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Articulo de Delbreihl Sobre Evento Letrado LS - 139 - 0083
Articulo de Delbreihl Sobre Evento Letrado LS - 139 - 0083
Articulo de Delbreihl Sobre Evento Letrado LS - 139 - 0083
Fanny Delbreilh
© Éditions de la Maison des sciences de l'homme | Téléchargé le 06/01/2021 sur www.cairn.info (IP: 190.244.143.58)
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Fanny Delbreilh
Équipe Anthropologie de l’écriture IIAC-CNRS (UMR 8177), EHESS
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delbreilh_fanny@yahoo.fr
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1. Définition des notions dans leurs courants respectifs
1.1. La notion de speech event
dans l’ethnographie de la communication de Dell Hymes
Élaborée dans les années 1960-70 aux États-Unis, l’ethnographie de la
communication de Dell Hymes est, rappelons-le, une des branches de la
sociolinguistique américaine, sociolinguistique qui se propose d’étudier
la langue dans ses contextes sociaux « à partir du langage concret plutôt
qu’à partir des seules données de l’introspection » (Labov 1983 : 67) et qui
se constitue à un moment où le monde de la linguistique américaine est
fortement marqué et secoué par les propositions de Chomsky, en partie
en opposition avec celles-ci.
Par rapport à la sociolinguistique variationniste, cependant, la spéci-
ficité de la démarche de Hymes est de s’ancrer dans sa double formation
– en linguistique et en anthropologie – et de proposer une démarche
interdisciplinaire. Le mouvement qu’opère Hymes est en effet double :
l’ethnographie de la communication est une sociolinguistique qui sou-
haite étudier « l’organisation même de la parole » et qui « verrait dans les
significations et capacités qui y sont attachées à l’intérieur des commu-
nautés spécifiques des sujets aussi dignes de l’intérêt ethnographique que
la sexualité ou le sevrage » (Hymes 1984 : 121). Dans cette perspective, la
méthode ethnographique qu’il prône et applique est celle de l’observation
1. Cette étude a été réalisée dans le cadre d’un travail collectif de l’équipe Anthropologie
de l’écriture sur les literacy studies et plus spécifiquement en lien avec le séminaire
d’Aïssatou Mbodj-Pouye, « Atelier de lectures : anthropologie de l’écriture et Literacy
Studies » de l’année 2007-2008, dont les nombreuses discussions collectives ont large-
ment nourri cette étude.
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qu’il l’entende comme un processus par lequel des personnes émettent
des messages et les transmettent à d’autres au moyen de certains codes.
Le point important est que la communication est un processus général,
qui englobe le langage et, plus particulièrement, la parole (speaking).
Autrement dit, pour Hymes, la parole est intégrée dans la communication
et l’ethnographie de la parole qu’il propose tout d’abord en 1962 est elle-
même intégrée dans l’ethnographie de la communication, qui doit poten-
tiellement prendre en compte les différents codes (Hymes 1974 : 8).
Bien qu’en réalité, le rapport entre langue, parole et communication
paraisse souvent peu clair chez Hymes4, on peut avancer que l’objet de son
travail est de décrire et d’analyser les conduites, ou habitudes communica-
tives (« communicative conduct ») de communautés données5 :
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nicatives peut être avancée6. Et, lorsqu’on s’intéresse à une composante de
la communication, par exemple la langue, on doit repérer et observer les
speech events pour remonter ensuite à la langue puis à la communication.
Enfin, Hymes affirme avec force l’importance de ne pas séparer l’étude
de la communication d’une connaissance plus générale de la communauté
donnée, notamment afin de pouvoir situer l’importance de la commu-
nication dans cette communauté ainsi que les situations respectives des
différents canaux et modalités de la communication (Hymes 1974 : 25).
La notion de speech event s’insère dans deux chaînes théoriques pro-
posées par Hymes. D’une part, elle s’inscrit dans un rapport d’inclusion
entre les speech situations, speech events et speech acts, d’autre part, elle
s’intègre dans les communicative events.
