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0 INTRODUCTION:
MÉTHODOLOGIE DE L’ÉCONOMÉTRIE

1 Définitions
En guise d’introduction, nous allons énoncer et commenter les diverses étapes
d’une analyse économétrique. Nous allons notamment situer l’économétrie par
rapport à la théorie économique et par rapport aux modèles et méthodes statis-
tiques. Une première définition de l’économétrie pourrait être l’utilisation de
méthodes mathématiques et statistiques en vue de valider les théories et hy-
pothèses économiques à l’aide de données. Une deuxième définition, complémentaire
à la première, serait la construction de modèles mathématiques et statistiques
en vue de la réalisation de prévisions économiques ou encore l’évaluation de
politiques économiques. Dans ce contexte, il apparaı̂t logique de décomposer la
méthodologie économétrique selon les sept étapes énoncées ci-dessous.

1. Enoncé de la théorie ou de l’hypothèse.


2. Spécification du modèle mathématique.
3. Spécification du modèle statistique (économétrique).
4. Collecte des données.
5. Estimation des paramètres du modèle économétrique retenu.
6. Tests d’hypothèses dérivées du modèle.
7. Prévision, évaluation de politiques.

2 Illustration de la méthodologie avec la loi de


la demande
Dans cette section, nous allons illustrer les diverses étapes à l’aide de la loi de
la demande, qui consiste à déterminer l’effet d’une augmentation du prix d’un
bien sur sa demande.

(1) Énoncé de la théorie

La loi de la demande: Quand le prix augmente (toutes choses égales par


ailleurs), la quantité demandée diminue.
On prévoit donc une relation inverse, une courbe de pente tournée vers le
bas (négative). Cette relation peut être linéaire ou non linéaire comme l’illustre
la figure 1.

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(2) Spécification du modèle mathématique
Si on suppose que la quantité varie linéairement avec le prix, il faudra sup-
poser que la relation est une fonction linéaire, soit:
Q = β1 + β2 P (1)
Les symboles β1 et β2 représentent des paramètres. Le paramètre β1 mesure
l’ordonnée à l’origine, tandis que le paramètre β2 mesure la pente de la droite,
soit:
4Q
β2 = (2)
4P
Pour que cette fonction représente une fonction de demande, il faut que les
valeurs des paramètres soient telles que: β1 ≥ 0, β2 < 0. Dans la figure 1 ci-
dessus, les valeurs des paramètres pour la fonction linéaire sont: β1 = 20 et
β2 = −2. Dans la relation 1), Q est la variable dépendante ou la variable à
expliquer et P est la variable indépendante ou la variable explicative.
Pour caractériser la relation entre P et Q, nous aurions aussi pu choisir la
forme non linéaire de la figure 1.

?1: Sauriez-vous représenter mathématiquement la relation non linéaire de


la figure 1. Quelle(s) condition(s) faut-il imposer pour avoir une fonction de
demande?
Le travail de l’économètre est justement de trouver le modèle mathématique
qui convient le mieux à la relation économique entre les variables.

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(3) Spécification du modèle statistique (économétrique)

Il apparaı̂t toutefois peu probable qu’une relation aussi exacte existe entre
la quantité demandée et le prix. Par exemple, si on trace sur un graphe les
prix et les quantités observées pour un bien donné, il est plus probable que l’on
obtienne une figure semblable à la suivante:

On perçoit encore une relation inverse, mais la relation n’apparaı̂t pas ex-
actement linéaire. Si on essaie de tracer une droite parmi les points, tous les
points ne tomberont pas sur la droite. On aura donc une relation approxima-
tivement linéaire. L’approximation vient du fait que la loi est énoncée “toutes
choses égales par ailleurs” (ceteris paribus). Pour caractériser la relation entre
P et Q, on formule donc un modèle statistique en rajoutant un terme d’erreur
aléatoire (stochastique) au modèle mathématique précédent:

Q = β1 + β2 P + u (3)

C’est ce terme d’erreur qui distingue le modèle mathématique du modèle


statistique.Le terme u représente toutes les variables laissées de côté ou encore
des erreurs de mesure. Le modèle devient statistique car la relation entre P
et Q est vérifiée à un terme d’erreur près pour lequel nous postulerons une loi
statistique (comme la loi normale par exemple).

