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14h04 .

La venue d’un enfant est un événement heureux en général et dont tout le monde
devrait se réjouir ; 14h04 , l’heure de naissance de mon tout premier enfant -il sera d’ailleurs
le seul - me suis -je dis dans mon for intérieur. Me voilà maintenant Père à 24 ans . 24ans ,
n’eut été mes conditions de vie actuelle je pense que c’est un âge raisonnable pour avoir un
enfant . Mais si je dois être honnête je ne suis nullement dans les conditions adéquates pour
accueillir un nouveau-né. Ah ce soir là si seulement je l’avais écouté ,si au moins j’avais écouté
ma conscience je serais resté chez moi et éviter cet événement que je redis ambivalent.
Certains veulent être parents mais n’y arrivent pas et ceux qui ne le désirent même pas encore
le deviennent facilement. Quel contraste! L’heure n’est plus aux regrets . La sage femme
m’appelle , me commande de faire telle chose , puis telle autre chose . Des aller-retour digne
d’un latéral sur un terrain de football.
Plus tard dans la soirée je vaquai à mes occupations laissant la mère et l’enfant à l’hôpital tout
en me disant que demain je devrais aller les chercher et les amener dans ce qui sera notre
“demeure” . Un rez-de-chaussée avec un petit salon ,une cuisine et une chambre; pas très
reluisant par rapport à mon ancienne habitation mais j’ai pas trop le choix . Mon oncle cet
homme de 1m68 au caractère parfois rugueux , parfois tempéré avec une voix très rauque
avait décidé que je ne vivrai pas sous le même toit que lui en ayant un enfant et une “femme
" , s’engageant même à payer la moitié du loyer tandis que l’autre moitié serait à mes frais - <<
tu dois prendre tes responsabilités >> , m’avait-il dit -. Que pouvais-je dire de plus ? Je lui en
était déjà très reconnaissant pour tout ce qu’il a fait .Fils unique et orphelin des deux parents
depuis l’âge de 4 ans, j’ai été élevé par le frère aîné de mon père qui m’a considéré comme
l’enfant qu’il n’a pu avoir. Alors cette nuit , j’allais la passer seul qui plus est dans le noir pour
défaut de courant -ce qui a le don de m’énerver -. Je décidai de sortir histoire de prendre l’air
et de m’aérer un peu les idées sur ce que je compte faire désormais . Tout le quartier et je puis
même dire toute la ville étaient plongés dans l’obscurité totale . Sans doute encore nous
faisons face à ces interminables périodes de délestage . Sur le chemin du retour , j’étais pensif,
distrait quand je vis une vieille dame qui m’accosta et entama une conversation avec moi :
-Jeune homme je sais que vous êtes tourmenté actuellement par une situation qui vous a prise
de coup.
- Qui êtes-vous ?
- Disons que je suis une bienfaitrice qui souhaite vous sortir de votre impasse. Nous sommes
en Afrique et précisément au Bénin alors ce type de déclaration de la part d’une personne que
vous ne connaissez ni d’Adam ni d’Eve ne devrait surprendre mais plutôt effrayer. Mais j’étais
plutôt surpris qu’effrayé. J’écoutai quand même ce qu’elle avait à dire et à la fin elle me remit
un papier et me demanda de l’ouvrir lorsque je serai prêt à le faire .
-Que contient ce papier ?lui demandai-je
-Une fois que tu l’auras lu tu sauras . Me répondit-elle

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Puis elle s’en alla me laissant seul avec mes réflexions . Après deux trois minutes à cogiter
j’entrepris de reprendre la route menant à la maison en songeant tout de même à cette scène
que je venais de vivre .
Mais une fois chez moi il ne s’écoula pas même une seconde entre l’instant où je me couchai
sur le lit et celui où je ralliai la cause de Morphée.
Le lendemain je me réveillai , fis ma prière matinale , pris une douche et direction les cours .
Ah oui je suis étudiant en 2e année master de commerce international mais mon rêve a
toujours été d’occuper un poste dans une équipe de football -Rêve mis de côté pour l’instant
-.
