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Marie Neven
Roman
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« Parfois, il suffit d’une rencontre pour que votre
vie bascule. »
Aurélie Valognes
« Né sous une bonne étoile »
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CHAPITRE 1
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transportait un enfant malade, il revivait ce
cauchemar et cela lui devenait insupportable. Il ne
souffrait plus le milieu médical. Il souhaitait avoir
plus d’indépendance dans sa vie professionnelle et
après en avoir longuement discuté avec Alexandra,
il décida de prendre un congé formation pour
devenir web master, l’objectif étant, à l’issue, de
créer son entreprise.
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médecins ou autre. Après avoir fait une sauvegarde,
elle éteignit son ordinateur.
Elle attrapa son sac et ses clés. Soudain Déva se
précipita vers la porte en gémissant, ce qu’elle ne
faisait pas d’habitude. Olivia ouvrit et se trouva face
à un homme, le doigt sur la sonnette.
Il fit un pas en arrière quand il vit la chienne : un
gros chien, ça impressionne toujours.
- Vous cherchez quelqu’un ? demanda Olivia
en tenant Déva par le collier
- Bonsoir, pardon de vous importuner, vous
êtes Olivia Martin, la psychologue ?
- Bonsoir, oui c’est moi, mais je viens de
fermer le cabinet et je ne reçois plus à cette heure.
Grand, brun grisonnant, les yeux bleus, le visage
ovale, deux rides profondes sur le front, elle lui
donnait 60 ans environ. L’homme semblait fatigué,
perdu et elle crut un instant qu’il allait s’effondrer.
Sans pouvoir expliquer pourquoi, sa détresse l’émut.
Elle avait pourtant l’habitude de rencontrer des gens
cabossés avec de lourdes valises et elle savait faire
preuve d’empathie, mais sans jamais se laisser
dominer par l’affect afin de pouvoir prendre du
recul et se protéger.
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quelqu’un. Juste quelques minutes, s’il vous
plait l’implora ‘t’il.
Elle sentit qu’elle devait le recevoir : jamais elle
ne laissait repartir un patient en peine. Quelques
minutes suffisaient pour un premier contact et
programmer un rendez-vous.
- Laissez-moi deux minutes, le temps d’avertir
mon époux qui m’attend et je vous reçois, à titre
exceptionnel. Installez-vous dans la salle d’attente et
j’arrive. N’ayez pas peur de ma chienne, elle
participe à tous mes rendez-vous. Tu viens Déva ?.
La chienne la suivit et se coucha, les yeux rivés
vers le siège où s’était installé l’homme.
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- C’est normal d’avoir peur. Mais c’est ce qui va
vous donner de la force aussi, celle de vous battre et
vous savez qui est votre ennemi. Avez-vous des
proches ? Une famille ? C’est important d’être
soutenu.
Et là, Olivia le vit se décomposer… Une larme
roula sur sa joue et chuta sur ses mains crispées. Et
il lui dit, d’une voix tremblante :
- Je suis seul. Ma femme, enfin, ma compagne, on
n’était pas mariés, a disparu il y a trente-cinq ans
avec ma fille. Elle est partie, comme ça, du jour au
lendemain, la petite avait deux ans…. Je n’ai plus eu
de nouvelles. J’ai cherché, cherché, sans succès. J’ai
fait un signalement à la gendarmerie qui m’a
simplement dit que toute personne a le droit de
disparaitre… Oui, mais, avec notre enfant…?
Et l’annonce de ma maladie vient de me renvoyer
à ce passé si douloureux que j’ai voulu enfuir très
profondément en moi. Je me suis forgé une
carapace pendant toutes ces années, pour ne pas
m’écrouler, mais je savais qu’un jour ou l’autre, tout
reviendrait. Je vais mourir et je n’aurai jamais
connu ma fille. Je donnerai n’importe quoi pour la
retrouver. Vous comprenez, n’est-ce pas ?
Olivia réfléchissait. Que dire ? Que répondre ?
Elle en avait vu des situations compliquées, telles
que celle-ci. Elle se demandait souvent pourquoi elle
avait embrassé cette profession qui la confronte
chaque jour à la détresse humaine, où elle n’a pas
les réponses et pas de baguettes magiques. Il faut
trouver les mots justes, aider les gens à gérer leur
douleur, leur difficulté et à les appréhender
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différemment. Et ne pas toujours dire ce qu’ils ont
envie d’entendre. Mais, malgré tout, elle adore son
métier et se sent à sa place et ne changerait pour
rien au monde.
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Olivia referma la porte et s’assit, vidée, touchée
par cet homme. Elle regarda sa chienne :
- Toi aussi, il t’a touchée, hein ? Déva lui donna
la patte.
Elle resta ainsi songeuse. Elle avait une étrange
sensation, comme si elle le connaissait depuis
toujours, pourtant, elle était sûre de ne l’avoir
jamais rencontré. Pourquoi se sentait ’elle si
proche, si impactée par ce début d’histoire dont elle
ne connaissait pourtant pas grand-chose ?
Son téléphone la ramena à la réalité. Oh ! Mon
Dieu ! Alexandre ! Il l’attendait.
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Chapitre 2
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- Ne t’avise pas de me toucher. Je ne suis plus
une enfant ! Tu es peut-être ma mère, mais cela ne
te donne pas tous les droits. Alors maintenant,
stop ! Ça suffit ! Quant à ce qui est bon pour moi, je
suis encore capable de faire la part des choses.
Alors, regarde-moi bien, car c’est la dernière fois
que tu me vois. et je ne veux plus avoir à faire à toi
pour quoique ce soit. Tu m’oublies, t’as compris ?
- Après tout ce que j’ai fait pour toi…..
Et, Olivia, sans lui laisser le temps de finir sa
phrase, attrapa son sac et sortit en claquant la porte,
hors d’elle. Elle monta dans sa voiture et démarra
en trombe. Mais elle s’arrêta quelques kilomètres
plus loin : elle enrageait et pleura toutes les larmes
de son corps, à la fois soulagée d’avoir enfin pu vider
son sac, et furieuse.
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Alexandre et Olivia connaissaient bien cette
région : ils y venaient souvent pour un weekend ou
des séjours plus longs. Ils en étaient tombés
amoureux dès leur première venue. Tous les deux,
très sensibles aux ambiances des lieux, des maisons,
s’étaient sentis chez eux, comme un retour aux
sources, aux origines. Mais ni l’un ni l’autre
n’avaient de racines bretonnes, à leur connaissance.
Et étaient loin d’imaginer qu’ils y seraient un jour
propriétaires, même si ils avaient évoqué la
possibilité de franchir le pas, pour leur retraite, plus
tard…. Voilà que le destin s’en chargeait,
maintenant.
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domicile légale. Aussi, presque culpabilisant de jeter
tous ces objets, derniers témoins du passé.
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réconfortante. Ils prirent le chemin du retour et
retrouvèrent Déva là où ils l’avaient laissée.
Chapitre 3
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Olivia avait souvent posé des questions, mais
Louise s’arrangeait toujours pour les esquiver et
répondait :
- C’est du passé. Il ne faut pas le remuer, ça ne
sert à rien. Et elle s’enfermait dans son silence et
retournait vaquer à ses occupations comme si tout
était normal.
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Alexandre dormait profondément. Il était cinq
heures. Le jour commençait à peine à chasser la
nuit. Olivia se leva, et prit Déva avec elle pour une
balade sur la côte. A cette heure-ci, tout est calme.
Seul, le chant des oiseaux dans les buissons et le cri
des mouettes volant de rochers en rochers qu’elle
aime tant. Marcher pied nu sur le sable, sentir les
grains si fins s’enfoncer sous ses pieds, se remplir
les poumons de l’air iodé. Des instants de bonheur
si furtif, profiter pleinement de l’instant présent qui
déjà appartient au passé.
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maitrise de sa vie et l’inconnu a tendance à
l’angoisser. Et pourtant, combien de fois, a-t-elle eu
aussi envie de tout plaquer, recommencer à zéro,
découvrir d’autres univers. Et c’est aussi en cela,
qu’ils sont connectés tous les deux.
- Tu as raison, on va y réfléchir sérieusement,
après tout, personne n’est indispensable. Bon, en
attendant, on a une virée à faire à la
déchetterie ! Dit ’elle en se levant pour l’embrasser
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d’avoir enfin trouver la bonne place pour poser ses
valises.
Elle s’approcha de son mari qu’elle enlaça et lui
murmura à l’oreille.
- Chéri, c’est d’accord. On emménage ici… »
Alexandre sursauta et se retourna surpris.
- Tu es sûre ? Je ne t’ai jamais vu prendre une
décision aussi rapidement ... .
- C’est vrai. Je ne peux pas t’expliquer, mais j’ai
ma petite voix intérieure qui me dit de foncer… . Je
sens que c’est juste. On est à notre place ici, tu le
sens toi aussi, et je sais que depuis quelques temps
la vie en ville te pèse…La vie ne nous a pas fait de
cadeau et ce qui nous arrive aujourd’hui en est peut-
être un… Et ici, c’est comme une évidence, je me
sens à ma place.
- Ecoute, on va finir notre weekend sans trop se
prendre la tête, rentrer chez nous demain et on en
reparle.
- Ça me va. Aujourd’hui, on aurait pu réfléchir
aux travaux que l’on va démarrer. Qu’est ce qui est
le plus urgent ?
- Il me semble que restaurer le cabanon devrait
être la priorité, pour que tu puisses y recevoir tes
patients dans de bonnes conditions, si tel est notre
projet. » Dit ’il en faisant allusion à la décision
soudaine de sa femme.
Le cabanon ressemblait à une cabane de pêcheur.
Certes il y avait pas mal de travail de nettoyage,
d’isolation, revoir la toiture… Rien qui ne les
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effrayait, Alexandre avait des mains en or et ce
genre de chantier ne l’impressionnait pas. Et Olivia
avait un goût certain pour l’aménagement et la
décoration.
- On va commencer par le vider, et on aura
déjà une vision de l’espace plus réaliste. Qu’en
penses –tu ?
Olivia lui sourit et déjà, se projetait dans cet
espace, se voyait recevoir ses patients, ici, en dehors
de la ville, loin de toutes nuisances sonores, de tous
le stress de la vie citadine.
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Chapitre 4
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- Merci de me recevoir si rapidement.
J’attendais cet entretien avec impatience et cela m’a
fait du bien de savoir que j’allais vous rencontrer.
- Voulez-vous me parler de vous, de votre vie ?
- Oh, il n’y a pas grand-chose d’intéressant à
dire. J’ai 65 ans, je suis à la retraite depuis 3 ans.
J’étais chef de cuisine dans un grand hôtel
restaurant en Bretagne.
- En Bretagne ?
- Oui, à Perros Guirrec, sur la côte de Granit
Rose, une belle région. J’y ai fait pratiquement toute
ma carrière.
Olivia faillit sursauter et eu du mal cacher son
trouble. Tiens, c’est curieux…. En Bretagne et pas
très loin de notre maison. Elle se transporta
quelques instants dans sa maison à Plougrescant…
Elle revint à elle très vite et enchaina son entretien.
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au lendemain, sans laisser d’adresse, rien… Comme
si elle voulait me rayer de sa vie.
- Votre épouse avait ’elle de la famille ?
- Nous n’étions pas mariés. Oui elle avait une
sœur, mais elles étaient fâchées depuis des années.
Elle avait aussi coupé les ponts avec ses parents.
- Savez-vous pourquoi ?
- Non, je n’ai jamais su. En fait, je ne les ai
jamais rencontrés et à chaque fois que j’ai voulu
abordé le sujet, elle l’a esquivé en me disant que tout
ça était derrière elle et qu’elle ne voulait plus en
entendre parler. Elle est tombée enceinte très vite et
Hélène est arrivée au monde. Une belle petite fille.
Un grand bonheur. Mais qui hélas n’a pas duré
longtemps. Deux ans. Avec mon métier, je rentrais
tard le soir et un jour, j’ai trouvé la maison vide.
Nous habitions une petite maison dans un village
non loin de la côte.
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- Euh, non, oui… enfin, comme tout le monde.
On se disputait quelque fois, mais rien de grave. Elle
avait du mal avec mes horaires de travail, vous
savez, dans l’hôtellerie, on vit en décalage avec le
reste du monde, mais elle le savait au départ et cela
ne m’empêchait pas de m’occuper de la petite
lorsque j’étais de repos. Mais, c’est vrai, que depuis
la naissance, elle était plus distante. Elle refusait
pratiquement tout rapport sexuel, prétextant qu’elle
était fatiguée. Et je pense que je me suis laissé croire
que c’était normal. J’avais entendu parler des
dépressions que font les jeunes mamans.
- Oui, cela arrive fréquemment, mais cela ne
dure, en principe, pas très longtemps. Comment
avez-vous vécu cette disparition ? Avez-vous
culpabilisé ?
- Oui, au début, j’ai vraiment cru que c’était de
ma faute, que je n’étais pas assez attentif, que c’était
à cause de mes horaires de travail. En même temps,
j’étais en colère… Je lui en ai voulu longtemps.
- Et maintenant ? Avez-vous refait votre vie ?
- Cela va faire 35 ans que je me pose toujours
les mêmes questions. J’ai eu quelques aventures,
sans lendemain. Je n’ai pas voulu m’investir dans
une nouvelle relation, de peur de tout perdre à
nouveau. Après tout, c’est peut-être de ma faute. Je
ne suis pas assez intéressant, à part mon métier que
j’adore, je ne sais rien faire d’autres. Je ne suis pas
bricoleur, je n’ai pas d’amis.
- Vous avez vécu tout ce temps sans avoir de
vraie vie sociale ?
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- Bon, j’ai quelques copains, comme ça, mais
personne à qui j’aurai pu me confier. Et j’ai du mal à
parler de moi. Après tout, les gens ont leurs
problèmes et je ne veux pas embêter les autres avec
les miens. Et puis, ça intéresse qui, un homme qui
pleure et qui se plaint ?
- Vous m’avez dit avoir fait des recherches ?
Quels genres de recherches ?
- A l’époque, il n’y avait pas Internet, les
réseaux sociaux, comme maintenant. J’avais alerté
la gendarmerie, mais ils m’ont dit que chacun avait
le droit de disparaitre et quand il s’agit d’adulte, il
faut de bonnes raisons pour ouvrir une enquête. Ce
qu’ils ont fait quand même, quand j’ai insisté sur le
fait qu’elle était partie avec ma fille. mais sans
résultat et cela a été classé sans suite. Puis, plus
récemment, je me suis inscrit sur des sites espérant
pouvoir retrouver leur trace. Je me suis imaginé
plein de scénarios : décès, départ à l’étranger,
enlèvement…J’ai même diffusé des photos dans des
petites annonces.
En disant cela, il sortit de la poche de sa veste une
ancienne photo : un jardin, un homme assis avec
une fillette sur ses genoux à côté d’un arbre.
- La voilà et à coté ; c’est moi, elle avait 18
mois. On était heureux… enfin, moi je l’étais… . dit
’il en rangeant la photo. Voyez comme elle était belle
ma petite Hélène ! ajouta-t-il avec fierté.
Olivia la regarda sans trop y prêter attention.
- Oui, c’est une belle enfant. Mais, avez-vous
pensé au changement d’identité ? Cela arrive. Il y a
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des réseaux mafieux qui moyennant finances,
peuvent procurer de nouveaux papiers.
- Oui, mais alors, comment faire ? Mes jours
sont comptés, je le sais. Je vais mourir et mon vœu
le plus cher est de revoir ma fille.
- Comment appréhendez-vous la mort ? Je suis
un peu direct peut-être, mais elle s’est matérialisée à
travers l’annonce de votre cancer. C’est un choc qu’il
faut absorber. Et vous allez devoir mener un
combat. Et la quête de votre fille va être un moteur
supplémentaire pour vous battre.
- J’espère…. Ce cancer bouscule ma façon
d’envisager l’avenir. J’ai même pensé à en finir et
maintenant, que j’ai cette épée au-dessus de la tête,
j’ai peur. Mais, j’ai envie de vivre, pour deux.
- Vous m’avez dit commencer la radiothérapie
cette semaine ?
- Oui, jeudi, premier rendez-vous.
- Qu’est-ce qui a fait que vous avez décidé de
consulter ?
- Oh, il y a longtemps que j’y songe… mais je
n’y arrivais pas. C’est dur de se déshabiller devant
quelqu’un, vous savez… Mais l’annonce de ma
maladie a provoqué un déclic en moi, comme une
évidence et je ne sais pas pourquoi, j’ai erré dans la
ville, je suis passé dans cette rue, alors que je n’y
viens jamais… et j’ai vu votre plaque et je suis entré.
- C’était le moment… la vie nous guide et nous
amène là où il faut…. Je vous propose de vous
revoir la semaine prochaine, lundi à la même heure,
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si vous voulez. Prenez le temps de réfléchir à notre
échange, de vous reposer et nous reparlerons de
tout cela.
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M. Le Royer parti, Olivia se laissa tomber dans
son fauteuil, Déva à côté d’elle, sa tête sur ces
genoux. Elle se sentait vidée, épuisée. Cet homme la
touche… Son parcours, sa détresse, sa maladie. Elle
sait qu’elle doit prendre de la distance avec les
histoires de ses patients, mais…Et puis, ils ont des
points communs, tous les deux… Le prénom de sa
fille, son âge, la maison dans un petit village sur la
côte bretonne, sa vie en Bretagne, le Saint
Bernard….Cela fait beaucoup de hasards…. Une idée
commençait à germer dans sa tête.
Lors de leur prochain entretien, il faut qu’elle en
sache plus sur cet homme et son passé.
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Azilis et Olivia étaient amies depuis leur enfance.
Elles étaient voisines et ont partagé les mêmes
classes. Elles ont suivi des parcours professionnels
différents. Azilis est généalogiste successorale,
métier qu’elle adore. Ce parcours n’a pas étonné
Olivia car, déjà, plus jeune, elle passait son temps
dans les livres d’histoires, à la recherche de vieux
documents, à retracer l’histoire de sa famille. Elle
avait même construit l’arbre généalogique des rois
de France, ce qui amusait beaucoup Olivia.
Et lorsque Erwan, le mari d’Azilis est décédé
brutalement, il y a 7 ans. Olivia lui a tenu la main
durant des semaines, elle l’a accompagnée dans sa
douleur. Il ne pouvait en être autrement. Ce qui a
renforcé leur lien. Puis, c’est elle qui a été présente
quand leur enfant est mort. Chaque jour, elle a été
là, à les soutenir, à les aider à avancer.
Olivia s’en veut : depuis combien de temps n’a-t-
elle pas pris du temps pour son amie..
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Chapitre 5
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Azilis pouvait lire en elle comme dans un livre
ouvert. Elles se connaissaient si bien et elle sentit
que quelque chose préoccupait Olivia.
- C’est ma mère …
- Quoi ta mère, qu’a-t-elle encore fait ?
- Elle est morte.
- Oh pardon… je suis désolée pour toi.
- Ne t’inquiète pas. Cela ne m’a pas affectée,
mais juste ré ouvert des blessures que je tentais
d’enfouir. Tu connais mon histoire… Mais le passé
finit toujours par nous rattraper, n’est-ce pas ?
- Que s’est-il passé ?
- Assieds-toi bien : j’ai hérité de sa maison en
Bretagne en même temps que j’apprenais son
décès…
Et Olivia lui relata : le notaire, la maison, la
Bretagne et aussi le projet de déménager…
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- Oui et curieusement, je n’ai pas eu de
mauvaises sensations. Quant à Alexandre, il est sous
le charme et tu le connais, toujours prêt à relever un
nouveau défi…. Jusqu’à Deva qui s’y est installée
comme si elle y avait toujours habité. Oui, c’est ça :
c’est comme si on y avait toujours vécu… C’est une
évidence. Ça arrive entre humain : quand j’ai
rencontré Alexandre, j’ai eu l’impression de
reprendre la conversation qu’on avait laissée la
veille… Eh bien, cette maison, c’est pareil, c’est
comme si j’en connaissais chaque recoin, alors que
j’en ignorais l’existence il y a encore peu. Tu
comprends ça ?
- Oui, je crois. Et peut-être que cela va amener
des réponses à tes questions, ton père ?
- Tu ne vas pas le croire, mais en même temps,
j’ai rencontré un monsieur dans le cadre de mes
entretiens….Et elle lui raconta sa rencontre avec M.
Le Royer.
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- Ecoute, je dois savoir et je le reçois à nouveau
cette semaine.
- Fais attention, tu dépasses les limites de ton
champ d’intervention. Comment vas-tu t’y prendre ?
