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ACTE II: CHAPITRE TREIZE

LOUIS / PRÉSENT

Parce que j'ai eu le malheur de naître la veille de Noël, j'ai toujours célébré mon anniversaire une
semaine plus tôt. L'événement était en même temps une fête d'entreprise puisque c'était la dernière
fois que la plupart d'entre nous allaient se voir avant les vacances.
Seulement une trentaine de personnes étaient venues, mais parce que mon appartement était petit,
l'endroit semblait bondé. Les fenêtres étaient embuées par la chaleur des corps buvant et riant.
Eleanor et Liam se battaient pour la cuisinière électrique. Liam faisait ses tacos de poisson - sa
spécialité - tandis qu'Eleanor faisait des space cake1. Ils se marchaient sur les pieds dans ma petite
cuisine en essayant de ne pas obtenir du poisson dans les brownies et vice-versa.
Je courais un peu partout en jouant l'hôte, faisant en sorte que tout le monde avait un verre à la
main.
Jeffrey et moi sortions toujours ensemble. Il avait pris la responsabilité d'agir comme mon
assistant en prenant les manteaux des gens et en leur donnant une visite de mon appartement.
- Regardez cette vue ! Il se vanta, menant les invités sur le balcon. Puis de retour à l'intérieur, il dit :
C'est notre coin lecture, et nous regardons la télé ici. Attendez, je vais mettre le DVD que j'ai trouvé
des vieux récitals de danse de Louis !
Non, s'il vous plaît, non.
- Et voilà à quoi ressemblait Louis quand il était un bébé. Il était si dodu !
Ne me demandez pas comment il avait trouvé mes vieux albums de famille. Je ne savais même pas
que je les avais. Jeffrey n'était pas une personne naturellement curieuse, mais quand c'était par
rapport à moi, il était comme un putain d'archéologue.
L'obsession de Jeffrey pour moi ne s'arrêtait pas à mes photos de bébé. J'avais décidé de porter
mon pull bourgogne ce soir-là et Jeffrey était en bleu. Il l'avait immédiatement changé pour un haut
bourgogne identique quand il avait vu ce que je portais.
- Oh mon Dieu. Je lui avais dit. Nous sommes ce couple.
- Tais-toi, nous sommes mignons.
- On dirait des frères !
- Tous les gars en ville s'habillent comme leurs petits amis.
- Mais nous ne sommes pas en ville, nous sommes dans mon appartement.
- Nous sommes homosexuels partout où nous sommes, Louis. S'habiller de la même manière est un
symbole de notre relation et montre notre solidarité avec les gens comme nous.
Je souris. C'était si adorable quand il me donnait des discours sur les mœurs de notre communauté.
Jeffrey était sorti du placard il n'y a pas longtemps.

1
: Un space cake est un brownie dans laquelle on a ajouté du cannabis sous forme de haschisch ou
d'herbe
Zayn et Gigi arrivèrent, une légère poussière de neige sur leurs manteaux de laine. Je les
embrassai tous les deux et ils me tendirent une bouteille de vin rouge.
Niall et Maurice étaient arrivés quelques minutes plus tard. Pauvre Maurice. Traumatisé par ses
expériences avec Harry dans le studio. Il n'arrêtait pas de regarder par-dessus son épaule, ses petits
yeux noirs alertes.
- Ne vous inquiétez pas, Maurice, je n'ai pas invité Harry.
- Oh, Dieu merci ! Il prit la plus douce liqueur qu'il put trouver dans mon bar. Harry m'a crié dessus
toute la journée ! Je ne peux pas être une minute de plus avec cet homme.
Je hochai la tête avec sympathie. Je connaissais ce sentiment.
Niall m'avait acheté un livre. Il n'avait pas pris la peine de l'emballer. Il avait simplement mit un
chou sur la couverture. C'était une biographie de l'ancien manager du Manchester United, Max
Ferguson.
- Merci, j'avais l'intention de le lire.
- Laisse-moi savoir quand tu le finiras afin que je puisse l'emprunter.
- Et jamais me le rendre comme tu le fais avec tous mes autres livres.
- Précisément.
La musique était bruyante mais tout le monde l'était. Je pouvais à peine entendre quelle chanson
jouait par-dessus les conversations. Je ne pouvais pas vraiment bien voir les visages non plus.
Jeffrey et moi avions installé des lumières de Noël et avions éteint les principales. Il faisait assez
sombre pour avoir une conversation intime et juste assez lumineux pour voir où vous marchiez.
Tout le monde était arrivé. Je passais d'ami en ami en riant quand, d'une manière inattendue, la
sonnette se fit entendre.
J'allai sur le petit balcon. Zayn était en train de fumer.
- C'est qui ? Je demandai.
- Juste ton pire ennemi.
Je regardai par-dessus la rambarde. Il y avait Harry emmitouflé chaudement qui tenait une
bouteille de vin.
J'entrai précipitamment à l'intérieur.
- Très bien, qui l'a invité ?
La pièce était silencieuse. Puis Gigi craqua.
- C'était moi. Avoua-t-elle.
Maurice posa sa main tragiquement sur sa poitrine, trahit.
- Il voulait que je pratique avec lui ce soir et j'étais trop fatigué pour mentir. Je n'ai pas dormi
depuis trois semaines. Il est un esclavagiste. Elle avait des cernes sous ses yeux. Harry l'avait fait
répéter avec lui tard dans la nuit et tous les soirs.
Normalement, je ne me souciais pas quand des amis invitaient des amis à mes fêtes, mais dans ce
cas je n'avais spécifiquement pas invité Harry parce que je ne voulais pas qu'il soit là. Maurice et
Jeffrey aussi. Surtout Jeffrey. Il me lança un regard d'avertissement.
- Dis-lui de partir.
- Je vais me débarrasser de lui.
Je ne fis pas entrer Harry. Au lieu de cela, je descendis dans le hall pour lui dire qu'il valait mieux
qu'il ne vienne pas.
Harry s'illumina quand il me vit à travers la porte vitrée. Ses oreilles et son nez étaient roses et il
bondissait pour se réchauffer.
J'ouvris la porte du hall.
- Salut Harry.
- Joyeux anniversaire. Dit-il en feignant la normalité, comme si nous n'avions pas eu de bagarre
quelques jours auparavant. Il me tendit la bouteille de vin: Ravenswood Lodi Zinfandel.
- Gigi et Zayn m'ont donné la même.
Harry semblait déçu.
- Elle a dit que c'était ton préféré. Je ne savais pas qu'elle t'avait donné la même chose. J'aurais dû y
penser. Se gronda-t-il.
- C'est bon, tu ne peux tout avoir.
Harry jeta un coup d'œil à la sonnette. Je ne lui avais pas donné la permission d'entrer à travers
l'intercom et je ne l'avais toujours pas invité à entrer. Il s'aperçut que je ne le voulais pas ici.
Il essaya de ne laisser rien paraître.
- Eh bien, je vais reprendre mon chemin. Je voulais juste laisser ça ici. Il sourit nerveusement.
Bonne nuit.
Je fermai les yeux.
- Harry, attends.
- Je dois vraiment partir. Au revoir.
- Viens.
- Je ne peux pas, j'ai des plans. Passez un bon moment. Il fit un signe de la main.
Je savais qu'il allait retourner seul au studio. Je me sentais horrible. Il essayait de réparer ses tords
et j'étais ici à être impardonnablement grossier.
- S'il te plaît. Dis-je, gelé près de la porte. Gigi et Eleanor sont ici avec Zayn et Liam.
Il se retourna lentement.
- D'accord. Dit-il. Peut-être juste un peu.
Jeffrey refusa de prendre le manteau d'Harry, alors je le pris et le déposai sur mon lit avec tous les
autres. Harry me suivit dans la chambre. Ma nuque picotait. Je n'avais jamais été embarrassé par
mon appartement avant, mais je l'étais maintenant. Mon chez-moi était probablement beaucoup plus
petit que le sien. Toute ma vie était plus petite que la sienne. Je me rendais pleinement compte
maintenant de tout ce que j'avais qui était modeste et démodé. Les goûts d'Harry étaient beaucoup
plus sophistiqués. Et à quoi j'avais pensé avec les lumières de Noël scintillantes? C'étaient si
enfantins.
- Tu as beaucoup d'amis, Louis.
- Pas assez pour remplir le Royal Opera House.
- Ce ne sont pas mes amis. Ils sont des gens qui savent qui je suis.
Harry regardait les photos sur ma commode, beaucoup d'entre elles de nos moment à l'école. Il prit
une photo encadrée de moi et Zayn dans le studio.
- Je me souviens de ce jour-là. Il en prit une autre, avec Gigi, Eleanor et moi sur un bus à deux
étages. Et ce jour-là.
Je mis mes mains dans mes poches. C'était une omission flagrante. Il était avec moi tous ces jours.
À l'époque, nous étions ensemble tous les jours.
- Ça va. Dit-il. Je comprends pourquoi tu ne voudrais pas avoir des photos de moi dans ton
appartement.
- Tu m'as coupé de ton discours. Dis-je sur la défensive.
- Ça ne t'a pas vraiment dérangé, n'est-ce pas ? Dit-il avec incrédulité.
- Et tu as refusé de me serrer la main au dîner des clientes.
Harry se serra les bras. Il portait un pull de cachemire gris. Il avait l'air doux et chaleureux.
- Désolé. Il s'assit sur le bord de mon lit. Est-ce que tu me pardonnes ?
- Ce n'est pas les excuses que je veux et tu le sais.
Jeffrey entra dans la pièce, s'intéressant à Harry. Puis il se tourna vers moi et annonça.
- Les brownies sont prêts, mon chéri.
- Harry, tu te souviens de mon copain, Jeffrey.
- Bonsoir, Jeffrey. Dit-il en se penchant sur le lit.
Jeffrey retroussa son petit nez de porcelaine.
- Désolé, notre chambre à coucher est bordélique. Nous nous sommes réveillés tard ce matin.
Subtil.
- Ça ne me dérange pas. J'avais l'habitude de partager une chambre avec Louis. Je sais comment il
est.
Le visage de Jeffrey se transforma en une teinte de rouge que je n'avais jamais vu.
- Non tu ne le sais pas. Nous ne sommes pas des colocataires, nous sommes un couple.
Harry jeta un coup d'œil à nos pulls assortis.
- Vraiment ? Je ne savais pas.
- Je vois que tu es seul ici. Gémit Jeffrey, essayant désespérément d'énerver Harry. C'est
embarrassant pour toi.
Harry soupira.
- Oui, c'est difficile de trouver du temps pour une relation lorsque le travail est si exigeant. Tu dois
avoir beaucoup de temps libre maintenant que tu as été retiré du Lac des Cygnes.
Jeffrey n'avait plus de répliques. Il me regarda avec colère et partit en soupirant.
- Tu ferais mieux d'aller consoler ton petit ami. Dit Harry.
Pourquoi je n'avais pas défendu Jeffrey ? Qu'est-ce qui n'allait pas avec moi? C'était déroutant de
voir Harry dans ma chambre. Sur mon lit. Je le laissais monter dans ma tête.
Je rejoignis Jeffrey dans la cuisine en enveloppant mes bras autour de lui confortablement alors
que Harry était derrière nous.
Eleanor leva un sourcil.
- Euh, est-ce que les deux tourtereaux veulent m'aider à servir tout ça ? Dit-elle en tendant le
plateau avec ses gants de cuisine.
Je coupai les brownies en morceaux et les plaçai sur mon seul plateau de Noël thématique. La
plupart des invités avaient poliment refusé, ne voulant pas trop être défoncé un soir de semaine,
mais Zayn et Gigi acceptèrent avidement et Niall aussi. Je n'avais pas l'intention d'en prendre
puisque j'étais l'hôte, mais ma rencontre avec Harry m'avait secouée et j'avais besoin de quelque
chose pour me calmer.
Harry accula Maurice à la première occasion qu'il eut. Il essayait de changer des parties de son
solo, mais Maurice disait non et réussi à avoir Kenneth pour le soutenir. Harry ne voulait pas
prendre non pour une réponse, et après quelques verres, les défenses de Maurice étaient tombées.
- S'il vous plaît, vous devez comprendre, je suis un homme traditionnel. Ma chorégraphie rend
hommage aux maîtres russes, Petipa et Ivanov.
- Traditionnel est juste un autre mot pour les vieux. Vos idées sont vieilles. Cracha Harry.
Je devais le sauver.
- Maurice, puis-je vous proposer un brownie ou un taco, peut-être ?
- Nous parlons."Dit Harry.
Maurice se précipita vers moi.
- J'aimerais un taco. Dit-il en exagérant le "t" avec son accent suisse prononcé.
Je conduis Maurice à Liam qui servait des tacos à une file d'invités impatients.
Harry se pencha contre le mur et fronça les sourcils.
- Je n'avais pas fini avec lui.
- Oui, tu l'étais ! Je m'écriai. Nous ne sommes pas dans le studio. C'est une fête. Ma fête. Je ne vais
pas rester là à te regarder attaquer mes invités ! As-tu été élevé par les loups ?
- Je ne l'attaquais pas ! Il a besoin d'entendre ça. J'ai raison.
Je roulai mes yeux.
- Tu as toujours raison, n'est-ce pas ? Tu devrais t'inquiéter moins d'avoir raison et plus d'être aimé.
Il fit une pause.
- Tu ne m'aimes pas ?
- Tu es une personne difficile à aimer, Harry.
La pièce tournait. Je pouvais sentir les brownies commencer à faire effet. Tout était légèrement
flou et mes pensées commençaient à se confondrent. Je ne pouvais pas suivre ce que je disais dans
ma tête et ce que je disais à voix haute.
- Mais je... Je pense beaucoup à toi.
Harry pinça ses lèvres et détourna les yeux, embarrassé par ma franchise soudaine.
Je me laissai tomber au sol et je m'assis les jambes croisées. Ce n'est pas quelque chose que l'on
fait à l'improviste, mais quand tu es défoncé, c'est un mouvement parfaitement raisonnable.
Harry glissa le long du mur et me rejoignit.
- À quoi tu penses ? Il demanda.
- À quel point tu étais beau quand je t'ai rencontrée. À quel point tu étais timide, gentil et doux.
Harry grimaça.
- Je n'aime pas parler de mon enfance.
- Pourquoi ?
- Je déteste cette personne.
- Il me manque.
Les yeux translucides d'Harry observèrent le gris de son pull et il me regarda ensuite avec une
résignation d'acier.
- Il est parti.
Je tendis la main et touchai sa poitrine.
- Non, il ne l'est pas.
Harry essaya de retirer ma main, mais je la laissai là fermement. Je pouvais sentir son cœur sauter
anxieusement sous le pull molletonné.
- Est-ce que tu penses à moi ? Je demandai.
Il me laissa souffrir un instant, puis dit:
- Oui.
- Eh bien, à quoi tu penses ?
- Je ne peux pas le dire, je suis trop sobre.
Mes yeux s'écarquillèrent. J'aurais fait n'importe quoi pour lire son esprit en ce moment. Je
regardais par-dessus mon épaule pour voir s'il y avait des brownies à proximité.
- Je-
- Excusez-moi ! Interrompit Jeffrey.
Oh merde. Jeffrey.
Je me levai et m'accrochai à son épaule. Il m'amena sur le canapé et nous nous y effondrâmes. Il
semblait assez en colère donc je m'attendais à me faire passer un savon. Jeffrey pouvait être assez
fou quand il voulait l'être. Mais au lieu de me donner l'un de ses longs discours hystériques, il
commença à m'embrasser farouchement. Je détestais les démonstrations d'affection en public et
dans des circonstances normales, j'aurais été mortifié, mais j'étais trop défoncé et un peu excité
après ma conversation avec Harry. Il était encore sur le sol où je l'avais laissé, nous observant. Je
pouvais entendre Zayn et Niall ricaner et Gigi nous crier dessus de ne pas faire ça sur son pull.
Les gens commençaient à partir deux ou trois heures plus tard. Je donnai à Maurice qui était épuisé
par tous les jeunes gens et nos singeries un long au revoir. Zayn serait resté plus tard mais Gigi était
trop fatiguée. Ils avait partagé un taxi avec Eleanor. Liam et Niall bavardaient sur le balcon, mais ils
avaient décidé de continuer leur causerie durant leur promenade vers la maison. Je les avais tous
enlacés avant qu'ils ne partent, jusqu'à ce qu'il n'y ait que Jeffrey et moi dans l'appartement. Ou c'est
ce que je croyais.
- De quoi vous avez parlé tous les deux ? Demanda Jeffrey, alors qu'il faisait la vaisselle.
- Qui ?
- Tu sais qui.
- Rien. Je haussai les épaules en prenant des assiettes de brownies à moitié mangées sur la table
basse.
- Ça ne ressemblait pas à rien. Marmonna-t-il.Je pensais que nous avions convenu qu'il n'était pas
invité.
- Je ne l'ai pas invité.
- Tu aurais pu lui demander de partir.
- Jeffrey, ça ne se fait pas !
- Je m'en fous ! Il m'a retiré de la production sans raison !
Juste à ce moment, Harry apparut depuis la porte de la chambre.
- Ce n'était pas pour rien. Dit-il.
Oh mon Dieu, depuis combien de temps était-il là ? Qu'avait-il entendu ?
Harry prit les assiettes des mains de Jeffrey et les plaça dans l'évier de la cuisine. Il fit couler l'eau
et commença à faire la vaisselle comme s'il possédait l'endroit.
Jeffrey était prêt à exploser. Il avait toujours soupçonné Harry de l'avoir retiré du spectacle, mais il
ne savait pas à coup sûr. Maintenant il l'avait entendu tout droit de la source.
- Quelle raison pourrait-il y avoir ?
Harry jeta le chiffon sur son épaule et s'appuya contre le lavabo.
- Tu n'es pas assez bon, Jeffrey.
Je devais retenir physiquement Jeffrey.
- Tu es sérieux ? Kenneth m'aime et Maurice pense me donner un solo.
- Tu peux être assez bon pour leurs normes, mais tu n'es pas assez bon pour partager une scène avec
moi, et tu n'es certainement pas assez bon pour partager une scène avec Louis !
Jeffrey se retira de mon emprise et se jeta au visage d'Harry.
- J'ai partagé une scène avec Louis avant et je vais le faire à nouveau !
- Pas pendant que je suis dans la compagnie !
Je ne savais même plus pourquoi ils argumentaient. Je me mis entre eux et les écartai.
Jeffrey griffa mes bras comme un chat.
- Je ne partage peut-être pas une scène avec Louis, mais je partage son lit. Que fais-tu encore ici,
Harry ? Tu n'étais pas invité ! Louis te DÉTESTE !
De la douleur flotta dans l'expression impassible d'Harry.
Il se précipita dans la chambre, prit son manteau, et sortit de l'appartement, les joues brûlantes.
- Peux-tu le croire ? Jeffrey explosa. Il est fou! Je t'ai dit qu'il était venu m'énerver ! Il va saboter
toute ma carrière pendant qu'il est à la compagnie !
- Jeffrey, tu as dépassé la limite. Dis-je, revêtant mon manteau pour aller chercher Harry. Tu ne
peux pas lui parler de cette façon. Il est mon collègue.
- Je suis ton petit ami ! Jeffrey s'écria en se jetant contre ma poitrine.
- Je sais, je sais, chéri. J'essuyai ses larmes avec mon pouce et l'embrassai chastement. Mais je dois
arranger ça.
Je quittai l'appartement, descendis les escaliers et sortis par la porte de mon immeuble. Harry était
à mi-chemin dans la rue, les mains dans les poches, la neige tombant gracieusement sur ses épaules.
- Harry ! J'appelai.
Il s'arrêta et me regarda.
Je ne savais pas vraiment quoi dire. Je ne voulais pas m'excuser pour Jeffrey. Harry s'était mal
comporté aussi.
- Je voulais juste te remercier encore une fois pour... le vin.
Il se retourna vers moi, le vent glacé le faisant renifler légèrement.
- C'est vrai que tu ne voulais pas que je vienne ce soir ?
Je baissai les yeux.
- Harry, les choses n'ont pas été bonnes entre nous. Je suis désolé, mais j'ai pensé que ce serait plus
facile pour moi et…
- Jeffrey.
- Ouais.
Harry regarda mon appartement en observa les lumières de Noël qui clignotaient à travers la
fenêtre comme un feu d'artifice.
- Est-ce qu'il te rend vraiment heureux ?
C'était une question étrange venant de quelqu'un qui a consacré tant d'énergie à me blesser.
- Oui.
Le visage d'Harry se retourna vers la rue sombre et vide.
- Bien.
Il faisait froid. Je devais retourner à l'intérieur et le laisser prendre un taxi. Mais je voulais dire
tellement plus.
- Penses-tu que nous pourrions revenir comme avant ?
- Qu'est-ce que tu veux dire ? Il fronça les sourcils, incertain.
- Je veux dire, avant que Beauchamp ne t'emmène à Kiev.
Toute l'incertitude tomba de son visage et ses traits devinrent comme de la pierre.
- Non.
ACTE II: CHAPITRE QUATORZE
HARRY / PASSÉ

Personne ne m'avait jamais détesté auparavant. Bien sûr, certaine personne ne m'aimait pas.
Certains enfants à l'école du Cheshire avaient l'habitude de se moquer de mes cheveux. J'avais un
cousin plus âgé qui pensait que j'étais assez ennuyeux. Mais personne ne me détestait, et
certainement pas les gens que j'aimais le plus. C'était ironique quand la personne que j'aimais plus
que quiconque dans le monde entier avait été la première personne à vraiment et complètement me
détester.
Après ma rencontre avec Beauchamp, j'avais manqué volontairement mon cours dans le studio
pour retourner directement à Jebsen. J'essayais de trouver une explication du pourquoi j'allais
maintenant à Kiev au lieu de Louis. Je pourrais le blâmer sur Beauchamp et dire qu'il avait changé
d'avis. Je pourrais accuser le voyage et dire que Beauchamp pensait que Louis était trop important
pour le spectacle de cet hiver et manquer une répétition. Il avait un solo après tout. C'était mon
meilleur moyen d'épargner ses sentiments.
Louis n'était pas dans notre chambre quand j'étais rentré, mais sa valise l'était. Il était prêt à partir.
Il y avait aussi une note qui m'étais adressée sur le bureau. Elle était écrite sur du papier à lettres
de RBS par les coups de crayon pressés de Louis.

Cher Lysander,

Je suis partis donner en mains propres ma permission de voyager et le passeport


à Beauchamp. Au cas où je ne te vois pas avant mon voyage, je voulais te
remercier. J'étais tellement excitée hier soir que j'avais oublié de te dire ça. Je ne
serais pas là où je suis sans toi. Tu as toujours cru en moi, même quand je ne
croyais pas en moi. Maintenant, tous mes rêves se réalisent! Je ne pensais pas
que quelque chose comme ça pourrait m'arriver, mais la meilleure chose qui
m'est jamais arrivée est toi. Je voudrais que tu saches combien tu es beau à
l'intérieur comme à l'extérieur. S'il te plaît ne sois pas trop dur avec toi-même
durant mon absence. Tu es mon danseur préféré, ne l'oublie pas.

Je t'aimerai toujours,

Demetrius.

Je fermai les yeux et froissais la lettre dans ma main.


J'allai vers mon placard et attrapai mon sac. Je commençai à y farcir des vêtements à l'intérieur au
hasard, fripant mon costume et toutes mes chemises. Je n'allais pas avoir besoin de guide pour ce
voyage, de caméra, de jolie écharpe et de boutons de manchette précieux. Je ne me souciais pas à
quoi j'allais ressembler ou ce que j'allais voir à Kiev. Je voulais oublier le voyage avant même qu'il
n'ait commencé.
Je regardais le cadran sur la table de nuit alors que les secondes et les minutes passaient. Ce n'était
qu'une question de temps avant que Louis ne remette ses documents à Beauchamp et apprenne qu'il
n'irait pas à Kiev.
Je sortis mon passeport hors du bureau. J'avais demandé à ma mère de faire parvenir par courrier
électronique une copie de la fiche d'autorisation plus tôt ce matin-là. Elle m'avait dit qu'elle était
fière de moi. Si elle connaissait le vrai moi, elle ne serait pas si fière.
Je savais que Louis serait en colère. Je savais qu'il pourrait hurler et crier. Je pensais que j'étais
préparé à sa réaction. Je ne l'étais pas.
Mon sac était fait et je regardais par la fenêtre la voiture de Beauchamp quand Louis entra dans la
pièce derrière moi.
Je me retournai. Des larmes coulaient sur son visage.
Il tenait sa fiche de permission dans une main et son passeport dans l'autre. Ses cheveux étaient
brossés nettement sur le côté et il portait sa tenue préférée: un pull bleu et des pantalons gris avec
des chaussures en cuir verni. Malgré les larmes, je ne l'avais jamais vu plus beau. Il s'était habillé de
ses meilleurs vêtements pour le voyage parce que c'était censé être le plus beau jour de sa vie.
- Comment peux-tu? Il étouffa.
- Beauchamp a changé d'avis. Balbutiai-je. Tu es trop important pour le spectacle de cet hiver
pour...
- Menteur. Le regard de Louis était tranchant. Beauchamp m'a dit que tu es allé à son bureau ce
matin et l'as convaincu de te prendre au lieu de moi.
J'espérais que Beauchamp ferait en sorte que ce soit son choix plutôt que le mien. Mais il ne
pouvait même pas avoir de compassion, ce qui aurait pu sauver mon amitié avec Louis.
Que pouvais-je dire? Je répétai ce que j'avais entendu dire de Louis et d'autres garçons sur ces
voyages.
- C'est une bonne opportunité.
-Tu as pu l'accompagner à Paris! C'était ma chance, mon occasion, et tu me l'as volée! Louis laissa
tomber de ses doigts son passeport et sa permission.
Je cherchais des réponses.
- Je dois commencer à penser à ma carrière et à mon avenir.
- Toi, toi, toi. Sanglota Louis, le visage entre les mains. Comment peux-tu être aussi égoïste?
Il s'assit sur le bord de la couchette inférieur et essuya ses larmes avec sa manche.
- J'avais tort à ton sujet. Je croyais que tu te souciais de moi. Je pensais que tu étais mon meilleure
ami. Mais depuis que tu es rentré de Paris, tout ce qui te plaît, c'est d'être parfait. Tu ne manges pas.
Tu dors à peine. Tu répètes seul tous les jours, le matin et la nuit. Nous avions l'habitude de répéter
ensemble! Maintenant, tu ne me veux même pas autour de toi. As-tu été plus d'heures en studio
juste pour me battre et prendre ma place?
C'était si loin de la vérité que je ne savais même pas répondre.
- Ou veux-tu être le seul qui est spécial ? Tu ne peux pas supporter que Beauchamp pense que je
suis spécial aussi ! Il pleura.
Si seulement il savait le prix à payer pour être "spécial". Si seulement il savait combien je l'aimais,
ce que j'étais prêt à faire pour le protéger et le garder en sécurité.
- Je mérite d'aller à Kiev. Répondis-je avec raideur. Je travaille dur. Comme tu l'as dit, je fais plus
d'heures dans le studio que toi.
Il plissa les yeux.
- Est-ce que tu veux vraiment y aller ou tu me prends cette occasion parce que tu le peux?
- Ce voyage est important pour moi. Répondis-je froidement.
- C'est important pour toi ? Beauchamp est mon idole, tu ne savais même pas qui il était jusqu'à ce
que je te le dise! Paris, Kiev, ces voyages ne signifient rien pour toi. C'est juste un signe de prestige.
Je suis le seul qui apprécie vraiment son travail. Même si tu fous de moi, tu ne peux pas voir à quel
point tu es injuste ?
Je criais à l'intérieur de moi. J'avais besoin qu'il lise mon cœur, qu'il entende les mots que je ne
pouvais pas dire.
Quand je regardai par la fenêtre, je vis que la voiture de Beauchamp était arrêtée.
Les larmes de Louis s'apaisèrent à la vue de la voiture. Son visage était rouge de colère maintenant.
- Tu sais à quel point tu as de la chance ? Non, pas du tout. Tu ne le respecte même pas. Durant les
répétitions, tu lui prête à peine attention. Tu es grossier quand il vient te corriger, je l'ai vu. Il est le
plus grand danseur du monde et tu ne peux même pas te forcer d'être poli.
Je serrai les poings. Je devais sortir de là avant que l'un de nous ne dise quelque chose qu'il
regrette.
Mais le tempérament de Louis était incontrôlable.
- Qu'as-tu même à lui offrir durant ces voyages?
Je me sentais malade tellement j'étais en colère.
- Il sacrifie son temps et son expertise pour un ingrat.
- Louis, je te préviens...
- Tu ne sais rien du ballet, tu ne comprends probablement pas un mot de ce qu'il dit ! Dit-il en riant.
- Tais-toi
- Tu ne le comprends pas.
Je saisis Louis par la gorge.
- Je le comprends, ok. Je le comprends.
Louis me gifla et je trébuchai vers l'arrière et m'écrasai sur le bureau. Au moment où je retrouvai
mon sang-froid, je le frappai à la bouche.
Il cligna des yeux, stupéfait. Il toucha sa lèvre sanglante et leva ses yeux bleus glacés.
- Tu es trop stupide pour comprendre quelqu'un aussi brillant que Beauchamp.
Je me mis dans une colère noire. Je montai jusqu'à sa couchette et commençai à déchirer les
images de Beauchamp qui était sur son mur, une par une.
- Je le comprends. Je le comprends. Répétai-je, comme un fou.
Ensuite, j'arrachai l'ancien programme que Louis avait gardé depuis qu'il avait cinq ans du tout
premier ballet qu'il avait vu, celui signé par Beauchamp.
- Non ! Cria Louis.
Je le déchirai en petits morceaux.
Louis s'écroula sur ses genoux.
J'avais déchiqueté les photos glacées de Beauchamp jusqu'à ce qu'elles ne soient que poussière sur
le plancher de bois franc. Louis les ramassa comme des paillettes d'or.
Je le regardai, puis mes mains tremblantes, choqué par ce que j'avais fait. J'étais si hors de moi que
l'on aurait dit que quelqu'un d'autre l'avait fait ou que c'était un rêve. C'était la possession la plus
précieuse de Louis et je l'avais détruite sous ses yeux..
Je le traitais comme s'il savait ce qui m'était arrivé. Il ne savait pas. Il n'avait aucune idée, mais
j'avais tellement de rage en moi et nulle part ailleurs pour la défouler.
- Va-t'en. Était les seuls mots qu'il pouvait rassembler.
Je ne voulais pas le laisser comme ça, mais le chauffeur de Beauchamp klaxonnait à l'extérieur. Je
me dirigeai vers la porte.
Louis m'arrêta, sa voix pleine de larmes
- Et ne reviens pas, je ne veux plus vivre avec toi.
- Louis-
Il se jeta sur la couchette inférieure et pleura dans l'oreiller.
Avant que je ne puisse partir, la porte s'ouvrit. Beauchamp était là, appuyé sur le cadre de notre
porte, ses manches roulées et sa cravate de soie desserrée.
- Harry, j'ai attendu dehors plus de vingt minutes ! Allons-y, nous allons manquer notre vol !
Il jeta un coup d'œil par-dessus mon épaule et sa voix s’adoucit.
- Louis, tout va bien?
Louis leva son visage rempli de larmes de l'oreiller.
- Non, monsieur.
J'essayai de l'arrêter, mais Beauchamp me contourna et se mit à genoux au côté de Louis.
- Qui-a-t-il, chéri?
- S'il vous plaît, emmenez-moi avec vous ! Demanda Louis.
- Vous m'avez promis que j'allais pouvoir aller à Kiev ! Je vous en prie ! Je vous adore! Je
travaillerai deux fois plus fort que Harry !
Les lèvres de Beauchamp se tordirent et s'allongèrent lentement en un sourire. Il tendit la main et
caressa la joue lisse de Louis avec le dos de sa main.
- Vraiment ?
Je me poussai entre eux et verrouillai mes yeux avec ceux de Beauchamp.
- Laissez-le. Je grognai.
Il se leva et recula, les sourcils soulevés, amusé par ma réaction.
- Je suis terriblement désolé, Louis. Je prends Harry avec moi. Ma décision est finale.
Louis se jeta sur le lit, sanglotant de rage et de désespoir.
Beauchamp ramassa mes sacs et les porta à la porte, me faisant signe de le suivre.
Je m'agenouillai près du lit de Louis.
- Au revoir, Demetrius.
Il se tourna vers moi, ses yeux rouges vides et sa voix remplis de venin.
- Je te déteste.
Je baissai la tête. Je ne pouvais pas faire ça. Je n'étais pas assez fort. Ça faisait trop mal. J'aimais
Louis et je voulais qu'il m'aime en retour. C'était la seule chose que je voulais. Je pris une profonde
inspiration et repris mes esprits. Non, je faisais la bonne chose. Aimer Louis voulait dire le protéger.
Même s'il me détestait. Même si cela signifiait que je devais le perdre.
ACTE II: CHAPITRE QUINZE
LOUIS / PRÉSENT