Une fois les cours terminés je montai sur un zem direction la clinique pour voir mon enfant et
sa mère . Arrivé à destination , je vis le docteur qui m’informa de ce qu’ils doivent tous les deux
rester quelques jours encore ici étant donné que l’accouchement a eu lieu avec des
complications. Je ressors rapidement alors de la clinique pour acheter quelques fruits pour
Dona ;la mère de ma fille . Une fois entré dans sa chambre j’aperçois un homme , la
cinquantaine environ , à la fois robuste et élancé.
-C’est donc toi le vaut-rien qui a engrossé ma fille ?
“Vaut-rien” a t-il dit ? Certes je ne suis pas l’homme le plus aisé financièrement ,loin de là mais
de là à me traiter de vaut-rien je me suis senti avilir . Face à mon silence comme réponse à sa
question il reprend cette fois :
-Réponds! M’ordonna t-il d’une voix qui se veut autoritaire
N’eut été mon calme olympien habituel j’aurais certainement répondu avec une fine touche
d’impolitesse .
-Oui c’est bien moi le garçon qui a engrossé votre fille. Je prendrai l’entière responsabilité .
Arrivais-je à formuler .
Il se mit à me toiser durant quelques secondes puis reprit:
-Commence d’abord par me décliner ton identité et celles de tes parents.
“Parents” il vient d’utiliser ce terme de manière banale pour lui sans pour autant se douter de
l’effet que ce mot pourrait avoir sur moi . Et là je me remémore ce jour. Tout est flou dans mes
souvenirs , mon oncle n’a jamais voulu me dire concrètement ce qui s’est passé ( << tes parents
n’aimeraient pas que tu y repenses >> me disait-il) ,mais comment ne pas y penser en réalité?
Ils ont été tué par des braqueurs qui loin de se satisfaire de leurs butins ont pris la vie de deux
personnes laissant un enfant de 4 ans orphelin, me laissant orphelin.
Ayant certainement constaté que j’étais perdu dans mes pensées il toussota comme pour me
faire revenir à moi même . -Je me nomme KOLA et je suis orphelin
Je parviens à voir dans son regard une pointe de désolation mais il se reprit très vite et
enchaîna
-Okay je suis désolé mais il doit bien y avoir quelqu’un qui s’occupe de toi j’imagine.
-Mon oncle
-Parfait! J’aimerais le rencontrer .
Il fit un signe d’au revoir à sa fille puis s’en alla de suite.
-Désolé pour son caractère . Me dit Dona

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-Non c’est rien t’en fais pas.
Je déposai les fruits tout près de son lit puis sortis . Après cet échange je n’avais qu’une envie
, me retrouver seul . Alors je sortis de l’hôpital et entrepris de retourner chez moi à pieds . En
même temps que ça m’aiderait à évacuer un peu tout ce que je ressens en moi cela me
permettrait de faire du sport puisque j’en avais pour au moins deux heures. Le soleil s’était
déjà couché et s’était laissé substituer par le croissant nocturne . Les quelques lampadaires qui
survivaient au vieillissement illuminaient partiellement la ville .
Lorsque j’atteins enfin la maison j’aperçus une dizaine de mètres plus loin ,une silhouette au
pas du portail . Je n’ai nullement envie de m’entretenir avec qui que ce soit aujourd’hui . Arrivé
au portail je m’apprêtai à ouvrir ma bouche pour dire à cette personne de s’en aller quand
soudain les mots restèrent bloqués en travers de ma gorge à la vue de la personne en face de
moi . C’est elle. Cette même femme qui m’a remis un papier hier dont le contenu m’est jusqu’à
présent encore inconnu . Plusieurs questions me viennent tout d’un coup . Comment m’a t-
elle retrouvé? Pourquoi m’attendre chez moi ? Et surtout que veut -elle ?
Je ne tarde pas à avoir des réponses .
-Jeune homme ne t’affole pas je ne te veux aucun mal .
Je l’écoute mais difficile d’y croire . Malgré le fait que le mot peur ait été proscrit de mon
vocabulaire je ne peux m’empêcher cette fois d’y faire une dérogation.