(4) Collecte des données

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Les données économiques peuvent être regroupées en trois grandes catégories:

a. Séries chronologiques (ou séries temporelles): séries de données périodiques


(journalières, hebdomadaires, mensuelles, annuelles). Par exemple, des
données sur le produit national brut, le chômage, l’inflation, les cours
boursiers.
b. Données en coupe transversale: données sur diverses entités économiques à
une même période. Par exemple, dépenses de nourriture de divers ménages
ou dépenses d’investissement de diverses entreprises en une semaine, un
mois ou une année donnée.
c. Données regroupées (à la fois des séries chronologiques et des données en
coupe transversale): les ménages ou les entreprises sont interrogés plusieurs
fois dans le temps. Les données sont donc classées selon l’entité (entreprise
ou ménage) et le temps.

Pour le modèle 3), on pourra utiliser des données de séries chronologiques


sur la quantité demandée et le prix d’un bien donné. Généralement, on utilise
l’indice t lorsqu’il s’agit de données en séries chronologiques et l’indice i lorsque
l’on traite des données en coupe transversale. Ainsi, dans notre exemple, on
pourra écrire la relation avec un indice t, comme suit:

Qt = β1 + β2 Pt + ut (4)
où Qt et Pt désignent respectivement la quantité demandée et le prix à la période
t. On recueille autant de couples de données (Qt ,Pt ) qu’il y a de périodes dans
notre échantillon. Dans la figure 2, nous avions sept points correspondant à sept
périodes.

?2: À quelles conditions pourriez-vous construire un modèle de type 4) à


l’aide de données en coupe transversale. Donnez-en un exemple.

(5) Estimation des paramètres du modèle économétrique retenu

Estimer les paramètres du modèle consiste à trouver les valeurs de l’ordonnée


à l’origine et de la pente de la droite qui s’ajuste le mieux aux données, c’est-à-
dire qui est la plus proche (dans un certain sens) des points de données. Nous
avons estimé cette droite pour notre exemple et l’avons tracée sur la figure 3
avec les points correspondants. Son équation est donnée par:

b = 19.5 − 1.8P
Q (5)
Le chapeau au-dessus du Q nous dit qu’il s’agit de la quantité estimée par
le modèle: en général différente de la quantité Q observée dans les données. Le
modèle estimé commet donc en chaque point une erreur. La méthode que nous
avons utilisée pour estimer les valeurs de β1 et β2 nous assure toutefois que nous

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avons réduit ces erreurs au minimum. Nous préciserons plus tard quelle a été la
méthode utilisée et dans quel sens elle assure une minimisation des erreurs. La
droite que nous avons tracée est donc la meilleure parmi toutes les droites que
nous aurions pu faire passer entre les points.

?3: Comment calculeriez-vous les erreurs commises par le modèle?


(6) Tests des hypothèses dérivées du modèle:

Les résultats obtenus dans notre exemple semblent conformes à la théorie,


puisque la valeur estimée pour le paramètre β2 est inférieure à zéro. Nous
aurions pu vouloir être plus précis dans nos tests en déterminant si la valeur
de β2 est égale à une certaine valeur, par exemple −2 (ceci peut être utile pour
confirmer ou infirmer des attentes a priori sur la sensibilité de la demande au
prix). En effet, obtenir une valeur de −1.8 pour β2 ne signifie pas que β2 est
statistiquement différent de −2, car nous avons estimé cette valeur avec une
certaine erreur. Pour effectuer ce genre de tests, il faut préalablement savoir
utiliser des outils de probabilité, outils que nous étudierons dans ce cours.

(7) Prévision, évaluation de politiques:

Supposons que vous vouliez connaı̂tre la quantité demandée à un prix P


égal à 3. Étant donné le modèle estimé 5), on peut obtenir le Q
b correspondant
à un P de 3, soit: Q = 19.5 − 1.8 x 3 = 14.1. On voit donc qu’une fois le modèle
b

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estimé, on peut prévoir la quantité demandée pour n’importe quel prix (même
s’il n’est pas observé, d’où l’utilité d’un modèle).
Si la variable indépendante est une variable de décision gouvernementale et
la variable dépendante une variable macroéconomique, le modèle estimé pourra
servir à faire de l’évaluation de politiques économiques, en ce sens que le gou-
vernement pourra évaluer l’effet des changements envisagés dans sa variable de
décision.

?4: Trouvez un exemple de modèle qui relie une variable macroéconomique


à une variable de décision gouvernementale et illustrez l’évaluation de politiques
qui pourrait être effectuée avec ce modèle.

3 Conclusion sur la méthologie


Nous avons passé en revue les diverses étapes d’une analyse économétrique.
Nous allons dans ce cours étudier les outils statistiques et économétriques qui
vont nous permettre de mettre en pratique cette méthologie. Une fois ces outils
assimilés, nous pourrons les appliquer à une multitude de modèles économiques.

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