Euh, bonjour, je crois que je suis votre fille, et ma
mère était votre compagne et elle m’avait dit que
vous nous aviez abandonné, etc….T’imagines le choc
pour lui, surtout si cela n’était pas le cas… Tu ne
peux pas lui donner de faux espoir. C’est trop tôt.
- Mais non, je ne sais pas…. Je suis un peu
perdue. Je suis en boucle là-dessus… Ça me hante.
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- Oui, tu as raison, je t’en demande trop…
pardon. Mais j’ai tellement besoin de retrouver mon
père… Je suis de plus en plus certaine que ma mère
m’a menti sur ma naissance, mon père, peut-être
une famille que je dois avoir quelque part…
Azilis sans rien dire se leva, ouvrit un tiroir de son
bureau et en sortit un bout de papier qu’elle lui
tendit.
- Par contre, tu peux lui donner ma carte. Je
veux bien le recevoir. Mais ce sera à lui de te faire
part de mes trouvailles… On est d’accord ?
- Oui, oui, merci, merci. Bon, on parle de moi,
mais toi, comment vas-tu ?
- Ça va. Mon travail me prend beaucoup de
temps. Mais Erwan me manque terriblement. Cela
fait bientôt 7 ans, mais ma douleur est toujours
aussi vive. On était si bien, si heureux ensemble.
Heureusement que je t’ai eu, car je ne sais pas si
j’aurai pu survivre à son départ. Tu as été là pour
moi, à me porter, me bercer sans jamais
m’abandonner.
- Tu as été là aussi pour nous à la disparition
de Romain. Nous avons partagé notre douleur…je
sais combien tu souffres. A nous aussi, notre petit
enfant nous manque affreusement. La vie ne nous a
pas fait de cadeau, mais il faut avancer, on n’a pas le
choix. Même si on va déménager, je ne vais pas
t’abandonner pour autant. On reste en contact… et
puis, tu viendras te ressourcer quand tu veux. Tu
verras, c’est une région fantastique..
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- Je suis un peu triste de te voir partir, mais,
bon, ainsi va la vie et promis, on ne se perd pas de
vue ?
- De toute façon, on ne part pas de suite…
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Chapitre 6
48
Alexandre s’assit à ses côtés et se fit rassurant.
- Bon, on va prendre le temps. Et puis, on va
devoir vérifier toutes ces informations. On peut
commencer par tes grands-parents. Que dit leur
acte de décès ?
Olivia s’était arrêtée à la date de leur mort mais
n’avait pas été jusqu’au bout du document et
découvrit qu’ils étaient morts tous les deux à
Rennes. Peut-être est-ce là qu’ils vivaient ?
- Tu devrais solliciter Azilis, c’est son métier et
elle pourrait t’être d’une aide précieuse.
- En fait, je ne t’ai pas tout dit… et elle raconta
sa rencontre avec M. Le Royer et ce qu’elle avait
déjà demandé à son amie. Ne m’en veux pas, mais
j’ai besoin de savoir, tu peux comprendre ça ?
- Oui, je comprends bien sûr, mais fait
attention de ne pas sortir du cadre de ton métier.
- Je sais, mais ce monsieur m’a touchée et cela
me hante depuis.
- Je comprends que tu veuilles retrouver ton
père, mais protège toi, prends de la distance. Ta vie
privée est en train d’empiéter sur ta vie
professionnelle… . Je suis sure qu’Azilis va faire son
possible pour t’aider, laisse là faire et laisse venir les
choses.
Olivia lui caressa la main et songea qu’il avait
toujours le bon mot pour la remettre sur les rails.
- Tu te rends compte que je suis psychologue,
je reçois toute la journée des personnes qui se
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battent avec leur maladie, leur mal être, leurs
histoires … et voilà que je vais me battre moi aussi
pour les mêmes choses. Sauf que c’est plus facile de
guider les autres que de se guider soi-même. Je ne
sais pas si je suis capable d’affronter tout ça. Je vais
avoir besoin de toi … car je pense que je ne suis pas
au bout de mes surprises.
- Tu sais que tu peux compter sur moi. On a
déjà affronté des moments douloureux et je suis
convaincu que ce que tu vis actuellement va
t’emmener vers des instants plus heureux.
- J’espère. Cela me fait penser au titre d’un
livre d’Angélique Barberat « L’instant précis où les
destins s’entremêlent ». Eh bien, j’ai la sensation
que j’y suis.
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- Plus ça va, plus je me dis que je suis passée à
côté d’elle. J’ai coupé tous les liens qui me
retenaient à elle sans me poser de questions, sans
me demander si elle en avait souffert. Elle ne m’a
jamais contactée après mon départ, moi non plus
d’ailleurs…
- Tu ne vas pas commencer à culpabiliser. On
n’est pas responsable de ce qu’on vécut nos parents.
Quand tu es partie, tu as fait ce que tu pensais bon
pour toi et certainement qu’à ce moment-là, c’était
ce qu’il fallait. On ne va pas rejouer l’histoire, donc,
maintenant, tu avances, tu vas découvrir
certainement l’histoire de ta mère. Si ces documents
viennent à toi aujourd’hui, ce n’est pas par hasard.
Elle aurait pu les détruire, elle ne l’a pas fait et
regarde l’enveloppe, il y a ton nom dessus. C’est
bien qu’elle voulait que tu découvres votre histoire à
toutes les deux après son décès.
- Oui, c’est vrai… Qu’a-t-elle vécu de si terrible
pour m’avoir tenue à l’écart de ma famille ? Et ne
pas m’avoir fait confiance pour me parler ?
- Rien ne sert de te torturer, il y a des
questions auxquelles tu n’auras pas les réponses…
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L’âme
Un ange passe
Et il l’enlace.
Elle s’envole.
La vie la frôle.
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Chapitre 7
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Elle ne résista pas à la tentation de lui poser la
question qui la taraudait depuis quelques instants.
- Vous m’aviez dit que vous aviez travaillé à
Perros Guirrec et que vous êtes à la retraite depuis 3
ans. Vous êtes resté à Perros Guirrec après ?
- Non, j’ai eu besoin de mettre de la distance.
Cela a été dur pour moi d’arrêter de travailler, mais
le poste de cuisinier est très dur physiquement et je
commençais à être vraiment fatigué. Donc, j’ai
emménagé à Rennes. Mais j’avais un loyer très cher
et cela devenait compliqué financièrement ; ma
retraite n’est pas très élevée. Il y a un an, j’ai trouvé
un appartement ici à Laval, plus abordable et
finalement, j’y suis bien.
- Je comprends. Puis-je vous demander où
vous habitiez quand vous étiez avec votre
compagne.. ?
- A l’époque, je travaillais dans un restaurant à
Tréguier. Et elle, était secrétaire à la mairie. Nous
habitions une petite maison dans la vieille ville.
J’ai embauché après son départ à Perros Guirrec.
Je ne pouvais plus rester dans notre ancien
appartement, c’était trop dur, je les voyais partout.
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- Prenez soin de vous, vous êtes une belle
personne.
Et il sortit.
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Elle trouva, bien sûr, des clichés de sa mère :
c’était une belle femme, brune, les traits fins, mais
durs, une certaine tristesse aussi. Elle ne souriait
sur aucune de ses photos. Une attira son attention :
sa mère, qui devait avoir une vingtaine d’année, à
côté d’une autre jeune femme qui lui ressemblait
beaucoup, plus petite, qui souriait. Derrière elle, un
couple…La jeune femme ressemblait à la dame plus
âgée. En fond, des rochers et une plage…. Elle
retourna la photo et il était inscrit :
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- Hélène et Christophe à Tréguier en mai 1987.
Tu es née le 6 septembre 1984, et en mai, tu aurais
eu 18 mois…Les dates concordent. Mais il y a un hic
…
- Lequel ?
- Eh bien, tu t’appelles Olivia !
- Mais chéri, mon deuxième prénom, c’est
Hélène.
- Bon, d’accord, mais on va comparer la photo
avec celles de toi qui sont dans notre album.
Et Alexandre alla chercher l’album et mis côte à
côte la photo et une d’elle où elle avait à peu près le
même âge..
Olivia le regarda et murmura :
Mon amour, je crois qu’il n’y a plus aucun doute.
Qu’est-ce qu’on fait ? Est-ce que je dois l’appeler ?
Olivia se sentait perdue. Depuis tant d’années
qu’elle cherche son père, voilà que le destin se
manifestait. Mais en même temps, elle avait
tellement peur d’être déçue, de se tromper, qu’elle
ne savait plus trop si elle voulait aller plus loin. Ne
voyait-elle pas ce qu’elle voulait y voir ? Son esprit
lui jouait ’il des tours ?
- Et si c’était qu’une série de coïncidences…
- Bon écoute, on va prendre le temps. Il faut
vérifier tout cela avant de le contacter.
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- Il faut que je voie Azilis. Elle a l’habitude de
ce genre de situation et elle va me dire par où
commencer.
- Excellente idée. Si on l’invitait ce soir….On
pourrait lui montrer les documents et les photos ?
- Super ! Je vais l’appeler.
65
Chapitre 8
66
- Oui, oui, je sais, j’essaie de garder la tête
froide et puis il y a quelqu’un qui se charge de me le
rappeler dit ’elle en regardant son mari.
- Tu peux compter sur moi, répondit ’-il avec
un clin d’œil.
68
Et Azilis expliqua à son amie comment consulter
un acte d’état civil, en demander une copie à la
mairie.
- Il faut que tu récupères les actes de décès et
de naissance de tes grands parents, si possible, celui
de leur mariage (tu verras bien dans quelle
commune ils se sont mariés), puis l’acte de
naissance de ta mère. Déjà, à partir de ces éléments,
on va pouvoir avancer. Ça va aller ? Tu penses avoir
le temps ?
- Je vais commencer par ça dès notre arrivée.
Et je te tiendrais au courant. Et pour monsieur Le
Royer, que vas –tu faire ?
- Comment ça, qu’est-ce que je vais faire ?
- Eh bien, tu vas lui parler de la photo ?
- Non, je vais l’écouter, et je vais voir quelles
tournures prennent les choses. Il faut que je te dise
une chose : il est évident, d’après ce que je viens de
voir et ce que tu me dis, qu’il y a un secret dans ta
famille, des histoires qui se sont construites sur des
non-dits et cela risque de t’affecter plus que tu ne le
penses. Tu es bien placée pour le savoir. Il va falloir
que tu le gères…
- J’y ai pensé aussi et je me prépare
psychologiquement déclara Olivia avec assurance.
70
Chapitre 9
73
- Vendu ! Tu vas nous faire cela très bien
répondit Olivia qui connaissait les talents de
bricoleur de son mari et heureuse de le voir investit
dans leur projet.
- En attendant, il y a plus urgent. Dès demain,
on va à Tréguier acheter tout ce qu’il nous faut et on
démarre. Je suppose que tu vas passer à la mairie ?
- Oui, je vais récupérer les documents que m’a
demandés Azilis et je lui transmettrai aussitôt. J’ai
hâte d’avancer dans cette histoire.
75
Elle transmit le tout à Azilis.
78
Deux livrets, donc un vrai et un faux. Elle venait de
réaliser la gravité de la situation. Toute sa vie, elle a
fourni un faux livret… Qui donc a réalisé cette
falsification ? Soudain, quelque chose lui revint à
l’esprit. Sa mère travaillait à l’époque de sa
naissance à la mairie de Tréguier, à l’état civil. Elle
était donc en mesure de produire de faux
documents… Mais pourquoi ?
Elle reprit les deux livrets qu’elle compara à
nouveau. Sa mère avait bien eu un deuxième enfant
nommé Olivier, déclaré lui aussi « de père
inconnu », mais sur les deux livrets. Il était né le 03
février 1986 à Tréguier. Ce qui confortait ce qu’elle
avait déjà découvert dans les documents qu’elle
avait chez elle.
Elle remit les livrets dans l’enveloppe et rejoint
son mari à qui elle montra sa découverte.
- Tiens , lis
- Qu’est-ce que c’est ? Où as-tu trouvé
ça ?demanda Alexandre en la regardant.
- Derrière l’armoire, dans les combles. Ouvre,
lis... dit ’elle en tremblant
Alexandre parcourut les livrets, plusieurs fois.
- Nom de Dieu ! s’exclama t’il Comment s’est
possible ?
- Tu te rends compte. Monsieur Le Royer est
bien mon père… Je le savais, je le sentais ! Mais
pourquoi a-t-elle eu besoin de falsifier mon acte de
naissance ? Mon nom ? Je porte celui de ma mère.
Mon prénom ? Tu te rends comptes, elle a changé
79
mon prénom ! Qui suis-je ? Quel est le secret qui se
cache derrière tout ça ? Et maintenant, qu’est-ce que
je fais de tout ça ?
- Je ne sais pas, je suis abasourdi. Oh, ma
chérie, dit ’il en la prenant dans ses bras… Je ne sais
pas quoi te dire. Comment te sens-tu ?
- Eh bien, comme si j’avais pris un TGV en
pleine gueule… D’un côté, j’ai la réponse à la
question que je me pose depuis toujours et d’un
autre, tous ces mystères me laissent un gout amer et
j’ai peur de tout ce qui s’y cache. En arriver au point
de rayer et de modifier l’identité de quelqu’un sur
un livret de famille… . c’est grave… Il y a forcément
une explication. Et ce frère qui me tombe du ciel ?
Où est ’il ? Qui est ‘il maintenant ? Que sait ’il ?
Je fais comment avec ça ? Qui suis-je ? J’ai
construit toute ma vie là –dessus et la nôtre aussi.
- Pour moi, cela ne change rien, tu es la femme
de ma vie. Tu es Olivia. Et si tu es Hélène, eh bien, je
ferai connaissance avec elle. Ecoute, il est tard. On
rentre demain. On va ramener tout cela avec nous et
les montrer à Azilis.
81
Chapitre 10
Toute ma vie, j’ai fui. J’ai fui ma vie, j’ai fui ceux
qui ont essayé de me rendre heureuse, j’ai fui
l’amour, jusqu’à enfreindre les lois pour me cacher,
me protéger et je pensais à travers tout ça, te
protéger aussi. J’ai abandonné aussi.
Ne me juge pas. J’étais incapable d’agir
autrement. C’était au-dessus de mes forces. Je t’ai
fait souffrir et j’ai fait souffrir un homme qui
m’aimait, mais à qui je n’arrivais pas à donner de
l’amour, en qui je n’arrivais pas à avoir confiance.
Cet homme, c’est ton père. J’ai dû l’abandonner,
lâchement. Je sais que je l’ai détruit, mais la vie
normale, ce n’était pas pour moi. Mais je voulais te
protéger des hommes. C’est un homme qui m’a
détruite. J’avais peur que ton père agisse avec toi
comme le mien avec moi. Aussi, j’ai fui, je me suis
construite une autre vie pour lui échapper. Mais, en
fait, c’était pour échapper à moi-même… On a vécu
toutes les deux. Je sais que je t’ai éloignée de tout,
de tes amies, de tes premiers amoureux… Je ne
voulais pas que les autres hommes te fassent
souffrir. Pardon pour tout cela. Je n’ai pas pu te
82
parler : j’en étais bien incapable. Et depuis que tu
m’as reniée, j’ai beaucoup réfléchi, j’ai eu mal.
Tu sais, que j’écrivais des poèmes. Alors, j’ai
commencé à écrire mon histoire à travers ce début
de manuscrit que tu vas découvrir ensuite et dont je
n’ai pas eu assez de courage pour en écrire la suite.
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11 juillet 1990
85
La grande n’éprouve aucun sentiment vis-à-vis
de ses géniteurs. Surtout pas de l’amour, que de
l’indifférence. Elle a essayé, mais c’était au-dessus
de ses forces. Non, juste de l’indifférence.
Juin 1983
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« Tu me laisses tranquille, je ne veux plus avoir à
faire à vous ».
Il s’en suivi une discussion violente au cours de
laquelle la Grande cracha sa révolte, vida son sac
tellement lourd à porter depuis si longtemps. Mais
sans être capable d’employer les vrais mots…C’est
tellement difficile, ça ne sort pas. Ils sont présents
dans son esprit, restent bloqués dans sa gorge et ne
parviennent pas à s’en extraire. Elle a juste dit :
« Ce qu’il nous a fait pendant des années.. »
Et la réponse terrible de la Mère :
« Il y en a une qui a fait bien pire dans la famille
! ». Elle faisait allusion à l’une de ses tantes qui
voulait coucher avec le Père. Bien pire !! Mai, ça,
c’est entre adulte consentant…on s’en fout…
« Bien pire ! » Et la Grande comprit que la mère
était au courant. Elle eut envie de vomir. Et pour
couronner le tout, elle entendit à travers le
combiné, une voix qui hurlait, sa voix à lui :
« Tu es une saloperie ! »
Voilà ce qu’elle était « une saloperie ».
Puis s’en suivirent les éternels « tu te laisses
monter la tête, tu es manipulée par la famille, etc ».
Elle répondit simplement :
« J’ai un avantage sur vous, c’est que je peux me
présenter chez n’importe qui dans la famille, je
serai bien reçue ! Et cela n’est pas votre cas. On n’a
donc plus rien à se dire. Je ne veux plus voir. Je ne
87
veux plus rien avoir à faire avec vous. Vous
n’existez plus pour moi. »
Et elle raccrocha, prostrée quelques instants,
mais enfin soulagée d’avoir mis fin à cette
situation. Elle était en rage, tremblante…. Toutes
ces années qu’elle expulsait enfin. Elle avait fait
semblant pendant trop longtemps.
Quelques jours plus tard, elle reçut un appel de
la Petite, sa sœur qui lui dit :
« Maman m’a dit que vous aviez eu un petit
différent ».
Petit différent ! Voilà à quoi se résumait leur
altercation.
La Grande éclata de rire nerveusement, et lui
résuma la situation. Bien sûr, le soutien qu’elle
attendait de la petite ne vint. Mais, en même temps,
elle n’en n’était pas étonnée.
La Petite lui dit « Moi, j’ai pardonné ».
« Parfait. Désolée, je n’ai pas ta grandeur d’âme.
Tu as fait ton choix et je ne te demande pas d’en
faire un non plus, mais juste de respecter ma
position. Pour moi, c’est simple, je ne veux plus
avoir à faire à eux. Je n’ai aucun sentiment pour
eux et je crois que je n’en ai jamais eu. Je ne peux
plus faire semblant ».
88
indifférence, tout ce qu’on avait fait pour elle. Eux,
les gentils, elle la méchante.
Et la Mère continuait à appeler régulièrement et
la Grande lui raccrochait au nez.
Puis, elle envoyait des cartes pour les
anniversaires ou les fêtes qu’elle n’ouvrait même
plus. A chaque fois, elle vivait cela comme une
agression et elle devait s’en protéger.
*****
91
Chapitre 11
95
- Eh bien, ce n’est pas facile. Ma mère a été
violée par son père, donc mon grand-père, pendant
des années. Il semblerait qu’elle ne fut pas la seule
de la famille. C’est sordide. Mais, en bref, elle s’est
construite sur ce traumatisme, d’où son attitude
hyper possessive et hyper protectrice avec moi, que
je ne comprenais pas… . Et elle parle aussi de cet
enfant qu’elle a eu, mon frère… Alors, travaillant à
l’état civil de la mairie de Tréguier, elle n’a eu aucun
mal à éditer un deuxième livret de famille …. Afin de
pouvoir disparaitre et espérer ne pas être retrouvée.
Enfin, c’est ce que j’en conclue. C’est hallucinant.
Azilis la regarda.
- Bah ! Quel cauchemar ! Ça fait beaucoup en
une seule fois. Ça va, toi ?
- Je ne sais pas. C’est terrible. C’est brutal
d’apprendre ça ainsi… à travers des écrits. Mais je
ne peux m’empêcher de penser que si…
Olivia ne finit pas sa phrase et ne put retenir ses
larmes.
- Ecoutes, tu sais bien que tu ne pourras pas
revenir en arrière. Mais, je comprends que cela te
fasse un choc. Il va te falloir du temps pour digérer
tout cela et surtout prendre de la distance. Bon,
maintenant, concernant ton père …
- Tu as découvert quelque chose ?
- Oui et non. Tu sais qu’il est venu me voir.
- Comment l’as-tu trouvé ? Que t’a-t-il dit ?
96
- Il m’a parlé de son enfance, de sa vie avec la
mère de sa fille…les lieux où il a vécu, où ils ont
vécu. Il m’a parlé d’une maison à Plougrescant. Son
métier. Il espère beaucoup de notre rencontre pour
retrouver sa fille. Je ne devrais pas te le dire, mais
vu la tournure des événements, il m’a confié qu’il
t’appréciait beaucoup et que vos entretiens le
rassuraient et lui faisaient du bien, qu’il aurait aimé
avoir une fille comme toi.
