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LEÇONS DE

RÉSILIENCE
Recueil d'histoires
inspirantes

Un projet entre l'AILP et


l'école secondaire Sainte-Marie
2021-2022
Table des matières

La chance de vivre ..................................................................................................................... 1

L’accident d’une vie ................................................................................................................... 3

Une fraction de seconde........................................................................................................... 5

Le déraillement............................................................................................................................ 7

Une vie chamboulée .................................................................................................................. 9

Un bruit d’ambiance................................................................................................................. 11

Ma vie avec un handicap ........................................................................................................ 13

Les minuscules écouteurs ..................................................................................................... 15

T’es-tu sourd ? .......................................................................................................................... 17

Mise en page du recueil par Camélie Roy, enseignante de français.


Origine du projet

AILP (activité d’inclusion de lutte aux préjugés) est un projet porté par le
Regroupement d'organismes de personnes handicapées du Centre-du-Québec.
Ce projet visait à agir contre les préjugés et contrer l’intimidation envers les
personnes handicapées, notamment les jeunes handicapés, auprès des jeunes de
12 à 17 ans fréquentant une école secondaire publique du Centre-du-Québec.
Préalablement au déploiement du projet en milieu scolaire, AILP fut expérimenté
dans 7 maisons des jeunes du Centre-du-Québec. Les nombreuses répercussions
positives auprès des participants ont mis en évidence l’importance et la pertinence
de réitérer l’expérience au sein du réseau scolaire. Grâce au soutien financier du
ministère de la Famille, le projet fut réalisé au sein de 7 écoles secondaires.

Le projet s’est déployé en trois étapes. Dans la première, les élèves recevaient un
atelier de sensibilisation leur permettant d’identifier leurs préjugés et leurs effets
pouvant mener à l’intimidation tout en découvrant le potentiel des personnes
handicapées. La seconde impliquait une activité sociale, sportive ou artistique
avec des personnes en situation de handicap. Pour la dernière, les élèves devaient
s’inspirer de leurs apprentissages tirés dans les étapes précédentes pour livrer un
argumentaire misant sur l’importance de l’inclusion, l’acceptation de la différence
et l’entraide. Le présent recueil met en lumière les pensées des élèves de l’école
Sainte-Marie qui ont fait connaissance avec la différence.

Gabrielle Lavoie

Chargée de projet
Regroupement d’organismes de personnes
handicapées du Centre du Québec (ROPHCQ)
Pour une société plus inclusive

Plusieurs personnes dans notre société ont un handicap. Qu’il soit physique ou
mental, les possibilités sont nombreuses. Malheureusement, la méconnaissance
à cet égard engendre de nombreux préjugés. Et ces mêmes personnes, en plus
d’avoir à surmonter les nombreux défis qui se présentent à elles pour vaquer à
leurs occupations, doivent malheureusement affronter le mépris des autres.

C’est dans cette optique que ce projet a vu le jour : sensibiliser les gens et diminuer
peut-être un peu les préjugés auxquels ces personnes font face en racontant deux
histoires vraies. Parce que quand on sait ce qui se cache derrière, que l’on met un
visage, un nom, une histoire, on perçoit les choses différemment et, j’ose croire,
on comprend mieux.

Après moult discussions et remue-méninges avec Gabrielle Lavoie, la


responsable et l’instigatrice de ce projet, nous en sommes arrivées à cette idée,
soit celle de présenter des personnes handicapées à mes élèves de cinquième
secondaire. Et comme je crois fortement à la puissance des histoires pour faire
passer des messages, mes élèves ont eu à raconter celle de ces gens inspirants.

Je vous laisse donc découvrir les histoires de Joannie Marcotte et de Robin


Croteau vues sous la plume de mes élèves.

Nadia Doyon

Enseignante de français
École secondaire Sainte-Marie
Joannie

Marcotte
La chance de vivre

Ça arriva… Certains parlent de destin, d’autres de Dieu ayant eu un plan. Pour


certains, les astres n’étaient pas alignés ; c’était de la mauvaise chance, ou
encore, une chance incroyable, la chance d’être encore là.

Ma sœur avait emménagé dans sa nouvelle résidence depuis peu. J’avais de la


difficulté à l’exprimer, mais la soirée pluvieuse était comme le présage d’un danger
imminent. Peut-être que notre âme sait que notre vie sera chamboulée à jamais.
Nous devions nous dépêcher à prendre le dernier autobus pour rentrer.
Aujourd’hui, ça me semble futile.