C'était un agréable Noël. J'avais emmené Jeffrey à la maison pour rencontrer ma famille, et plus
tard nous étions allés faire un voyage romantique dans les Alpes suisses pour faire du ski. Il
s'entendait bien avec ma famille et était un compagnon de voyage agréable. Tout était parfait, mais
répéter en studio me manquait.
Jeffrey pouvait sentir cette agitation en moi et avait remarqué à quel point j'étais facilement
distrait. J'essayais d'être attentif. J'écoutais ses histoires de lorsqu'il était un adolescent luttant pour
sortir du placard, je l'emmenais à ses restaurants préférés, au théâtre, j'avais même cédé à son besoin
d'aller en boîte de temps en temps. Il me lisait au lit la section arts à haute voix tous les matins avec
un café et nous riions des mauvaises critiques sur lesquels nous étions d'accord et discutions de
celles que nous étions le moins.
J'aurais dû aimer ces doux matins, mais ils me semblaient forcés. Je me sentais comme si je me
regardais jouer le rôle de l'ami respectueux. Je faisais et disais toutes les bonnes choses, mais pour
toutes les mauvaises raisons.
J'étais retourné au travail la deuxième semaine de janvier. Sur les marches glacées du Royal Opera
House, je poussai un soupir de soulagement.
J'enlevai ma veste dans le studio et entendis de bruyants cognements de l'autre côté de la porte.
Quand je jetai un coup d'œil par la fenêtre du studio, je vis que des partis du décor à l'allure
fantastique avaient été démontés et sortaient de l'auditorium sur le dos des techniciens de scène. Les
hommes grognaient d'ennui sous les lourds panneaux et Liam traînait derrière eux.
J'ouvris la porte et y passai ma tête.
- Qu'est-ce qui ne va pas avec le décor ?
Il fronça les sourcils, collant son presse-papiers sur sa poitrine.
- Rien.
- Alors pourquoi diable est-ce que tu l'as fait démonter ?
- Pas moi. Harry.
- Je pénétrai le couloir et regardai ma montre.
- Nous sommes revenus de vacances depuis moins d'une heure et il est déjà en train d'aboyer des
ordres?
Liam s'appuya contre le mur. On n'aurait dit qu'il allait s'effondrer.
- Harry n'a pas pris de vacances. Apparemment, il dit qu'il n'en a pas besoin. J'ai dû abandonner
mes propres vacances pour rester ici et m'assurer qu'il ne mette pas le feu à l'endroit.
Juste à ce moment, Maurice se précipita vers nous, portant son petit caniche Bijou sous son bras.
- Ce monstre refuse d'accepter ma chorégraphie ! S'exclama Maurice. Son chien s'agita, perplexe
devant la détresse de son propriétaire. Je savais que les choses devaient être mauvaises s'il apportait
son chien comme renforts. Il n'apportait Bijou que lorsqu'il se sentait particulièrement harcelé.
Je posai mes mains sur mes hanches résolument.
- Je pensais que vous l'aviez laissé changer son solo ?
- Oui ! Hurla Maurice. Maintenant, il veut changer le solo de Gigi et le pas de quatre dans l'acte
deux !
- Ça ne finit jamais. Gémit Liam en se frottant les tempes. Plus en lui en donne, plus il en veut.
C'était le chaos. Le corps du ballet sortit du studio A, observant et chuchotant, tandis que Gigi et
Eleanor prenaient d'assaut le couloir, à moitié en costume à cause de leur essayage.
- Liam, pourquoi ne lui expliques-tu pas ce qu'il y a dans son contrat. Dis-je, exaspéré.
Liam passa ses doigts dans sa barbe de trois jours.
- Il refuse de venir au studio ou même de me parler jusqu'à ce que ses exigences soient satisfaites.
- Il tient toute la production en otage jusqu'à ce qu'il obtienne ce qu'il veut ! Gigi hurla comme si
ses cheveux étaient en feu. C'est la première fois que je joue le rôle principal dans Le Lac des
Cygnes C'est la performance la plus importante de ma vie ! Il va la gâcher pour moi et pour nous
tous !
Je n'avais jamais vu Gigi devenir hystérique. Elle était habituée à être en contrôle, mais aucun
d'entre nous ne pouvait contrôler Harry.
- As-tu essayé d'aller à son appartement? Je suggérai. Peut-être que tu dois le convaincre face à
face.
Liam secoua la tête.
- J'ai déjà essayé. Kenneth aussi. Il n'abandonnera pas.
- Eh bien, moi non plus. Renifla Maurice.
- Et vous ne devriez pas. Je confirmai.
Harry était allé trop loin, mais je ne pouvais pas dire que j'étais surpris.
- Je te l'avais dit, Liam. Je t'ai dit qu'il serait un cauchemar et voilà où nous en sommes!
- Ce n'est pas le moment pour des railleries. Rétorqua Eleanor, tenant le corsage de son tutu noir à
moitié terminé. Qu'allons-nous faire?
J'étais à court d'idées, mais ils me regardaient tous comme si j'étais la réponse.
- Va le voir, Louis. Dit Liam. Vous étiez des meilleurs amis. De nous tous, tu es celui le plus proche
de lui.
Je ris.
- Nous ne sommes plus meilleurs amis au cas où tu ne l'aurais pas remarqué.
- Liam a raison. Dit Gigi. Même si vous vous détestez, il pourrait être convaincu par un danseur
plutôt que par l'administration.
- Je ne dirais pas que nous nous détestons. Soufflai-je. Détester est un grand mot...
Comment est-ce que je m'étais embarqué dans cela? Je suivis Liam dans son bureau et il griffonna
l'adresse d'Harry sur un morceau de papier. Je reconnus le numéro du bâtiment qui était dans une
récente publication d'Architectural Digest. Il vivait dans un luxueux appartement près de la Tamise
au dixième étage.
Je levai le papier devant mes yeux.
- Merde! Combien le payes-tu?
Liam me tourna et me poussa hors de la pièce.
- Il vaut chaque centime. Maintenant, ramène-le.
Je n'allais sûrement pas faire cette mission seule. Dès que je quittai le bureau de Liam je retrouvai
Zayn qui répétait son solo dans le Studio B.
Courageusement, il accepta et nous sortîmes de l'Opera House ensemble. Zayn éprouvait de la
difficulté à reprendre le travail. Lui et Gigi avaient abandonné leurs deux familles pour des
vacances et étaient allés deux semaines à Ibiza. Il tomba dans un profond sommeil durant le trajet.
Je doutais qu'il me soit d'une grande aide. J'aurais dû amener Niall.
L'appartement d'Harry était juste à côté de la Tamise. Il y avait plus de vent et il faisait plus froid
que le centre-ville, mais c'était aussi plus beau, un endroit où vous pouviez voir le London Eye, Big
Ben et le Tate. Toutes les choses qui rendaient la ville bien.
Son nom n'était pas sur la sonnette. À côté de son numéro 10B, se trouvait un rectangle blanc où
son nom aurait dû être. Peut-être qu'il voulait protéger son anonymat ou peut-être qu'il ne voulait
pas être dérangé par ces détails. Je parie qu'un appartement comme celui-là n'était même pas
coûteux pour lui. J'aurais été fier de vivre dans un endroit comme celui-là.
Je raclai ma gorge et appuyai sur la sonnette. J'étais nerveux. Pourquoi j'étais nerveux ?
La voix d'Harry était profonde et statique à l'autre bout .
- Allo ?
- C'est moi, Louis.
Un silence de mort.
Zayn montra sa présence.
- Je suis ici aussi, c'est Zayn.
Harry nous donna la permission de monter. J'étais blessé qu'il ne m'aurait pas laissé monter seul. Je
n'aurais pas dû l'être. Nous n'avions pas vraiment arrangé les choses entre nous.
Harry ouvrit la porte. Il ne portait que des pantalons de pyjama en flanelle qui pendaient de ses
hanches d'une façon cruellement tentante.
- Qu'est-ce que tu veux?
- Bonne année à toi aussi.
Il s'écarta et nous laissa entrer. Je m'attendais à voir de belles antiquités ou des meubles si
modernes que son usage aurait été un mystère. Je m'attendais à voir de l'art, de la beauté et de la
décadence sous une forme ou une autre.
L'endroit était complètement vide. Il n'y avait pas de meubles et c'était dérangement propre,
blanchi de haut en bas.
- Alors... Dis-je sarcastiquement. Où caches-tu les corps?
Sans manquer une seconde, Harry répondit.
- Dans les murs.
Zayn lança son sac dans un coin.
- Vous êtes hi-la-rants.
La pièce en elle-même était extraordinaire. C'était ouvert avec des planchers de bois franc
fraîchement cirés et une cuisine de chefs en acier inoxydable. Les fenêtres convexes allaient
jusqu'au deuxième étage. C'était comme à l'intérieur d'un avion. Je regardais à l'extérieur et je me
sentais comme si je volais au-dessus de la Tamise.
Je ne comprenais pas pourquoi il n'avait rien fait avec cet endroit. Comment pouvait-il vivre
comme ça? Pourquoi vivrait-il ainsi?
- J'aime ce que tu as fait avec l'endroit, Harold. Douillet.
- C'est juste un endroit où dormir. Dit-il d'un ton calme. Je ne suis pas souvent ici.
- Je peux voir ça. As-tu au moins un lit? Je ne voulais pas le dire comme ça.
Harry ne sembla pas le remarquer.
- J'ai un lit.
Il y avait quelque chose d'étonnement familier dans cet endroit. Je ne savais pas exactement ce que
c'était et puis je réalisai: ça ressemble à un studio.
Zayn faisait bon usage de l'espace vide, pratiquant son solo. Harry et moi étions appuyés sur l'îlot
de cuisine et le regardions se déplacer devant l'horizon grisâtre de Londres. Son corps allongé était
bien adapté à la chorégraphie précise de Maurice. Il déploya ses membres comme une araignée,
lents et contrôlés. Il aurait fait un bon Von Rothbart, je pensais, mais l'interprétation d'Harry était
plus que bonne, c'était un triomphe. Harry ne dansait pas seulement la chorégraphie, il la surpassait,
quelque part entre l'art et le paradis, où il était intouchable.
La cuisine était aussi austère que le reste de l'appartement, à l'exception d'une armoire en verre
remplie de médicaments. Harry ne le cachait évidemment pas et je ne me sentais pas intrusif en
lisant les étiquettes: tramadol, buprénorphine, diamorphine, fentanyl, hydromorphone, oxycodone et
péthidine. Il y avait également des sédatifs: zolpidem, eszopiclone et zaléplon.
Je reconnaissais beaucoup de noms parce que mon grand-père prenait plusieurs de ces
médicaments pour diverses maladies durant les derniers stades de sa vie.
- Ce sont des médicaments sérieux, Harry.
- Les analgésiques sont pour mon genou, les sédatifs pour mon insomnie.
Je connaissais assez de ces médicaments pour savoir que vous ne pouviez pas mélanger les
opioïdes avec des sédatifs.
- Tu ne peux pas les mélanger. Dis-je.
Il ouvrit l'armoire et en sortit l'oxycodone d'une main et le zolpidem avec l'autre.
- Je ne le fais pas. Chaque jour, je choisis entre l'insomnie. Il secoua le zolpidem. Ou la douleur. Il
remua l'oxycodone, puis il inclina la tête, curieux. Quelle crois-tu que je choisis, Louis?
Je sentis ma poitrine se serrer parce que je savais la réponse et en même temps je ne voulais pas le
savoir.
- Douleur.
Harry sourit sombrement.
- Tu me connais, vieil ami.
Je pensais à la danse d'Harry, à quel point il la rendait facile, mais aussi puissante, comme s'il
possédait des forces qu'aucun autre danseur n'avait. C'était exactement le contraire. Chaque pas qu'il
faisait devait être atroce. Il y avait une beauté terrifiante en cela, comme si sa souffrance rendait sa
danse beaucoup plus exquise, bien plus éphémère et rare.
Harry regardait son ordinateur portable maintenant, qui reposait sur l'îlot de cuisine. Puisqu'il ne
nous avait pas offerts de boisson et qu'il ne pouvait pas nous offrir un siège, je décidai d'aller droit
au but. Je ne pouvais pas laisser ma faiblesse pour lui nuire à mon jugement. Je devais rester fort.
J'étais ici pour le bien de la compagnie. J'avais un travail à faire. Tout le monde comptait sur moi.
- Harry, tu ne peux pas toujours avoir raison. Je sais que ce n'est pas quelque chose que tu veux
entendre, et franchement, je ne suis pas sûr que ce soit quelque chose que tu puisses entendre.
Maurice ne va pas te laisser changer plus sa chorégraphie. Reviens en répétition. Ravale ta fierté et
comportes-toi comme un homme.
- Ce n'est pas pour ça que je ne suis pas en répétition. Dit Harry.
- C'est ce que tu as dit à Kenneth et à Liam.
Il haussa les épaules en frottant ses bras nus, ses lèvres charnues formant une moue triste.
- Non. J'ai juste dit que je n'y allais pas.
Je ne pouvais pas normalement comprendre Harry. Il était toujours tellement concentré sur le
travail que ses pensées et ses sentiments étaient impénétrables. Mais maintenant, avec ses sourcils
froncés et sa voix apathique, je pouvais dire que quelque chose n'allait pas.
- Est-ce que ça va? Demandai-je en posant une main sur son dos nu. Sa peau ressemblait au satin
tendu d'une pantoufle de ballet. Il était si cruel envers lui-même et envers les autres que j'avais
oublié à quel point il était délicat.
Il se pencha légèrement vers moi, ne se laissant pas prendre complètement. Je ne pouvais pas lui
résister quand il était doux comme ça.1Tellement pour rester fort.Je le rapprochai. Il baissa les yeux
et une mèche de cheveux tomba sur son œil. Je la repoussai en arrière, si près de lui maintenant que
je pouvais sentir son parfum floral. Il fit un geste vers l'écran de son ordinateur portable. C'était un
article sur le site web de BBC, mais la nouvelle était de France:
"L'Ancien Danseur Principal du Paris Opera Ballet Retrouvé Mort dans sa Maison. Suicide."
Je reconnus le nom de la personne dans l'article. C'était un nom que je n'avais pas entendu depuis
des années.
Hans Faust.
Il avait été étudiant à RBS. Il avait deux ans d'avance sur nous et avait été embauché par le Paris
Opera Ballet avant même d'avoir obtenu son diplôme. Maintenant il était mort, retrouvé dans son
appartement de Montmartre. Il s'était pendu.
- Jésus. Murmurai-je.
Zayn s'approcha et regarda l'écran.
- Hans! Merde, quand c'est arrivé?
Harry glissa une main dans ses boucles sombres et ondulées.
- Durant le week-end.
C'est toujours choquant quand quelqu'un que vous connaissez meurt, surtout quand c'est de leur
propre main. Je ne connaissais pas bien Hans, mais j'admirais sa façon de danser et d'un autre point
de vue, il avait la vie parfaite. Arracher de l'école un an plus tôt pour danser pour l'une des plus
belles entreprises du monde, il était populaire et était aimé de tous nos professeurs et chorégraphes.
Il était magnifique aussi, plus beau que les filles les plus jolies, avec une tête de boucles d'or qui le
faisait ressembler à un chérubin.
Nous parlions d'Hans et essayions de comprendre pourquoi il avait pu achever sa propre vie. Il
avait beaucoup de succès, mais cela venait avec une pression énorme. L'article disait qu'il avait
quitté l'entreprise il y avait un an pour des raisons personnelles. Zayn et moi essayions de trouver
une réponse: problèmes d'argent ou de relation, dépression?
Pour quelqu'un qui était tellement bouleversé par cela qu'il devait manquer le travail, Harry était
morbidement désintéressé du pourquoi Hans l'avait fait. Il était plus concentré sur les détails du
suicide lui-même. Le moment de la journée: matin. La méthode: corde élastique. Le temps qu'il
aurait fallu: 20 minutes. Combien Hans a souffert...
Puis je m'arrêtai et réfléchis une minute. Harry n'était pas à RBS quand Hans était là. Il s'était
inscrit l'année après que Hans soit parti.
Je retirai ma main de son dos comme si j'avais été brûlée. Je le regardai avec stupeur.
- Tu n'étais pas allé à l'école avec Hans. Il était déjà parti au moment où tu es venu à RBS.
Harry ne dit rien.
- Qu'est-ce qu'il y a ? Dis-je. Pourquoi Harry, un émotif discret, qui se fout de tout le monde se
soucierait soudain de la mort d'un homme qu'il n'avait jamais rencontré? "Tu essaies d'utiliser cette
tragédie pour me manipuler ? Nous ?
- Le connaissais-tu ? Dit Zayn rapidement, ne croyant pas que Harry était capable d'être aussi
prévoyant. J'étais le mieux placé pour juger.
- Dans un sens.
- Dans quel sens ? Je bouillonnais.
Harry ferma brusquement son portable.
- Je n'ai pas à m'expliquer, Louis. Crois ce que tu veux.
- Tu pensais pouvoir gagner notre sympathie et que nous allions avoir pitié et dire pauvre Harry qui
pleure son ami décédé. Tu n'as jamais été l'ami d'Hans ! Je doute que tu l'as même rencontré.
Les yeux sombres de Zayn dardaient entre nous inconfortablement.
- Tu le connaissais, Harry. N'est-ce pas ?
Sans même un soupçon de honte, Harry se tourna vers Zayn.
- Louis à raison. Hans n'a jamais été mon ami. Je ne l'ai jamais rencontré.
Je secouai la tête.
- Tu feras ou diras n'importe quoi pour t'en sortir, pas vrai ?
Harry se faufila loin de moi.
- Pourquoi est-ce que je continue de te croire. Pourquoi je continue d'essayer avec toi? Dis-je, plus
à moi qu'à Harry.
Il regarda par la fenêtre.
- Je n'ai pas besoin de connaître Hans pour faire mon deuil.
C'était trop. J'en avais assez. J'attrapai son épaule et le fis tourner.
- Ne dis pas son nom, maudit hypocrite!
- Louis! Zayn aboya. Partons.
Harry me jeta contre le verre. Si je regardais vers le bas, on aurait dit que j'allais tomber de dix
étages.
- Où penses-tu être en ce moment ? Dit-il, trop tranquillement. Je te le dis. Tu es chez moi. Je ne
t'ai pas demandé de venir ici.
Je repoussai sa poitrine, mais il ne bougeait pas. J'étais épinglé là, avec ses bras de chaque côté de
ma taille, son souffle tapant sur mon cou, ses muscles tendus me menaçant de m'écraser comme un
boa constricteur.
Zayn le retira de sur moi. Les yeux d'Harry étaient sauvages et meurtriers alors qu'il trébuchait en
arrière.
Je réajustai ma chemise, agité. Zayn prit son sac. Nous nous précipitâmes vers la porte.
- Dites à Maurice que je le verrai en studio quand il mettra en pratique mes notes sur le solo de Gigi
et le pas de quatre. Je ne mettrai pas un pied dans l'Opera House avant qu'il ne le fasse.
J'ouvris la porte, mais Harry continua.
- Et Zayn, j'espère que tu n'es pas trop attaché à ton solo. Je le donne à un des danseurs du corps de
ballet.
- Quoi? Dit-il, à travers sa mâchoire serrée.
Harry me regarda.
- Tu dois remercier Louis pour ça.
ACTE II: CHAPITRE SEIZE
HARRY / PASSÉ

Kiev était dans l'agitation. L'agent des passeports nous avait demandé si nous étions sûrs que
c'était là où nous voulions aller. Beauchamp lui avait assuré que oui. Nous étions arrivés à la fin de
la révolution ukrainienne où les manifestants s'étaient affrontés violemment avec la police à Maidan
Niezalezhnosti (Place de l'Indépendance). Des graffitis et des ordures se trouvaient à chaque coin de
rue. Le béton était noir, brûlé par les feux. Des pamphlets et des drapeaux révolutionnaires déchirés
jonchaient les rues. Il y avait encore des policiers en tenue militaire avec des masques à gaz et des
manifestants hurlant sur la place. Même si le pire était terminé, la violence était suspendue dans l'air
comme un lourd brouillard.
J'aurais dû avoir peur de cet endroit, mais j'en étais heureux. Toutes ses horreurs et ses cicatrices
me faisaient oublier la mienne.
Dans le taxi, je regardais les graffitis les plus intéressants - un masque de Guy Fawkes peint à
l'aide d'une bombe de peinture et un taureau de bande dessinée avec un bulle qui disait "Fuck
Putin". Mais principalement, je défilais tranquillement à travers mon téléphone.
Beauchamp me regardait. Il aimait quand je jouais le rôle de l'adolescent entêté. Il feignit l'ennui.
- Oh, Harry. Arrête ça, s'il te plaît.
Il prit mon téléphone.
- Assieds-toi droit. Souris de temps en temps.
Nous étions à dix minutes de l'appartement et étions coincés dans la circulation. Beauchamp
parlait l'Ukrainien et bavardait avec le conducteur. Le mot "syn" n'arrêtait pas de revenir encore et
encore.
- Qu'est-ce que ça veut dire? Je demandai. "Syn."
Beauchamp se pencha vers moi et murmura:
- Fils. Il pense que tu es mon fils.
Il mit une main sur mon genou.
Nous arrivâmes à son nouvel appartement dans le centre-ville tôt le soir. C'était un espace aéré
avec de grandes fenêtres, mais l'ameublement d'après-guerre était usé et déprimant.
Contrairement à son appartement d'une pièce à Paris, cet endroit avait deux chambres à coucher.
J'accourus dans la plus petite pièce. Elle était peinte d'un bleu semblable à un œuf de merle et avait
un petit bureau de pin. Peut-être qu'il me laisserait dormir ici, pensai-je.
Beauchamp me dit de le suivre. Il emporta mon sac dans la chambre des maîtres où nous allions
rester ensemble. Il avait dit que je serais trop fatigué après avoir "fait l'amour" pour aller jusqu'à
l'autre pièce.
- Tu peux rester là pendant la journée si tu veux. Tu peux t'asseoir au petit bureau et faire tes
devoirs pendant que je suis au studio.
Je hochai la tête dans la défaite.
Dans la chambre des maîtres, je laissai tomber mon sac à dos par terre. Je commençai à ôter mes
vêtements. Je voulais le faire tout de suite. Au moins en finir avec le premier round et j'espérais que
peut-être cela m'engourdirait pour le reste de la nuit. Anticiper ce que Beauchamp pouvait me faire
était presque pire que l'acte lui-même.
Il se mit à rire.
- Pressé?
Je ne dis rien.
- Mets ton costume. Ordonna-t-il. Nous allons à l'opéra, mais-
Il prit ma main et la plaça sur son entre-jambes.
- Il y aura beaucoup de temps pour ça plus tard.
Je retirai ma main rapidement.
Mon costume était froissé au fond de mon sac. Rapidement, je m'étais habillé. J'avais l'air d'une
merde mais je m'en fichais.
Il m'observa et vérifia l'étiquette sur mon veston.
- Nous devons vraiment te procurer des vêtements appropriés, Harry. C'est un costume pour enfant.
- Je suis un enfant. Dis-je doucement.

。✧。

L'Opéra de Kiev ne semblait pas très différent de celui de Paris. Le hall était recouvert de marbre
blanc avec des accents de rouges et de dorés. Il y avait un dôme au plafond avec une peinture
colorée du ciel et des anges nous surveillant.
Tout le monde connaissait Beauchamp: les danseurs, les chorégraphes et les patrons les plus
riches. Dans son élégant costume bleu marin et sa cravate Hermès en argent, il tendit les bras,
faisant une entrée audacieuse et éclatante. La salle éclata dans un tonnerre d'applaudissements qui
résonnait dans l'opéra bondé.
Ils étaient tous de grands admirateurs du temps où il était un danseur. Une paire d'entre eux était
les associés et les cousins Ivan et Evgeny Zhuk. J'avais appris plus tard qu'ils étaient d'importants
hommes d'affaires et des pro-russes qui détestaient le gouvernement ukrainien provisoire et
voyaient les manifestations comme un coup d'État. Ils étaient puissamment musclés avec des nez
crochus et des costumes corporatifs identiques.
- Millionnaires? Je murmurai à Beauchamp.
- Milliardaires.
Nous nous serrâmes la main.
- Tu es un garçon très chanceux. Dit Ivan. Alex est le plus grand danseur que le monde ait jamais
connu.
Evgeny acheva la pensée de son cousin avec un rythme semblable.
- Les Zhuks n'ont jamais été des mécènes d'art, jusqu'à la soirée où nous avons vu Alex danser à
Paris. Très émouvant. Très, très émouvant.
Je hochai la tête comme si j'étais d'accord, mais je n'avais jamais vu Beauchamp danser. J'avais
essayé de regarder des vieilles vidéos de lui en ligne une fois, mais ne pouvait pas le supporter. Je
détestais le fait qu'il ait été un grand danseur. Je détestais que le monde entier l'aimait quand je
voulais juste une personne pour m'aimer et que je ne pouvais même pas avoir ça.
Aussi insupportable que c'était d'entendre tout le monde lui chanter des louanges, j'étais soulagé
que nous étions ici en public et non pas à l'appartement seul. Parmi ses fans et ses nouveaux
collègues, il n'allait pas osé me toucher ou faire quelque chose d'inapproprié. Je me sentais presque
libre.
J'allai au bar et me commandai un verre. L'âge légal pour consommer de l'alcool était dix-huit ans,
mais le barman ne s'en souciait pas, il me servit de toute façon. C'était un pays qui adoptait les lois
sur l'âge plus comme des lignes directrices. J'avais pris une vodka pure parce que je ne connaissais
pas les noms de tous les mélanges. Je n'avais jamais bu beaucoup à l'école, juste un peu pour me
sentir bien. Je préférais la marijuana. Quand j'étais avec Beauchamp, je ne voulais pas me sentir
bien. Je voulais vraiment, vraiment être défoncé.
Nous allions regarder un ballet contemporain. Le chorégraphe était un homme blond et anguleux
nommé Boris qui semblait bien connaître Beauchamp. Ils avaient dansé ensemble à Paris.
Maintenant, ils travaillaient ensemble à Kiev et avaient beaucoup à discuter. Beauchamp me
présenta.
- Boris, j'aimerais que tu rencontres mon protégé, Harry Styles.
J'étais légèrement ivre, distrait, et ne tendais pas ma main. Beauchamp me frappa l'épaule. L'autre
homme nous regarda avec désapprobation.
- Il n'est pas digne de toi, Alex.Boris abaissa son visage creusé et ridé. Personne ne t'a jamais
enseigné les bonnes manières, jeune homme?
- Oh, aller, Boris. Dit Beauchamp en se tenant derrière moi. Donne au garçon une pause, c'est un
adolescent entêté. Tu as été jeune une fois.
- Jamais.
Ils rirent comme de vieux amis.
Beauchamp m'avait présenté à un tas d'autres personnes et j'avais aussi commandé un tas de
boissons. J'étais désorienté maintenant, riant de façon inappropriée et me moquais de Beauchamp
quand j'en avais la chance.
J'avais fait ce que je pensais être une imitation vraiment drôle de lui avec son parapluie dans le
studio et avais trébuché et presque renverser mon verre sur le directeur artistique. Beauchamp ne
pensait pas que c'était drôle et cela suscitait le rire nerveux de ses nouveaux collègues. Je sentis sa
main s'enrouler étroitement autour de ma nuque et il me murmura à l'oreille:
- Attention.
Ou quoi? Je pensais. Il n'y avait rien qu'il pourrait me faire qu'il n'avait pas fait une dizaine de fois
déjà.
Le nom du directeur artistique était Vladimir Antonov. C'était un homme plus âgé que Beauchamp
avec un visage rond et une barbe rougeâtre. Des lunettes de lecture pendaient d'une chaîne autour de
son cou. Il les mit sur son nez un moment pour examiner mon visage avec plus de soin. Il était la
seule personne qui m'avait demandé quelque chose sur moi.
- En quelle année es-tu, Harry? Ses beaux yeux bruns brillaient chaleureusement.
- Cinquième.
- Quel honneur pour toi d'être invité à escorter Alex lors d'un voyage aussi important. Tu dois être
un très bon élève.
- Oui, Monsieur. Je mentis.
- J'ai un fils de ton âge et il échoue trois classes! J'aimerais qu'il ait la moitié de ton dévouement.
Je me sentais coupable en le laissant penser que j'étais un bon étudiant, mais je ne pouvais pas lui
dire la vraie raison pourquoi je faisais ce voyage.
Les lumières dans le hall d'entrée scintillaient et indiquaient que le spectacle allait commencer.
Beauchamp m'attendait à l'intérieur, déjà dans son siège. Je trouvai la bonne place et m'assis à côté
de lui. Dès que les lumières s'étaient éteintes, il avait commencé à me toucher. Je sentais que je
commençais à dessoûler et toutes les choses que j'aurais à faire plus tard se répandaient maintenant
dans mon esprit avec une clarté maladive.
J'observais les danseurs se déplacer à travers la scène. Il n'y avait pas d'histoire. Leurs corps
s'écrasaient l'un contre l'autre, les hommes jetant les femmes autour d'eux comme de vieux
manteaux. Ils étaient tous habillés dans des tuniques grises avec des couleurs ternes. C'était difficile
de suivre les danseurs principaux. L'enfer ressemble à ça, je pensai, être jeté autour et ne pas savoir
qui vous lance ou pourquoi.
À l'entracte j'attendais en ligne pour obtenir un autre verre, mais la file était si longue que le
spectacle avait commencé à nouveau et je devais revenir à mon siège sobre.
Beauchamp devenait enhardi à mesure que la soirée allait. Il glissa une main à l'arrière de mon
pantalon.
- Je ne peux pas attendre de faire ça à nouveau... Je vais te faire crier.
Je voulais mourir. Je pensais que je pouvais le faire parce que je l'avais déjà fait, mais c'était trop.
Son touché me rapportait en mémoire notre moment à Paris et mes yeux me piquaient à cause des
larmes. La peur. Le dégoût. Mon corps, je ne pouvais plus avoir ses mains sur mon corps.
Quand le ballet fut terminé et que Beauchamp était occupé à parler avec ses collègues, je pris ma
chance. Je fonçai à travers la foule et courus comme un fou le long de l'allée et vers l'entrée. Je
n'avais pas assez d'argent pour un taxi, mais peut-être que j'allais pouvoir faire de l'auto-stop? Peut-
être que j'allais pouvoir marcher? Ou demander à quelqu'un de l'argent et prendre un bus? Peut-être
aller à pied à l'aéroport? Non, je devais retourner à l'appartement et obtenir mon passeport.
Beauchamp était le seul avec une clé. Pourquoi n'avais-je pas pensé à garder mon passeport sur
moi? Pourquoi? Pourquoi? Pourquoi?
La foule s'épaississait autour de moi et me poussait vers l'avant. Mon visage était mouillé de
larmes, mais j'étais trop frénétique pour remarquer que je pleurais. Je demandais à une femme qui
avait l'air d'une mère de m'aider.
- Aidez-moi. Dis-je. Amenez-moi avec vous. Appelez de l'aide.
Elle haussa les épaules et leva les mains. Elle ne parlait pas anglais. J'essayai avec d'autres
femmes, mais elles s'éloignaient de moi, de mon costume froissé et mes yeux sauvages. Elles
pensaient probablement que je m'étais glissé dans le théâtre et que je voulais de l'argent pour acheter
de la drogue ou que j'étais un militant, un révolutionnaire qui ne voulait rien de bon. Tout le monde
se méfiait et était à vif après les manifestations, ne sachant pas quand et où la violence pouvait
soudainement éclater.
Personne ne voulait m'aider. J'avais finalement trouvé ma voix. J'étais enfin assez courageux pour
demander de l'aide et tout le monde me tournait le dos.
Le théâtre se vidait rapidement et je me mêlai avec la foule dans la rue quand je m'écrasai contre
Vladimir.
Il attrapa mes bras.
- Mon garçon, qu'est-ce qui ne va pas? Alex t'a cherché partout.
Je fondis en larmes. Je savais que ce n'était pas juste d'impliquer cet homme important dans mon
drame dégoûtant, mais il était gentil. Il avait un fils de mon âge. Il allait écouter.
- Je ne peux pas retourner avec lui. Dis-je, les mains tremblantes.
- Pourquoi?
- Il me fait du mal. Je regardai mes chaussures.
VIadimir ne demanda pas plus de détails.
- Tu en as parlé à quelqu'un?
- Non. Je jetai un coup d'œil par-dessus mon épaule. Je crus voir le dos de la tête de Beauchamp
près du bar. Je dois y aller avant qu'il ne me trouve!
- Viens avec moi. Dit Vladimir.
Il mit un bras autour de moi et je me sentis en sécurité. Je ne pouvais pas me défendre contre
Beauchamp, mais cet homme le pouvait.
Il me conduit en bas dans les studios. Il y avait encore quelques danseurs qui vagabondaient, leur
maquillage épais comme du plâtre. J'étais surpris de les voir.
Vladimir m'emmena dans un couloir désert et me conduisit dans le studio à la fin. Je me détendis.
Les choses que je devais lui dire étaient horribles et embarrassantes et je ne voulais pas que
quelqu'un d'autre n'entende.
Les lumières étaient déjà ouvertes à l'intérieur du studio.
Quand j'étais entré, Beauchamp était debout à l'intérieur avec Boris et les cousins Zhuk, riant et
buvant du cognac.
- Harry, te voilà!
Vladimir m'avait trahi. Il avait fait semblant de m'aider pour me remettre directement dans les bras
de Beauchamp. J'aurais dû savoir qu'il n'allait pas me croire. Pourquoi aurait-il choisi de croire un
enfant stupide au lieu d'un collègue estimé? Je me retournai et lui donnai un regard blessé.
Vladimir verrouilla la porte du studio.
Beauchamp, Boris et les cousins Zhuk riaient toujours de la quelconque blague qu'ils avaient faite
avant mon arrivée, mais ils n'avaient toujours pas détourné les yeux de moi.
Vladimir vint derrière moi tout à coup et planta un baiser irritant sur ma joue.
J'étais la blague. Ils riaient de moi.
Boris me tendit son verre.
- Peut-être que ça va le détendre. Dit-il aux autres.
Le verre glissa dans mes doigts et se brisa sur le sol. Je sautai loin du le liquide ambré. Ils rirent
encore plus fort.
Mon cœur battait aussi vite qu'un lièvre pouvait bondir.
Puis les cinq hommes s'approchèrent de moi et m'encerclèrent.
Je clignai des yeux sauvagement devant chacun de leurs visages.
- S'il vous plaît...
Je ne me souviens pas comment ça avait commencé ou même qui avait commencé. Les détails de
cette nuit sont brouillés.

Je me souviens du bruit de leur ceinture se débouclant.

Je me souviens de l'odeur du cognac sur leurs lèvres.

Je me souviens de deux paires de mains me déshabillant.

Je me souviens de la lumière scintillante du studio rebondissant sur les miroirs.

Je me souviens de mon reflet.

Je me souviens d'être si terrifié de ce qui allait m'arriver que j'avais fermé les yeux.

Ils me prirent chacun leur tour.

Beauchamp était le plus rude, Boris était le plus sadique, mais c'était Vladimir qui me faisait le
plus de mal. L'expression polie et conciliante ne quittait jamais son visage. Il exhalait avec effort en
se posant sur le sol et me touchant avec la brusque désinvolture d'une poignée de main. Il était lourd
et l'air quittait mes poumons quand il était sur moi. Je continuais de penser à son fils dans sa maison
luxueuse déjà confortablement dans son lit. J'étais aussi le fils de quelqu'un.
Juste quand j'étais complètement engourdi, quand j'étais mort à l'intérieur, ils trouvèrent une
nouvelle façon de me torturer.
Ivan et Evgeny me prirent en même temps. Quand ils eurent fini, les cousins m'encerclèrent
comme des loups, haletant et rebouclant leurs ceintures. Ivan se tourna vers Beauchamp.
- Je sais! Fais-le danser!
- Oui! oui! Répéta Evgeny. Fais-le danser pour nous!
S'il vous plaît, non, pensai-je.
Les chaussures de Beauchamp apparurent devant moi.
- Lèves-toi.
Je me redressai, tremblant, essayant de me couvrir de mes mains.
Beauchamp frappa mes mains loin de mon corps.
Un peu ivre, il dit : Fais ton audition. Ce triste petit solo de Giselle. Il me pinça la joue.
Ils s'assirent contre le miroir comme Beauchamp l'avait fait quand j'ai auditionné pour lui, se
passant la bouteille de cognac.
Je dansais pour eux. La lumière brillante sur mon corps nu, l'air froid sur ma peau crue. Chaque
pas, pirouette et saut plus humiliant que le dernier.
Ils se moquaient de moi.
Chaque fois que je trébuchais ou oubliais un pas, leurs railleries et moqueries devenaient plus
rudes, plus fortes.
Dès que j'avais terminé le solo, ils m'avaient demandé de recommencer depuis le début. Je dansais,
dansais et dansais jusqu'à ce que mon corps me fasse mal, mon genou se broyant en poussière.
Ennuyé, Boris finit par remarquer.
- Je suppose que tu ne l'as pas choisi pour sa technique, Alex.
- Je l'ai choisi pour ses boucles.
- Il te rappelle Hans. Boris leva les yeux au ciel. Au moins Hans était talentueux, celui-là peut à
peine faire un jeté.
Beauchamp sourit.
- Mais c'est amusant de le regarder essayer.
Ça avait continué jusqu'à l'aube.
Quand tout fut fini, je ne pouvais pas trouver mes vêtements. Quelqu'un les avait jetés derrière le
piano dans le coin et dans un dernier moyen pour me rabaisser, ils se redressèrent et me regardèrent
aller les chercher.
Quand je les avais enfin trouvés, les hommes quittèrent le studio. Beauchamp m'avait dit qu'il
attendrait dehors. Vladimir n'avait rien dit du tout. J'avais cru voir de la culpabilité dans ses yeux,
mais dans la dure lumière du jour, je réalisai que c'était la répulsion. Pour moi ou pour lui-même, je
n'en étais pas sûr.
Beauchamp m'aida à monter dans le taxi. Nous retournâmes à l'appartement sans dire un mot.
Il rompit le silence.
- J'espère que ça ne t'a pas dérangé que j'ai invité quelques amis à se joindre à nous.
Mes narines se dilatèrent. Je donnai un coup de pied au siège en face de moi.
- Tu t'es bien amusé, n'est-ce pas? Il me donna un coup de coude. Oh, allez, tu t'es un peu amusé,
avoue-le.
Je le regardais impassiblement. Je ne pleurais pas et je n'étais pas en colère. La partie de moi qui
pouvait sentir quelque chose au nom de mon corps avait curieusement disparu. Il y avait moi et il y
avait mon corps. Ce n'était pas la même chose.
Beauchamp s'adoucit tout d'un coup.
- Tu étais un si bon garçon. Tu sais que j'apprécie tout ce que tu fais pour moi, pas vrai?
Le chauffeur de taxi, un jeune homme cette fois, me regarda curieusement dans le rétroviseur. Il
semblait comprendre l'anglais. Je pensais qu'il était sur le point de parler, mais au lieu de cela, il
monta le volume de la musique pour éviter de nous entendre.
- Oh, Harry, ne sois pas comme ça. Tu devrais être flatté que je veuille te montrer. Ce sont des
hommes importants. Je ne les présenterais pas à un garçon ordinaire. Tu es spécial.
Son genou s'agitait, perturbé par mon silence continu.
- Je sais. Tu préfères quand nous sommes tous les deux, n'est-ce pas? Tu es jeune et romantique à
propos de ces choses, c'est compréhensible. Je ne te partagerai avec personne d'autre, je te le
promets. Il me prit dans ses bras et m'embrassa la tête. Laisse-moi te gâter ce soir. Je t'achèterai un
nouveau costume et t'emmènerai au plus beau restaurant de Kiev, tu pourras dîner avec des princes
et des dirigeants de l'industrie.
- J'sais pas.
Beauchamp me caressa la joue.
- Qu'est-ce que tu veux, mon ange? Dis-moi. Je te donnerai tout ce que tu voudras. N'importe quoi.
Un nouveau téléphone? Un ordinateur? S'il te plaît, ne sois pas fâché contre moi. Tu sais que je
déteste lorsque nous nous chamaillons.
- Puis-je avoir l'un de vos somnifères?
Il semblait soulagé d'entendre finalement une réponse.
- Bien sûr! Merci de me l'avoir demandé cette fois-ci. Tu vois combien c'est plus facile quand il n'y
a pas de secret entre nous?
- Pas de secrets. J'acquiesçai.
J'avais passé le reste de mes jours à Kiev à moitié endormi. Beauchamp m'avait laissé prendre
autant de pilules que je le voulais et pour une fois je l'avais réellement remercié.
Il ne m'avait pas amené au studio pour travailler comme son assistant. Cela n'avait jamais été son
intention. Il me laissait seul pendant la journée et avait des relations sexuelles avec moi la nuit. Il
avait brisé sa promesse. Quelques nuits il amenait des amis.
J'étais trop fatiguée la plupart des après-midi pour faire mes devoirs, mais je m'asseyais dans la
petite chambre bleue de toute façon. J'avais trouvé un canif dans le tiroir du bureau. Je l'avais
retourné dans ma main et examiné. Il était aiguisé. Je tins le manche et me traînai sous le bureau. Je
gravai lentement le bois et sculptais mon nom dans un endroit où personne ne le trouverait, pas
même Beauchamp.