Hymes définit les speech events comme : « activities or aspects of activi-
ties, that are directly governed by rules or norms for the use of speech »
(Hymes 1974 : 52). Un « événement de parole » se comprend donc
comme une activité, ayant une cohérence et organisée par des règles
ou normes. En amont, un « événement de parole » se différencie d’une
« situation de parole » qui, elle, n’est pas gouvernée par des règles de
parole, qui est souvent composée d’éléments verbaux et non-verbaux mais
qui est « limitée » (« bounded ») et présente une cohérence. Une situation
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À la suite de la présentation des outils speech situations/speech events/
speech acts, Hymes précise les « components of speech » et certaines règles
s’appliquant à ces composantes. Ces composantes sont les suivantes :
message-form, message content, setting, scene, speaker/sender, addressor, hearer/
receiver/audience, adress, purposes, key, channels, forms of speech, norms of
interaction/norms of interpretation, genres (Hymes 1974 : 54-55). Il semble
que ces règles s’appliquant aux différentes composantes et, surtout, aux
relations entre certaines d’entre elles correspondent aux règles de l’usage
de la parole organisant les speech events (« rules or norms for the use of
speech »). On remarque, par ailleurs, que ces composantes recouvrent
partiellement les composantes des communicative events qui forment le
modèle, fameux, du SPEAKING : setting (scène, cadre, contexte), partici-
pants, ends (buts projetés, buts atteints), acts (séquences d’actes), key (tona-
lités), instrumentalities (codes et canaux), norms (normes d’interaction et
d’interprétation), genres (genres), (Hymes 1984 : 193). Les speech events
sont donc bien inclus dans les communicative events. Enfin, une fois ces
règles entre composantes mises à jour dans les cas réels, elles permettent
de remonter à l’analyse du « système » que constitue un événement.
Cette deuxième chaîne théorique est donc clairement inspirée par le
modèle de la communication, fonctionnaliste, de Jakobson, notamment
concernant l’importance accordée au « message » comme point de départ
pour repérer le statut communicatif d’un événement (Hymes 1974 : 12).
7. Dans ce passage, Hymes ne fait pas explicitement référence à la théorie des actes de
langage, contrairement à ce que l’on pourrait attendre.. Par contre, dans la postface de
1984, il reconnaît les acquis de cette théorie, tout en émettant une série de critiques,
évoquant essentiellement Searle et Grice. Voir pages 135, 161, 163 et 195.
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C’est au cours des années 1980-90 au Royaume-Uni qu’un courant
d’étude spécifique sur la literacy, c’est-à-dire sur les pratiques de lecture
et d’écriture, se constitue, sous l’impulsion, notamment, de Brian Street
et en opposition aux propositions de l’anthropologue Jack Goody10.
Street oppose à ce qu’il nomme le « modèle autonome » de Goody un
« modèle idéologique », c’est-à-dire une approche de la literacy critiquant
les discours idéologiques sous-jacents à certains travaux mais aussi aux
programmes d’alphabétisation de l’époque. Face à ces modèles jugés
déterministes sur les effets de la présence de la literacy dans une société,
Street et différents chercheurs anglais affirment la nécessité de contex-
tualiser les pratiques de literacy et de considérer la pluralité des literacies
(Street 1984, 1993). Dans cette optique, plusieurs travaux, divers, datant
des années 1970-80 sont rattachés rétrospectivement à ce courant11 qui
prend, au début des années 1990, le nom de New Literacy Studies (Street
1993)12.
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produce (or attemps to produce) graphic signs representative of oral
speech which have meaning to the producer and/or to anyone who
might be a reader of those graphic signs » (Anderson, Teale et al 1997
[1980] : 314). Un literacy event correspond donc à une période de temps,
un moment (« occasion ») composé de plusieurs actions s’enchaînant
(« action sequence ») et caractérisé par la présence de participants effec-
tuant des activités d’interprétation ou de communication liées à la lecture
et/ou à l’écriture.
