris rue


Trudaine puis associés commerciaux quelque temps, c’était mon très gentil parrain, Il
avait un seul fils tuberculeux qui restera en sana plus de 20 ans avant de mourir. Il me
fera de jolis cadeaux. Il tenait une boutique d’articles de sport, rue Pernelle, pas loin
de la rue des Lombards et devant laquelle une demie douzaine de prostituées en
« tenue de combat » vers 1950 faisaient le pied de grue, adossées à la vitrine ce qui l’énervait pas
mal. C’était un fervent adepte du naturisme à l’île du Levant avec son épouse. Sans descendance.

Germaine Chartier: 3 sur 4 de mes grands-parents sont déjà morts en 1933, Je n’ai connu que ma
grand-mère paternelle qui paraissait 90 ans à 65 ans malade du cœur. La main
gauche très enflée à cause de sa maladie, mon père sera obligé de couper à la pince
son alliance. En 10 ans, je ne crois pas qu’elle m’ait consacré plus de 5 minutes de
conversation. Couturière ainsi que ses 2 sœurs au bon marché avant leur mariage et
durant son veuvage, elle nous laissera en héritage des cartes-réclames du bon
marché, des monceaux de belles dentelles, des rubans, des boutons, d’innombrables
cartes de vœux anglaises magnifiques souvenirs de son long séjour à Londres, mais elle ne m’a
jamais fait un cadeau…. Son père Léon Chartier, menuisier-ébéniste rue des cannettes laissera une
dot confortable à ses 3 filles. Une grand-mère très pieuse : des chapelets à foison, les parents
Chartier de vrais culs-bénis se voient décerner une médaille en bronze d’assiduité de la paroisse du
Gros-Caillou

Marie Luthringer ma grand-mère maternelle, alsacienne née à Bitchwiller-les-


Thann, morte en couche en 1903 à la troisième naissance comme sa mère
morte en couche en 1874 à la naissance de Marie son seul enfant. Je ne sais
rien d’elle sinon une photo et son contrat de mariage, fille unique, sa dot
conséquente 6000 frs de son père et de son oncle et tante Jacob sans enfant.
Elle était avant son mariage, brodeuse de gants. Elle a l’air bien jolie avec un
petit air de Romy Schneider. C’est bien triste de ne pas l’avoir connu

Séverin Werlin mon grand-père maternel né allemand à Lutterbach en Alsace en 1872, mécanicien-
auto décédé seul en 1917 il avait disparu après 1914 et retrouver sa trace n’a pas été
une tâche facile ; seul souvenir de ma mère Suzanne vers 1907 : son père l’appelant
ZuSSane avec un fort accent alsacien. Moustachu, gaucher aux yeux marron. Ma
mère qui s’était senti abandonnée disait de lui: c’est un beau salaud

Voici une histoire véridique qui illustre à la fois la difficulté de certaines recherches
même pour une période pas très éloignée, mais aussi la diversité des voies qui vous sont offertes
pour résoudre des cas difficiles. C'est aussi un des plaisirs de la recherche même si finalement on
n'aboutit pas complètement.
151

La médaille coloniale reconnaissable aux 2 palmes surmontant la médaille la Marianne et le bandeau


« Tonkin » qu’on reconnait sur l’original de la photo

LE DEBUT DE L'HISTOIRE

Mon grand-père Séverin Werlin est né en Haute-Alsace à Lutterbach en 1872, il nait donc
Allemand bien que ses parents restés en Alsace après l'annexion
fussent de culture et nationalité française mais opteront pour
l’Allemagne.
Franz en uniforme allemand
Il grandit en Alsace et apprend le métier de
mécanicien à Mulhouse, à 18 ans il décide
contrairement à son frère Franz de
recouvrer la nationalité française et
s'engage pour cela pour 5 ans dans l'armée
française, à la légion étrangère. C'est le cas
de beaucoup d'alsaciens nés après 1870 et
restés en Alsace. Il participe aux
campagnes du Dahomey (dixit l’oncle Marcel mais c’est une
erreur) et au Tonkin où une rare photo le montre caporal
d'infanterie coloniale, décoré de la médaille coloniale, à Vinh-
Long. C'est l'époque de la chasse aux pavillons noirs, dissidents
tonkinois féroces, soutenus par les chinois. Libéré de ses obligations militaires et désormais
français, par décret, il s'installe à St Denis comme beaucoup d'Alsaciens expatriés, 15 rue de
152

la Charronnerie. Au 16 de la même rue habite la famille Luthringer aussi Alsacienne réfugié


de Bitchwiller les Thann en 1870 après avoir séjourné quelques années à Lure. Romain
Luthringer, sa fille Marie, sa seconde épouse et les 3 enfants de son second mariage

Une tragédie

Libéré en novembre 1898 Séverin Werlin épouse en 1899, Marie Luthringer, l’unique enfant
de Romain Luthringer et de sa première épouse décédée Augustine Jacob. Un contrat de
mariage est signé: L'épouse apportant une dot confortable de l'héritage de sa mère, oncle et
tante Jacob, soit 6.000 frs-environ 18.000 € d'aujourd'hui. Il travaille alors à St Denis sans
doute aux établissements de voitures de luxe Delaunay-Belleville. Ils s'installent à Paris où
S. Werlin travaille comme mécanicien automobile aux ateliers Boin puis à Delaunay-
Belleville fabricant d’automobiles à Clichy. 3 enfants naissent en 1900 Marcel, en 1901
Suzanne et en 1903 Lucie. Son épouse meurt à Paris peu après la troisième naissance. Les 3
enfants sont confiés à Antoinette Luthringer la belle-sœur de S. Werlin à St Denis. Les rares
visites qu'il rend à ses enfants s'espacent mais il est encore présent en 1907 au mariage de son
beau-frère Xavier Luthringer et apparaît à St Denis au café de la rue de la charronnerie,
pendant la guerre en 1917, blessé au bras sans voir sa famille. Il disparaît alors sans laisser de
traces, aussi lorsque sa première fille se marie en 1922, il est déclaré absent (c-a-d de
sort inconnu) ainsi qu'aux mariages de ses 2 autres enfants en 1928 et 1929. Pourtant une
correspondance familiale de sa sœur de 1915 laissait entendre qu'il comptait, une fois la
guerre terminée, reprendre avec lui ses enfants. Il habite à cette époque, rue Flatters à Paris. Il
y héberge quelque temps son fils Marcel scolarisé rue des feuillantines qui m’a raconté qu’il
vivait avec une Berthe pas très fidèle, courtisée par un militaire et que de rage dans une scène
terrible, il avait jeté sa belle robe dans le poêle ! Il travaillait en mécanique auto non loin de
là. Bien qu'ayant 3 enfants, un frère et 3 sœurs, aucun membre de la famille n'eut après 1917
de ses nouvelles.
153

DEBUT D'UNE RECHERCHE

En 1990 soit 73 ans après le dernier contact, ce qui à y réfléchir n'est pas très éloigné dans le
temps, je décidais de retrouver la trace de mon grand-père. A son village natal de Lutterbach,
pas de trace de mention marginale de décès à son acte de naissance: On pouvait en déduire
raisonnablement que le décès
était survenu avant 1945 date
de début des mentions
marginales de décès aux
actes de naissances.

Séverin Werlin au mariage de


son beau-frère en 1907 en haut
à droite.
Mamie et oncle Marcel en bas
à gauche, Mon arrière grand
père Romain Luthringer à
droite de Mamie et à droite de Romain Antoinette sa fille puis Xavier son fils et la mariée
Marie Loguet
Comme il habitait Paris en 1915 dans le septième arrondissement, rue Flaters je recherchais là
son décès, sans succès. Comme j'hésitais à lancer sur les autres arrondissements et la banlieue
sur une date aussi incertaine, je préférais rechercher trace de sa succession au centre parisien
de l'enregistrement qui est doté d'un fichier alphabétique de 10 en 10 ans dont la consultation
ne demande que quelques minutes, hélas sans succès. J'en déduisis qu'il n'était pas décédé à
Paris ni en proche banlieue. Je tentais ma chance au fichier des expatriés à Nantes, les
Alsaciens étant de grands voyageurs, sans succès: Il n'était pas mort à l'étranger. Je tentais
encore ma chance aux fichiers militaire du fort de Vincennes. J'y appris au moins qu'il n'était
pas parmi les morts de 1914-1918 ni parmi les pensionnés. Je pensais trouver aussi trace de
son dossier militaire postérieurement à 1917 mais le manque d'éléments rendait cette
recherche trop complexe.