。✧。
Quand j'étais retourné à l'école, j'étais allé à Jebsen pour récupérer le reste de mes affaires dans la
chambre de Louis pour les transférer à Wolf House.
J'avais retrouvé toutes mes affaires dans une boîte en carton devant sa porte. Mes affaires avaient
été prises par les autres garçons de son étage, tous mes objets de valeur avaient disparu. Louis les
avait laissés ici parce qu'il ne pouvait pas supporter de m'avoir dans sa chambre à nouveau. Il ne
pouvait pas supporter de me regarder. Je sympathisai. Je ne voulais même pas me regarder.
Je déposai ma boîte dans ma chambre à Wolf House. Mon colocataire dormait déjà. J'étais sur le
point de me préparer pour aller au lit, quand je changeai d'avis. Je n'étais pas fatigué et je n'avais
plus de somnifères.
Je marchai sur le chemin éclairé par la lune jusqu'au studio.
Le sentiment d'être dans un studio après ce qui s'était passé à Kiev aurait dû me rendre malade,
mais au lieu de ça, j'avais verrouillé la porte du studio et appréciais le fait d'être seul. Je n'allais
jamais m'échapper de ce studio à Kiev. D'une certaine manière, j'allais probablement rester piégé
dans cette pièce pour le reste de ma vie. Je devais en faire la rendre mienne à nouveau.
Je me réchauffai à la barre, évitant mon reflet dans le miroir. Ensuite, je pratiquai la chorégraphie
pour le spectacle de cet hiver, seulement, je changeais des parties. Les fouettés relevés devenaient
des grandes pirouettes et les sissones devenaient des emboîtes. J'arrêtais d'écouter les corrections de
Beauchamp dans ma tête et je commençais à écouter la musique.
Me promenant autour du studio, je décidai de travailler sur les sauts ensuite. Ils avaient toujours
été mon élément technique le plus faible. Je n'avais jamais assez de hauteur, n'atteignais jamais la
pleine extension dans l'air. Louis disait que c'était parce que j'avais peur de tomber.
Je n'avais plus peur.
Je courus à travers la pièce en prenant de longs pas rapides et sautai, sautai avec tout que j'avais à
l'intérieur de moi.
Je l'avais fait.
J'avais réellement réussi.
Mais en retombant, je perdis pied et frappai le sol face première fortement. Ma lèvre inférieure
s'était fissurée et du sang s'écoulait de mon nez.
Étourdi, je soulevai ma tête et regardai dans le miroir. La moitié de mon visage était un masque de
sang. Il coulait sur mon t-shirt blanc et se rassemblait sur le plancher gris.
Je ris.Je commençais à rire hystériquement et fortement, comme si être brisé et couvert de sang
était la chose la plus drôle au monde. Peut-être que ce l'était.
Les danseurs apprenaient à prendre grand soin de leurs corps. L'ironie était que c'était seulement
quand j'arrêtais de prendre soin de mon corps que je pouvais sauter plus haut que je ne l'avais
jamais fait auparavant.
C'était incroyable ce que je pouvais faire avec mon corps maintenant que je ne me souciais plus s'il
était en morceaux.
ACTE II: CHAPITRE DIX-SEPT
LOUIS / PRÉSENT

Nous étions à quelques semaines de la répétition générale et les tensions étaient élevées.
La présence d'Harry dans l'entreprise avait apporté à la production un niveau d'attention sans
précédent. Les billets s'étaient vendus en quelques secondes après la mise en vente. La liste des
célébrités et de la noblesse qui y assisterait rivalisait avec celle d'un mariage royal! J'étais tellement
terrifié de foirer quelque chose que j'avais un cauchemar récurrent de tomber de la scène. Répéter
était devenue ma vie. Quand je ne pratiquais pas avec Gigi et le reste de la compagnie pendant la
journée, je faisais des heures supplémentaires dans le studio la nuit pour perfectionner mes solos.
Cependant, c'était difficile de se concentrer sur le travail quand toutes les cinq minutes, j'avais
quelqu'un qui venait me voir pour se plaindre d'Harry.
Niall était furieux contre lui pour être allé donner des notes à l'hautboïste sans lui en avoir parlé.
Zayn était toujours amer d'avoir perdu son solo. Liam était énervé parce que Harry avait refusé de
les laisser utiliser son visage sur le programme en suggérant qu'ils utilisent une peinture abstraite à
la place. Et Maurice était en quelque sorte un prisonnier de guerre.
Même les filles en avaient assez. Il avait changé leurs deux solos à plusieurs reprises et demandé
qu'elles répètent sur son propre horaire erratique. Elles faisaient des micros-siestes entre les
répétitions infernales. Elles ressemblaient à des goules chaque matin avec le teint pâle et les cernes
sous leurs yeux: deux cygnes morts.
Je ne sais pas comment j'avais échappé à sa colère en considérant que nous nous haïssions, mais je
faisais mes affaires sans m'occuper de lui. Je continuais d'attendre le retour du bâton. Harry me
regardait danser derrière ses boucles foncées, ses yeux verts me suivant dans le studio comme un
autodirecteur. Je m'étais préparé à recevoir quelques commentaires rosses sur ma technique, mais ils
ne sont jamais venu. Parfois, il louangeait même ma danse.
- Pas terrible, Louis.
- Je te prie d'aller te faire foutre.
Pourtant, il était difficile d'ignorer le concert de plaintes qui grandissait, surtout quand Liam
m'avait coincé dans ma loge avant la répétition pour parler des nombreux problèmes.
J'étais en train de mettre mes pantoufles usées quand il entra dans la pièce, les joues rouges de
colère.
- Il faut que ça cesse!
Liam saisit la bouteille d'eau de ma coiffeuse, éclaboussant le sol avant qu'elle n'atteigne ses lèvres.
Il faisait les cent pas dans la pièce, trop en colère pour être conscient de sa boiterie.
- Il a changé tous les aspects de cette production à son goût. Maintenant, il refuse de faire des
interviews pour la promouvoir! J'avais tout préparé pour qu'il aille à The Morning Show! La
télévision, Louis. Ça aurait pu être énorme pour nous!
- Est-ce le moment où je dis 'je te l'avais dit', ou...
Il tremblait, il était si en colère. Je n'avais jamais vu quelqu'un aussi réservé que Liam perdre le
contrôle de ses émotions comme ça. Il personnifiait le ballet avec son sang-froid et sa grâce sans
effort, peu importe combien il s'efforçait de dissimuler la force qu'il fallait pour maintenir un tel
équilibre. Tout cela était tombé. Harry avait dépouillé le peu de civilité qu'il pouvait feindre.
- Je vais organiser une intervention.
- Il n'est pas fou, Liam, il est juste con.
- Tout le monde a accepté de participer, même les filles, et tu sais qu'elles ont toujours eu un faible
pour lui.
- Ça ne marchera pas. Dis-je en regardant mon reflet fatigué dans le miroir. Nous avons tous essayé
de lui parler. Rien ne marche.
- Nous avons tous essayé de lui parler individuellement. Si toute l'entreprise se réunit dans une
pièce, il n'aura pas d'autre choix que d'abandonner. L'union fait la force.
Je devais l'admettre, l'idée de remettre Harry à sa place en public me donnait une pointe de
satisfaction. Je pouvais déjà imaginer son expression de défaite lorsqu'on allait lui dire "non" dans
une pièce remplie de ses pairs.
- Es-tu partant ? Demanda Liam. Ça ne fonctionnera pas sans toi. J'ai besoin de ton soutien.
- Je suis partant.
Je vérifiai mon téléphone sur le chemin vers l'auditorium. J'avais reçu six appels manqués de
Jeffrey. Je ne lui avais pas parlé depuis des semaines. Je voulais le voir, réellement, mais au moment
où je rentrais chez moi le soir après une répétition éreintante, je n'étais tout simplement pas
d'humeur. C'était normal, me disais-je. La répétition générale était bientôt. Le travail était exigeant.
Et si je voulais passer plus de temps dans le studio? Et si je n'avais pas envie de voir mon petit ami?
J'enfonçai mon téléphone dans mon sac.
Mon solo dans l'Acte Un était le plus important dans le ballet et il pourrait être le plus important
solo de ma carrière. Même si je n'allais rien manquer, même si tout allait bien se passer, cela ne
changeait pas le fait que tout le monde était là pour voir Harry, pas moi. Je devais être deux fois
plus bon pour être remarqué. Il n'y avait aucune garantie avec ce travail. Il y avait des chances que
je n'aille jamais encore la chance de danser la partie emblématique du Prince Siegfried à nouveau.
Je devais faire ma marque. Je devais être parfait.
Quand j'avais vu que Maurice avait ajouté une répétition supplémentaire pour travailler sur le solo
dans l'auditorium, j'étais ravi. Plus je devais travailler avec lui, mieux c'était.
Je m'étendis sur le plancher de la scène froide et abîmée avant de me mettre en collant. Les
lumières au-dessus de moi étaient chaudes et lumineuses. Je ne pouvais pas voir les sièges dans
l'auditorium, ce qui était une bonne chose. J'allais pouvoir faire semblant de performer pour un
public. Maurice était allé voir l'orchestre pour donner au pianiste quelques instructions. Il monta sur
scène pour me rejoindre. Je tendis ma main et l'aidai à monter.
- Merci, Louis.
Il s'épousseta et ajusta le col de sa blouse violette, à demi ouverte avec des lacets médiévaux sur le
devant. Il avait toujours l'air d'être vaguement en costume. Si c'était ce que l'homme portait durant
les répétitions, je me demandais ce qu'il allait porter la soirée d'ouverture!
- Vous avez belle allure ce soir, Maurice.
Il peigna son pompadour blanc.
- Oh, arrêtez ça.
Son caniche Bijou courait en rond autour de mes chevilles. Je le pris dans mes bras et embrassai
son nez mouillé.
- Et toi! Est-ce que tu danses avec moi ? Elle se remua. Je la reposai au sol et la regardai sautiller.
Je me plaçai au centre avec mes bras au-dessus de ma tête. Alors que la musique débutait et que je
commençais à me déplacer à travers la scène, Maurice m'arrêta immédiatement. Il ne me donna pas
de correction, mais modifia légèrement la chorégraphie.
Ça ne me dérangeait pas de faire l'ajustement, mais était un peu irrité que cela arrive si près de la
répétition générale. Je voulais perfectionner ce que j'avais déjà appris, pas apprendre de nouveaux
mouvements.
J'avais pris ses notes et dansais. Je luttais contre la mémoire musculaire de la chorégraphie que
j'avais apprise auparavant. C'était comme lutter contre un vent fort.
Je répétais le solo encore et encore, mais je ne pouvais pas m'habituer à la nouvelle chorégraphie.
C'était un cauchemar! Je me penchai sur mes genoux et grognai dans la frustration. Il y avait un
décalage entre mon corps et la musique. J'étais perdu dans la chorégraphie, complètement détaché.
Le compte ne marchait pas du tout. Je ne dansais plus avec la musique...
Un frisson descendit le long de ma colonne vertébrale.
Ma tête se tourna précipitamment vers l'arrière du théâtre où une figure allongée se tenait dans
l'ombre, m'observant.
J'avais arrêté la répétition plus tôt, mon cœur battant de rage. Maurice croisa modestement ses bras
devant lui. Il savait que je savais et j'étais trop embarrassé pour l'admettre.
Quand j'étais enfin prêt à partir, je n'avais pas échangé de plaisanteries avec Maurice ou remercié le
pianiste pour son temps. Je n'avais même pas remis mes pantalon jogging. Je m'étais rendu
directement au studio pour retrouver Harry.
La pièce était sombre. Seule la moitié des lumières était allumée. Il ne répétait pas. Il m'attendait.
Il était vêtu d'un collant blanc et d'un justaucorps blanc, ses boucles lâches et féminines disposées
joliment sur ses épaules de porcelaine. Innocemment, il glissa une main le long de la barre. Si je
n'aurais pas su qui il était, j'aurais pensé qu'il était un ange. Il n'était pas fatigué ou en sueur,
probablement parce qu'il avait passé la dernière heure à ne rien faire sauf me regarder dans
l'auditorium.
J'essuyai la sueur de mon front.
- Je suppose que tu penses que c'est drôle ? Jouer avec mon solo ? Jouer avec ma carrière ?
Il croisa ses bras et regarda mon corps avec appréciation.
- Tu avais l'air bien en faisant ma chorégraphie.
Je m'approchai de lui, mes pantoufles glissantes sur le plancher de vinyle.
- Nous sommes à quelques semaines de la répétition générale.
- Alors ? Il haussa les épaules, les yeux verts fixes.
- Je n'ai pas le temps pour tes petits jeux! J'étais déjà assez inquiet de rendre cette danse impeccable
et maintenant je dois m'inquiéter d'apprendre une nouvelle chorégraphie aussi! Je ne suis pas
comme toi. Je ne suis pas un prodige mondialement célèbre. Je peux tout perdre en un claquement
de doigt. Il y a une centaine de danseurs qui ferait n'importe quoi pour prendre ma place.
Comprends-tu la pression que je subis ?
Harry inclina la tête et sourit.
- J'aime te regarder te débattre.
Je le giflai. Durement. Laissant une marque rouge vif sur sa joue pâle. Il remua sa tendre mâchoire,
amusé par la douleur.
- Dis à Kenneth et à Maurice que je peux reprendre ma vieille chorégraphie. Admets que tu as tort.
Il rit.
- Je n'ai pas tort. Tu danseras le solo à ma façon ou je m'assurerai que tu ne danses pas du tout.
Je levai ma main pour le frapper à nouveau et il attrapa mon poignet, me tordant le bras derrière le
dos en un mouvement rapide et me plaquant contre le miroir.
Le miroir se fendit, coupant notre reflet en deux.
- Je savais que tu serais le plus dur à convaincre, Louis. C'est pour ça que je t'ai gardé en dernier.
Quand j'essayai de me dégager, il tordit mon bras plus fort et je poussai un cri de douleur. Je sentis
son souffle sur ma nuque, chaud et rapide. Son doux rire me ramena à la situation.
- Dis simplement que tu vas le faire, Louis. Haleta-t-il. Dis que tu danseras le solo à ma façon et je
te laisserai partir.
- Jamais.
Il allait falloir me briser le bras s'il voulait que je me soumette à lui! Je le repoussai avec mon
poids, mon bras hurlant de douleur. Quand mon corps fut en contact avec le sien, Harry sursauta.
Il était en érection.
Nous ne bougions plus et nous nous regardions maintenant dans le miroir.
Il tenait encore mon bras, mais restait immobile.
Pour la première fois de ma vie, j'étais sans voix.
La sueur coulait dans mon cou et se mêlait à ma clavicule, finalement absorbée par mon t-shirt en
coton.
Le battement de cœur d'Harry se faisait ressentir contre mon dos.
Je le regardai par-dessus mon épaule à travers mes cils lourds.
Je remarquai ses lèvres écartées, rouges et humides, fraîchement léchées.
Il baissa les yeux vers nos corps et se pressa contre moi. Sentir à quel point il était bien membré à
travers le tissu mince de nos collants me donnait des vertiges.
Sa main libre se rapprocha de mon visage. Il toucha ma joue avec le dos de sa main avant de laisser
ses doigts traîner le long de ma gorge. Ce n'était pas la première fois qu'il me prenait par la gorge. Je
ne savais pas si c'était une menace ou de l'affection, mais je jetai la tête en arrière et ronronnais
devant son contact. Je pouvais sentir son excitation monter. Je séparai mes jambes et me pressai
contre lui. Il fredonna dans l'accord, libérant mon bras pour placer ses deux mains fermement sur
mes hanches.
C'était ma chance.
Sans avertissement, je me retournai et l'épinglai contre le miroir, face à moi. Les os de ses poignets
menaçaient de claquer dans mes mains comme des tiges de rose. Son pouls sautait dangereusement
sous mes doigts et je serrai ses poignets plus fermement.
Ses yeux s'écarquillèrent de colère.
- Tu n'aimes pas perdre le contrôle, n'est-ce pas? Dis-je.
Il rougit.
- Laisse-moi.
- Tu n'iras nulle part.
Je le pensais vraiment. Il était une menace et il allait rester en place jusqu'à ce que je puisse trouver
quoi faire avec lui.
Mon regard errait sur son teint laiteux et les contours ciselés de son visage. Ses cils noirs battaient
comme des ailes de papillons, les yeux verts sous eux vitreux et suppliant. C'était sa bouche, ces
lèvres rouges et surréelles qui trahissaient vraiment sa convoitise. On ne pouvait pas cacher ce que
voulait cette bouche.
Agissant comme s'il n'avait pas pensé à me baiser il y a quelques instants, Harry se moqua.
- Mes idées sont meilleures que celles de Maurice. Tu sais que c'est vrai. Fais ma chorégraphie.
- Embrasse-moi.
La poitrine d'Harry se leva et retomba rapidement.
- Tu me laisseras changer ton solo?
- Peut-être.
Oh! Le tout-puissant est tombé bien bas!
J'avais seulement embrassé Harry une fois dans ma vie, un chaste baiser entre adolescents, mais
c'était l'expérience la plus érotique de ma vie, un mélange embêtant d'amitié et de désir qui me
ruinait pour chaque baiser qui était venu après. Sept ans et une douzaine de relations plus tard,
j'avais réalisé que je l'avais probablement aimé. Ce n'était pas seulement de l'engouement entre
adolescents. C'était réel. Maintenant, j'étais face à face avec cet amour impossible à nouveau et je
n'étais en aucun cas préparé à revivre l'expérience.
Ses boucles lâches tombèrent sur mon visage. Je ne pouvais pas résister de me blottir contre elles.
Son souffle sur ma joue était rapide et irrégulier. Je lui fis face, laissant ma lèvre inférieure brosser
doucement contre la sienne. Il laissa échapper un petit soupir. Immédiatement, je relâchai ses
poignets et enroulai mes bras autour de sa taille étroite. Je voulais le garder épinglé contre ce miroir
fissuré et prendre sa bouche dans un baiser brutal et punitif. J'étais toujours furieux après tout. Mais
j'avais trop de tendresse pour lui. Aussi cruel qu'il soit, une force plus grande en moi disait: tiens-le
dans tes bras, sois doux avec lui.
À ma grande surprise, il ne lutta et ne se moqua pas. Toute la tension avait quitté son corps et il se
laissait tenir. Ses yeux étaient grands et remplis d'espoir. D'innocence. Il était mon Harry à nouveau.
Le garçon que je connaissais avant notre dispute, avant Kiev. Le brave garçon qui avait rassemblé
tout son courage pour m'embrasser dans les balcons.
- Mon beau garçon. Murmurai-je tendrement. Mon danseur préféré.
- Il sourit timidement.
- Suis-je vraiment ton danseur préféré ?
Je pressai mon front contre le sien.
- Oh Harry, tu es stupéfiant quand tu danses, quand tu souris, quand tu ris, quand tu pleures... même
quand tu me fais mal. J'avalai. Tu es mon préféré, tu es parfait pour moi, tu l'as toujours été" Je
poussai du nez sa joue et m'inclinai pour l'embrasser.
Des larmes lui montèrent aux yeux et il tourna la tête.
- Je ne suis pas parfait.
- Harry, Harry ? Dis-je doucement. Hé, qu'est-ce qui ne va pas? Je levai ses mains vers mes lèvres.
Son corps devenu rigide, ses larmes disparurent.
- Je suis désolé, je ne peux pas faire ça.
Il s'éloigna de moi et mes membres se refroidirent en son absence.
Harry ouvrit les lumières restantes du studio et elles m'aveuglèrent. Il parcourait les CD près de la
chaîne stéréo comme si j'étais invisible, comme si la conversation que nous avions eue n'avait
jamais eu lieu.
Mon cœur se tordit de douleur et de colère. Je me sentais tellement exposé. Je lui avais tout dit, dit
des choses que je pouvais à peine avouer à moi-même et il m'ignorait complètement. Qu'ai-je fait de
mal ? Pourquoi ne veut-il pas me parler ?
Il démarra la musique en gardant le silence.
Quand la musique commença et qu'il était sur le point de répéter, il reprit connaissance de mon
existence.
- J'ai le studio réservé pour la nuit.
- Est-ce ta façon de me dire de partir ?
Je mis mes mains sur mes hanches.
Il regarda la porte avec espoir avant de plonger gracieusement dans un plié.
Je jetai un coup d'œil à l'horloge sur le mur. Il était minuit. J'étais épuisé.
Alors que Harry dansait, je cherchais sur le plancher du studio jusqu'à ce que je trouve son pull. Je
le mis en boule comme pour faire un oreiller et m'allongeai sur le sol.
Harry ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais je le coupai.
- Je ne te quitterai pas.
- Je serai ici toute la nuit. Dit-il d'un ton calme.
- Alors je resterai toute la nuit.
Il soupira.
Le sol était froid et dur, mais le pull d'Harry était doux. J'enterrai mon visage dans le tissu et y
respirai le parfum délicieux pendant qu'il se déplaçait sur le plancher. Il sentait le lilas, le cuivre et...
- Tu sens mon pull ?
- Non !
J'étais déchirée entre le fait de lui parler et de le regarder danser. J'avais décidé la dernière option.
Pas par choix. Il était hypnotisant, sans peur dans ses mouvements, abandonnant son corps si
complètement que l'on pourrait dire qu'un dieu était en possession de ces membres et non pas un
homme mortel. Même quand il était jeune et que sa technique était terrible, il était toujours
astucieux. Il y avait toujours eu quelque chose au fond de lui qui aspirait à s'exprimer. Et maintenant
que son désir était marié à la technique, il était magnifique.
Je m'étais assoupi avant qu'il n'est terminé. Tard dans la nuit, j'entendis les lumières se fermer. Avec
mes yeux toujours fermés, je m'apprêtais à me lever mais Harry m'arrêta.
- Rendors-toi.
Il posa une couverture sur moi et glissa soigneusement un oreiller sous ma tête.
Il dormait assez souvent dans le studio pour s'être apporter une couverture et un oreiller. Je ne sais
pas pourquoi, mais ça me rendait si triste...
Puis il alla sous la couverture avec moi et nous couvrit convenablement. Il était détendu dans
l'obscurité et doucement préoccupé par mon confort. Mes yeux s'adaptèrent à l'obscurité et
j'observais les beaux traits ombragés de son visage.
S'il te plaît, embrasse-moi. Pensai-je. S'il te plaît.
Il se colla à moi, mais ce n'était pas pour m'embrasser. Au lieu de cela, il me poussa sur mon flanc.
- Rendors-toi. Répéta-t-il.
Mes yeux se refermèrent et il glissa une main dans mon t-shirt. Mon estomac se noua. Doucement,
il commença à caresser mon dos, comme nous le faisions l'un à l'autre quand nous étions de jeunes
garçons trop timides pour faire autre chose. Ses doigts commencèrent à ma nuque et descendirent le
long de ma colonne vertébrale dans un mouvement circulaire tentant.
- Harry. Je murmurai.
À moitié endormi, je l'entendis chuchoter: "Je ne suis pas parfait, Louis, mais tu l'es."
ACTE II: CHAPITRE DIX-HUIT
HARRY / PASSÉ

Cher Harry,
Ça fait des semaines que je n'ai pas vu ou entendu parler de toi. Tu n'as pas
répondu à mes courriels ou lettres. Je m'inquiète à ton sujet. Pourquoi ne me
parles-tu pas ? N'as-tu pas aimé notre voyage ? Je voulais te remercier encore
une fois de m'avoir accompagné à Kiev. J'ai dit à tous tes instructeurs combien
tu as été un bon garçon et à quel point tu m'as impressionné.

Tu as tellement de potentiel, Harry, mais toi et moi savons que le potentiel n'est
pas suffisant. Ton talent est cru et non raffiné. Tu es loin d'où tu dois être quand
il s'agit de la technique. Je ne le fais pas normalement, mais je voudrais t'inviter
à venir vivre avec moi à Paris pendant l'été afin que je puisse te conseiller
personnellement. C'est peu orthodoxe, mais je pense que tu t'améliorerais avec
de l'attention individualisée et mes connexions ici à Paris. Je ne pense pas qu'une
grande salle de classe bruyante est le bon environnement d'apprentissage pour
un garçon sensible comme toi. Je sais ce dont tu as besoin, Harry. Je te
comprends.

Si tu es obéissant et que tu travailles dur sous ma supervision, je peux te donner


la carrière de tes rêves. Je peux te trouver une place dans n'importe quelle
entreprise dans le monde.

J'espère que tu vas considérer mon offre. Je détesterais voir tout ce merveilleux
potentiel être gaspillé !

Attendant avec impatience ta réponse,

Alex.

P.S. Pardonne-moi, mon chou. Je n'ai jamais eu l'intention de te blesser. Les


choses seront différentes cette fois. Je le promets. x

La carte avait un jaseur avec une baie rouge dans sa bouche sur le devant.
Madame Lesauvage traversa le studio et balaya un brin de cheveux gris dans son chignon.
- Eh bien ?
Nous étions seuls dans le studio. Beauchamp lui avait demandé de me remettre en mains propres la
lettre pour s'assurer que je la lise. J'avais supprimé tous ses autres courriels et jeté les lettres
précédentes qui n'avaient jamais été ouvertes.
- Il veut m'enseigner à Paris cet été.
- Oh Harry, c'est merveilleux ! Elle posa une main sur sa bouche et posa un bras fièrement autour
de mon épaule. Tu vas l'appeler ou lui écrire ?
- Madame, je peux vous poser une question ?
Elle acquiesça.
- Quelle est la meilleure compagnie de danse au monde ?
- Eh bien, le Paris Opera Ballet est le plus ancien, mais le Bolshoi est de loin le plus grand - le mot
russe ''Bolshoi'' veut dire ''grandiose'' - et il a l'histoire la plus agrémentée. C'est là que Tchaikovsky
a créé Le Lac des Cygnes.
Je réfléchis un moment.
Elle croisa ses longs bras minces, ses coudes saillants de son costume comme deux flèches.
- Tu devrais prendre cette offre très au sérieux, Harry. Tu t'es beaucoup amélioré ces derniers mois,
mais la formation avec quelqu'un comme Alex pourrait faire la différence entre danser pour une
compagnie comme le Bolshoi et danser pour une petite entreprise régionale à Leeds.
- Il me veux pour tout l'été.
Elle retira les boucles devant mes yeux et leva mon menton.
- Je sais, mon cher. Tu veux rentrer chez toi et voir ta famille et tes amis, n'est-ce pas? Mais ce sont
les sacrifices que nous devons faire pour ce métier. J'ai quitté mes parents à l'âge de sept ans
seulement lorsque j'ai été apprendre à L'École de Danse de l'Opéra à Paris.
Madame avait été une danseuse de première et avait dansé pour des compagnies dans toute
l'Europe, y compris le Bolshoi.
- Je vais y penser.
Elle secoua la tête avec incrédulité.
- C'est l'occasion d'une vie, Harry. Chaque garçon dans cette école tuerait pour prendre ta place.
- C'est ce qu'ils ont dit pour mon voyage à Paris et à Kiev...
- Et ils avaient raison. Regarde-toi maintenant ! Tu as la chance d'être conseillé en privé par
Alexander Beauchamp pour un été entier. Je ne peux pas penser à un plus grand honneur.
- Je vais lui répondre. Dis-je en essayant de sourire.
Au lieu de jeter la lettre comme je l'avais fait avec toutes les autres, je l'avais mise dans ma poche
arrière.

。✧。

Je traînais mes pieds vers la cafétéria. Je n'avais pas faim mais j'avais sauté le petit déjeuner, et le
dîner la soirée d'avant. J'avais besoin de mettre quelque chose dans mon estomac pour passer la
journée.
Je traversai une mer d'étudiants dans le couloir. La masse de gens semblait plus grande et plus
occupée depuis mon retour de Kiev. Je n'avais plus le luxe d'ignorer les autres et leur corps par
rapport au mien. Leurs voix s'amplifiaient dans ma tête. Je plongeais dans leurs conversations et
leurs petits drames. C'était ma voix. C'étaient mes drames. Maintenant, c'était comme s'ils étaient
tous en couleur et moi en noir et blanc. J'étais un fantôme dans une autre dimension. Syntonisé en
un rythme différent.
Dans la cafétéria, je fis la file, pris mon plateau et ramassai une assiette déjà préparée avec du
poulet cuit à la vapeur et des légumes.
Alors que je me promenais à la recherche d'une chaise, le visage de Louis captiva immédiatement
mon attention. Il venait de sortir probablement des douches. Ses joues étaient roses et ses cheveux
doux et touffus. Il était en train de raconter une histoire, les yeux brillant d'espièglerie, la bouche
dans un sourire tordu. Il était entouré d'amis - Zayn, Liam, Gigi et Eleanor - et il était heureux. Je le
rends comme ça, pensai-je. Il est heureux et a une vie normale parce que je l'ai protégé. C'était la
seule chose que j'aimais de moi-même.
Je regardai autour maladroitement pour trouver une place où m'asseoir. Toutes les chaises de la
cafétéria étaient prise sauf une.
Ils n'auraient pas gardé cette place pour moi, n'est-ce pas? Aucun d'entre eux ne m'avait parlé
depuis mon retour de Kiev. Des lignes avaient été dessinées et ils avaient tous choisi de rester avec
Louis. Mais la chaise vide juste à côté de Louis interrompit mes pensées. Peut-être qu'ils avaient
changé d'avis sur moi. Peut-être qu'ils me donnaient une deuxième chance.
Je me dirigeai vers la table et leur rire se tourna en un silence.
- Est-ce que ça va si je m'assieds ici ? Je ne vais pas vous déranger.
Louis se tourna vers Eleanor.
- As-tu entendu quelque chose ?
Eleanor me regarda comme si j'étais invisible.
- Non, rien du tout. Dit-elle, désireuse de jouer à son jeu cruel. Elle et Louis se disputaient
constamment, mais elle se battrait pour lui s'il le lui demanderait. Louis inspirait ce genre de loyauté
chez les gens.
- Zayn, as-tu entendu quelque chose ?
Zayn posa ses pieds sur le siège vide et dit:
- Nan.
Liam était mal à l'aise, mais ne défierait jamais Louis.
Mes joues brûlaient alors que la cafétéria entière me regardait m'éloigner, rejeté par mes anciens
amis.
J'avais décidé de manger mon déjeuner dans la cour. Il faisait trop froid pour manger à l'extérieur
mais c'était soit ça ou manger debout avec tout le monde qui me regardait. Je m'étais assis sous un
arbre, le vent pinçant mes doigts. Mes mains étaient devenues si froides que je n'avais pas pu tenir
ma fourchette pour terminer mon assiette. J'avais donné les légumes aux oiseaux d'hiver qui
s'étaient entassés autour de moi.
Puis, j'avais sorti la lettre de Beauchamp. Je l'avais relue une dizaine de fois.

Je sais ce dont tu as besoin, Harry.

Je te comprends.Pardonne-moi, mon chou.

Je n'ai jamais eu l'intention de te blesser.

Les choses seront différentes cette fois.

。✧。

Je me rendis au studio pour répéter pendant un certain temps avant le début des classes. C'était les
répétitions privées qui m'étaient les plus utiles. Maintenant que j'étais à RBS depuis près d'un an,
j'avais connaissance de mes forces et de mes faiblesses. Je voulais éliminer ces faiblesses. Les
corrections de mes instructeurs, qui m'avaient fait pleurer quand j'étais venu pour la première fois à
RBS, n'avaient aucun impact sur moi maintenant. J'avais besoin de contrôle. Je m'étais façonné en
mon meilleur et pire professeur.
Je me mis en collant et m'examinai dans le miroir.
Laid.
Je pratiquai mes tours, perturbant l'élan de ma pirouette en commençant trop lentement.
Stupide.
Je fis une arabesque et perdis l'équilibre.
Pathétique.
Ensuite, j'essayais d'atterrir après un saut, mais mon genou était tremblant et je tombai. Je hurlai à
moi-même dans le miroir et frappai ma cuisse encore et encore jusqu'à ce que je laisse derrière une
ecchymose douloureuse.
- Je te déteste ! Je te déteste ! Je te déteste !
。✧。
Cet après-midi là, je passai devant Zayn sur le campus. Il portait une pile de livres sous son bras. Il
était habillé d'un pull tricoté couleur crème qui faisait ressortir ses cheveux noirs brillants et ses
yeux sombres de l'autre côté de la cour. Il était en route pour Jebsen et je me dirigeais vers Wolf
House.
Il se précipita vers moi et saisit mon poignet.
- Harry, je suis désolé pour ce qui arrivé ce midi aujourd'hui.
Je haussai les épaules.
- Ça va.
- Non, ça ne va pas. Louis... Il va mal. Il est tellement en colère.
- Je comprend.
Nous nous tînmes là inconfortablement pendant un moment.
- On peut faire quelque chose ensemble si tu veux. Dit-il.
- Non, Louis ne voudrait pas.
Zayn commença à s'éloigner quand je l'arrêtai.
- Attend !
Il se retourna.
- Je peux emprunter quelques-uns de tes livres ?

。✧。

Mon colocataire à Wolf House avait déménagé peu de temps après que je sois revenu. J'avais des
terreurs nocturnes et il ne pouvait pas dormir avec mes hurlements soudains, il avait donc
emménagé avec un ami. Maintenant, j'avais la chambre pour moi seul. Elle n'était pas aussi agréable
que la chambre de Louis. Elle était minuscule et la fenêtre donnait sur un mur de briques. Mais
comme ma chambre avec Louis, le mur était parsemé de souvenirs de Beauchamp. À côté de mon
lit j'avais collé les programmes du Lac des Cygnes et le ballet contemporain que nous avons vus
ensemble à Kiev. À côté de cela, j'avais accroché la carte qu'il m'avait envoyée avec le jaseur
dévorant une baie rouge sur le devant. Je ne sais pas pourquoi j'aimais regarder ces choses. Peut-
être parce qu'elles me faisaient du mal, et comme mon genou dans le studio, la douleur me tenait
compagnie.
Zayn frappa à ma porte un peu plus tard que huit heures cette nuit-là. J'avais été surpris qu'il soit
réellement venu. Il avait apporté les livres que j'avais demandés. Anna Karenina, Guerre et Paix,
Crime et Châtiment, Docteur Zhivago, Les Frères Karamazov, et une biographie de Tchaikovsky.
- Quel est ton intérêt pour la Russie tout à coup ?
- Je vais aller à Moscou pour danser pour le Bolshoi.
Zayn leva ses épais sourcils et passa une main dans ses cheveux.
- Harry, c'est formidable de voir grand, mais peut-être que tu devrais commencer par un objectif
plus réaliste, comme une compagnie de ballet régionale.
- Non, le Bolshoi est le meilleur. C'est cette compagnie que je veux.
Il continua de me regarder comme si j'étais fou.
- Comment est-il ? Demandai-je en m'asseyant sur la couchette du bas.
- Triste surtout. Il revêt son visage courageux quand tu es là, mais il ne s'est toujours pas remis de
ce que tu lui as fait.
Je jouai avec le bord terne d'un des romans.
- Il va s'en remettre. C'était juste un voyage stupide.
Zayn s'assit à côté de moi sur le lit.
- Tu penses qu'il se soucie du voyage ? Si quelqu'un d'autre lui avait fait ça, il s'en aurait déjà remis.
C'est de toi dont il se soucie. Tu étais son meilleur ami et tu l'as poignardé dans le dos.
- Je sais.
- Pourquoi lui as-tu pris ?
Je réfléchis à toutes les choses dégoûtantes que j'ai laissé Beauchamp et ses amis me faire.
- Je le méritais.
Zayn fut refroidi par ma réponse.
- Tu peux toujours arranger ça, Harry. Il veut que tu le fasses.
- Ouais, il me tendait vraiment la main au déjeuner aujourd'hui.
Zayn prit le livre de mes mains.
- Il agissait comme un gamin parce que, eh bien, il est un gamin. Mais il veut que tu reviennes, il ne
sait plus comment te faire confiance à nouveau. Tu ne peux pas lui donner des excuses ?
Je serrai mes mains en poings. Non, je n'allais pas m'excuser. Je n'étais pas désolé. J'avais fait la
bonne chose même si Louis le savait ou non. J'en étais sûr. C'était tout ce qui importait. Je n'allais
pas abandonner mon dernier morceau de dignité. Mon sacrifice pour Louis était tout ce que j'avais
de mon ancien moi.
- Je pense que nous savons tous les deux qu'il est mieux sans moi.
Zayn ne dit rien parce qu'il savait que c'était vrai.

