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25/10/2018 Amour divin, amour humain

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,
Amour divin amour humain

François Balmès

On  trouve  chez  Lacan  une  référence  constante,  discrète  mais  capitale,  tant  à  la 1
théologie qu’à la mystique – à ceux qu’on appelait au Grand Siècle les « spirituels » –,
référence qui s’opère selon une modalité originale dans la psychanalyse, très distincte
aussi bien de ce qui se trouve chez Freud que chez Jung. Il ne s’agit alors nullement
de soumettre théologiens et mystiques au lit de Procuste psychanalytique, mais bien
plutôt d’enrichir la théorie et d’éclairer l’expérience analytique à la lumière de leurs
témoignages et de leurs élaborations. L’exemple le plus connu en est la théorisation
de la jouissance féminine appuyée sur les mystiques dans le séminaire Encore. Cette
référence  ainsi  pratiquée,  passablement  incongrue  dans  l’espace  proprement
freudien, est, à sa suite, devenue presque naturelle chez les analystes, qu’ils soient ou
non  lacaniens.  La  position  est  très  voisine  de  celle  affirmée  par  Lacan  à  l’égard  des
artistes : pas question de prétendre les analyser, plutôt de s’en inspirer, d’en prendre
de  la  graine.  Seulement  les  enjeux  ne  sont  pas  les  mêmes,  puisque  traiter  ainsi
théologiens  et  mystiques  paraît  contredire  la  position  fondamentalement
démystificatrice de toute  psychanalyse  freudienne  à  l’égard  de  la  religion  –  position
que Lacan assume pour l’essentiel.

Cette attitude complexe, extrêmement tendue, est manifeste dans la place donnée par 2
Lacan  à  Dieu  dans  la  psychanalyse.  Comme  un  bon  professeur  de  philosophie  –  ce
n’est  pas  pour  rien  qu’il  a  revendiqué  en  1976  d’avoir  entrepris  de  «  socratiser  »  la
psychanalyse  –,  Lacan  entretient  savamment  l’incertitude  sur  sa  position  ultime
concernant  l’existence  de  Dieu  –  symbole  même  de  l’ouverture  maintenue  de  toute
question théorique et existentielle. C’est ainsi qu’à chaque étape, et simultanément, il
va  avancer  les  véritables  formules  (voire  les  mathèmes)  de  l’athéisme,  que  seule  la
psychanalyse permet d’atteindre et de penser, tout en déterminant ce que j’ai proposé
d’appeler  «  les  noms  divins  dans  la  psychanalyse  »,  c’est­à­dire  des  points  de  la
structure  donnés  nécessairement  dans  l’expérience  de  tout  un  chacun,  qu’il  croie
croire ou qu’il croie ne pas croire, et qui correspondent à ce que la tradition a nommé
Dieu.  Véritable  formule  de  l’athéisme  «  moderne  »,  par  exemple,  en  tout  cas
psychanalytique,  que  Lacan  entend  substituer  à  «  Dieu  est  mort  »  :  «  Dieu  est
inconscient  ».  Mais  il  y  en  a  bien  d’autres,  accordées  justement  aux  divers  noms
divins, ainsi : « l’Autre n’existe pas » (qui se décline de diverses façons : il n’y a aucun
garant ni de la loi ni de la vérité ; l’Autre est inconsistant, etc.) ; « il n’y a nul sujet
supposé  savoir  ».  Sans  oublier,  bien  sûr,  le  Nom­du­Père,  signifiant  directement
importé  de  la  religion  au  cœur  de  la  théorie  psychanalytique,  à  propos  duquel  la
déclaration finale de Lacan condense les ambiguïtés que nous venons d’évoquer.

«  L’hypothèse  de  l’inconscient  –  Freud  le  souligne  –  est  quelque  chose  qui  ne  peut 3
tenir  qu’à  supposer  le  Nom­du­Père.  Supposer  le  Nom­du­Père,  certes,  c’est  Dieu.
C’est  en  cela  que  la  psychanalyse,  de  réussir,  prouve  que  le  Nom­du­Père,  on  peut
aussi bien s’en passer. On peut aussi bien s’en passer à condition de s’en servir [1] . »

L’implication  théologique  de  la  psychanalyse  est  ici  affirmée  de  façon 4
particulièrement  catégorique  –  d’où  que  ce  qui  reste  comme  possible  c’est  de  s’en
passer, mais pas sans y passer, si je puis dire, puisque c’est à condition de s’en servir.

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C’est une position constante de Lacan que la psychanalyse ne peut tenir – éviter de 5
tomber dans un délire schrébérien – sans préserver « cette place marquée de Dieu le
Père [2]  » qu’il a jusqu’au bout commentée en relation avec la révélation mosaïque du
buisson ardent « ehyeh asher ehyeh [3]  ».

Mon propos ne sera pas ici de recenser ces « noms divins » dans la psychanalyse dont 6
la formulation jalonne l’avancée lacanienne : l’Autre, l’Autre barré, le Nom­du­Père,
la Chose, le sujet supposé savoir (« Dieu pour l’appeler par son nom »), le « dieure »,
le  moins  surprenant  n’étant  pas  «  La  femme  ».  Il  faut  signaler  cependant  que  la
position  du  terme  du  grand  Autre  –  dont  divers  types  de  négation  vont  égrener  les
formulations  de  l’athéisme  –  a  à  cet  égard  un  caractère  inaugural.  Que  le  lieu  de
l’inconscient soit aussi lieu de la parole, lieu où la parole se pose en vérité, et lieu de
l’adresse radicale présente dans et au­delà de toute adresse, institue cette proximité
structurale entre l’Autre et Dieu, dont d’ailleurs Lacan ne fait pas mystère, répétant
que l’Autre – il dira encore plus massivement dans Encore « le symbolique » – est ce
qui  a  été  fait  Dieu.  La  reprise  du  père  freudien,  décliné  en  père  imaginaire,  réel  et
symbolique,  la  position  du  Nom­du­Père  comme  signifiant  d’exception  dans  le
système  signifiant,  supposent  la  position  préalable  de  l’Autre  avec  ses  coordonnées
structurales, voire structuralistes. Si on peut dire que « Père » est le seul nom divin
que  connaisse  Freud,  chez  Lacan,  c’est  l’Autre  qui  est  le  nom  divin  premier,
irréductible.