Parallèlement je retrouvais la trace de ses frères et sœurs à la succession des parents décédés
en 1901 et 1906 en Alsace. La consultation de l'enregistrement de Mulhouse puis des archives
154

foncières me permirent de retrouver divers actes notariés de ces successions dont une
procuration de Severin Werlin de 1907 passée à Paris devant notaire relative à des ventes de
terrains en Alsace restés en indivis, puis en 1924 une nouvelle vente qui laissait un doute sur
l'existence de S. Werlin, enfin en 1935 encore une vente où il était déclaré absent représenté
par un notaire désigné.

Une trouvaille puis une impasse

Me trouvant dans une impasse après toutes ces recherches, je remis tout en question et
profitant d'une proposition des archives municipales de Paris, je lançais une recherche du
décès sur l'ensemble des 20 arrondissements de Paris de 1917 date du dernier contact à 1972
il aurait eu 100 ans. Une surprise, après 2 mois je reçu l'acte de décès en août 1917 dans le 15
ième arrondissement, rue des bergers. C'était le premier indice positif après 3 ans de
recherches...faute d'avoir été assez méthodique.

Fort de cette information, je recherchais sa sépulture tant aux cimetières parisiens qu'aux
marbreries, pompes funèbres...sans succès.

Afin de trouver les circonstances de sa mort, je tentais de retrouver les 2 témoins cités à l'acte
de décès: La concierge de l'immeuble et un ami du défunt. Je retrouvais trace de l'ami décédé
en 1925 sans descendance. Je tentais un mailing sur les locataires de l'immeuble: Une seule
réponse positive d'une personne vivant là depuis 1925-quelques années trop tard- qui me
signala la présence à l'époque de famille alsacienne. Finalement ces recherches aboutissaient
à une impasse. J'avais noté que le contrat de mariage prévoyait qu'au décès éventuel de
l'époux, la dot retournerait à la famille de l'épouse, d'autant que les enfants mineurs en 1917
incitaient aussi à une recherche successorale.

Sur l’indication d’un archiviste des archives de Paris j’appris que les archives de
l’enregistrement étaient déposées au centre des impôts place St Sulpice. ; Je décidais d’y
reprendre mes recherches à l'enregistrement des successions, passant outre cette fois à
l'absence de références au fichier alphabétique, mais munis du lieu et date de décès. En
consultant les tables de successions de l'arrondissement concerné je trouvais l'enregistrement
de la succession mais déception pas de référence au registre de succession ce qui impliquait
l'absence de biens immobiliers et sans doute un faible actif. La table de succession révélait
que S. Werlin était veuf de Marie Luthringer, bizarrement sans référence à ses 3 enfants et
contenait 3 messages sibyllins:

1- Dépôt 26 frs août 1917: 211 (nota bene 26 frs à peu près 60 €)
2- Vente Mbre: 1108, dec 1917: 209 (nota bene 1108 frs à peu près 3000 €)
155

3- S.A. vol 2/187

Interrogé l'archiviste se déclara incompétent pour déterminer à quoi faisaient référence ces
indications chiffrées (des références à des registres peut-être ?). A l'examen la première
référence indiquait vraisemblablement le dépôt de numéraire, 26 frs dépôt fait généralement à
la perception, jusqu'à règlement de la succession. Cette première indication sauf à retrouver
trace du dépôt et de sa destination, semblait une voie difficile. Le salaire ouvrier qualifié est
de 100 frs en 1914

La deuxième référence me parut plus intéressante car elle semblait indiquer une vente
mobilière en décembre de l'année du décès, mais là encore à quoi le N° 209 se referait-il ?

Après une longue investigation aux domaines et aux hypothèques, il apparut que seules les
ventes immobilières y étaient enregistrées et qu'avant 1949 les ventes mobilières étaient
réalisées par des commissaires-priseurs choisis ou désignés.

En 1992 un nouvel archiviste de l'enregistrement me donna l'explication des références


chiffrées que je recherchais: Il s'agissait d'un N° de registres dits bordereaux de renvoi qui
contiennent les pièces annexes de déclaration de successions. Ces pièces accessibles au même
endroit que les registres me révélèrent effectivement la collation de pièces comme ventes
mobiliaires, relevés bancaires, actes notariés, actes de ventes...donnant tous les détails, lieux,
noms des parties, dates...des actes concernés. Les ventes par commissaires-priseurs y
figuraient avec le nom du commissaire- priseur, date, lieu de la vente, inventaire...Hélas les
bordereaux parisiens ont été mis au pilon pour la période d'avant 1945. Je décidais toutefois
de m'intéresser aux archives des commissaires-priseurs: Une visite aux archives de Paris me
révéla la présence de 100 commissaires-priseurs à Paris en 1917. De plus l'archiviste fut dans
l'incapacité de me révéler le dépôt éventuel de leurs archives. Je demandais au président de
cette corporation l'autorisation de consulter et j'appris que les archives anciennes depuis 1800
étaient stockées au dépôt annexe de Ste Geneviève des bois; Ces archives munis de registres
d'index par période et noms des personnes concernées par la vente. J'y trouvais sans difficulté
trace de la vente recherchée, un requérant Defresne inconnu, le nom du commissaire-priseur
Oudard et le montant de la vente 1108 frs valeur indiquée à l'enregistrement. L'archiviste me
proposa de consulter le dossier correspondant, hélas il n'était pas déposé mais j'appris au
moins le nom du successeur après 1937 auprès de la compagnie des commissaires-priseurs,
en regrettant de n'avoir pas engagé ces recherches avant cette date. Contacté l’étude Million
le successeur de Oudard m'informa dans un premier temps de l'absence de ces archives puis
me signala que des archives de 1945 et avant peut-être étaient entreposées en garde-meuble
d'accès difficile mais me proposa une recherche ...dans un délai imprévisible.
156

En parallèle je m'intéressais à la troisième mention S.A. vol 2/187, la table de succession


précise que dans cette rubrique est mentionné la date du certificat attestant que le défunt est
sans actif (S.A.) ou le N° de consignation au sommier ou mention spéciale en cas d'enfants
mineurs (ce qui était le cas !) Mais pas trace de ce sommier ! L'absence d'inventaire et de
scellés fut confirmée en consultant les archives de la justice de paix du 15 ième arrt.

Faute de pouvoir retrouver les minutes du commissaire-priseur, les différents registres me


permirent quand même de confirmer la vente aux enchères en salle des ventes à Drouot pour
un montant de 1108 frs somme modeste mais non négligeable que l'on peut évaluer à 1.000 €
en 2015 et qui aurait été bien utile aux enfants orphelins. La vente était datée du 21/12/1917.

Le requérant de la vente, Mr Defresne était un inconnu pour moi, mais à l'examen des
registres son nom apparaissait régulièrement comme requérant dans d'autres ventes pour le
compte de diverses études. Après examen d'autres ventes, les minutes me permirent
d'identifier ce personnage.

Au passage je pu admirer la richesse des dossiers des commissaires-priseurs contenant le nom


des héritiers, état civil, adresses, références aux actes notariés, testaments, inventaires, scellés,
prisée de chaque objet ,sans oublier les pièces annexes comme affiches de publicité de mise
en vente, bordereau d'enlèvement des meubles....et souvent une importante correspondance
entre parties: Héritiers, notaires, avoués, huissiers...

Quelques réflexions

Un fait comme un décès est sauf exception rare suite à disparition toujours enregistré quelque
part, ces documents existent, mais faute de clé d'accès ils sont souvent introuvables et on doit
entreprendre les recherches souvent au gré de sa fantaisie ou de son intuition sans à priori:
Toute filière de recherche doit être tentée.