- Il est en train de faire un transfert sans
savoir…. Nos inconscients ont dû se reconnaitre.
C’est curieux quand même la vie, les rencontres.
Cela m’étonnera toujours.
- Je lui ai demandé la date de naissance de sa
fille et …
- Et ?
- La même que la tienne.
- Voilà, ça confirme tout ce que j’avais déjà
découvert … Son nom sur le vrai livret de famille. La
maison à Plougrescant appartenait à ses parents et
ma mère l’a rachetée il y a quelques années. Tu te
rends compte. Cette maison a abrité mon père, puis
ma mère -je ne crois pas qu’elle l’ait rachetée par
hasard, sa manière à elle de me rapprocher de lui-.
C’est certainement pour ça qu’on se sent si bien là-
bas. Tu verras quand tu viendras, car tu viendras
n’est-ce pas ?
- Oui, bien sûr. A présent, qu’est-ce qu’on fait ?
- Comment vais-je lui annoncer cela ? Il y a
trop de choses ? C’est violent. Et où ? Je ne peux
97
pas faire cela dans mon cabinet. Il m’a laissé un
message et veut me parler. Il dit que c’est urgent.
Qu’a-t-il de si important à me dire ?
- Bon, si j’ai bien compris, je crois que mes
recherches vont s’arrêter là le concernant. Ce n’est
pas dans mes habitudes de procéder ainsi, mais
nous sommes trop liées toi et moi et je dois te laisser
la place. C’est ton histoire, enfin, la vôtre
maintenant.
- J’ai encore quelque chose à te demander. Ma
mère avait une sœur, plus jeune qu’elle. Tu verras,
elle en parle dans le manuscrit.
Et elle lui remit une copie de tous les documents.
- Est-il possible de savoir si elle vit toujours, de
la retrouver ? J’ai besoin de lui parler, de la voir.
- Oui, c’est possible, enfin, je vais essayer. Je te
tiens au courant. Désolée, mais, il faut que je file,
j’ai un client qui doit passer. Bon courage et tiens
moi au courant. N’oublie pas, je serai toujours là
pour toi. Fais attention à toi.
- Merci pour tout. Je suis vraiment désolée de
te solliciter autant.
- Ça sert à quoi les amis ?
Et elle lui remit une copie de tous les documents.
99
Ils s’embrassèrent sous le regard de Déva qui
avait bien compris qu’elle avait la maison pour elle
toute seule ce soir…
100
Chapitre 12
101
- Oui. J’ai rencontré votre amie, la
généalogiste. Nous avons beaucoup parlé et elle va
donc entreprendre des recherches concernant ma
fille. Je voulais vous remercier pour votre soutien.
Cela m’a fait beaucoup de bien. Vous êtes si
bienveillante et vous avez montré beaucoup
d’empathie à mon égard. Je tenais à vous manifester
ma reconnaissance à travers ce petit cadeau.
Et il lui tendit un petit coffret. Olivia, troublée et
émue, l’ouvrit. Une broche en ambre en forme de
triskèle.
- C’est un porte bonheur et vous le méritez.
- C’est très gentil à vous, je suis très touchée,
mais il ne fallait pas. Je ne peux pas accepter. Vous
savez, c’est mon travail d’être à l’écoute.
- Oui, mais tout le monde n’a pas autant à
donner que vous.
Et il insista pour qu’elle prenne le bijou. Ce
cadeau… il ne savait pas encore à qui il l’offrait.
103
Il s’écroula, en sanglot et Olivia ne put elle aussi
retenir ses larmes. Elle se leva de son fauteuil et alla
s’asseoir à côté de lui, mais n’osa pas lui prendre la
main, pourtant elle en crevait d’envie.
- Mais comment avez-vous su ? Depuis
quand ?
- Lors de nos différents entretiens, vous m’avez
relaté votre vie, les endroits où vous avez vécus. Et il
y avait plein de points communs avec ma vie. Et j’ai
retrouvé cette photo il y a quelques semaines dans
les affaires de ma mère, par hasard.
- Attendez, il y a quelque chose que je ne
comprends pas. Ma fille s’appelait Hélène et sur
votre plaque, il y a écrit « Olivia Martin ».
- C’est une longue histoire que je viens de
découvrir ce weekend. Et j’ai retrouvé, dans sa
maison dont j’ai hérité, des documents que ma
mère avait conservés pour moi. Oh, c’est très
compliqué et cela va l’être aussi pour vous.
J’ai fait des recherches à l’état civil sur les
conseils de mon amie.
- Vous êtes en train de me dire que quand vous
m’avez donné les coordonnées de votre amie, vous
aviez déjà des doutes et qu’elle était au courant ! dit
’il sur un ton un peu sec.
Il eut un mouvement de recul. Olivia se fit
rassurante.
- Oui, mais, je ne pouvais pas vous en parler
tant que je n’étais pas sûre. Cela aurait servi à quoi
de vous donner de faux espoir. Vous comprenez ?
104
Il se reprit.
- Pardonnez mon emportement. C’est
tellement inattendu tout ça. J’ai tellement rêvé,
espéré, ce moment. Je n’y croyais plus.
- J’en suis au même point que vous. Ecoutez, je
crois que ce bureau n’est plus approprié. Je ne peux
plus être votre thérapeute, vous comprenez ? Mais
vous devez connaitre la vérité. Voyez ce dossier là et
elle posa la main dessus, eh bien, là-dedans, il y a
toute, enfin, presque toute l’histoire. Ma mère a
laissé des écrits.
Elle cherchait ses mots et devait le préparer à
tout ce qu’il allait découvrir. Devait ’elle le laisser
seul avec ce dossier ? Elle n’en était pas sûre.
- C’est une histoire de fou. Quand je refais le
chemin, comment me suis-je retrouvé devant chez
vous ? Qu’est-ce qui m’a poussé à venir vous
consulter ?
J’ai une question : comment dois-je vous appeler
Olivia ou Hélène ? C’est compliqué, pour vous aussi,
certainement ?
- Pour vous, c’est Hélène, mais moi, je suis
Olivia et Hélène, je ne la connais pas, même si c’est
mon deuxième prénom, enfin je croyais. Il va falloir
que je m’y habitue. Et je comprends que cela soit
aussi dur pour vous. Il va falloir laisser faire le
temps.
Elle le vit tellement désemparé, perturbé qu’elle
ne pouvait pas le laissait repartir ainsi. Pas après
toutes ces révélations.
105
- Ecoutez, je ne peux pas vous laisser repartir
comme ça. Accepteriez-vous de passer la soirée chez
nous ?
- Oh, c’est très gentil dit ‘il un peu gêné, mais je
ne voudrais pas déranger. N’est-ce pas un peu
prématuré ? Tout cela va si vite. Et votre mari, que
va-t-il penser ?
- Vous savez, Alexandre est au courant, bien
sûr. Il m’a toujours beaucoup soutenu et il va être
très heureux de faire votre connaissance. Et, enfin,
vous devez vous douter que vous allez apprendre
des choses qui vont vous bousculer… . Je vous
propose qu’on le fasse ensemble.
106
- Elle est étonnante votre chienne. Elle me
rappelle celle que nous avions lorsque nous étions
encore tous les trois. Vous ne pouvez pas vous en
rappeler, bien sûr. Je dois avoir des photos. Il faut
que je les cherche.
- J’ai toujours aimé cette race de chien. Leur
regard si expressif qui leur donne l’air malheureux -
toute la misère du monde - leur caractère à la fois
placide, gentil, dévoué, mais un peu cabochard. Et
c’est un réel bonheur de l’avoir chaque jour avec
moi. Elle m’aide, n’est-ce pas Déva ? Et c’est
curieux, d’habitude, elle met du temps pour aller
vers les gens, mais, avec vous, ce fut immédiat. Et
elle vous a adopté depuis le début. Peut-être qu’elle
avait tout compris. On dit que les animaux ont un
sixième sens.
109
- Tu m’as appelé papa. J’ai tellement rêvé de
cet instant Oh, ma chérie, ma fille chérie. Merci,
mon Dieu de me l’avoir rendue.
Et ce fils que je ne connais pas..
- On va le chercher ensemble, je te le promets
lui dit ’elle en lui prenant les mains.
Et il déposa un baiser sur son front et la regarda
dans les yeux, ces yeux si bleus.
- Tu as les mêmes beaux yeux que ma mère. Tu
l’aurais aimée. Elle était si douce.
Tu sais, la première fois que je suis venu sonner à
ta porte, ce fameux vendredi soir, j’ai eu cette
sensation étrange de te connaitre. Je t’en avais parlé
quelque temps plus tard. Tu me semblais si
familière. Tu sais, cette impression de déjà vécue,
comme si on reprenait la conversation commencée
la veille.
- Pour ne rien te cacher, tu m’avais touchée,
bien sûr par ce que tu me révélais de toi, mais pas
que… Je suis habituée, je partage tous les jours les
drames, les angoisses de mes patients, et leur joie
aussi, quelque fois. Mais, avec toi, j’avais en face de
moi un homme qui me rattachait à mon vécu par
toutes ces coïncidences…et aussi cette même
impression de parler à quelqu’un qui m’était
familier.
La vie est étrange quand même, aussi cruelle que
généreuse. A très vite, papa. Tu viens quand tu veux.
N’hésite pas à nous demander, si tu as besoin de
quelque chose.
110
- Ah, je vais quand même rappeler Mme
Boulay, ton amie, pour la remercier d’avoir accepté
de me recevoir.
- Il faut que je l’appelle aussi, on va avoir
besoin de son aide pour retrouver ma tante, la sœur
de ma mère.
- Pourquoi, veux-tu la retrouver ?
- J’ai besoin de comprendre, pourquoi n’a-t-
elle pas soutenu sa sœur ?
- Ce n’était peut-être pas aussi simple pour elle
aussi. Enfin, c’est toi qui vois. Tu es courageuse, ma
fille. Je t’aime fort.
- Moi aussi, papa, je t’aime depuis toujours,
même si je ne te connaissais pas. Et je te promets de
retrouver ton fils, mon frère.
- Va-t-il vouloir de nous ?
- Je ne sais pas… Mais on va tout faire pour
que cela fonctionne. Il n’y a pas de raison. Il faut y
croire. J’ai quelque chose à te demander…
- ….
- Ce bijou que tu m’as offert, pourquoi ?
- Je ne saurai pas te l’expliquer mais j’ai senti
qu’il était pour toi….Et je voulais te remercier. Nos
échanges me faisaient tellement de bien. Et puis nos
retrouvailles le confirment : il t’était destiné. Et
puis, je peux te l’avouer.
Elle serra la broche dans ses mains et se promit
de ne jamais la quitter.
111
Ils se quittèrent, heureux bien sûr, mais tellement
perturbés. Olivia se laissa tomber dans le fauteuil, la
tête entre ses mains.
- Ça va, chérie ? lui demanda Alexandre
- Oui, oui, ça va aller. Ça va si vite. Mais je
pense à lui, maintenant. Il va falloir l’aider. Il n’a
pas évoqué sa maladie, mais elle est là. On va devoir
vivre avec. Il va y avoir des moments extrêmement
difficiles. Mais peut être que maintenant qu’on s’est
retrouvé, cela va le stimuler pour se battre ?
- Ne t’inquiète pas. C’est un homme fort, ça se
voit. Je l’ai trouvé tellement touchant dans ses
émotions, tellement pudique en même temps. Tu
sais, je vous ai beaucoup observés ce soir : tu lui
ressembles. Cette façon de vous exprimer, je ne sais
pas comment dire…. Il y a déjà tellement d’amour
entre vous.
- C’est drôle, car je n’ai aucun souvenir de lui,
ma mère a bien pris garde de ne pas me laisser de
photos, mais c’est comme si je le connaissais depuis
toujours. C’est fort, les liens du sang. Il n’a jamais
cessé de m’aimer et moi, sans le connaitre, je l’ai
aimé aussi.
- C’est le miracle de l’amour.
- Mais dis donc, j’y pense. Notre voisin,
Charles le Dantec, a donc connu mon père. Tu sais,
ce petit garçon, dont il parle…
- Oh, mais tu as raison, on lui fera la
surprise…quand il viendra chez nous.
112
- Oui, oui, c’est une super idée. Pour le
moment, je ne lui en parlerai pas… On a autre chose
à se dire.
Olivia et Alexandre se couchèrent tard ce soir-là
et eurent du mal à trouver le sommeil. Trop
d’émotions.
113
Chapitre 13
116
- Il a passé son enfance en famille d’accueil,
plusieurs à vrai dire, où cela ne s’est pas toujours
bien passé. Puis, de concert avec les services
sociaux, il a été décidé qu’il intégrerait cet
établissement. C’est un homme gentil, mais fragile.
Il a bien évolué et malgré son handicap, mène une
vie quasi normale. Il a suivi des études et a obtenu
un diplôme de menuisier, puis celui d’éducateur
spécialisé. Il est très habile. Nous l’avons donc
embauché et nous lui avons confié un groupe de
jeunes trisomiques qu’il initie au travail du bois :
fabrication de petit meubles, d’objets de décoration.
Il est très impliqué et possède de vrais qualités
humaines ; il est très apprécié des handicapés. Cela
lui a permis de prendre confiance en lui et d’avoir
un vrai rôle social dans cet établissement. D’ailleurs,
il a le projet de valider ces compétences pour
devenir éducateur technique. Il en a largement les
capacités.
- Donc, il travaille et réside ici ? C’est un beau
parcours, je croyais qu’il était chez vous en tant que
patient.
- Il a bénéficié d’un concours de circonstances.
Suite à un départ à la retraite, un poste d’éducateur
s’est libéré. Il se trouve qu’à ce moment-là, votre
frère venait d’obtenir son titre. Après concertation
avec l’équipe éducative, nous lui avons proposé un
contrat. Et il dispose d’un appartement dans les
dépendances du château, ce qui lui permet d’avoir
son autonomie.
- C’est magnifique. A-t-il déjà évoqué l’idée de
faire des recherches sur ces origines ? Que sait ’il de
notre mère ? Je sais qu’au décès de celle-ci, il a
117
hérité d’une somme d’argent. Comment a t’il vécut
cela ? Rassurez-vous je ne suis pas là pour faire
main basse sur son héritage, j’ai moi-même hérité
d’une maison à Plougrescant que nous sommes en
train de rénover avec le projet de nous y installer
définitivement en début d’année prochaine.
- Loin de moi cette idée. Pour répondre à votre
question, il savait que sa mère l’avait placé car elle
ne pouvait pas s’occuper de lui. Il lui en voulait de
l’avoir abandonné. L’annonce de ce décès ne l’a pas
affecté particulièrement, même si, il y a peu de
temps, il a échappé « Si ça se trouve, j’ai des frères
et sœurs et de la famille, mais ils n’ont certainement
pas envie de s’encombrer d’un handicapé » Et ce fut
la seule fois où il a fait ce genre d’allusions. Je pense
qu’il s’est fait à l’idée qu’il n’avait pas de famille.
C’est plus simple pour lui. Vous savez, il est plutôt
introverti et ne montre pas ses émotions.
- C’est souvent le cas des personnes qui ont
souffert dans leur enfance. Une forme de résilience.
Mais, je suis heureuse du parcours qu’il a fait chez
vous et je vous en remercie.
A votre avis, comment dois-je l’aborder ? Je ne
vous cache pas que je suis un peu angoissée à l’idée
de le rencontrer, peur qu’il me rejette, et je pourrais
le comprendre, mais en même temps, mon désir le
plus cher est de construire quelque chose avec lui.
- Soyez patiente avec lui. Au cours de ses
années, il est devenu mon meilleur ami et je ne
voudrais pas qu’il souffre à nouveau. Il a beaucoup
d’amour à donner, mais il s’est forgé une sacré
carapace qu’il va falloir percer. Il peut réagir de
118
manière, comment vous dire, violente
verbalement quand il sent agressé ou quand la
situation lui échappe.
- Ne vous inquiétez pas. J’ai moi-même eu
mon lot. Faites- moi confiance. Quand puis-je le
rencontrer ?
Yvan et le directeur échangèrent un regard et se
tournèrent vers Olivia :
- Dans une heure si vous voulez. Il est
actuellement en atelier avec un groupe. Je vais vous
indiquer où il habite et vous l’attendrez là-bas.
- Je vous remercie beaucoup. Puis-je attendre
dans le parc ?
- Pas de souci. Nous allons le prévenir que
quelqu’un l’attend devant chez lui après son cours.
119
Olivia disposait d’une heure environ avant de le
rencontrer, et tout en se promenant dans le parc,
réfléchissait à la manière dont elle allait aborder son
frère. Plus le temps passait et plus elle sentait
monter en elle de l’inquiétude. Elle repensa à ce que
lui avait dit l’éducateur. Et s’il refusait de
m’écouter ? Et si… Et si… elle respira à fond, se
persuada que tout irait bien. Elle avait fait une copie
du manuscrit et comptait le lui remettre.
L’heure approchait et elle se dirigea doucement
vers le studio. Elle attendit un peu en retrait, car elle
voulait l’apercevoir avant et lui laisser le temps de
rentrer chez lui. Elle se dissimula derrière un arbre
qui lui permettrait de voir sans être vue.
C’est alors qu’elle vit arriver un homme en
fauteuil, brun, cheveux longs attachés. Malgré son
handicap, il avait une belle carrure et ressemblait à
son père. Les yeux, le visage. C’était troublant. Il
introduisit sa clé dans la porte d’entrée, et avant de
la refermer, jeta un coup d’œil derrière lui.
Olivia se dirigea vers le studio et appuya sur la
sonnette. Quelques secondes plus tard, qui lui
parurent une éternité, la porte s’ouvrit. Olivier la
regarda.
- Bonjour, on m’a dit que vous souhaitiez me
rencontrer, mais on ne m’a pas donné votre nom.
On se connait ?
- Bonjour. Je m’appelle Olivia. Olivia Martin.
Elle avait décidé d’être directe.
- Enfin, mon nom de naissance est Olivia Le
Bihan.
120
Olivier resta quelques secondes interloqué, la
dévisagea. Il fit pivoter son fauteuil et lui fit signe
d’entrer. L’appartement était très lumineux,
sobrement décoré, bien tenu.
- Que voulez-vous ? On porte le même nom,
et….. Que venez-vous faire ici ? C’est un jeu ? Vous
faites des recherches sur votre arbre généalogique ?
- Je sais que ma visite est inattendue, mais je
ne me moque pas de vous. Je suis votre sœur.
Olivier, méfiant, lui répliqua :
- Ma sœur, quelle sœur ? Mais je n’ai pas de
sœur ! J’avais une mère, il parait, si on peut
l’appeler comme ça, qui n’a pas été foutu de
s’occuper de moi … !
- Oui, je sais tout cela. Elle est morte
récemment. Et j’ai découvert toute notre histoire
après son décès. J’ai été averti comme vous par
Maitre Bozic.
Elle sentait son frère très ému, mais il ne laissait
rien paraitre. Seul son silence parlait pour lui. Elle
reconnut la retenue qu’avait son père lors qu’il était
submergé par l’émotion.
Quand il revint à lui, il la regarda. Son regard
avait changé et Olivia reconnut dans ses yeux une
petite lueur… . Il fallait le rassurer.
- Vous savez, c’est une longue histoire. Je
comprends que vous soyez surpris. Je ne veux pas
vous mettre mal à l’aise. Quand j’ai eu connaissance
de votre existence, j’ai tout de suite voulu vous
connaitre et …
121
Elle hésita un peu
- Et…
Olivier ajouta
- Je suppose que je ne suis pas au bout de mes
surprises
- Vous avez raison. Votre père, notre père,
meurt d’envie de vous connaitre aussi.
Il fit un demi-tour avec son fauteuil.
- A parce que j’ai un père aussi ! Et lui, aussi, il
était d’accord pour m’abandonner ? Vous aussi, ils
vous ont balancé aux services sociaux ? Si c’est pour
me dire ça, ce n’était pas la peine, vous pouviez
rester chez vous et continuer votre vie. Voyez, moi,
je suis là, condamné à vivre dans ce fauteuil que je
hais et que j’ai 100 fois eu envie de balancer par-
dessus les rochers et moi avec ! J’ai trouvé dans cet
établissement, une famille et grâce à eux, à présent,
je suis devenu cet homme que vous avez devant
vous. Ils m’ont aidé, donné confiance en moi et j’ai
pu croire en la vie. Aujourd’hui, vous, vous
débarquez ! Vous me livrez tout ça en vrac !
Pourquoi ?
- Je comprends que vous soyez en colère, mais
c’est plus compliqué que ça. Laissez-moi au moins
vous expliquer et après vous déciderez si vous
souhaitez ou pas que nous apprenions à nous
connaitre.