De plus, dans ce chapitre, les auteurs présentent le cadre méthodo-
logique dans lequel est insérée la notion de literacy event. D’une part, un
literacy event est considéré comme inséré dans un flux d’actions que les
ethnographes doivent décrire, soit par leur propre observation :
Once a literacy event has been identified we attempt to describe activities
which lead up to it, events subsequent to it, and any activities which
co-occur and alternates with it. (Anderson, Teale et al 1997 [1980] : 315)
soit à l’aide de rapports réalisés par des membres (ici les parents) :
Our objective will be to have our parents produce tapes which provide a
much more complete description of the literacy events and to have them
supply information about the events which precede, co-occur and alternate
with, and follow it. (Anderson, Teale et al 1997 [1980] : 323)
D’autre part, un literacy event est inséré et situé dans un literacy
environment, que les ethnographes doivent décrire en s’attachant à la des-
cription des matériaux imprimés disponibles pour les participants, à celle
des personnes et des activités sociales où les participants sont engagés et
à celle de la manière dont ces personnes utilisent l’imprimé dans leurs
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activités. Enfin, un literacy event est perçu comme structuré en amont par
l’environnement social général et l’observation des literacy events permet
d’éclairer ces relations de structuration.
Au niveau théorique, Anderson, Teale et Estrada se situent clairement
dans la lignée de Hymes lorsqu’ils affirment au début de leur chapitre que
« literacy exists in the domain of communication and social interaction »
(Anderson, Teale et al 1997 [1980] : 313).
La seconde définition importante est celle proposée par l’anthro-
pologue Shirley Heath, peu de temps après, en 1983, dans le chapitre
« Literate traditions » de son ouvrage Ways with words, reprenant une
enquête des années 1970 sur les pratiques communicatives de deux
communautés ouvrières en Caroline, aux États-Unis. Heath reprend
explicitement la proposition d’Anderson, Teale et Estrada, tout comme
la référence à Hymes, comme elle l’explique dans la note 2 de la page
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196 (Heath 1983 : 392). Selon sa définition, un literacy event est une
situation dans laquelle « a piece of writing is integral to the nature of the
participants’ interactions and their interpretations of meaning » (Heath
1983 : 196) ou une situation où le mot écrit est central dans les interac-
tions et interprétations (Heath 1983 : 200). Par ailleurs, cette situation
est caractérisée par des règles : « rules of occurrence and appropriateness »
(Heath 1983 : 200). L’exemple le plus développé que propose Heath est,
ainsi, celui des « bedtime stories », qu’elle qualifie de « most predictable
reading activity » dans la communauté étudiée (Heath 1983 : 223) ; elle
décrit aussi d’autres activités récurrentes, routinières et organisées par des
règles sociales, comme la rédaction de notes dont le but est de rester en
contact avec des proches (Heath 1983 : 212).
Pour Heath donc, un literacy event est une situation caractérisée,
comme chez Anderson, Teale et Estrada par la présence de participants
effectuant des activités d’interprétation et de communication ordonnées
autour du texte, du matériel écrit ou du mot écrit et par des règles assu-
rant sa cohérence.
À la suite de ces définitions et utilisations méthodologiques inaugu-
rales, de nombreuses discussions théoriques ont eu lieu dans le domaine
des Literacy studies au sujet de cette notion. Brian Street et David Barton
ont tenté dans les années 1990-2000 de synthétiser la notion et d’en
redonner une définition claire. Selon leurs définitions, un literacy event
correspond à une situation particulière ou à un moment particulier
(« episodes », Barton & Hamilton 1998 : 7) où il se passe quelque chose,
où il y a des actions (« focus on a particular situation, where things are
happening and you can see them », Street 2001 : 10), en lien avec la lite-
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pour Barton, au rapport entre les activités de lecture et d’écriture et les
structures sociales plus vastes ; elle se définit comme « the general cultu-
ral ways of utilising written languages » (Barton & Hamilton 1998 : 6).
Pour Street, l’articulation est légèrement différente : la notion de literacy
practices est un concept qui permet de relier les literacy events (unités
descriptives) et les « patterns around literacy », composés de conventions
connues des participants, et de les mettre en relation avec « something
broader of a cultural and social kind » (Street 2001 : 11). Pour les deux,
c’est l’observation des literacy events qui permet de remonter à la concep-
tualisation et à la compréhension des literacy practices d’une communauté,
elles-mêmes structurées par des règles sociales.
Cependant, par rapport à Brian Street, David Barton insiste plus,
dans la lignée de Heath, sur la présence du matériel écrit comme carac-
téristique du literacy event. De plus, dans des travaux récents, il propose
une extension importante de la notion en problématisant plus avant cette
présence du matériel écrit.