Suite de la recherche

La recherches de minutes d'autres commissaires-priseurs parisiens de la même époque me fit


découvrir la qualité du requérant Defresne (requérant c-a-d le personnage ayant ordonné la
vente).C'était un administrateur judiciaire nommé par le tribunal civil de la Seine dans les
affaires de succession litigieuses. Il fallait donc logiquement remonter aux décisions de ce
tribunal conservées aux archives de Paris.

Par ailleurs il était intéressant de retrouver les archives de cet administrateur judiciaire. On
trouve aujourd'hui une trentaine de ces administrateurs mais la chambre syndicale ne put
m'indiquer ni des administrateurs existant ce que les archives avaient pu devenir.
157

Les archives des décisions du tribunal civil de la Seine sont aux archives de Paris. Il en existe
un répertoire alphabétique, c'est donc là qu'il fallait rechercher une décision du tribunal et la
désignation de l'administrateur avec sans doute les motifs de la vente et la destination des
biens.

Avant cette démarche, je me mis à imaginer toutes les circonstances qui avait pu amener à ce
qu'aucun membre de la famille n'ait été prévenu du décès ni de la vente: Plusieurs des frères &
sœurs de S. Werlin habitaient l'Alsace, Paris, St Denis où habitait ses enfants donc pourtant
proche. Finalement la vérité n'avait-elle pas été cachée aux enfants ou bien quelques tiers
avaient-ils fait disparaître leur trace chez le défunt ou encore le défunt était-il endetté et dans
ce cas la vente aurait pu couvrir ces dettes comme me l'avait suggéré un archiviste de
l'enregistrement. La mort avait-elle été violente ou soudaine, le défunt n'avait que 45 ans ! La
vente n'avait-elle été motivée par le séquestre de biens supposés allemand comme cela fut
courant pendant la période 1914-1918, autant de questions sans réponses !

De nouvelles recherches

Début 1993, je me rendis aux archives de Paris avec la certitude que les archives du tribunal
cvil me conduiraient à quelques découvertes, je décidais aussi de consulter les archives du
recrutement qui me mettrait peut-être sur la voie de l'affectation militaire jusqu'en 1917 et de
son dossier matricule. Aussi le recensement de 1915 et la liste électorale afin de trouver trace
de son employeur qui aurait pu conserver quelque trace à son décès

Hélas les archives judiciaires de 1917 du tribunal civil (7 bureaux plus 2 pour les mineurs), ni
le recrutement, ni les autres filières ne donnèrent de résultat, Le fichier index patronymique
ne révéla rien ni à Werlin ni à Desfresne

Pour comble de malheur j'appris en avril 1993 que les ordonnances du tribunal civil n'ont pas
été conservées avant 1923, car remises directement aux parties.

Le catalogue détaillés des ventes, enfin, se trouve archivé à l'hôtel de Sens: Toutefois la
consultation s'est révélée négative car seules les ventes d'objets de valeur sont répertoriées.

On a cependant retrouvé le registre de nomination de l'administrateur judiciaire Desfresne,


pour cette affaire au tribunal de grande instance (décision du 22-09-1917, N° de dossier 8578)
mais le dossier est introuvable au bureau des administrateurs judiciaires et des séquestres du
tribunal de grande instance de Paris.
158

D'autres recherches comme la décision de réintégration dans la nationalité ni du dossier de


décoration de la médaille coloniale n'ont rien donné jusqu'ici.

Les sommes consignées ont pu en 1917 être remise à la caisse des dépôts d'après un
archiviste, mais une fois encore aucune trace.

Le dénouement

Cependant tout fini par s'éclaircir, au terme d'un nouveau contact avec le commissaire-priseur
Millon successeur en 1937 de Oudard. En 1995 ce dernier, au prix d'une recherche laborieuse
et gracieuse m'a informé de la découverte du dossier recherché

Point positif: Le dossier contient:

*** L'ordonnance de vente de l'administrateur judiciaire Desfrèsne au commissaire-priseur


Oudard

*** La référence du bulletin de publication de la vente

*** La Vente judiciaire selon ordonnance du 22 novembre 1917 du tribunal civil de Paris :
Administrateur judiciaire Mr Desfresne selon l’inventaire suivant :

1-Salle à manger

1 Buffet à 2 corps ,1 table à rallonges, 6 chaises garnies de cuir, le tout en noyer sculpté
1 suspension ,1 glace, 2 vases
1 carpette, 4 assiettes décoratives
1 pièce encadrée, 1 poêle à combustion lente
1 service de table en faïence, 1 lot de verrerie dépareillé
Couverts, 6 fourchettes en métal 5 cuillères et couteaux

2-Chambre à coucher

1 lit en noyer et sa literie, une table de nuit


1 armoire à glace en noyer
1 pendule à colonne, 1 lampe,
2 cache-pot en porcelaine, 1 jardinière en cuivre
2 rideaux de vitrage
1 toilette et sa garniture, 1 descente de lit
2 pièces de garde-robe
Des draps, 50 pièces de serviettes, torchons, chemises, mouchoirs
1 montre en acier, manque le cadran !!
1 bague chevalière avec un faux brillant
1 bracelet-montre,1 montre acier démontée,1 broche en cuivre
159

2 boucles d'oreilles avec faux diamants ,1 chaîne en cuivre


3-Cuisine

1 table, 1 buffet bois blanc


1 lot d'ustensiles de cuisine en fer blanc émaillé

Le tout vendu en salle des ventes le 21 décembre 1917 pour 1108 frs

Le dossier nous apprend en outre que les impôts de l'année précédant n'avaient pas été réglés
rue Flatters dans le 15 ième arrond, Séverin habitait plus rue Flatters depuis 1913, On
apprend en outre que le loyer était de 430 frs/ an et que les services d'hygiène de la ville de
Paris avaient après décès procédé à la désinfection de l"appartement - ce qui m'amène à
penser que Séverin est mort de maladie très contagieuse (tuberculose ou grippe espagnole
responsable de 10 millions de morts ? ) et que faute d'avoir pu retrouver sa tombe dans un
cimetière parisien il a pu être incinéré du fait de sa maladie. J’ai continué mes recherches en
ce sens aux archives de Paris sans succès, mais hélas aucune référence à des papiers
personnels ; Le résultat de la vente : 1108 frs

*** Un avis de désinfection de l'appartement du défunt par les services d'hygiène de la ville
de Paris (cela m'a incité à penser à un décès par maladie contagieuse- mais les services de la
ville contactés n'ont pas retrouvé ces archives)

Point négatif:

*** L'ordonnance judiciaire n'était pas dans le dossier, qui aurait permis de connaître les
attendus (cause et circonstances de la vente, pourquoi ses enfants étaient ignorés) et la
destination des fonds résultat de la vente

Sans doute ces éléments se trouvent, s'ils existent encore, dans les archives de l'administrateur
judiciaire dont il faudrait retrouver le successeur, un jour peut-être je pourrais découvrir ce
document ainsi que le lieu de sépulture et aussi son dossier militaire de son expédition au
Tonkin que je compte bien trouver une fois que les archives
auront été numérisées et indexées .encore 3 énigmes à
résoudre avec patience. Bien que toute la vérité n’ait
été entièrement établie, au moins une partie du voile qui
recouvrait cette énigme a été levée. Dans cette
recherche que de sources d’archives il m’a fallu
consulter. Je crois que je ne retrouverai pas la
160

destination de son corps par contre la numérisation en cours des registres militaires des corps
d’armées du Shat de Vincennes me permettra sans doute de retrouver sa carrière militaire au
Tonkin et en 1914 dans le corps de l’armée territoriale. Puis enfin retrouvée -en 2019, 29
ans après le début de mes recherches aux archives de Paris- sa fiche matricule, engagé
volontaire à Paris à la sous intendance au premier régiment étranger le 14-11-1893, en
Algérie de 1893 à 1895 puis au Tonkin de 1895 à 1898 puis de nouveau en Algérie pour
quelques mois. Peut-être trouvera-t-on le détail de ses campagnes aux registres des troupes.
Médaille coloniale, certificat de bonne conduite,