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L’Autre, l’Autre comme lieu de la vérité, est la seule place, quoique irréductible,
que  nous  pouvons  donner  au  terme  de  l’être  divin,  de  Dieu,  pour  l’appeler  par
son nom. Dieu est proprement le lieu où, si vous m’en permettez le jeu, se produit
le  dieu  –  le  dieur [4]   –  le  dire.  Pour  un  rien,  le  dire  ça  fait  Dieu.  Et  aussi
longtemps que se dira quelque chose l’hypothèse Dieu sera là [5] .

Que  ce  soit  la  seule  place  ne  veut  pas  dire  que  ce  soit  le  seul  «  nom  divin  » 8
psychanalytique, la meilleure preuve étant que Lacan en profite pour en avancer un,
jusque­là  inédit,  «  le  dieur  ».  Il  faut  d’autre  part  enregistrer  cette  incise  capitale,
« quoique irréductible », qui inscrit le caractère indépassable de la question en tant
qu’elle nomme une place de la structure inhérente à la parole et au langage.

On  aperçoit  que  pour  Lacan  la  question  théologique  n’est  pas  à  la  marge  mais  au 9
cœur de la structure et de l’expérience analytique.

Je voudrais ébaucher ici une réflexion sur l’impact chez Lacan des théologiens et des 10
mystiques sur un point plus particulier, et qui engage spécifiquement la question du
« spirituel », la théorie de l’amour. Un livre important vient de retracer l’histoire de la
«  configuration  »  du  pur  amour  «  de  Platon  à  Lacan [6]   »,  en  prenant  Lacan  non
seulement  comme  un  représentant  de  cette  théorie  (proprement  mystique  dans  sa
formulation originale) mais en même temps comme une clé qui éclaire l’ensemble de
cette  histoire  sans  la  réduire.  Nous  reprendrons  ici  la  lecture  et  la  discussion  que
nous avons été amenés à en faire dans une perspective différente [7] . Au sens propre,
le  pur  amour  renvoie  à  la  théorie  élaborée  par  Mme  Guyon  et  Fénelon  pour  rendre
compte  d’une  orientation  de  l’expérience  mystique.  L’idée  est  simple  :  le  véritable
amour est désintéressé, radicalement, pur de tout amour de soi. Au degré supérieur
de l’amour de Dieu, l’âme se soumet à la volonté divine au point de renoncer à toute
récompense  non  seulement  ici  bas,  mais  au­delà.  D’où  la  formulation  de  la
«  supposition  impossible  »  :  si,  par  impossible,  Dieu  voulait  me  damner,  je  ne  l’en
aimerais pas moins – à dire d’ailleurs plutôt en deuxième personne, comme ce fut le
cas  de  saint  François  de  Sales  dans  «  L’acte  d’abandon  héroïque  »  en  l’église  Saint­
Étienne­des­Grès  en  1587,  par  lequel  il  trouva  une  issue  à  une  terrible  période  de
tentation où il se croyait damné : « Quidquid sit… » (« quoi qu’il arrive, et même si tu
devais  me  damner,  Seigneur,  je  t’aimerai  toujours  »),  expérience  de  référence  pour
les  théoriciens  du  pur  amour,  de  quelqu’un  qui,  loin  d’encourir  comme  eux  les
foudres pontificales, fut très tôt béatifié.

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Or, ce qui nous importe ici, c’est que Lacan se réfère à cette théorie du pur amour, pas 11
seulement en tant qu’expérience mystique, mais pour dire que si l’amour, l’amour en
général, était digne de ce nom, ce serait ça :

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Il y a quand même eu dans la suite un certain nombre de personnes sensées, qui
se sont aperçues que […] que le comble de l’amour de Dieu, ça devait être de lui
dire […] « si c’est ta volonté, damne­moi », c’est­à­dire exactement le contraire
de  l’aspiration  au  souverain  bien.  Ça  veut  tout  de  même  dire  quelque  chose  :
mise  en  question  de  l’idéal  du  salut,  au  nom  justement  de  l’amour  de  l’Autre.
C’est  à  partir  de  ce  moment­là  que  nous  rentrons  dans  […]  dans  le  champ  de
quoi  ?  […]  dans  le  champ  de  ce  que  ça  devrait  être  l’amour,  si  ça  avait  le
moindre sens [8] .

C’est  le  comble  de  l’amour  de  Dieu,  mais  c’est  aussi  ce  que  devrait  être  l’amour  en 13
général  «  si  ça  avait  le  moindre  sens  ».  Ce  texte  est  contemporain  de  Encore,  assez
tardif  donc.  Il  s’inscrit  dans  la  ligne  d’une  référence  constante  de  Lacan,  sur  la
question  de  l’amour,  moins  à  la  doctrine  du  pur  amour  qu’à  la  théorisation  de
Rousselot dégageant dans la pensée des théologiens médiévaux l’opposition entre une
théorie « physique » et une théorie « extatique [9]  ». À très gros traits, disons que la
théorie physique pose que l’amour de soi est nécessairement inclus dans tout amour
pour  Dieu,  pour  autant  que  celui­ci  est  identifié  au  souverain  bien.  Pour  les
théoriciens de l’amour extatique, comme dit Lacan, il faudrait « qu’il y en ait deux »,
c’est­à­dire  que  l’amour  s’adresse  à  l’Autre  en  tant  que  tel  et  que  l’aimant  puisse
s’oublier, voire se perdre en lui, qu’on puisse aimer en lui autre chose que soi­même
sous la forme de « son bien ». Tout en donnant acte à Rousselot que seule la théorie
physique  est  soutenable  de  façon  cohérente  dans  le  cadre  d’une  théologie  de  Dieu
comme souverain bien, la prise de parti de Lacan du côté de la théorie extatique est
tout à fait déclarée.