-Souviens toi de ce que je t’ai donné , me dit -elle ,puis repartit .
J’allais lui dire d’attendre mais elle disparut aussitôt . Je me hâtai donc d’entrer pour enfin
découvrir le contenu du papier car elle venait d’attiser ma curiosité mais mon téléphone se
mit à sonner . Je le retire de ma poche arrière et constatai que c’est Nick mon meilleur ami :
-Allo ?ouais ça va et toi?
-Je t’attends chez moi . Tout de suite.Entendis-je
-Quoi que ce soit ça ne pourrait pas attendre demain ? Je suis las actuellement
-Non c’est urgent. Dit-il d’une voix alarmante .
Avec Nick tout est toujours urgent mais cette fois je dois dire que la tonalité de sa voix m’a
semblé inquiétante alors sans plus tarder j’embarque dans un taxi pour me rendre chez lui .
Environ 25 minutes plus tard j’arrive à destination. Je salue de la main le gardien au portail et
ce dernier m’autorise à entrer. Une fois entré j’aperçois très vite Nick assis sur la terrasse la
tête entre les deux mains .
-Alors c’est quoi l’urgence cette fois .
-Tu avais raison. Dit-il.
-Concernant?
-On s’est fait arnaqué. C’était de l’arnaque.
En général j’aime avoir raison comme tout le monde mais là sur le coup j’aurais tout donné
pour avoir tort . À l’entente de ces mots je reste figé. Je le savais . Je le savais . Bien sûr que je
le savais. Je ne la sentais pas cette histoire mais Nick a su trouver les mots pour me convaincre
et maintenant je nourris une terrible déception. J’avais investis dans cette affaire la quasi-
totalité de mes avoirs et maintenant je suis plus proche de zéro que le chiffre 1 ne l’est.
-Comment l’as tu su? Arrivais-je à formuler enfin .

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-J’ai essayé de joindre le type qui était en charge de l’opération mais depuis ce matin il est hors
zone .
J’essaie de me convaincre que c’est juste le réseau qui ne passe pas, que peut-être c’est son
téléphone qui a un problème et qu’une fois qu’il l’aura réparé il nous appellera. Je refuse de
penser qu’il ait pu prendre la poudre d’escampettes comme ça avec notre argent ,avec mon
argent. Ah la cybercriminalité est un véritable fléau ! Nous restons là tous deux en silence
pendant une dizaine de minutes avant que Nick ne rompe le silence .

-Désolé de t’avoir embarqué dans cette histoire.


Comme réponse il n’obtient que mon silence car cette situation me laisse totalement sans voix
. Quelques instants plus tard je décide de prendre congés de lui pour rentrer. Attendez j’ai dis
rentrer ?Certainement que l’idéal serait de rentrer mais là tout de suite j’ai envie de me rendre
dans un bar pour noyer mon chagrin . Au bout de la rue de la maison de Nick il y en a un
justement. Je regarde ma montre et constate qu’il n’est que 21h07 . Je pénètre donc à
l’intérieur du bar et prend place autour d’une petite table destinée pour deux . Un serveur ne
tarde pas à se rapprocher de moi .
-Que puis je pour vous ?
-Deux Beauforts svp
-Petites ou grandes
-Petites svp.
J’en étais à la moitié de ma seconde bouteille quand je reconnus derrière moi une voix qui
m’est familière. Il s’agit de Natalie une “amie “ au collège .
-Je peux m’asseoir avec toi ou tu attends quelqu’un? Me demanda t-Elle .
-Non vas -y je n’attends personne .
Nous restâmes ainsi à papoter pendant environ 1h avant que je ne me décide à mettre fin à
cet échange . Non pas que je ne me sentais à l’aise avec elle mais je n’avais pas toute ma tête
en ce moment. Elle l’eut d’ailleurs remarqué je pense .
-Natalie j’ai été ravi de te revoir mais là je dois rentrer. Lui dis-je .
Elle jette un coup d’œil à son téléphone puis me sort cette phrase qui eut le don de m’arracher
un rire franc .