Elle le sentait sur la défensive, et elle le
comprenait. Mais elle devait absolument rompre
cette barrière qu’il était en train d’installer entre
122
eux. Réflexe normal d’auto protection. La vie lui
avait appris à se blinder.
Et Olivia entreprit de lui raconter toute l’histoire
– son enfance, son mari, son métier, ce père qu’elle
cherchait, la maison, sans pour le moment faire
allusion au manuscrit, et au fur et à mesure de son
récit, elle voyait son frère se décomposer. Ses traits
étaient crispé, il pâlit et s’effondra, la tête entre les
mains. Il lui apparut si vulnérable. Elle avait envie
de le prendre dans ses bras, mais elle se retint. Elle
s’avança vers lui et mit sa main sur son épaule. Il se
ressaisit et eut un mouvement pour se dégager de ce
contact.
- Ce n’est pas possible ! Quelle mère peut faire
ça à ses enfants ? Pardon de vous avoir parlé ainsi,
mais vous savez, j’ai enfoui toute mon enfance
quelque part dans une valise et je n’ai pas envie de
la rouvrir. Mais, je me rends compte que pour vous
aussi, ce fut compliqué.
- Vous savez, moi aussi, je suis passée par tous
les états d’âmes. De la colère, de la révolte, de
l’incompréhension et puis j’ai un peu évolué.
Il fit reculer son fauteuil.
- Evolué ? Ne me dites pas que vous lui avez
trouvé des circonstances atténuantes !
- Je ne dirai pas cela, mais notre mère a eu une
enfance chaotique aussi. Ce qui n’excuse en rien la
façon dont elle a agi, bien sûr. Je vous laisse ça.
Vous prendrez le temps de le lire. Je ne vais pas
vous importuner davantage.
123
Et elle sortit de son sac les feuillets qu’elle avait
photocopiés et les posa sur la table. Elle mit la main
sur la poignée de la porte et se retourna :
- Tout ce que je vous demande, c’est de lire ce
qu’elle a écrit. Après, vous déciderez de ce que vous
voulez faire. Voici mon numéro de téléphone.
Elle posa sa carte sur la table. Il tournait et
retournait son fauteuil dans la salle, les mains
agitées.
- Oui, je vais lire tout ça. Qu’est-ce qui me dit
que c’est la vérité ? Quand elle m’a abandonné, j’ai
vécu en famille d’accueil où j’ai subi des
maltraitances. Et puis, je suis arrivé ici. Je vous le
redis, ma famille, c’est eux. On se ressemble : on a
tous quelque chose en moins. Et c’est ce qui nous
relie. On parle le même langage. J’ai des amis ici.
Alors, vous, vous débarquez, comme ça. Vous croyez
quoi ? Que je vais tomber dans vos bras ? Qu’on va
démarrer une relation frère/sœur comme s’il ne
s’était rien passé. On ne se connait pas et jusqu’à
maintenant, j’ai vécu sans vous. Alors, s’il vous plait,
laissez-moi ! Partez !
- Je comprends murmura Olivia, pâle comme
un linge, au bord des larmes.
- Non, vous ne comprenez rien. Vous, vous êtes
debout sur vos deux jambes. Tout va bien pour vous.
Sortez d’ici ! hurla-t-il
124
violence, tout ce qu’il avait contenu pendant toutes
ces années.
Olivia resta interdite. Elle ne s’attendait pas à
tant d’animosité, tant de colère. Mais, au fond d’elle,
elle reconnaissait qu’il avait raison. Que croyait
’elle ? Elle contint ses larmes et partit sans se
retourner.
125
Chapitre 14
127
On était en juillet, le soir tombait et à cette
époque, les jours sont encore longs et ils décidèrent
de diner dans le jardin. Alexandre avait aménagé
une tonnelle sous un arbre avec un coin barbecue.
Ils savourèrent cet instant en se répétant pour la
énième fois qu’ils avaient quand même beaucoup de
chance. D’un commun accord, ni Olivia, ni
Alexandre n’évoquèrent les derniers événements.
Olivia fit part à son mari de son projet qui, comme à
son habitude, montra beaucoup d’enthousiasme.
- Super idée ! Je suppose que ce que tu es en
train de vivre n’est pas étranger à ta décision, je me
trompe ?
- Bien sûr, cela a été un accélérateur. J’ai
compris à quel point le mensonge peut être
dévastateur. Moi, j’ai eu de la chance quelque part…
- Comment ça ?
- Notre rencontre, notre amour. Tu es mon roc,
mon pilier et c’est grâce à toi que j’ai pu avancer. Et
c’est pareil pour Olivier, heureusement qu’il a été
placé dans cet ESAT… Je n’ose pas penser à ce qu’il
serait devenu. Tu sais, il m’a confié avoir souvent
songé à en finir avec la vie… C’est terrible. Alors,
oui, si je peux aider tous ceux qui sont malades de
leur histoire, alors, je pense que j’aurai accompli ma
mission.
Il la contemplait en souriant.
- Moi aussi, j’ai eu une chance terrible de
t’avoir… N’est-ce pas Déva, qu’on a de la chance de
l’avoir notre « maman » ? dit ’il en caressant sa
chienne. Comment vas-tu t’y prendre ?
128
- Je vais me renseigner sur les formations
existantes, contacter des confrères qui pratiquent
déjà. Et cela rentre dans le cadre de notre
changement de vie… . Cela tombe à point nommé.
Les travaux avancent bien. Tu penses qu’on sera
prêt pour le début de l’année, comme prévu ?
- Je pensais, pour les congés d’été, on pourrait
….
- Les passer ici, poursuivit Olivia en riant.
- Tout à fait, on pourrait avancer sur ce qui
reste à faire, tout en découvrant un peu plus la
région. J’ai pensé aussi à autre chose …
- A quoi donc ?
- Eh bien, on pourrait trouver un logement
pour ton père… ça vous permettrait de vous
retrouver et pour ton frère aussi… Vous retrouver
tous les trois, je crois que c’est le moment.
- Oh, ça me touche. D’autant plus que mon
père est malade… Il dit que ça va, mais qu’en est ’il
en réalité ? On a été pris dans un tourbillon et avec
tout ce qui vient de se passer, il n’a jamais reparlé de
son cancer.
- Quand vas –tu lui parler d’Olivier ?
- Pas tout de suite. Olivier est dans un tel déni,
une telle haine. Il va lui falloir du temps, beaucoup
de temps je pense. J’espérais tellement de cette
rencontre. Il m’a assuré qu’il lirait le manuscrit.
Peut-être que cela va provoquer chez lui un déclic. ?
Maintenant, c’est lui qui a les cartes en main et je
n’attends plus qu’une chose : qu’il me contacte.
129
Alexandre se voulait réconfortant, mais au fond
de lui, il se demandait si elle n’avait pas ouvert là la
boîte de Pandore. Qu’allait ’il en sortir de positif ? A-
t-on le droit de bousculer la vie de quelqu’un ? Mais,
il garda pour lui ses réflexions :
- Ecoute, il faut y croire. N’est-ce pas toi qui dis
toujours qu’il faut rester positif ? On en a vu
d’autres, il me semble, non ?
- Oui, mais, là, je me demande si j’ai bien fait.
- Tu sais quoi, on va aller faire un tour. Cela va
te faire du bien et il y en a une qui n’attend que ça.
131
- Moi, je vais vers le gouffre et toi vers la pointe
du château. Le premier qui la trouve appelle l’autre.
- Ok. Ça va aller, le rassura Olivia. Son
intuition lui disait que leur chienne n’était pas
perdue.
132
Soudain, elle entendit un aboiement et reconnu
celui de leur chienne. Cela venait de derrière un
rocher. Elle se précipita et trouva Déva à moitié
couchée sur un corps.
Son cœur bondit dans sa poitrine. Ce corps,
c’était celui de son père. Il était allongé sur le dos,
ses vêtements trempés. Elle hurla :
- Papa, mais qu’est que tu fais là ? Que s’est ’-il
passé ? Tu m’entends ? Réponds –moi !
Il était inconscient et respirait faiblement. Elle
lui prit la main, la serra fort contre elle, le couvrit
avec sa veste. Elle envoya un message à son mari
pour qu’il appelle les secours. Elle regarda Déva, elle
avait posé sa tête sur les jambes de Christophe.
Celui-ci tremblait de froid. Elle priait pour que les
pompiers arrivent rapidement.
Elle ne cessa de lui parler jusqu’à l’arrivée de
l’ambulance qui en chemin avait récupéré
Alexandre.
- Ma chérie, mais que s’est ‘-il passé ? Que fait
Déva ici ?
- Je ne sais pas. Je l'ai trouvé, Déva couché sur
Papa, ici. Il est trempé. Il respire. J’ai eu si peur !
- Mais que fait Déva ici ?
- Je ne sais pas, je ne comprends pas.
Ils interrogèrent les pompiers sur l’état de
Christophe qui les rassurèrent.
- Il est en hypothermie. Savez-vous ce qu’il
faisait là ?
133
- Non, en fait notre chienne s’est enfuie dans la
nuit et c’est en la cherchant qu’on les a trouvés la
tous les deux.
- Quoi qu’il y ait eu, il lui doit la vie, car en se
couchant sur lui, elle lui a communiqué un peu de
chaleur et heureusement qu’on n’est pas en
hiver….Nous allons le transporter à Paimpol pour
des examens complémentaires.
134
Chapitre 15
135
Olivia attendait son mari dans le couloir et le mit
au courant des dernières conclusions des médecins.
Ils entrèrent dans la chambre et s’avancèrent
doucement vers le lit. Olivia prit les mains de son
père :
- Papa, c’est moi, Olivia… enfin, Hélène. Et
Alexandre est là aussi. Tu m’entends. papa ?
Il respirait calmement et restèrent quelques
instants ainsi, la main dans la main, quand elle
sentit une pression sur ses doigts. Puis, il ouvrit
doucement les yeux.
- Où suis-je ? Qu’est-ce que je fais là ?
murmura-t-il en reconnaissant sa fille.
- Papa, tout va bien, tu es à l’hôpital. On t’a
retrouvé à Plougrescant, inconscient sur la plage.
Il mit quelques instants à répondre, comme s’il
cherchait à se souvenir…
- A Plougrescant ? Mais qu’est-ce que je … Je
me souviens, j’avais froid, j’étais mouillé…
- Qu’est-ce que tu faisais là-bas ? Il semblerait
que tu y aies passé la nuit…. Tu te rappelles de
quelque chose ?
- C’est trouble, j’ai du mal…. Je me rappelle
que votre chienne était à côté de moi…. Je crois
qu’elle m’a sortie de l’eau.
- Prends ton temps. L’essentiel est que tu sois
sain et sauf. La mémoire va te revenir. Les médecins
vont te garder en observation un jour ou deux, et
puis on te ramènera à Laval.
136
Les médecins avaient échangé avec Olivia et
Alexandre sur la santé de Christophe. D’après
l’oncologue, de nouvelles métastases se
développaient et Christophe l’avait appris il y a
quelques jours, lors de son rendez-vous de suivi.
Olivia repensa à leur dernière rencontre, ce
vendredi. Il lui avait dit que tout allait bien…
Olivia sentit comme un coup de poignard dans
son corps Ce n’est pas possible On vient de se
retrouver Il ne sait pas encore qu’il doit rencontrer
son fils, peut être. Il ne peut pas mourir maintenant,
pas déjà. Un sentiment d’impuissance, d’injustice
l’envahit. Elle se refusait à envisager de perdre ce
père qu’elle attendait depuis si longtemps. Et elle se
surprit à prier. Pour lui, pour Olivier, pour eux. Elle
n’était pas forcément très croyante, mais comme la
plupart des gens qui se trouvent face à l’inéluctable,
le besoin d’invoquer Dieu ou peu importe le nom
qu’on lui donne, s’impose.
« Mon Dieu, protégez-nous. Aidez-nous. Vous
nous avez déjà pris notre enfant… Pas notre père,
pas maintenant. Il doit vivre. Il a encore des choses
à faire sur cette terre. On a besoin de lui. On a tant à
partager. »
- Papa, on va te laisser te reposer, on revient
demain. Ne t’inquiète pas, on est là.
Et elle déposa un baiser sur son front.
137
pied en les regardant, comme si elle les
questionnait.
- Toi, tu es une drôle de bestiole. Dommage
que tu ne puisses pas parler, on aurait besoin de
quelques explications. dit Olivia en lui prenant la
patte et la caressant
Je vais appeler Olivier : il faut qu’il soit au
courant, qu’en penses-tu ? demanda-t-elle à
Alexandre.
- Attends un peu. Crois-tu que ce soit le bon
moment pour envisager une rencontre ? Tu ne sais
pas ce qu’il compte faire. Cela fait beaucoup pour
tout le monde en peu de jours. Il faut déjà
comprendre ce qu’il faisait là à Plougrescant sur
cette plage, qui plus est avec Déva. On y verra plus
clair. Ensuite, on avisera.
Elle reconnaissait bien là son mari : pragmatique
et réfléchi. Il avait raison.
- Bon, ok. On verra demain. La question est :
que fait-on s’ils le laissent sortir demain ? On rentre
à Laval et on le ramène chez lui ? Ici, la maison n’est
pas vraiment prête pour l’accueillir. Et quand est-ce
qu’à lieu sa prochaine séance de radiothérapie ?
141
- On va donc rentrer à deux voitures. Je
prendrais celle de ton père et toi, tu feras la route
avec lui.
- Oui, c’est mieux. On va déjeuner avant de
partir. Cela lui fera plaisir de voir la maison.
142
Ils lui montrèrent les travaux qu’ils avaient
effectués, expliquèrent leur projet.
- C’est un beau projet. Vous avez raison, on n’a
qu’une vie et il faut aller au bout de ses rêves.
Et son visage s’assombrit tout à coup.
- Qu’est-ce qu’il y a Papa ? Tu ne te sens pas
bien ?
- Si, si, ça va. C’est juste que je viens de réaliser
que l’on se verra moins souvent. Pardon, c’est très
égoïste de ma part. Ma vie est finie et vous avez la
vôtre à vivre.
C’est Alexandre qui prit la parole.
- Christophe, vous permettez que je vous
appelle Christophe ?
- Oh bien sûr, vous, enfin, tu peux aussi me
tutoyer..
- Merci. Alors, je pense à quelque chose …
Pourquoi ne viendriez –vous pas vous installer par
ici ?
Olivia ajouta
- Mais oui, on va te chercher un petit
appartement en ville pour que tu aies tout ce qu’il te
faux et tu pourras de la même façon continuer ton
traitement. Qu’en dis-tu Papa ?
- Justement, puisqu’on en parle, concernant
mon traitement, il faut que je vous dise…
- Oui, on est au courant. Le médecin nous a dit
pour l’évolution de ta maladie.
143
- Ce fichu cancer gagne du terrain, je sais que
je suis fichu. Je ne veux pas que l’on s’acharne et je
ne veux pas servir de cobaye.
- Papa ! s’écria Olivia malgré elle. Rien n’est
jamais définitif, dans un sens comme dans l’autre.
Tu vas me faire le plaisir de te battre ! On va le
combattre ensemble, ce putain de cancer ! Je suis là
maintenant. Tu n’es plus tout seul. Tu connais la
région, tu as tes souvenirs ici, oui, je sais, pas que
des bons... Mais ce qui compte c’est comment on va
avancer maintenant. On va faire en sorte que tu
puisses déménager en même temps que nous.
- C’est gentil de vous préoccuper de moi, mais
je n’ai pas de gros moyens..
- Ne t’inquiète pas pour ça. L’important, pour
l’instant c’est que tu te soignes, d’accord ?
- Je voulais te demander, pour Olivier, est-ce
que tu as quelque chose ?
Olivia échangea un regard avec son mari et
répondit avec un peu d’hésitation :
- Euh, non pas pour le moment, mais…
- Mais, quoi, tu sais quelque chose ?
- Je ne peux rien te dire encore. J’ai des pistes,
mais rien de sûr. Je dois vérifier avant. Pas la peine
de se donner de faux espoir, n’est-ce pas ? Ne
t’inquiètes pas, tu seras le premier au courant,
promis lui assura-t-elle en lui prenant les mains.
144
- Tu sais, mon vœu le plus cher maintenant est
de vous voir réunis, lui et toi. Après, je pourrai
partir tranquille.
145
Chapitre 16
146
- On ne peut rien te cacher. Juste un peu
fatiguée. J’ai eu des dossiers compliqués qui m’ont
obligée à beaucoup de déplacements. Mais ça va
aller.
Son métier l’obligeait à de fréquents
déplacements, parfois à l’étranger pour consulter
des registres d’états civils, rencontrer des familles.
- Tu sais, il y a quelque chose qui s’appelle « les
vacances »… tu connais ?…demanda Olivia
- Oui, je sais, mais ce n’est pas à l’ordre du
jour. Et toi, comment ça va ? Tu as des nouvelles de
ton frère ?
- Non, toujours pas. Cela fait maintenant trois
semaines… Je pensais, enfin, j’espérais qu’il aurait
réagi à la lecture des écrits de notre mère. Mais, tu
l’aurais vu, il était tellement remonté, il m’a presque
fait peur. Mais, je comprends. Son chemin de vie
n’a pas été simple. Son handicap, les maltraitances
en famille d’accueil. Et moi, qui débarque pour
déterrer un passé qu’il avait enfoui !
- Que vas-tu faire ?
- Que veux-tu que je fasse ? Le recontacter ?
Non, c’est lui qui a les clés maintenant et je dois lui
laisser le temps.
- Et ton père comment il va ?
Olivia lui avait raconté ses péripéties.
- Aussi bien qu’il peut. On se voit souvent. Tu
sais, j’ai enfin la sensation d’avoir une vraie famille,
enfin presque.
147
- Tant mieux, je suis heureuse pour vous dit
Azilis en se levant. Elle sortit une enveloppe d’un
tiroir du bureau et la remit à son amie qui la
regarda, interloquée.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Tiens. Ouvre, j’ai fait ce que tu m’as
demandé. Les recherches sur ta tante…
148
- Pour le moment, je mets cela de côté. Le
moment n’est pas encore venu pour moi de lui
demander des comptes.
- Tu as raison. Chaque chose en son temps.
Olivia dévisagea son amie ; elle n’aimait pas la
voir ainsi. Pas que de la fatigue, mais un certain
coup de blues. On approchait de la date anniversaire
de la mort de son mari.
- Dis-moi, je pensais, tu pourrais venir passer
un peu de temps avec nous en Bretagne ? Cela te
ferait le plus grand bien.
Azilis avoua à Olivia ce que celle –ci avait
pressenti.
- Tu sais, cette période m’angoisse toujours, tu
sais pourquoi. J’accepte ton invitation, mais après.
J’ai besoin de me retrouver seule. Ne t’inquiète pas,
ça va aller. Promis, après je viens.
- Compte sur moi pour te le rappeler.
150
porte avant qu’elle ait eu le temps de sonner.
Visiblement, il devait guetter son arrivée.
Il l’accueillit avec un large sourire et ce regard qui
lui rappelait leur père, et la pria d’entrer. Ils se
regardèrent un peu gênés, ne sachant pas quelle
attitude adoptée, leur altercation passée étant
encore très présente dans leur esprit. Après
quelques banalités, ce fut lui qui rompit la glace le
premier.
- Merci d’être venu Olivia, je n’étais pas
sûr….après ce qui s’est passé…
- N’en parlons plus, pour ma part, c’est oublié.
Bien sûr, j’ai été meurtrie, car je m’étais faite une
autre idée de nos retrouvailles… mais je comprends,
vous savez.
- Merci. Je vous en prie, asseyez-vous. Voulez-
vous un café ou autre chose ? J’ai fait des biscuits.
- Un café, ç’est parfait. Oh, vous êtes pâtissier ?
- A mes heures, ça me détend et les résidents
aiment bien mes gâteaux.
- Vous vous plaisez bien ici, n’est-ce pas ?
- Oui, ils sont toute ma vie. Je ne sais pas ce
que je serai devenu si je n’avais pas eu la chance
d’intégrer cet établissement. Cela a tout changé pour
moi : le regard des autres, la confiance en moi que je
n’avais jamais eu, une place dans la société, enfin,
dans cette société. A l’extérieur, c’est encore difficile.
Mais, bon on n’est pas là pour s’apitoyer sur mon
sort. J’ai lu les feuillets que vous m’avez laissés.
151
- Et ?