Or, c’est depuis bien longtemps que ces questions philosophiques et cette dimension 14
théologique  sont,  en  arrière­plan,  plus  ou  moins  explicitées  mais  décisives,  quand
Lacan  reprend  à  son  compte  la  théorie  freudienne  de  l’amour  qui  le  fonde  dans  le
narcissisme.  Du  coup,  l’affirmation  répétée  du  caractère  irrémédiablement
narcissique  de  l’amour  prend  chez  lui  une  portée  différente  de  celle  qu’elle  a  chez
Freud.  Pour  ce  dernier,  c’est  d’abord  une  donnée  de  l’ordre  de  la  positivité  –  et  le
caractère pathogène de la stase narcissique est interrogé sur le même terrain :

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[…]  d’où  provient  en  fin  de  compte  dans  la  vie  psychique  cette  contrainte  de
sortir  des  frontières  du  narcissisme  et  de  placer  la  libido  sur  les  objets  ?  La
réponse  conforme  à  notre  ligne  de  pensée  pourrait  être  que  cette  contrainte
apparaît  lorsque  l’investissement  du  moi  a  dépassé  une  certaine  mesure.  Un
solide  égoïsme  préserve  de  la  maladie,  mais  à  la  fin  on  doit  se  mettre  à  aimer
pour ne pas tomber malade, et l’on doit tomber malade lorsqu’on ne peut aimer
par suite de frustration [10] .

La critique moraliste des effets du narcissisme humain n’est certes pas absente chez 16
Freud,  mais  il  ne  paraît  pas  exagéré  de  dire  qu’elle  concerne  plus  l’obstacle  que  le
narcissisme représente à l’égard de la reconnaissance de la réalité et de la vérité que
l’obstacle à ce que serait une véritable relation à l’autre en tant qu’autre. Il n’y a, par
exemple,  aucune  distinction  de  type  normatif  entre  le  choix  d’objet  «  de  type
narcissique » et celui « par étayage ». Sans doute la thèse du caractère primitivement
narcissique  de  la  libido,  bientôt  conjugué  à  la  pulsion  de  mort,  fait­elle  partie  du
pessimisme  freudien,  décapé  quant  aux  possibilités  morales  et  spirituelles  de  l’être
humain – et peu porté à l’indulgence pour autant [11] .

Il faut ici noter que si Lacan répète régulièrement que l’amour est narcissique – tout 17
en ouvrant régulièrement une petite fenêtre autre à côté, en préservant la place d’un
amour plus vrai – il est beaucoup moins sûr qu’il accorde le caractère primitivement

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narcissique  de  la  libido  auquel  en  vient  Freud  dans  «  Pour  introduire  le
narcissisme [12]   ».  C’est  que,  pour  lui,  il  ne  saurait  être  question  de  narcissisme
primaire puisque l’altérité est première, que le moi se constitue comme un autre dès
la  théorisation  du  stade  du  miroir,  et  à  plus  forte  raison  après  l’introduction  du
symbolique et de l’Autre grand A. La question de l’altérité est inaugurale chez lui, dès
avant qu’il soit vraiment freudien [13] , puisqu’elle structure le stade du miroir, à partir
duquel Lacan pense alors résoudre ce qui lui semble resté en suspens chez Freud – la
théorie  du  moi  –,  et  corriger  les  nombreux  points  théoriques  dont  il  juge  la
formulation  freudienne  inadéquate.  Ce  caractère  fondateur  de  l’autre  dans  la
constitution du moi apparaît alors comme aliénation constitutive de l’identité du moi,
qui relève essentiellement du registre imaginaire.

La pensée de l’amour chez Lacan est hantée par la question : peut­il y avoir un amour 18
qui ne soit pas purement narcissique, captif des rets de l’imaginaire ? C’est­à­dire un
amour qui soit amour de l’autre en tant que tel, et non pas de soi dans l’autre, ou de
l’autre  comme  soi.  On  voit  bien  que  cette  question  n’est  pas  du  seul  registre  de  la
positivité,  mais  d’une  exigence  de  type  éthique  –  et  que  c’est  celle­ci  qui  fonde  le
caractère souvent dépréciatif des analyses. Ce qui peut masquer cette exigence, c’est
la  virulence  des  critiques  et  des  sarcasmes,  qu’elle  soutient  en  réalité,  à  l’égard  de
tous les faux­semblants plus ou moins moralisants d’une telle relation.

C’est ainsi que la première mention de la thèse de Rousselot se trouve, dès 1948, dans 19
le  texte  sur  «  L’agressivité  en  psychanalyse  »,  à  l’appui  d’une  critique  radicale  du
leurre  bêtifiant  de  l’amour  oblatif  érigé  alors  en  idéal  de  fin  de  cure  par  tout  un
courant analytique.

Il  y  a  bien,  souligne­t­il,  dans  la  sexualité  biologique,  une  tendance  –  mais 20
parfaitement  aveugle  –  dans  le  sens  du  dépassement  de  l’individu  au  profit  de
l’espèce [14] . Cette remarque, qui prend la suite de considérations de Freud dans Au­
delà du principe de plaisir sur la connexion entre la sexualité et la mort, présente en
quelque sorte un support biologique à l’amour désintéressé.