-T’as un couvre-feu à 22h30 ?
-Mais pas du tout . On peut échanger les contacts si tu veux
Elle hocha la tête et nous échangeâmes les contacts . Je sors du bar et arrêtai directement un
taxi pour me ramener chez moi . Il sonnait 22h52 quand j’arrivais à la maison . Je m’affalai sur
mon lit allumai mon téléphone pour régler l’heure de mon réveil . Très à cheval en ce qui
concerne mes 8h de sommeil chaque soir je programme mon réveil sur 07h avant de
m’endormir . Et pendant que je dormais des images me sont apparues . Dans ce rêve j’ai vu du
sang , entendu des pleurs mais surtout j’y ai vu de l’argent comme je n’en avais jamais pu voir
auparavant . Je me suis réveillé en sursaut pour essayer de comprendre le sens de telles images
. Jetant un coup d’œil à mon téléphone je constatai qu’il était 03h07 et c’est à ce moment que
je me rappelle de la vieille dame et du papier qu’elle m’a remit . Aussitôt je m’empressai de

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me diriger vers le tiroir où je l’ai rangé . Je déballai le papier et y trouvai une feuille blanche
pliée en quatre . La phrase inscrite sur elle me laissa stoïque “ Tu as beaucoup subi et il est
temps que tu prennes les devants mais non sans conséquences “ . Mon esprit était totalement
bouleversé. D’abord par cette phrase que j’essaie de comprendre et ensuite par ce rêve dont
le sens me paraît impossible à percevoir tel qu’il est impossible pour un homme d’avoir des
règles. Je restai là assis à même le sol pendant plus d’une heure puis pris de fatigue je me
décidai à tout ranger poursuivre mon sommeil tout en me promettant d’y revenir dès le levé
du soleil. Pour une fois, il me tarde que le chant du coq arrive très vite.
Le lendemain , ce n’est pas mon alarme qui m’a réveillé mais plutôt les coups incessants sur le
portail . Qui que ça soit il n’a pas besoin de prendre le portail comme un sac de boxe . J’enfilai
rapidement un t-shirt et me dirigeai vers le portail pour ouvrir. C’était le propriétaire.
-Je vois que le confort de la maison te plaît beaucoup mais tu sais comme moi que n’est rien
gratuit.
Sa phrase me rappelle que nous sommes aujourd’hui le 5 juillet . Et comme si mon esprit n’était
pas déjà assez dans la tourmente , une nouvelle donnée s’ajoute.Une nouvelle donnée
négative je précise
-Rassurez-vous je n’ai pas oublié et je sais qu’il est de votre droit de venir réclamer le loyer
mais actuellement j’ai pas mal de problèmes. Veuillez s’il vous plaît m’accorder un rallonge de
deux semaines pour payer vôtre dû.
-Je ne t’accorde que dix jours pas un de plus et ça c’est parce que tu as toujours été réglo mais
je reviendrai dans 10 jours ne l’oublie pas.
-Gratitude infinie . Lui dis -je.
Il m’adressa un léger sourire puis me tourna le dos et je retournai à l’intérieur. Mon premier
réflexe fut de regarder l’heure . 07h52 , je n’ai pas entendu mon alarme sonner visiblement.
Rapidement je pris une douche , m’habillai et décidai d’aller rendre visite à mon oncle pour
qu’il m’aide un peu avec le loyer .
Arrivé chez lui et alors que je sonnais depuis près de cinq minutes sans signe de vie , c’est son
voisin au crâne rasé et éternel alcoolique que je connais très bien qui m’informa de ce qu’il a
voyagé hier dans l’après-midi et qu’il lui a dit qu’il en avait pour à peu près trois semaines . Un
<<voyage précipité >> d’après ses dires . Je trouvai bizarre qu’il ne prit pas la peine de
m’informer et me résignai à partir. Cette fois j’allais voir Nick pour lui raconter ce qui s’est passé
cette nuit . Peut-être qu’il arrivera à m’éclairer même si je sais bien qu’il est loin d’être une
lumière. Quelques instants plus tard une fois chez lui ,je lui racontai tout depuis le début :
l’apparition de la vieille dame ,l’histoire du papier , la phrase à l’intérieur , le rêve étrange et
pour finir le problème du loyer . Sa première réaction fut de rire avant de me dire qu’il trouvait
tout ceci génial. Quel idiot!!