Les ateliers de fabrication


d’obus
161

Il est nommé caporal en 1896. Mobilisé en 1915 dans une usine d’armement qui fabrique des
obus mais des voitures électriques en temps de paix, l’établissement Vidovelli-Priestley rue st
Charles pas loin de son domicile rue des bergers. Il sera reconnu inapte au travail en 1916
pour bronchite suspecte puis réformé pour tuberculose pulmonaire par la commission de
réforme de la Seine. C’est sans doute ce qui a entrainé sa mort en 1917 rue les bergers. Il était
brun, yeux et cheveux , de taille 1. 79 m et gaucher

Charles Lefort mon grand-père paternel, chef-cuisinier en Angleterre à Londres


et à Crawley (mi-chemin entre Londres et Brighton) - au service des
richissimes banquiers juifs les Montefiore, Moïse puis Joseph, puis
Francis, Lord, baronnet, propriétaire du château Worth Park à
Crawley et sheriff du Sussex- Charles Lefort le servira de 1890
jusqu’en 1906. Il avait une kyrielle de marmitonnes. Puis il sera rentier à Paris. Décédé
en 1933…j’ai failli le connaître. Il nous laissera une quantité impressionnante de bijoux
en or : montres, épingles à cravates et chevalières avec diamants…

Son frère ainé Georges aussi chef cuisinier, à Buckingham palace au service du futur roi Edouard VII,
il faisait à ce gourmand maints rôtis de bœuf avec pommes de terre
rôties, raifort et yorkshire pudding. Edouard VII eut plus de 50
maitresses Hortense Schneider, la mère de Wiston Churchill, Sarah
Bernard, Il fréquentait en plus le bordel le Chabanais, les filles
l’appelaient Bertie, il utilisait une chaise érotique restée célèbre et ses
162

escapades parisiennes étaient camouflées dans la presse sous l’expression «visite au sénat»
j'espère que mon grand-père et grand-oncle ne participaient pas ! De retour à Paris Charles Lefort
fréquentait l’opéra en habit, haut de forme - chapeau claque- et canne à pommeau d’argent

Marguerite Crétin : quel nom, Fille d’un boulanger de Nantes qui s’était pendu dont la femme
élèvera quelques mois avec ses 6 enfants ma tante Lucie après la mort prématurée de sa mère.
Marguerite épouse un trappeur canadien Bruyère fils d’un policier de la police montée, ce trappeur
meurt d’épuisement dans le nord canadien glacial au-dessus d’Edmondton au milieu des indiens
emplumés, elle épouse ensuite un marin, Lucas, un cap-Hornier qui «grimpait dans les huniers» et
finira sa carrière en vendant des agrafeuses ! Une grande amie de la famille, nous allions souvent la
voir au Raincy, décédée sans enfant. Le père Bruyère canadien surpris en France en 1940 restera
assigné à résidence jusqu’en 1944

Famille Jammes: Amis de mon arrière-grand-père ébéniste, habitant rue des ciseaux tout près de la
rue des cannettes, doreur de livres, leur fils Paul ami de mes parents
s’établit libraire d’art rue Gozlin, d’’où 2 fils libraires et marchands d’arts, l’un
André a fait parler de lui en 2010 en vendant aux enchères une collection
de clichés photo anciens: Daguerréotypes, plusieurs dizaines de millions
d’euros. Comme moi passionné d’héraldisme et d’ex-libris avec en plus le
sens du commerce. Le frère de Paul, habitait au-dessus de nous 82 av des
Ternes. Fâché avec son frère, il grognait après nous en nous croisant dans
l’escalier. La fille d’un général en retraite au-dessus de ma chambre jouait
au piano tous les matins, très tôt, la même mélodie: la rhapsodie
hongroise : c’était pénible. Invité à la messe de mariage d’André je me
trompe d’église, St Germain des près au lieu de St Sulpice et arrivé devant
les mariés ne les reconnaissant pas, je me sauve. André retrouvé en 2016,
Pierre décédé

Famille Chantagut: Jean Condisciple de mon père à l’école commerciale Trudaine, directeur d’une
société d’assurance crée par son père, «la Nationale» ultra catho, ce qui ne l’empêche pas de faire
quelques entorses conjugales, fils de commandant,
capitaine de cavalerie de réserve, son sabre trône
au mur de son salon à Neuilly. Mobilisé, il assiste
au désastre du rembarquement de Dunkerque en
1940 : il a dessalé disait mon père sarcastique..
Gymnase accompli, jovial et grand noceur au
contraire de sa femme très compassée, grande
amie de ma mère. Père de 3 filles. Je dansais le
rock avec Monique, sa dernière fille, sur «maple
leaf rag » de Joplin et les « oignons » de Bechet en
1950. Elle s’est retirée veuve à St Médard en Jalles
en 2015 en maison de retraite.

Réunion de promotion de l’école Trudaine en


1931: Mr Chantagut, son épouse, mon père et ma mère à l’hôtel (inter)continental, Sur la photo
163

–à table en premier plan : devant la table: 2 ième Mr Chantagut, 3 ième ma mère, de l’autre côté de la
table 2 ième mon père, 3 ième Mme Chantagut, tous les hommes en smoking !

Mon frère Pierre (+) : De 6 ans mon ainé, blond aux yeux bleus comme notre
père, grand amateur de souris blanches, de maquettisme, de vol à voile. Nos
rapports ne seront pas très étroits, car
grand voyageur, résident étranger  de par
son métier d’ingénieur de maintenance et
directeur de l’après-vente pour Râteau
(trains d’atterrissage) puis pour Renaud: Il
participera aussi aux courses de formule 1
comme support de maintenance. Il
travaillera en Indes, Australie, Turquie, En
Iran, à la révolution iranienne les talibans lui
mettent le revolver sur le ventre pour
obtenir des pièces détachées de voitures Renaud. Aux USA, au Kenya –où il bottait allègrement les
fesses de ses adjoints noirs menteurs et incompétents. Passionné d’aviation, pilote et moniteur
diplômé. Divorcé de sa première épouse Mathilde qui se vengera en conservant, malgré un
engagement écrit, le secrétaire à rabattant pivotant rapporté d’Alsace par mon arrière-grand-père
Luthringer après 1870. A la retraite il construit son avion à Fenton à coté de Détroit et formera de
nombreux pilotes. Vue l’insécurité de la ville, il conservait chez lui toute une artillerie, et ouvrait dans
le doute sa porte fusil à la hanche, sa seconde épouse Marcia était championne de tir et sort
aujourd’hui en ville revolver à la ceinture dans un secteur très « noir ». Décédé sans enfants après un
anévrisme du thorax et 5 ans de paralysie, un calvaire. Marcia avait d'un premier mariage un fils
mexicain pas trop apprécié que ma mère appelait le « rastaquouère », Marcia ne viendra jamais en
France : la phobie des avions. Elle m’a écrit qu’elle ne savait dire en français que oui, non et
« maerde ». Elle nous a retourné bien aimablement des bijoux de famille. Son hobby tireur d’élite.
Pierre, plus athlétique et plus grand que moi soulevait des 2 mains, jeunes, nos 2 filles Maïté et Anne
par le cou au grand émoi de Monique, il tentera d’en faire autant à Titan notre jeune berger
allemand…qui lui pissera dessus de peur !