Mais  Lacan  accentue  surtout  le  côté  indépassable  du  narcissisme  inextricablement 21
mêlé  à  l’agressivité,  qui  vient  pervertir  tout  altruisme  et  dont  aucune  oblativité  ne
peut venir à bout [15] .

Or,  à  ce  démontage  des  illusions  et  des  mensonges  d’une  idéalisation  du  rapport  à 22
l’autre, Lacan oppose une autre conception, plus lucide selon lui, du dépassement de
soi – celle de l’alternative théorisée par Rousselot.

Les  théoriciens  du  Moyen  Âge  montraient  une  autre  pénétration,  qui  débattaient  le 23
problème de l’amour entre les deux pôles d’une théorie « physique » et d’une théorie
« extatique », l’une et l’autre impliquant la résorption du moi de l’homme, soit par sa
réintégration  dans  un  bien  universel,  soit  par  l’effusion  du  sujet  vers  un  objet  sans
altérité [16] .

Cette indication non développée montre que ce n’est donc pas, bien au contraire, que 24
Lacan pense qu’on ne peut ni ne doit franchir les limites du narcissisme, puisque, de
façon remarquable, les deux théories, la physique comme l’extatique, sont présentées
comme pensant le dépassement de soi. Il est donc clair qu’il n’entend pas enfermer
l’être dans le narcissisme.

Plus  significative  encore,  l’idée  qu’il  se  faisait  de  l’analyse  et  de  l’analyste  dans  les 25
années  1950  –  lorsqu’il  déclare,  dans  le  Séminaire  II,  Le  moi…  :  «  Si  on  forme  des
analystes, c’est pour qu’il y ait des sujets tels que chez eux le moi soit absent [17]  » – ne
peut pas ne pas évoquer les chemins spirituels du détachement de soi – et ce n’est pas
par  hasard  qu’il  cite  (à  la  suite  de  Balint,  d’ailleurs)  Angelus  Silesius [18]   comme
formulant au mieux la fin de l’analyse. Ce dépouillement du moi, il dit bien alors que
c’est  un  idéal  jamais  complètement  atteint.  Il  lui  assigne  pour  but  de  permettre  le
passage d’« une vraie parole qui joigne le sujet à un autre sujet de l’autre côté du mur

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du  langage.  C’est  la  relation  dernière  du  sujet  à  un  Autre  véritable,  à  l’Autre  qui
donne la réponse qu’on n’attend pas qui définit le point terminal de l’analyse [19]  ».

Cet extrait, qui se trouve situé aux premiers temps de la définition de l’Autre grand A, 26
contient des thèmes qui seront remaniés – en particulier celui de l’intersubjectivité,
mise  à  distance  dans  Le  transfert,  abjurée  solennellement  en  1967  dans  la
« Proposition sur le psychanalyste de l’École ». Mais il met bien en valeur la solidarité
de  la  critique  de  l’imaginaire  et  de  l’exigence  radicale  d’une  relation  à  un  Autre
véritable, qui, à travers bien des métamorphoses, est une constante. Une telle relation
n’est  pas  ici  désignée  comme  amour,  mais  comme  relation  de  parole  authentique.
Mais  dans  une  optique  spirituelle  que  Lacan  est  bien  loin  d’ignorer,  l’amour  ne
s’évalue  pas  d’abord  au  niveau  du  sentiment.  Quoi  qu’il  en  soit,  ceci  confirme  que
c’est  justement  dans  la  mesure  où  il  échoue  à  constituer  une  relation  authentique  à
un  autre  véritablement  autre  que  sera  dénoncé  le  caractère  irrémédiablement
narcissique de l’amour – à quoi justement Lacan opposera longtemps, comme ici, la
relation dans la dimension symbolique.

Notons toutefois que, comme le soulignent amèrement ceux qui ne sont pas du sérail, 27
l’expérience  de  la  fréquentation  des  analystes  hors  de  l’analyse,  et  plus  encore  de
leurs fonctionnements collectifs, interdit de croire que ce que le passage par l’analyse
leur  a  appris  et  apporté  comporte  quelque  allégement  que  ce  soit  des  travers
narcissiques du commun des mortels. Il importerait de discerner de manière plus fine
quelle  mise  à  distance  du  narcissisme  et  des  identifications  s’obtiendrait  d’une
analyse  menée  à  son  terme  –  gain  variable  à  coup  sûr  selon  les  cas  –  et  peut­être
réservée pour l’essentiel à l’analyste en fonction « sans moi ». Lacan aura bien redit
d’ailleurs  qu’aucune  élévation  spirituelle  n’est  requise,  ni  promise,  ni  même
recherchée  dans  l’analyse [20] ,  mais  cela  pouvait­il  suffire  à  désamorcer  tout  ce  qui
dans  sa  parole  jouait  précisément  de  cette  corde,  et  faisait  d’ailleurs  par  elle  appel
pour le transfert ?

La voie ici est étroite. Que l’élaboration proprement psychanalytique de l’amour chez 28
Lacan inclue de façon privilégiée une référence à des théories théologiques, porteuses
d’une exigence d’absolu, ne doit pas nous faire conclure qu’il aurait pour l’idéalisation
plus  de  complaisance  que  Freud  :  dire  que  l’analyse  travaille  à  écarter  I  (l’idéal  du
moi) et petit a (l’objet cause du désir) comme l’indique la fin du Séminaire XI, c’est
bien dire qu’il ne travaille pas dans le sens de l’idéal.