-En quoi est -ce génial petit génie ? Lui dis-je
-Eh bien parce que il y a de l’action.
-Je t’ai raconté tout ça pour que tu m’aides à comprendre avant tout le sens de cette phrase
,pas pour que tu brilles par ta stupidité.
Il me fusilla du regard avant de prendre un air plus sérieux.

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-T’as dis que cette vieille souhaitait t’aider. C’est bien ça?
Je hoche la tête pour acquiescer .
-Peut-être s’agit-il d’un esprit qui apporte des solutions aux personnes en difficultés et nous
savons tous les deux que c’est ton cas actuellement.
Je suivais attentivement son raisonnement tel un élève suit les explications de son professeur.
-Peut-être bien ; lui dis-je . Mais la dernière portion de la phrase n’est pas très rassurante quant
à la solution qu’elle veut m’apporter.
-Totalement en accord avec toi mais avant de prendre position faudrait d’abord que tu saches
ce dont il s’agit .
Le problème est qu’à ce stade , je n’avais aucun moyen de la contacter parce que c’était un
esprit justement. Elle m’était apparue que deux fois à l’improviste qui plus est . Et
honnêtement je ne sais pas si j’ai vraiment envie qu’elle réapparaisse parce que autant il est
d’une évidence à nulle autre pareille que je suis en difficulté , autant recevoir de l’aide de la
part d’une totale inconnue qui apparaît et disparaît tel un fantôme ne me semble pas être une
solution adéquate.
-Comment vas tu faire pour payer le loyer ?
C’est fou la manie qu’il a de changer de sujet sans transition .
-Il m’a donné un sursis de dix jours . J’espère que d’ici là mon oncle sera de retour .
-A ta place j’accepterais l’aide de cette dame tant qu’il ne s’agit pas de rituels humains .
-Tout d’abord je ne sais où la trouver et ensuite je ne pense pas accepter son aide et fin du
débat . Et puis comme t’es si enchanté par l’idée t’as qu’à accepter .
-J’aimerais bien . Dit-il d’un ton qui se veut très sérieux .
Nick a toujours été amoureux des risques depuis notre enfance . A l’âge de treize ans il était
sorti de la maison en plein après midi pour ne rentrer que deux jours plus tard sans jamais
dévoiler où il était. Je me souviens encore de sa mère qui m’implorait de l’aider à retrouver
son fils . D’abord elle croyait qu’il s’agissait d’une séquestration mais en allant dans sa chambre
elle vit que son sac n’y était pas et qu’il l’avait sûrement emporté avec lui. Elle eut devenue
folle si Nick était rentré ne serait ce qu’une heure plus tard . Lorsqu’elle le vit au portail il n’eut
pas droit à l’accueil de l’enfant prodigue mais plutôt à une pluie de réprimandes et de hantises
.
Je poussai un soupir dû à ses propos avant de prendre la décision de partir rendre visite à Dona
et à mon fils . C’est aujourd’hui qu’ils sortent tous les deux de l’hôpital et même si
j’appréhende vraiment la rencontre avec son paternel , je n’ai pas vraiment le choix . Je passai
rapidement chez moi pour changer de vêtement et me reposer avant de repartir . Il sonnait
14h26 quand je me mis à marcher en attendant de trouver un taxi . Si hier en me couchant il
me tardait de voir le soleil se lever,à ce moment précis il me tarde qu’il se couche vite .
L’expression “le soleil est au zénith “n’a jamais eu autant de sens qu’en ce jour ; un contraste
avec la période pluvieuse dans laquelle nous nous trouvons . De part et d’autre de la route les
klaxons des véhicules et des motos conjugués aux sifflets des agents de police formèrent une
véritable symphonie musicale.