Dans sa définition de 1998, il rappelle ainsi : « Usually there is a writ-
ten text, or texts, central to the activity, and there may be talk around
the text » ; « Texts are a crucial part of literacy events and the study of
literacy is partly a study of texts and how they are produced and used »
(Barton & Hamilton 1998 : 7). Dans un article théorique de 2001, il
développe une caractérisation des literacy events à la fois plus fine et plus
extensive et qui fait retour sur la filiation avec Hymes. Selon lui, la défi-
nition originale pose qu’un literacy event est : « a speech event with a text
in it » ; il définit le « classic literacy event » comme étant « the talk around
text » faisant ainsi référence aux travaux de Heath (Barton 2001 : 99).
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Il propose ensuite une caractérisation plus fine des différents literacy events
qui s’ordonne autour de deux critères : les relations entre les différents
événements et la place du texte dans les événements, qui ne se réduisent
ainsi pas au « talk around text » proposé par Heath. Concernant les rela-
tions entre les literacy events, Barton propose de ne pas réduire toutes les
relations à des structures trop fixes et de prendre en compte le caractère
confus et non-structuré de certaines relations : « events can be serial, coor-
dinated and chained ; they can be embedded or subordinated ; they can
be fuzzy » (Barton 2001 : 100). C’est à propos de la place du texte dans
les literacy events, qu’il évoque une catégorisation plus fine de la diversité
de ces événements : selon lui, il faut prendre en compte les différentes
modalités de présence du texte et ses différents degrés d’importance, ses
différents rôles dans l’accomplissement d’une activité :
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there are other sorts of literacy events, where texts are present but are not
read in a conventionnal sens ; there are events where texts have symbolic
functions ; and there are various ways in which texts which may or may
not be present are invoked. Events vary in the role of the text : the text can
be central, as in the act of reading instructions for a manuel ; the text can
be symbolic, as when swearing on the Bible ; and the text can be implicit,
as when talking about texts which are not present. (Barton 2001 : 99)
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relèvent pas exactement du même domaine chez le linguiste et chez l’an-
thropologue. Pour Hymes, ce sont d’abord les règles de l’usage de la parole
qui structurent les activités ou événements de parole. Heath est moins
précise et parle de règles dirigeant l’occurrence et le caractère approprié
de ces événements. Elle ne renvoie donc pas explicitement à des règles
liées à l’usage de l’écrit13. Cette divergence peut expliquer la différence
de nature que l’on peut déceler entre les speech events et les literacy events
et qui relève du rôle que joue comme de la place qu’occupe le premier
terme, speech et literacy, dans les notions. Dans les deux cas, un des sens
principaux de l’activité est donné par la parole et la literacy : un speech
event peut être une conversation, un literacy event la lecture d’un livre ou
l’écriture d’une lettre. Mais il nous semble que, bien que les propositions
de Hymes soient parfois un peu floues, l’event tel qu’il le conçoit est une
activité organisée par la parole. A l’inverse, dans les literacy events, tels
que Heath les décrit en tous cas, la literacy est présente mais ne structure
pas toujours l’activité.
Enfin, on remarque que l’outillage descriptif du modèle SPEAKING
proposé par Hymes n’est pas repris explicitement dans la caractérisation
des literacy events. Il semble cependant que, dans ses études de cas, Heath
reprend partiellement certains de ces composantes pour caractériser
les events : par exemple dans la description de l’écriture des lettres et
13. Ainsi dans la note 2 faisant référence justement à Hymes et à un travail antérieur,
elle parle de règles « sociales et interactionnelles » : « Heath 1982a suggests that lite-
racy events have social interactional rules which regulate the type and amount of
talk about what is written, and fine ways in which oral language reinforces, denies,
extends, or sets aside the written material. » (Heath 1983 : 392)
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des « notes » chez les adultes de Roadville, elle décrit leur forme verbale
(message-form), leur contenu et leur sujet (content), les participants (par-
ticipants), le moyen de transmission (channel) et signale les buts qu’elles
visent (purposes) (Heath 1983 : 212-217). Par ailleurs, dans les tableaux
des « usages » de l’écriture et de la lecture qu’elle propose, ceux-ci sont
définis par ce qui apparaît comme des buts (par exemple le type « social-
interactionnel » dont le but est de maintenir des relations) et qui peut
faire écho à un fonctionnalisme implicite (Heath 1983 : 198-199, 218,
220). S’il y a reprise de l’outillage formel et fonctionnaliste, il n’est donc
pas général dans les literacy studies – son caractère formalisé semble même
abandonné dans les travaux de Street ou Barton – et il demeure implicite.