On  rencontre  une  deuxième  référence,  plus  développée,  à  la  thèse  de  Rousselot 29
opposant  théorie  physique  et  théorie  extatique  de  l’amour  en  un  point  qui  peut
surprendre  :  la  relecture  opérée  par  Lacan  des  Mémoires  du  président  Schreber.
L’Autre grand A n’est plus désormais un autre sujet, ni un être. Il est un lieu, le lieu
où  la  parole  se  pose  en  vérité  et  cherche  sa  garantie,  mais  aussi  le  lieu  du  langage.
Mais  c’est  aussi  le  lieu  dernier  de  toute  adresse,  et  s’il  n’est  pas  structuralement
quelqu’un,  c’est  bien  souvent  comme  tel,  cependant,  qu’il  se  présente  dans
l’expérience sous le nom de Dieu. « Dieu », c’est le nom que le séisme subjectif qui l’a
saisi  a  conduit  Schreber  à  donner  à  son  partenaire  dans  le  délire,  avec  lequel  il
entretient une relation érotique dramatique.

C’est pour comprendre cette relation, cet amour absolu, que le recours aux thèses de 30
Rousselot  apparaît  nécessaire  à  Lacan  :  il  oppose  alors  un  amour  situé  sur  l’axe
imaginaire de la relation à un semblable et un amour qui a pour partenaire un Autre
absolu,  et  il  déclare  qu’on  ne  peut  comprendre  la  folie  sans  l’éclairage  de  la  théorie
médiévale  de  l’amour  et  de  la  mystique [21] .  Le  rapprochement  entre  psychose  et
mystique est un topos de la psychiatrie, mais il est traité ici tout autrement. Lacan ne
prétend nullement faire des mystiques des psychotiques. Plutôt élever le psychotique
à une dignité métaphysique comparable à celle du mystique, mais sans méconnaître
l’abîme  qui  les  sépare.  Il  s’agit  pour  lui  de  faire  crédit  à  ce  qui  se  présente  comme
analogie, mais aussi de repérer le point de structure de la différence.

La  présentation  faite  de  cet  Autre  absolu  est  très  illustrative  de  ce  qui  sous­tend  la 31
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prise de position de fond de Lacan, du côté de la théorie « extatique » – à laquelle il
réfère  alors  expressément  la  possibilité  de  penser  un  Autre  véritable.  L’Autre  n’est
pas un être mais un lieu. Toutefois il est un lieu d’adresse, et même l’adresse radicale
qu’enveloppe toute adresse et qui la supporte, le Toi absolu et vide, et en ce sens il est
le partenaire de l’être parlant.

32
Le  second,  l’Autre  absolu,  est  celui  auquel  nous  nous  adressons  au­delà  de  ce
semblable,  celui  que  nous  sommes  forcés  d’admettre  au­delà  de  la  relation  du
mirage, celui qui accepte ou qui se refuse en face de nous, celui qui, à l’occasion,
nous trompe, dont nous ne pouvons jamais savoir s’il ne nous trompe pas, celui
auquel  nous  nous  adressons  toujours.  Son  existence  est  telle  que  le  fait  de
s’adresser à lui, d’avoir avec lui un langage, est plus important que tout ce qui
peut être un enjeu entre lui et nous [22] .

Est­ce bien encore d’un lieu qu’il s’agit ? 33

Dans  la  psychose,  la  relation  à  l’Autre  absolu  et  la  relation  imaginaire  sont 34
superposées et, dit Lacan, l’amour absolu est en même temps un amour mort ; or tout
témoigne que tel n’est pas le cas pour les mystiques.

Remarquons  aussi  qu’à  aborder  l’Autre  grand  A,  qu’il  est  en  train  de  construire 35
comme pur lieu du symbolique par la psychose et la mystique, Lacan rencontre déjà
la question de la jouissance de l’Autre, au double sens du génitif objectif et subjectif :
non  seulement  Schreber  jouit  de  Dieu,  mais  Dieu  jouit  de  Schreber  féminisé,  selon
des coordonnées constantes de la psychose qui justifient pleinement la référence à la
mystique  –  mystique  sur  laquelle  Lacan  s’appuiera  en  1973  pour  penser  cette
jouissance de l’Autre du côté femme de la sexuation.

La relation érotomaniaque de Schreber à son Dieu est­elle relation d’amour ? Elle est 36
plus encore : une version effective de ce rapport sexuel qui n’existe pas, dira plus tard
Lacan.

L’Autre de Schreber, où Lacan reconnaît l’appareil du langage lui­même, ne connaît 37
rien du vivant ; l’amour ici est mort parce que le partenaire est mort. Mais s’agissant
de l’Autre, est­ce la vérité du paranoïaque ou celle de tout sujet pris dans le langage ?
Dix ans plus tard, dans le séminaire D’un Autre à l’autre, au cours d’une analyse de la
perversion, Lacan dira de l’Autre que c’est « quelque chose d’aveugle et peut­être de
mort [23]  » – en soi et pour soi, semble­t­il. L’Autre de Lacan, lieu de l’inconscient, est
pris  dans  cette  oscillation  entre  le  Dieu  vivant  et  désirant  qui  se  révèle  dans  l’infini
retrait de son nom « Je suis ce que je suis », et le Dieu de Schreber, appareil mort du
symbolique qui soumet à la torture le vivant qui parle.

Il  est  frappant  de  voir  réapparaître  dans  le  Séminaire  XI,  Les  quatre  concepts 38
fondamentaux de la psychanalyse [24] , dans un contexte très différent où il s’agit de
distinguer l’amour et la pulsion en appui sur le texte de Freud sur les pulsions et leurs
destins,  réapparaître  les  coordonnées  fondamentales  que  nous  avons  repérées  :
l’amour, à la différence de la pulsion, n’est pas par essence sexuel, mais narcissique ;
cette  conception  –  freudienne  –  est,  dit  Lacan,  en  continuité  avec  la  théorie
«  physique  »  développée  par  saint  Thomas,  ce  qui  veut  dire  qu’elle  a  de  puissants
arguments  théoriques  pour  elle,  mais  elle  est  inadmissible  si  l’amour  doit  avoir
quelque  valeur [25] .  Lacan  rappelle  sa  dénonciation  d’un  altruisme  prétendu  où
vouloir  le  bien  de  l’autre  signifie  en  fait  vouloir  ce  qui  est  son  propre  bien.  Pour
autant qu’il est cela, l’amour ne préserve rien de « la transcendance de l’objet ». Mais
l’ambiguïté est manifeste entre une critique des limites de l’amour et celle de l’échec
de  toute  la  psychologie  où  «  rien  –  et  c’est  bien  pour  cela  que  toute  la  psychologie
affective a, jusqu’à Freud, échoué – rien encore n’y représente l’Autre, l’Autre radical,
l’Autre comme tel ». Ce qui apparaît alors, c’est que le défaut d’une représentation de
la différence masculin/féminin (non seulement dans la théorie freudienne, mais plus
gravement  dans  l’inconscient  lui­même)  autrement  que  par  le  couple  actif/passif,