- C’est violent. Vous savez, dans ma dernière
famille d’accueil, j’ai été victime d’agressions
sexuelles, j’avais 10 ans et cela a duré 4 ans. J’ai fait
une tentative de suicide. Et après la rencontre avec
un psychologue, J’ai osé en parler à mon éducateur
qui a alerté l’ASE et c’est suite à cela que je suis
arrivé ici. Et là je découvre que notre mère a été
victime de son propre père …. C’est horrible. Je
comprends ce qu’elle a dû ressentir… Quel
cauchemar, pas de soutien. Le déni de la part de sa
mère et de sa sœur, pourtant victime elle aussi.
Olivier avait détourné le regard vers la fenêtre qui
donnait sur le parc ; elle le sentait très ébranlé par
ces révélations.
- Vous savez, quand j’ai lu ces pages, j’étais
comme vous. Si vous saviez comme je lui en voulais,
de m’avoir « coupée » des autres pendant mon
enfance et mon adolescence, de m’avoir empêchée
d’avoir des amis, jusqu’à dissuader mes petits
copains. Elle gérait ma vie. Je ne comprenais pas
pourquoi. Pourquoi elle m’a menti, pourquoi, elle
refusait de me parler de mon père, enfin de notre
père.
Elle lui raconta la dispute de trop et sa décision
de couper définitivement les ponts.
Olivier s’approcha d’elle et lui prit la main :
- Pardon, pardon, j’ai étais tellement injuste
envers vous. Je pensais qu’au moins, vous, vous
aviez vécu avec elle, mais je me rends compte que
cette vie-là vous a détruite aussi.
152
Puis, il prit les papiers, pensif et lui demanda :
- Et mon père ? C’est terrible ce qu’elle lui a
fait subir… Pour ça, j’ai plus de mal à lui trouver des
circonstances atténuantes. Comment a-t-elle pu lui
cacher sa grossesse et m’abandonnr ensuite ?
D’après ce que j’ai compris, il a appris tout cela il y a
peu aussi. Comment va-t-il ? Comment est ’il ?
- Ce fut une vraie bombe pour lui. Il a pris
conscience qu’il avait vécu à côté d’elle et non avec
elle. Vous voyez la différence ? il a beaucoup
souffert, mais, c’est un homme bien. Vous savez, il
est malade, un cancer et il est en cours de
traitement. Vous lui ressemblez vraiment beaucoup.
Lui aussi, il a hâte de vous connaitre.
Et elle lui confia leur projet de venir s’installer à
Plougrescant dès le début de la prochaine année.
- Et on va aussi chercher un appartement pour
Papa dans le secteur, afin qu’il ne soit pas tout seul.
Il a besoin de soutien. Son moral n’est pas au mieux.
Mais je pense que le fait de nous avoir retrouvés va
lui donner un coup de fouet.
- C’est une merveilleuse idée. Je vais demander
à mon ami, Yvan, il possède un bon réseau et des
amis dans l’immobilier.
- Super ! Nous revenons dans 15 jours et s’il va
bien, on va l’emmener avec nous. Je vous tiendrais
au courant.
Et ils passèrent une partie de la fin de la journée à
partager leurs souvenirs, leurs vies respectives, leur
chagrin et leurs joies. Olivia lui parla de son enfant.
Ils se confièrent, comme si les liens du sang tout à
153
coup les reconnectaient l’un à l’autre, comme s’ils
se retrouvaient après une longue absence. Olivier fut
touché du malheur de cette sœur qu’il ne
connaissait pas il y a encore quelques semaines. Il
eut besoin de mettre une touche un peu légère, afin
de masquer son trop plein d’émotions, et dit :
- Bah ! Si on m’avait dit un jour que la vie me
livrerait un père et une sœur !
- Pour ma part, je suis très heureuse de vous
avoir retrouvé.
L’heure tournait. Elle devait rentrer. C’est avec
un peu de tristesse qu’elle se décida.
- Bon, je vais devoir y aller.
- Merci, grande sœur. Peut-être peut- on se
tutoyer ? Ça se fait entre frère et sœur, non ? Lui dit-
il avec ce sourire.
- Oui, ça se fait, petit frère répondit ’elle avec
ce même sourire. Elle sentait qu’elle l’aimait déjà.
Et, promis, on se quitte plus maintenant.
Elle se pencha pour l’embrasser et elle sentit sa
main lui serrer le bras. Il planta ses yeux bleus dans
les siens, puis la raccompagna vers la sortie. Il la
regarda traverser le parc pour reprendre l’allée, les
larmes aux yeux. Merci mon Dieu murmura-t-il, se
peut ’-il que les miracles existent ?
155
Olivia regarda autour d’elle : le cabanon était
terminé. Tout était propre, repeint, ne manquait que
la déco et quelques meubles pour en faire une salle
de consultation confortable et agréable.
- Oh ! Mais c’est magnifique ! Merci, merci
mon amour.
- Attends. Ce n’est pas tout. Tu n’as pas vu le
dehors et il l‘entraina vers l’extérieur. Il avait fini le
désherbage qu’Olivia avait commencé et préparé un
massif qui n’attendait plus que quelques fleurs pour
l’agrémenter.
- Mais, tu as fait un travail de malade !
- Mais oui ! Reste quelques achats… Mais je te
laisse faire, la déco, c’est ton truc…
- Bon, du travail pour la prochaine fois.
Ils restèrent quelques instants dans le jardin à
contempler leur maison et les travaux accomplis.
- On est quand même parti de loin ? Tu te
rappelles la première fois qu’on l’a visitée…
- Oh oui, il y avait tant à faire. Qu’est-ce qu’on
va être heureux ici s’exclama-t-elle en lui prenant la
main.
156
Chapitre 17
158
elle m’avait fait confiance, tout cela aurait pu être
évité. Quel père vais-je pouvoir être maintenant ?
- Reste comme tu es. On ne peut pas faire
marche arrière. Il faut donc avancer. On va
apprendre à se connaitre. Tu sais, Olivier te
ressemble traits pour traits. Lui aussi, il est meurtri.
La vie ne lui a pas fait de cadeau, comme pour
chacun d’entre nous.
- Quand pourrais-je le voir ?
- Alors, si tu es d’accord et si c’est possible
pour toi, nous t’emmenons avec nous ce vendredi
après-midi en Bretagne et tu vas pouvoir le
rencontrer.
- Oui, bien sûr. Mais comment allez-vous faire,
la maison est petite…
- Ne t’inquiète pas. On a tout prévu et on t’a
aménagé un espace nuit à l’étage.
Christophe éclata de rire.
- Qu’est-ce qui t’amuses ainsi ? J’ai dit une
bêtise demanda-t-elle en interrogeant du regard son
mari ?
- Mais non, mais c’est drôle. Quand j’étais
petit, c’est là que j’adorais me réfugier et je m’étais
construit une sorte de cabane dans les combles…. Je
me racontais des histoires.
Plus sérieusement, merci beaucoup. J’ai hâte d’y
être et de faire la connaissance de mon fils.
159
Ils arrivèrent le vendredi soir comme d’habitude,
Christophe installé à l’arrière et Déva couchée à côté
de lui sur la banquette.
161
- Mais oui ! Charles ! C’est ça ?
- Oui c’est moi. Ça alors ! Je suis heureux de te
revoir. Je ne savais pas ce que tu étais devenu… Bien
du temps est passé. Mais qu’est-ce qui fait que tu
reviennes par ici ?
- Oh, c’est une longue histoire, un peu
compliquée. Je vis en Mayenne maintenant et je
suis ici pour quelques jours.
- Eh bien, le monde est petit. Je n’en reviens
pas. On se connait déjà un peu avec vos enfants et
ils ont fait du beau travail dans la maison.
- Ça c’est vrai.
- Ecoute, reviens me voir quand tu veux… On
se remémorera le bon vieux temps. Il faut que je
cherche, mais je dois avoir quelques photos.
- Promis. Je repars en fin de semaine, mais je
vais essayer de passer avant de partir. Cela me ferait
plaisir d’échanger nos souvenirs.
162
- Voilà, tu m’appelles quand tu voudras rentrer
dit ’elle en l’aidant à descendre de la voiture
- Tu ne viens pas ?
- Non, je préfère vous laisser seuls tous les
deux, vous avez des choses à vous dire et cela vous
appartient. Olivier est au courant. On se verra tous
après…
- Merci, ma chérie. A tout à l’heure.
164
- Pardon, mais j’ai une question un peu,
comment dirais-je, personnelle … Comment n’aviez-
vous pas pu voir la grossesse de ma mère ?
- Pour tout vous dire, après la naissance
d’Olivia, nous n’avions pratiquement plus de vie
intime, nos rapports étaient épisodiques, si vous
voyez ce que je veux dire. Elle était dépressive.
Nous ne partagions plus la même chambre. Et
quand je me refais le film et je compare votre date
de naissance et celle où elle a disparu, elle a dû me
quitter dès le début de sa grossesse.
- Et vous ne saviez pas où elle est allée… ?
- Non, en tout cas, certainement pas dans sa
famille… Tout a été très vite. Je suis rentré un soir
du travail et il n’y a avait plus personne. Je suppose
qu’elle avait tout programmé. Vous avez lu comme
moi ses écrits. Elle voulait fuir son passé… Quel
cauchemar, cette histoire !
Vous savez, je suis vraiment très heureux, bien
sûr le temps perdu ne se rattrape jamais, mais mon
vœu le plus cher est de faire partie de votre vie, si
vous le voulez bien. Olivia et vous, vous êtes tous les
deux ce que j’ai de plus cher. On est une famille
maintenant. Et merci d’avoir accepté de me
rencontrer.
- Je ne vous cache pas que j’ai mis un peu de
temps pour digérer tout ça. Au début, je vous en ai
voulu de débarquer ainsi dans ma vie, de bousculer
mon existence. Et puis, j’ai réfléchi et ce qui m’a
aidé, c’est ce que ma mère, enfin j’ai quand même
du mal à l’appeler ainsi, a écrit. Et j’ai réalisé que
165
nous étions tous les trois des victimes et que la vie
nous faisait un formidable cadeau.
Christophe, en entendant ces mots, se sentit
envahit d’amour pour ce fils qui lui tombait du ciel.
Olivier pivota sur son fauteuil, pour cacher son
émotion et lui tourna le dos. Il avait du mal à retenir
son émotion, puis se ravisa et dit sur un ton plus
léger :
- Eh, bien dans ce cas, on se tutoie ? Papa..
Il s’avança vers son père et le prit dans ses bras.
Ils ne purent retenir leurs larmes, celles contenues
depuis des années, des larmes libératrices, laissant
échapper leurs souffrances, pour ne retenir que
celles du bonheur.
Christophe se redressa et regarda son fils.
- Je suppose qu’Olivia t’a dit pour le cancer…
- Oui, elle m’en a parlé. Je suis vraiment
désolé, mais il faut te battre. On est là maintenant.
Tu dois t’accrocher. Dit-il en posant sa main sur le
bras de son père.
- C’est dur, tu sais. Je me sens tellement
fatigué, épuisé. Mais, ça va devrait aller.
- Olivia m’a dit aussi pour leur projet de
s’installer à Plougrescant. J’ai parlé de vous à mon
meilleur ami et il te cherche un appartement.
- J’espère juste que j’aurai le temps d’en
profiter un peu. J’ai beaucoup de chance de vous
avoir tous les deux ! Olivia doit venir me chercher.
166
Je vais l’appeler, je ne veux pas te déranger plus
longtemps.
- Mais, papa, tu ne me déranges pas. Et on va
faire mieux, c’est moi qui vais te ramener. Répondit
Olivier tout en observant la réaction de son père.
Eh oui, j’ai une voiture automatique… dit-il en
attrapant les clés de son véhicule posées sur la
console près de la fenêtre qui donnait sur le parc, et
ça elle ne le sait pas. On va leur faire la surprise et
puis, je ne connais pas encore son mari, Alexandre,
je crois ? L’occasion de le rencontrer.
- Eh bien d’accord. Oui, Alexandre est un
homme adorable. Tu vas l’aimer et ils sont tellement
fusionnels tous les deux. Tellement forts. Et puis, il
y a Déva.
- Déva ? C’est qui ?
- Leur chienne St Bernard. Elle m’a sauvé la vie
récemment. Je te raconterai. Toujours est ’il qu’elle
ne me lâche plus.
- Ah bon ?! Bien, on y va ?
- Puis-je t’aider ?
- Non, merci, je me débrouille tout seul. J’ai
l’habitude. Juste tu me guides pour aller chez eux.
168
Déva avait conquis aussi Olivier. Elle s’était
installée entre lui et Christophe.
Olivia, passionnée de photos, sortit son appareil
et fit un cliché. Elle voyait déjà cette photo trôner
sur son bureau dans le cabanon. Elle expliqua son
projet d’évolution professionnel.
- Notre histoire m’a fait prendre conscience
combien il est important de percer les secrets de
famille qui les gangrènent. Il faut se libérer des non-
dits et ne pas en faire une fatalité.
Voilà pourquoi je vais suivre une formation qui
va me permettre d’évoluer vers le métier de psycho
généalogiste.
169
- En ce qui me concerne, répliqua Alexandre, je
trouve que c’est une bonne idée, mais la décision
appartient à Olivia et quelle qu’elle soit, ce sera la
bonne.
Réponse d’Olivia
Nous aussi, on t’aime fort – Léchouilles de Déva
171
Chapitre 18
172
Olivia avait décidé de postuler pour le poste de
psychologue à temps partiel à l’ESAT, ce qui ravit
son frère. Et sans surprise, sa candidature fut
retenue. Ils s’étaient mis d’accord sur une prise de
poste au 1er février. Elle s’était inscrite à une
formation à distance et pensait pouvoir démarrer sa
nouvelle activité au printemps.
173
Ils profitèrent d’une de ces belles journées
qu’offre encore la fin de l’automne pour organiser
une journée pique-nique sur la côte de granit rose. Il
y avait un endroit accessible pour son frère à
Ploumanach.
176
Et Olivier, d’ajouter :
- Bon, je commence à te connaitre. Tu ne vas
pas lâcher. J’aurai aimé venir avec toi, mais pour
des raisons évidentes de mobilité, cela ne va pas être
possible. Mais, tu as ma bénédiction. Par contre, je
tiens à ce que tu nous racontes tout ce qu’elle
pourrait t’apprendre.
- Merci, merci à vous. Ne vous inquiétez pas
pour moi, j’ai des ressources et je sais au fond de
moi que cette démarche est essentielle. Mais je vous
promets de me protéger. Vous savez, je me suis
construite une carapace moi aussi.
- Tu n’es pas la seule, je crois qu’on a tous agit
de la même façon. Moi aussi, je me suis immunisé
contre les personnes toxiques.
Et quand comptes-tu aller la voir ?
- Avant la fin de l’année. Je veux régler tout
cela maintenant. A partir de janvier, on démarre
une nouvelle vie ; on ne va pas se laisser encombrer
par les déchets du passé.
177
Olivia prit son père par le bras et lui proposa de
faire quelques pas sur le sentier. Olivier et
Alexandre les regardèrent partir. Ils marchaient
lentement, Christophe s’aidait de sa canne et du
bras de sa fille, et Déva marchait à côté de lui.
180
- Pardon, mais, j’ai eu pas mal de choses à
régler. Je t’expliquerai. Comment vas-tu ?
- Bien. Figure-toi que j’ai retrouvé des photos.
Vous avez cinq minutes ? leur demanda-t-il en
s’adressant aussi à Olivia.
- Oui, pourquoi pas, répondit ’elle. Cela va te
reposer un peu ajouta-t-elle en regardant son père
qu’elle sentait un peu fatigué.
181
Ils passèrent un grand moment à se rappeler
cette époque tout en regardant les photos. Olivia les
observait et voyait son père heureux. Charles fit
avec eux un bout de chemin. Ces souvenirs lui
avaient redonné un coup de jeune.
182
Chapitre 19
184
- Vous avez compris qui je suis ? Vous êtes
Dominique, la sœur de Louise et je suis sa fille,
Hélène. Elle est décédée début février.
Dominique resta stoïque, droite sur son fauteuil
et ne laissa paraitre aucune réaction face à cette
annonce.
- Et alors, en quoi cela me concerne ? Qu’est-ce
que vous voulez que cela me fasse ? Cela fait des
années qu’on ne se fréquentait plus. Elle n’existait
plus pour moi depuis fort longtemps.
Olivia accusa le coup, et prit sur elle.
- Je sais. Je ne suis pas là pour parler de son
décès, mais de ce qui s’est passé quand vous étiez
enfants toutes les deux.
- De quoi ? Il… Il ne s’est rien passé bafouilla
t’elle
Olivia l’observait : elle sentait qu’elle avait touché
un point sensible. Elle la vit se tourner vers la baie,
les mains crispées sur l’accoudoir du fauteuil. J’ai
touché là où ça fait mal songea-t-elle. Elle profita de
son silence pour enfoncer un peu plus le clou.
- Il ne s’est rien passé ? Votre père ne vous a
rien fait ? Vous avez donc tout oublié ?
Dominique la dévisagea.
- Qu’est-ce que vous voulez à la fin ? A quoi ça
sert de déterrer ces vieilles histoires ?
- Donc, vous ne niez pas.
185
Et elle choisit d’appuyer avec les mots justes,
ceux qui font mal.
- Votre père vous a violée, vous et ma mère, sa
propre sœur aussi ainsi qu’un de ses neveux.
- Comment vous savez tout ça ?
- Peu importe comment je le sais. Vous savez,
le passé vous rattrape toujours. Ce que je veux, c’est
comprendre.
- Comprendre quoi ! s’écria-t-elle. Il n’y a rien
à comprendre !
- Si ! Pourquoi vous n’avez pas soutenu ma
mère quand elle a parlé ? Quand elle a
définitivement coupé les ponts avec eux ! Quand
vous l’avez appelée pour lui dire que vous, vous
aviez pardonné… ! Quand votre grand-mère disait
qu’il y avait eu bien pire dans la famille ! Est-ce que
vous savez que cela a détruit ma mère ? Qu’à cause
de cette histoire et de votre lâcheté, elle a sombré.
Elle fut incapable d’aimer, de m’aimer. Elle m’a
isolée des autres. Pour moi, c’était la prison ! Et moi,
je l’ai abandonnée, ne comprenant pas pourquoi,
elle était si dure avec moi. J’ai reproduit la même
chose : j’ai coupé les ponts car elle était devenu
hyper possessive, j’étais sa chose. Et elle voulait
juste me protéger ! Mais je ne le savais pas ! Vous
comprenez ce que je suis en train de vous dire. !
186
Il y eut un long silence. On entendait la
circulation dans la rue en bas. Olivia regarda sa
tante. Celle-ci s’était murée, comme si elle était
partie loin, dans ses pensées. Le chien venait de se
lever et regardait sa maitresse avec intensité,
comme s’il cherchait à comprendre. Elle le repoussa
d’un geste brusque, ce qui choqua Olivia, pas
habituée à traiter les animaux ainsi.
- Voilà, je veux juste comprendre
Ajouta Olivia en chuchotant presque, « juste
comprendre ». Elle tendit la main vers le caniche
qui, tout heureux d’avoir une âme amicale,
s’approcha.
Dominique se tourna vers elle ; son visage avait
changé tout d’un coup. Ce n’était plus la femme
élégante, autoritaire, pleine d’asurance qui lui avait
ouvert la porte tout à l’heure. Elle était pâle, au bord
des larmes et semblait avoir vieillit de dix ans en
une fraction de secondes. Elle se recroquevilla
comme font les enfants pris en faute.
188
- Mais plus tard, vous auriez pu aller vers elle.
Cela aurait changé tout le cours de sa vie, le nôtre et
certainement le vôtre aussi. A vous deux, vous
auriez pu les affronter, les dénoncer !
- Je sais, je n’ai pas eu ce courage. J’ai été
lâche. Eh bien, c’est dit, c’est ce que vous vouliez
entendre ? Et maintenant partez ! Sortez de chez
moi ! Et ne remettez plus les pieds ici ! Et elle se leva
et se dirigea vers la porte
- Juste une chose, voilà pour les détails, lisez
ceci, et Olivia sortit une enveloppe de son sac
qu’elle jeta sur la table du salon. C’est que j’ai
trouvé dans la maison de ma mère après son décès.
Et là, mes coordonnées, dans le cas où …
Et elle lui remis sa carte avec l’adresse en
Bretagne.
Et elle sortit. C’est la deuxième fois qu’elle sortait
de ses gonds, la première fut quand elle avait tourné
le dos à sa mère.
Elle se sentait vidée, mais soulagée en même
temps. Une fois en bas de l’immeuble, elle leva les
yeux vers l’appartement et vit le visage de sa tante à
la fenêtre. Olivia la fixa et Dominique disparut de sa
vision.
190
- Pourquoi lui as-tu donné tes coordonnées ?
Tu espères quoi ?
