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Le sexe sous le nazisme : une libération avant LE MAG

l’heure ?
HISTOIRE ALEXIS BÉTEMPS 27 JUIN 2016 !0

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En matière sexuelle, le nazisme défendit des positions étonnantes, dont certaines se


retrouvent aujourd’hui, certes soutenues par d’autres arguments, dans les discours les
plus progressistes : éducation sexuelle pour les jeunes, combat contre le monopole de la famille
traditionnelle, promotion d’une gestation distincte de la maternité… Cette curiosité n’est pas fortuite :
elle révèle l’impasse où conduit toute conception rationalisée du corps, ainsi que la vacuité du concept
de « libération » sexuelle.

Les idéologies totalitaires, par dé!nition, ne se sont jamais arrêtées à la Visitez la boutique
porte des chambres à coucher, cherchant à imprégner les individus
jusque dans leur intimité, et non plus seulement à contrôler leurs
PHILITT.
agissements publics. Le totalitarisme libéral y est admirablement
parvenu, o"rant au dogme de la jouissance sans entraves de glorieux ABONNEZ-VOUS À LA NEWSLETTER
triomphes grâce à la consommation étendue jusqu’aux comportements
sexuels. En comparaison, les totalitarismes du XXe siècle semblent
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désuets, presque naïfs, dans leurs maladroites tentatives d’instaurer un
ordre moral au-dessous de la ceinture. La plupart n’abordent le sujet que
sous l’angle austère de la prohibition, de la dissimulation ou de
l’interdiction, s’adjoignant au besoin les services de la morale religieuse, là S'INSCRIRE
où le libéralisme se montre plus subtil, puisqu’il instaure un culte
vénérant le corps tout en rendant ce dernier malléable, échangeable et
disponible comme une vulgaire marchandise. RÉSEAUX SOCIAUX
Calendrier 1938, « Un nouveau peuple »

D’un côté, le tabou aux relents d’hygiénisme victorien, de l’autre,


PHILITT
l’exhortation à la libération sexuelle : dans les deux cas, la sexualité se trouve placée sous le signe du sacré,
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qu’elle porte la trace indélébile du péché originel ou qu’elle permette l’épanouissement absolu de l’individu. À
cet égard, le régime nazi se distingue en abordant la question sexuelle de manière radicalement rationnelle :
théorisée au même titre que la résorption du chômage ou la production militaire, elle devient un enjeu auquel
LA RÉDACTION
la politique répond de manière froide, stratégique et comptable.

Incapable d’admettre que les mœurs des dignitaires d’un régime s’étant à ce point illustré par sa démesure et
ses fantasmes symboliques puissent se révéler aussi tristement banales que celles de vulgaires employés de
bureau, l’imagination collective a souvent érigé autour des élites nazies un décor de luxure sadienne, mêlant
débauche et atrocités. On a beaucoup écrit sur l’addiction au sexe de Josef Goebbels, sur les lettres très crues
adressées à sa maîtresse Hedwig Potthast par Heinrich Himmler, et sur les lectures privées d’une édition de
Mein Kampf reliée en peau d’humain que ce dernier aurait organisées dans un cabinet privé en compagnie de
dames du monde.

En réalité, la plupart des !gures de proue du parti et des dirigeants de l’État menait une vie ni plus ni moins
dissolue que celle de la bourgeoisie de leur temps, entre la tiédeur du foyer, l’atmosphère grisante des
cabarets et l’intimité des bordels. L’un des plus connus d’entre eux, le « Salon Kitty », !t l’objet d’innombrables
fantasmes : les mémoires de Walter Schellenberg, alors chef du service d’espionnage extérieur, nous
apprennent en réalité qu’il ne s’agissait que d’un lieu de rendez-vous comme tant d’autres, et que s’y
côtoyaient « des o!ciers, des demies-mondaines, des hommes d’industrie et tout un tas d’individus habitués des
lieux bien avant 1933 ». Rien de semblable au Salo de Pasolini, et « même le plus haut gradé devait payer rubis sur ARTICLES RÉCENTS