。✧。

En classe le lendemain, je remarquai un espace vide à côté de Louis à la barre. Il déposa une
deuxième bouteille d'eau sur le sol à côté de la sienne et posa soigneusement une serviette
supplémentaire sur la barre au-dessus.
Est-ce qu'il voulait que je prenne cette place ? L'avait-il gradée pour moi ? Cela aurait pu être une
demande de paix, un indice silencieux de pardon.
Je m'approchai de lui et il retint son souffle.
Je n'allais pas tomber dans le panneau une deuxième fois. Je continuai de marcher et pris une place
à l'arrière.
La classe était monotone, bondée et distrayante. Ça me donnait un mal de tête. À la seconde où la
cloche sonna, je me précipitai vers la porte. Beauchamp avait raison. Je n'étais pas à ma place dans
une classe occupée. J'avais besoin d'intimité si je voulais m'améliorer.
Louis était dans mon chemin et au lieu d'attendre qu'il sorte par la porte, je lui fonçais dedans.
- Hé, regarde où tu vas !
- As-tu dit quelque chose ? Je me moquai, passant devant lui.
Avant que je n'aille plus loin dans le couloir, je sentis des doigts glacés creuser dans ma nuque.
Madame.
- As-tu répondu à Alex ?
- Pas encore.
Elle me traîna dans son bureau, qui était autrefois le bureau de Beauchamp. Mon estomac se noua
en pensant à ce que je lui avais fait dans cette pièce.
Madame s'approcha de son bureau et sortit un morceau de papier blanc et un stylo. Elle prit une
chaise et me demanda de m'asseoir.
- Tu vas répondre à la lettre d'Alexandre maintenant. Dit-elle dans son accent français sévère qui
devenait plus prononcé quand elle était en colère. Tu es grossier, Harry. Il a été très gentil de
t'emmener à deux voyages le semestre dernier. Tu lui dois au moins d'être poli. Elle se pencha sur sa
chaise. Tu sais, le dernier étudiant qui l'a accompagné durant un été, Hans Faust, n'est jamais revenu
à RBS. Il a continué à s'entraîner avec Beauchamp et a atterri au Ballet de l'Opéra de Paris avant
même que ses camarades aient obtenu leur diplôme.
Je savais que Hans, comme moi, avait été emmené pour l'un des voyages de Beauchamp, mais je ne
savais pas qu'il avait choisi de vivre avec Beauchamp. Si quelqu'un aurait su ce qui lui était arrivé, il
l'aurait jugé pour cette décision, mais je le comprenais. Après ce que Beauchamp m'avait fait, je me
sentais comme si j'avais été arraché de ce monde. Je n'appartenais à personne. La seule personne qui
savait ce que j'avais traversé, qui me comprenait, était Beauchamp lui-même.
Il était le poison et l'antidote.
J'imaginais Hans dans l'appartement de Beauchamp à Paris pour la première fois, effrayé et seul,
comme je l'avais été. Je n'avais jamais rencontré Hans, mais je ne m'étais jamais sentie plus proche
de personne dans ma vie. Je voulais rejoindre l'espace et le temps, lui tenir la main et lui dire :
- Je suis là aussi, j'existe. Je te comprends. Tu n'es pas seul.
Je ramassai le stylo doré de Madame.

Cher M. Beauchamp,

Merci pour votre lettre et pour m'avoir emmené à Paris et à Kiev le semestre
dernier. C'était terriblement gentil de votre part. Je n'oublierai jamais
l'expérience.
Cependant, je dois malheureusement refuser votre invitation pour Paris cet été.
Vous avez raison. J'ai du talent. J'ai du potentiel.
Je vais danser pour la meilleure compagnie de ballet du monde.
Je vais être le meilleur danseur de ballet au monde.
Je vais être un meilleur danseur que vous ne l'avez jamais été et je vais le faire
sans votre aide.

Sincèrement,

Votre Garçon Spécial

Je pliai le morceau de papier et le fourrai dans une enveloppe. Je la remis à Madame. Elle sourit,
attendant d'entendre ce que j'avais décidé.
- Envoyez-la, brûlez-la, je n'en ai rien à foutre.
Je sortis de son bureau et retournai au studio, seul.
ACTE III: CHAPITRE DIX-NEUF
LOUIS / PRÉSENT

Quand je m'étais réveillé, je pensais avoir encore quinze ans. Harry était profondément endormi à
côté de moi, ses boucles sur mon visage et ses membres enveloppés étroitement autour de moi
comme un koala. Je ne pouvais pas me lever même si je le voulais. Je ne voulais pas. Je me déplaçai
légèrement et il se colla à ma joue. Le studio était frais, mais nous étions si bien repliés sous la
couverture que nos corps brûlait fiévreusement. Je me tordis pour lui faire face. Il fronça les sourcils
devant cette perturbation et me tint plus serré, les yeux fermés, ses doigts entortillés autour de
l'ourlet de mon t-shirt.
- Harry, réveilles-toi. Chuchotai-je dans sa petite oreille en forme de coquillage. C'est le matin.
Ses paupières s'ouvrirent et il lui fallut un moment pour se rappeler où il était. Et avec qui il était.
Il se retira de moi immédiatement.
- Je suis désolé.
- Ne t'inquiète pas.
Harry se redressa, frottant ses yeux.
- Je suis désolé. Répéta-t-il. Je devais rêver.
- Tu dois avoir de beaux rêves alors. Je voulais caresser un peu plus cette petite braise d'intimité.
Nous étions encore sous la couverture, nos jambes se touchant. Qu'est-ce que ça voulait dire ?
Étions-nous amis maintenant ? Nous étions amis. Non, peut-être pas des amis, mais nous n'étions
pas, pas amis.
Il se coucha et je me recollai rapidement à lui.
- Je dors habituellement sur un tapis. Dit-il. Je doute que ce soit bon pour notre dos.
Mon dos me tuait. J'avais l'impression d'avoir été piétiné par des chevaux.
- Je me sens bien.
La lumière jaillissait des fenêtres créant de petites mares de chaleur sur le plancher du studio. Je
pressai ma paume sur le sol au-dessus de sa tête.
- Je ne veux pas aller à la répétition.
- Pas de répétition ce matin.
Je souris.
- Tu veux la manquer ?
Je pourrais l'amener prendre un petit déjeuner tranquille ou une tasse de café. Nous pourrions nous
asseoir dans le Regent's Park et parler toute la matinée. Ce serait bien.
- Non, je veux dire que nous avons une réunion avec la compagnie dans le Studio A.
- Tu ignores habituellement ces réunions.
Il roula sur le côté pour me faire face.
- Liam a dit que je devais y assister.
Liam. L'intervention. Harry n'avait absolument aucune idée de ce qui allait arriver.
- Manquons-la de toute façon. Pressai-je.
- Je ne peux pas, j'ai fait une promesse.
Il se redressa et enfila un sweat-shirt. Il laissa ses cheveux tombés sur ses épaules et les tira
soigneusement derrière ses oreilles.
Je me sentais mal pour ce qui allait se passer. Je voulais l'avertir, mais je ne savais pas comment.
Tout le monde était déjà dans le Studio A et nous attendait. Ce n'était pas toute la compagnie, seuls
les principaux danseurs et solistes, plus Niall, Liam et Maurice.
Nous n'étions pas assis sur le sol mais sur des chaises pliantes, en cercle. Je m'étais assis à côté
d'Eleanor. Elle avait écrit ses plaintes à la main sur un bloc-notes. Elle et Gigi avaient toujours
donné à Harry le plus de liberté. Elles l'avaient toujours cajolé à l'école et peut-être qu'elles avaient
pensé faire la même chose quand il a rejoint l'entreprise, mais à en juger par les copieuses notes
d'Eleanor, ce n'était pas le cas.
Gigi, qui était normalement directe, prétendait être distraite par quelque chose à l'extérieur. Zayn
regardait aussi son téléphone quand Harry les salua.
Harry détestait les réunions d'entreprise. Il détestait être en groupe en général. En étant ici, il avait
déjà utilisé sa bonne volonté. Les réactions bizarres de tous avaient fait jaillir une étincelle et je
pouvais le voir grandir visiblement confus puis agité, assis sur le bord de sa chaise en rebondissant
son genou.
Je ne pensais pas que cette situation pouvait empirer. Puis Jeffrey entra.
Les chaises à côté de moi étaient toutes occupées, alors il en traîna une à travers le cercle, un
crissement le suivant, et poussa légèrement le danseur qui jouait le rôle de Benno von Sommerstern
pour s'asseoir à mes côtés.
- Qu'est-ce que tu fais ici. Chuchotai-je. C'est les danseurs principaux et les solistes seulement.
Jeffrey ne fit rien à part ouvrir son sac. Comme Eleanor, il avait des notes.
- Je suis l'un des requérants.
- Tu regardes trop ces maudites émissions sur les tribunaux américains.
Harry nous regardait ouvertement.
- Pourquoi n'as-tu pas répondu à mes appels ? Demanda Jeffrey.
- Je travaillais.
- À une heure du matin ? Je suis allé à ton appartement. Où étais-tu hier soir ?- Je me suis endormi
dans le studio. C'était la vérité.
- Comment cela s'est-il produit ? Tu t'es, comme, endormi en dansant ?
- Non, je me suis couché sur le sol et j'ai dormi.
- Pourquoi aurais-tu fait ça ? La voix de Jeffrey devenait progressivement plus élevée.
- Pourquoi est-ce si important ? Ne vois-tu pas que nous sommes sur le point d'avoir une réunion
importante ici !
- Ne crie pas après moi !
Liam se racla la gorge. Il avait son presse-papiers sur ses genoux. Il se pencha en avant et croisa
un genou sur l'autre.
- Alors, commençons. Il avait l'air d'un moniteur de camp de jour sur le point de nous donner une
lecture sur l'herbe à puce. Harry, tu as un talent phénoménal et très admiré ici à l'entreprise. Ce que
nous sommes sur le point de discuter est autant pour ton bénéfice que celui de tous. Certaines
personnes ont dit être préoccupées par leur relation de travail avec toi et elles ont l'impression de ne
pas être entendus.
- Certaines personnes ? Dit Harry, ses traits ne trahissant aucune émotion.
- Nous allons faire le tour du cercle et tu pourras répondre à la fin. Il s'éclaircit la gorge. Je vais
commencer.
Je fus choqué que Harry ne soit pas sorti en furie par la porte.
- Harry. Poursuivit Liam. Ça rend mon travail très difficile lorsque tu fais des demandes
déraisonnables pour le programme et les panneaux d'affichage.
Harry croisa ses bras.
- Est-il déraisonnable d'exiger une certaine créativité ? Tu voulais mettre une photo de moi sur tout
le matériel promotionnel, comme une publicité pour un magasin de mauvais goût. Le Lac des
Cygnes a été créé pendant la naissance du mouvement d'art moderne. Ne serait-il pas juste d'utiliser
une œuvre d'art qui évoque l'esprit révolutionnaire de cette époque ?
Liam perdait déjà son sang-froid.
- Ce n'est pas ta décision !
- J'ai le droit de dire comment ma propre image devrait être utilisée !
Gigi sauta dans le débat.
- Est-ce que j'ai le droit de parole sur mon propre horaire de répétition ? Cracha-t-elle. C'était un
désordre total maintenant. Les gens devenaient irrités et ne voulaient pas attendre leur tour pour
faire passer leur message. On est censés être égaux! Tu n'as pas à dicter quand et combien de fois je
dois répéter. Est-ce que tu obtiens du plaisir à me torturer ?
Le visage d'Harry devint rouge.
- Je n'essaie pas d'être cruel, Gigi. Je veux juste que cette production soit parfaite.
Zayn leva la tête.
- Et moi ? Tu m'as enlevé mon solo pour contrarier Louis. Ce n'est pas cruel ça ?
Harry serra ses mains.
Eleanor jeta ses notes de côté.
- Va te faire foutre, Harry ! Ça n'a rien à voir avec la production, mais toi pensant que tu es
supérieur à nous. Je me fous du pouvoir que tu avais au Bolshoi. Nous sommes à Londres et c'est
une putain de démocratie ici. Tu n'as pas à critiquer ma danse. Mon pas de deux est avec Louis, pas
toi !
La poitrine d'Harry palpitait rapidement. Il jeta un coup d'œil vers la porte.
Maurice, à la suite de la vague de larmes d'Eleanor, éclata d'émotion et nous raconta toute sa vie à
partir de son enfance à Zurich et termina par une réprimande.
- Dans toute ma carrière, personne ne m'a autant manqué de respect que vous, monsieur Styles. Il
sortit son mouchoir monogramme et s'essuya le front. Vous interrogez et insultez mon jugement, je
devrais être traité avec le respect qui convient à mon expérience. C'est trop pour un homme de mon
rang à supporter !
Ce n'était pas le tour de Jeffrey, mais bien sûr, il avait décidé de se faire entendre et de défendre
Maurice.
- Tu ne devrais pas donner des ordres à un chorégraphe estimé comme s'il était ton putain de
majordome ! Puis il s'adressa à la pièce entière. Il a obligé Kenneth à me retirer de la production !
- Exactement. Alors pourquoi es-tu ici ? Répliqua Harry.
Je retins Jeffrey sur sa chaise.
Harry se tourna vers Niall, qui restait immobile comme une statue.
- Je suis désolé, Harry, mais ils ont raison. Tu as dépassé les limites, je t'ai laissé parler avec
l'orchestre, même si c'est pratiquement jamais vu pour un danseur de le faire. Puis, tu es allé dans
mon dos leurs donner des notes qui contredisent ma direction. Tu as profité de ma gentillesse.
Harry passa une main dans ses cheveux.
- Niall, je respecte ta position. Tu comprends le libretto, mais je comprends son histoire. Je ne
savais pas comment te faire entendre ce que j'entends! Je devais te le prouver. Il regarda autour de la
pièce sauvagement. Laissez-moi vous le prouver à tous, je comprends ce ballet mieux que
quiconque !
- Non. Dit Liam avec fermeté. Ce n'est pas ta production. Ce comportement doit cesser.
- Vous avez tous cette même opinion ? La voix d'Harry craqua.
Nos visages restèrent tous impassibles.
Liam me laissa le coup final.
- Louis, je sais que tu as beaucoup de choses en tête.
Personne n'était plus critique que moi sur le comportement d'Harry. Tous me regardaient avec
anticipation.
Je ne pouvais pas croire ce que j'allais dire.
- Je suis d'accord avec Harry.
Maurice tomba vers l'arrière comme s'il avait été abattu. Niall fut stupéfait. Eleanor, Zayn et Gigi
me jetèrent des regards furieux. Jeffrey était assoiffé de sang.
Personne n'était plus surpris que Harry lui-même.
Je n'étais pas sûr si j'étais d'accord avec Harry, mais j'étais sûr que je ne pouvais pas supporter de le
voir être attaqué, pas pour une seconde de plus. Oui, Harry était un dictateur cruel, mais il était mon
dictateur cruel !
Je me levai.
- Écoutez, Harry a été avec le Bolshoi - le berceau du Lac des Cygnes - pendant six ans. Il est le
joyau de Moscou ! Il sait de quoi il parle, il n'est pas n'importe quel danseur, c'est un génie. Je crois
en sa vision et vous le devriez aussi.
Je pensais que Gigi allait me sauter dessus.
- Tu te fous de notre gueule ?
- Traître ! Siffla Eleanor.
- Louis... Maurice commença. Et votre solo ?
- Je préfère l'interprétation d'Harry.
C'était officiel. J'avais perdu la tête.
Les yeux verts d'Harry brillaient comme des émeraudes. Un sourire reconnaissant se répandit sur
ses lèvres.
Maurice se leva et se dirigea vers la porte, son foulard de soie naviguant sur l'air derrière lui.
La salle éclata en cris et en railleries pour moi et Harry. Une par une, d'autres personnes
commençaient à quitter la pièce. J'essayais de leur parler, mais personne ne m'écoutait. Ils passaient
devant moi en m'ignorant, certains appelant Maurice et d'autres se lavant les mains de la situation.
Les yeux d'Harry se verrouillèrent avec les miens.
Je commençai à marcher vers lui quand Jeffrey m'arrêta. Il n'aimait certainement pas le silence.
- C'était quoi ce bordel ?
J'essayai de mettre mes mains sur ses épaules pour le calmer, mais il les gifla.
- Tu étais censé me défendre, Louis !
- Je ne pouvais pas rester là et laisser toute la pièce l'attaquer. Ce n'est pas juste.
Ses yeux s'élargirent et il secoua brusquement sa tête blonde.
- Non, la façon dont il a traité cette compagnie, la façon dont il m'a traitée, n'était pas juste. Ça,
c'était juste. Il le méritait.
Le studio était vide maintenant. Jeffrey et moi étions seuls.
- Avec qui étais-tu hier soir ?
- Je te l'ai dit, j'étais dans le studio !
- Ce n'est pas ce que j'ai demandé !
- Très bien. J'étais avec Harry.
Le menton de Jeffrey tremblait comme s'il allait pleurer, mais il ne le fit pas.
- Est-ce tu baises avec lui ?
- Non !
- Veux-tu ?
Je ne dis rien trop longtemps.
- Non.
- C'est terminé entre nous.
Il enfonça ses notes dans son sac.
- Jeffrey, s'il te plaît, ne fais pas ça. Je suis désolé !
- Non, tu ne l'es pas. Tu attendais ce moment, parce que tu n'avais pas le courage de rompre avec
moi.
Bon, je n'avais pas vraiment accordé suffisamment de mérite à Jeffrey. Il pouvait être très
perspicace quand il le voulait être.
- Je ne voulais pas que les choses se terminent comme ça.
- Il va te faire encore du mal, Louis.
- Nous ne sommes pas-
- Arrête ça. Je vois la façon dont tu le regardes. Il ne te regarde pas de la même façon. Il y a
quelque chose qui ne va pas avec lui. Il ne sait qu'utiliser les gens. Jeffrey devint sérieux. Je tenais à
toi. Je veux que tu le saches.
Jeffrey me laissa seul, mais pas ses mots.

。✧。

J'avais une répétition plus tard cet après-midi dans l'auditorium. J'allai dans ma loge pour me
changer en une nouvelle paire de collants. Mon corps souffrait toujours d'avoir dormi sur le sol
toute la nuit et ma danse allait certainement en souffrir aussi.