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totalement insuffisant pour Freud lui­même, fait apparaître l’absence de tout Autre à
ce  niveau.  «  Cette  représentation  de  l’Autre  manque,  précisément,  entre  ces  deux
mondes  opposés  que  la  sexualité  nous  désigne  dans  le  masculin  et  le  féminin.  »
Annonce de ce qui deviendra le théorème central : « Il n’y a pas de rapport sexuel ».
Paradoxalement,  la  pulsion,  sexuelle  mais  non  sexuée,  apparaît  alors  être  la  seule  à
donner accès à l’Autre par l’objet a [26] .

Mais  retenons  que  toujours  Lacan  mesure  l’amour  à  cette  exigence  d’un  accès  à 39
l’Autre radical, et que c’est de là qu’il le déprécie : si la théorie narcissique, qui revient
à la théorie physique des médiévaux (ou l’inverse), épuise la vérité de l’amour – et ce
n’est  pas  sans  apparence  –,  alors  il  ne  vaut  pas  cher  :  il  est,  par  exemple,  cette
tromperie  essentielle  où  aimer  n’est  jamais  que  vouloir  être  aimé.  Ce  qui  ressort
d’autre  part  de  ce  commentaire  que  fait  Lacan  de  la  distinction  opérée  par  Freud
entre  l’amour  et  le  fonctionnement  pulsionnel,  c’est  le  peu  de  lien  naturel  entre
amour et sexualité : la question à ce stade n’est pas de savoir comment l’amour s’est,
dans  certains  cas,  désexualisé,  mais  bien  plutôt  comment  il  en  vient  à  se
sexualiser [27] .

On sait que, dans le christianisme, la loi, la loi mosaïque, est résumée/remplacée par 40
un unique commandement, le  commandement  d’amour.  Celui­ci  dans  l’Évangile [28]
se  donne  en  deux  formulations,  dont  il  est  dit  que  la  seconde  est  identique  à  la
première  :  la  première  commande  d’aimer  Dieu  ;  la  seconde  dit  «  Tu  aimeras  ton
prochain  comme  toi­même  ».  Paul,  dans  l’épître  aux  Romains,  rassemble  les  deux
dans  la  deuxième [29] .  Cet  écart  et  cette  unité  ont  donné  lieu  dans  l’histoire  du
christianisme à toutes sortes d’interprétations, de débats et d’affrontements.

Parallèlement à la mise en regard avec la mystique et la théorie extatique de l’amour, 41
et  de  la  même  façon  tout  au  long  de  son  parcours,  la  confrontation  de  la  théorie
psychanalytique de l’amour aux formulations théologiques se mène chez Lacan avec
le commandement d’amour du prochain. C’est là un des repères par rapport auquel
Lacan  se  situe  de  façon  récurrente.  Or,  la  discussion  qu’il  en  conduit  à  partir  de  la
psychanalyse  ne  se  confond  pas  du  tout  avec  la  critique  permanente  et  féroce  du
caractère spécieux et mensonger de toutes les formes d’oblativité ou d’altruisme. Ce
commandement  lui  paraît  autrement  sérieux.  La  théorie  complexe  de  l’altérité  que
Lacan élabore tout au long de son enseignement lui permet de donner une place très
spécifique  au  «  prochain  »  –  place  qu’on  peut  épingler  d’un  néologisme  forgé  par
Lacan  :  «  l’extimité  ».  Le  prochain  n’est  ni  le  semblable,  assigné  au  registre
imaginaire, ni l’Autre symbolique grand A dans sa distance radicale. Le prochain se
situe,  selon  l’élaboration  du  séminaire  L’éthique,  au  lieu  de  das  Ding,  la  Chose,  ce
cœur exclu de mon être de jouissance qui est à la fois ce que j’ai de plus intime et qui
m’est radicalement étranger – d’où « extime » – au registre du Réel. L’entrée dans le
langage  et  la  loi  implique  que  nous  avons  rapport  à  cette  Chose  perdue  comme  le
vide. C’est dans ce vide que je rencontre mon prochain « comme moi­même », pas du
tout au sens du semblable imaginaire auquel je m’identifie et/ou que je hais dans la
méconnaissance, mais comme réellement non distinct de moi : prochain­extime – et
dans cet espace serait possible un amour délivré des mensonges tant du narcissisme
que  de  l’altruisme,  une  relation  non  convenue  à  la  vérité  de  sa  jouissance,  de  son
désir,  de  son  être,  mais  qui  implique  de  pouvoir  affronter  ce  que  sa  jouissance  a  de
radicalement mauvais, et son désir dans sa foncière destructivité.

Dans  L’éthique,  Lacan  mène  une  discussion  nuancée  des  réserves  formulées  par 42
Freud dans Malaise dans la civilisation à l’endroit de ce commandement d’amour du
prochain. Mais ces nuances masquent parfois la conclusion, elle, tranchée – Lacan l’a
écrite ailleurs – sur Freud, et sur l’amour du prochain.