- Je ne sais pas. Ce fut machinal, instinctif. Je
lui ai laissé de la lecture, si tu vois ce que je veux
dire. Je n’ai pas parlé d’Olivier, ni de papa… Je ne
sais pas ce qu’elle sait d’eux, ni même si elle connait
leur existence. Elle va l’apprendre en lisant les écrits
de sa sœur. Au fond de moi, j’espère un
revirement…
- Tu ne changeras jamais. Bon, ton père a
appelé et…
- Il y a un problème ?
- Non, mais j’ai compris qu’il se sentait seul. Tu
veux qu’on passe le voir ?
- Pourquoi pas, cela nous fera du bien. Peut-
être que je ne lui parlerai pas de ce qui s’est passé
aujourd’hui…C’est encore trop frais et j’ai besoin de
prendre de la distance.
- Très bonne initiative. On emmène Déva ?
Il n’avait pas fini sa phrase que déjà cette
dernière s’était levée et se dirigeait vers la porte, sa
laisse dans la gueule, en les regardant avec instance.
Ils éclatèrent de rire.
- Dis-donc, toi, tu as fini d’écouter les
conversations des humains dit Alexandre en lui
grattant la tête.
192
compte. Elle se retrouvait seule maintenant avec son
chien.
Elle repensa à sa nièce et reconnue qu’elle avait
beaucoup de courage pour aller déterrer le passé. Et
cette enveloppe, que contenait ’elle ?
Dès qu’elle fut rentrée de sa promenade, elle
s’installa dans son fauteuil devant la baie vitrée et
entreprit la lecture des feuillets. Elle lut tout, d’un
seul trait.
Ce qu’elle découvrit fut un véritable choc. Elle
revit sa sœur, si rebelle, si mal dans sa peau.
Comment a-t-elle pu vivre ainsi ? Quelle mère était
‘elle devenue ? En fait, elles avaient beaucoup de
points communs toutes les deux. Louise fut très
possessive, tenant sa fille éloignée des hommes. Et
elle, très sévère et exigeante avec ses enfants,
laissant peu de place à son mari en tant que père.
Leur parcours a été similaire sur le fond.
Inconsciemment, elles ont toutes les deux laissé peu
de place aux hommes dans leur vie. Elle prit
conscience qu’elle n’avait jamais parlé avec ses
enfants. Ils ne connaissent rien de son histoire.
Et puis sa sœur qui a cherché son soutien quand
elle a osé affronter les parents ; Dominique prenait
soudain conscience que tout aurait pu être différent
si elle avait suivi sa sœur à ce moment-là au lieu de
lui balancer ce soi-disant pardon qu’en fait elle
n’avait jamais donné.
194
Chapitre 20
195
contact avec Olivier, tout s’était déroulé comme s’ils
se connaissaient depuis toujours.
196
reçue au Mans. Moins sûre d’elle, moins sévère
moins hautaine, presque honteuse.
Olivia la laissa entrer. Alexandre s’éclipsa.
- Que voulez-vous ? Tout d’abord, pour
clarifier les choses, je m’appelle Olivia.
- Oui, je sais. J’ai lu le manuscrit et je ne suis
pas là pour vous importuner. Depuis votre visite,
beaucoup de souvenirs remontent et je ne peux pas
dire que je suis à l’aise avec tout cela.
- Je m’en doute. Comment pourrait ’on l’être ?
Auriez-vous des remords ?
- Des remords ? Bien sûr… Je … Dominique
s’arrêta et regarda Olivia. Est-ce que je peux vous
tutoyer ?
Olivia hésita et finalement accepta. Elle la pria de
s’asseoir.
- Il y a quelque chose que tu ignores, que tout
le monde ignore…concernant le décès de mes
parents…
- Je vous écoute répondit Olivia qui pressentait
quelque chose de douloureux
- C’est moi qui les ai tués. Dit-elle d’un ton
froid et détaché
Olivia sursauta, elle s’attendait à tout, mais pas à
ça.
- Pardon ? Vous les avez … tués ? Un frisson la
secoua. Elle déglutit péniblement. Elle eut presque
peur.
197
Dominique était assise, droite, le regard dur.
- Tu as bien entendu. Je les ai tués. Mais pas
au sens que tu penses.
- Je ne comprends pas ce que vous essayez de
me dire…. Olivia ne se résolvait pas à la tutoyer.
- La veille de sa mort à lui, tu vois, je ne peux
plus l’appeler autrement, donc peu de temps avant
son décès, c’était le 10 juillet 1990 et je n’oublierai
jamais cette date, on s’est violement disputé. Il était
malade et voulait venir s’installer tous les deux chez
moi. En une fraction de seconde, je ne sais pas
pourquoi, j’ai revécu tout ce qu’il m’avait fait subir,
j’ai eu mal, très mal. Envie de vomir. Et devoir les
prendre en charge était au-dessus de mes forces.
Alors j’ai explosé et je lui ai tout flanqué à la figure,
tout ce qu’il m’avait fait, ce qu’il nous avait fait.
Tout. Il a fait un malaise. Il est tombé. Ma mère, qui
était là, a hurlé. Je les ai regardés, vide de toute
émotion et je suis partie. Je les ai laissés là, comme
ça, lui à terre et ma mère qui criait. On m’a appelé le
lendemain pour m’apprendre son décès. Et cela ne
m’a fait ni chaud, ni froid. Je ne suis pas allée à la
sépulture.
Olivia était anéantie. Elle relatait cela sur un ton
tellement froid, sans une once de sentiment, comme
si elle était spectatrice de ce qui s’était passé, qu’elle
en devenait presque effrayante. Elle ne sut quoi
dire.
- J’ai gardé cette histoire pour moi. J’ai fait
trop tard ce que ta mère a fait plus tôt, c’est-à-dire,
leur balancer à la gueule toute leur noirceur.
198
- Eh bien, comment dire ? Je suis … Je ne
trouve pas les mots… .Je ne peux pas me mettre à
votre place et je ne vais pas vous juger. Mais votre
mère, elle est décédée 10 ans plus tard, n’est-ce
pas ? Qu’est-ce qui s’est passé ?
- Tout ce que je sais, c’est que suite au décès de
son mari. elle a été internée en psychiatrie où elle a
fini ses jours. A la suite de ce … drame », dit ’elle en
hésitant, comme si elle cherchait le terme adéquat,
« j’ai refusé tout contact avec elle. Voilà. Je ne vais
pas t’encombrer de plus de détails. Le reste
m’appartient ».
- Puis-je vous poser une question ?
- …
- Pourquoi m’avoir raconté cela ? Qu’attendez-
vous de moi ?
- Je ne sais pas. Vider un sac trop plein,
soulager ma conscience. Vous êtes psychologue,
alors vous comprenez, bien sûr, dit’ elle en
l’interrogeant du regard.
- Vous vous trompez de personne : il y a des
prêtres pour ça et cela s’appelle une confession. Et
là aujourd’hui, dans cette maison, je suis une femme
comme les autres qui s’est construite comme elle a
pu et ce n’est pas la thérapeute que vous avez en
face de vous. Et je ne serai jamais votre
psychologue, si c’est ce que vous espérez. Je ne
pourrais jamais poser un regard neutre sur cette
histoire.
Mais elle ne put s’empêcher de lui poser la
question qui la taraudait depuis quelque temps :
199
- Mais vos enfants sont-ils au courant ? Et
votre mari a-t-il su ?
- Non, personne ne sait. Mes enfants font leur
vie, tant bien que mal, et m’ont un peu oubliée, et
mon mari …. Comment dire ? Je me suis mariée
pour échapper à ce carcan familial, mais il n’y a pas
eu beaucoup d’amour entre nous, enfin, du moins
de mon côté. Il s’est fatigué de moi, à la longue.
- Ce que je peux juste vous dire, c’est qu’il faut
parler à vos enfants… Vous savez, cette histoire,
c’est aussi leur histoire et elle va laisser des
empreintes indélébiles si vous laissez les choses en
l’état.
Dominique la regarda, se leva et lui prit les mains
en murmurant simplement :
- Pardon et merci de m’avoir écoutée.
Et elle partit, sans qu’Olivia ne fasse un geste
pour la retenir. Alexandre, qui, depuis la pièce d’à
côté, avait tout entendu, s’approcha d’elle. Ils
regardèrent la voiture s’éloigner.
- Au moins, les choses sont claires et tu as bien
fait de lui faire comprendre que tu n’étais pas la
bonne personne pour écouter ses états d’âme.
- J’espère. Je suis fatiguée dit’ elle en
s’appuyant sur le bord de la table. Je suis si fatiguée
répéta-t-elle. Cette histoire me ronge plus que je ne
le pensais.
Au moment où elle prononçait ces mots, elle
sentit une truffe humide lui toucher la main. Elle ne
200
put s’empêcher de sourire, malgré elle. Sa chienne la
regardait et lui tendait la patte.
- Oh ma Déva ! Toujours là quand il faut !
204
Chapitre 21
205
- Ça va. Je ne vais pas vous cacher que je suis
fatigué. C’est difficile tous ces traitements. Je
m’accroche, pour eux, en se tournant vers Olivia et
Alexandre qui s’affairaient dans l’espace cuisine. Je
les aime tant. Mais, je sais que mes jours sont
comptés confia-t-il à Azilis.
Elle lui sourit tristement et s’installa à côté de lui
sur le canapé, rejoint très vite par Déva.
- A te voilà ma belle. Vous savez qu’elle m’a
sauvé la vie ? dit ’il en posant sa main sur la tête de
la chienne.
- Oui, j’ai entendu parler de ça…
207
veut-tu nous le mettre dans ta chaine, s’il te plait ?
en tendant un disque à son gendre.
Quand la voix du chanteur s’éleva et raisonna
dans la pièce, tous furent envahis de la même
émotion. Les paroles étaient en breton, mais cela
donnait encore plus de force à ces chants. Il avait
une voix si particulière, musicale, à peine
rocailleuse, qui semblait venir d’un autre temps. Le
morceau se terminait par une envolée de
cornemuses d’une telle puissance que chacun en eut
la chair de poule. Olivia saisit la main de son mari et
pencha sa tête sur son épaule, Christophe fermait
les yeux. Olivier et Azilis ne disaient mot, mais se
parlaient du regard.
Dès que le morceau fut terminé, Olivia se leva et
alla chercher le carnet bleu qu’elle avait rangé dans
le tiroir de la vieille commode.
- Ce carnet bleu contient des poèmes que
maman écrivait. Pour la première fois, elle prononça
le mot « maman ». Il me semble qu’il y en a un
qu’elle a écrit en écoutant ce chanteur.
Elle feuilleta le carnet.
Ah, le voilà. Je peux vous le lire. C’est beau.
« Le vieux druide
210
La soirée se termina ainsi, tranquillement, tous
unis dans la chaleur de cette maison qui avait réussi
à rassembler cette famille orpheline.
212
- Sympa ? C’est ce que tu veux dire ?
- Ben oui…. Mais ne vas pas t’imaginer des
choses. Tu sais très bien qu’Erwan est toujours très
présent dans mon cœur et il n’y a pas de place pour
quelqu’un d’autre dans ma vie.
- Je sais, je ne vais pas te juger, mais rien ne
t’empêche d’avoir des amis. Tu sais, Olivier est
quelqu’un de bien, je ne dis pas cela parce que c’est
mon frère, mais il est entier et vrai dans ses
relations. Et juste, donne toi le droit d’être
heureuse. Je te fais grâce des phrases toute faite du
style « Erwan aurait aimé que tu refasses ta vie » etc
… Je déteste que l’on fasse parler les morts. Mais,
juste, tu as le droit d’aimer et cela n’entachera en
rien l’amour que tu portes à ton mari. Tu n’as pas à
culpabiliser. Excuse-moi de jouer la psy, mais, je
vous ai vus ce soir, et il y avait une telle complicité
entre vous…
- Je vais être franche avec toi. C’est vrai qu’il
m’a troublée avoua-t-elle. Je me suis sentie
tellement bien à ses côtés. Il est rassurant. Mais j’ai
besoin de temps. C’est comme si je trompais
Erwan…
Azilis posa sa tête contre l’épaule de son amie.
- A qui pourrai-je dire ces choses, si ce n’est à
toi ? Tu me comprends, mais s’il te plait, ne lui dis
rien.
- Bien sûr que non ! Tu peux compter sur moi.
Tiens, j’entends la voiture d’Alexandre. Tant mieux,
tout le monde est à bon port.
213
Chapitre 22
214
tellement dans son travail. On a rencontré quelques
résidents : ils ont l’air de beaucoup l’apprécier.
216
Olivier, secondé d’Alexandre, projeta un petit
film flash-back sur l’année qui se terminait, leurs
réalisations, les sorties, l’idée étant de valoriser le
travail des handicapés. Les résidents riaient de se
voir sur l’écran, de reconnaitre des lieux qu’ils
avaient visités. Certains étaient plus démonstratifs
que d’autres.
Azilis, qui s’était installée au fond de la salle,
observait Olivier au milieu d’eux. Il leur parlait, les
interpellait quand le visage de l’un deux apparaissait
à l’écran. Il était à sa place, handicapé parmi les
handicapés, mais pas que. Il était leur pilier, leur
force. L’admiration et la confiance qu’ils avaient
tous en lui étaient palpables. Quelle présence pensa-
t-elle. Il semble si sûr de lui. Elle se rendit compte
que quand elle pensait à lui, elle occultait son
handicap. Il était tellement à l’aise avec son fauteuil
qu’on ne le voyait même pas.
219
Azilis devait rentrer chez elle le surlendemain.
D’habitude, elle avait hâte de retrouver son
environnement et ses habitudes. Cette fois-ci, elle
sentait poindre de la tristesse à l’idée de quitter ses
amis. Sans rien ne dire à personne, elle décida de
passer dire au revoir à Olivier : après tout, ce n’était
pas un grand détour sur son trajet. Elle voulait
mettre les choses au point avant que la situation la
dépasse et ne pas lui laisser de faux espoir.
Quand elle arriva devant son appartement, elle
l’aperçut qui se promenait dans le parc. Attiré par le
bruit du véhicule, il se retourna et la vit. Son cœur
bondit dans sa poitrine.
Elle s’avança vers lui, intimidée… Ils étaient seuls
dans ce parc.
- Bonjour Olivier. Je rentre à Laval et je
passais juste te dire au revoir, dit-elle en baissant les
yeux et en resserrant le col de son manteau.
- C’est gentil. Viens, entre une seconde. Il fait
froid dehors. Tu as bien cinq minutes.
Azilis hésita, sa tête disait non, mais son cœur
disait oui.
- D’accord, mais pas longtemps, j’ai un peu de
route et je voudrais arriver avant la nuit.
Olivier la fit entrer et lui proposa de prendre un
thé.
Puis, il s’installa à côté d’elle. Il la regardait
déguster sa boisson. Il se dit que c’était le moment
pour oser lui avouer ses sentiments.
220
- Azilis, j’ai passé une magnifique soirée. Ma
sœur, mon père et… toi.
Il se sentait si maladroit.
- Comment te dire ? Depuis, je ne cesse de
penser à toi, le jour, la nuit. Tu envahis toutes mes
pensées déclara t’il en lui prenant la main
doucement et en la regardant droit dans les yeux.
Azilis redoutait et en même temps attendait ce
moment. Elle lui sourit et laissa sa main dans la
sienne.
- Olivier, je… je ressens la même chose que toi.
Toi aussi, tu hantes mes jours et mes nuits. Mais, je
ne peux pas… enfin, je ne suis pas prête pour une
nouvelle relation. Pas encore.
- Je m’en doutais… C’est mon handicap qui te
gêne. Je suis repoussant c’est ça, avec mes jambes
déformées et…
Il recula, le visage fermé soudainement.
Azilis l’interrompit brusquement et s’approcha de
lui en posant sa main sur son bras.
- Mais non, pas du tout, pas du tout ! s’écria-t-
elle malgré elle. Quand je te vois, je vois Olivier, un
homme qui me charme, qui me touche, qui me
bouleverse, et à aucun moment, je n’ai ressenti une
gêne quelconque face à ton handicap. Non, ce n’est
pas ça ….
- C’est quoi, alors ? Je ne comprends pas. Tu
me dis que tu ressens les mêmes choses, mais que tu
ne peux pas. As-tu quelqu’un d’autre dans ta vie ?
221
- Oui, il y a quelqu’un..
- Ah… Je croyais que tu étais… enfin
- Ce n’est pas ce que tu crois. Mon mari,
Erwan, est décédé il y 7 ans maintenant. Nous étions
si heureux, si fusionnels. Ce fut un tsunami, sa
disparition. J’ai mis du temps à reprendre gout à la
vie. Ta sœur m’a beaucoup aidée à remonter la
pente. C’est une amie précieuse. Mais je l’aime
toujours, il me manque toujours autant. J’ai
toujours autant mal, là, dit ’elle en mettant sa main
sur sa poitrine. Je me sens vide depuis son départ.
Tu comprends, n’est-ce pas ? Dis-moi que tu
comprends ?
- Oui, oui, je comprends, je suis vraiment
désolé. Je ne savais pas.
- Je me suis promis de lui rester fidèle au-delà
de la mort. Je suis morte dedans, mon cœur est
mort. Je suis incapable d’aimer à nouveau…Mais je
n’ai pas vu venir ce qui nous arrive. Notre rencontre
m’a beaucoup perturbée et je ne sais plus où j’en
suis. J’ai besoin de temps, tu comprends, pour
envisager une nouvelle relation. Je ne sais pas si je
pourrai.
Olivier sentait qu’il était allé trop vite et s’excusa.
- Pardon, pardon, je suis allé trop vite. Mais, je
ne veux pas te perdre. Tu vas repartir chez toi, je ne
sais pas quand on se reverra. Sache que je
t’attendrais le temps qu’il faudra. Promets-moi une
chose ?
- Oui, laquelle demanda-t-elle en le regardant,
les yeux embués de larmes
222
Il approcha sa main pour essuyer sa joue et lui dit
doucement :
- Sois mon amie…. Ta présence me fait du bien
et je te promets de ne jamais te reparler de mes
sentiments.
Elle pencha sa joue vers lui, prit sa main et y
déposa un tendre baiser.
- Oui, je veux bien être ton amie.
- Tu m’envoies un texto dès que tu es arrivée ?
- Oui, promis. Il faut que j’y aille.
Elle se sentait si bien, là, à ses côtés. Elle se leva à
regret et partit.
223
Chapitre 23
228
Olivier saisit l’occasion pour évoquer Azilis avec
sa sœur.
- Il faut que je te parle de quelque chose dit ‘il.
- Moi aussi. J’ai quelque chose à te dire.
- Vas-y, je t’écoute.
- Voilà, quelques jours avant Noël, on a eu la
visite de notre tante Dominique…
Olivier l’interrompit
- Qu’est-ce qu’elle est venue faire chez toi ?
- Elle est venue me parler du décès de ses
parents. Elle m’a dit, comme ça, de but en blanc,
qu’elle les avait tués.
- Tués ?! s’exclama Olivier en écarquillant les
yeux.
- J’ai eu la même réaction que toi. En fait, ils
ont eu une altercation et suite à cela, son père a fait
un malaise et elle les aurait plantés là, sans
intervenir.
- Bah ! Tu l’as crue ? Tu ne penses pas qu’elle
veut se donner bonne conscience à tes yeux ?
- Je ne sais pas. Elle semblait sincère, mais elle
m’a raconté cela avec une telle froideur et avec un
tel détachement…Elle m’a fait presque peur. Je crois
qu’elle disait vrai.
- Et après ?
- Après, elle m’a demandé pardon et elle est
partie. Je ne l’ai pas retenue.
229
- Tu as bien fait, s’empressa de dire Olivier qui
était plus direct que sa sœur. Mais pourquoi tu n’en
as pas parlé plus tôt ? Papa est au courant ?
- J’avais besoin de prendre du recul avec cette
histoire. Noël approchait et je n’ai pas voulu nous
encombrer avec ça. Papa n’est pas au courant et je
ne compte pas lui en parler.
- Tu as raison. Je ne la sens pas cette femme.
On s’est retrouvé, c’est l’essentiel, non ?
- Bien sûr. J’avais besoin de la voir, tu le
comprends, mais ce qui s’est passé avec ses parents
lui appartient. Bien sûr, c’est horrible ! Je la crois
sincère : peut-être qu’il lui a fallu du temps pour
verbaliser ce qu’elle a vécu, peut-être que ma
première visite ainsi que le manuscrit que je lui ai
fait lire, ont été l’élément déclencheur de sa prise de
conscience et qu’elle avait besoin de parler. Tu te
rends compte que ses enfants ne connaissent rien de
cette histoire. Je lui ai juste conseillé de leur parler.
Maintenant, rassure-toi, je ne compte pas la revoir.