La compagnie était censée répéter le premier acte. Je m'attendais à ce que la scène soit remplie de
danseurs du corps de ballet, du directeur de scène et de Maurice. Il n'y avait qu'une seule personne
debout. Liam.
Pour une fois, il n'avait pas son presse-papiers dans ses mains. Il n'était pas entrain de résoudre une
crise administrative. Il était inhabituellement apathique, appuyé sur sa canne.
Je m'approchai de lui avec précaution.
- Tu sais, Louis, je donnerais n'importe quoi pour pouvoir encore danser.
Liam n'avait jamais fait ça. Il n'avait jamais pensé au passé ni parlé de sa blessure. Il essayait de
rester positif et de regarder vers l'avenir.
- J'aime cette compagnie. Dit-il. C'est tout ce que j'ai de ma vieille vie.
Je laissai tomber mon sac.
- Liam, qu'est-ce qui ne va pas ?
Ses doux yeux bruns se plissèrent sous le luminaire.
- Je vais être viré.
- Quoi ?
- L'intervention était ma dernière chance de sauver cette situation et j'ai échoué.
- Quelle situation ?
- Je ne t'ai pas dit ça, Louis, parce que je ne voulais pas que tu te défoules sur lui, mais j'ai été mis
en probation peu de temps après que Harry ait rejoint la compagnie. J'étais censé le contrôler.
- Kenneth ne devrait pas te blâmer pour ça ! Ce n'est pas de ta faute.
- Il est ma responsabilité.
- Nous pouvons toujours résoudre ce problème.
- Maurice a démissionné.
Je perdis légèrement pied et posai mes mains sur ma tête. Je ne m'attendais pas à ça. Le départ de
Maurice allait être un coup dur pour la production et il était trop tard pour repousser les dates de
performance.
- Pourquoi as-tu fait ça, Louis ? Pourquoi t'es-tu mis d'accord avec Harry ?
Il n'y avait pas de réponse. Il y avait une multitude de réponses minuscules, des soupçons de la
personne que je croyais connaître.
- Je lui fais confiance. Lui dis-je.
- Plus que moi et tous tes amis ici à la compagnie qui est resté à tes côtés ces sept dernières
années ?
- C'est juste une impression que j'ai.
- Harry a brisé ta confiance avant.
- Je le sais. Dis-je doucement, embarrassé.
Liam commença à marcher lentement hors scène. Sa boiterie était pire que jamais, non pas à cause
de l'humidité ou de l'effort, mais à cause du poids de ses membres lourds.
- Quand le sauras-tu ? Je demandai derrière lui.
Il se retourna.
- J'ai un examen du rendement à la fin du mois.
Liam partit et je m'effondrai sur le sol et serrai mes genoux en me demandant si j'avais fait l'erreur
la plus énorme de ma vie. Maurice était parti. Liam pourrait être le prochain. La pensée de Liam
perdant ce travail après avoir déjà perdu sa carrière de danseur était trop. La culpabilité serra ma
poitrine jusqu'à ce que je ne puisse plus respirer.
J'observais les sièges de l'auditorium et j'essayais d'imaginer la soirée d'ouverture - des centaines de
visages tous là pour voir un danseur. Liam avait tort. C'était la production d'Harry. De l'auditoire à
la chorégraphie jusqu'à l'orchestre, il avait enveloppé cette compagnie comme un nuage sombre.
Maintenant il m'avait aussi. Comment ai-je laissé cela se produire ?
Je serrai mes bras autour de mes genoux et ressentis une petite piqûre à l'arrière de mon cou. Je
frappai ma nuque, croyant que c'était un insecte. Puis j'en sentis un autre, et un autre. Je me
retournai. J'étais seul. Ça n'arrêtait pas. Je me levai et secouai mon t-shirt.
- Là-haut. J'entendis.
Harry était assis sur les chevrons en me lançant des épines de pin provenant du décor.
- Viens.
J'allai dans les coulisses et grimpai l'échafaudage pour le rejoindre.
- Qu'est-ce que tu fais ici ? Dis-je en rampant vers lui, les planches de bois grinçant sous mes
genoux.
- Rien. Ses jambes pendaient au-dessus des chevrons et il les frappait d'un air absent comme un
enfant. La répétition est annulée.
Combien de fois Harry avait-il fait ça ? Combien de fois avait-il vu des chorégraphes et des
administrateurs démissionner, être renvoyé ou expulsé à cause de lu i? Il traitait ses collègues aussi
imprudemment que son propre corps.
- Maurice a démissionné et Liam pourrait perdre son emploi. Dis-je.
- Je sais, j'ai entendu.
- Est-ce que tu vas juste regarder toute cette production tomber en morceaux ?
Il sourit.
- Bienvenue dans le côté obscur, Prince Siegfried.
- Jeffrey a rompu avec moi. Tous mes amis me détestent.
- Tu m'as moi.
- Vraiment ?
Il plissa les yeux.
- Je croyais que tu avais confiance en moi.
- Je le veux, mais tu rends ça... difficile.
Nous restâmes silencieux un moment.
- Tu m'as défendu. Harry souris.
- Folie passagère.
- Tu as dit que j'étais un génie.
- C'est une façon de parler.
- Non, pas du tout. Tu crois que je suis un génie et le joyau de Moscou.
- Harry, concentres-toi ! Je me rapprochai de lui. Je sais que tu ne veux pas que Liam perde son
emploi. Parle à Kenneth.
- Qu'est-ce qui te fait penser qu'il va m'écouter ?
- Tu es le seul qu'il écoute !
Les chevrons se balançaient sous notre poids combiné. Harry se retourna sans crainte, comme s'il
était sur une balançoire.
- Tu me dois ça, Harry.
- Je croyais que je te devais un baiser ?
Il était maintenant couché sur le dos d'une manière extrêmement tentante et docile, clignant des
yeux vers moi lentement. Son poignet nu tomba à côté de ma cuisse.
- Ouais. J'avalai. Oh Dieu, j'étais si faible
Il se lécha les lèvres et fit la moue dans un mouvement de séduction qui me donnait envie et me
taquinait à la fois.
Je planais au-dessus de lui et accrochai une main derrière son cou. Ses yeux changèrent de
direction. Les filles étaient entrées dans l'auditorium.
Gigi était dans son justaucorps et Eleanor en jeans. J'allais les appeler quand Harry se redressa et
me couvrit la bouche.
- Shhhh.
Elles étaient toujours en colère à cause de l'intervention. Gigi jeta son sac à dos sur la scène et
continua ce qui devait être une longue tirade à une Eleanor émotionnellement épuisé.
- Je te le dis. Dit Gigi. Louis est dans le coup depuis le début. Ces deux-là préparent quelque chose.
- Non, c'est impossible. Soutenu Eleanor, s'allongeant lâchement en regardant Gigi pratiquer son
solo. Louis déteste Harry !
Harry avait enlevé sa main de ma bouche et écoutait attentivement leur conversation.
- Nous devrions partir. Murmurai-je. Il m'ignora.
- Ouvre les yeux, Eleanor ! Ils baisent ! Gigi s'écria.
Nous nous regardâmes, rougissant furieusement.
- Impossible. Dit Eleanor. J'ai plus de cinquante textes de Louis qui dit combien il déteste Harry. Il
m'a pratiquement écrit un livre.
Elle sortit son téléphone.
Je couvris mon visage en pensant à ce que j'avais pu écrire.
- ''Harry est le diable.'' ''Harry gâche ma vie.'' ''Si jamais je commence à agir comme Harry, tuez-
moi.'' ''OMD Harry donne un autre discours sur Tchaikovsky. Réveille-moi quand tout sera fini.'' ''Je
répète l'acte IV avec Harry. J'attends la mort avec impatience!'' ''Hé beauté, qu'est-ce que tu fais plus
tard ? P.S. Harry est le pire de tous.''
Gigi arrêta de danser et leva les bras.
- Ça ne peut pas être plus évident ? Il est tellement obsédé par Harry que c'est embarrassant !
Harry roulait sur son ventre. Il riait si fort que les chevrons se secouaient.J'essayai de l'arrêter.
- Shhh.
- Louis ne tromperait jamais Jeffrey. Dit Eleanor d'un ton calme.
- Il le ferait pour Harry. Répondit Gigi avec une certitude absolue. Si Harry le voulait, Louis
tomberait à genoux si vite pour lui que tu croirais rêver.
Harry pleurait de rire.
Eleanor tourna autour de son doigt ses longs cheveux sombres pensivement.
- Penses-tu que Harry ressent la même chose ?
Gigi lécha la sueur sur sa lèvre supérieure.
- Je ne sais pas, je ne le comprends pas. Puis elle changea de sujet. Mais si ces deux hommes ont uni
leurs forces, alors nous devrions le faire. Je ne vais pas répéter avec l'un d'eux jusqu'à ce qu'ils
acceptent nos demandes !
- On peut faire ça ? Elle demanda.
Gigi haussa les épaules.
- Maurice est parti, le chorégraphe assistant est un pigeon. Montrons à ces enfoirés qui sont les
patronnes !
Eleanor se releva brusquement.
- J'aime ta façon de penser !
Elle tendit la main et se mit à danser mon rôle dans mon pas de deux avec Gigi. Elles
s'échangeaient les rôles, les deux dansant ma partie ou celle d'Harry pour aider l'autre à répéter.
Harry et moi descendîmes des chevrons aussi tranquillement que nous le pouvions et nous
sortîmes de l'auditorium, lentement, ouvrant la porte et la fermant aussi doucement.
Ensemble, nous nous dirigeâmes vers le Studio B.
- Et maintenant ? Dis-je.
- Je suppose que nous devons répéter ensemble.
Je souris.
- J'ai deux fois plus de danse avec un partenaire que toi. Penses-tu pouvoir danser le rôle de Gigi et
El ?
- Tu vas me faire porter un tutu ?
- Évidemment.
Il sourit et m'ouvrit la porte du studio.
- Euh. Commençai-je, glissant hors de mes pantalons de survêtement pour être en collant en
dessous. Je suis sûr que cela va sans dire, mais ce n'est pas vrai, ce que Gigi a dit. Je ne suis pas
obsédé par toi.
Harry passa son pull au-dessus de sa tête.
- Bien sûr que non.
Nous commencions par mon pas de deux. Je devais me mettre à genoux, les bras étendus. Je
m'approchai d'Harry.
- Je te demanderais de te mettre à genoux, Louis, mais je ne veux pas te casser le cou.
Je le coinçai au sol en le frappai légèrement.
- Je te l'ai dit ! Ce n'est pas vrai !
Il rit hystériquement à nouveau.
- Ce n'est pas drôle.
- Oh aller. Ça l'est. Juste un peu.
Harry était un cygne blanc étonnamment efficace. Il connaissait le rôle de Gigi mieux qu'elle. Il
avait un long cou et des membres plutôt délicats pour un danseur et il était capable d'exécuter la
chorégraphie avec grâce.
- Tu as manqué ton titre de première ballerine, Harry.
- Je ne te le fais pas dire. Dit-il en s'appuyant sur mes épaules avant d'exécuter une arabesque.
Mon corps musculaire plus compact ne se prêtait pas aussi bien à la chorégraphie féminine.
Je tournai dans les bras d'Harry et le fis presque tomber.
- Attention, tu es comme un éléphant dans un magasin de porcelaine.
- Tais-toi. Je suis magnifique.
Je prétendais que c'était un inconvénient énorme de répéter sans Gigi et Eleanor, mais en réalité, je
ne m'étais jamais autant amusé en répétition. Avec les filles, je devais faire semblant de les désirer
et le mouvement sortait de ma capacité technique. Mais quand je dansais avec Harry, quand j'avais
mes mains sur sa taille, le mouvement sortait de moi. Je ne jouais pas du tout. C'était la plus pure
des danses.
Harry connaissait vraiment Le Lac des Cygnes par coeur. J'avais toujours aimé le ballet, mais
jamais assez pour comprendre sa signification plus profonde. Harry avait toutes sortes d'idées sur la
façon dont je pouvais jouer Siegfried qui ne m'était jamais venu à l'esprit. Son interprétation du
cygne blanc était vraiment subversive et audacieuse. Gigi jouait le rôle à la lettre, mais
l'interprétation d'Harry était à la fois plus séduisante et plus torturée.
Il avait beaucoup d'idées, des tonnes, et tout ce que j'avais à faire était de lui poser une question sur
sa vision et il commençait à parler très rapidement, ses yeux verts clairs vivants de lumière. Je ne
comprenais même pas de quoi il parlait la moitié du temps. Il continuait de parler de ces lettres
russes et de la vie de Tchaikovsky. Il semblait fou mais il était excité, j'étais devenu excité aussi.
Harry avait écrit et compilé toutes ses recherches et idées dans un livre, avec des sources
primaires, des diagrammes et des photos de toutes les productions du Lac des Cygnes depuis 1877.
Il travaillait sur ce ballet un peu chaque jour depuis son temps avec le Bolshoi et il avait dit qu'il
espérait le faire publier.
Il n'était pas une prima donna. Je veux dire, il était une terreur et avait persuadé les gens de la
mauvaise façon, mais il se souciait vraiment de ce ballet. Sa vision reposait sur une profonde
compréhension et appréciation du libretto et de la chorégraphie originale. C'était inspirant. C'était
noble.
Mais alors que nous nous épongions le visage et remettions nos pantalons de survêtement par-
dessus nos collants, je devais souligner l'évidence. La vision d'Harry, aussi impérieuse qu'elle était,
était impossible. Même si nous pouvions convaincre le chorégraphe assistant et Kenneth, le reste de
la distribution nous détestait, et Eleanor et Gigi, les deux plus importants membres de la
distribution, étaient en grève.
- Elles sont raisonnables. Dit-il en éteignant les lumières du studio. Elles reviendront.
Alors que nous verrouillions la porte du studio, les filles parcoururent en tapant du pied le couloir
après avoir terminé leur propre répétition dans l'auditorium.
Je tendis les bras.
- Mesdames.
Gigi me fit un doigt d'honneur.
- Suce ma bite, Tomlinson.
Eleanor jeta ses collants en sueur dans le visage d'Harry.
Je regardai Harry.
- Tu as raison. Elles sont très raisonnables.
Harry et moi, nous nous assîmes sur les marches de l'Opéra Royal, nos corps chauds se
refroidissant rapidement par le vent du nord. Je sortis une cigarette de ma poche de poitrine. Harry
ne pouvait pas croire que je fumais encore. Il essaya d'arracher le briquet de mes mains, mais j'étais
trop rapide. J'allumai la cigarette et remis mon briquet dans mon manteau.
- Ça ne me dérangerait pas d'entendre plus de tes idées. Dis-je.
- Ouais, c'est ça. Il baissa les yeux timidement. Des petites mèches avaient échappé son chignon et
volaient devant ses yeux.
- Non, vraiment. Tu as dit que tu avais écrit le livre définitif du Lac des Cygnes. Pourquoi ne
viendrais-tu pas ce soir chez moi me montrer une partie de tes recherches ?
- Tu ne crois pas que c'est ennuyeux ?
Je pris une bouffée de ma cigarette et l'exhalai par le côté de ma bouche.
- Non, c'est vraiment ennuyeux, mais tu rends ça intéressant.
- Juste toi et moi, dans ton appartement ?
J'essayais d'être décontracté, mais mon cœur essayait de sauter hors de ma poitrine.
- Seulement nous.
Il sourit timidement.
- D'accord, oui. Je vais rentrer à la maison et prendre une douche et manger d'abord.
Je levai la main.
- Je vais m'occuper du dîner.
- Pizza ?
- Je vais cuisiner quelque chose. Je suis un grand maintenant, Harold !
Harry arrêta un taxi et descendit du trottoir.
- À ce soir.
J'avais pratiquement volé jusque chez moi.
ACTE III: CHAPITRE VINGT
Immédiatement après être arrivé dans mon appartement, j'avais commencé à nettoyer de fond en
comble. Dieu, l'endroit était un désastre. Les affaires de Jeffrey étaient partout. Je ramassais ses
sous-vêtements colorés dans tous les recoins. La salle de bain était remplie de produits de son rituel
de beauté. Crèmes, nettoyants, lotions hydratantes. Combien de paillettes pour le corps et
d'autobronzant un garçon avait-il besoin? Je mis tout dans un sac pour le lui rendre quand il allait
être moins furieux contre moi.
Puis, je nettoyai la cuisine jusqu'à ce que la cuisinière et le comptoir brillent. Je regardai dans le
réfrigérateur. J'avais acheté de bonnes darnes de saumon la veille. J'allais pouvoir faire du riz
sauvage avec des câpres et des légumes grillés. Ce n'était pas le repas le plus original, mais Harry
allait bientôt arriver et je n'avais pas beaucoup de temps. J'avais encore besoin de me doucher et
ranger ma bibliothèque pour m'assurer d'avoir l'air intelligent.
Je retirai mes vêtements odorants et les jetai dans le panier à vêtements sales dans ma chambre. Je
regardai mon lit pendant une minute. Je ne voulais pas paraître présomptueux, mais je ne voulais
pas être non préparé non plus. J’enlevai les draps et remis des draps frais. Je vérifiai la table de nuit
pour m'assurer que j'avais des préservatifs. Oui.
Je pris ma douche.
Je ne savais pas vraiment quoi porter. Je décidai de la jouer cool et d'aller pour un look décontracté
avec un chandail à manches longues et des jeans moulant noirs déchirés au genou. Il commençait à
bruiner à l'extérieur. Il était presque neuf heures et Harry n'était pas encore arrivé. J'étais inquiet
qu'il annule.
J'assaisonnai le poisson et commençai à préparer le riz.
Ma bibliothèque était pire que je ne le pensais. Des dizaines de brochures étaient devant moi avec
leur typographie en relief et leurs titres juvéniles. Je commençai à les ramasser un par un. Les livres
de sport avaient des titres encore plus stupides. Il allait penser que j'étais analphabète ! Je pourrais
aussi bien avoir une étagère pleine de livres à colorier! J'avais finalement laissé les romans de John
le Carré, mes biographies de danse et les classiques. Mon exemplaire de Finnegans Wake n'avait
jamais été ouvert. Putain. Quelqu'un avait-il la patience de Joyce ?
Je n'avais nulle part où cacher les autres, alors je les avais juste farcis au fond de mon panier à
vêtements sales. Mon étagère était pratiquement vide maintenant, mais je pensais que quelques
livres intelligents étaient mieux qu'un tas de stupides. J'ajoutai quelques plantes et bibelots ici et là
pour remplir l'espace.
Harry n'étais toujours pas arrivé. Je me sentais comme un con. Et s'il ne venait pas ? Peut-être qu'il
avait accepté mon invitation seulement pour coucher avec moi. Ça ne m'étonnerait pas de lui.
Je sortis sur le balcon et m'allumai une cigarette en regardant la pluie tomber de plus en plus fort.
La foudre scintilla dans le lointain et mes os tremblaient avec le tonnerre qui la suivit. En bas, je vis
le dessus d'un parapluie noir et derrière moi, j'entendis la sonnette.
Je piétinai rapidement ma cigarette et couru à l'intérieur pour pousser le bouton pour ouvrir la
porte en bas.
Il frappa à la porte si doucement que je ne l'aurais pas entendu à moins que j'aurais été debout juste
à côté de la porte, mais bien sûr, je l'étais.
Ses cheveux étaient plus bouclés à cause de l'humidité. Cela me rappelait les boucles sauvages
qu'il avait durant sa jeunesse. Dans ses bras, il y avait un cartable géant. Ses recherches. Je le pris de
lui et le posai sur la table basse. Il pesait une tonne. Il avait aussi apporté du dessert dans une petite
boîte venant d'une boulangerie.
Il portait un long manteau de poil sombre. Je l'enlevai de ses épaules et l'accrochai. En dessous il
portait encore plus de noir. Pantalon noir et chemise noire en soie. Il ressemblait à un fossoyeur
chic. Le seul éclat de couleur venait d'un ruban d'or qu'il portait autour de son col de chemise.
- Tu t'es bien habillé. Dis-je.
- C'est comme ça que je m'habille habituellement.
- Oh, eh bien, euh, tu as l'air bien !
Avoir Harry seul dans mon appartement me rendait incohérent.
- Merci.
- J'aime le ruban. C'est... différent.
Il se regarda dans le miroir pleine longueur près de la porte.
- Ils sont dans tous les défilés de mode cette saison. Celui-là viens d'Hermès.
- Vraiment ? Ça semble cher.
- Trois cents livres, je crois.
- Trois cents ! C'est juste un ruban ! La chatte de ma mère porte le même !
- Ils sont vraiment à la mode. Tous les hommes de Milan les portent.
- Je le dirai à la chatte. Elle sera vachement contente.
Harry sourit.
Je le conduis dans mon appartement. Il ne l'avait pas bien vu la dernière fois qu'il était venu
puisqu'il y avait beaucoup d'autres invités. Maintenant, il se promenait avec ses mains derrière le
dos et observait, un morceau de mobilier laid à la fois. Mon propre goût me dégoûtait.
- Tu as beaucoup de choses. Dit-il en passant sa main sur mon rack de DVD, les jeux vidéo et la
guitare dans le coin.
- Pas vraiment. Dis-je de la petite cuisine. Je pris le riz du brûleur et commençai à griller le poisson
et les légumes.
- Plus de choses que moi.
- Tu vis comme un tueur en série, sans t'offenser.
- T'inquiètes pas. Hannibal est mon émission préférée.
- Je parie.
Je mis nos assiettes sur la table basse. Harry ouvrit son cartable et parla de ses recherches pendant
que nous mangions.
- Pourquoi ce ballet est-il si important pour toi ? Je lui tendis une serviette en tissu et il la drapa sur
ses genoux.
- Je ne sais pas. Je suppose parce qu'il est plein de vie. L'histoire, la chorégraphie, elle n'est pas
statique. Elle est vivante. Elle vit, respire et change. C'est comme si peu importe qui la danse, peut
l'habiter... J'ai l'impression que c'est mon histoire.
- C'est pourquoi tu as choisi le Bolshoi quand tu as eu ton diplôme ?
Sa bouche était pleine et il hocha la tête.
- Oui, ça et parce que le Bolshoi est le meilleur.
Je me souvenais encore de la fin de notre dernière année scolaire. Eleanor, Zayn, Gigi, Liam et
moi avions tous reçu des contrats du Royal Ballet Company. Gigi et Liam avaient même reçu
plusieurs contrats, mais avaient choisi de rester à Londres.
Harry avait eu le plus d'offres que n'importe quel étudiant dans l'histoire de RBS. Des directeurs
artistiques du monde entier, y compris Paris, venaient à l'école pour le courtiser, mais il n'était
intéressé qu'à une seule entreprise. Le Bolshoi. Il avait attendu, attendu et attendu, mais ils avaient
même refusé de le rencontrer. Le Bolshoi ne faisait appel qu'à des membres de sa propre académie,
formés à la méthode Vaganova, pour rejoindre la compagnie. Ils avaient des danseurs invités nés à
l'étranger au cours des années, comme Madame, mais un seul étranger avait été danseur principal,
un américain, David Hallberg en 2011. Hallberg était un danseur avéré du American Ballet Theatre.
Harry n'était pas formé à la méthode Vaganova et il n'était pas un danseur avéré.
Une semaine avant notre convocation, Harry avait fait l'impensable. Il avait communiqué avec
chacun des directeurs artistiques qui lui avaient proposé un contrat et les avait tous refusés. Nous
pensions qu'il avait perdu la tête. Les journaux qui suivaient l'histoire d'Harry l'avaient mis sur la
première page de la section des arts. "Le Garçon Anglais avec un Rêve Russe Risque Tout." Le
directeur artistique du Bolshoi était tellement intrigué par ce qu'Harry avait fait qu'il avait pris un
vol pour Londres le jour suivant.
J'étais à l'extérieur du studio quand Sergei Filin et le représentant russe étaient arrivés. Harry
n'était même pas nerveux. Il savait. Il savait que s'il pouvait avoir l'homme seul avec lui dans une
pièce pour le regarder danser, il l'embaucherait sur place et il avait raison.
Harry, le garçon qui est entré à RBS sans formation, le pire danseur de l'école qui s'est transformé
en le meilleur, avait été offert un contrat d'une entreprise qui n'avait jamais, dans son histoire de
deux cents ans, offert une place à un étudiant étranger.
Il était l'exception à toute règle.
- J'aurais aimé savoir comment tu as fait, Harry. Je léchai le dos de ma fourchette.
- Comment j'ai fait quoi ?
- Comment tu es devenu ce que tu es, il y a quelque chose à ton sujet... Tu as quelque chose que
personne d'autre n'a, je ne peux pas comprendre ce que c'est.
L'expression d'Harry se durcit.
- Peut-être que c'est exactement le contraire. Peut-être que je manque quelque chose.
- Tu as vendu ton âme, je le savais.
- Quelque chose comme ça.
Harry feuilleta les lettres scannées de 1876, toutes soigneusement organisées dans des pochettes en
plastique par date et auteur. Il avait cherché plusieurs archives à travers l'Europe pour les trouver,
mais il avait fait la plupart de ses recherches à la Bibliothèque d'État de Russie à Moscou.
Il me traduisit certaines lettres à haute voix. Je pouvais déduire à partir des expressions nuancées
d'Harry que son Russe devait être très bon.
- En combien de temps as-tu appris le Russe ? Demandai-je en frappant quelques câpres qui
échappaient ma fourchette.
- Environ un an. J'avais embauché un tuteur.
- C'est impressionnant. Je voudrais parler une deuxième langue.
- Tu parles Français.
- Pas bien.
Je fronçai les sourcils.
- J'ai toujours aimé ton Français.
Nous étions silencieux pendant une minute. Harry continua à tourner les pages de son classeur.
- Je suis vraiment intimidé par toi. Dis-je.
- Pourquoi ?
C'était si dur pour moi, mais je devais le dire.
- Tu es talentueux, célèbre et maintenant, tu as apporté cette recherche ici et je découvre que tu es
super cultivé aussi ! Je ne sais même plus comment te parler. J'ai peur de dire la mauvaise chose.
Harry baissa les yeux.
- Tu m'as dit que j'étais stupide.
- Quoi ?
- Quand nous étions à l'école, tu as dit que j'étais stupide.
Je ne m'attendais pas à ça. Je devais faire travailler mon cerveau pour comprendre de quoi il
parlait.
Notre dispute.
- Harry, je ne voulais pas... Nous nous disputions.
Il secoua la tête et posa sa fourchette et son couteau. La pluie à l'extérieur martelait la fenêtre.
- Non, tu voulais le dire.
Je ne savais pas quoi dire. J'étais un petit con quand j'étais à l'école et Harry m'avait vraiment fait
du mal ce jour-là.
- Je voulais te faire du mal aussi. Avouai-je. Je suis désolé, même après ce que tu as fait, je n'aurais
pas dû le dire.
Il serra ses mains sur son assiette.
Je touchai ses recherches, toutes soigneusement exposées et annotées dans son écriture féminine.
- C'est pour ça...?
Il me regarda.
- Je ne voulais plus être stupide.
La culpabilité m'enveloppa encore une fois. Il y avait encore tant de douleur entre nous. C'était
comme si nous n'avions jamais quitté ce dortoir. Je n'avais toujours pas oublié. Peut-être qu'Harry
ne l'avait pas non plus.
- Je suis désolé, Harry, mais personne ne m'a jamais fait de mal comme tu me l'as fait ce jour-là. Tu
étais mon meilleur ami. Ça m'a anéanti, complètement anéanti... Dis-moi que tu es désolé pour ce
que tu m'as fait. S'il te plaît.
- Louis... Ses lèvres se séparèrent d'angoisse. J'aimerais que ça ne se soit jamais produit. C'est la
vérité. Il semblait vouloir dire quelque chose de plus. Quelque chose le troublait encore. Au lieu de
parler, il me surprit en prenant mon visage en ses mains et en embrassant mon front.
Il n'a pas dit les mots "Je suis désolé" exactement, mais ce n'était pas que des mots ? Un poids
avait été soulevé. Le passé était dans le passé. Nous étions les deux enfants de l'époque. Tout le
monde avait fait quelque chose au lycée qu'ils regrettaient. Allais-je vraiment tenir le voyage à Kiev
contre lui pour toujours ? À quoi cela servirait-il ? Harry était là, il voulait évidemment arranger les
choses et je voulais retrouver mon meilleur ami.
- Amis. Dis-je en tendant la main.
Il la prise.
- Amis.
Nous avions terminé de dîner et j'avais retiré nos assiettes. Harry avait apporté du dessert: deux
crèmes anglaises dans une boîte de boulanger rose. Je détachai la corde sur la boîte et l'apportai à la
table basse.
Contrairement à Jeffrey, Harry était très gourmand. C'était le dessert le plus sucré que j'ai mangé.
J'aimais le regarder lécher le sucre en poudre de ses doigts.
Harry me parla de sa vision pour la production point par point. Il m'avait même fait une copie. Il
avait pensé à tout. Chaque détail importait, de la chorégraphie aux costumes. Il avait déjà réussi à
exercer son influence dans la plupart de ces domaines, mais il y avait encore quelques personnes qui
avaient besoin d'être convaincu, premièrement les filles, ensuite Niall et maintenant, depuis que
Maurice était parti, l'assistant chorégraphe Joni. Il m'avait demandé si j'allais le soutenir. J'avais dit
que je le ferais à la condition qu'il parlerait à Kenneth et s'assurerait que Liam ne soit pas viré.
J'avais peut-être fait un pacte avec le diable, mais c'était amusant faire un plan comme ça. J'aimais
être du même côté qu'Harry pour une fois. Ça m'avait manqué.
Nous étions assis sur le canapé: moi recroquevillé et Harry se penchant en arrière, une jambe sur
l'autre. Il expliquait les différences entre la chorégraphie originale de Vaclav Reisinger de la
production de 1877 et la chorégraphie de Petipa et Ivanov de 1895. Il parlait doucement, la lumière
chaude de la lampe faisait briller ses joues. J'essayais de faire attention à ce qu'il disait, mais j'étais
trop occupé à regarder sa bouche. Il touchait mon genou quand il faisait un point important et je lui
demandais toujours de clarifier afin qu'il continu de me toucher.
Nous avions une si profonde conversation que j'avais oublié de faire du thé ou du café. J'avais
seulement réalisé cette erreur quand Harry se leva et s'étira.
- Je dois y aller. J'ai une grosse journée demain.
- Attends ! Nous n'avons même pas pris le thé.
- Je ne devrais pas. Ça me garde réveillé.
Il faisait toujours mauvais à l'extérieur. La pluie tombait durement et rapidement comme des clous.
Harry regarda la rue par la fenêtre.
- J'espère que je peux prendre un taxi avec ce temps.
- Passe la nuit ici. Dis-je hardiment.
Il eut un grand silence entre nous.
- Ce ne serait pas approprié.
- Nous dormions ensemble tous les soirs. Dis-je, le souvenir toujours si tendre et cher.
- Nous étions juste de jeunes garçons. C'est différent maintenant.
- Nous avons dormi ensemble dans le studio. J'attrapai son poignet. Tu n'as même pas eu besoin de
tes pilules.
Il fit une pause.
- J'ai toujours mieux dormi à tes côtés.
- Viens.
Je posai une main sur le bas de dos et le conduis dans ma chambre.
ACTE III: CHAPITRE VINGT-ET-UN
- Est-ce que tu dors toujours sur le côté droit du lit ? Demandai-je en essayant de dissimuler
l'excitation dans ma voix.
- Est-ce que tu préfères encore le gauche ?
Je ris.
- Ouais.
Je tirai mon pull par-dessus ma tête tandis que Harry déboutonnait soigneusement sa chemise. Il la
plaça sur le dos de ma chaise de bureau avec son ruban d'or. Nous enlevâmes tous les deux notre
pantalon. Nous portions des caleçons noirs semblables, mais le mien était sportif et en coton avec
une bande bleue tandis que le sien, comme sa chemise et son ruban, était en soie. J'avais vu son
corps déshabillé dans le studio plus tôt ce jour-là, mais en ce moment, dans ma chambre, c'était une
autre chose pour moi. L'obscurité de la pièce faisait paraître ses membres plus doux, sa peau souple
comme la fine soie qu'il portait.
Il retourna les couvertures et toucha les draps frais.
- Est-ce que tu t'attendais à ce que ça arrive ? Il demanda.
- Je le voulais.
Il grimpa dans le lit et je pris un moment pour admirer son corps avant de monter après lui. Son
corps était un miracle. Le corps le plus célèbre du monde entier. Il semblait plus petit et plus fragile
quand il n'était pas en mouvement, comme la beauté précieuse d'un colibri au repos.
Nous nous mîmes tous les deux sous les couvertures.
Harry avait raison. Nous n'étions plus des garçons. Nous étions des hommes. Il n'y avait pas de
timidité entre nous - juste de l'envie et un désir qui n'allait pas être ignoré. Du moins, je ne pouvais
pas l'ignorer. Je voulais le toucher. Quand je tendis la main pour lui caresser la joue, il me lança un
regard curieux, sa poitrine se soulevant et tombant lourdement. Je n'avais absolument aucune idée
de ce qu'il pensait. Était-il resté juste pour dormir ou voulait-il plus ?
Je pouvais toujours deviner ce qu'il pensait quand il était plus jeune. Il avait un sourire insolent sur
son visage quand il était heureux ou amusé et une moue quand il était troublé. Maintenant, il était
impénétrable. La seule chose que je savais, c'était qu'il était à moitié nu dans mon lit.
Je flirtais sans vergogne. Je ne pouvais pas m'en empêcher. Sur mon flanc, appuyé sur mon coude,
je battais mes cils - il avait toujours aimé mes longs cils - et l'admirais. Je laissais mes doigts
vagabonder sur ses tatouages et devinais le sens de chacun. Il en avait beaucoup, alors c'était le jeu
parfait. Après avoir passé sur les tatouages sur ses bras et ses mains délicates, je traçai le papillon
sur son diaphragme avec mon doigt.
- Métamorphose. Dit-il.
- Tu crois que tu as changé ?
- Tu ne crois pas ?
- Tu as toujours été un papillon pour moi.
Harry essaya de ne pas sourire à cette phrase, mais je pouvais voir ses fossettes.
Il se rapprocha de moi et je me sentis devenir dur. Il le sentait aussi. Il ne s'éloigna pas. Je me
pressai contre sa hanche et il se tourna vers moi, son souffle sur mes lèvres. Je pensais qu'il allait
m'embrasser, mais il dit:
- Je peux te dire un secret ?
- Toujours.
- Von Rothbart n'est pas mon personnage préféré du Lac des Cygnes.
J'éclatai de rire. Naturellement, Harry choisirait ce moment pour commencer à parler du travail !
- Laisse-moi deviner. Dis-je. Odile ?
- Non. Mon personnage préféré est le prince Siegfried.
Je plissai mon front dans la confusion.
- Pourquoi tu n'as pas choisi de le jouer ?
Harry ferma les yeux.
- Parce que je voulais que tu sois mon prince.
Mon coeur.
Je me penchai et retirai la couverture de sur lui. Il devint timide et plia son genou. J'embrassai la
cicatrice qui courait le long de celui-ci, ma main remontant sur sa cuisse.
- Louis...
- Je ne peux plus t'attendre.
- Tu m'attendais ?
- Depuis que j'ai quinze ans.
Je repoussai ses cheveux sombres de son front. Les lèvres d'Harry se séparèrent dans l'anticipation.
J'étais désespéré de l'embrasser maintenant, mais je ne voulais pas que ce moment se termine. Je
voulais savourer de le vouloir, savourer qu'il me veuille lui aussi. Chaque partie de lui était une
invitation, de sa bouche mouillée à ses membres lâches et jusqu'à son teint rouge.
Lentement, je m'abaissai, une main de chaque côté de son cadre. Je pouvais sentir la chaleur de ses
joues rayonner alors que je m'approchais. Mes lèvres brossèrent les siennes et il haleta. Elles étaient
aussi douces et tendres que mon dernier souvenir d'elles et Harry embrassait encore comme si c'était
sa première fois, plein de peur et d'excitation. Je m'attardai sur ses lèvres avant d'approfondir mon
baiser.
Il ne m'embrassait pas en retour.
Ses yeux verts étaient mystérieux et opaques comme le verre de la mer. Mes lèvres se posaient
contre les siennes alors qu'il restait étendu, lointain, comme s'il était la Belle au bois dormant
attendant d'être réveillé. Ça me donnait encore plus d'envie pour lui. Je glissai une main derrière son
cou et appuyai ma bouche sur la sienne, mon autre main reposant sur son cœur. Lentement, très
lentement, je sentis son corps s'animer sous le mien. Oui, oui, oui, pensai-je alors que sa langue
remplissait ma bouche et que ses bras entouraient ma taille.
Je chevauchai ses hanches et sentis qu'il était maintenant aussi dur que moi. Nous gémissions dans
la bouche de l'autre. Je commençai à rouler mes propres hanches, me frottant contre lui alors que
nous nous embrassions.
Je me retirai légèrement pour regarder son visage et m'assurer qu'il était réel et que ça se passait
réellement. Il l'était. Ce l'était. J'embrassai ses joues, ses cils, son oreille. Je mordis son cou, un peu
plus rudement que je l'avais prévu. Harry répondit avec un gémissement rauque.
- Retournes-toi. Dis-je à voix basse.
Il hésita un instant, puis acquiesça. Je brossai ses brillantes boucles sombres loin de son dos et
l'embrassai entre ses omoplates. Avec ses muscles détendus, son dos était entièrement lisse et doux.
Je l'embrassais de plus en plus bas, le chevauchant de plus en plus bas.
Quand mes lèvres atteignirent le milieu de son dos, ma longueur pressa sur le tissu de mes sous-
vêtements contre lui. Je déplaçai mon bassin un moment contre ses fesses, imaginant par le
frottement du tissu ce que je pourrais ressentir à l'intérieur de lui dans cette position.
J'avais besoin de lui maintenant.
Je ne pouvais pas passer par les préliminaires comme je le ferais avec n'importe quel autre amant.
Harry n'était pas un autre amant. Il y avait trop d'histoire entre nous. J'avais besoin d'être aussi
proche de lui que possible. J'avais besoin d'être en lui. Maintenant.
Je me retirai de sur lui et tirai sur son caleçon en soie. Il hésita de nouveau, puis leva ses hanches
et me laissa les enlever. Mon pouls s'accéléra à la vue de son corps nu. Il était à couper le souffle,
étendu là si doucement, si innocemment, je ne savais pas si j'allais coucher avec lui ou éclater en
sanglots.
Sur mes genoux, je retirais mes propres sous-vêtements et les décrochais de mes chevilles. Je
grimpai sur lui, prenant soin de ne pas poser tout mon poids sur son corps. Ma longueur tomba
légèrement contre lui en me penchant pour lui murmurer:
- Tu veux le faire ?
- Oui. Dit-il.
J'embrassais le coin de sa bouche. Doucement, je courais ma main sur son dos et glissais mes
doigts entre ses fesses. Il était minuscule et soyeux à cet endroit et avait besoin d'être préparé. L'idée
de l'ouvrir avec mes doigts m'excitait tellement que je devenais étourdi et devais me stabiliser.
Je cherchai le lubrifiant dans la table de chevet. Harry me regardait du coin de l'œil. J'écartais ses
cuisses de mon autre main.
Il était tellement sexy comme ça, écarté alors qu'il m'attendait. Je savais à peine où commencer. Je
voulais qu'il aime ça, qu'il le veuille et qu'il en ait besoin, alors je commençais doucement et jouais
juste avec lui un peu, le caressant soigneusement.
Harry serra les draps dans ses poings.
- Tu es magnifique. Murmurai-je en le taquinant d'un mouvement circulaire doux. J'aime te
toucher... Tu aimes ça ?
- Oui. Dit-il.
Harry était un compagnon très réservé. Il parlait à peine. Il ne bougeait pas. Je passai un doigt sur
sa chair et commencé à le glisser en lui. Tout le corps d'Harry se tendit et je m'arrêtai.
- Qu'y a-t-il ?
- Rien. Répondit-il froidement. Fais-le.
- Veux-tu changer de position ? Le faire sur ton dos pendant que je t'embrasse ?
- Non. Fais-le comme ça.
Il enfouit son visage dans l'oreiller et refusa de me regarder.
Je le touchai de nouveau et son muscle se serra.
- Harry, qu'est-ce qui ne va pas ? Je pensais que tu voulais.
Je m'enlevai de sur lui et Harry se retourna. Il y avait des larmes dans ses yeux. Il s'assit, replia ses
genoux et fourra sa tête entre eux.
- Je suis désolé, Louis. J'ai gâché ce moment comme je gâche toujours tout.
De quoi parlait-il ? Pourquoi était-il si bouleversé ? Je mis mes bras autour de ses épaules.
- Tu n'as rien gâché !
- Tu as été parfait ce soir et j'ai tout foiré. Je me déteste. Dit-il, défoulant sa rage avec une férocité
qui me faisait peur.
Je lâchai un rire tremblant.
- J'ai voulu ça depuis si longtemps, Louis. Ses doigts s'enfonçaient dans mes hanches charnues
alors qu'il me léchait. Tu te rappelles de ces mignons collants gris que tu avais l'habitude de porter à
l'école ?
- J'ai pensé que tu voulais peut-être les emprunter. Soufflai-je.
Il pressa ses lèvres contre moi et murmura.
- Je voulais te les arracher et te baiser.
Jésus.
Harry commença à donner des coups de langue et embrasser les parties les plus privées de mon
corps et je pensais que j'allais devenir fou.
Je transpirais, mes cheveux se collant à mon front.
Au moment où il glissa un doigt à l'intérieur de moi, je perdis tous mes moyens et commençai à
me pousser contre sa main.
Harry était ravi.
- Tu aimes ça.
C'était une déclaration, pas une question.
Il refusait de bouger son doigt parce qu'il appréciait de voir à quel point j'étais désespéré.
Je gémis et il retira rapidement son doigt. Je tournai furieusement la tête.
- Je ne veux pas que tu jouisses maintenant.
Il allait me torturer. J'aurais dû savoir. Je sentis son sexe lourd brosser l'une de mes fesses et je ne
pouvais plus attendre.
- Harry, je-
Je sentis encore sa langue et pleurai. Sa bouche entière était sur moi, la pointe de sa langue entrant
et sortant de moi. Puis je sentis à nouveau ses doigts. Deux.
- Oui. Mon Dieu."Soufflai-je.
Harry se lécha les lèvres confortablement.
- Tu es tellement impatient, Louis. Je ne savais pas que tu serais comme ça. Je dois dire que j'aime
ce côté de toi.
Je n'étais pas normalement un amant soumis, mais je le voulais trop pour discuter.
Il écartait ses doigts et léchait toujours en même temps. J'étais sûr que j'allais avoir une crise
cardiaque.
Il examinait minutieusement ma réaction pour s'assurer que je ne jouisse pas.
- Oui. Gémis-je en arquant mon dos.
Harry s'arrêta et laissa ses doigts en place. Je l'entendis fouiller dans ma table de chevet puis le
froissement d'un préservatif. Finalement ! Je n'avais jamais été plus heureux d'entendre ce son dans
toute ma vie.
Harry était moins arrogant maintenant. Il le voulait. Il pensait à ses propres besoins. J'écartai mes
cuisses un peu plus largement et me présentai à lui correctement. Alors qu'il mettait le préservatif, il
était temps pour moi de le torturer. Je tendis ma main derrière moi et commençai à me toucher,
caressant où la main d'Harry se trouvait et glissant mes propres doigts à l'intérieur, lui donnant un
spectacle.
- Louis, tu es si...
J'avais désespérément voulu entendre la fin de cette phrase, mais je ne pense pas que Harry avait
su mettre en mots ce qu'il ressentait. Il m'avait montré à la place.
Il enleva ma main et je le sentis me pénétrer doucement. C'était une sensation totalement différente
de celle de ses doigts, plus large, plus complète et entièrement accablante. Je ne pensais pas que je
pouvais en prendre plus, mais je le voulais.
Les paupières lourdes, je le regardai par-dessus mon épaule et il examinait mon corps avec
étonnement.
- Plus. Suppliai-je.
Harry essuya la sueur sous ses yeux et poussa un peu plus loin. Je m'étirais autour de lui. Aucune
quantité de préparation ne pouvait m'avoir préparé pour cette sensation et il n'était même pas encore
complètement en moi.
Il poussa un peu plus loin et je ne pouvais même pas le prendre entièrement. Mes muscles
tremblaient. Je gémis de frustration et me penchai complètement jusqu'à ce que mes bras soient
plats sur le matelas et écartai encore plus mes cuisses.
- C'est ça. Dit-il en me caressant le ventre. Laisse-moi entrer.
D'un seul mouvement, il me pénétra jusqu'à ce que nos corps soient fusionnés. J'avais l'impression
que j'étais scié en deux. Il y avait du plaisir et de la douleur et j'étais soumis complètement. J'étais à
lui, il me possédait, il pouvait faire ce qu'il voulait de moi.
- Harry. Soupirai-je. Harry.
Ses mains se serraient sur mes hanches et je savais qu'il s'apprêtait à me prendre. Je bougeais
contre lui avec impatience, le suppliant comme je le faisais avec ses doigts.
Ses poussées étaient lentes et peu profondes au début, mais même le moindre mouvement suscitait
des gémissements hors de moi.
Puis, sans aucun avertissement, il s'enfonça durement et rapidement en moi. Ses hanches
claquaient contre mes fesses et il me martela à nouveau avec encore plus de force. Il était si fort que
ça me coupait le souffle. Le plaisir secouait tout mon corps jusqu'à ce que mes genoux tremblent.
Nos yeux se verrouillèrent. Il était en sueur et concentré, sa bouche ouverte et rouge, obscène.
Il y avait cette noirceur dans la façon dont Harry faisait l'amour, tout comme il y avait de la
noirceur dans la façon dont il dansait. Je ne la comprenais pas, mais je la voulais, entièrement.
J'avais peur de lui et en même temps je voulais me donner à lui complètement. Ça n'avait pas de
sens, mais là encore, rien avec Harry n'avait de sens.
Je faisais des sons que je n'avais jamais entendu sortir de ma propre bouche auparavant.
Harry serra son emprise sur mes hanches et faisait des vas et viens en moi de plus en plus fort.
- Louis, mon Louis, tu es mieux que je l'imaginais.
Je gémis dans le matelas.
- Tu es si obéissant, un si bon garçon. Haleta-t-il en enroulant un bras autour de mon corps.
- Je ferai tout ce que tu voudras. Soufflai-je.
C'était de la musique à ses oreilles. Il me pénétra si fortement que mes genoux cédèrent sous moi
et je m'effondrai sur le lit. Il mit tout son poids sur moi et pressa mes poignets sur les draps alors
j'étais complètement à sa merci. C'était comme s'il chorégraphiait notre ébat amoureux.
Il s'approchait de son orgasme. Je pouvais sentir l'urgence dans ses coups. "Jouis avec moi." Il
plongea ses dents dans mon épaule.
Il s'enfonça profondément en moi, frémissant, poussant plus loin et encore plus loin.
Je jetai ma tête en arrière.
- Je suis proche.
- Bien. Sa main caressa ma gorge et il devint étonnamment tendre tout d'un coup. Embrasse-moi, je
veux que tu m'embrasses quand tu vas jouir.
Je retournai ma tête et ses lèvres prirent les miennes.
Le sperme chaud qui s'échappa de moi se renversa sur mon ventre et les draps sous moi. Harry
suivit mon plaisir en entrant en moi brusquement. Nos corps frissonnaient et tremblaient ensemble.
Nous convulsions jusqu'à ce que nous soyons tous les deux complètement rassasiés.
Il resta en moi et me serra les épaules. J'aimais la sensation de son poids sur moi. Je tendis la main
derrière moi et touchai son visage.
- Harry, c'était... Je ne m'attendais pas à ça.
Il m'embrassa le cou en se retira de moi. Je grimaçai légèrement devant la perte de contact. Il
enleva le préservatif et le jeta dans la poubelle à côté du lit.
- À quoi tu t'attendais ?
Il se recroquevilla à côté de moi et nous nous fîmes face, s'embrassant même si nous étions à bous
de souffle. Les lèvres d'Harry étaient plus importantes que l'oxygène.
- Je ne sais pas, tu étais très autoritaire et contrôlant. Je suppose que je ne devrais pas être si surpris.
Il sourit paresseusement et me frotta la cuisse.
- Je n'ai jamais pensé que tu te donnerais à moi comme ça, pas dans mes rêves les plus fous.
Je me sentis rougir.
- Je ne l'aurais pas fait. Je veux dire, pas à personne d'autre.
Harry fut charmé.
- Attends. Dit-il.
Il trouva son caleçon au pied du lit, le mit et sortit de la pièce.Je m'étirai sur le lit et essayai de
comprendre ce qui venait de se passer. Je pouvais encore sentir l'empreinte des grandes mains
d'Harry sur mes hanches. Je pouvais encore le sentir en moi.
Harry entra dans la chambre avec une tasse de thé.
Je me redressai et la pris de ses mains.
- Quel service !
- Tu étais très déçu de ne pas avoir pris le thé plus tôt.
Il s'était rappelé comment je l'aimais: un peu de lait, pas de sucre. Il m'avait même apporté un
biscuit ! Bénissez-le.
Harry n'arrêtait pas d'être aux petits soins avec moi. Il avait replacé mon oreiller et me caressait la
tête, m'observant affectueusement pendant que je sirotais le thé chaud.
- Je ne t'ai pas fait mal, hein ? Il demanda.
- Non.
Nous rîmes tous les deux. Il enveloppa ses bras autour de moi et caressa ma joue avec son nez.
- Je suis désolé.
- Ça va. Ça en valait la peine.
Il sourit.
Je posai la tasse de thé vide et ramassai mon réveil.
- Très bien, à quelle heure inimaginable te réveilles-tu, Styles ?
Il la prit de mes mains.
- Ne le règle pas. Faisons la grasse matinée !
Il me traîna sous les couvertures et s'accrocha à moi comme il le faisait à quinze ans.
Je bâillai et l'embrassai, heureux, avant de fermer les yeux.
- Mon prince. Murmura-t-il.
ACTE III: CHAPITRE VINGT-DEUX