D’un  côté,  il  fait  l’éloge  de  la  position  de  Freud  :  «  Toute  la  conception 43
aristotélicienne des biens est là vivante chez cet homme vraiment homme » ; « mais
ce qu’il élude, c’est peut­être que c’est justement à prendre cette voie (du bien et des
biens) que nous manquons l’accès à la jouissance. »

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«  Chaque  fois  que  Freud  s’arrête  comme  horrifié,  devant  la  conséquence  du 44
commandement  de  l’amour  du  prochain,  ce  qui  surgit,  c’est  la  présence  de  cette
méchanceté foncière qui habite ce prochain. Mais dès lors, elle habite aussi en moi­
même. Et qu’est­ce qui m’est plus prochain que ce cœur de moi­même, qui est celui
de ma jouissance, dont je n’ose approcher ? » Freud a donc bien raison d’être arrêté
par  la  jouissance  mauvaise  dans  l’abord  du  prochain,  mais  raison  seulement  dans
l’optique des biens – qui apparaît alors comme barrage sur la voie de la révélation du
désir.

Lacan, une fois de plus, démolit la bienfaisance comme figure de l’amour de soi, en 45
une critique qu’on confond parfois à tort avec un rejet de l’amour du prochain.

« Si je puis faire quelque chose en moins de temps et de peine que quelqu’un qui est à 46
ma  portée,  par  tendance  je  serai  porté  à  le  faire  à  sa  place,  moyennant  quoi  je  me
damne de ce que j’ai à faire pour ce plus prochain des prochains qui est en moi [30]  »,
texte  qu’on  peut  mettre  en  continuité  avec  ce  à  quoi  on  résume  souvent
sommairement l’apport de ce séminaire : « ne pas céder sur son désir » abusivement
érigé  en  commandement.  Mais  la  lecture  attentive  relève  que,  de  diverses  façons,
Lacan préserve et indique comme issue le sens possible de l’amour du prochain ainsi :
«  C’est  une  autre  question  que  de  savoir  ce  que  signifie  dans  une  rencontre  la
réponse, non de la bienfaisance, mais de l’amour [31] . » Et encore, après un démontage
de l’utilitarisme ainsi épinglé : « Ce que je veux c’est le bien des autres pourvu qu’il
reste à l’image du mien » ; il y oppose : « Peut­être est­ce ici le sens de l’amour du
prochain qui pourrait me donner la direction véritable [32] . »

Dans des conférences contemporaines, à l’université Saint­Louis de Bruxelles, Lacan 47
s’exprime plus directement :

48
Ai­je  réussi  seulement  à  faire  passer  en  votre  esprit  les  chaînes  de  cette
topologie,  qui  met  au  cœur  de  chacun  de  nous  cette  place  béante  d’où  le  Rien
nous  interroge  sur  notre  sexe  et  sur  notre  existence  ?  C’est  là  la  place  où  nous
avons à aimer le prochain comme nous­mêmes, parce qu’en lui cette place est la
même. Rien n’est assurément plus proche de nous que cette place [33] .

Par­delà l’estime pour l’homme Freud, l’hommage qui lui est rendu, dont la sincérité 49
n’empêche pas qu’il prépare une critique de sa position, que penser du rejet freudien
de  ce  commandement  évangélique  ?  Il  faut  lui  reconnaître  de  puissantes  raisons,
appuyées sur ce que montre l’expérience analytique.

50
Tel est le commandement de l’amour du prochain et contre quoi Freud a raison
de s’arrêter, interloqué de son invocation par ce que l’expérience montre : ce que
l’analyse  a  articulé  comme  un  moment  décisif  de  sa  découverte,  c’est
l’ambivalence  par  quoi  la  haine  suit  comme  son  ombre  tout  amour  pour  ce
prochain qui est aussi de nous ce qui est le plus étranger [34] .

Là  encore,  Lacan  juge  que  Freud  a  eu  raison  de  s’arrêter,  mais  est­ce  là  le  dernier 51
mot  ?  Il  ressort  clairement  de  cette  séance  du  9­10  mars  1960  que  Freud  est  le
représentant le plus digne d’estime d’une position de sagesse qui est celle du respect
du  bien  en  tant  que  mesure  et  barrière  à  la  jouissance  –  position  justement  dont
Lacan  entend  ébranler  cette  année­là,  dans  sa  définition  de  l’éthique  de  la
psychanalyse, toutes les assises au nom de la Chose. C’est de savoir le mal qui gîte en
la  Chose  que  Freud  refuse  «  à  bon  droit  »  l’amour  du  prochain,  mais  en  même
temps :

52
Nous croyons que Sade n’est pas assez voisin de sa propre méchanceté, pour y
rencontrer  son  prochain.  Trait  qu’il  partage  avec  beaucoup  et  avec  Freud
notamment. Car tel est bien le seul motif du recul d’êtres, avertis parfois, devant
le commandement chrétien [35] .

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Déclaration et rapprochements bien paradoxaux, que nous ne commenterons pas ici 53
en ce qui concerne Sade.

L’amour vrai du prochain, comme l’amour mystique – Lacan fait cette jonction dans 54
la  même  séance  –  suppose  qu’on  se  soit  suffisamment  avancé  dans  cette  voie  de  la
Chose, ce vide extime au cœur de nous­mêmes qui nous constitue.

Or c’est, dit­il, ce qui devrait être obtenu au terme d’une analyse. Cette idée n’est pas 55
limitée au temps du séminaire L’éthique. Près de dix ans plus tard, Lacan est allé le
redire en un lieu inattendu : la loge maçonnique du Grand Orient de France :

56
Il [le sujet à la fin de l’analyse] n’a plus besoin de la demande de cet Autre pour
soutenir  son  propre  désir.  Il  sait  que  son  désir  s’est  formé  de  la  zone  qui  fait
barrière à la jouissance. Il se satisfait de ce vide où il peut aimer son prochain,
parce  que  ce  vide,  c’est  là  qu’il  le  trouve  comme  lui­même,  et  que  ce  n’est  pas
autrement qu’il peut l’aimer [36] .