La visibilité était mauvaise. Sandy m’avait devancée, puis elle m’avait crié de me
dépêcher et ça arriva. Un taxi que je n’avais pas vu me percuta de plein fouet. Je
fus projetée de plusieurs mètres et je dus ma vie au fait qu’un hôpital n’était qu’à
quelques pas de là. Du moins, c’est ce que l’on m’a raconté par la suite.

Mon réveil ne fut pas comme dans les films. En fait, durant quelques semaines,
mon entourage ne savait même pas s’il y aurait une suite à ma vie. À mon réveil,
la douleur fut fulgurante. J’aurais aimé pouvoir le crier, mais mes pensées étaient
trop confuses. J’aurais aimé pouvoir courir, sortir de cet endroit qui me retenait
prisonnière, mais prendre un verre d’eau dans mes mains aurait déjà été un
exploit. Je dus tout réapprendre. Je dus passer de nombreux mois en centre de
réadaptation, de nombreux mois pour réapprendre à vivre.

À ma sortie, le monde que je connaissais avait changé. Un jour, avant l’accident,


mes amies m’avaient chanté « bonne fête ». À ce moment-là, j’avais pensé que
ces amitiés dureraient pour toujours. J’avais tort. Mes anciennes amies avaient
repris leur vie et nous ne trouvions plus rien à nous dire. Elles avaient changé de
niveau, de passe-temps et, moi, je ne faisais plus partie de leur quotidien. Ma
priorité était désormais de réussir mon secondaire. Je fus capable d’obtenir mon

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diplôme. Certains jours furent plus difficiles, mais cette réalisation restera l’une de
mes plus grandes.

Aujourd’hui, je donne un sens à ma vie de manière très simple. Parfois, je n’ai qu’à
mentionner brièvement mon histoire pour que mon auditoire prenne conscience
de la valeur de chaque moment puisque la vie peut rapidement changer,
irrémédiablement. Tous les jours se ressemblent. Se lever, s’habiller, déjeuner,
« gamer », diner, chanter, souper. Mes buts et mes aspirations sont plus simples
que la majorité du monde qui m’entoure. Toutefois, j’ai pris conscience que mon
bonheur est fragile, mais plus difficile que la majorité des gens de notre société.

Capril Monaghan

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L’accident d’une vie

Chaque matin, Joanie se rendait à l’école Sainte-Marie à pied, puis elle arrivait
directement lorsque la première cloche sonnait. Cette jeune fille de 14 ans était
une élève dont les notes se situaient dans la moyenne. Le moment qu’elle
attendait avec impatience était la cinquième période puisque c’était là où Joanie
pouvait s’exprimer en chantant. Celle-ci avait une jolie voix et son entourage
l’admirait.

Quelques semaines après la rentrée scolaire, Joanie était très excitée d’aller
rendre visite à sa grande sœur qui vivait maintenant à Québec pour ses études
collégiales. Elles avaient planifié un souper au restaurant, puis elles iraient voir un
spectacle de chant.

Il était minuit et les sœurs se dépêchèrent de trouver l’arrêt d’autobus pour


retourner à la maison puisque c’était le dernier tour. Elles arrivèrent à l’arrêt, mais
toutes les deux réalisèrent que celui-ci n’était pas le bon, donc les filles
recommencèrent à courir pour ne pas le manquer. Après quelques minutes, Sandy
vit l’arrêt de l’autre côté de la rue. Elle cria à sa sœur : « Jo, il nous reste seulement
à traverser pis on est rendue. » Joanie prit les devants, mais sans trop regarder
les automobiles qui passaient à toute vitesse, alors un taxi la percuta. Sandy,
terrifiée, lui cria : « Joanie! Est-ce que tout va bien ? » L’aînée appela
immédiatement une ambulance, puis, par chance, l’hôpital se situait à deux rues
de leur position.