Le lendemain matin, je me redressai dans le lit et jetai un coup d'œil dans le miroir de l'autre côté
de la pièce. Mes cheveux ressemblaient à un tas de plumes et le ruban d'or d'Harry était attaché
autour de mon cou. Petit coquin. Il devait l'avoir mis hier soir parce qu'il dormait toujours à côté de
moi.
Il ouvrit les yeux et ricana.
- Je te ressemble ? Je demandai.
- Silence. Viens ici, mon bon garçon.
Il me tira de nouveau sous les couvertures et jeta une lourde jambe sur la mienne.
- Rendors-toi. Ordonna-t-il.
Je suppose qu'il était encore en charge. Je me hérissais toujours devant les ordres d'Harry dans le
studio, mais dans la chambre, sa maîtrise était infiniment plus attachante.
Je ne pouvais pas croire qu'il était ici dans mon lit. J'étais comme un enfant le matin de Noël. Je
voulais dormir et profiter du moment, mais j'étais trop excité. Je ne pouvais pas m'endormir. J'avais
essayé. Je fermai les yeux et posai des baisers aveugles sur sa clavicule. Un bâillement de chaton
s'échappa de ses lèvres et mon cœur explosa de tendresse.
J'embrassais ses lèvres immobiles en espérant qu'il reprenne vie et m'embrasse en retour.
Il mit sa main sur mon visage.
- Louis, sais-tu combien c'est rare que je fasse la grasse matinée ?
J'embrassai sa paume.
- Désolé, je vais te laisser dormir.
C'était un mensonge. Je glissai une jambe entre les siennes et me tortillai contre lui, faisant
semblant de me mettre confortable. Je sentis sa longueur sur ma cuisse. Elle était épaisse et chaude.
Je continuais à me tortiller. Ses yeux étaient fermés. Je pensais qu'il s'était endormi quand soudain
ses yeux s'ouvrirent et il me saisit par la taille.
- D'accord, tournes-toi, je veux te ravoir.
- Non.
- Non ?
- Allonge-toi.
Harry sembla incertain, mais il le fit quand même.
Je retirai les draps de sur lui. Il était déjà dur, son sexe reposant lourdement contre lui. Je me
positionnai entre ses jambes.
Les muscles d'Harry se tendirent.
- Qu'est-ce que tu fais ?
- Je suis ton bon garçon.
Je le regardai fixement et léchai son sexe de bas en haut. Il jeta sa tête en arrière et gémit.
- Oh mon Dieu !
Je le léchai de nouveau, cette fois beaucoup plus lentement, persistant sur sa chair sensible. La tête
d'Harry s'enfonçait dans l'oreiller.
Sur son front et sa poitrine, je repérai les premières gouttes de sueur. S'il était déjà dans un tel état
après quelques coups coup de langue, je me demandais ce qu'il serait une fois dans ma bouche. Je
n'étais pas encore prêt pour ça. Je continuais de le lécher en variant la pression et la vitesse. Il
devenait impatient et essayait de se pousser entre mes lèvres. Je n'allais pas céder. Je pourrais faire
ça toute la journée et j'allais peut-être le faire. J'arrêtai de le lécher, mais je continuai maintenant
avec des baisers et le changement de sensations le fit gémir. Quand j'arrivai à sa pointe et
l'embrassai lentement, il gémit bruyamment.
- Tu veux mes bisous ?
- Oui. Sanglota-t-il.
C'est alors que j'enveloppai mes lèvres autour de lui et glissai ma tête vers le bas, le prenant
entièrement d'un seul coup. Harry devint complètement fou. C'était trop parfait. Il remplissait ma
bouche et je suçais et déplaçais mes lèvres, tout son corps tremblant à chaque mouvement.
Le ruban gênait mes mouvements, alors je levai la main pour le retirer.
- Non ! Hurla Harry. Laisse-le, je l'aime.
Je souris et recommençais à le lécher et à ronronner contre sa longueur. Je me sentais sexy en
sachant qu'il aimait me voir avec le ruban. Peut-être qu'il voulait une meilleure vue.
- Je peux te chevaucher.
- Quoi ? Harry haleta, à moitié conscient.
Je pris un préservatif et le lubrifiant de la table de chevet.
- Qu'est-ce que tu- Je roulai le préservatif sur lui. Oh.
Je n'étais pas trop généreux avec le lubrifiant. Il m'avait pénétré la veille. J'étais convaincu que je
pouvais le prendre un peu plus facilement cette fois.
Alors que je m'asseyais sur lui, il prenait mes hanches dans l'anticipation.
- Allonges-toi. Dis-je.
À contrecœur, il fit ce que je lui avais demandé, se léchant les lèvres et observant mon corps
planant au-dessus de lui.
Je me laissai tomber sur son sexe. J'avais tort. Ce n'était pas plus facile. Il plaça ses mains sous moi
pour me soulager. Je gémis alors que je m'étirais, la douleur de la nuit dernière se mêlant à la
nouvelle douleur d'être pénétré à nouveau.
Lentement, je le laissais s'enfoncer en moi jusqu'à ce que je sois assis sur lui et qu'il soit
complètement à l'intérieur. Nous échangeâmes un regard significatif. Je lui souris et plaçai mes
mains sur sa poitrine. Doucement et progressivement, je me mis à bouger. Je roulais mes hanches
alors qu'il était profondément en moi. Harry leva la main pour me toucher la gorge. Il passa ses
doigts sur le ruban.
- Louis, oh Louis, je-
- Je sais. J'embrassai ses mains.
J'utilisais mes cuisses pour me relever. Et une fois que j'étais prêt, je commençai vraiment à le
chevaucher.
Il me regardait la bouche ouverte. Je me concentrais sur lui et sa respiration, accélérant et
ralentissant pour le rendre complètement fou.
Harry attrapa mes hanches et commença à me déplacer à son propre rythme, qui était plus direct,
moins ludique.
Je frappai ses mains.
- Arrête, Harry.
- Arrête de plaisanter.
- Je ne plaisante pas. J'essaie de te faire sentir bien.
- Je me sens trop bien !
- C'est le but !
Harry ne pouvait pas s'en empêcher. Chaque fois que je repoussais ses mains, elles retrouvaient leur
chemin sur mes hanches. Il aimait tellement contrôler que même quand il avait du plaisir, il fallait
qu'il en soit en charge ! Je dus lier mes doigts avec les siens pour l'arrêter.
- Détends-toi.
Pour ma part, j'avais beaucoup plus de difficultés à me concentrer sur son plaisir et me perdais
plutôt dans le mien. Je fermai les yeux et ma tête tomba en avant. Je mis tout mon poids sur lui et
faisais des mouvements circulaires avec mes hanches. Il était si profond. Je ne savais pas si c'était sa
taille ou le fait que c'était lui, mais je n'allais pas tenir longtemps. J'allais jouir en premier. Comment
c'est possible ? Je me dis avec incrédulité.
Sentant ma faiblesse, Harry se poussa à l'intérieur de moi et je jouis, me répandant sur lui et moi
avec un soupir guttural. Il saisit le moment et se détacha de mon emprise. Il me griffa le dos et
m'embrassa frénétiquement, me soulevant lui-même. J'étais tellement emporté par mon propre
orgasme que ses lèvres sur les miennes étaient euphoriques. Il me serra contre lui, si serré que l'air
avait quitté mes poumons et vint profondément en moi avec un gémissement. Je m'effondrai comme
une poupée de chiffon dans ses bras et il me tint un long moment, sa joue en sueur sur mon épaule.
Il ne voulait pas lâcher prise.
Je n'étais pas sûr comment nous allions sortir du lit ce matin-là, ou jamais. Dès que nous finissions
de faire l'amour, l'un de nous ou les deux voulions encore le faire. Et encore. J'étais endolori, mais je
ne m'en souciais pas. J'allais devoir être mort pour arrêter de vouloir Harry à l'intérieur de moi. La
seule chose qui me calmait était ma curiosité à son sujet. D'une certaine manière, il semblait comme
mon vieil ami, mais d'une autre, il était un complet étranger.
Tandis que je passais ma main le long de sa cuisse, redécouvrant chaque centimètre de son corps, je
fus pris de panique. Et si ce moment n'est pas récurrent? Nous n'avions pas vraiment discuté de ce
que nous ressentions l'un pour l'autre. Je ne savais même pas s'il avait eu des relations sérieuses à
Moscou. J'étais persuadé qu'il avait laissé derrière lui des petits amis magnifiques. Et s'il avait eu
une grande relation sérieuse que je ne connaissais pas ? Harry était l'amour de ma vie, mais c'était
incertain que je sois l'amour de sa vie aussi. Nous n'étions même pas ensemble à l'école et je ne
pense pas que j'étais si important pour lui après ce qu'il m'a fait.
Je ne voulais pas paraître comme si j'étais amoureux de lui après une nuit. Il penserait que je serais
collant et totalement pathétique - ce que j'étais bien sûr, mais je ne pouvais pas le laisser savoir !
Harry était couché avec ses mains derrière la tête, les yeux fermés. Je posai mon menton sur sa
poitrine.
- Alors, as-tu eu beaucoup de petits amis à Moscou ?
Il ouvrit un œil soupçonneusement.
- Quoi ?
- Aller, il devait y avoir quelqu'un. Qui était le comte Vronski de ta Anna Karénina ? Était-il un
danseur ? Étais-tu amoureux de lui ?
J'étais déjà jaloux de cet homme et je ne savais même pas s'il existait.
Harry rit doucement et retira un cil tombé sur ma joue.
- Je pense que tu dois relire ce livre. Et non, il n'y avait pas de petit ami.
Je pesai cette information dans mon esprit. Harry avait signé avec le Bolshoi juste après l'école. Je
savais qu'il n'avait pas eu de petits copains à RBS et s'il n'avait pas eu de petits amis à Moscou, cela
signifiait qu'il n'avait jamais eu de relation sérieuse. Jamais.
Je pensais que le pire scénario était qu'il avait eu un grand amour qui était beaucoup mieux que
moi. Mais et si Harry n'avait jamais eu de petit ami parce qu'il pouvait avoir autant d'hommes qu'il
le voulait et qu'il ne voulait pas avoir de relation sérieuse ?
Je me laissai tomber sur l'oreiller à côté de lui dans le désespoir. Je ne serais jamais assez bon pour
quelqu'un comme lui. Comment je pouvais même y penser, même pour une seule seconde ?
Harry roula sur son flanc et enleva le drap sur moi, observant mon corps nu.
- Tu devrais t'habiller avant que je ne te baise encore.
J'avais peur de m'habiller. Qu'allait-il se passer s'il accomplissait juste une fantaisie d'adolescent et
maintenant qu'il m'avait eu, il en avait assez avec moi. C'était peut-être ma seule chance d'être avec
lui !
Quand il vit que je ne bougeais pas ou ne répondais pas, il me demanda :
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
- Suis-je juste une aventure d'un soir ? Je devais paraître hystérique. Je devais rester calme.
Harry était amusé.
- C'est midi, alors non.
- Je suis sérieux ! Est-ce que je le suis vraiment ? Je préfère savoir maintenant avant que tu te
décides de m'ignorer au travail.
Il sourit et me frotta les cheveux. S'il essayait de me rassurer, il le faisait très mal.
- Ce n'est pas ça. Dit-il enfin, et se leva.
Ce n'était pas exactement la déclaration d'amour que j'espérais, mais c'était assez bon pour moi.
Il s'était douché en premier et j'avais pris une douche juste après. Quand j'étais sortis de la salle de
bain, je l'avais trouvé étendu sur mon lit avec encore une serviette autour de la taille, profondément
absorbé dans un roman.
- Regarde ! Dit-il en montrant le livre - un roman horrible de James Patterson. J'ai trouvé un tas de
livres dans ton panier à vêtements sales !
- Je détournai les yeux, embarrassée. Je me demande comment ils sont arrivés là, hum, ils doivent
être à Jeffrey. Je ne lis pas ce genre de chose.
Il haussa les épaules et tourna la page.
Harry avait décidé de porter son pantalon de la journée précédente, mais je lui avais prêté un sweat-
shirt et des vêtements de danse.
J'avais pris un collant gris pour moi, ce qui l'avait fait sourire, et la plus petite paire de shorts de
danse que je pouvais trouver pour lui.
- Tout le reste est dans le lavage. Avais-je dit rapidement en fermant le tiroir.
Nous avions décidé de marcher jusqu'à l'Opera House. Harry n'était pas confiant dans ma capacité
à marcher après nos activités de la nuit précédente et ce matin-là. Il voulait prendre un taxi. J'avais
insisté que je pouvais le faire. J'étais inconfortable, mais je ne voulais pas laisser passer la chance de
passer plus de temps avec lui et peut-être tenir sa main.
Il faisait des longs pas et regardait devant lui en parlant de la nouvelle chorégraphie. Ses bras se
balançaient trop largement pour que je le saisisse. Je me sentais comme si j'étais à l'école primaire,
essayant de faire mon premier pas vers un garçon. À un arrêt, je pris sa main et essayai de paraître
décontracté. Il regarda nos mains avec surprise.
Je n'avais pas pensé de demander si je pouvais faire quelque chose d'aussi innocent que de lui tenir
la main, mais peut-être que je devrais.
- Je peux ?
Il cligna des yeux.
- Ça va. Dit-il. C'est juste. Il rit. Je pense qu'un garçon ne m'a jamais tenu la main auparavant.
Quoi ! J'étais outragé. C'était vraiment un crime contre l'humanité. Qui étaient ces amants qu'il
avait eus à Moscou ? Des idiots, clairement.
Harry marcha maladroitement à côté de moi. Je pouvais dire qu'il n'avait jamais été en couple.
Quand je lâchai sa main pour fixer mon sweat-shirt, il paniqua et mit ses mains dans ses poches.
Je frappai son poignet pour lui tenir la main et timidement, il la ressortit.
Quand il était dans la chambre à coucher et en charge, il était confiant, mais il n'était pas habitué au
sentiment d'une relation. C'était déjà un défi pour lui et nous avions à peine parcouru la rue !
J'étais complètement le contraire: je pensais déjà à faire les courses et cuisiner avec lui, acheter des
meubles appropriés pour son appartement spectaculaire, regarder des vieux films...
- Tu es silencieux. Dit-il. À quoi tu penses ?
- Le travail.
Nous arrivâmes à l'Opera House un peu après deux heures de l'après-midi. Il n'y avait pas de
répétition prévue depuis le départ de Maurice. L'administration se regroupait encore. Eleanor et
Gigi étaient seules dans le studio B. On aurait dit qu'elles avaient répété toute la matinée. Je cognai
sur la fenêtre et Gigi lança sa bouteille d'eau sur le verre.
Argh.
Harry et moi trouvâmes un studio vide et nous nous mîmes au travail.
J'avais trop mal pour danser, mais je devais essayer. Nous avions décidé de commencer par mes
danses qui nécessitaient un partenaire. Je me mis dans ce collant gris que Harry aimait tant et un t-
shirt blanc ajusté. Harry était sans chemise dans mes shorts de danse noire. Ils étaient trop petits
pour lui, ce qui était... distrayant.
- Veux-tu que je sois ton cygne blanc ou ton cygne noir ? Demanda-t-il.
- Cygne blanc. J'étais dans d'une humeur romantique.
Nous commençâmes aux extrémités opposées du studio avec l'entrée. Nous nous rencontrâmes
avec éclat au centre et nous nous plaçâmes l'un à côté de l'autre pour exécuter l'adagio.
Dans l'adagio, la ballerine effectuait des mouvements lents et soutenus pendant que le danseur la
soulevait. Je devais maintenir une apparence équilibrée et une force apparemment sans effort tout en
fournissant un soutien pour la ballerine, ou dans ce cas, Harry. Je le soulevais, le tenais dans mes
bras et le stabilisais pendant les tours, lui offrant un bras stable pour l'utiliser comme une barre alors
qu'il effectuait des exploits qui lui seraient impossibles seul.
Ces exploits se révélaient impossibles de toute façon parce que je ne pouvais pas tenir Harry sans
l'embrasser. Alors qu'il exécutait les mouvements lents et languissants de Gigi, je tenais sa taille par-
derrière et pressais ma longueur contre lui. Me laisserait-il un jour l'avoir ainsi ? Je me demandais.
Ne l'avait-il pas fait ou n'était-il pas prêt à le faire avec moi ?
Harry sentit mon excitation et brossa ses longs cheveux sur le côté afin que je puisse embrasser son
cou.
- Tu es détendu. Commentai-je.
- Je me sens... en sécurité.
C'était une chose étrange à dire, surtout de quelqu'un qui était si puissant. Je ne pouvais pas
imaginer Harry avoir peur de quoi que ce soit.
Nous nous embrassions en faisant notre chemin vers la barre. Ses mains volèrent à mes cheveux et
les miens dans son short. Il fut surpris une seconde, mais sa langue remplit ma bouche et il
m'embrassa plus fort. Cela m'envoya dans une frénésie. J'écartai ses fesses avec mes paumes et je
commençai à le toucher doucement. Sa respiration devint lente et lourde.
Au moment où les choses se réchauffaient entre nous, l'un des jeunes danseurs du corps de ballet
ouvrit la porte du studio.
Ses yeux s'élargirent à la vue de Siegfried et de Von Rothbart entrain de jouer à touche pipi.
- Oh putain, désolé. Balbutia-t-il. Liam m'a demandé de...
- Laisse-nous ! Hurla Harry.
Le danseur se retourna et sortit en courant du studio.
Ma tête tomba en avant et je ris sur la poitrine d'Harry.
- Tu ne peux pas parler aux gens comme ça !
- Pourquoi pas ?
- Parce que ce n'est pas sympa ! En plus, nous n'avons pas besoin de plus d'ennemis.
Je me demandais ce que voulait Liam, mais je passais un bon moment avec Harry, je ne voulais pas
le découvrir.
Harry voulait continuer à répéter, mais j'avais trop mal pour faire quelque chose de plus imposant
que l'adagio. Au lieu de cela, je me pris une boîte de jus de la machine distributrice. Je m'allongeai
sur le plancher du studio et observai Harry répéter son solo dans mon short minuscule. Ça, c'était la
vie !
Quand je le regardais danser avant, c'était difficile d'oublier nos différences et le mal qu'il m'avait
causé, mais maintenant que j'en étais libre, je pouvais apprécier sa danse pour ce qu'elle était. Avoir
un corps comme le sien qui pouvait se déplacer si gracieusement avec une telle vitesse et puissance
devait être comme conduire une Lamborghini.
Cette fois, Liam entra dans le studio. Je me redressai.
- Salut les gars.
Harry arrêta de danser et posa ses mains sur ses hanches, sa poitrine se gonfla.
- Puis-je vous voir tous les deux dans mon bureau ?
- Ça dépend. Dis-je en suçant ma paille. Est-ce que nous avons des problèmes ?
Liam ne m'avait pas trouvé mignon ou drôle.
- Maintenant.
Harry continua de danser.
- Je suis occupé.
Liam leva ses mains en l'air, incrédule.
- Harry !
- Tu as entendu l'homme. Hurlai-je. Il est occupé !
Je suivis Liam dans son bureau où Kenneth m'attendait derrière le bureau de Liam. Il tenait son iPad
devant lui. Il est myope et n'avait pas ses lunettes. Liam s'assit en face de lui et je fis de même. Je ne
savais pas à quoi m'attendre. Une leçon ? Un avertissement ?
Il soupira quand il vit que nous étions tous les deux.
- Où est Harry ?
- Il ne voulait pas sortir du studio. Dit Liam.
Kenneth fronça les sourcils.
- Ce n'est pas acceptable. Louis va le chercher. Je m'en fous si tu dois le traîner à coups de pied et
en criant.
Je croisai les bras.
- Non. Il n'aime pas qu'on le dérange quand il travaille.
Kenneth et Liam échangèrent des regards.
- Voici le nouveau chien de garde d'Harry. Dit Liam.
Je remuai mes sourcils.
- Woof.
Kenneth se frotta les tempes.
- Louis, cette compagnie a de sérieux problèmes en ce moment à cause du comportement d'Harry.
Tu étais le plus critique-
- J'ai changé d'avis, il est un génie magnifique et mon meilleur ami.
Liam en avait assez. Il ramassa un dossier sur son bureau et me remit une copie du nouvel horaire
de répétition.
- Gigi et Eleanor l'ont accepté ?
Liam hocha la tête, examinant soigneusement ma réaction.
- Cool. Je suppose que Joni peut s'en occuper maintenant.
Je souris. Joni, la chorégraphe assistante était totalement terrifié d'Harry. Il serait facile de la
convaincre d'aller de pair avec la vision d'Harry.
Je me levai et jetai mon sac sur mon épaule. Je meurs d'envie de dire à Harry la bonne nouvelle.
- Pas si vite. Dit Kenneth. Joni ne prend pas la relève de Maurice.
- Nous avons un autre chorégraphe invité. Dit Liam.
Je grognai. Tout tombait à l'eau. J'imagine que ça allait être quelqu'un qui n'allait pas se laisser
marcher sur les pieds.
Normalement, je faisais une crise si les choses n'allaient pas comme je le voulais avec
l'administration et je pense qu'ils n'attendaient que ça, mais je me sentais mal pour Liam et la
position difficile dans laquelle il était, alors j'essayais de garder les choses civiles.
- Est-ce vraiment nécessaire ? Nous sommes si près de la répétition générale. Nous connaissons la
chorégraphie, nous sommes tous très compétents.
Kenneth se leva et rassembla ses affaires. Liam lui tendit son veston en tweed.
- Le chorégraphe ne sera pas là pour vous enseigner la chorégraphie. Nous l'avons pris pour
contrôler cette situation, contrôler un danseur en particulier.
Je n'appréciais pas son ton. Harry n'était pas une sorte d'animal.
- Qui est-il ?
- Je te laisserai savoir quand les papiers seront signés... Je dirais qu'il n'est pas comme Maurice.
- Quand commence-t-il ? Demandai-je en suivant Kenneth par la porte, tapotant son épaule comme
un enfant inquiet.
- Demain. Il y a une réunion obligatoire pour toute la compagnie à neuf heures. Il regarda au bout
du couloir la porte du studio. Dit à ton génie magnifique d'être à l'heure. Notre invité n'aime pas
attendre.
Et avec cela, Kenneth monta la petite cage d'escalier, ses pas retentissant derrière lui.