Mon Beau-Père Camille Ehrbar +: Mon beau-père né allemand à


Colmar en 1899 dans la fameuse maison de la rue des têtes
«Koftgasse», diplômé bachelier allemand,
l’abitur, Il sera mobilisé allemand en 1916
«heureusement» réformé à la suite d’un coup
de sabot de cheval au genou. Fils de bijoutier,
horloger-bijoutier lui-même à Strasbourg, sa
première épouse Marguerite Weber est
décédée peu de temps après la naissance de
son deuxième enfant en 1935. Il se remarie
immédiatement et héberge sœur et frère de sa
seconde femme qui élève ses 2 enfants. Il devient français par option
devant le tribunal cantonal en 1919 comme son père. Bijoutier chez les
riches joailliers juifs Bumsel à Mulhouse puis mobilisé français en 1939
164

redevient allemand en 1940, de ce fait il ne sera pas fait prisonnier, il devient alors par décret
Camilius Ehrbar, Monique devient Monika, Jean son frère : Hans. Il travaille Monique et sa mère

pendant la guerre comme gérant du grand magasin Globus à Mulhouse, encarté au parti par
obligation ce qui lui vaudra un procès à la libération mais il sera blanchi. Il devient français en 1945.
Puis il habite Strasbourg boulevard Clémenceau un bel appartement qui donne à l’arrière sur un
atelier en verrière peinte en bleu – souvenir de 1939- le black-out. Au premier étage habitait un
rabbin qui tous les ans construisait sa cabane rituelle dans la cour de l’immeuble et recevait des
cadeaux de ses coreligionnaires. Sa boutique d’horlogerie-bijouterie reprise de son père était sise au
87 grand-rue. Une maison classée monument historique. Trilingue il aimait bien parler alsacien et
gardera sans doute la nostalgie de sa culture allemande et un petit accent. J’ai connu sa mère Anna
Schmitt juste après mon mariage, reléguée dans une maison de retraite des diaconesses à 35 kms de
Strasbourg à Dorlisheim, un peu abandonnée, une charmante vielle dame qui parlait Alsacien et à
peine le français et s’en excusait. Elle aura vécu près de 50 ans sous régime allemand. Nous irons la
voir à vélo en 1957 depuis Strasbourg, Monique déjà enceinte et râlant…un peu en pédalant 35 kms
sur la D392 vers Molsheim puis de nouveau 35 kms pour retourner à
Strasbourg. On a une photo d’elle en 1960 avec Anne dans ses bras : son
arrière-petite-fille. Facétieuse ou pied dans le plat Emma ma belle-mère dans
sa bijouterie de la grand-rue  ci-contre disait à une cliente grassouillette qui
veut acheter un très fin collier : Mais madame vous êtes bien trop grosse pour
porter cela. Plus jeune que son époux à qui elle vient d’acheter un manteau :
ça ira bien jusqu’à la fin ! Anna Schmitt est française de 1863 à 1870,
Allemande de 1870 à 1918, française de 1918 à 1940 allemande de 1940 à
1945, puis française après 1945 !!!

Mon Père Edmond Lefort: jovial, grand appétit et grand amateur de vin fin, gros fumeur de
cigarettes et de pipe: même d’eucalyptus pendant la guerre…faute de mieux

Elevé en Angleterre jusqu’ à l’âge de 10 ans à Londres et à Crawley dans


le château de Worth-Park où son père travaille comme chef-cuisinier des
riches juifs Montefiore. C’est le grand-père Moïse Montefiore qui lancera
l’idée d’une nation Juive en Palestine et y consacrera sa fortune. On a
gardé une impressionnante collection de cartes d’anniversaire et de vœux
de Noël envoyé à mon père vers 1905 à Londres par ses petites copines
anglaises, pour ses 10 ans : Emily, Louise, Mabel, Minnie, Mardie, Alice,
Katie ,Violette, Maggie, Annie, Adeline, Loizy , Lizzy, Sarah…Il est vrai que
c’était un beau blond aux yeux très bleus, quel succès
Rentré en France, mon père fréquente d’abord un cours privé Adnot puis
l’école Trudaine de commerce de la ville de Paris. Il sera mobilisé en 1916
dans un régiment d’artillerie le 101 RAL, observateur d’artillerie puis
sergent-chef secrétaire du général, gazé un
peu à l’hypérite, il tousse chaque hiver, décoré
165

de la croix de guerre et titulaire d’une citation à l’ordre du régiment pour missions périlleuses en
1917. Il sera présent en Alsace en aout 1916- Gerarmer, la Schlucht…puis sur la Somme à
Chaussoy, Bayonviller… un peu épargné par son corps d’armée moins exposé que l’infanterie,
l’artillerie lourde. Il avait un cheval dont il ne garde pas un bon souvenir, le cheval le jette par terre. Le
cheval riait disait mon père. Démobilisé en 1919 il sera en 1920 un grand fervent de l’aéronautique
naissante et membre de l’aéroclub, il fréquente Fonck et Nungesser sur les terrains d’aviation des
environs de Paris : Buc, Le Bourget…
Mon père sera le dernier de la famille à être en contact avec les piqueurs de chasses (Edouard et
Hubert Lefort) en visite à Tournan et en assistant en 1926 à une chasse à courre à Rambouillet
(équipage de la duchesse d’Uzès) J’aurai toutefois un contact téléphonique avec Hubert vers 1980

Le « héros » Nungesser à Buc sur un « Parasol Morane » (photo prise par mon père)

« sa » guerre en Alsace en 1916, petites filles en costume local

Cadre supérieur à la société de Wendel (Les ciments Portland) comme expert-comptable de 1940 à
1955 et secrétaire du conseil
d’administration. Il adore chanter
sur le son du clairon en censurant
un peu les paroles: le réveil:
soldat réveilles-toi, soldat…la
cantine: c’est pas d’la soupe c’est
du rata…, les honneurs : La pipe
à papa que l’on croyait perdu,
c’est ma maman qui l’avait…Le
rassemblement : La cantinière
est tombée dans l’fossé, son cul en l’air…, etc le tout au grand émoi
de ma mère. Pas très anglophile et virulent américanophobe. Grand
voyageur en Europe de l’Est, au Moyen Orient, en Espagne, Portugal,
Italie… et grand photographe- conférencier avec son Leica, il disposera
de pellicules gratuites toute sa vie. Il parlait couramment anglais, sa
langue maternelle, l’allemand et l’espagnol. C’est lui qui organisait les réunions d’anciens de l’école
de commerce Trudaine

Cousine Lucie Chartier: Une cousine germaine de ma grand-mère


paternelle redécouverte un peu par hasard, au fil de mes recherches
généalogiques, veuve d’un
architecte, peintre orientaliste à
Nantes et au Maroc, elle y fréquente
le célèbre peintre orientaliste
Majorelle, dont elle peint la villa à
Marrakech. La fameuse villa rose,
j'en avais  déduit que c'était son
166

amant, Erreur, Jacques Majorelle était homosexuel, c’est Yves St Laurent qui a rénové et repeint en
bleu avec son amant Bergé ce magnifique domaine qui révèle qu'en accueillant ses jeunes amants
marocains il ne faisait que prendre la relève de J. Majorelle qui faisait de même accueillant ses
amants à la grille du jardin. Y. Saint Laurent révèle aussi que ses amours avec Bergé furent quelque
peu naufragés par ces frasques et un amant chippé à Karl Lagerfeld le grand couturier !!! La villa
aurait aussi accueilli les  amours pédophiles de Jack Lang dénoncé par le ministre Luc Ferry ainsi que
plusieurs diplomates, policiers et un ecclésiastique !! pris la main dans le...sac lors d'une descente de
police. Lucie primée premier prix au salon des artistes à Paris, les amateurs s’arrachent ces œuvres
aujourd’hui… aux USA. Elle est décédée en 1933, Dieu sait où. Ci-contre portrait d’une tante Antie
mais je ne sais pas laquelle et celui d’une jeune fille de 1898 (8500 €)

Ma mère Suzanne Werlin: élevée un peu «à la dure» par sa


tante Antoinette Luthringer suite au décès de sa mère à l’âge
de 3 ans, elle portait fort loin à pied de St Denis jusqu’à la
porte de Paris les couronnes que fabrique sa tante et ses 6
ouvrières. Pianiste comme mon père, elle ne jouera jamais
devant nous. Après l’école primaire, titulaire du CEP, elle
travaille comme caissière dans une boucherie de la rue de la
charronnerie assez mal famée, elle y apprend le louchebem
l’argot des bouchers ! (un maquereau c'est Lacromuche).
Elle rencontre en 1921 mon père au bal des anciens de
Trudaine. Mariée mineure afin de se soustraire à une tutelle
pesante, elle a son
baptême de l’air en 1922
au Bourget. Epouse
ménagère dans le style familial de 1930, elle n’a ni chéquier ni
procuration de compte pendant bien longtemps. Elle nous
chantait tous les airs des opérettes Phi-Phi et Dédé et bien
d’autres. Elle sera veuve à un peu plus de 55 ans et dès lors sera
grande lectrice de romans et assidue à la comédie française et aux
concerts de la salle Pleyel jusqu’aux dernières années de sa vie. Très
active, excellente cuisinière, elle était très fière d’avoir participé et gagné
au concours de cuisine de «première ménagère de France » concours
récompensé par un diplôme remis pas le préfet de Paris Mr Alain De
Fouquière en 1938. Elle entreprendra de nombreux patchworks, et
entretiendra tout un réseau d’amis. Elle louera une ou deux chambres de
son appartement à des locataires la plupart agréables qui lui tiendront
compagnie : Mr Alain de Linière (+2016), Mr Bojeankovsy…Elle parcourra
le monde de 1957 jusqu’à sa mort en 1994 soit avec nous soit seule, soit
en croisières, des Indes au cercle polaire, en Angleterre où elle rejoint
nos amis Debretagne, de Chine aux USA à Detroit où elle rejoint Pierre,
mon frère…du Japon en Australie où elle rejoint aussi mon frère, Grèce,
Turquie, Norvège, Bulgarie, Roumanie…au Kenya . Elle rêvait de prendre le transsibérien à 90 ans.
Décédée d’un anévrisme à 93 ans à l’hôpital d’Antony. Douée d’une mémoire prodigieuse elle
relisait et me racontait la veille de sa mort « le Colonel Chabert »
167