Durant les neuf mois qui suivirent, la jeune blessée dut rester aux soins
hospitaliers puisqu’elle avait perdu toutes ses capacités, plus précisément sa
motricité physique ainsi que 70 % de sa mémoire. Chaque jour, Joanie avait
plusieurs rendez-vous avec des spécialistes pour améliorer ses conditions
physique et psychologique. De plus, sa famille lui rendait visite fréquemment et lui
disait toujours avant de partir : « Ne lâche pas, tu es forte. »

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Joanie sortit enfin de l’hôpital et elle était prête à recommencer les cours même si
les médecins lui avaient dit que son cerveau était comme celui d’une élève de
cinquième année. Son principal but était d’obtenir son diplôme d’études
secondaires alors elle ferait tout pour l’avoir. Elle recommença malgré tout en
deuxième secondaire, mais les professeurs s’aperçurent rapidement qu’elle était
douée. Ils prirent donc la décision de la transférer en secondaire trois où elle se
sentit alors plus à sa place. Pour l’aider dans son cheminement, Joanie était
accompagnée d’une éducatrice spécialisée, puis son horaire fut allégé. Cela fit en
sorte qu’elle finissait une année en deux ans.

Joanie obtint son diplôme après six ans. Elle avait mis beaucoup d’efforts dans
ses études et elle pouvait en être fière. Cependant, il était impossible pour elle de
continuer plus loin son parcours scolaire. La bonne nouvelle était qu’elle avait
réussi à se trouver une maison située dans une petite ville où elle allait pouvoir y
vivre seule.

Aujourd’hui, Joanie s’est trouvé une passion pour les jeux vidéo, donc c’est une
manière pour elle d’avoir une vie sociale. Elle continue toujours de chanter comme
auparavant. Sa famille est présente pour elle. Tous les membres l’aident à
effectuer les tâches ménagères qu’elle ne peut pas faire et lui tiennent compagnie.

Rafaëlle Hould

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Une fraction de seconde

-Vite Joanie ! Dépêche-toi, on va manquer l’autobus. Je le vois à l’arrêt.

– Oui, attends-moi !

Bang ! Plus de sons, plus d’images. Joanie était étendue par terre en plein milieu
de la rue. Toutes les personnes qui se trouvaient dans les alentours formaient
maintenant un grand cercle autour de la victime. Le chauffeur de taxi qui l’avait
heurtée, alarmé, contacta tout de suite les secours. Heureusement, l’hôpital se
trouvait à un coin de rue de l’accident, donc elle fut transportée rapidement.

***

Joanie était une simple étudiante de troisième secondaire à l’école Sainte-Marie


de Princeville. Elle menait une vie bien banale, avait un petit cercle d’amis proches,
mais sans plus. Étant très artistique, elle adorait l’harmonie, le théâtre et le chant.
La jeune adolescente vivait seule avec sa mère puisque son père les avait quittées
alors que Joanie n’était encore qu’une enfant et sa sœur venait d’emménager dans
la ville de Québec pour la poursuite de ses études. C’est le 19 septembre 2010
que Joanie avait fait le trajet Princeville-Québec pour aller la visiter et voir son
nouvel appartement. Après être allées à une soirée étudiante, les filles couraient
sous la lueur des lampadaires et la pluie battante pour attraper le prochain
autobus.

Une fois rendue à l’hôpital, quatre infirmières et un médecin accoururent près de


Joanie essayant tant bien que mal de la ramener consciente. Par chance, ils
obtinrent un pouls assez rapidement. C’est ce qui leur donna l’espoir de continuer
et de s’acharner jusqu’à ce qu’elle ouvre enfin les yeux. Finalement, ce furent 24
jours qui s’écoulèrent avant que Joanie sorte enfin du coma dans lequel elle était
plongée. 24 jours de stress et de souffrance pour sa famille. C’est avec les larmes
aux yeux que tous accueillirent Joanie à son réveil. La pauvre, elle était tellement
confuse.

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Après avoir passé un nombre incalculable de tests, les médecins affirmèrent que
c’était le côté frontal droit de son cerveau qui avait été affecté lors de l’impact. En
gros, le traumatisme crânien avait causé la perte de 70 % de son cerveau. Joanie
passa ses journées à réapprendre tout de A à Z ; toutes les petites actions du
quotidien comme parler, marcher, manger et écrire, Joanie ne savait plus les faire.
Ce fut à la fin juin 2011 qu’elle put enfin sortir de l’hôpital et réintégrer une vie
« normale ».