ACTE III: CHAPITRE VINGT-TROIS


Je courus le long du couloir sinueux pour retrouver Harry. Je passais devant le babillard et le studio
A où je remarquais un groupe du corps de ballet étirant leurs chevilles battues et remplissant leurs
bouteilles d'eau. Je m'arrêtai pour les saluer. J'avais toujours été amical avec eux. J'étais allé à
l'école avec certains et d'autres venaient à ma fête avant les vacances depuis des années.
Ils me tournèrent le dos.
Quand j'arrivai dans le studio B pour rejoindre Harry, Zayn était là à sa place, pratiquant ses
fouettés. Son cadre léger lui permettait de lever et de déposer son pied avec vitesse alors qu'il
tournait, tournait et tournait.
- Où est Harry ?
Zayn renversa sa crinière couleur d'encre sur un côté. Il tendit la main vers la chaîne stéréo et prit
une serviette accrochée à la barre.
- J'aurais dû savoir que tu n'étais pas là pour me voir.
Les choses d'Harry n'étaient plus là et tout ce qui se trouvait dans le coin était le sac de gym de
Zayn.
L'air sentait la sueur, celle d'Harry et de Zayn.
- Je suis désolé.
- Dis-le à quelqu'un qui s'en souciera. Peut-être Gigi, Maurice, Liam ou les autres que Harry a
réussi à pourrir la vie avec ton aide les accepterons.
J'avalai difficilement. Je n'étais pas prêt à subir les conséquences de l'intervention et ce que cela
signifiait pour l'entreprise. Égoïstement, je ne voulais pas y faire face. Tout ce que je voulais, c'était
Harry, je vivais dans une bulle imperméable au monde qui m'entourait.
- Je ne peux pas croire que tu l'aies laissé te manipuler. Dit Zayn, épongeant sa serviette sur sa
nuque pour absorber les perles de sueur.
- Je sais que ça sonne cliché, mais il a changé.
- Non, pas lui. Toi.
- C'est toi qui m'as dit de passer à autre chose et d'être ami avec lui !
- Je t'ai dit d'être cordial. Tu es son collègue, pas son esclave !
Ce n'était pas comme ça. C'était merveilleux d'être nécessaire à Harry, de lui être utile. Il était mon
cœur. Ses désirs étaient mes désirs.
- Harry est ce qu'il est. Dit Zayn en marchant vers moi, ses muscles tendus. Mais tu étais notre ami.
Tu étais censé être là pour nous.
- Je suis désolé. Dis-je doucement, incapable de rencontrer son regard. Je me regardai dans le
miroir. Peut-être que Zayn avait raison. J'avais changé. Il était impossible que je sois la même
personne après ma nuit avec Harry.
Je me dirigeai vers la porte. Zayn m'arrêta.
- Il est dans sa loge.
- Merci. Je pressai mes lèvres dans un sourire conciliant.
Il roula ses pantalons de survêtements et alluma de nouveau la chaîne stéréo. Le son sirupeux du
violoncelle se répandit dans les enceintes du studio et remplit la salle. Je ne pouvais presque pas
entendre Zayn quand il parla encore.
- Ne viens pas ramper vers nous quand il te blessera. Il te blessera, Louis.
Je quittai le studio.
La loge d'Harry était juste à côté de la mienne. Je rentrai tout d'abord dans le mien et posai mon sac
près de la porte. L'endroit était en désordre - le maquillage de scène traînait sur la coiffeuse, il y
avait des vieilles pantoufles et des collants déchirés sur le sol, des rouleaux de ruban adhésif de
premiers soins et des gazes.
Je devais faire attention. C'était ma vie. Zayn, Gigi, Eleanor, Liam et Niall étaient tous là pour moi.
Harry pourrait quitter la compagnie du jour au lendemain. Qui étais-je sans mes amis, les gens que
j'aimais, qui m'aimaient ? Combien étais-je prêt à risquer pour qu'Harry puisse m'aimer un jour ? La
réponse était étonnamment simple: je risquerais tout.
Après m'être changé en mes vêtements de tous les jours, j'allais à la loge d'Harry. Les lumières
étaient éteintes et il n'y avait aucun bruit. Je supposais qu'il était déjà parti quand je vis quelque
chose bouger dans l'obscurité.
- Je ne veux pas que tu me voies comme ça.
- Harry ?
J'allumai les lumières. Il était blotti dans le coin avec un paquet de glace sur son genou et sa tête
basse, prenant des respirations lentes et profondes.
- Pars. S'il te plaît.
- Non. Je m'agenouillai à côté de lui et lui pris la main. Je peux faire quelque chose ?
Il leva enfin la tête. Ses yeux étaient vitreux et gonflés, ses boucles lâches et en sueur, collées à ses
joues.
- J'ai besoin de mes pilules.
Rapidement, je ramassai ses affaires. Il n'avait pas la force de s'habiller, alors j'enveloppai mon
sweat-shirt autour de ses épaules. Il se pencha sur moi en se levant. Il ne faisait aucun bruit, mais je
pouvais dire par la veine sur son front qu'il était dans l'agonie. Il plaçait tout son poids sur moi alors
que nous descendions les marches extérieures du Royal Opera House. C'était plus difficile pour lui
que la douleur. Être vu comme ça. Être faible.
J'arrêtai un taxi. Sa tête restait sur la fenêtre tout le chemin du retour, le ciel gris de Londres
indistinguable devant son teint pâle. Alors que j'essayais de l'aider à sortir du taxi quand nous
sommes arrivés chez lui, le chauffeur n'arrêta pas de demander s'il devait appeler une ambulance.
- Je vais bien ! Hurla Harry.
Le chauffeur redémarra.
Nous utilisâmes l'ascenseur pour monter à son appartement. Une fois à l'intérieur, je cherchais
autour désespérément un endroit où le poser. Il n'y avait pas de meubles, juste du parquet
fraîchement ciré et la grande vitre qui exposait ce pauvre garçon qui ne voulait rien de plus que de
se cacher.
Il me lâcha et entra dans la cuisine. Il renversa le mélangeur en essayant de se rendre à l'armoire
qui abritait son médicament. Je lui versai un verre d'eau. Il fit tomber deux pilules dans sa paume et
les avala avec l'eau. Il appuya le verre froid sur son front et se pencha contre le comptoir, respirant
lourdement.
- Où est ton lit ? Demandai-je, mettant son bras autour de mon épaule.
- À l'étage. Dit-il au bord des larmes. Juste l'idée de monter ces escaliers était atroce pour lui.
Avec son bras autour de mon épaule, je me penchai et le pris dans mes bras.
- Tu ne peux pas. Je suis trop lourd.
- Je peux le faire.
Il était lourd et je devais m'arrêter à chaque marche, mais je ne pouvais pas le laisser essayer de
monter par lui-même.
Sa chambre était sur le palier supérieur de l'appartement. C'était ouvert, mais si haut que vous ne
pouviez pas voir ce qui se passait à partir de l'étage en dessous. Le lit d'Harry était au fond de cette
alcôve, comme un trésor caché. Ce que j'avais attendue de voir quand j'étais entré dans
l'appartement se trouvait ici dans cet espace minuscule qu'il ne montrait à personne.
Sa literie était d'un bleu tiffany en satin jacquard avec une tête de lit en velours avec des boutons
dans le style victorien. Il avait des douzaines d'oreillers de toutes formes et de toutes les tailles
agencés harmonieusement à la tête du lit. À côté de son lit, il y avait une petite table de nuit en
acajou ornée de rosettes sculptées avec une pile de livres. Quelques petites peintures
contemporaines et quelques plus grandes qu'il n'avait pas encore suspendues reposaient sur le mur.
Des étagères avaient été construites dans les murs. C'était comme dormir dans une bibliothèque, je
pensais. Il y avait un énorme placard qui était presque aussi grand que la chambre avec tous ses
beaux vêtements, une collection aussi colorée et variée que ses livres et ses œuvres d'art.
Je devais déplacer certains des oreillers pour préparer le lit. Je le déshabillai, enlevant le sweat-shirt
de ses épaules et retirant ses chaussures, jusqu'à ce qu'il soit juste dans son petit caleçon noir. Les
médicaments commençaient à faire leur effet. Son front n'était plus froncé et ses bras et ses jambes
étaient détendus dans mes mains. J'enlevai mes propres chaussures et me couchai à côté de lui.
Je ne voulais pas poser la question que nous pensions maintenant tous les deux, mais je le devais.
- Comment peux-tu danser comme ça ?
- Je vais bien.
- Non, tu ne vas pas bien.
Il prit ma main et la tint comme je l'avais tenu plus tôt.
- Je vais bien. J'ai de bons jours et de mauvais jours. C'était un mauvais jour.
- Je ne veux pas que tu aies de mauvais jours.
- Cette journée n'était pas complètement mauvaise. Dit-il en serrant ma main.
Mon esprit s'envola et pendant une fraction de seconde, j'avais cessé de m'inquiéter. Mais je ne
pouvais pas arrêter de m'inquiéter, pas vraiment. J'étais déchiré entre le harceler avec des questions
et les laisser tomber. Son expression fatiguée me disait de changer de sujet, du moins pour le
moment.
- J'aime ta chambre. Dis-je. C'est chic, comme toi.
Il sourit, ses yeux verts joyeux.
- Ma chambre à Moscou était encore plus chic.
- Je parie ! Pourquoi tu ne décores pas l'étage du bas ? Toutes tes affaires sont entassées ici.
Ses yeux se déplacèrent sur ses livres et la peinture d'un jeune garçon endormi sur les genoux de sa
mère.
- Je n'aime pas que les gens regardent mes affaires.
- Sauf moi ? Demandai-je avec espoir.
- Sauf toi.
Alors que les médicaments faisaient leur travail, une accalmie remplît Harry. De façon inattendue,
il se rapprocha et embrassa ma joue. Son souffle brûlant ressemblait au soleil contre mon visage. Il
voulait être tendre, ce qui me surprenait. Il était normalement beaucoup plus direct dans ses
affections.
- Harry, quand tu te sentiras mieux, je veux sortir avec toi.
- Oh ?
- Pour dîner peut-être, ou à la maison d'été de ma famille pendant le week-end. Un endroit bien.
- C'est sympa. Il caressa mon oreille avec son nez.
- Je peux te dire un secret ? Dis-je .
- Toujours.
Cela allait être un peu embarrassant à admettre.
- J'avais prévu un rendez-vous pour nous... quand nous étions à l'école.
Harry inclina la tête.
- Vraiment ?
J'étais nerveux et mis mes mains sous les couvertures.
- Je voulais t'emmener à ton premier ballet, alors j'avais économisé et acheté des billets pour Le
Songe d'une nuit d'Été. C'était juste une petite entreprise régionale à Birmingham, mais je pensais
que nous pourrions passer une bonne soirée.
- Pourquoi ne m'y as-tu pas emmené ?
- Le jour après avoir reçu les billets, Beauchamp t'a invité à Paris pour la soirée d'ouverture du Lac
des Cygnes à l'Opéra de Paris. Je ne pouvais pas rivaliser avec ça, je voulais que ton premier ballet
soit spécial. C'était mieux avec lui. Concédai-je.
- J'aurais aimé être avec toi. Dit-il tranquillement.
Je l'approchai et lui embrassai le front. Dans ma tête, je pensais à toutes les choses que j'aurais dû
dire et faire quand nous étions à l'école. Si je pouvais tout recommencer, je lui aurais raconté
comment je me sentais la première nuit où il avait dormi dans ma couchette. J'aurais fait de lui mon
petit ami et l'aurais emmené à son premier ballet. Je l'aurais pardonné quand il m'avait blessé parce
qu'au fond je savais qu'il était bon. Je ne pouvais pas expliquer comment je savais tout ça à Zayn ou
à Liam, mais j'en étais sûr.
Harry glissa une main sous mon t-shirt. Son touché était plus précis maintenant. Sa respiration
s'accéléra. Il voulait être intime et je savais que s'il me le demandait, je me conformerais parce que
je ne savais pas comment lui dire non.
Je ne cédai pas devant ses avances. Les médicaments le faisaient surestimer sa propre force. Il avait
besoin de repos. Le voir dans ce genre de douleur plus tôt m'avait choqué.
Il ne s'arrêtait pas. Il accrocha sa jambe autour de moi pour que son genou blessé repose sur ma
cuisse.
- Aller, enlève tes vêtements. Dit-il doucement.
Je lui tapotai l'épaule.
- Tu ne veux pas ?
J'étais dans un état permanent d'envie quand j'étais avec lui.
- Tu avais tellement mal plus tôt. Je ne voulais pas condescendre, mais j'étais vraiment inquiet.
- Touches-moi. Dit-il.
- Quoi ?
- Fais-moi des choses. Je ne bougerai pas mon genou. Je le promets.
Je souris légèrement à moi-même. Eh bien, eh bien. Face à la perspective de ne pas avoir de sexe,
Harry était prêt à me donner le contrôle pour une fois. C'était nouveau.
Alors, pensai-je, pourrais-je un jour m'y habituer ? Être seul dans un lit avec Harry ? Être touché
par lui ? Lui me demandant de le toucher ? Non. Impossible.
Je me débarrassai de mes vêtements excepté mon caleçon. Les yeux d'Harry se mouvèrent sur mon
torse nue jusqu'à mon derrière. M'allongeant sur mon flanc, j'inclinai son menton vers moi et posai
mes lèvres sur les siennes.
Je plaçai une main entre ses jambes et ses joues devinrent rose vif.
Le palpant, il devint rapidement dur. Ça allait être bien, pensais-je. Je le caresserais un peu et le
sentirais jouir dans ma main.
Harry avait d'autres plans.
- Fais ce que tu m'as fait dans le studio. Dit-il.
- Danser ?
- Non, l'autre chose.
Il roula sur son ventre. J'essayais de chercher son expression pour comprendre ce qu'il voulait, mais
il l'enterra dans l'oreiller.
- Juste tes mains. Dit-il brusquement.
- D'accord.
Je posai une main sur son petit dos et le caressai doucement. Je pensais que c'était ce qu'il voulait
dire, mais alors il descendit et sortit de son boxer, le laissant tomber de ses chevilles.
- Oh.
Juste mes mains. Cela allait être une véritable épreuve de retenue, je pensais, mes yeux voguant sur
son corps magnifiquement exposé.
Je serrai sa chair entre mes doigts et il sursauta un peu. J'adoucis mon contact. Les poils sur sa peau
se dressaient tandis que je traînais mes doigts le long de sa cuisse.
Il était trop tendu pour ouvrir ses jambes pour moi alors je glissai mes doigts entre elles, caressant
les parties les plus délicates de lui.
Je commençais à me sentir faible, ma propre longueur palpitant à côté de lui. Je l'ignorais, ou
plutôt, je prenais cette énergie et la mettais dans mes mains.
J'essayais de chercher un signe qu'il aimait ça. Il était calme et immobile comme une statue. Avec
mon autre main, je repoussais les cheveux de son cou et l'embrassai.
- Je tiens à toi, Harry.
Il leva légèrement la tête.
- Laisse-moi te faire du bien.
Harry prit une profonde inspiration et écarta lentement ses jambes.
Juste ce geste minuscule fit arrêter mon coeur. La vue de lui tout exposé. Je ne pouvais pas faire ça.
Je le voulais trop.
Mes doigts glissèrent entre ses fesses. Harry haleta. Je le sentais. J'explorais la peau lisse. C'était
encore mieux que je l'imaginais. Souple et doux.
- Oh, Harry. J'appliquai plus de pression. Tu es si bon ici.
Il arqua son dos et gémit à mon contact.
C'était fou. Mes doigts ne se trouvaient même pas en lui.
Il redressa sa tête.
- Embrasse-moi.
J'écrasai mes lèvres contre les siennes et fis des mouvements circulaires sur se petit muscle avec
mes doigts. C'était la première fois que je voyais cette étincelle dans ses yeux quand je le touchais
de cette façon.
- Je veux être à l'intérieur de toi. Dis-je.
Désespérément, il ne dit rien en retour.
Au lieu de cela, il plia légèrement son genou, s'exposant encore plus.
Il était tellement sans défense à ce moment-là que je savais que je pouvais le prendre si je le
voulais. Je savais qu'il gémirait, pleurait et tomberait en morceaux autour de moi. Je savais que ça
serait incroyable.
Je me mis derrière lui et je lui tins les hanches.
J'imaginais ce que ce serait d'être en lui. Me pousser à l'intérieur de lui après l'avoir à peine
préparé. Sentir son étreinte m'envelopper.
Voilà comment c'était censé être.
Qu'est-ce que nous attendions ?
- Je veux être à l'intérieur de toi. Dis-je encore.
Harry ne dit rien.
Ma tête tomba sur son dos.
- S'il te plaît, laisse-moi t'avoir.
Pourquoi ne parlait-il pas ? Pourquoi ne me laissait-il pas entrer en lui ?
Je mis ma bouche sur son intimité, l'embrassant et le léchant fébrilement.
- Louis... Harry gémit.
Je le suppliais maintenant.
- S'il te plaît. Je t'adore.
- C'est tellement...
Maintenant, il ne pouvait pas être aussi exposé . Il s'écarta avec ses mains et se repoussa contre ma
bouche.
Je pressai mes lèvres contre lui, mon souffle réchauffant sa chair molle et souple.
- S'il te plaît. Je vais mourir si je ne suis pas en toi.
Harry était totalement impuissant, se tordant contre mes lèvres.
Je retirai ma bouche pour reprendre mon souffle.
Il poussa un cri étranglé.
- Reviens !
- Bébé.
J'enterrai mon visage dans sa chair et tendis la main sous lui pour prendre sa longueur dans ma
main.
- Oui. Souffla-t-il.
Je posai un long baiser lent et humide sur sa peau tendre et il jouit partout sur ma main et mon
poignet.
Le sang battait dans mes oreilles. J'étais tellement dur que j'avais mal.
Harry était couché sous moi, fatigué et faible. Je roulai à côté de lui et il était avachi, sa tête sur
l'oreiller, ses boucles sombres peintes de sueur. Je ne pouvais pas lui demander de faire quoi que ce
soit pour moi. Il était épuisé.
J'étais sur le point de m'occuper de moi-même quand Harry se remua à mes côtés. Ses jambes
étaient encore écartées, il était rose et luisant. Oh mon Dieu, son corps était parfaitement préparé et
mendiant. Je ne pouvais pas rester à côté de lui quand il était comme ça. Je ne me faisais pas
confiance.
J'embrassai le dos de sa tête en sueur puis je me dirigeai maladroitement vers la salle de bains.
La salle de bain d'Harry se composait de carreaux de verre bleu chromé qui brillaient sous la
lumière fluorescente. J'avais l'impression d'être dans une boîte à bijoux.
J'entrai dans la douche et fis couler l'eau froide. Avec mes paumes pressées contre la paroi de verre,
j'attendais que mon excitation se dissipe.
Je ne comprenais pas totalement ce qui venait de se passer. Pourquoi ne se donnait-il pas à moi ?
Est-ce que je faisais quelque chose de mal ? Jeffrey avait-il raison, mes sentiments pour Harry
étaient-ils plus forts que lui pour moi ? Je pensais que nous étions sur la même longueur d'onde,
mais au lit, j'avais l'impression que nous étions sur des planètes différentes.
Harry n'avait pas beaucoup de savons et de crèmes, mais ceux qu'il avait semblait cher. Je pris le
shampooing, une bouteille rectangulaire mate embossée avec un lettrage vert brillant. Le parfum
sentait comme un jardin, comme lui.
Quelques secondes plus tard, Harry frappa à la porte de la douche en verre. Je l'ouvris. Il était
encore nu.
- Tu m'as laissé.
- J'avais besoin de temps pour moi.
- Je me sens seul.
J'avais finalement réussi à avoir mon corps sous contrôle et maintenant il donnait un coup de pied
dans la fourmilière !
Il entra dans la douche et tendit la main vers moi. L'eau le frappa et il grinça des dents.
- Pourquoi c'est si froid ?
Il mit l'eau chaude et attendit jusqu'à ce qu'elle soit agréable et que la douche soit embuée avant de
plonger sous le jet. Il ne perdit pas le temps pour passer ses bras autour de ma taille et de
m'embrasser. D'abord mes lèvres, puis ma joue, puis mon cou. Ses baisers étaient désordonnés et
mouillés, et ses lèvres douces me rappelaient une autre partie merveilleusement douce de lui... Il ne
fallut pas beaucoup pour me rendre excité à nouveau. Il fixa du regard mon corps émoustillé. Je
rougis.
Puis il se retourna.
- Lave-moi.
Un coup d'œil au fessier d'Harry et ma poitrine se serra. Il essayait de me tuer, j'en étais sûr. Je
ramassai le savon et une éponge de bain bleu qui pendait sur le mur de la douche.
- Avec tes mains. Insista-t-il
Aucun homme n'était assez fort pour ça.
Je laissai tomber l'éponge et fis mousser mes mains. Je commençai à le laver, mes doigts glissant
sur les courbes savonneuses de son dos. Sans réfléchir, je m'approchais et mon sexe brossa son
fessier.
- Je devrais vraiment me doucher seul. Dis-je.
- Pourquoi ? Tu me lavais dans la douche à l'école.
- Je te faisais des avances !
- Tu me fais des avances maintenant ?
- Oui.
Je tins ses hanches, reposant ma longueur contre lui.
Harry se mordit la lèvre et écarta ses jambes.
Je ne savais pas ce que cela signifiait, mais je me frottais contre lui désespérément. Je ne pouvais
pas m'en empêcher.
- Peux-tu jouir comme ça ? Il demanda.
- Ouais.
Il se pencha légèrement, s'appuyant sur le mur de la douche.
Il voulait me donner ce que je voulais. Il voulait me faire plaisir. C'était le mieux qu'il pouvait faire.
Je lui en étais reconnaissant.
Je le savonnai et glissai entre ses fesses, mais pas à l'intérieur de lui. Ce n'était pas beaucoup de
frictions, mais j'étais tellement excité que ça n'avait pas d'importance.
Je creusai mes doigts dans ses hanches et glissais contre lui. Je regardais mon sexe se déplacer de
haut en bas contre sa chair. Je voulais tellement être à l'intérieur de lui. C'était une si douce agonie.
J'accrochai un bras autour de lui et jetai une main sur son torse et son ventre, poivrant son dos de
baisers.
- C'est bon ? Demanda Harry, préoccupé que ce ne soit pas assez pour moi.
- Si bon. Je voudrais que tu puisses voir ce que je te fais. Je voudrais que tu puisses voir comme tu
es beau comme ça. Tu es fait pour moi Harry, je le jure devant Dieu. Tu es la plus belle chose que
j'ai vue dans toute ma putain de vie.
Je voulais le coincer contre le mur de la douche et atteindre mon orgasme, mais je savais que son
genou était encore douloureux. Je devais le prendre lentement, ce qui était à la fois le ciel et l'enfer.
Mes grognements devenaient de plus en plus forts, faisant écho dans la salle de bains. J'enveloppai
mes bras autour de sa taille en me frottant contre lui aussi fort que je le pouvais sans bouger son
genou.
Harry jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, sa bouche rose ouverte, l'eau gouttant de ses cils
sombres.
Je jouis partout sur son dos.
Mon front tomba entre ses omoplates.
Il se retourna et prit mon visage entre ses mains. Mes yeux étaient à peine ouverts, mais je le
regardais. C'était si bon, mais toujours si loin de la façon dont je le voulais, je ne pouvais pas cacher
mon désir persistant.
- Donne-moi du temps."Dit-il en lisant mes pensées. S'il te plaît.
Je jetai mes bras autour de lui et enterrai mon visage dans son cou.
- J'attendrais toujours pour toi, tu sais que je le ferais.
- Louis. Roucoula-t-il en me serrant le dos aussi fort.
Je regardai derrière lui.
- D'accord, maintenant je dois vraiment te laver. Il rit.
- Tu m'as tout sali !
Je pris le savon et commençai à le mousser et à le laver lentement avec mes mains. Tous les
danseurs avaient un corps en forme, tonique, mais le corps d'Harry avait une douceur qui était jeune
et jolie. Son derrière était incroyable. Petit, mais ferme et très mignon et...
Harry se racla la gorge.
- Je pense que je suis propre maintenant.
- Oh, oui. Je le déplaçai sous l'eau.
Nous lavâmes nos cheveux et la douche sentait comme un jardin sexy. Comme Harry. Il prenait
plus de temps parce qu'il devait laisser le revitalisant pendant quelques minutes pour faire briller ses
boucles. Ça ne me dérangeait pas. J'aimais ses boucles et tout ce qu'il faisait fonctionnait.
C'était drôle de penser à quel point j'étais nerveux de me laver avec Harry à l'école. Comment nous
avions tous deux eu recours à des exploits olympiques de contorsion pour cacher nos érections.
Qu'embrasser son dos soit comme la chose la plus scandaleuse du monde.
Maintenant, nous étions ici, nus, face à face, nous touchant librement. C'était un rêve devenu
réalité. Je me sentais comme si j'avais quinze ans et je vivais mes fantasmes les plus secrets.
J'embrasse Harry dans la douche ! C'est arrivé ! Merci mon Dieu !
Je pouvais dire et faire toutes les choses que je n'avais pas eu le courage de faire à l'adolescence,
comme si je recevais une seconde chance de tout faire à nouveau et le faire bien cette fois.
Je glissai un bras autour de lui.
- Tu me rends si heureux.
- Vraiment ? Dit Harry, pas exactement sûr de pouvoir le croire.
- Ces deux derniers jours ont été les meilleurs jours de ma vie et je veux que tu le saches. Je m'en
fous si j'ai l'air collant. C'est ce que je ressens.
Harry me serra la nuque.
- Je veux que tu te colles à moi.
On s'embrassait, s'embrassait et s'embrassait, l'eau coulait sur nos visages. Si nous serions resté
plus longtemps, nous aurions été soit plissés, soit noyés.
Nous sortîmes de la douche et on ne pouvait rien voir. Nous avions transformé l'endroit en un
hammam. Au travers de la vapeur, Harry se dirigeait vers une petite étagère et me tendit une
serviette blanche et moelleuse. Avant que je ne puisse la mettre autour de ma taille, il me frappa
avec sa propre serviette.
- Ow !
Il frotta une main sur mes fesses maintenant roses.
- Je n'ai toujours pas oublié ça.
- Mon cul ne t'a toujours pas oublié aussi. Je récupère encore de la nuit dernière... et ce matin.
Harry serra son emprise.
- Plus tard alors.
Mon cœur fit un bon.
Avec des serviettes serrées autour de notre taille, nous nous dirigeâmes dans son walk-in. Il ouvrit
sa commode et sortit deux paires de caleçons. L'un était noir et l'autre bleu marin, tous les deux en
soie.
- Hum, ce n'est pas vraiment moi.
Harry haussa un sourcil.
- Difficile.
Je cherchai et trouvai une paire de boxer en coton blanc.
- Celui-là.
Il était inutile de s'habiller. Nous descendîmes le long escalier flottant d'Harry avec seulement nos
sous-vêtements.C'était choquant d'être devant ces fenêtres géantes.
- Quelqu'un peut nous voir ?
- J'sais pas. La Chambre des Communes, je suppose, s'ils ont des jumelles.
- Les politiciens sont des sales bâtards, je parie qu'ils le font. Je fis l'étoile et agitai la main au
bâtiment du parlement. Bonjour, vieux monsieur ! Hé, on devrait leur montrer un spectacle plus
tard.
Harry se joignit à moi près de la fenêtre et glissa une main sur le devant de mes sous-vêtements.
- Le rappel est à huit heures.
- Pas le droit aux photos.
C'était presque le soir et j'étais affamé. J'ouvris le réfrigérateur à double porte en acier d'Harry, mais
tout ce qu'il y avait dedans était des boissons énergisantes.
- Où est la nourriture ?
Il chercha dans les armoires et sortit une pile de prospectus.
- Désolé, je commande habituellement. Sushi ?
Je regardai les options et rien ne m'interpellait.
- Pizza ?
- Pour le bon vieux temps.
- Et les nouveaux moments. Ajoutai-je.
- Oui.
La nourriture était arrivée rapidement. Nous avions répondu à la porte dans nos sous-vêtements en
donnant l'occasion au jeune livreur de se rincer l'œil. S'il n'était pas gay, il le considérait
certainement maintenant.
Harry n'avait pas d'assiettes, donc nous mangions tout droit de la boîte, les jambes croisées sur le
sol. C'était vraiment comme si nous étions de retour à l'école !
Nous avions encore toute la nuit devant nous. Je ne savais pas quoi faire, mais nous finîmes par
trouvé quelque chose naturellement: moi taquinant Harry et parlant à cent à l'heure, tandis que
Harry riait de mes blagues et essayait de me déjouer. Aucun de nous ne voulait quitter son
appartement, alors nous avions décidé de rester et de regarder un film.
J'étais toujours satisfait des derniers films de super-héros. Pour être honnête, je ne savais pas
vraiment ce que Harry aimait. À l'école, il aimait un peu de tout. Ses goûts changeaient selon avec
qui il était. Quand il était avec moi, il regardait des films de super-héros et parlait de football.
Quand il était avec Zayn, ils discutaient de romans, la photographie et l'art. Il voulait rendre heureux
tout le monde autour de lui. Je voulais savoir ce qui le rendait heureux.
- Qu'est-ce que tu aimes ? Demandai-je.
- Les documentaires principalement.
Je ne pouvais même pas me souvenir de la dernière fois que j'avais vu un documentaire.
- Y'en a-t-il un en particulier que tu aimes ?
Il mâchouilla pensivement une croûte de pizza.
- Il y en a un sur les abeilles que je voulais voir.
- Les abeilles ?
- Oui. Elles vont s'éteindre. C'est une crise environnementale, Louis ! C'est vraiment important de
soutenir des films qui sensibilisent.
Ça n'aurait pas été mon premier choix, mais Harry semblait assez intéressé par cette crise d'abeille,
alors je pensais lui donner une chance.
Alors que nous nettoyions, je remarquai une notification sur le téléphone d'Harry sur l'îlot de la
cuisine. C'était Kenneth. Harry entama de l'éteindre, mais je lui arrachai joyeusement des mains et
lui répondis.
- C'est le téléphone d'Harry, mais c'est Louis qui parle. Je sautai sur le comptoir, balançant mes
jambes dans le vide.
- Je vous ai appelés tous les deux toute l'après-midi. Le nouveau chorégraphe est arrivé un jour
plus tôt et a demandé une réunion improvisée. J'ai besoin que vous soyez dans le studio maintenant.
- On ne peut pas, on ne porte pas de pantalon.
Harry me lança un sourire à fossettes.
- Mettez vos pantalons et venez ici ! Kenneth aboya. C'est Alex-
- J'adorerais, mais nous avons des plans. On sauve les abeilles et on va performer un strip-tease
pour la Chambre des Communes.
Harry ne pouvait pas arrêter de rire.
- Louis !
- Il faut que j'y aille, Ken.
Harry se tint entre mes genoux et pinça ma cuisse.
- Sauter la répétition. Tu es un méchant garçon.
- Tu es une mauvaise influence.
J'expliquais que nous allions avoir un nouveau chorégraphe invité. Harry semblait agacé, mais ne
dit rien. Comme la plupart des dictateurs fascistes, il était toujours prêt à tout.
Mon petit Mussolini !
Nous nous embrassâmes et Harry me ramena à sa chambre. C'était la seule bonne chose du manque
de décoration d'Harry: il n'avait pas d'autres meubles, donc nous devions passer toute la soirée au
lit.
Il obtint son ordinateur portable et nous nous étendîmes sur les draps fripés. Harry me donna la
tâche de trouver le film alors qu'il nous apportait quelque chose à boire.
Même son ordinateur était vide. Outre ses recherches, il n'y avait pas d'icônes sur son bureau et ses
dossiers étaient vides. J'étais curieux de savoir quel type de porno il pourrait regarder, mais
l'historique était tout aussi vide. Je suppose que je n'allais pas découvrir ses plus sombres secrets en
fouillant.
Il revint et posa deux verres sur la table de nuit: un verre de vin pour moi et de l'eau pour lui. Il ne
pouvait pas boire quand il prenait des analgésiques.
Je déposai l'ordinateur portable sur un oreiller sur mes genoux et il se nicha à côté de moi.
- Essais de ne pas t'endormir. Dit-il.
- Hé ! Tu es celui qui s'endormait toujours pendant les films.
C'était l'une des raisons pour lesquelles il m'avait fallu six mois pour l'embrasser quand nous étions
à l'école. Chaque fois que nous regardions un film ou que nous nous collions, il s'assoupissait.
C'était comme vivre avec un chat. Quand il ne dormait pas, il faisait une sieste.
- C'est drôle que tu fasses de l'insomnie. Tu étais un enfant qui dormait tout le temps.
- Je dors quand je suis avec toi.
- Tu dis que je suis ennuyeux ? Taquinai-je.
Harry jeta un regard anxieux aux pilules sur sa table de chevet.
- Je ne peux pas prendre mes somnifères ce soir puisque j'ai pris les analgésiques plus tôt.
Je lassai mes doigts avec les siens.
- Je resterai avec toi ce soir.
- Merci. Il poussa un soupir de soulagement. Je n'aime pas être réveillé la nuit.
- Peur du noir ?
- J'aime l'obscurité. J'ai peur... de mes propres pensées.
- Je voudrais pouvoir voir à l'intérieur cette belle tête. Je lui embrassai le front.
Harry tomba silencieux.
Je démarrai le film et pris une gorgée de mon vin.
Merde, Harry avait raison. Les abeilles étaient en danger.
Comment ne savais-je pas que les abeilles jouaient un rôle déterminant dans la production
alimentaire ? J'aurais dû le savoir. Ils appelaient la crise "l'effondrement de la colonie". Ça ne se
produit que quand la majorité des abeilles ouvrières dans une colonie disparaissent et laissent
derrière quelques abeilles appelées nourrice pour soigner les abeilles restantes et la reine. Il y avait
une sorte de beauté tragique dans tout ça - toutes ces jeunes abeilles et leur reine laisser à eux-
mêmes pour se débrouiller.
Je poussai légèrement Harry pour entendre ce qu'il pensait et sa tête tomba sur ma poitrine. Il
dormait profondément.
Je devais être une nourrice et prendre soin de cette jeune abeille endormie. J'essayais de le déplacer
sur l'oreiller, mais il grogna. Je ne voulais pas le réveiller au cas où il ne pourrait pas se rendormir.
Au lieu de cela, je tirai la couverture sur son épaule et mis un oreiller supplémentaire derrière ma
tête. Je n'étais pas vraiment confortable, mais je n'allais pas risquer de le déranger.
J'avais regardé le reste du documentaire pour pouvoir impressionner Harry le lendemain. Quand le
film fut terminé, je refermai soigneusement l'ordinateur portable et le déposai sur la table de nuit
sans déplacer Harry. Je regardai sa tête bouclée monter et tomber sur ma poitrine. Je n'étais pas sûr
de pouvoir dormir comme ça, mais ça n'avais pas d'importance. C'était plus important que Harry
dorme.
Je voulais qu'il dorme profondément chaque nuit.
Je voulais qu'il vive sans douleur.
ACTE III: CHAPITRE VINGT-QUATRE
Quand j'ouvris les yeux, il faisait toujours noir à l'extérieur. Harry était levé et complètement
habille.
- Bon matin.
Tout mon corps me faisait mal d'avoir dormi en position assise.
- Quelle heure est-il ? Je gémis.
Harry pointa le cadran sur sa table de chevet.
- Il est quatre heures. Aller, il est temps d'aller au travail.
Je n'étais pas une personne matinale. Et en tout cas, quatre heures du matin n'était pas le matin dans
mon monde à moi.
Je me glissai sous les couvertures.
- Tu es fou.
Il arracha la couverture de moi.
- Lève-toi. Nous sommes en retard.
- D'après qui ? Les hiboux ? Les chauves-souris ? C'est le milieu de la nuit !
- Tu as cinq minutes. Je vais préparer du café.
- D'accord, bien sûr. Dès qu'il sortit de la pièce, je me rendormis.
La prochaine chose que je me souviens avoir reçue, c'était une tape sur la fesse.
- Ow ! Ça fait mal, putain !
- Debout !
J'étais mort. Je ne pouvais pas me lever même si je le voulais. Je fis une petite forteresse autour de
moi avec les oreillers d'Harry.
Il changea de tactique. Je sentis ses lèvres sur le dos de mon cou.
- Oooooh.
Ses doux baisers traînèrent le long de ma colonne vertébrale et plongèrent dans le creux du bas de
mon dos. Il me retourna et posa ses lèvres contre ma longueur à travers mon caleçon en coton.
- Qu'est-ce que je dois faire pour que tu te lèves ?
J'étais complètement réveillé maintenant.
Mes yeux grands ouverts, je le regardais. Ses cheveux étaient soigneusement attachés en arrière et
il portait une chemise florale et un slim noir qui accentuaient ses cuisses bien roulées. Dieu,
comment est-il si beau à cette heure ? J'avais l'air d'un opossum en colère.
Présomptueusement, je glissai hors de mes boxeurs.
Harry haussa les sourcils.
J'étais un peu embarrassé parce que j'avais peut-être mal compris la situation, mais si je l'avais fait,
je savais que Harry ne s'en soucierait pas vraiment.
Je n'avais pas mal interprété la situation.
Il me prit dans sa main, ses doigts élancés enroulés autour de mon sexe. Très lentement, sa main se
déplaça sur mon membre. Son contact était exploratoire, comme s'il essayait de comprendre chaque
millimètre, comprendre chaque recoin, me comprendre.
Je soupirai d'une manière satisfaite, élargissant mes cuisses.
- Tu aimes mes mains ? Dit-il.
- J'aime encore plus ta bouche.
Les joues d'Harry se creusèrent.
Il m'était venu à l'esprit que nous n'avions pas encore fait ça. Je lui avais déjà fait une fellation,
mais lui jamais. Je n'avais jamais été à l'intérieur de lui.
Normalement, je ne serais pas si exigeant, mais il me faisait sortir du lit à quatre heures du matin !
Je frottai mon pouce sur sa lèvre inférieure.
- Prends-moi dans ta bouche.
La respiration d'Harry se durcit.
- Je veux le faire.
Il me regarda, les sourcils froncés.
- Tu as déjà fait ça, non ?
Je plaisantais, mais Harry agissait si étrangement que je devais le demander.
- Je l'ai fait.
Harry se mit à genoux devant moi sur le lit comme pour faire une prière. Il ferma les yeux. Je sentis
son souffle sur l'intérieur de ma cuisse et je pensais pouvoir jouir avec ça.
Je tendis la main derrière sa tête et retirai l'élastique de ses cheveux, libérant ses boucles brunes.
- Pourquoi as-tu fait ça ? Dit-il avec inquiétude.
- J'aime quand tu as les cheveux détachés.
Je ne comprenais vraiment pas pourquoi il était si anxieux.
- Harry, nous n'avons pas à...
- Je veux le faire. Ne bouge pas.
Je soufflai. Ça n'allait pas fonctionner si Harry devait avoir le contrôle total tout le temps, si je
n'avais pas mon mot à dire et-
Il embrassa ma fente.
- Harry ! Haletai-je.
Il se lécha les lèvres.
- Je veux le faire. Répéta-t-il comme si la phrase était un mantra.
Puis il ferma les yeux et embrassa de nouveau ma fente, cette fois, laissant ses lèvres charnues s'y
attarder.
Je mordis l'oreiller.
Sa main était autour de moi et il me caressait.
- Ta bouche, ta bouche, je veux ta bouche. Suppliai-je.
Le visage d'Harry rougit. Je pouvais voir le contour de sa propre érection serré dans son pantalon.
Je sentis sa langue sur moi, chaude et mouillé.
- J'aime ça. Il parlait à lui-même. C'est bien.
Il continuait de me lécher. J'allais jouir, mais ce n'était pas ce que je voulais.
- Prends-moi dans ta bouche. Je vais jouir, je veux venir dans ta bouche.
Lentement, Harry ouvrit sa bouche rouge. Je devais me forcer pour ne pas me pousser entre ses
lèvres. Il battit ses cils et glissa délicatement ses lèvres sur mon gland pour prendre enfin mon sexe
dans sa bouche. J'emprisonnai ses boucles entre mes doigts.
- Oh, Dieu Harry, ta bouche, ta magnifique bouche.
C'était le paradis. C'était comme être trempé dans du satin liquide. Sa bouche était si humide, si
incroyablement douce. Il ne m'avait même pas pris complètement avant que je ne jouisse. Je lui
tenais l'arrière de la tête et me déversais longuement dans sa gorge, ses lèvres moelleuses
amortissant mes secousses de plaisir.
Il me laissa tomber de ses lèvres. Ses grands yeux rencontrèrent les miens alors qu'il était choqué
par ce qui venait de se passer.
Je le tirai contre ma poitrine et lui embrassait la tête.
- C'était incroyable.
J'avais l'impression qu'il était à moi maintenant, comme s'il m'avait finalement donné un morceau
de lui-même. Je grognai avec approbation et l'embrassai à nouveau.
Il était calme et immobile.
- Harry. Dis-je doucement. Tu es important pour moi. Tu le sais, n'est-ce pas ?
Il leva la tête. Il était émotif et essuya ses yeux.
- Je sais.
Je ne comprenais pas pourquoi ça le rendait si émotif, mais ça m'intriguait. Le fait qu'il pleure
rendait ce que nous avions fait plus significatif. Cela le rendait plus mien d'une certaine manière.
- Tiens-moi. Dit-il.
Je le tins contre ma poitrine et il enfouit son visage dans le creux de mon cou. Ses joues étaient
mouillées de larmes.
Je le tenais complètement habillé contre moi. J'étais nu.
- Je devrais m'habiller.
- Non. Restons comme ça un moment.
Je souris. J'adorais ça. Je l'aimais vulnérable. J'aimais qu'il aille besoin de moi. Cependant, alors
que je lui frottais le dos, je savais que nous devions parler. Ça ne me dérangeait pas que Harry soit
un peu hésitant pour certains actes sexuels, mais je pense que je méritais de savoir ce que ces choses
étaient et pourquoi.
- Veux-tu en parler ? Demandai-je avec précaution.
- Parler de quoi ? Répondit-il en enfouissant sa tête contre mon cou.
- Harry, nous avons eu des relations sexuelles une dizaine de fois et c'est la première fois que tu
as... et nous n'avons toujours pas.
Il enroula ses doigts autour de mon poignet, me suppliant.
- Je te l'ai dit, j'ai juste besoin d'un peu de temps.
C'était bien sûr une demande raisonnable, mais ce n'était pas celui que j'avais connu auparavant, et
ce n'était pas quelque chose que je pensais que Harry en particulier exigerait. Quand nous étions à
l'école, il était très confiant. Même si nous nous étions seulement embrassé une seule fois, il était
doux comme un agneau et s'était livré à moi sans question. Chaque relation a un rythme et celui-là
était le nôtre. Maintenant, il gardait ce garçon plein de confiance enfermé à l'intérieur de lui. Se
contenter de m'avoir dans sa bouche donnait l'impression d'avoir surmonté un mur énorme.
- Tu ne me fais pas confiance ?
- Je te fais confiance !
- Tu n'aimes pas ça ?
- J'aimais bien t'avoir dans ma bouche. Dit-il en rougissant furieusement.
- Qu'en est-il de...
Il roula sur son dos à côté de moi.
- Je ne sais pas.
- Tu ne le sais pas ? L'as-tu fait ?
- Oui ! Dit-il défensivement. Pouvons-nous, s'il te plaît, arrêter d'en parler.
Je me penchai sur mon coude et drapai mon bras sur lui.
- Je n'essaie pas de te mettre dans l'embarras, mais si nous allons être ensemble, je dois savoir ces
choses afin que je ne franchisse pas une limite.
Harry leva les yeux vers le plafond et je sentais la fureur brûler en lui.
- Je n'aime pas ça, d'accord ! Est-ce ce que c'est ce que tu veux entendre ? Je n'ai jamais aimé ça et
je ne pense pas aimer ça un jour ! Je ne suis pas la personne parfaite pour toi. Je ne suis pas Jeffrey.
Je ne peux pas être toutes les choses que tu veux, toutes les choses que tu mérites. Désolé, je suis
une déception.
J'étais stupéfait.
- Tu n'es pas une déception.
- Est-ce que tu dis que ça ne te dérange pas ? J'entendis la cruauté dans sa voix, me repoussant. Que
si je ne te laisse jamais me baiser, tu voudrais toujours être avec moi ?
Je me sentais si égoïste, mais je devais être honnête.
- Ça me dérange, Harry. Je veux t'avoir. Complètement. Mais...
- Mais ?
- Tu es mon meilleur ami ! Je pourrais avoir cent Jeffrey qui me permettraient de faire ce que je
veux, mais ils ne seraient toujours pas toi.
Harry serra ses dents.
- Je le ferai si c'est ce que tu veux.
- Je veux que tu le veuilles. Murmurai-je en lisant son visage avec optimisme.
Son expression était impassible et son corps froid.
Il ne voulait pas, c'était clair pour moi maintenant, et ça me brisait le cœur. Ce n'était pas l'acte lui-
même qui m'intéressait, mais tout ce que l'acte représentait. Il ne voulait pas me laisser lui donner le
plus intime des plaisirs. Il ne voulait pas être complètement vulnérable pour moi. Hélas, je ne le
voulais pas moins. Je le voulais plus que jamais.
Harry jeta un bras au-dessus de sa tête, triste et léthargique. Je grimpai sur lui et commençai à
l'embrasser. Je sortis toute ma frustration sur ses lèvres. J'embrassai sa bouche jusqu'à ce qu'il ne
puisse plus respirer, jusqu'à ce qu'il prenne désespérément l'air de mes poumons. Je commençai à
enlever ses vêtements. Il me laissa faire. Je déboutonnai sa chemise et la jetai au sol. Puis je défis
son pantalon et le tirai le long de ses jambes. Je passai une main sur son boxer de soie et les retirai
aussi. Il ne semblait pas nerveux, plus résigné. Il était comme ça parfois: mort à l'intérieur.
- Il y a des préservatifs dans la table de chevet. Déclara-t-il.
- Je ne vais pas te baiser ! Dis-je avec colère. Est-ce le genre de personne que tu penses que je
suis ?
- Je ne sais pas, Louis. C'est toi qui le sais ! C'est si important pour toi !
- Oui, c'est important ! Je suis amoureux de toi !
Harry ne répondit pas.
J'enroulai mon corps nu autour du sien et le serrai contre moi. Je voulais sentir sa peau contre la
mienne. Si je ne pouvais pas l'avoir, je voulais me rapprocher le plus possible de lui.
Harry posa une main sur la mienne.
- Je suis désolé de ne pas être la personne que tu veux que je sois.
- Arrête, tu es exactement qui je veux.
Nous étions restés comme ça pendant des heures. Je regardais le soleil s'élever dans le ciel par la
fenêtre et sentais la chaleur sur nos membres entrelacés.
Même si nous nous étions disputés et que nous étions tous les deux frustrés, ce désordre nous avait
en quelque sorte rapprochés. Faire l'amour était intime, mais aussi se disputer. Harry avait révélé
une autre partie de lui-même, et comme toutes les parties de lui, elle était précieuse pour moi.
Nous nous étions habillés et avions pris du café. Harry prit ses analgésiques, ce qui était un accord
mutuel que nous allions dormir encore ensemble cette nuit-là.
Harry aurait marché ou prit le métro pour aller travailler, mais à cause de son genou, j'avais arrêté
un taxi.
Il avait reposé sa tête sur mon épaule tout le long du chemin vers l'Opera House.
Je ne voulais pas aller travaillé. Je voulais rester au lit, l'embrasser et parler. Je souhaitais pouvoir
lire ses pensées. Est-ce qu'il m'aimait aussi ? Il ne l'avait pas dit quand je lui avais dit. Bien sûr, je
l'avais dit trop tôt. Je ne le blâmais pas pour être réticent. Pourtant, je me demandais s'il m'aimait. Je
l'espérais.
Toute la compagnie s'était réunie dans le studio A pour rencontrer le nouveau chorégraphe. Harry et
moi y entrâmes ensemble. Un silence s'abattit sur la pièce lorsque nous étions enfin à l'intérieur.
Harry était habitué à être redouté et détesté par ses collègues. Je ne l'étais pas.
Indéniablement, nous étions fort ensemble. Tandis que nous n'étions pas aimés, nous étions
respectés. Le corps du ballet se dispersa rapidement pour nous laisser une place près de l'avant de la
salle. J'allais m'asseoir à côté d'Harry quand il me tira entre ses genoux. Je m'appuyai contre sa
poitrine et il se mit à masser mes épaules, faisant disparaître les nœuds avec ses doigts. Harry
n'aimait pas trop les marques d'affection en public, mais il était tout de même affectueux quand on
était autour d'autres membres de l'entreprise. Il était fier que je sois sien. Je ne pense pas que
quelqu'un avait déjà pris son parti comme je l'avais fait. Ça signifiait quelque chose pour lui. Pour la
première fois, il avait quelqu'un qui était de son côté.
Tout le monde savait que nous étions ensemble, mais il était difficile de savoir exactement ce qu'ils
pensaient. Ça ne pouvait pas être bon. J'étais passé d'être le plus grand adversaire d'Harry dans la
compagnie à son amant et le plus grand champion pratiquement du jour au lendemain. Ils pensaient
probablement que c'était un signe que l'apocalypse approchait.
Gigi, Zayn et Eleanor se tenaient en ligne sur le côté opposé de la pièce. Je leur donnai un demi-
sourire. Ils secouèrent la tête.
Harry me regarda et me tint la tête.
- Ne t'inquiètes pas. Ils te pardonneront. Dit-il.
Je fronçai les sourcils.
- Je ne suis pas si sûr.
- Eh bien, moi oui. Tu es irrésistible.
Il m'embrassa alors que la salle entière regardait avec un mélange de choc et d'horreur.
Au même moment, Kenneth entra dans le studio suivi de Liam avec des costumes gris presque
identiques. Liam, qui était le sosie de Kenneth de toutes les façons, semblait déphasé avec lui
aujourd'hui. Il y avait une tension évidente entre eux. Ils ne s'engageaient pas dans leur plaisanterie
habituelle. Liam remit à Kenneth quelques papiers de son presse-papiers et Kenneth les prit en
silence.
Je pressais mes lèvres contre l'oreille d'Harry.
- Quand parleras-tu à Kenneth de Liam ?
- Je le ferai aujourd'hui. Déclara-t-il en notant l'hostilité entre eux.
Kenneth s'éclaircit la gorge et prit sa position à l'avant de la pièce, croisant ses bras avec sévérité
alors qu'il s'adressait à la compagnie.
- Avant que votre nouveau chorégraphe n'arrive, je veux simplement reconnaître tout le travail
acharné de Maurice Charrat. Tout le monde applaudit. Son départ a été une perte énorme pour cette
production. Il donna à Harry et moi un regard de reproche.
Harry plia son genou sur la chaise et bâilla, confortable comme un chat. Il était si mauvais !
- Nous étions très, très chanceux de trouver quelqu'un pour le remplacer en un si court laps de
temps. Plus que ça, le chorégraphe que nous avons trouvé pour le remplacer est l'un des membres
les plus estimés de cette industrie. Il a organisé de nombreuses productions de du Lac des Cygnes à
travers l'Europe et a dansé le ballet, à la fois Siegfried et Von Rothbart, cinquante-deux fois au cours
de sa carrière. C'est un grand honneur pour moi de l'accueillir ici aujourd'hui.
Liam regarda sa montre.
L'horloge frappa neuf heures et les portes du studio s'ouvrirent. Debout derrière elles n'était nul
autre qu'Alexander Beauchamp.
Tous les danseurs de la salle se levèrent.
Je me séparai d'Harry et courus dans les bras de Beauchamp.
ACTE III: CHAPITRE VINGT-CINQ
Beauchamp n'avait pas changé du tout. Il portait des lunettes sans contour, une chemise blanche
avec les manches roulées et une cravate bleue en soie attachée autour de son col. Il avait même le
même parapluie avec une poignée en bois qui pendait de son avant-bras bronzé.
Il arrêta notre étreinte et tint mes épaules.
- Louis ! Ses beaux yeux brillèrent. Regardes-toi. Tu es maintenant un adulte et danse en tête. Je
suis tellement fier de toi.
La chaleur me monta aux joues. Les louanges de Beauchamp étaient comme la lumière de mille
Soleil.
- Je ne peux pas croire que vous êtes ici, Monsieur ! Je n'avais aucune idée que ce serait vous. Je
serais venue hier pour vous donner un meilleur accueil si je l'avais su.
Sa longue et élégante main serra ma nuque.
- Nous sommes maintenant collègues. Appelle-moi Alex.
- Alex. Dis-je, en gouttant le mot sur ma langue.
Même si nous étions collègues, j'avais toujours l'impression d'être ce petit garçon dans le public qui
le regardait danser pour la première fois. Je l'admirais toujours autant. Il était tout ce que je voulais
être. Ce n'était pas seulement son succès que je voulais, mais son comportement. Son humilité. Sa
grâce. J'aimais comment il partageait sa passion au monde entier, avec le pragmatisme inébranlable
d'un scientifique, mais dévoué à son art comme un poète. J'avais eu d'autres modèles masculins
dans ma vie, mais Alex était le père de mes ambitions les plus profondes.
Les danseurs se pressaient autour de lui. Zayn secoua vigoureusement sa main. Eleanor lui fit une
révérence. Gigi se retira et croisa ses bras. Il avait toujours méprisé son talent quand elle était jeune,
ce qu'elle ressentait.
Alex regarda Harry derrière les nombreux danseurs qui était appuyé contre le miroir.
Je me sentais bien. Peut-être que c'était l'univers qui nous réunissait pour soigner le passé. Nous
étions tous égaux maintenant. Nous avions tous réalisé ce que nous avions prévu de réaliser. Je ne
ressentais pas de concurrence envers Harry pour l'attention d'Alex, maintenant je voulais la partager.
Je voulais que nous trois travaillions ensemble et que nous nous inspirions.
Avec ses mains derrière son dos, Alex avança lentement vers lui.
- Bonjour, Harry.
Il ne serra pas Harry dans ses bras, mais se pencha et lui embrassa la joue.
J'étais ému par cela autant que les autres danseurs qui regardaient avec vénération. C'était deux
légendes, les deux plus grands danseurs de cette génération qui unissaient leurs forces pour la
première fois dans leur carrière. Alex regardait Harry comme un fils. L'amour paternel qu'il
ressentait pour lui était pour moi si clair maintenant. Harry avait lutté pour trouver son chemin en
tant que danseur et Beauchamp avait fait ce qu'il faisait le mieux, il lui avait montré ce chemin et
l'avait guidé.
- Tu m'as manqué.
Harry tira une mèche derrière son oreille.
- Eh bien ? Je t'ai manqué ?
- Vous m'avez manqué, Alex.
- Non, non. Toi, mon garçon, dois m'appeler monsieur.
Il plaisantait bien sûr, mais ce n'était pas toujours facile de le voir. Ses beaux traits patriciens
changèrent subtilement, gravés avec des rides après avoir joué depuis des décennies une multitude
de personnages sur scène.
À la demande de Liam, les danseurs commencèrent à se diriger vers l'auditorium.
Je m'approchai d'Harry et Alex.
- Allons-y.
Alex échangea des regards avec Kenneth.
- L'assistante chorégraphe, Joni, je crois, travaillera avec vous et le reste du casting dans
l'auditorium. Je travaillerai dans le studio avec Harry aujourd'hui.
Il poussa brusquement Harry avec son parapluie et lui ordonna de prendre sa place à la barre.
Oh merde, pensai-je. Harry n'était plus le garçon qu'Alex avait connu à RBS. Il allait sûrement
éclater pour ça. Kenneth, Liam et moi retînmes notre respiration et attendîmes le bain de sang
imminent.
La réaction d'Harry nous avait tous surpris.
Il avait obéi.
J'étais inquiet que Harry puisse traiter Alex comme il avait traité Maurice. Je n'avais jamais eu
autant tort. Harry se tenait obstinément à la barre et attendait patiemment d'autres instructions.
- Déshabilles-toi. Dit Alex.
- Quoi ? Harry devenu blême.
- Mets-toi en collant, mon coeur. Il sourit et posa une main sur la cuisse d'Harry. Je veux voir le
résultat de tes efforts.
Il était immobile pendant une seconde avant de se conformer.
Alex fit un cercle autour d'Harry en examinant chaque détail de lui.
- Un petit oiseau m'a dit que tu étais très obstiné, Harry. Est-ce vrai ?
- Non. Protesta-t-il doucement.
- Plus maintenant puisque je suis là. Tu seras bon pour moi, n'est-ce pas ?
- Oui, monsieur.
C'était étonnant de voir Harry se soumettre à un chorégraphe. C'était comme regarder un cheval
sauvage se faire apprivoisé. Alex était une sorte de magicien. En sa présence, Harry redevenait un
écolier innocent. J'étais charmé que Harry veuille impressionner son ancien maître, et charmé alors
que Alex le disciplinait affectueusement.
Je me dirigeai vers Harry et l'embrassai rapidement.
- Je te verrai plus tard.
- À plus tard. Dit-il distraitement, regardant son reflet dans le miroir.
- Je viendrai te chercher quand tu auras fini. Nous pouvons aller chez moi, prendre quelque chose à
manger en passant-
Alex pointa son parapluie vers nous deux et plissa les yeux.
- Attendez une minute... vous êtes un couple ?
Je hochai la tête et jetai un bras autour de la taille d'Harry. Notre relation était encore si nouvelle,
j'avais l'impression de surmonter une grande étape en la reconnaissant ouvertement.
- Comme c'est adorable. Il sourit. Siegfried et Von Rothbart amoureux !
Il poussa la pointe de son parapluie contre la poitrine d'Harry.
- J'espère qu'il te traite bien, Louis.
- Il le fait. Ris-je en donnant à Harry un dernier baiser sur les lèvres.
- Je suis ravi pour vous deux. Alex tourna autour d'Harry et corrigea sa posture, observant son reflet
dans le miroir. Harry, tu dois me raconter tout sur ta nouvelle romance. Je meurs d'envie de tout
savoir.
Je me dirigeais vers la porte et laissais Harry dans ses exercices à la barre. Alex se tenait juste à
côté de lui, tapotant son parapluie sur le sol pour garder le compte. Un, deux, trois, quatre, un, deux,
trois, quatre...
Finalement, les morceaux manquant de ma vie étaient en place. Harry et moi étions ensemble, nous
avions mis cette histoire avec Beauchamp derrière nous une fois pour toutes et notre idole était
maintenant notre chorégraphe ! Je devais simplement résoudre le petit problème qui était mes amis
qui me détestaient toujours.
Sur le chemin vers l'auditorium, je vis les cheveux blonds de Niall. Nous eûmes un contact visuel,
mais il détourna rapidement les yeux et tourna le coin en prétendant ne m'avoir jamais vu. Je le
suivis. Je n'avais peut-être pas réussi à arranger les choses avec Zayn, mais Niall était trop gentil
pour rester fâché contre moi.
- Oh, salut Louis. Désolé, je suis pressé...
- Ça ne prendra qu'une seconde.
Il joignit ses mains devant lui avec impatience.
- Je suis désolé pour l'intervention.
- Eh bien, c'est bien d'admettre que tu as eu tort.
- Je n'ai pas dit que j'avais tort. J'ouvris mon sac à dos et en sortis les notes d'Harry sur le libretto.
Niall se moqua, incrédule.
- Je ne peux pas te croire !
- Je ne te demande pas de faire des changements. Juste de le lire. Donne-lui une chance. Les pages
s'étaient froissées dans mon sac à dos. Je les défroissai sur ma jambe. S'il te plaît.
- Non, Harry ne devrait pas essayer de me ruiner et ma position.
- Ne le fais pas pour Harry. Fais-le pour moi.
Niall leva les yeux au ciel, mais prit les papiers.
- Je ne comprends pas l'influence qu'il a sur toi. J'espère que tu sais ce que tu fais. Je ne veux pas te
voir malheureux.
- Ne t'inquiètes pas, tous mes problèmes et ceux d'Harry sont résolus. Les choses n'ont jamais été
mieux.
Niall semblait peu convaincu. Il survola les notes d'Harry.
- Tu sais, tu es celui qui me doit une faveur, pas l'inverse.