Salomon Albert dit Nenette était copain de guerre de mon père au 101 ième régiment d’artillerie,
mon père lui sauvera la vie je ne sais en quelle circonstance.
ll s’installe après la guerre de 14-18 ensuite importateur
marchand de dattes en gros à Marseille importées d’Algérie
et nous approvisionne chaque année. Ses camions
traversent «le Panier» depuis le port et les convoyeurs
doivent se battre pour que les voyous n’attaquent pas les
camions et volent les caisses de dattes. Son fils Georges dit
Jojo époux d’une belle Magie m’accueillera lors de ma
traversée de Marseille en Corse vers Morsiglia, dans des
conditions tragiques: son père Albert sous un soleil torride
mets la tête sous une pompe à l’eau glacée et fait un AVC,
dont il se remettra à peu près

Simone Fitzer épouse Lérier, d’origine alsacienne, amie d’enfance de ma mère rue de la
charronnerie à St Denis, son père la violait, son premier mari la battait, son second mari un peu mac
et collabo rabatteur de boites de nuit. Elle tenait une jolie parfumerie de luxe av R. Poincarré et
menait très élégante grand train de vie, elle nous approvisionnera pendant la guerre au marché noir.
Elle adoptera un bébé une fille juive, une jolie brune Murielle retrouvée veuve en 2015 à Chatenay-
Malabry, qui se mettra très jeune en ménage avec un gangster qui fera les 400 coups et ira en
prison, Simone veuve et malade se suicidera en se jetant sous le métro parisien.

Aimé Altertitz amie d’enfance de ma mère, fille des alsaciens qui recueillent temporairement à Paris
rue du docteur les 3 enfants de mon grand-père Werlin à la mort en couches de sa femme. Un fils de
mon âge, Jacques Deshayes fervent alpiniste du club alpin, perdu de vue, ils habitaient pauvrement le
vieux Puteaux, le père Deshayes prof d’enseignement technique …un accent parigot à couper au
couteau, elle travaillait dans une chemiserie avenue Wagram

Denise Martin Amie d’enfance de ma mère de la rue de la


charronnerie elle épousera Mr Grouchy, notaire, un descendant du
général de Napoléon, arrivé en retard à Waterloo ! Il était
condisciple de mon père à l’école Trudaine où il se faisait
malmené à cause de son ancêtre félon. Sans enfant. A la mort de
Mr Grouchy «j’hériterai» d’un livre rare de « chymie », médecine
et d’alchimie de Lhemery daté de 1687, un trésor plein de
remèdes originaux : comment exciter les femmes : une page
entière  c’est pas tous les jours qu’on leur déride les fesses »,
chante Brassens

Lucie Gudin amie d’enfance de ma mère, son père coiffeur un


petit bossu, grimaçant quand il coupait les cheveux que j’ai connu
168

tenait la boutique de coiffeur, 16 rue de la charronnerie, en 2015, la boutique est toujours tenue par
un coiffeur tandis que la boutique de fleurs de ma grand tante est devenu une pizzeria

Roland et J-Claude Ehrbar Mes beaux-frères. Le premier gentil mais ferme proviseur de lycée, les
palmes académiques ! Sa mère seconde épouse de Camille Ehrbar le couvait un peu trop, d’où une
psychothérapie, le psy lui disant : si elle le pouvait votre mère vous mangerait à la cuillère…cela n’a
en rien arrangé de leurs rapports. Il se fera réformer sous menace de se suicider ou d’étrangler un
officier, marié avec une Christiane il divorcera et du coup se fâchera avec 2 de ses 3 enfants, remarié
à Marie-Hélène, un enfant, un mariage pas beaucoup plus heureux que le premier. Le second beau-
frère fera un apprentissage de bijoutier et soudera une médaille à Anne- un ange- maladroitement en
laissant tomber une goutte d’or en forme de pomme sur la tête de l’ange ! puis brillant directeur
commercial chez Citroën volage et casse-cou au volant, il roulait pour frimer avec une DS19 sur 3
roues. Fâché avec toute sa famille pour une sordide histoire de détournement d’héritage paternel,
dommage

L’Abbé Gromet condisciple de mon père à l’école Trudaine puis prêtre il dirige un temps la chorale
des petits chanteurs à la croix de bois. Ami de la famille, curé à Bobigny, c’est lui qui dira la messe à
la mort de mon père à l’église Saint Ferdinand des Ternes

Mon épouse Monique née à Strasbourg en 1933, baptisée, confirmée, épousée protestante à St
Paul à Strasbourg, elle habite dès 1933 Mulhouse rue du barrage (aujourd’hui Capitaine Dreyfus)
puis rue Magenta, elle perd sa mère en 1936, (méningite). En 1939, la guerre déclarée, réfugiée à
la Bresse, puis de retour à Mulhouse en 1940 l’administration allemande la rebaptise Monika Maria,
elle parle allemand de 40 à 45 et perd l’usage du français, elle est en décembre 44 évacuée depuis
Mulhouse en Suisse avec son jeune frère jusqu’en juillet 45 à la fin des combats chez un directeur de
l’électricité à Zurich. Ses parents fuient Mulhouse en 45 et s’installent à Strasbourg. Elle fréquente le
Lycée Lucie Berger jusqu’au BEPC, puis une formation de puériculture, exerce à l’hôpital de
Strasbourg puis fait quelques places de nurse à la Robertsau (les minotiers) et à Paris chez de riches
commerçants puis puéricultrice à l’hôpital des enfants malades à Mulhouse rue d’Alsace jusqu’en
1957. Des gardes de nuits 15 jours d’affilé, les parents se débarrassant de leurs mômes pour les
fêtes de fin d’années, puis infirmière de laboratoire à Strasbourg. Elle gardera longtemps un petit
accent alsacien et rêvera à voix haute dans ce dialecte, alors parfois je la réveillerai pour avoir la
traduction, à son grand mécontentement. Deux copines d’enfance : Simone épouse Royer médecin,
avec lesquels nous irons au ski bien souvent et Marianne épouse Drouin qui nous accueillera souvent
dans leur maison de vacances du Gralet près de Royan

En d'autre temps mon épouse jeune et jolie au volant de sa DS 19 ne trouve pas à se garer du côté
du Luxembourg, elle tente sa chance devant le portail du Sénat, le gendarme séduit sans doute et
peu soupçonneux lui ouvre la barrière de la cour où elle se gare quelques heures

En Espagne toujours avec la DS qui ne démarre plus, on peut encore avec ce model démarrer à la
manivelle, elle demande l’aide d’un passant et se ravise « il faut d’abord débrayer l’embrayage en
poussant sur un petit levier au tableau de bord appelé vu sa forme « la bite de chien » dit-elle au
passant
169

Maité 8 ans et Anne 6 ans accompagnent Monique au jardin d’acclimatation, entrée gratuite pour les
enfants de moins de 7 ans : Monique tentent de faire passer les 2 filles pour moins de cet âge : Maité
proteste bruyamment : mais maman j’ai 8 ans : la guichetière : ça, ce n’est pas beau madame !