l’ongle, ne pas faire d’esclandre – faute de quoi la patronne des lieux le mettait à la porte sans sommation ». Les
nazis sont avant tout des bourgeois allemands élevés dans le respect de l’hypocrisie des conventions, des Augustin Berque : « Le Japon a
bonnes manières et de la demi-mesure, qui aiment sincèrement leurs femmes tout en fréquentant les
massacré son territoire »
prostituées. Cependant que l’on fait décrocher les nus décorant les di"érentes salles des ministères, le tra!c
d’images pornographiques à usage privé connaît un essor sans précédent dans les salons du Reichstag. Comment nous sommes devenus des
cannibales en costume
Le nazisme contre la famille traditionnelle (et pour la GPA ?)
La ville chez Guénon ou la
La voie idéologique dans laquelle s’est engou"rée une large partie de la destruction de l’espace
gauche du XXIe siècle en faisant de la « gestation pour autrui » un combat
d’avant-garde fut, de manière ironique, considérablement défrichée par les La métaphysique paysanne de C. F.
politiques nationales-socialistes. Ces dernières, obsédées par des objectifs Ramuz
de natalité calculés aussi méthodiquement que les plans quadriennaux,
comprirent très tôt la nécessité de séparer la mère, fonction naturelle et Jacques Yonnet : la face cachée de
sociale institutionnalisée, de la génitrice, fonction corporelle et économique. Paris
Parallèlement au culte de la famille, et sans contradiction avec celui-ci, se
développa l’idée d’une femme conçue comme « Gebärmachine », c’est-à-dire
MÉTA
comme machine reproductive, la sexualité devenant alors un devoir
politique de soutien au régime. La famille idéale doit être proli!que : la
propagande d’État indique le chi"re optimal de quatre enfants par couple, et Connexion
les documents o#ciels évoquent sans complexe « l’élevage de la noblesse du Flux des publications
futur ».
L’actrice suédoise Zarah Leander,
Flux des commentaires
égérie du cinéma allemand sous le
À l’initiative de Himmler, des lebensborns sont ouverts dès 1935 : dans ces « nazisme Site de WordPress-FR
fontaines de vie » sous administration directe de la SS, les femmes peuvent
donner naissances à leurs enfants illégitimes dans l’anonymat et béné!cier
d’un suivi médical. Hitler lui-même s’était à maintes reprises insurgé de la discrimination subie par les enfants
illégitimes. Les lebensborns se transforment rapidement en lieux de rencontres où les o#ciers SS peuvent
faire connaissance avec des femmes sélectionnées pour leurs qualités physiques correspondant aux
standards aryens, a!n de les féconder et ainsi permettre le développement d’une race idéale. Les enfants nés
de ces unions eugénistes (environ 10 000 selon les estimations) sont ensuite élevés sur place, aux côtés
d’autres enfants enlevés à leurs familles car jugés « racialement valables », ou alors placés dans des familles
sélectionnées.

Trop ambitieuse, la politique de natalité n’atteint jamais son but ; loin de se décourager, l’État allemand décide
de redoubler d’e"orts et de s’attaquer de manière directe aux comportements sexuels des citoyens. La
reproduction est un sujet trop important pour que l’État en délègue la responsabilité aux seuls individus. Le
nazisme développe une hostilité a#chée à l’égard du couple, produit d’un christianisme dégénéré et
empêchant l’expansion démographique. « Le couple monogame de longue durée menace la culture allemande et
lui est fondamentalement étranger », déclare Hitler en 1934, dans une envolée que ne renierait pas un hippie.
De la même manière, le théoricien national-socialiste Ernst Bergmann a#rme que « le lien unissant la mère à
l’enfant est une création arti"cielle n’entretenant avec la réalité aucun lien qui puisse justi"er de s’opposer à ce que,
dans certains cas, les enfants soient con"és à d’autres mères qu’à celles les ayant portés, soit que celles-ci soient
inaptes à les élever dans l’intérêt de l’État, soit qu’elles y consentent librement pour le bien de ce dernier ». Que l’on
obtienne, en changeant le mot « État » par « individu », le discours exact de certaines associations LGBT, n’est
aucunement dû au hasard : c’est la même idée de rationalisation de la reproduction, de la vie et de sa valeur
qui est à l’œuvre.