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Une demi-heure plus tard j’étais chez Dona , le bébé dans mes bras. C’était la première fois
que je tenais un bébé dans les bras et si depuis mon réveil ce matin cette journée ne m’était
pas reluisante , le fait de le tenir dans les bras additionné à l’absence du père de Dona , suffirent
à me faire oublier la matinée. Je passai tout l’après-midi avec Dona et le bébé -jusqu’à ce qu’il
s’endorme - tout en priant que son grand père ne rentre de si tôt. Généralement il en faut
beaucoup pour m’intimider mais je dois reconnaître qu’il m’intimidait assez facilement.
J’informa Dona de ce que mon oncle était en voyage pour deux semaines environs en lui disant
de le faire savoir à son père quand il rentrera puis je partis . A peine fus je au carrefour que je
reçus un message de Dona m’informant que son père venait de rentrer . Cinq minutes encore
à traîner et j’allais le croiser . Je poussai un ouf de soulagement avant d’embarquer dans un
taxi pour me rendre à la maison . Chose coutumière chez moi , je descendis du taxi à quelques
mètres de la maison pour continuer la suite à pieds . Alors que je marchais ,les aboiements
d’un chien voisin devenaient de plus en plus stridents . On eut dit qu’il ressentait la présence
d’un danger . Cinq pas exacts plus tard je croisais encore la vieille dame. Elle tombait à pic car
cette fois j’allais employer un ton qui se veut très clair avec elle .
-J’ai ouvert votre papier et très franchement je ne veux pas de votre aide . D’ailleurs tenez le
et merci de ne plus vous approcher de moi.
J’allais continuer ma route quand je sentis une chose m’attraper le bras . Cette chose c’était sa
main .
-On ne rejette pas une personne qui te tend la main.
-Pas si cette personne est étrange. Répliquais- je d’un ton sec .
-Je peux comprendre ton pessimisme et aussi que tu puisses me trouver étrange mais crois
moi je ne te veux aucun mal .
Et c’est ainsi que sans même comprendre comment je restai debout telle une statuette à
l’écouter parler . Elle m’expliqua qu’elle était un esprit qui prenait une forme humaine dans le
but d’aider les personnes qui font face aux coups de la vie . Chose surprenante, au fur et à
mesure qu’elle avançait dans son récit je baissais ma garde tel un gardien de maison à
l’approche du jour .
-Maintenant que tu sais presque tout tu as deux jours pour prendre une décision.
-Pourquoi avez-vous dis presque ? Et qu’est-ce que je dois comprendre par l’expression “ non
sans conséquences “?
-La patience est d’or.
Et c’est sur ces quatre mots qu’elle disparut encore. Je ne m’attardai pas cette fois à rester au
même endroit et rentrai directement chez moi. Il était à peine 21heures et je ne savais que
faire ce soir . Je pris mon téléphone pour contacter Natalie qui décrocha à la 3e sonnerie. Nous
échangeâmes pendant plus d’une heure avant de mettre fin à cet échange -échange
passionnant- , non sans se donner rendez-vous pour le lendemain. En parallèle de tout ce
stress qui m’habitait je venais d’avoir un léger moment de répit. Le calme avant la tempête?
Oui
Alors que je me pensais déjà au fond du trou je me rendis compte que je n’étais même pas
encore dans le trou et pour cause , une notification m’est parvenue . Les actions en bourse ont

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malheureusement chuté et votre investissement est perdu. Le rictus qui s’était installé sur mon
visage grâce à ma conversation avec Natalie venait de s’estomper pour laisser place à une mine
déconfite. Je relisais cette phrase encore et encore dans l’espoir qu’à un moment le contenu
soit tout autre. Mais rien n’y fit , elle demeurait inchangée. De l’argent ,je n’ai jamais voulu
mettre dans les banques . Je ne suis pas contre ceux qui le font mais je préfère thésauriser ou
plutôt investir mon argent .Sauf que pour le coup je dois admettre que mes deux récents
investissements furent des échecs pour moi. D’abord l’histoire de l’arnaque et maintenant
celle-ci.
C’était la goutte de trop . C’était vraiment la goutte de trop ; ma décision venait d’être prise .