Monique sombrera petit à petit dans l’Alzeimer à partir de 2010, refusant tout examen après un test à
Ma clinique des Magnolia, perdant la mémoire immédiate puis prise de folie de persécution, de
séquestration, de vol elle sera, incontinente au stade ultime de sa maladie des 2019 malgré une
santé physique parfaite

Dans son adolescence au lycée elle tiendra


comme toutes ses camarades un livre
d’amies un « Freund Buch » dans lequel
ses condisciples notent des poèmes, des
souhaits de Noël ou d’anniversaire, le tout
illustré de quelques dessins

En 1957 à Strasbourg on ne dispose que


de 2 vélos. Monique se rend à la boutique
de son père dans la grand-rue et pose son
vélo contre la vitrine. Un agent la
sermonne : Monique répond vertement : je
suis chez moi : L’agent verbalise et lui
demande la plaque fiscale annuelle en
métal qui doit être fixée au vélo. Monique
ne l’a pas acheté. Il faudra que je l’achète et ailles la montrer au commissariat de la rue de la nuée
bleue et payer l’amende

En 1955 Monique commence à travailler à Mulhouse à l’hôpital, elle n’a jamais déclaré de revenu et
n’a jamais fait de déclaration au fisc qu’elle ignore. Le contrôleur des impôts, lui n’oubliera pas malgré
la modestie du revenu !!!

On retrouvera en 2020 à Verrières les nièces de Monique, venues d’Alsace Martine, Brigitte et
Françoise Weber 50 ans après les avoir vu à St Etienne ! accompagné de Nicole Jaegi veuve depuis
peu

Olivier Smadja : Notre premier gendre, il rencontre Maïté en 1979, ils se mettent en ménage, puis
Maïté est enceinte et Olivier ne semble pas pressé de l’épouser, Maïté contracte une piroplasmose
dangereuse pour le fœtus et sa future belle-mère l’incite à avorter mais finalement Maïté décide de
garder le futur enfant avec le soutien de Monique, Emmanuel futur surdoué !

Monique demande à Olivier : quand allez-vous vous décider à épouser ma fille, j’ai bien épousé
Jacques ! (argument fallacieux). Olivier lui répond : ce n’est pas ce que vous avez fait de mieux !!!

Monique suggère alors à Maïté de déclarer l’enfant seule avant naissance en juin 1981- ce n’était pas
forcément une bonne idée mais cela préservait les droits de Maïté sur l’enfant. Le 9 septembre nait
Emmanuel Jérémie LEFORT. Les 2 parents reconnaissent l’enfant le 25 septembre 1981 qui prend
170

alors le nom de Smadja et sera légitimé par mariage le 14 avril 1984. Le nom Lefort a failli ne pas
disparaitre de la famille ! vanité.

Comme un cheveu sur la soupe en conclusion de carrière

J’avais coutume de dire que l’ingénierie informatique n’est qu’un long enchainement d’emmerdements
imprévisibles et sans fin mais il y a eu quand même quelques bons moments ici on fête
«sobrement » la réception du système informatique du ministère de l’intérieur égyptien au Nile-Hilton
du Caire- 1975

De gauche à droite Angelaere (tech), Andrieux (tech), Branville (tech), Froelicher (ing), M-Thérèse
épouse du consul, moi, Mohamed le consul du Maroc, E. Benéjam (ing), Berold( ing), Manou épouse
de Cariou le directeur résident, Dan (ing Roumain), Auriol (tech), (Rammes (tech), mais il en manque
beaucoup : Ces projets
d’informatisation des ministères
de l’intérieur égyptien et irakien,
et du ministère des finances
égyptiennes mobiliseront chacun
jusqu’à 35 français et une
vingtaine d’égyptiens et irakiens
pendant plusieurs années de
1972 à 1988.

Des proverbes familiaux (qui ne brillent pas par leur finesse !)

Tu l’as dit bouffi, tu parles Charles, A la tienne Etienne, très juste Auguste, c’est parti mon kiki
Si les petits cochons ne te mangent pas les gros ne te laisseront pas
J’ai faim : mange ton poing et garde l’autre pour demain
J’ai fini une tâche: Tu n’as fait que ton devoir et bien petitement
A une demande insatisfaite: La plus belle fille du monde ne peut donner que ce qu’elle a
Je veux…Le roi dit nous voulons
Je m’ennuie: grattes toi l’œil avec une clé à sardine (!!!)
Un sou est un sou, il ne faut pas gâcher
Un vilain voyou (dixit ma grand-tante Antoinette): encore un de la bande à Bonnot (en variante) de la
bande à Cartouche, ou à Mandrin
171

A une demande incongrue: As-tu déjà vu une petite bonne habillée comme moi ?
C’est plus fort que de jouer au bouchon, Va voir là-bas si j’y suis
Où es-tu? Je suis dans ma chemise, la tête et les bras qui dépassent

Si tu veux jouer à l’imbécile nous serons deux


Merci, merci qui ? merci mon chien
Si, si , si ma tante en avait elle s’appellerait mon oncle
Pour aller aux toilettes : je vais faire des cordes pour la marine…ou cueillir des roses
Pousses toi d’là que j’m’y mette, Accroches toi au pinceau, je retire l’échelle

Mon petit-fils : 4 ans: A tout propos: N’y pense pas…même pas en rêve
A l’école : Lefort…c’est pas fort !, le fort des halles, le fortiche…le formidable
Parisien tête de chien, parigot tête de veau

Du coté de mon épouse alsacienne « orthograffe» non garantie

Ce qu’on ne sait pas, ne peut pas vous faire chaud


Nom d’une pipe noch a mohl (un juron). Got for dammi ! (un juron) un autre: que le diable t’encule
(das teufel bloh ims der arch)
Am ochs ims horn pfife C’est comme souffler dans la corne d’un bœuf (ou pisser dans un violon)
Hop là geiss (= excusez moi, si on marche sur le pied de quelqu’un, ou allons y)
Hietz langs (allons-y) Ho ye, ho ye die katz in der schnee (lamentations genre ho la la )
Das ist zum ferruckt werden (C’est à devenir fou)
Les Mulhouiens se moquent bien des Strasbourgeois qui pissent dans le Rhin

*** coucou wo bich, in wald


***Wo’s esche ? ( qu’est-ce que c’est ?) A frosch (une grenouille)
***Gemer eï ( donnes la moi) Nei nei (non non)
*** Gitshols ( égoïste)

cela se chante et se danse :

D’r Hans im Schnòckeloch hät àlles wàs er will


Jean au trou de moustique a tout ce qu’il veut
Un wàs er hät, dess will er nit,
Et ce qu’il a il n’en veut pas
Ad was er will, dess hat er nit
E ce qu’il veut il ne l’a pas
D’r Hans im Schnòckeloch hät àlles wàs er will
Jean au trou à moustique a tout ce qu’il veut

Catherine est une fille gentille gentille comme on en voit toujours de Mulhouse à Strasbourg

C’est à piperniketche ( au diable vauvert ou à petaouchnok) morgen morgen demain est un autre jour
172

Schweinerei: de la saloperie- schlaperte: du mauvais café

Eine Totele mott: une pente pour débutant à ski- (totele= un idiot)

Mikele: un chéri ou une chérie. Tu viens avec (moi) : come mit mir

Eine luppen mensch : une pute, une salope. Ein Lilliputan un lilliputien (et non pas une Lilli putain)

Der Luppen proletaria : La racaille. Eine poutchfrau : une ménagère (souillon)

Un chevalier Lefort au sang bleu ? Non, même pas en rêve ! Je n’en ai pas trouvé

Les regrets amers et imprescriptibles ! ah c’est dur l’ambition sans le talent !