Joanie était maintenant considérée comme une élève de cinquième année du


primaire. Et oui, c’était possible, même à quinze ans. Ça n’a pas duré longtemps.
Son orgueil l’a amenée à travailler tellement fort qu’elle a réussi à se faire
réintégrer en secondaire deux. Elle fut accompagnée dans tous ses cours et vit
son horaire allégé. Joanie eut beaucoup de détermination face à l’obtention de son
diplôme. À vrai dire, c’était son seul but. Elle voulait prouver qu’elle en était capable
et ça se fit ressentir. De tout son parcours scolaire, elle ne s’était jamais autant
surpassée et n’avait jamais obtenu de tels résultats.

Malgré le lot d’embûches qui croisèrent sa route, la difficulté de concentration et


les nombreuses crises, Joanie avait réussi. Elle obtint son diplôme d’études
secondaires en 2015, le sourire aux lèvres, et fière comme jamais. Elle venait
d’atteindre son but, ce pour quoi elle avait travaillé si fort.

Après cela, elle put faire l’achat d’une maison. Si on regarde d’où elle était partie,
c’est un exploit qu’elle soit là maintenant. Bien qu’elle puisse en faire beaucoup
par elle-même, sa mère et sa sœur sont très présentes pour elle. Elles font la
cuisine, le ménage et vont même chercher son courrier. Ces actions semblent
simples, mais ne sont pas sans danger pour Joanie. Essayant de s’occuper dans
sa solitude, elle passe le plus clair de son temps à jouer aux jeux vidéo. Dire que
tout aurait pu être tellement différent. Il y a 12 ans, une seule fraction de seconde
a changé une vie entière.

Marjorie Dubois

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Le déraillement

Le bruit du klaxon s’était fait entendre pendant plusieurs minutes. Il pleuvait des
cordes à n’en plus rien voir. Une jeune fille était allongée quelques mètres plus
loin près d’une voiture. C’était une scène d’horreur aux yeux des gens présents,
surtout pour sa sœur. Par hasard, une infirmière qui passait dans ce coin de la
ville la prit en charge jusqu’à l’arrivée des secours. Ce fut ce moment fortuit qui lui
permit de continuer à se battre.

Elle n’était qu’une jeune fille normale de 15 ans qui ne demandait qu’à rester dans
son petit monde. Joanie se trouvait en secondaire trois et n’avait qu’un cercle
d’amis restreint. Celle-ci aimait chanter quand elle se retrouvait seule. D’ailleurs,
avec son langage coloré et sa passion, cela lui permettait de créer son univers
d’adolescente.

L’accident était survenu le 19 septembre 2010. Joanie avait dû réapprendre à


marcher, à manger, à écrire, etc. L’impact au lobe frontal droit du crâne avait
affecté son côté logique des choses. Pour elle, une chose anodine pouvait sembler
être une montagne d’obstacles. Pour avoir eu des embûches découlant de cet
épisode de sa vie, elle n’était pas épargnée. Malgré l’aide et le soutien de sa
famille, les événements avaient été d’une difficulté inégalée. Malgré tous ses
efforts face à cette mésaventure, certaines choses n’avaient pu être améliorées
comme le fait qu’il ne lui resterait que 30 % de son cerveau pour toute sa vie.
Passer neuf mois à l’hôpital l’Enfant-Jésus à Québec, c’était non seulement
l’aspect désagréable du médical, mais aussi tous les côtés positifs de sa
réadaptation. Joanie était une jeune fille forte et persévérante pour ne pas avoir
baissé les bras.

À l’époque, elle n’était pas première de classe ni la dernière donc elle se situait
dans la moyenne. Par le passé, pour elle, c’était de bons résultats. À sa sortie en
juin 2011, les médecins l’avaient classée niveau 5e année du primaire. Avec sa

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nouvelle vision des choses, elle avait pu atteindre la tête de la classe. Joanie avait
eu plus de facilité à comprendre spontanément et y aller avec le bon sens de sa
réalité. Avec ceci, elle s’était fait monter en secondaire deux. Par la suite, même
si elle était bonne à l’école, l’adolescente fit son secondaire trois également, mais
en deux ans. Ce fut une belle alternative pour elle.

À la suite de sa réadaptation, le but premier de Joanie était d’obtenir son diplôme


d’études secondaires. Ce n’était pas un chemin sans difficulté, mais avec sa
détermination, elle avait su se dépasser et ce fut une de ses plus grandes fiertés.