- Je l’espère bien. On a d’autres préoccupations
avec Papa.
- Oui, tout à fait. Mais je tenais à ce que tu sois
au courant. Et toi, que voulais –tu me dire ?
Olivier avait besoin de se confier à sa sœur.
- C’est au sujet d’Azilis . Tu as de ses
nouvelles ?
Olivia le regarda, un petit sourire aux lèvres.
- Oui, on s’appelle régulièrement, pourquoi ?
230
- Et elle t’a dit quelque chose à mon sujet ?
Olivia avait eu une conversation avec son amie,
mais elle ne pouvait pas la trahir.
- Elle m’a demandé de tes nouvelles elle aussi.
Mais où veux-tu en venir ? Dis-moi, ne serais-tu pas
un petit peu amoureux, petit frère ?
Olivier avoua à sa sœur qu’il aimait Azilis et lui
relata leur conversation.
- Je sais qu’elle m’aime, et je respecte sa
douleur. Mais je ne sais pas comment m’y prendre.
Peut -être qu’elle n’ose pas me dire que mon
handicap la dérange. Après tout, ce ne serait pas la
première. Regarde-moi ! A quoi je ressemble !
s’écria-t-il en se frappant les cuisses avec ses mains.
Olivia l’interrompit et posa sa main sur son bras.
- Arrête ! Je peux t’assurer que le fait que tu
sois en fauteuil ne lui pose aucun problème. Je
connais Azilis depuis longtemps, j’ai partagé son
deuil. Elle est d’une fidélité exemplaire et culpabilise
à l’idée d’aimer quelqu’un d’autre. C’est ça son
problème. Mais ôte-toi de la tête que c’est à cause de
ta situation !
Et elle rajouta :
- Tu sais, on est tous handicapé de quelque
chose dans la vie. Le tiens est physique, le sien est
affectif, c’est une amputation : la vie lui a enlevé
l’homme qu’elle aimait. Alexandre et moi, c’est la
même chose : notre enfant nous manque
terriblement. Mais c’est ainsi et il faut avancer.
Seulement, chacun son rythme
231
Et sans vouloir trahir ce qu’elle m’a confié, votre
rencontre l’a beaucoup perturbée et bouscule toutes
ses certitudes. Je trouve cela très positif. Il faut juste
que tu sois patient.
Olivier fixait, tournait et retournait son verre
dans sa main.
- C’est ce qu’elle m’a demandé aussi, mais cela
fait trois mois et je n’ai pas de nouvelles. Et peut-
être qu’elle ne veut plus me voir… Qui voudrait
s’engager avec quelqu’un comme moi, avec toutes
les contraintes que cela suppose et puis, le regard
des autres. Elle mérite mieux.
- Bon, t’as fini de te plaindre ? Tu sais quoi, tu
arrêtes de te regarder le nombril. Appelle-la ou
envoie-lui un message ! Je crois qu’elle est comme
toi, elle n’ose pas te contacter.
Et elle ajouta en riant
- Vous êtes deux ados….c’est tout.
Il ne répondait pas, songeur.
- Eh, tu es fâché ? Pardon, j’ai été un peu dure
avec toi…
- Non, c’est toi qui as raison. Ce n’est pas mon
genre de me plaindre, mais je pense à elle tout le
temps. Je voudrais tellement que cela marche entre
nous. Je sais, je sens qu’on fait pour être ensemble.
- Voilà enfin des paroles positives. Tu sais ce
qu’il te reste à faire ? Mais, je ne m’en mêlerai pas.
C’est votre histoire, ce n’est pas la mienne. Azilis est
mon amie et tu veux que je te dise, eh bien, vous
232
faites un beau couple tous les deux. Et sincèrement
je serai ravie de l’avoir comme belle-sœur.
233
Chapitre 24
235
Un petit signal sur son téléphone l’informa d’un
nouveau message :
Merci d’avoir appelé. A très vite – Je t’embrasse.
Il s’empressa de répondre :
J’ai hâte de te revoir – Je t’embrasse aussi.
237
côtés pour la guider et l’envelopper de son immense
amour.
238
Olivia, qui avait du mal à lâcher totalement prise,
s’abandonna complètement ce soir-là. Leur étreinte
fut torride et se retrouvèrent comme au début de
leur relation, quand ils étaient encore insouciants et
qu’ils faisaient l’amour avec passion et fougue.
Depuis la mort de leur enfant, malgré tout l’amour
qu’ils se portaient, leurs moments d’intimité étaient
un peu plus routiniers.
239
Chapitre 25
241
retable. Instinctivement, leurs mains se
rapprochèrent, leurs doigts se réunirent et leurs
regards se croisèrent. Ils se sentirent imprégnés
d’un amour immense et inconditionnel. Ils restèrent
ainsi de longues minutes ; ni l’un, ni l’autre
n’avaient envie d’interrompre cet instant.
Ils ressortirent envahis d’une telle émotion qu’ils
mirent du temps à retrouver la parole et à revenir
dans le monde qui les entourait.
Puis, ils entreprirent une magnifique promenade
le long de la plage.
Azilis s’extasia devant ce paysage grandiose.
- Mon dieu ! Que c’est beau ! Ces couleurs, ces
rochers ! C’est extraordinaire !!!
Olivier s’arrêta, fit pivoter son fauteuil vers elle et
lui dit :
- Cela me touche que tu aimes cet endroit. Tu
vois, c’est là que je viens, quand je n’ai pas le moral.
Je peux rester des heures ainsi à contempler la mer.
Aujourd’hui, elle est calme, mais par temps de
tempête, c’est magique et effrayant à la fois. On se
sent si petit face à ça.
- Je comprends. Je n’ai pas de mots pour
décrire ce que je vois
Et ils avançaient ainsi tous les deux, lui
manipulant son fauteuil et elle la main posée sur
son épaule.
Ils déjeunèrent au restaurant de la plage, en
terrasse, avec vue sur la mer.
242
Olivier mourrait d’envie de lui parler de ses
sentiments. Il craignait sa réaction, mais sa petite
voix intérieure le rassurait.
- Azilis, tu sais, depuis que tu es partie, je n’ai
pas cessé de penser à toi, à nous. Je sais et j’ai
compris combien c’est compliqué pour toi
d’envisager de recommencer une autre histoire,
après ce que tu as vécu. Je voulais que tu saches que
je suis sincère avec toi. Je t’aime. Je peux entendre
que tu aies besoin de temps. Je serais là quand tu …
Azilis l’interrompit et prit sa main.
- Je sais que tu m’aimes. Ce qu’on a partagé ce
matin m’a profondément bouleversée ; je me suis
sentie si proche de toi. On était sur la même
fréquence.
- J’ai eu le même ressenti.
- Durant ces quelques semaines, j’ai avancé et
j’ai pris conscience que l’amour que nous avions
Erwan et moi sera toujours le même, mais qu’il a
pris une autre dimension. Je me sentais comme
emprisonnée dans ma douleur. J’avais mis ma vie
entre parenthèse. A présent, j’ai envie de vivre. Je
t’aime aussi.
Olivier, qui ne s’attendait pas à une telle
déclaration, serra sa main et la regarda droit dans
les yeux.
- Il faut que je te demande quelque chose, mais
ne m’en veux surtout pas.
- Je t’écoute répondit Azilis un peu surprise.
243
- Eh bien voilà. Je suis handicapé. Azilis
s’apprêtait à l’interrompre, mais doucement, il leva
la main et ajouta « non, laisse-moi finir s’il te plait.
C’est important pour moi. Je suis handicapé. As-tu
pensé à comment nous allions vivre tous les deux
avec ça ? Tu sais que ce n’est pas simple tous les
jours, il y a des contraintes… . Cela ne te fait pas
peur ?»
- S’il te plait. Arrête. Si je n’étais pas sûre de
moi, je ne serai pas là. Ton handicap ? Eh, bien, on
va vivre avec, comme tu le fais depuis toujours, sauf
qu’à partir de maintenant, on sera deux. Ce sera
plus facile. Fais- toi confiance. Fais-nous confiance.
Tu vois, ce qu’il s’est passé ce matin dans la
chapelle, c’est un signe.
Et elle ajouta en riant
- Je crois qu’on est béni des dieux, enfin,
pardon, béni par les saints bretons.
Et elle continua plus sérieusement :
- J’ai beaucoup réfléchi et j’ai pris une
décision. Je vais venir m’installer ici en Bretagne.
Olivier ne s’attendait pas à une telle annonce, du
moins pas aussi vite, mais cela le remplit de
bonheur.
- Non ! C’est vrai ? Tu veux vivre ici ? Tu es
sûre de toi ?
- Oui, je le veux. Je n’ai jamais été aussi sûre de
moi. Et je me suis renseignée sur les possibilités
d’emploi dans la région. Tu sais que je suis
généalogiste successorale. Et je peux déjà
244
t’annoncer que j’ai un entretien demain avec un
notaire de Lannion.
Il n’en revenait pas.
- Ça alors ! Tu es toujours comme ça quand tu
prends des décisions ?
- Pour être honnête, je ne me reconnais pas
moi-même. C’est comme si quelqu’un me guidait.
Il hésita un peu avant de dire :
- Erwan ?
Elle lui sourit et hocha simplement de la tête. Et
elle lui relata ce qu’il s’était passé dans le cimetière.
N’importe qui ce serait moqué d’elle, l’aurait traité
de folle, voire de menteuse, d’affabulatrice, mais il
reçut ses confidences avec respect et bienveillance.
- Tu sais, je suis convaincu qu’on a tous un
ange gardien qui veille sur nous et nous guide, nous
aide à affronter cette vie. Seulement, on n’est pas
toujours en posture d’écoute, pour recevoir son
message. Et, ce jour-là, tu l’as été. Tu as lâché prise
et tu as entrevue l’autre dimension. Ça, j’y crois.
245
d’une pirouette, se retrouva face à eux avec un grand
sourire, en déclarant :
- Vous savez, la beauté, ce n’est pas que
l’extérieur.
Lui qui avait auparavant tant de difficultés à
affronter le regard et les commentaires des autres,
assumait sa différence. Et il se retourna, s’approcha
d’Azilis, se pencha vers elle, enserra son visage dans
ses mains et l’embrassa avec beaucoup de
tendresse. Elle reçut ce baiser avec beaucoup
d’émotion et se laissa aller dans ses bras.
246
moment, peur de la décevoir, peur qu’elle soit
rebutée par ce corps déformé.
- Tu sais, on n’est pas obligé de …. Enfin, je
veux dire, c’est compliqué pour…
Elle comprit ce qu’il tentait de lui expliquer et
vint à son secours.
- Moi aussi, j’ai peur. Il faut que je t’avoue
quelque chose : je n’ai pas refait l’amour depuis
Erwan.
- De mon côté, je n’ai pas eu beaucoup
d’histoires. En général, les filles que je rencontrais
mettaient un terme à notre début de relation très
rapidement. On va prendre le temps qu’il faut et
laisser nos corps faire connaissance.
- Oui, tu as raison. On est bien ainsi, mais ne
t’inquiète pas, ça ira.
247
Elle fut la première éveillée. Le jour filtrait à
travers les volets. Elle le regardait dormir. Elle
déposa de doux baisers sur son visage et sentit son
corps s’éveiller à l’amour. Lorsqu’il émergea, il la
prit dans ses bras et tout doucement, tendrement,
laissa ses mains courir sur sa peau si douce. Elle
répondit à ses caresses et le laissa la guider. Leur
corps se découvraient, se reconnaissaient. Ils
réapprenaient à aimer, à désirer, à avoir envie.
248
Chapitre 26
251
à l’appartement et de déjeuner rapidement
ensemble.
Elle s’empressa de le rejoindre. Il l’attendait avec
fébrilité, impatient et angoissé à l’idée de la revoir
après leur première fois. Il craignait qu’elle ne
change d’avis le concernant, que son aspect
physique l’ait rebutée.
Elle lui raconta l’entretien, la proposition de
l’employeur et aussi l’apparition de la tourterelle.
Elle n’avait pas encore abordé ce qui la préoccupait,
celui de leur vie commune.
- C’est dingue ! C’est la deuxième fois que tu
vois cet oiseau. Comment tu l’interprètes ?
- Je ne sais pas trop. Je sais qu’on est sur la
même longueur d’ondes tous les deux au sujet de ce
genre de phénomènes. Tu sais, je crois vraiment
qu’Erwan prend la forme de cette tourterelle pour
me transmettre des messages. Et je me sens
tellement bien après…
- J’en suis convaincu. Je pense qu’il bénit notre
relation.
Et il hésitait à lui poser une question, mais tant
pis, il fallait qu’il sache.
- J’ai quelque chose à te demander. C’est un
peu délicat… Je voudrais savoir comment tu as vécu
notre premier rapport ? Je ne te dégoute pas trop ?
Est-ce que ….
Azilis sentait qu’il était mal à l’aise et vint à son
secours.
252
- Mais non, voyons ! Comment te faire
comprendre que j’étais si bien dans tes bras, que tu
m’as comblée et que tu as réveillé en moi tout ce que
je croyais avoir oublié, à savoir du désir et du plaisir.
Puisqu’on en parle, de mon côté, je me suis dite que
tu as du me trouver très maladroite.
Il la prit par la main et l’attira sur ses genoux.
- Tu sais, j’avais tellement peur que tu ne
veuilles plus de moi lui chuchota ‘il à l’oreille. Parce
que moi, j’ai toujours envie de toi et j’ai adoré
toutes tes caresses.
Pour toute réponse, elle l’embrassa
langoureusement et lui murmura :
- Laisse-toi faire, je vais te prouver de quoi je
suis capable.
Et elle lui fit l’amour passionnément, avec
tendresse et douceur.
253
- Ecoute, pendant que je suis en cours, va
chercher tes affaires chez Olivia et Alexandre et
reviens ici. Tu pourras repartir demain matin depuis
ici, en terme de distance, cela ne change pas grand-
chose, je crois. Tiens, je te laisse une clé dans le cas
où tu serais de retour avant moi. Tu es ici chez toi,
ajouta t’il.
256
- Et que tu t’installes ici, insista t’il
- Justement, c’est de cela que je voudrais te
parler. Bien sûr, j’ai envie de vivre avec toi, j’en rêve.
Mais tu dois savoir que mon travail m’impose
quelques contraintes.
- Qu’est-ce que tu essaies de me dire ? Que tu
ne veux pas habiter ici ?
- Mais non, mais toi, vas-tu accepter mes
horaires ? Tu sais, que je dois me déplacer, en
France ou aussi à l’étranger ? Que ces voyages
peuvent durer, quelques jours, voire quelques
semaines ? Es-tu prêt à supporter tout cela ? Je ne
peux pas te l’imposer et …
Olivier, qui l’écoutait avec attention, finit par
l’interrompre :
- Je sais tout cela, tu m’en avais déjà parlé.
Oui, je suis prêt. Evidemment que cela sera dur de
te savoir loin de moi, évidemment que tu vas me
manquer. Mais j’ai confiance en toi. Et toi, as-tu
confiance en moi ?
- Oui, bien sûr que je te fais confiance. Tu sais,
je ne me suis jamais posée la question. La confiance,
c’est la base, le ciment du couple. Je suis entière et
je donne tout quand j’aime. Mais tu comprends, je
voulais qu’on en parle. Et puis, autre chose, j’ai vécu
longtemps seule, tu le sais. Personne n’est rentré
dans ma vie depuis le départ d’Erwan. Tu es le
premier à qui j’ouvre mon cœur.
Et elle ajouta en souriant,
257
- Il faut que tu saches que je dois avoir pris des
habitudes de célibataires…
- Rassures –toi, moi aussi, personne n’a
franchi ma forteresse et alors côté habitude, je laisse
traîné mes chaussettes, je ne fais pas mon lit tous les
jours, je mange des surgelés…
- Bon, ça va, j’ai compris… on va devoir
imposer de nouvelles règles dans cette maison.
Et ils éclatèrent de rire.
- Je sais qu’on va être heureux tous les deux et
je crois qu’on est suffisamment armés avec toutes
les épreuves qu’on a traversées, pour affronter le
bonheur qui nous attend. Est-ce que tu pourras
revenir au moins une fois ?
- Je vais essayer. De toute façon, ça va être trop
dur de ne pas te voir, de ne pas t’embrasser, de ne
pas te toucher…
- Moi aussi, tu vas me manquer.
258
Chapitre 27
259
- Non, rien, j’avais juste envie de vous
entendre.
Olivia, ayant mis le haut-parleur, regarda son
mari qui lui fit signe qu’ils pouvaient quand même
se déplacer, la tempête n’empêchait encore pas de
rouler. Le pic était annoncé pour la nuit.
- Tu veux qu’on vienne te voir, on ne fait rien
de spécial cet après-midi.
- Oh oui, cela me ferait plaisir.
- A tout de suite, papa. On t’embrasse.
261
Alexandre, qui n’avait encore rien dit, mais de
par son expérience passée, savait qu’il avait raison,
proposa, sans consulter sa femme :
- Christophe, voulez-vous venir habiter chez
nous ? Vous ne serez jamais tout seul, je suis là
pratiquement tous les jours. Olivia elle aussi est là et
reçoit dans le cabanon, à part quand elle intervient à
l’ESAT et puis, ajouta ‘il en caressant Déva, il y a
elle. Elle ne va pas vous lâcher, vous savez. On va
s’organiser.
Olivia, bien que surprise par la décision
spontanée d’Alexandre, renchérit aussitôt. Elle
savait combien les deux hommes étaient attachés
l’un à l’autre. Une relation forte s’était installée
entre eux. Pour Alexandre, Christophe était le père
qu’il aurait aimé avoir.
- C’est une excellente idée. Papa, accepte, s’il te
plait. L’implora-t-elle.
- C’est gentil, mais je vais vous déranger. Et ce
n’est pas drôle un malade, vous savez.
- Ne t’inquiète pas. Tu seras bien. Et puis, ici,
tout seul, comment vas-tu faire ? Non, tu viens à la
maison et c’est non négociable. Et Alexandre est
secouriste. Ce sera comme si tu avais un infirmier à
la maison dit ’elle en essayant de sourire.
- Merci. Je crois que je n’ai pas le choix. De
toute façon, je suis trop faible pour me déplacer tout
seul.
262
Ils convinrent avec lui qu’ils viendraient le
chercher dès que la tempête serait passée, le temps
de préparer la chambre et de déménager ses
affaires.
264
Celui-ci la reçut le lendemain. C’était un homme
bienveillant qui l’écouta avec attention.
- Votre père est un homme très courageux. Il
m’a beaucoup parlé de vous et de votre frère. Il vous
aime profondément. Je n’ai pas pu lui cacher la
réalité et ce n’est pas mon rôle. Je le crois
suffisamment fort pour affronter la vérité. Il a
décidé d’arrêter les traitements dites-vous ?
- Oui, il dit que cela ne sert plus à rien, mais
qu’est-ce qu’on peut faire pour soulager sa
souffrance ? On ne peut pas le laisser ainsi.
- Il a des antalgiques puissants et il ne faut
surtout pas qu’il les abandonne. Il y a aussi des
techniques non médicales, comme l’acupuncture,
les séances de kinésithérapie, les massages.
- Oui, j’y avais pensé. Il n’y a pas longtemps
que nous sommes ici, auriez-vous des noms à me
communiquer ?
- Oui, bien sûr. Mais, vous, êtes-vous prête à
gérer cette situation ? C’est difficile pour les proches
d’accompagner quelqu’un en fin de vie ?
- Je ne suis pas toute seule, mon mari et mon
frère sont là. Je suis psychologue et cela devrait
m’aider.
- Certainement, sauf que là, votre père n’est
pas un patient ordinaire… c’est votre père et vous
l’aimez. Attention de ne pas vous perdre.
- Oui, je sais. Je voulais vous demander aussi…
C’est difficile, et je sais que ce n’est pas
déontologique, mais, il nous avait suppliés mon
265
frère et moi, il y a quelque mois, de l’aider à partir,
enfin, vous voyez ce que je veux dire…
Olivia sentait les larmes monter et elle se pinça
les mains pour ne pas se laisser aller. Le médecin
qui s’en aperçut, lui répondit simplement :
- Ecoutez, pour le moment, vivez l’instant
présent. Le fait d’être auprès de vous peut avoir un
effet bénéfique et freiner l’évolution de sa maladie et
lui laisser un peu de répit. Attention, je ne suis pas
en train de vous dire qu’il va guérir.
Malheureusement, c’est trop tard. Le cancer s’est
installé dans tout son corps. Je vais être violent,
mais je préfère que vous sachiez : il lui reste
quelques semaines. Mais le fait d’être dans un
environnement chaleureux ne peut que l’apaiser. Je
n’ai pas pour habitude de laisser mes patients
souffrir inutilement ; je serai là quand le moment
sera venu pour qu’il parte doucement.