Certes une décision prise à chaud mais c’était ma décision.
Je ne sus même pas à quel moment je rejoignis la cause de Morphée mais les vrombissements
qui provenaient du moteur d’un véhicule qui doit certainement dater des années 50 me
réveillèrent. Aussitôt je jetai un coup d’œil à mon téléphone et constatai qu’il venait d’être 8h
. C’est samedi aujourd’hui j’allais donc faire un peu de marche . Sur le chemin du retour le ciel
commença à s’assombrir, les nuages formaient rapidement des accouplements en laissant
échapper quelques gouttelettes d’eaux. Le vent commençait par souffler d’abord légèrement,
puis redoubla d’intensité au point qu’il lui était était désormais possible de décorner un bœuf.
Aucun doute , les prémices d’une pluie diluvienne étaient là. Arrivé chez moi , je pris
rapidement une douche avant de finir ensuite la dernière baguette de pain qui était mienne.
Je n’eus pas plus tôt fini de manger que la pluie commença. D’abord calmement à l’image du
vent de tout à l’heure puis , comme ci le ciel était en train de se faire martyriser , les larmes
émanant de lui devenaient de plus en plus légions et plus fortes. Ennuyé je pris un roman et
entrepris de poursuivre la lecture que j’avais abandonné depuis plus de deux semaines.
J’avalais sans interruption les pages du livre jusqu’à ce que mon cerveau ne me fasse un rappel.
J’avais conclus d’un rendez-vous aujourd’hui avec Natalie pour 14h et il est actuellement
13h23’ . Rapidement je composai son numéro et appela . Deux brèves minutes d’échange et
nous avons convenu de reporter le programme à un autre jour en raison de cette pluie qui
semblait ne vouloir prendre fin . Je lui souhaitai une bonne fin de journée et raccrochai pour
me replonger dans ma lecture . Et alors que je lisais , je fus interrompu une fois de plus non
par mon cerveau mais par une autre anatomie de mon corps , mon ventre. Il m’ordonnait de
le remplir au risque que je ne puisse poursuivre ma lecture . Après m’être rué à la cuisine pour
étaler mes talents culinaires qui ma foi sont loin d’atteindre la moyenne je passai l’après-midi
entre mon livre et mon téléphone à essayer de joindre mon oncle mais sans réponse . La pluie
avait pris congés de nous aux alentours de 17h nous laissant voir le coucher du soleil. Pendant
que je faisais les cent pas , la sonnerie retentit . C’était Nick. A peine eus-je ouvert le portail
qu’il m’interrogea aussitôt:
-T’as pris une décision? me demanda t-il directement. Je lui répondis en hochant la tête de
bas en haut tout en lui notifiant que j’allais accepter l’aide de cette mystérieuse femme.
-Je suis surpris que tu prennes cette décision mais content quand même que tu l’aies prises .
Je poussai un léger soupir puis nous passâmes plus de deux heures autour de jeux de sociétés
tels que : Ludo, échecs, dames , jeux de carte …, sans que Nick ne manque de me souligner le

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contraste entre ma solitude dans cette maison et la possession de jeux de société . Je lui fis un
léger souris avant qu’il ne me demande à partir en lâchant un “ Tiens moi informé “ . Je le
raccompagnai jusqu’à ce qu’ils ne trouvent un taxi pour le ramener chez lui . Nick et moi nous
connaissons depuis la maternelle et nous faisons presque tout ensemble. D’ailleurs je puis dire
que c’est le seul ami que j’ai depuis mon enfance pourtant nous ne sommes pas si pareils . Lui
plutôt extraverti et moi introverti voire même égoïste . Mais il est bien connu de tous que les
contraires s’attirent .
Il était exactement 23h moins 13 minutes. Le quartier de ma résidence brillant par l’absence
de lumières , c’est donc dans l’obscurité - comme d’habitude- que je marchais . Je venais à
peine de rentrer quand la mystérieuse femme réapparut avec quelque chose en mains . Je dois
l’avouer , cette fois j’étais content de la voir .
- Alors , as-tu pris une décision?