Étant une personne avec un handicap, cette jeune femme se retrouva à vivre avec
les regards et les jugements des autres qu’elle côtoyait. Malgré tout, elle trouva
comment sociabiliser avec des personnes en jouant aux jeux vidéo. Ce n’était pas
une professionnelle, mais ces contacts l’avaient sortie un peu de sa solitude.
Nonobstant les épreuves que lui avait infligées son accident, cette jeune
adolescente maintenant rendue adulte sut tirer son épingle du jeu pour avoir une
vie épanouie.

Laurence Girouard

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Une vie chamboulée

Il fut un temps où tout allait bien dans sa vie. Un temps où, en d’autres mots, sa
vie était normale. Elle s’appelait Joanie Marcotte et elle avait 14 ans. Son parcours
scolaire se passait normalement, comme tous les autres élèves de son école. Ses
résultats scolaires n’étaient pas les meilleurs ni les moins bons. Elle se tenait
généralement dans la moyenne de sa classe.

C’était le début du mois de septembre et elle venait tout juste d’entamer son
secondaire trois. Joanie faisait ses études à l’école Sainte-Marie de Princeville,
une petite école dans une petite ville.

Un soir, elle dut se rendre à Québec pour célébrer l’anniversaire de sa sœur. Pour
s’y rendre, elle emprunta un taxi. En arrivant sur le pont de Québec, un peu plus
tard, un orage très violent débuta et la pluie ne faisait que s’accentuer.

En arrivant dans un quartier de Limoilou, le chauffeur lui dit qu’il devait aller
chercher quelqu’un d’autre le plus vite possible et qu’il devait laisser Joanie à un
coin de rue pas très loin de chez sa sœur. La pluie et le vent étaient si forts qu’elle
ne voyait pas plus de dix pieds devant elle. Joanie courait si vite qu’elle ne prenait
même pas la peine de regarder avant de traverser les ruelles du quartier. Moins
d’une minute avant d’arriver chez sa sœur, elle traversa une petite rue à sens
unique et, sans rien y voir, le taxi qu’elle venait d’emprunter la percuta violemment
à la tête. L’obscurité, le vide… Joanie fut plongée dans le néant pendant beaucoup
de temps. Lorsqu’elle se réveillerait, Joanie ne serait plus la même, et ce, pour le
reste de sa vie.

Elle fut conduite à l’hôpital l’Enfant-Jésus. Plusieurs médecins l’observèrent


attentivement et d’autres, un peu plus à l’écart, pleuraient et se consolaient.

C’était sa mère et sa sœur qui l’avaient rejointe pour lui venir en aide.

Il fallut plus de trois semaines à Joanie pour réaliser entièrement ce qui s’était
passé. Pendant 24 jours, elle avait été plongée dans un coma. En se réveillant,
elle ne comprenait pas où elle se trouvait et pourquoi. Sa mère et sa sœur étaient

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pour elles de parfaites inconnues. Pour Joanie, c’était pratiquement comme si elle
venait de naitre à nouveau.

Sa réadaptation fut lente, car, en d’autres mots, elle dut réapprendre tout ce qu’elle
savait faire avant son accident. Pour commencer, Joanie réapprit à parler, puis à
marcher, ainsi que toutes sortes de choses que l’on apprend à un jeune enfant.
Des spécialistes auront tout tenté pour l’aider à retrouver la mémoire, mais c’était
peine perdue. Par chance, elle n’avait pas complètement perdu la tête, car elle
était en mesure de se rappeler certaines choses. Jusqu’au mois de juin, pendant
huit mois, ce fut très difficile pour elle de revenir à la normale.

L’année scolaire suivante, Joanie fut classée en 5e année du primaire. Mais à


cause de son orgueil, elle recommença en secondaire deux. Son seul et unique
but à cet instant était d’obtenir son diplôme d’études secondaires pour faire voir
aux gens qu’elle possédait toujours un certain talent. Ces quatre années du
secondaire furent pour elle très difficiles. Les amis qu’elle avait depuis le primaire
n’y portaient même plus attention. Elle était seule, très seule.

Les années s’écoulèrent et elle réussit sa 5e année du secondaire comme elle


l’avait tant désiré. Elle se décida ensuite à s’acheter une maison. Malgré le fait
qu’elle pouvait vivre de façon autonome, il y avait encore plusieurs contraintes à
surmonter. Sa mère lui venait en aide tous les jours pour faire ses repas et
plusieurs autres choses qui lui étaient impossibles à faire dus à son manque
d’attention.