On peut comparer, à ce propos, les descriptions proposées par Heath à
l’étude sur les lettres de Basso qui, dans son article « The Ethnography
of Writing », sert d’exemple pour montrer qu’une ethnographie de
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l’écriture sur le modèle exact de l’ethnographie de la communication de
Hymes est possible (Basso 1974). Après avoir repris le cadre théorique de
Hymes, Basso analyse un ensemble de lettres en insistant sur les « inter-
relationships that exist between participants, form, topic and function »
(Basso 1974 : 428) et spécifie ensuite chacun de ces composantes. Chez
Basso, la démarche est plus systématique et synthétiquement présentée,
mais il nous semble que Heath, comme Basso, reprend à son compte un
cadre d’analyse fonctionnaliste.
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société ou de la culture étudiées. C’est là le programme général de toute
sociolinguistique, comme nous l’avons rappelé précédemment. C’est
aussi celui que se donnent les literacy studies, lorsque Barton et Hamilton
affirment : « literacy is a social practice » (Barton & Hamilton 1998 : 6).
D’autre part, partir d’événements particuliers c’est affirmer l’impor-
tance de la diversité des situations, selon les contextes et les cultures, mais
aussi des fonctions réelles de la parole dans un cas, de la literacy dans
l’autre, et refuser des généralisations jugées simplistes. Dans les cas des
literacy studies, cela rejoint la critique des propositions de Goody et des
programmes d’alphabétisation mis en place par certaines institutions et
l’affirmation de l’existence de plusieurs literacies (Barton 1984). De son
côté, Hymes énonce de manière récurrente la nécessité de penser le lan-
gage et la parole dans la pluralité de ses fonctions et de ses utilisations
dans le domaine plus vaste de la communication et de la vie culturelle
(Hymes 1974 : 8 et 18 ; 1984 : 139).
Un certain nombre de différences profondes entre les deux champs
disciplinaires sont, cependant, soulevées par l’examen du transfert de la
notion de speech event dans les literacy studies. On peut peut-être les relier à
la formation de linguiste, et de linguiste américain des années 60 marqué
par les théories grammaticales de Chomsky, de Hymes.
D’une part, dans la description des literacy events, l’intérêt pour les
dimensions formelles du « message », pour parler comme Hymes et, plus
généralement, l’importance accordée à la forme de l’écrit ou du texte, sont
moindres chez les ethnographes des literacy studies, à l’exception de David
Barton. Hymes en bon linguiste met, à l’inverse, largement l’accent sur
ces dimensions.
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d’une communauté pour communiquer de manière appropriée dans
des contextes réels. Hymes n’emploie pas fréquemment l’expression
« grammar of rules » ; son objectif semble, cependant, largement plus
systématique que celui des ethnographes des literacy studies. Parallèlement,
comme nous l’avons déjà signalé précédemment, du fait de l’influence des
linguistes du Cercle de Prague et de Jakobson, les propositions théoriques
de Hymes sont plus formalisées, et peut-être formalistes, que celles des
ethnographes des literacy studies.
Malgré ces divergences de fond, il semble que l’on retrouve, cepen-
dant, des limites similaires dans les notions de speech event et literacy event.
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autres points, le cadre théorique de Hymes apparaît, pour les mêmes
raisons, comme flou.
Dans ses textes plus tardifs, comme la postface de 1984, il met moins
l’accent sur la théorie de la communication de Jakobson que dans ses
premiers textes et emploie plutôt le terme « interaction », mais sans le
définir et sans le reprendre dans ses définitions théoriques. Il nous semble
cependant qu’un certain nombre des events tels qu’il les conçoit pourraient
être appelés « interactions verbales».