Je vérifiai ma montre. J'étais en retard pour la répétition. À la hâte, je pris Niall dans mes bras et
parcourus le couloir en courant.
- Je vais t'acheter de la bière. Deux caisses ! Je dis par-dessus mon épaule. Merci beaucoup !
Quand je pénétrai l'auditorium, les filles étaient assises les jambes croisées sur la scène, cousant
des rubans à leurs pointes. Eleanor n'avait jamais été bonne pour faire ça et n'arrêtait pas de se
piquer avec l'aiguille. Elle suça son pouce qui saignait légèrement. Les doigts agiles de Gigi
travaillaient rapidement, l'aiguille et le fil traversant le tissu avec la vitesse d'une machine à coudre.
Elle était furieuse, mais pour une fois, ce n'était pas à propos de moi ni d'Harry. C'était à cause de
l'arrivée d'Alex.
- Il est un misogyne. Murmura Gigi à Eleanor et Zayn qui était à côté d'elle. Il joue aux favoris
avec les garçons et traite les filles comme des merdes.
- Jalouse ? Dis-je en jetant mon sac sur la scène. Je savais que nous n'étions pas en bon terme, mais
je ne pouvais pas m'empêcher de la taquiner.
- Je ne te parlais pas, traître ! De toute façon, tu es content parce que tu es l'un de ses favoris.
Zayn étreinta sa petite amie par-derrière et reposa son menton sur sa tête.
- Je ne suis pas l'un de ses favoris et je l'aime bien.
- Moi aussi. Déclara Eleanor en coupant le fil avec ses dents. Il est sexy et riche et j'entends qu'il
divorce avec cette femme de glace, Irina. Pensez-vous qu'il sortirait avec moi ?
- Ew ! Gémit Gigi. Il est vieux. Et non, j'ai entendu dire qu'il est un gay refoulé. Il paraît que des
danseurs du corps de ballet lui font des fellations pour des solos.
Gigi était si mesquine. Juste parce qu'Alex ne l'aimait pas, ça ne voulait pas dire qu'elle devait
répandre des fausses rumeurs.
- Il n'est pas comme ça ! Aboyai-je. Arrête de répéter des rumeurs que tu as entendues de tes amis à
Paris. Même s'il est gay, il n'est pas obligé de le dire. C'est différent pour quelqu'un de sa
génération.
- Je m'en fous s'il est sorti du placard ou non. Il ne devrait pas jouer aux favoris et il utilise les
compagnies pour lesquelles il travaille comme maisons de prostitution.
- Il ne ferait jamais ça ! Lui dis-je en pleine figure.
Elle jeta ses chaussures au sol.
- Il le ferait et il l'a déjà fait !
Inutile de dire que la répétition c'était mal passé. J'avais eu du mal à prétendre que j'étais follement
amoureux de Gigi. Au cours des soulèvements, je luttais contre l'envie de la jeter sur la scène et
j'étais plutôt sûr qu'elle essayait de me frapper la tête pendant l'adagio.
Je fus soulagé quand il fut temps de travailler sur mon solo. C'était la première fois que je le
pratiquais depuis que Harry et moi avions fait l'amour. Je comprenais Harry maintenant. Je me
sentais tellement près de lui que sa chorégraphie ne me semblait plus étrange. C'était comme être
avec lui; son corps sur moi, en moi. Je n'avais pas l'impression de faire un solo, mais c'était comme
si nous étions en train de danser ensemble. Je savais que c'était sa façon d'aller de l'avant. Il
n'essayait pas de me contrôler. C'était une lettre d'amour, c'était comment il communiquait,
comment il me montrait que j'étais important pour lui.
Il me manquait terriblement à cause de ça.
Nous n'avions été séparés que quelques heures, mais j'avais l'impression que c'était des années. Dès
que la répétition fut terminée, je courus vers le studio pour que nous puissions retourner à la maison
ensemble. J'avais hâte de parler de notre journée. Je voulais entendre tout sur sa répétition avec
Alex et lui dire à propos de Niall qui avait accepté de considérer ses notes.
La porte du studio était fermée. Je me levai sur la pointe de mes orteils et regardai à travers la petite
fenêtre carrée pour l'apercevoir danser.
Mon cœur tomba.
Harry était allongé sur le sol, ses collants et son t-shirt trempé de sueur, sa peau blême.
Alex faisait les cent pas à côté de lui. Je poussai les portes et me tins là, horrifié.
- Harry ! Qu'est-ce qui s'est passé ? Ça va ?
Alex se précipita vers moi.
- Oh, Louis, Dieu merci, tu es là ! J'étais sur le point d'aller chercher Liam.
Harry était tellement pâle que j'aurais juré qu'il était mort. Je me mis à genoux à ses côtés. Il ne me
regardait pas.
- Qu'est-ce qui ne va pas ?
Alex me retira sur le côté.
- Il a des problèmes avec son genou. Réfléchit-il, brossant ses cheveux d'argent avec sa main. Il n'a
pas réussi à faire son solo complètement une seule fois, mais il refuse de faire une pause.
- Je peux le faire. C'est parfait. Je suis le meilleur. Je suis le meilleur danseur du monde. Je suis le
plus grand danseur encore vivant. Dit Harry tout bas, ses yeux dardant entre nous. Il glissa sa main
dans son sac et en sortit ses pilules contre la douleur. Il en avala deux sans eau. Je me demandais
combien de pilules il avait déjà prises.
Il essaya de se tenir debout. D'abord, il se mit à genoux, puis lentement sur ses pieds. Il tomba. Alex
courut et l'attrapa dans ses bras.
- Je n'ai pas besoin de votre aide ! Je peux le faire tout seul !
Il était complètement dérangé, pire qu'il ne l'était avec Maurice. Seulement, il ne combattait pas
Alex, il se battait lui-même. Il se déchirait en essayant de prouver de quoi il était capable. Je n'avais
jamais vu un jeune danseur défier un danseur retraité. Mais Harry semblait ne faire que ça.
- Harry, il est tard et tu dois te reposer. Allons à la maison. Je commençai à ramasser ses affaires.
- Écoute Louis. Déclara Alex. Il a raison. Tu es trop faible.
- Non, je suis fort. Dit Harry calmement, se braquant. Je suis fort.
Il commença à faire son solo. Les pilules pouvaient avoir engourdi la douleur, mais son corps était
brisé. C'était comme regarder un cadavre être entraîné par le courant dans l'eau.
Il ne s'arrêtait pas, alors je le saisis et le secouai.
- Stop !
- Sortez ! Il hurla en retour et me poussa.
Je jetai son sac sur le sol.
- Tu vas te tuer juste pour prouver de quoi tu es capable ?
- Ne me fais pas de leçon pour quelque chose que tu ne comprends pas !
- Tu as raison, je ne comprends pas ! Criai-je en agitant mes bras.
- Explique-moi comment détruire ton corps te rend le meilleur danseur du monde !
Harry essaya de me frapper, mais je saisis ses poignets.
Ce que je voulais vraiment dire était: pourquoi dois-tu être le meilleur danseur du monde ?
Pourquoi n'est-il pas assez d'être le meilleur pour moi ? Pourquoi je ne suis pas suffisant ? Pourquoi
je n'ai jamais été assez pour toi ?
Alex nous sépara et me conduit à la porte.
- Va-t'en, Louis. Il n'y a rien que tu puisses faire. Je m'assurerai qu'il ne se fasse pas de mal.
Je voulais le jeter sur mon épaule et l'emporter avec moi, mais je savais qu'Alex avait raison. Harry
était têtu et ne céderait jamais. Nous devions juste attendre jusqu'à ce qu'il comprenne ou se fatigue.
Je lui donnai un dernier regard suppliant.
- Je serai sur les marches à l'extérieur et je t'attendrai. Dis-je finalement dans la défaite.
Harry ne me pas répondit. Il se déplaçait à nouveau, ses yeux fixés désespérément sur le miroir, sur
tous les sauts maladroits, chaque tour incomplet.
Il détestait probablement de l'admettre, mais il avait besoin de moi. Il avait pris ses analgésiques, ce
qui signifiait qu'il ne pouvait pas prendre ses somnifères et qu'il avait désespérément besoin de
repos. Je savais comment m'occuper de lui. Je pouvais le faire.
J'avais fumé un demi-paquet sur les marches de l'Opera House, vérifiant obsessionnellement ma
montre. Les précipitations de l'après-midi avaient cédé leur place à un lourd brouillard. La ville
autour de moi était réduite à des lumières clignotantes et à des masses abstraites. Les bâtiments et
les voitures ressemblaient à des navires perdus en mer.
Harry allait être d'une humeur terrible, j'étais sûr de ça. J'étais content d'avoir cette petite nouvelle
sur Niall à partager avec lui. Je devais le sortir de cet espace toxique dans sa tête et le remettre de
bonne humeur.
La porte s'ouvrit derrière moi. Je me redressai.
C'était juste Jeffrey. Lui et quelques-unes de ses amies du corps de ballet qui passaient les portes.
Ils portaient tous des jambières colorées et parlaient de façon animée des boîtes de nuit, Jeffrey
parlant désespérément des clubs gays. Je pense pas qu'il en était fatigué. Je crois qu'il pensait que
faire semblant d'en avoir assez le rendait plus sophistiqué.
Il me vit et s'éloigna de son groupe.
- Hé, tu as encore mes affaires.
- Je sais, je suis désolé. Je vais apporter une boîte chez toi.
Les filles étaient sur le trottoir, attendant un taxi et demandèrent à Jeffrey de se joindre à elles.
Il n'avait pas encore fini avec moi. Jeffrey croisa ses bras et arqua un sourcil.
- Pourquoi es-tu encore ici ?
- J'attends Harry. Il est en répétition.
- Euh, non, il n'est pas en répétition. Je l'ai vu sortir à l'arrière du bâtiment. Il baissa la tête. Je
suppose qu'il t'a abandonné. Je déteste dire que j'avais raison, mais... J'AVAIS RAISON.
Je n'avais pas de patience pour ses petites crises de jalousie en ce moment.
- Arrête d'essayer de provoquer du drame.
Jeffrey plissa son nez et renifla.
- Bien, ne me crois pas. Tu peux t'asseoir ici jusqu'à l'aube si tu veux.
Il partit avec son groupe de filles, l'odeur de leur parfum traînant dans l'air alors qu'ils tournaient le
coin de la rue.
J'attendis encore une demi-heure et il n'y avait toujours aucun signe d'Harry. J'avais essayé de
l'appeler. Rien. Je lui avais envoyé un message texte. Rien.
Les lourdes portes en plexiglas s'ouvrirent à nouveau. C'était Alex et il était seul.
- Où est Harry ? Demandai-je.
Alex s'assit sur les marches à côté de moi avec un soupir et posa sa mallette sur la marche plus
basse.
- Il est parti il y a une heure. Ne le prends pas personnel, Louis. Il était très déçu de sa performance
aujourd'hui.
C'était personnel. Harry et moi étions une équipe. Il avait besoin de moi. J'avais besoin de lui. Nous
étions devenus si proches. Je ne comprenais pas pourquoi il voulait passer du temps seul. Je voulais
être avec lui tout le temps.
Je me sentais si mal que je m'enfonçais dans les marches en béton.
Alex enleva son veston et le mit sur mes épaules. Il pointa avec son menton ma cigarette.
- Puis-je en avoir une ?
Je lui remis une cigarette et l'allumai alors qu'elle pendait de ses lèvres.
- Je ne savais pas que vous fumiez.
- Je ne fume pas. Pas officiellement. Officieusement: un paquet par jour.
Je me sentis sourire légèrement.
- Pareil.
- Depuis combien de temps toi et Harry êtes ensemble, si ça ne te dérange pas.
- C'est récent. Très récent. Ça vient d'arriver. Mais on ne dirait pas. Je l'aime depuis le premier jour
où je l'ai connu.
J'étais surpris de voir combien il était facile de se confier à Alex. J'étais normalement trop nerveux
pour cracher une seule phrase autour de lui.
- Je peux voir combien il est important pour toi.
J'agitai ma cigarette et observai les étincelles rouges tomber sur les marches.
- Je ne pense pas qu'il ressent la même chose pour moi.
- Il devrait. Tu es un charmant jeune homme.
- Je n'ai pas autant de succès que lui. Vous êtes tous les deux au même niveau professionnellement.
Vous vous comprenez. Aujourd'hui, je me sentais comme un étranger.
Alex se pencha sur un coude et leva les yeux vers le ciel nocturne.
- N'importe quoi. Tu es très accompli, Louis. Je pense réellement que j'ai plus en commun avec toi
qu'avec Harry.
- Vraiment ?
- Tu es un réaliste. Tu comprends que la danse concerne le corps, les muscles et les os. L'athlétisme
et la technique. Harry est un rêveur. Il est trop enveloppé dans l'histoire, les personnages, leurs
émotions. Les exigences qu'il place sur son corps sont ridicules. Il refuse de reconnaître ses propres
limites.
C'est ce que j'aimais le plus à propos de la manière de danser d'Harry. C'était illimité. Ce n'était pas
de ce monde. C'était un aperçu du paradis.
Alex fouilla dans la poche de ma chemise et en sortit une autre cigarette. C'était ma dernière.
- Tu sais ce que je me souviens le plus de toi, Louis ?
Mes yeux s'écarquillèrent.
- Quoi ?
- La façon dont tu as pleuré le jour où j'ai amené Harry à Kiev.
Ma tête tomba contre mes genoux et je gémis.
- C'était tellement embarrassant.
- La façon dont tu as pleuré le jour où j'ai amené Harry à Kiev.
Ma tête tomba contre mes genoux et je gémis.
- C'était tellement embarrassant.
- Ce l'était, chéri ! Je n'ai jamais vu un élève pleuré pour moi comme ça. J'ai été touché.
Il me passa la cigarette et j'en tirai un bouffée.
- Je le regrette. Dit-il. J'aurais dû t'amener avec moi à Kiev. Tu aurais fait un compagnon bien
meilleur. Harry était toujours de mauvaise humeur.
Je lui repassai la cigarette.
- Pourquoi avez-vous choisi Harry ?
Ses yeux noirs étaient cachés par la fumée.
- La même raison pourquoi tu es ici sur ces marches. La même raison pourquoi Sergei lui a
demandé de rejoindre le Bolshoi. La même raison pourquoi Kenneth l'a laissé faire ce qu'il veut. Il
est un monstre magnifique, n'est-ce pas ?
Je ris tristement.
- Il l'est.
La voiture d'Alex s'arrêta devant l'Opera House.
Je lui redonnai son veston.
- Garde-le. Dit-il. "Tu en as plus besoin que moi.
- Merci. Dis-je et alors qu'il commençait à partir, j'ajoutais: Je suis content que vous soyez là, Alex.
- Moi aussi.
ACTE III: CHAPITRE VINGT-SIX
Deux semaines. Chaque jour pendant deux semaines, je l'avais attendu sur ces marches et Harry ne
s'était jamais montré. Pas d'explication. Pas d'excuses. Rien.
Chaque jour, je lui envoyais un message texte.
Je t'attends.
Je suis là.
Je ne partirai pas.
Je n'allais pas faire la même erreur lorsque nous étions à l'école. Je n'allais pas le laisser me
repousser. Je n'allais pas l'abandonner.
Je pénétrais le studio, un gris et frais mardi matin, le café dans mes mains qui brûlait le bout de
mes doigts. J'étais épuisé après une longue nuit d'attente pour Harry, qui était une fois de plus un
échec.
Je travaillais seul avec Alex ce matin-là. C'était la seule chose que j'avais hâte de faire. Tous mes
amis m'ignoraient. Même Niall, qui avait accepté de mettre en œuvre les notes d'Harry, était encore
un peu méfiant et je n'avais pas besoin d'entendre un autre "je te l'avais dit" au sujet de mes
problèmes avec Harry.
Alex me fit commencer par quelques exercices à la barre: demi-plié, plié, tendu lent, tendu rapide,
dégagé lent, dégagé rapide, avant de faire un grand rond de jambe en l'air. Debout sur ma jambe
droite, je déployais lentement ma gauche et la tournais autour de moi. Alex m'attrapa la cheville et
releva ma jambe un peu plus haut
- Tes muscles sont tendus. Es-tu blessé ?
Seulement mon coeur.
- Non. Répondis-je. Juste un peu raide.
Il massa mon quadriceps avec ses mains fortes avant de pousser ma jambe derrière moi et de
masser mes muscles ischio-jambiers, le talon de sa main travaillant profondément sur le tissu
musculaire.
- Mieux ?
- Beaucoup mieux.
Il lâcha ma jambe et me regarda avec les bras croisés. Il poussa ses lunettes sans contour à l'arête
de son nez et me demanda de faire mon solo dans l'Acte Un, celui que Harry avait chorégraphié. Je
l'avais fait tant de fois maintenant, c'était parfait, mais l'accomplissement était mitigé.
- Magnifique, Louis ! S'exclama-t-il.
C'était les idées d'Harry qui étaient magnifiques, son esprit. L'esprit que j'aimais et qui ne m'aimait
pas en retour.
Quand j'eus fini, Alex me remit une serviette et une bouteille d'eau. Sa main s'attarda sur la
mienne. Il avait pu constater par ma lourde performance que j'avais beaucoup de choses en tête.
- Comment sont les choses entre toi et Harry ?
- Pas bien.
- Je suis désolé d'entendre ça.
En plus de m'enseigner dans le studio, Alex me donnait des conseils pour ma vie amoureuse.
J'étais timide de m'ouvrir à lui au début, mais il était désireux d'aider et de donner son opinion. Il se
souciait à la fois de moi et d'Harry et voulait que nous soyons heureux. Donc, pas à pas, je lui avais
dit tout sur notre relation: les disputes, l'intervention, le sexe et le silence.
- Je ne sais pas ce que je fais de mal !
Alex mit un bras autour de moi.
- C'est lui qui a tort s'il ne voit pas combien tu es spécial.
Notre répétition était techniquement terminée, mais Alex avait fait partir le soliste qui devait
répéter juste après moi. En un claquement de doigt, le reste du monde avait disparu. Toutes nos
répétitions étaient comme celle-là. Nous travaillions un peu et nous parlions pendant des heures.
Alex savait écouter les autres. Je pouvais lui dire pratiquement tout.
- Pensez-vous qu'il est intéressé par quelqu'un de plus beau ?
- Plus beau que toi ? Pas possible.
- Je lui ai probablement fait peur. Je lui ai dit que je l'aimais après deux nuits ensemble ! Il ne l'a
pas dit en retour...
Alex souffla.
- Harry a toujours été très froid.
- J'aimerais simplement qu'il me parle. Dis-je, serrant la serviette autour de mon cou.
- J'aurais bien aimé t'aider, Louis, mais il ne me parle pas non plus.
Alex s'assit sur le sol avec son dos contre le miroir, un genou se collant doucement à sa poitrine. Je
m'étendis sur mon flanc devant lui.
- Harry devrait être plus gentil avec vous. Vous êtes une légende !
Il rit.
- Je ne suis plus une légende. Je n'ai pas dansé depuis bien longtemps. Je suis surpris que tu te
souviennes de mes performances.
Je me redressai.
- Je me souviens de toutes vos performances. Même celles que je n'ai pas vues en personne, je les
ai regardé un million de fois en ligne. Je les regarde encore quelques fois pour l'inspiration. Ondine
au Paris Opera Ballet en 2004. Oh mon Dieu. Votre Palemon a changé ma vie !
- Tu te souviens de ça ?
Je pouvais l'imaginer parfaitement en détail, ses lignes impeccables tranchant l'air comme un
couteau.
- Oui, bien sûr ! C'était la première fois que vous aviez dansé avec Julie Kent. C'était historique !
Il se pencha et murmura:
- Elle était un cauchemar. Ce n'est pas moi qui l'ai dit.
- Pire que Gigi ?
- Peut-être pas si pire.
Je ris.
- Je ferais tout pour vous regarder danser encore une fois... Pouvez-vous danser pour moi
maintenant ?
Il leva un sourcil.
- Louis, je doute que je puisse exécuter une pirouette à mon âge.
Je fis un signe de prière.
- S'il vous plaît, s'il vous plaît, s'il vous plaît.
Son expression s'adoucit et il se leva.
- Je ne peux pas croire que je fais ça. Il roula ses manches et retira ses chaussures en cuir verni. Je
ne suis pas sûr de pouvoir bouger dans cette tenue.
- J'ai une paire supplémentaire de collants !
- Ne m'oblige pas, Tomlinson.
Il commença à danser un petit morceau d'Ondine. Ses mouvements étaient limités par ses
pantalons et sa chemise, mais je pouvais encore voir ce que j'aimais de sa danse il y a quelques
années. La façon dont il attaquait chaque pose comme s'il était en duel. Sa danse était violente,
animée et passionnante.
Je me relevai et applaudis quand il termina. Il s'inclina, essoufflé.
- Je pense que je vais avoir une crise cardiaque.
- Vous étiez incroyable, monsieur- je veux dire, Alex.
- J'arrête définitivement de danser à partir de maintenant.
Je lui remis ma bouteille d'eau et il m'embrassa le sommet de ma tête.
Alex et moi quittâmes le studio bras-dessus bras-dessous, en continuant notre conversation. Nous
tournâmes le coin et fonçâmes directement dans Gigi et sa queue-de-cheval extrêmement serrée.
Elle plissa les yeux et s'éloigna d'un pas lourd. Alex et moi nous regardâmes et éclatâmes de rire.
Nous nous séparâmes au bout du couloir. Alex me salua et me laissa pour sa répétition privée avec
Harry. Je me dirigeai vers le studio A pour répéter l'Acte Deux avec Joni et le reste du casting. Ce
n'était pas l'ambiance décontractée et amusante de ma répétition avec Alex. L'ambiance dans la
pièce était silencieuse. Les danseurs parlaient à voix basse et, lorsque je les approchais, ils évitaient
tous contacts visuels.
Quelque chose s'était passé.
Immédiatement, mon esprit pensa à Harry. Son genou. Est-ce qu'il était blessé ?
Je demandai à Zayn. Il avait beaucoup de gens autour de lui qui semblaient lui poser des questions.
- Que c'est-il passé ?
Il me regarda, ses yeux noirs remplit de douleur.
- Qu'est-ce que tu penses ?
Le groupe de danseurs se retira. Je leur demandais de me dire ce qui s'était passé, mais ils se
dépêchèrent de commencer leurs exercices à la barre et refusaient de répondre.
Je n'allais pas rester là à rien faire. Si quelque chose n'allait pas avec Harry, il fallait que je le sache
maintenant.
Je quittai précipitamment le studio et courus au bureau de Liam. Il savait tout sur chaque danseur
dans l'entreprise et si quelque chose était arrivé à Harry, il n'allait pas le garder pour lui. On ne
s'entendait peut-être pas vraiment, mais Liam traitait toute la compagnie comme une famille. Si l'un
d'entre nous était en difficulté, il allait tout faire pour nous aider.
Son bureau avait l'air complètement différent. Il avait l'air plus grand. Les monticules de
paperasserie sur son bureau étaient partis comme les plaques et les trophées sur sa bibliothèque. Les
murs étaient nus. Des traces marquaient l'endroit où des affiches et des papiers avaient été accroché,
la peinture qui les entourait blanchie par le soleil.
Il y avait une grande boîte de carton dans le coin rempli à bord avec des livres et des cadres de
photos, les feuilles vertes de ses plantes la dépassant. Sa canne et sa veste en tweed reposaient sur sa
chaise.
Liam pénétra la pièce derrière moi sans salutation.
Je savais maintenant ce qui s'était passé, je n'avais aucune idée de ce que je devais dire. J'avalai
durement ma salive.
- Tu pars ?
- J'ai été renvoyé.
Ça ne pouvait pas arriver. Pas à Liam. Ma poitrine se tordait de culpabilité. Dire que j'étais désolé
n'allait pouvoir rien faire. S'excuser serait presque une insulte après ce qu'il avait souffert.
- Liam, que puis-je faire ?
- Rien. Je ne veux rien de toi. Il tâtonna quelques petits souvenirs: billets, une pile d'anciens
programmes, une pantoufle de ballet signée. Il serra ces objets - avec le soin que Liam donnait à
toutes les choses précieuses - dans sa boîte. Ensuite, il plaça le couvercle sur le dessus.
- Je suis là pour toi. Dis-je.
- Je ne veux pas de ton amitié.
Il regarda autour de la pièce, toucha son ancien bureau et toucha le mur en disant un adieu
silencieux. Puis il jeta sa modeste veste brune sur son bras et ramassa sa canne et sa boîte.
- Laisse-moi t'aider jusqu'à ta voiture au moins.
Liam m'ignora. Il sortit par la porte où Zayn l'attendait pour l'aider. Zayn prit la boîte, ce qui
permit à Liam d'avoir un peu de dignité alors qu'il s'éloignait de son vrai chez-soi.
Je le regardai parcourir le couloir avec la tête baissée. Liam avait tout perdu: la capacité de danser
pour la Royal Ballet Company et maintenant l'honneur de travailler pour l'entreprise. Le pire était
que je ne pouvais même pas être là pour lui. Ma présence ne servait à rien. Il me voyait comme la
cause de son malheur et il avait raison.
Je ne comprenais pas ce qui avait mal tourné dans mon plan. J'étais convaincu que si Harry parlait
à Kenneth, il pouvait sauver le travail de Liam. Je devais trouver Harry et savoir exactement ce qui
avait été dit.
Harry était dans le studio B pendant que Alex était assis sur une chaise pliante, les bras croisés,
attendant qu'il exécute quelque chose. Harry avait des cernes sous ses yeux et ses cheveux bouclés
tombaient lourdement sur ses épaules. Il ajusta la genouillère sur son genou. Son genou le
dérangeait, je pouvais le voir par la répugnance dans ses yeux. Il regardait seulement une personne
de cette façon: lui-même.
Il était plus pâle, plus mince qu'il ne l'avait été quelques semaines auparavant. Sa technique était
parfaite, mais je pouvais dire que ces exploits physiques provenaient de la partie la plus sombre de
lui. Il était dans l'agonie en dansant pour son ancien mentor. Depuis l'arrivée d'Alex, Harry était en
chute libre. Ça n'avait aucun sens. Harry n'avait rien à prouver. Il était le plus grand danseur encore
vivant. Sa vision de la production était accomplie. Il n'y avait plus de batailles pour se battre, alors
pourquoi il se battait toujours ?
Il détestait être interrompu, mais c'était trop important. Je m'excusai auprès d'Alex et amenai Harry
dans le couloir.
- Qu'as-tu dit à Kenneth au sujet de Liam ?
- Quoi ? Répondit-il, désorienté, en s'appuyant contre le mur de pierre frais pour se soutenir. Que
veux-tu dire ?
- Tu as parlé à Kenneth de Liam, n'est-ce pas ? Demandai-je lentement.
Harry ne répondit pas, mais son silence voulait tout dire.
- Tu as promis ! Tu m'as promis que tu parlerais à Kenneth si je t'aidais avec Niall, l'orchestre et ta
vision !
Harry était apathique, ses yeux verts et creux regardaient à travers moi.
- Je- j'ai oublié.
- Tu as oublié ! Mais putain, Harry, c'est la carrière de Liam, sa vie! Comment peux-tu oublier
quelque chose comme ça ?
Harry traîna ses mains sur son visage maigre comme si c'était le masque d'un homme qu'il tentait
de détruire.
- Je ne sais pas ! Je n'ai pas dormi depuis des jours! Je ne peux pas penser correctement !
- Tu penses bien à ta propre carrière !
J'eus un retour en arrière à notre dispute à RBS. Harry n'avait pas changé. Liam, Zayn, Gigi, ils
avaient tous raison. Harry était aussi égoïste qu'il l'était avant. J'étais un idiot pour penser qu'il était
capable de se soucier de moi ou de quelqu'un d'autre.
-Je suis tellement désolé, Louis. Dit-il.
- Ce n'est pas assez !
Je pris d'assaut le couloir et le laissais là entre moi et le studio. Si j'étais important pour lui, il me
suivrait. Il ne dirait pas seulement qu'il était désolé, il me montrerait qu'il était désolé. Il se battrait
pour moi. Mais les seuls pas que j'entendais étaient les miens.
Malgré tout, mes paroles à moi-même ce matin continuaient de battre comme un tambour: ne
l'abandonne pas, ne le laisse pas te repousser. Mais comment je pouvais rester avec quelqu'un qui
était si irréfléchi, si égoïste et cruel ?
Une cigarette, pensai-je, une seule. Je m'étais assis sur les marches de l'Opera House et en avais
fumé six, n'attendant pas exactement, mais répétant le rituel d'attente. C'est ce que je faisais.
J'attendais que Harry se soucie de moi, tout comme j'attendais qu'il me déçoive. Pour une relation
avec Harry, j'allais devoir attendre toute une vie. Un cycle de hauts et de bas écrasants.
J'étais sur le point d'abandonner et de partir quand je sentis que quelqu'un s'accroupissait derrière
moi. Tout mon être gonflait d'espoir. Je ressentis la chaleur de deux bras forts autour de mes
épaules. J'inclinai la tête.
C'était Alex.
- J'ai su ce qui était arrivé à Liam. Dit-il.
- C'est de ma faute.
Ses bras se resserrèrent autour de moi.
- Non, mon chéri ! Tu n'as rien à te reprocher.
- Je n'aurais jamais dû être du côté d'Harry. J'aurais dû être fidèle à Liam. Je jetai ma cigarette et
l'écrasai sous mon talon.
À ce moment-là, la voiture d'Alex arriva devant nous. Il se leva et me regarda, le lampadaire
illuminant ses cheveux d'argent comme un halo.
- Veux-tu dîner avec moi ce soir? Demanda-t-il en faisant signe vers la voiture.
J'étais étonné par la question. Moi, diner avec Alexander Beauchamp ?
- Vraiment ?
- Tu as eu une dure journée. Tu ne devrais pas être seul. Laisse-moi t'inviter.
Je baissai les yeux vers mes pantalons de survêtement et touchai mes cheveux emmêlés.
- Monsieur, j'aimerais bien, mais je ne suis pas habillé correctement.
- Nous pouvons arrêter chez toi. Ses doigts flattèrent le tissu mince de mon t-shirt, traçant ma
clavicule. Je te veux dans ton meilleur costume.
Alex tendit la main et je la pris heureusement. C'est alors que je m'étais rendu compte que
contrairement à Harry, Alex était un véritable ami, quelqu'un qui était là pour moi quand j'avais le
plus besoin de lui.
Il me guida en bas des marches vers la voiture noire et me tint la porte.
Alors que je montais dans le siège arrière, Harry apparut au sommet des marches de l'Opéra. Son
visage tomba quand il vit que je partais avec Alex.
Il était trop tard. J'en avais assez de l'attendre.

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