Finalement, la vie de Joanie aura subi un énorme changement au cours de sa


jeunesse. Grâce à sa détermination et à sa grande volonté, elle surmontera encore
beaucoup d’étapes difficiles dans le futur. Malgré toutes ses difficultés, Joanie n’y
voit que du positif et profite pleinement de ce qu’elle peut faire, après avoir réalisé
que la vie ne tient qu’à un fil.

Olivier Gagné

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Robin

Croteau
Un bruit d’ambiance

J’ai longtemps travaillé dans une usine en tant que comptable. Je n’avais pas de
bureau et j’étais directement installé dans l’usine à côté des machines bruyantes.
J’ai aussi travaillé dans les machineries lourdes et elles faisaient beaucoup de
bruit elles aussi. Tout cela, et plus encore, a mené à la surdité sévère que j’ai
maintenant. Malgré le fait que j’ai progressivement perdu l’ouïe, ç’a pris un long
moment avant que j’aie des appareils auditifs. C’est probablement parce que j’ai
appris à lire sur les lèvres.

Un jour, mes amis se sont tannés. Je les faisais tout le temps répéter et je
déformais la plupart de leurs phrases. Ils m’ont dit de prendre rendez-vous chez
l’audioprothésiste, car ça n’avait plus de sens. Rapidement, j’ai eu mes résultats :
j’avais un fort problème d’audition et il me fallait absolument des appareils. Le gros
problème, c’est que ça coûtait 3000 dollars. Et c’est sans compter que je devais
les changer tous les quatre ans et changer la coquille aux six mois. Mes appareils
sont tout petits. Ils ont un boitier avec les piles qui vont dedans. Sur les boitiers, il
y a un micro qui amplifie les sons. Un fil relie les petits boitiers aux coquilles qui
vont dans mes oreilles. Ils ont été moulés exactement pour elles.

Ma famille et mes amis m’ont aidé à payer et, enfin, j’ai recommencé à entendre
comme avant. Bien sûr, j’ai dû m’adapter aux nouveaux bruits que j’entendais, car,
maintenant, j’entends absolument tout. Par exemple, quand quelqu’un me parle et
que quelqu’un d’autre fait du bruit en même temps, j’entends plus le bruit que les
paroles.

Le pire moment, ç’a été quand le coronavirus est arrivée dans nos vies. Tout le
monde portait un masque, donc leur voix était beaucoup moins forte et je ne
pouvais plus lire sur les lèvres. Puisque de base je faisais ça tout le temps et que
maintenant je ne pouvais plus, c’était devenu extrêmement dur et j’ai recommencé
à faire répéter les gens. Ce n’est pas amusant de les faire répéter, car, souvent,

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ils lèvent les yeux au ciel et me disent : « Non, laisse tomber, ce n’est pas
important » ou « Tu ne comprends jamais rien ! Tu es sourd ou quoi ? » Quand je
me fais dire ça, c’est très dur. Premièrement, parce que c’est vrai et,
deuxièmement, parce que je ne peux rien faire pour changer. Rapidement, j’ai
commencé à faire semblant de comprendre, car, là, au moins, les gens ne me
reprochent pas d’être sourd.

Parfois, quand je suis avec mes amis, je les fais répéter et eux, pour faire une
blague, me disent que je ne comprendrais pas, car je suis sourd. Je sais que ce
sont des blagues, mais étant donné que c’est réellement ce que je vis, c’est
beaucoup moins drôle. Ou bien, dès que quelqu’un apprend que je suis
malentendant, ils se mettent à me parler en bébé ou très lentement comme si je
ne parlais pas français. Le pire, c’est quand les autres tiennent pour acquis que je
suis sourd et qu’ils se mettent à dire tout haut ce qu’ils pensent de moi…

Malgré tout ça, j’ai appris à vivre avec mon handicap. Par exemple, quand je dois
aller dans un lieu public, je me place dos au mur et face à la personne pour mieux
entendre. Aussi, quand quelqu’un me parle, je lui dis de se mettre en face de moi,
car, comme ça, le son vient directement à moi. J’ai aussi commencé à aider les
gens comme moi. Je suis dans une association pour aider les malentendants et je
leur donne des conseils pour qu’ils aient plus de facilité à s’adapter.

