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Les minuscules écouteurs

Je partis de chez moi pour aller visiter mon petit-fils. Aussitôt arrivé, celui-ci me
sauta dans les bras pour me saluer. Après cet accueil, nous rentrâmes dans la
maison. Je parlai de tout et de rien avec mon fils et sa conjointe, puis, après une
longue discussion, mon petit garçon me demanda :

-Pourquoi tu as tout le temps des minuscules écouteurs dans les oreilles?

-Ce ne sont pas des écouteurs, ce sont des appareils auditifs. Ils servent à mieux
entendre.

-Pourquoi tu entends mal grand-papa? Voudrais-tu me raconter?

-Bien sûr.

Je commençai mon histoire.

Tout a commencé quand j’étais jeune. Je travaillais dans une usine de matériaux. À
ma première année de travail, je respectais les règles de sécurité comme porter des
gants, des lunettes et des bouchons pour les oreilles. Mais, après quelques années,
j’étais tellement habitué au bruit que j’ai enlevé mes bouchons. Puis,
progressivement, quand je rentrais du travail, je revenais à la maison et je parlais
de plus en plus fort. Mais, un soir, alors que ma femme ne me répondait pas, j’allai
m’assoir devant la télévision, pensant qu’elle m’ignorait, et j’augmentai le son. Tout
allait bien jusqu’à ce que je sente une main sur mon épaule. Je fis le saut. Je me
retournai très vite, c’était ma femme.

-Tu m’as fait peur. Je ne t’avais pas entendue, lui dis-je.


-C’est normal, me répondit-elle, le volume de la télévision est très fort. Je t’ai parlé
et tu ne m’as même pas répondu.

C’est alors que je me rendis compte que mes oreilles ne fonctionnaient plus très
bien.

Après cette découverte, je décidai de prendre rendez-vous avec une personne qui
pourrait m’aider. La spécialiste me demanda alors comment j’avais perdu l’ouïe et
comment je l’avais découvert. Je lui racontai toute l’histoire. Elle me proposa alors
de porter des appareils auditifs. J’appris alors que ces dispositifs étaient très
onéreux, mais que, heureusement, selon la spécialiste, mes assurances pourraient
en payer une partie puisque ça m’était arrivé dans le cadre de mon travail.

Quelques jours plus tard, je reçus mes appareils. Même si ça m’avait pris un certain
temps pour m’adapter, ça changea ma vie pour le mieux.

-Alors, as-tu aimé mon histoire mon garçon?

-Oui et j’espère que tu vas guérir grand-papa, me dit naïvement mon petit-fils.

-Oui, moi aussi, lui répondis-je avec le sourire.

Alexis Doucet
Une fraction de seconde

-Vite Joanie! Dépêche-toi, on va manquer l’autobus. Je le vois à l’arrêt.

-Oui, attends-moi!

Bang! Plus de sons, plus d’images. Joanie était étendue par terre en plein milieu de
la rue. Toutes les personnes qui se trouvaient dans les alentours formaient
maintenant un grand cercle autour de la victime. Le chauffeur de taxi qui l’avait
heurtée, alarmé, contacta tout de suite les secours. Heureusement, l’hôpital se
trouvait à un coin de rue de l’accident, donc elle fut transportée rapidement.

***

Joanie était une simple étudiante de troisième secondaire à l’école Sainte-Marie de


Princeville. Elle menait une vie bien banale, avait un petit cercle d’amis proches,
mais sans plus. Étant très artistique, elle adorait l’harmonie, le théâtre et le chant.
La jeune adolescente vivait seule avec sa mère puisque son père les avait quittées
alors que Joanie n’était encore qu’une enfant et sa sœur venait d’emménager dans
la ville de Québec pour la poursuite de ses études. C’est le 19 septembre 2010 que
Joanie avait fait le trajet Princeville-Québec pour aller la visiter et voir son nouvel
appartement. Après être allées à une soirée étudiante, les filles couraient sous la
lueur des lampadaires et la pluie battante pour attraper le prochain autobus.

Une fois rendue à l’hôpital, quatre infirmières et un médecin accoururent près de


Joanie essayant tant bien que mal de la ramener consciente. Par chance, ils
obtinrent un pouls assez rapidement. C’est ce qui leur donna l’espoir de continuer
et de s’acharner jusqu’à ce qu’elle ouvre enfin les yeux. Finalement, ce furent 24
jours qui s’écoulèrent avant que Joanie sorte enfin du coma dans lequel elle était
plongée. 24 jours de stress et de souffrance pour sa famille. C’est avec les larmes
aux yeux que tous accueillirent Joanie à son réveil. La pauvre, elle était tellement
confuse.

Après avoir passé un nombre incalculable de tests, les médecins affirmèrent que
c’était le côté frontal droit de son cerveau qui avait été affecté lors de l’impact. En
gros, le traumatisme crânien avait causé la perte de 70% de son cerveau. Joanie
passa ses journées à réapprendre tout de A à Z; toutes les petites actions du
quotidien comme parler, marcher, manger et écrire, Joanie ne savait plus les faire.
Ce fut à la fin juin 2011 qu’elle put enfin sortir de l’hôpital et réintégrer une vie
« normale ».

Joanie était maintenant considérée comme une élève de cinquième année du


primaire. Et oui, c’était possible, même à quinze ans. Ça n’a pas duré longtemps.
Son orgueil l’a amenée à travailler tellement fort qu’elle a réussi à se faire réintégrer
en secondaire deux. Elle fut accompagnée dans tous ses cours et vit son horaire
allégé. Joanie eut beaucoup de détermination face à l’obtention de son diplôme. À
vrai dire, c’était son seul but. Elle voulait prouver qu’elle en était capable et ça se
fit ressentir. De tout son parcours scolaire, elle ne s’était jamais autant surpassée
et n’avait jamais obtenu de tels résultats.

Malgré le lot d’embuches qui croisèrent sa route, la difficulté de concentration et


les nombreuses crises, Joanie avait réussi. Elle obtint son diplôme d’études
secondaires en 2015, le sourire aux lèvres, et fière comme jamais. Elle venait
d’atteindre son but, ce pour quoi elle avait travaillé si fort.

Après cela, elle put faire l’achat d’une maison. Si on regarde d’où elle était partie,
c’est un exploit qu’elle soit là maintenant. Bien qu’elle peut en faire beaucoup par
elle-même, sa mère et sa sœur sont très présentes pour elle. Elles font la cuisine, le
ménage et vont même chercher son courrier. Ces actions semblent simples, mais
ne sont pas sans danger pour Joanie. Essayant de s’occuper dans sa solitude, elle
passe le plus clair de son temps à jouer aux jeux vidéo. Dire que tout aurait pu être
tellement différent. Il y a 12 ans, une seule fraction de seconde a changé une vie
entière.

Marjorie Dubois

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