Des citoyens plus jouisseurs que procréateurs

Si l’État requiert des bras, ce n’est pas seulement pour faire la guerre,
mais avant tout pour faire tourner des usines à court de main-d’œuvre,
car le nombre de chômeurs, qui culminait à 6 millions en 1933, n’est
plus que de 1 million en 1936. Le plein emploi, rapidement atteint,
provoque même une pénurie de main d’œuvre. Pour cette raison, le
nombre de femmes exerçant une activité professionnelle en 1943 a
presque doublé depuis 1933, preuve que l’accession des femmes au
travail n’est pas le fruit d’un combat libérateur et féministe mais une
réponse économique à une demande de production.

S’il faut attendre l’après-guerre pour que la femme productrice soit


reconnue en tant que femme citoyenne, elle s’a#rme cependant déjà en
tant que consommatrice. En e"et, l’accroissement de la production
s’accompagne d’un développement de la consommation et de sa culture
« Mode et Foyer », couverture d’une
édition de 1935
au sein des classes moyennes, phénomène demeuré longtemps dans
l’angle mort de l’historiographie. La popularisation des cosmétiques et
de la mode, jadis privilèges de la haute bourgeoisie berlinoise, s’observe
bien avant la libération, en même temps que se répandent les premiers magazines de vente par
correspondance. Dans un premier temps, le régime nazi ne juge pas utile de combattre la libération des
mœurs et estime même devoir encourager l’éducation sexuelle des adolescents, comme en témoigne un
rapport remis à Bernhard Rust, ministre de l’éducation du Reich, en 1935. L’ancrage de la « Freie Körper Kultur
» (naturisme prônant l’osmose avec la nature) dans la société allemande, ainsi que la promiscuité des corps au
sein des di"érentes organisations de jeunesse o"rent un terreau fertile à cette entreprise. Pour les autorités,
l’essentiel demeure de préserver le potentiel accroissement démographique. L’explosion du nombre de
grossesses adolescentes et du taux de transmission des maladies vénériennes chez les moins de 21 ans dans
les villes préoccupe bien moins le régime que l’augmentation du nombre d’avortements.

Les Allemands acceptent volontiers la sexualité sans vouloir de la maternité, pro!tant de la libéralité relative
sans permettre à la collectivité d’en récolter les fruits. Malgré la grande dé!ance du pouvoir, l’usage des
moyens de contraception se répand dans toutes les catégories de la population, et l’on trouve bientôt des
distributeurs de préservatifs dans toutes les gares et toilettes publiques du pays. La consommation moyenne
atteint 70 millions en 1940, signe indubitable du développement et de la normalisation des relations « de
passage », mais également de la volonté, au sein des ménages, d’avoir des rapports sans prendre le risque
d’une naissance supplémentaire.

Günter Grass écrit que « la société allemande a été préparée par le nazisme à se livrer à la société libérale et
marchande », a#rmation on ne peut plus valable en matière sexuelle. L’approche purement matérialiste et
rationalisée du corps et de la sexualité constitue en e"et un point commun à l’idéologie nazie et à la société
du désir, même si cette dernière l’a considérablement complexi!ée en lui soustrayant notamment l’impératif
trop réducteur de la procréation. Poursuivant dans la même direction au cours des décennies suivantes, le
régime communiste est-allemand alla même jusqu’à accorder aux homosexuels et aux femmes une
reconnaissance et une place bien plus importantes que dans nombre de sociétés dites libérales. Ce paradoxe
apparent entre con!scation de la liberté politique et promotion de la liberté sexuelle révèle l’embarras et les
contradictions d’une certaine conception militante de la sexualité, qui se voit contrainte de constater que le
concept de « libération sexuelle » n’a rien de fondamentalement progressiste ou émancipateur, et qu’il peut se
réaliser en démocratie tout aussi bien qu’en dictature, puisqu’il n’est que le maquillage idéologique d’un
phénomène essentiellement économique.

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