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Préambule
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QUEl.LE DÉMOCRATIE ?
470
[.'EUROPE AUJOURD'HUI
471
quelle démocratie ?
473
QUEl.LE DÉMOCRATIE ?
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I.'EUROPK. A U J O U R D ' H U I
toutes les autres (et l'on pourrait en dire autant pour ce qui est des
grandes œuvres extra-européennes).
En conclusion, la diversité culturelle de l'Europe actuelle ne
pourrait faire obstacle au développement d'une identité européenne
que si, infidèles à l'esprit même de la civilisation européenne, on
continuait à fermer les programmes de l'éducation à tout ce qui
n'est pas « national ».
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pouvons même pas concevoir de culture sans enracinement dans
une langue concrète qui soit langue vivante et quotidienne et non
seulement lingua franco, commerciale ou administrative. L'hellé-
nisation de la Méditerranée orientale à partir d'Alexandre, la lati-
nisation de la Méditerranée occidentale sous Rome, l'arabisation
des peuples islamisés après le VIIe siècle en sont des exemples.
(Et le contre-exemple suisse n'en est pas vraiment un puisque,
si politiquement la Suisse a pu sauvegarder son unité pendant de
nombreux siècles, culturellement ses trois parties principales ont
toujours été tournées vers et nourries par les cultures allemande,
française et italienne).
Si l'anglais (ou plutôt l'anglo-américain) joue actuellement de
plus en plus le rôle de lingua fronça, il paraît difficile d'envisager
une « anglicisation » de l'Europe, et impossible d'accepter la dis-
parition comme langues de culture de langues aussi belles, riches
et lourdes d'histoire que le sont pratiquement toutes les langues
européennes existant aujourd'hui. En attendant que l'histoire fasse
son travail, dont il serait puéril de vouloir fixer ou même prévoir
l'orientation et les effets, je serais partisan d'une solution qui, tou-
jours dans la perspective d'une Europe démocratique, adopterait
franchement comme lingua franco de la fédération européenne,
plutôt qu'une langue artificielle, une langue vivante (et l'anglais
semble, pour plusieurs raisons, le mieux placé pour jouer ce rôle),
cependant que les communautés linguistiques particulières conti-
nueraient à se développer.
Mais on ne pourrait terminer ces quelques réflexions sans
souligner, précisément à l'occasion de cette dernière question,
l'importance d'un obstacle majeur sur la voie d'une Fédéra-
tion européenne, la permanence formidable de l'imaginaire de
l'État-nation faisant que les peuples déjà constitués en États ne
semblent nullement enclins à abandonner la « souveraineté natio-
nale», alors que les autres sont surtout préoccupés par l'idée
de parvenir à une forme étatique «indépendante» quels qu'en
puissent être le coût et le contenu. Aussi longtemps qu'il en sera
ainsi, l'«Europe» se réduira à une structure bureaucratique cha-
peautant tant bien que mal les États nationaux, et il sera vain de
parler d'« intégration européenne ».