Et il se leva, lui tendit la main en ajoutant :
- Et surtout, n’hésitez pas à me contacter,
n’importe quand, pour lui et aussi pour vous.
- Merci beaucoup docteur.
267
Chapitre 28
268
séparaient de leur maison, elle eut un léger
étourdissement, ce qui l’obligea à s’arrêter quelques
secondes. Elle n’y prêta guère attention ; une
accumulation de fatigue, pensa –t-elle. Elle se
promit de prendre un peu de repos le weekend
prochain.
Le soir, elle se sentit nauséeuse. Alexandre lui
avait préparé une salade. Elle qui adorait les
crudités, n’y toucha presque pas, ce qui étonna son
mari.
- Tu n’as pas l’air en forme, dis-moi ? Qu’est-ce
qui t’arrive ?
- Oh, ce n’est rien. Juste un peu fatiguée. Ne
t’inquiète pas, ça va aller….
Elle n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’elle
dut se précipiter aux toilettes pour vomir.
- Tu devrais peut-être aller consulter, lui
conseilla Alexandre.
- Ça devrait aller. Quelque chose qui n’est pas
passé. Ne m’en veut pas, mais je vais aller me
coucher.
269
- Tout va bien. Vous êtes en pleine forme. Ce
que vous avez n’est pas inquiétant, bien au
contraire.
- Comment ça ?
- Eh bien, madame Martin, je vous annonce
que vous êtes enceinte.
Olivia, surprise, resta sans voix. Elle fixait le
médecin, caressa son ventre et éclata en sanglots.
- Oh excusez-moi, mais je ne m’attendais pas à
ça. Vous êtes sûr ?
- Oui, à 99 %, mais je vais vous prescrire une
prise de sang pour confirmer.
- Je veux bien. Vous savez, j’ai perdu un enfant
qui aurait maintenant 13 ans. Et voici
qu’aujourd’hui, je vais de nouveau donner la vie.
Et elle lui raconta l’histoire de Romain.
- Je suis sincèrement désolé pour vous. La
perte d’un enfant est un drame dont on ne se remet
jamais. Vous voulez que je vous dise ? Eh bien, c’est
un beau cadeau que la vie vous offre aujourd’hui.
- Mais, j’ai 38 ans. Ne pensez-vous pas que
c’est un peu tard pour être enceinte ?
- Non. Bien sûr, vous allez devoir faire
attention, ne pas vous fatiguer. Mais vous êtes en
bonne santé. Tout devrait bien se passer.
Soudain, elle sentit remplie de joie et pensa au
moment où elle allait annoncer cela à son mari. Elle
ne sut pourquoi, mais lui revint en mémoire la
270
soirée sur le tapis et elle sut qu’ils avaient conçu cet
enfant ce soir-là.
272
- Non ! Ce n’est pas possible…. Tu… Enfin,
nous ... nous allons avoir un enfant. Dis-moi que je
ne rêve pas ?
- Tu as bien compris. J’ai vu le médecin ce
matin. Voilà pourquoi j’étais barbouillée hier soir et
ce matin.
- Ça alors ? Je suis tellement heureux !!!
273
va savoir, peut-être cela va-t-il le rendre encore plus
combattif.
- Je l’espère de tout cœur.
274
Chapitre 29
275
- C’est gentil. Tu vas voir, comme on s’y sent en
paix. Et on n’a pas besoin d’être croyant pour cela.
J’aime ces endroits, église, chapelle, où il y règne
une atmosphère particulière, si apaisante. Merci,
ma chérie.
276
La tombe était un peu à l’abandon. Plus personne
n’y allait depuis fort longtemps. Olivia se promit d’y
revenir pour la nettoyer et la fleurir.
- Je souhaite reposer auprès d’eux. Déclara-t-
il
Olivia compris pourquoi il avait insisté pour venir
au cimetière.
- Papa, tu….
- S’il te plait, je sais que c’est dur pour toi, pour
ton frère, mais je suis serein face à la mort. Je suis
prêt. Il faut que vous l’acceptiez. Dans mes prières,
tout à l’heure, j’ai juste demandé à vivre assez
longtemps pour connaitre mon petit fils ou ma
petite fille.
- Mais, tu vas le connaitre cet enfant, papa, j’en
suis sûre.
Ils s’en retournèrent, tranquillement, vers la
voiture. Olivia regarda son père : son visage était
détendu, comme s’il se sentait délesté d’un fardeau.
Elle comprit qu’il était en train d’organiser son
départ, de les préparer à son absence.
277
Chapitre 29
278
Cette nuit-là, elle fit un rêve étrange qui la
réveilla en lui laissant une curieuse sensation. Elle
avait senti une main prendre la sienne. Des doigts
d’une douceur indescriptible caressaient les siens.
Un amour intense l’avait envahie. Comme si tout
son être baignait dans une chaleureuse lumière.
Puis, elle perçut une voix qui lui chuchota ces mots
« Va vers ton destin, n’aie plus peur, je serais ton
guide ». Elle se réveilla, crut discerner une lueur au
pied de son lit. Etait-ce un rêve ? Cette voix, cette
main si douce. Elle n’eut pas peur. Elle se remémora
l’oiseau du cimetière…
Quand elle se leva, le lendemain matin, le rêve ou
la « chose » de la nuit lui revint à l’esprit. Ses
pensées allèrent vers Olivier et elle entendait déjà
ses paroles quand elle lui raconterait :
- Je pense que ton ange gardien veille sur toi
dirait ‘il.
279
photos, les lettres, tous leurs souvenirs, dans une
petite valise qui ne la quitterait jamais.
282
- Bien sûr, mais j’ai cru comprendre que tu es
très apprécié ici de tes collègues, des résidents… Ça
compte aussi.
- Tu as raison, mais ce n’est pas
pareil…conclut-il
Il fit un tour sur lui-même et déclara :
- Pour fêter notre nouvelle vie, j’ai réservé dans
un restaurant ce soir…
- Super !
283
Mais pourquoi maintenant ? Pourquoi ne m’a-t-il
pas envoyé des signaux avant ?
- Peut-être que tu n’étais pas à l’écoute, je veux
dire, que ta douleur qui était bien légitime, t’a
empêchée d’entendre, de voir, de regarder autour de
toi. Et peut-être que ce n’était pas le moment.
- C’est vrai que j’ai vécu six ans dans un tunnel,
sans jamais en apercevoir la lumière au bout.
Notre rencontre m’est tombée dessus, c’est le
mot, et j’ai cru apercevoir cette lueur qui me
manquait. Mais, comme tu t’en es rendu compte, j’ai
mis du temps à accepter. Et c’est à partir de ce
moment que j’ai commencé à percevoir ces choses.
Comme si on me guidait.
- J’ai fait un peu le même cheminement que
toi. J’étais bien ici, je suis dans un environnement
très protecteur et qui me correspond. Pas de regard
des autres. Pas de jugement. Pas de pitié. Je ne
sortais pas de ma zone de confort. On a tous notre
valise. J’ai fait quelques rencontres sans lendemain.
Tu parles ! Quelle femme peut se projeter dans une
vie avec quelqu’un en fauteuil ? Mon tunnel, c’était
ça. Puis, j’ai fait la connaissance de ma sœur et de
mon père ; ce fut assez violent pour moi et puis j’ai
fait mon chemin. Premier signe que la vie
m’envoyait. Et le deuxième, ce fut toi. Alors,
prenons ce que la vie nous offre et cessons de nous
poser des questions. Et restons aussi à l’écoute de
notre petite voix intérieure. Ça, c’est ma sœur qui
me l’a appris.
- Elle est extraordinaire. Quelle force, quelle
énergie. ! Je ne sais pas où elle va puiser tout ça. Et
284
elle ne lâche jamais. Et heureusement, finalement,
sans quoi, nous ne serions pas là, à cet instant à
faire notre introspection. Conclut Azilis en se
laissant choir dans le canapé.
285
Chapitre 30
286
Olivier, au regard de son entourage, avait
beaucoup évolué. Il était plus ouvert, avait gagné en
confiance en lui et n’avait plus aucune appréhension
à sortir, en dehors du contexte de l’ESAT.
287
Quand le médecin arriva, il les trouva autour de
Christophe. Il les aida à le coucher et resta seul avec
lui un long moment.
Olivia, inquiète, se précipita vers lui dès qu’il fut
sorti de la chambre.
- Asseyez-vous tous les deux. Je vais être franc.
Votre père ne va pas bien. Il est très faible. Je lui ai
fait une piqure pour le stimuler. Il a repris ses
esprits. Mais, vous devez vous préparer.
Olivia s’effondra.
- Non, ce n’est pas possible. Il m’avait promis
qu’il verrait notre enfant. Pas déjà, pas maintenant.
Alexandra l’entoura de ses bras.
- Je sais combien c’est douloureux. Mais je dois
vous rapporter ce qu’il m’a demandé. Il veut que l’on
abrège ses souffrances.
- Je redoutais ce moment. C’est ce qu’il nous
avait demandé il y a quelques mois. Mais, jamais, je
ne pourrais… enfin…c’est inhumain de devoir
programmer la mort de quelqu’un.
- Ce n’est pas nous qui allons programmer sa
mort, mais c’est lui qui décidera. On en a déjà parlé
et je vous avais promis que je serai là pour vous
accompagner.
- Dites-moi la vérité. Il lui reste combien de
temps ?
- C’est difficile à dire. Il nous a montré qu’il
était fort, qu’il avait des ressources. Je dirai un
288
mois. Il m’a dit qu’il attendrait la naissance de votre
enfant.
Olivia, anéantie, se cramponnait au bras de son
mari. Elle caressa son ventre. Un petit être lui
donnait des coups de pieds.
- Un mois ! C’est le temps qu’il me reste avant
d’accoucher murmura t’elle
Le médecin, d’une voix bienveillante, lui dit :
- Pensez à vous pour le moment, à votre bébé.
Pour votre père, je vais poser une perfusion avec des
antalgiques qu’il pourra lui-même activer quand il
souffrira trop. Continuez les massages,
l’acupuncture. C’est bon pour lui. Je repasse le voir
dans une semaine.
Et il ajouta :
- Vous savez, son moteur, en ce moment, c’est
ce bébé. J’ai déjà vécu ce genre de situation. Les
personnes attendent la naissance ou un autre
événement heureux et puis après, ils lâchent.
Alexandre lui serra la main et ils le remercièrent.
Olivia se leva et se dirigea vers la chambre où
reposait son père qui l’accueillit avec un faible
sourire.
- Papa, comment te sens-tu ?
- Ça va mieux. Je ne sais pas trop ce qui m’est
arrivé. Un voile noir, le brouillard et j’entendais
l’aboiement de Déva. Cela me semblait loin. C’est
elle qui vous a averti, c’est ça ?
289
- Oui, c’est elle. Elle veille sur toi sans cesse.
Alexandre a appelé le médecin de suite.
- Merci.
Il respirait doucement et prenait du temps pour
parler.
- Je lui ai parlé. Je lui demandé de m’aider à
mourir. Je sais qu’il me reste peu de temps. Et…
Olivia prit sa main et l’embrassa.
- Papa, je ne peux pas …
- Chut… n’aie pas peur. Je suis prêt. Et je
déciderai en pleine conscience quand ce sera le
moment. Ne sois pas triste. Et je t’ai promis
d’attendre que ton petit soit là.
Elle redressa la tête, se leva, lui caressa la joue et
lui dit.
- Je vais te laisser te reposer. Je t’aime, Papa.
290
son enfant. Il n’aurait pas le recul nécessaire pour
affronter la situation. En quelques secondes, il revit
la naissance de leur premier enfant, puis le drame
quelques années plus tard. Cette naissance devait
avoir lieu dans les meilleures conditions, aussi, il
réagit très vite.
- Ne bouge pas. Je vais t’emmener à la
maternité.
Elle grimaçait de douleur et instinctivement colla sa
respiration sur le rythme des contractions.
- Non, non, ça va aller. Ça doit être une fausse
alerte. Et on ne peut pas laisser Papa tout seul.
- Ne t’inquiète pas. Je vais appeler Azilis pour
rester avec Christophe et toi, je t’emmène à l’hôpital,
sur un ton qui n’amenait aucune réplique
D’autant plus qu’un autre décharge lui déchira les
reins.
- Tu as raison, je crois qu’il faut y aller.
Heureusement que j’ai préparé la valise ces jours-ci.
C’est curieux quand même : Papa nous fait
comprendre qu’il attend la naissance de notre
enfant pour pouvoir quitter ce monde… et le voilà
qui frappe à la porte
291
donner naissance à son enfant très vite. Alexandre
resta à ses côtés tout le temps.
Un petit Evan pointa son bout de nez une heure
plus tard avec un mois d’avance. Fort
heureusement, il était en parfaite santé.
N’ayant pas voulu connaitre le sexe de leur
enfant, Ils avaient choisi des prénoms fille et garçon.
Evan, prénom souvent associé à Yves, et Christophe
en deuxième prénom. C’est Alexandre qui avait
insisté pour ce choix.
Les deux parents restèrent un long moment dans
les bras l’un de l’autre, le bébé posé sur le ventre
d’Olivia. Comme tous dans ces moments-là, leur
enfant était la huitième merveille du monde.
Le petit Evan dut rester en observation quelques
jours, compte tenu de sa prématurité, avant de
retrouver la douceur du foyer familial.
Ce petit enfant fut accueilli avec beaucoup de joie
par Olivier et Azilis, ainsi que Christophe, qui
malgré son extrême fatigue, put se lever et s‘installer
dans son fauteuil et fut très ému du choix des
prénoms qui lui rendaient hommage ainsi qu’à son
père.
- Au moins, dit ’il, nos aïeux vont continuer à
vivre à travers lui.
294
- Bah ! Je ne sais pas où tu trouves cette force,
mais, au fond, tu as raison. On lui doit bien ça, lui,
qui a passé sa vie sans nous. Le pauvre, comme il a
dû souffrir. Je suis heureuse qu’on ait pu lui
apporter un peu de bonheur maintenant. Dommage
que cela ne soit pas arrivé plus tôt. On est passé à
côté de notre vie, à tous.
- On ne peut pas et il ne faut pas vivre sur des
regrets. On n’a pas les réponses, mais cela devait se
passer ainsi. N’est-ce pas toi qui dis que chaque
chose arrive en temps voulu ?
- Oui, mais quand même…
295
Chapitre 31
298
scrutant le ciel qui commençait à se charger de
sombres nuages.
- Non ! Non ! Papa ! Papa !
Elle se laissa choir sur ses genoux.
- Est-ce que tu m’entends maintenant ? Où es-
tu dans cet univers ? Papa !
Il se mit à pleuvoir. Son visage ruisselait de
larmes, de pluies. Elle ne sentait plus rien, ni le
froid, ni le vent, ni l’humidité.
Elle resta ainsi longtemps prostrée face à la mer
qui commençait à se déchainer, à se laisser fouetter
par le vent comme si elle acceptait la punition que
les cieux lui infligeaient, celle d’avoir aidé son père à
mourir. Les images de son enfant décédé lui
revinrent et elle les imagina, son petit Romain et lui
maintenant réunis. Elle leur adressa une prière, leur
demandant de veiller sur eux.
299
conserver dans de bonnes conditions jusqu’à la
sépulture.
Olivier ajouta :
- Il me semble que papa souhaitait être enterré
avec ses parents, c’est ça Olivia ?
- Oui, il me l’a encore dit il y a peu. Il faudrait
aussi avertir M. Le Dantec. Ils ont passé beaucoup
de temps ensemble ces dernières semaines.
300
Puis elle eut un éclair.
- Tu sais quoi ? Eh bien, on va faire notre arbre
généalogique. Je commence à être experte et puis
nous avons en la personne de ton amoureuse, une
professionnelle.
- Pourquoi pas rétorqua Olivier, mais à quoi
cela va-t-il nous servir ?
- Eh bien, cela va nous permettre de remettre
de l’ordre dans cette foutue famille, de savoir d’où
l’on vient, de connaitre nos origines. Et puis, les
gens ne sont morts que lorsqu’on ne parle plus
d’eux. Alors, à nous de ne pas les oublier.
Olivier acquiesça, mais à une condition
- Je ne veux pas voir sur cet arbre le nom de
nos grands-parents maternels, ceux par qui tout ce
malheur est arrivé.
- Je n’en ai pas envie non plus, sauf qu’ils ont
existé. Mais, on peut commencer par celui de papa.
Il nous a si souvent parlé de ses parents… Pour
maman, on a du chemin à faire tous les deux,
d’acceptation, de pardon, enfin, je suis comme toi,
pour le moment, je ne veux pas trop y penser… Et je
ne suis pas plus prête que toi. Tout se fera quand ce
sera le bon moment.
303
Le papillon virevolta autour d’eux, se posa sur
chacune de leur main, revint se poser sur la tête de
Déva et prit son envol. La chienne leva la tête et le
suivit du regard. Elle aboya juste une fois dans sa
direction. Puis il disparut de leur vue.
304
Epilogue
305
- Bonjour, nous sommes Lorène et Léo, vos
cousins, annonça la femme un peu tendue.
Olivia, désarçonnée par leur arrivée impromptue,
se remémora soudain les photos chez sa tante. Elle
avait rangé quelque part au fond de sa tête son
existence et voilà que ressurgissaient les démons du
passé. Que voulaient ’ils ? Lui faire des reproches ?
Elle leur répondit sur un ton peu sec.
- Bonjour. Que voulez-vous ? C’est votre mère
qui vous envoie ?
- Non, non, pas du tout. On comprend que
vous soyez surprise. On ne veut pas vous déranger,
mais juste faire votre connaissance précisa l’homme.
Et sa sœur d’ajouter :
- Notre mère nous a tout expliqué. Elle nous a
donné votre adresse.
Et elle ajouta en regardant son frère :
- On a eu envie de vous connaître… mais peut-
être qu’on n’aurait pas dû venir comme ça, à
l’improviste.
Olivia, prise au dépourvu, s’entendit répondre :
- C’est bon, maintenant que vous êtes là…
Et elle les fit entrer.
306
sortie avec Déva. Olivia resta donc seule avec son
frère pour affronter leurs cousins.
Lorène prit la parole :
- Vous savez, c’est très compliqué pour nous.
On ne vient pas pour plaider la cause de notre mère.
Après tout, c’est son histoire. On n’y est pour rien.
Olivier se tourna vers eux et répondit, en prenant
sur lui pour rester aimable.
- Bien sûr que vous n’y êtes pour rien, mais
avouez que ce drame a fait beaucoup de dégâts,
surtout pour nous.
Et il prit la main d’Olivia pour ajouter :
- Vous, vous avez eu vos parents. Nous, on a
fait connaissance de notre père il y a quelques mois
et vous voyez, on l’a enterré en début d’année. On a
à peine eu le temps de profiter de lui. Je ne sais pas
ce qu’elle vous a raconté, mais je ne suis pas sûr que
vous ayez conscience du mal qui a été fait. Moi, j’ai
été abandonné et j’ai vécu dans l’idée que je n’avais
pas de famille. Olivia a cherché son père toute sa vie
et ignorait mon existence. Alors, oui, vous n’y êtes
pour rien, mais la responsable, c’est quand même
votre mère et si seulement, elle … !
La colère montait en lui et Olivia du
l’interrompre.
- Ce que mon frère veut vous dire, c’est qu’on a
tous subit des dommages collatéraux. On est en
train de se reconstruire. Et ce n’est encore pas tous
les jours faciles. On vient de vivre des moments
extrêmement douloureux.
307
Léo, qui était resté en retrait de sa sœur, s’avança
et déclara.
- Je ne sais pas quoi vous dire. Quand notre
mère nous a raconté son passé, on est tombé de
haut. Moi, je lui en ai voulu de nous avoir menti et
tenu à l’écart. Car on a quand même été en contact
avec nos grands-parents jusqu’à son décès à lui.
C’est vrai qu’elle ne nous a jamais laissés seuls avec
notre grand –père. Mais, jamais, on aurait imaginé
qu’on avait en face de nous un …. prédateur. Notre
démarche, aujourd’hui, c’est juste de vous
rencontrer et je comprendrai que vous ne vouliez
pas de nous.
- Au moins, vous, faute d’avoir su aider sa
sœur, elle vous a protégés, ne put s’empêcher de
rétorquer Olivier.
* ****
311
« La nuit n’est jamais complète
Il y a toujours puisque je vous le dis
Puisque je l’affirme
Au bout du chagrin, une fenêtre ouverte
Une fenêtre éclairée. »
Paul Eluard
« Derniers poèmes d’amour »
312