- Oui je suis d’accord pour accepter votre aide
-Je vais te remettre un objet que tu devras garder jalousement. Ce n’est pas pour que tu
obtiennes de l’argent directement. Cela te permettra juste d’avoir une chance infinie durant
une année exactement. Tu n’auras plus à te soucier de perdre tes investissements ou de te
faire arnaquer par exemple.
Je fus hébété par le fait qu’elle avait connaissance de ce qu’il m’était arrivé récemment.
Toutefois je lui demandai :
-Quelles sont les conséquences dont vous aviez parlé?
- Ne pars pas trop vite en besogne jeune homme.
Puis elle me tendit l’objet. Je n’eus pas plus tôt cogiter que je me saisis immédiatement de
l’objet . Il avait la forme d’une banane .
-Tu devras garder cet objet chez toi et il te portera chance dans tes affaires à condition que
personne d’autre que toi et surtout pas une femme n’entre en possession dudit objet .
-Et quelles seront les conséquences dans ces cas?
-Au cas où un homme mettrait la main sur cet objet tu perdrais automatiquement la chance
qui t’accompagne mais s’il s’avère que c’est une femme autre que ta propre femme , non
seulement ta chance s’envolera mais aussi un de tes proches mourra.
Les conséquences étaient claires et tout d’un coup je perdis un peu mon assurance. Je me
demandais désormais si j’étais prêt à prendre ce risque pour une année de chance . J’ai
toujours critiqué ceux qui se laissent berner par ces vendeurs de savon de chance , de potions
de chance ou tout autre chose en rapport avec la chance et maintenant voilà que moi même
j’étais prêt à monter à bord de leur train . Mais après tout je n’avais rien à perdre et il me
suffisait juste de cacher l’objet de sorte à ce que moi seul je puisse connaître sa localisation.
Alors j’acceptai définitivement et elle s’en alla .
Les six mois suivants se sont déroulés parfaitement. D’abord , j’ai obtenu un prêt à la banque
-par l’intermédiaire de mon oncle rentré de son voyage - , que j’ai investi dans l’habillement.
Les gains ne se sont pas fait attendre et j’ai pu rapidement rembourser mon prêt. J’avais
maintenant une boutique de vêtements propre à moi et je travaillais aussi comme agent
marketing dans une grande entreprise . Nous étions déjà entrés dans une nouvelle année et

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j’étais en relation avec Natalie . Je louai un autre appartement et allais en cours du soir . Aussi
je ne manquais pas d’assumer mon rôle de père auprès de ma petite fille et je crois même
qu’elle aimait plus ma présence que celle de sa mère . Je passais tous mes week-ends avec elle
tantôt chez Dona tantôt chez moi et j’étais désormais très attaché à mon enfant. A sa naissance
je ne voyais dans son visage qu’ une nouvelle charge que je ne pouvais supporter. Maintenant
en la regardant je vois de la lueur et surtout je vois combien elle a hérité de mon nez long .
Tout se passait normalement et seul Nick était au courant de l’objet que j’avais en ma
possession mais pas de son emplacement ni des conséquences qui pourraient en découler.
Malheureusement , durant le mois de février je fus victime d’un accident et restai cloué sur le
lit d’hôpital ,inconscient durant toute une semaine . Il me fallut environ dix jours pour me
remettre correctement et reprendre avec mon quotidien .
Quelques jours plus tard après ma sortie de l’hôpital , Natalie et moi avions convenu de passer
la soirée ensemble lorsque je reviendrai des cours . Elle m’avait demandé les clés pour
s’occuper de la maison durant mon séjour à l’hôpital . Nous n’étions peut-être pas mariés mais
nous étions sur le chemin . Bien sûr cela ne faisait que six mois que nous étions ensemble mais
je pense que tous les deux étions sur la même longueur d’onde. Lorsque j’ouvris la porte de
l’appartement , je l’appelai aussitôt mais je n’eus aucune réponse après 3 tentatives . J’allai
dans la chambre , elle était couchée , inerte , l’objet interdit entre les mains , les yeux fermés
éternellement.

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