Émilie Dodier

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Ma vie avec un handicap

J’ai toujours travaillé là où il y avait beaucoup de bruit. Au début de ma vingtaine,


je travaillais dans la machinerie lourde et j’avais également fait plusieurs travaux
forestiers. Déjà, les deux métiers que je viens de vous nommer étaient très
bruyants, mais je ne vous ai pas dit le pire dans tout ça : je ne me protégeais pas.
Lorsqu’on me disait de faire attention au bruit, je leur répondais que les bouchons
m’étaient inutiles ou je leur disais que j’irais m’en mettre plus tard. Avoir su ce qui
m’arriverait, j’aurais écouté leur conseil.

Plus je vieillissais et moins j’entendais. Au début, je croyais que tout ça n’était dû


qu’à la vieillesse, mais quand j’ai réalisé que mon ouïe avait continué de diminuer,
j’ai compris que ce n’était pas normal.

La journée où j’ai réalisé que je n’entendais plus rien, j’ai su que j’étais devenu
malentendant. J’ai dû apprendre à m’habituer à ma nouvelle vie, mais tout cela n’a
pas été une tâche aussi simple qu’elle le paraissait. J’ai dû, pour commencer,
m’acheter deux appareils auditifs. Ces appareils n’étaient pas donnés ; je ne sais
pas si vous le savez, mais chaque appareil coûte 3000 dollars, donc multipliez par
deux et ça donne 6000 dollars. Heureusement pour moi, mes assurances ont payé
une partie, donc je n’ai pas eu à dépenser tout cet argent.

Ensuite, j’ai également dû apprendre à lire sur les lèvres, car malgré le fait que
j’avais des appareils, j’ai tout de même encore de la difficulté à entendre. Parfois,
le son peut être coupé par un autre son, ce qui m’empêche quelques fois de bien
comprendre certaines conversations que j’ai avec des gens.

J’ai eu plusieurs autres problèmes reliés avec mon handicap, mais un en


particulier m’a causé beaucoup de tort et c’est le mal d’oreilles quand il y a trop de
bruit. Je trouvais bizarre le fait que je n’entendais plus rien, mais, quand il y avait
trop de bruit, j’avais mal aux oreilles. J’ai finalement trouvé un truc très simple
auquel je n’aurais jamais pensé si je n’avais pas eu la brillante idée de m’asseoir

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sur une banquette et de m’accoter au mur. J’ai su aussitôt que la seule chose que
j’avais à faire désormais, c’était de coller ma tête à un mur.

Je suis devenu un des meilleurs pour lire sur les lèvres, mais je vais
malheureusement devoir trouver un nouveau truc pour comprendre ce que les
gens me disent, car, avec le coronavirus, les masques m’empêchent de lire sur la
bouche des gens. Pour ce qui est du reste, je ne crois pas avoir d’autres problèmes
majeurs en lien avec le fait que je suis malentendant.

Finalement, je tiens à vous dire que nous avons peut-être l’air « nono », mais nous
ne le sommes pas et nous savons ce que vous pensez de nous, ça parait dans
votre face. Nous faisons tout simplement semblant d’être niaiseux parfois pour
tromper les vrais imbéciles.

Mégane Dubé

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Les minuscules écouteurs

Je partis de chez moi pour aller visiter mon petit-fils. Aussitôt arrivé, celui-ci me
sauta dans les bras pour me saluer. Après cet accueil, nous rentrâmes dans la
maison. Je parlai de tout et de rien avec mon fils et sa conjointe, puis, après une
longue discussion, mon petit garçon me demanda :

– Pourquoi tu as tout le temps des minuscules écouteurs dans les oreilles ?

– Ce ne sont pas des écouteurs, ce sont des appareils auditifs. Ils servent à mieux
entendre.

– Pourquoi tu entends mal grand-papa ? Voudrais-tu me raconter ?

– Bien sûr.

Je commençai mon histoire.

Tout a commencé quand j’étais jeune. Je travaillais dans une usine de matériaux.
À ma première année de travail, je respectais les règles de sécurité comme porter
des gants, des lunettes et des bouchons pour les oreilles. Mais, après quelques
années, j’étais tellement habitué au bruit que j’ai enlevé mes bouchons. Puis,
progressivement, quand je rentrais du travail, je revenais à la maison et je parlais
de plus en plus fort. Mais, un soir, alors que ma femme ne me répondait pas, j’allai
m’asseoir devant la télévision, pensant qu’elle m’ignorait, et j’augmentai le son.
Tout allait bien jusqu’à ce que je sente une main sur mon épaule. Je fis le saut. Je
me retournai très vite, c’était ma femme.