Enfin, dans Foundations on Sociolinguistics, Hymes est souvent impré-
cis concernant la différence entre speech event et speech act. Dans la mise en
place de la chaîne speech situations/speech events/speech acts, le propos paraît
certes assez clair lorsqu’il propose l’exemple que nous avons évoqué de
l’emboîtement « fête/conversation/blague ». De même, lorsqu’il distingue
les deux notions et affirme que parfois un speech event correspond à un
speech act (« say, a rite consisting of a single prayer, itself a single invoca-
tion », Hymes 1974 : 52) son analyse paraît claire. Mais lorsqu’il décrit
les « components of speech », on a quelques difficultés à distinguer ceux
qui concernent spécifiquement les speech events et ceux qui concernent
en réalité les speech acts. Explicitant ce qu’il entend par « setting », il le
caractérise ainsi comme « time and place of a speech act » et, de même,
concernant la « key », la tonalité, il l’a présente comme « tone, manner or
spirit in which an act is done », alors que les autres composantes semblent
se rattacher plutôt aux speech events. Sans vouloir pousser la rigueur vers
trop de pointillisme, on relève la même imprécision chez Basso lorsqu’il
décrit, justement, la méthode de Hymes pour analyser la compétence
communicative :
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nous venons de soulever. Si l’accomplissement d’une activité se déroule
dans un temps variable, celle-ci est généralement limitée par un début et
une fin. Sur ce point, les textes théoriques de Hymes comme des literacy
studies problématisent peu la question des bornes de l’activité décrite. Si,
pratiquement lors de l’enquête de terrain, il paraît « facile », comme le
dit Hymes, de repérer des situations et des events – puisque l’observateur
procède, comme les membres, à des interprétations – et si l’outil event
se révèle sans doute aisément utilisable dans ce cas, il semble cependant
qu’en n’interrogeant pas, théoriquement, les « bornes » et les « limites »
de ces séquences d’actions, ces champs disciplinaires peuvent laisser de
côté un certain nombre de phénomènes, par exemple ceux de négociation
d’entrée et de sortie de l’activité.
Par ailleurs, en ce qui concerne la durée des événements observés et
décrits, on peut relever des extensions de la notion d’event probléma-
tiques, notamment pour comparer des phénomènes. Ainsi, Barton et
Hamilton, dans une étude de cas sur les usages de l’écrit dans une organi-
sation locale, utilisent l’unité d’analyse literacy event pour renvoyer à deux
faits très différents en durée : le premier est la réunion d’une association,
c’est-à-dire un moment aux bornes identifiables et une séquence centrée
autour de l’écrit et définie par la régularité de ses occurrences (« regular
repeated events with a standard format », Barton & Hamilton 1998 :
217), alors que le second renvoie à une campagne de résistance menée
par la même association contre une décision institutionnelle, c’est-à-dire,
d’une part, une unité d’observation beaucoup plus longue, se déroulant
sur plusieurs jours et, d’autre part, un « événement » exceptionnel et inat-
tendu (« unexpected events », Barton & Hamilton 1998 : 217). Barton
LES NOTIONS DE SPEECH EVENT ET LITERACY EVENT 99
et Hamilton jouent ici des deux sens possibles du terme event en anglais :
quelque chose qui se passe, dans le cours normal des choses, d’une part,
et quelque chose d’inhabituel dans le cours des choses, d’autre part. Là
encore, en gardant à l’esprit qu’en français le second sens est le plus usuel
et qu’on ne doit ainsi pas l’étendre au terme anglais, on peut cependant
suggérer qu’une telle extension de la notion lui fait perdre de sa pertinence
pour étudier des activités ordinaires.
Si cette étude nous a permis de revenir sur les notions de speech event et
de literacy event, et d’éclairer leurs différentes relations, on peut indiquer,
pour clore ce parcours, que les divers travaux formalisant puis utilisant
la notion de literacy event que nous avons évoqués ne renvoient cepen-
dant pas toujours explicitement, et peu souvent de manière centrale, à
la notion de départ forgée par Hymes ainsi qu’à ses travaux. Il peut ainsi
être intéressant, pour évaluer plus largement la postérité des travaux de
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Hymes, de questionner les modalités de cette postérité, qui n’est pas
nécessairement affichée et affirmée.
Bibliographie
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LES NOTIONS DE SPEECH EVENT ET LITERACY EVENT 101
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