Promo PC octobre 1953

Marcelle Baticle (née Lery), Marie-Rose


Bégué, Philippe Berge, Jacques Boissel,
Jacques Bonnerot†, Henri Buc, Jacques
Charles, Cécile Courteville†, Jean-Claude
Courtier, Mireille Courtier (née Bulois),
Roger Danon, Jean de Goër de Herve,
Anne-Marie de Goër de Herve (née Millet)†,
Gérard Dupuichs, Jacques Ernest, Jean-
Paul Fleury, Hubert Gory†, Jean-Claude
Guillot, Jeanne Guillot (née Barthelet),
Gilbert Guiroy, Jacques Holfeld, Jean-
Claude Houard, Alain Jouy, Joseph
Lajzerowicz, Michel Lott†, Jean-Loup
173

Motchane, Claude Motsch, Daniel Nordemann, Ostier, Jacques-Lucien Pascal, Cyrille Pavlin,
André Peter, Jean-Claude Prélaz†, Claude-Michel Prévost†, Jean Riey, Jacques Roussel †

Tarde viennentibus ossa A ceux qui


arrivent trop tard, il ne reste que des os

Promo PC octobre 1954

Paul Aucouturier, Jeanne Aucouturier (née


Lefranc), Bernard Authier†, Pierre Bal,
Madeleine Barszawski, Jacques Berteaux,
Jean Bizot†, Edith Cabibel, Michel Carrier,
Serge Igor Deiness, Jacques Doucot,
Nicole Dumontier (née Goureau)†,
Jacques Frilley, Jacques Goupy, Robert
Guermeur, Jacques Henry, Jacques
Joffrin, Claude Lambert, Irma Lambert (née Patch), André Pierre Legrand, Bernard
Malingrey, Michel Marbach†, Jean Mardiguian, Jean-Claude Maroni, Roger Maury, Pierre
Monjol†, Dario Pecile†, Louis Pesme, Robert Rosset, François Rostas, Robert Schrimpf,
Daniel Taupin†, Gérard Thirot†, Christian Thomas de Montpréville†, Jean-Pierre Unger,
Janine Verdone (née Thuillier)†, Didier Veron, Bernard Warszawski, Noël Zeller

Je retrouverais à la CGE, Zeller, Roussel et Rostas …à qui je demanderai des nouvelles de la belle
Joëlle, son épouse ! Curieusement aucun de ces brillants scientifiques de PC ne deviendra célèbre,
on se console comme on peut

Contines et chansons

https://www.youtube.com/watch?v=UOiGeVin_1M

Un éléphant qui se balançait sur une toile d’araignée…trouvant le jeu si intéressant…

Si c’est toi le poisson-scie, restes ici, si c’est toi le poisson-chat restes là

C'est demain dimanche, La fête à ma tante, Qui balaie sa chambre, Avec sa robe blanche

Elle trouve une orange, L'épluche et la mange, Oh ! La grosse gourmande !


174

Une souris verte qui courait dans l’herbe….je l’attrape par la queue…

Am stram gram…pic et pic et colégram…/ La barbichette: je te tiens tu me tiens…

Mon père m’a donné un mari…je l’ai fourré au fond d’mon lit…mon dieu qu’il est petit

Il était un avocat…tire lire lire…son p’tit chapeau sous son bras…

Il est midi, qu’est-ce qu’il l’a dit…la p’tite souris où était-elle ? dans la chapelle, que faisait-elle ? de la
dentelle pour qui ? pour ces dames de Paris, donnes moi des souliers gris pour aller au paradis

A dix heure y’a des voleurs…à onze heure on bat le beurre, à minuit y’a des souris

Chez l’épicier Godard y avait une batterie, je monte sur un tonneau pour voir la comédie, patatrac
voilà tonneau qui craque je tombe dans la mélasse et je n’y parais plus et mon chapeau non plus

1,2,3 je vais dans les bois, 4,5,6 cueillir des cerises… 7,8,9…10, 11, 12 elles seront toutes rouges

Prom’nons nous dans les bois…Loup y’es tu, que fais tu ? Je mets ma culotte…

Ah l’envie me démange d’aller en vendanges, d’aller en vendange et de grappillonner dans son p’tit
panier ….

Je vous croyais l’âme indigne, je me trompais lourdement, vous n’êtes qu’un imbécile, je vous en fais
mon compliment

Un petit Japonais dans sa Kourouma…il chemine et trottine tout le long de la ville…

Joli mois de mai quand reviendras-tu me donner des feuilles…

Cunégonde veux-tu du fromage avec de la confiture dessus…

Quand j’étais petit je n’étais pas grand…je montrais mon cul à tous les passants

Il pleut il mouille, c’est la fête à la grenouille, la grenouille a fait son nid dans la tête à la souris…

Chansons d’étudiants pas très convenables (ce qu’on chantait à Strasbourg dans les winstubs et à Morsiglia,
mais au lycée Chaptal on ne chantait pas)

C’est Thérèse qui rit quand on la…/Béatrice –trice trice…/Les filles de Camaret se disent toutes vierges…

Mon père me donne 100 sous pour m’acheter des bretelles…je garde les 100 sous et je vais au bordel…
175

La femme du roulier…il a raison lui dire les enfants d’aller avec celle qui l’aime et quand nous serons grand, tirelan, nous ferons
tous de même…. cochons d’enfants…vous serez tous cocus, tirelu comme l’était votre père

De profondis morpionibus/…lui mit une ceinture au solide fermoir qu’il attacha lui-même à sa femme un beau soir

…C’était la p’tite bonne qui s’foutait par terre, sens dessus dessous sens devant derrière…

Vous y verrez s’cochon d’Socrarte, la main dans la poche qui s’la gratte/ Un gros curé d’campagne qui tenait son… son gros
bou-quin d’prières

L’autre jour l’idée m’est venu cré non de nom…d’en…un pendu/ Quand l’artilleur de Metz arrive en garnison, toutes les
femmes de Metz… / Si tu n’en veux pas j’le r’mets dans ma culotte

Vive les vétérinaires, ma mère ils marchent toujours la queue en l’air/ Une pucelle à l’horizon, dondaine

Je vais vous raconter l’histoire de Caroline la putain, tintin tintin tintaine et tintin

Le long de la rivière Margot, Margot trempait son p’tit derrière dans l’eau, je lui dis ma mignonne…

Il rencontre une belle, qui dormait le cul nu, la digue la digue/ Un jour la p’tite Huguette… en ch’min elle rencontre un étudiant
en droit

Ah Ah Ah dit la pendule c’est moi qu’avance et qui r’cule, c’est moi qu’avance et qui r’cule dit la mariée…ah ah ah dit l’coridor
c’est moi qu’on enfile d’abord…

Trois orfèvres à la St Eloi/ Mr le curé a un joli parterre.. il en cultive les fleurs…il encule papa…

L’père Dupanloup à l’opéra se conduisait comme un goujat, malgré l’effort de la police…

C’est là que les horreurs commencent le pou monta sur l’araignée…

Sur l’air de la marche de Souza : ça y est je l’sens bien….etc …et bien d’autres oubliées

Chansons militaires

Tête à gauche et tête à droite disait not’ sous-officier, tais ta gueule répondit l’autre tu commences à nous faire chier

Et l'inévitable, en rang, au pas : j'ai, j'ai, quelque chose dans le cul qui m'empêche de marcher

Il faut savoir faire une…………… -Fin-


Je vois disparaitre en quelques années prématurément mes copains chimistes et autres Mandry,
Alex, Blum, Debard, Palmade, Gabano, Butaye puis plus recemment Monique Maret, Minarval, Pillot,
176

Maire, Ruhl, Schmitt, Gourlin puis Sebbah Azfazadourian, Gubler, Lallite en 2019 sans compter
ceux que j’ignore

Que sont devenu entre autres Jacques et Cécile Reynaud, Daniel Borel, Charline, Dorice Scheffer,
Evelyne Schatt, Claudine Devillers, Evelyne Delaval… ?

Cette histoire se continue avec celle de 7 générations Ehrbar et 8


générations Lefort retrouvées depuis 1580. Les plus vieux actes : un
inventaire après décès de 1584 coté Monique et un ancêtre Lefort né
vers 1550, un mètre d’archives  une partie côté maternel et paternel
alsacien en gothique manuscrit pas toujours déchiffré, mais Monique
qui a appris cette écriture, petite, m’a bien aidé !

Et aussi l’histoire de 50 Gardes-chasses et piqueurs de vènerie Lefort de 1750 à 1950 en Ile de


France que j’ai recherché, rédigée, mis sur CD et déposée aux archives départementales d’Oise et de
Seine et Marne.

Verrières le buisson 2018

La famille en 2020 arbre descendant

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