– Tu m’as fait peur. Je ne t’avais pas entendue, lui dis-je.

– C’est normal, me répondit-elle, le volume de la télévision est très fort. Je t’ai parlé
et tu ne m’as même pas répondu.

C’est alors que je me rendis compte que mes oreilles ne fonctionnaient plus très
bien.

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Après cette découverte, je décidai de prendre rendez-vous avec une personne qui
pourrait m’aider. La spécialiste me demanda alors comment j’avais perdu l’ouïe et
comment je l’avais découvert. Je lui racontai toute l’histoire. Elle me proposa alors
de porter des appareils auditifs. J’appris alors que ces dispositifs étaient très
onéreux, mais que, heureusement, selon la spécialiste, mes assurances
pourraient en payer une partie puisque ça m’était arrivé dans le cadre de mon
travail.

Quelques jours plus tard, je reçus mes appareils. Même si ça m’avait pris un
certain temps pour m’adapter, ça changea ma vie pour le mieux.

– Alors, as-tu aimé mon histoire mon garçon ?

– Oui et j’espère que tu vas guérir grand-papa, me dit naïvement mon petit-fils.

– Oui, moi aussi, lui répondis-je avec le sourire.

Alexis Doucet

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T’es-tu sourd ?

Salutations. Je sais pourquoi vous êtes ici. Vous êtes là pour une histoire, pas
vrai ? Très bien, asseyez-vous, je vais commencer. Cette histoire a commencé il
y a une dizaine d’années. Combien exactement ? Je ne sais pas, mais c’était avant
ma naissance.

***

Robin était un homme qui travaillait dans les manufactures. Il ne travaillait pas
physiquement, donc il ne portait pas d’équipement de protection, mais, à l’époque,
la sécurité au travail était moins importante.

Le bruit dans les usines et les manufactures est extrêmement fort, alors, après des
années dans cet environnement, Robin a remarqué qu’il en subissait les effets. Un
bon matin, il a remarqué qu’il n’entendait presque plus rien. Le bruit ambiant de la
manufacture avait endommagé ses tympans.

Au début, ce n’était pas facile. Étant donné qu’il n’entendait presque plus rien, il
devait demander de répéter souvent. Les gens devaient parler clairement,
fortement et souvent. Ce n’était pas facile de suivre le rythme des gens comme
nous qui se comprennent sans avoir à articuler.

Sa situation s’est améliorée quand il s’est procuré des appareils auditifs,


permettant ainsi d’amplifier le son ambiant. Chaque appareil coûtait environ
3000 dollars et Robin en avait besoin de deux. De plus, il devait les changer aux
cinq ans. En plus, les piles devaient elles aussi être changées aux deux jours.
Mais avec ces appareils, sa vie a été un peu plus aisée, même si ses problèmes
n’étaient pas finis pour autant.

Les appareils amplifient les sons pour capter la voix, mais tous les autres sons
sont amplifiés aussi. Quand Robin a commencé à aller en ville avec ses appareils,
ses oreilles lui faisaient mal. Tous les bruits présents dans un centre d’achat ou
un restaurant, des lieux assez bruyants, étaient amplifiés et dirigés directement

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sur les tympans de Robin. C’était très pénible, c’est pourquoi il a commencé à
s’asseoir dos au mur dans les restaurants, limitant ainsi les sons inutiles dans son
dos.

Depuis que la pandémie de la COVID-19 est arrivée, Robin a beaucoup plus de


difficulté. Il a réalisé qu’instinctivement il lisait sur les lèvres pour comprendre.
Avec le masque, il ne pouvait plus les voir. Il a dû recommencer à demander aux
gens de répéter ce qu’ils disaient et même de baisser leur masque pour l’aider, ce
que les jeunes gens interprétaient comme la demande idiote d’un sénile qui se
fiche du coronavirus.

Au final, cette histoire prouve que l’expression « T’es-tu sourd ? » est parfois plus
près de la réalité qu’on peut le croire. C’est bien dommage, j’aimerais pouvoir
demander aux gens s’ils ont des problèmes auditifs sans avoir l’air impoli.

Allez, mon histoire est finie. Je vous souhaite bonne route. Soyez prudent !

Nathan Boivin

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