De tels propos, restés ignorés de la masse de ceux qui suivaient Lacan à la date où il 57
les a tenus, pouvaient surprendre alors, en un temps où les ambiguïtés catholiques de
l’époque  du  Rapport  de  Rome  –  dont  les  conférences  à  Saint­Louis  de  Bruxelles
attestent  la  rémanence  au  temps  du  séminaire  L’éthique  –  avaient  fait  place  à  des
professions  d’athéisme  virulentes  et  apparemment  sans  équivoque,  attestent  la
permanence de la question posée à Lacan par ce précepte évangélique.

Permanence de préoccupation vérifiée encore beaucoup plus tard, en particulier entre 58
1974 et 1976 dans les Séminaires XXI, Les non­dupes errent, XXII,  RSI, la conférence
de Rome 1974, « La troisième », et divers autres textes.

Certes,  l’invocation  du  précepte  se  fait  grinçante,  voire  sarcastique  –  l’énonciation 59
dans  cette  période  étant  ordinairement  d’une  ironie  au  coefficient  indécidable  –  et
notre propos serait gravement gauchi si nous omettions de le mentionner. Ainsi, par
exemple,  ce  propos  oral  :  «  L’amour  est  mal  parti.  Le  christianisme  a  dit  qu’il  faut
aimer son prochain. La prochaine n’a pas de chance ! La première prochaine, c’est la
mère [37]   !  »  –  variation  sur  le  thème  alors  répétitif  de  la  subversion  du
commandement évangélique par l’introduction de la différence sexuelle.

Mais  il  s’agit  bien  d’une  objection  fondamentale,  qui  en  somme  s’énonce  plutôt 60
tardivement de la part d’un psychanalyste : le commandement d’amour du prochain
opère une désexualisation de l’amour. Celle­ci fait problème maintenant pour Lacan
parce  que,  depuis  le  séminaire  Encore,  il  a  renversé  la  thèse  qu’il  a  longtemps
soutenue selon laquelle l’amour n’est pas sexuel par essence, mais plutôt narcissique,
et  que  sa  connexion  avec  le  désir  sexuel  n’a  rien  d’automatique  (cf.  analyses  du
Séminaire  XI,  plus  haut).  L’Autre,  dont  nous  avons  vu  qu’il  était  constamment
recherché,  Encore  proclame [38] ,  et  c’est  un  tournant  décisif,  qu’il  ne  peut  être  que
l’Autre sexe. Ceci ouvre la voie, qui a connu immédiatement un large succès public, à
la relation étroite entre La femme (qui n’existe pas comme La) et Dieu, comme deux
noms  fort  voisins  de  cet  Autre,  et  à  une  promotion  de  la  mystique,  sur  le  versant
femme,  pas­tout  de  la  sexuation,  associée  à  la  jouissance  féminine.  Ce  fut  presque
une mode, dont la couverture du Livre XX, la Sainte Thérèse du Bernin, fut comme
l’emblème.  On  a  moins  remarqué  que  la  conclusion  du  séminaire,  un  peu  décalée,
comportait que la jouissance de l’Autre était ratée de chaque côté de la sexuation en
tant  que  cet  Autre  est  incarné  par  le  partenaire  sexué  (réduction  du  partenaire  à
l’objet  a  côté  homme,  jouissance  folle  côté  femme)  –  ce  qui  est  une  des  façons  de
formuler le fameux théorème « Il n’y a pas de rapport sexuel » ; mais, dans le même
mouvement,  cette  conclusion  introduisait  que  l’amour  était  ce  qui  suppléait  à  ce
défaut du rapport sexuel qui par là cessait de ne pas s’écrire, un amour défini par la
rencontre  contingente  de  deux  inconscients,  soustrait  par  conséquent  d’origine  à
l’enfermement  narcissique  –  puisque  cette  rencontre  implique  constitutivement  les
dimensions  symbolique  et  réelle  autant  qu’imaginaire.  C’est  pratiquement  une

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inversion  des  conclusions  du  Séminaire  XI  :  dans  celui­ci,  l’amour  était  voué  au
narcissisme (sauf à se poser dans cet « au­delà où d’abord il renonce à son objet »), et
c’est du côté du désir et de la pulsion accrochés à l’objet a qu’un accès à de l’altérité
était ouvert. Maintenant, l’objet a est ce qui se substitue pour le sujet à l’Autre, et fait
que cet Autre est raté comme tel. A contrario, si l’amour (humain) dans la rencontre
de  deux  inconscients  supplée  au  rapport  sexuel,  c’est  qu’il  y  a,  précaire,  accès  à
l’altérité.

Dès lors, la promotion de la parenté entre la mystique – amour divin s’il en est – et la 61
jouissance féminine, qui invitait en somme les psychanalystes à cultiver les mystiques
pour  s’instruire  d’une  part  essentielle  de  leur  objet  propre,  se  doublait  d’une
conception  d’un  amour,  lui,  proprement  humain,  sexué.  À  tel  point  que,  dans  Les
non­dupes errent, Lacan ne retient par moments que le rapport d’un homme à une
femme : « Il est clair que, que l’amour en somme, c’est là le problème dont retentit ce
que  j’ai  dit  la  dernière  fois,  c’est  tout  de  même  un  fait  qu’on  appelle  comme  ça  le
rapport complexe – c’est le moins qu’on puisse dire – d’un homme et d’une femme. »

Et  c’est  bien  parce  qu’il  y  a  cette  configuration  largement  nouvelle  de  la 62
problématique  qu’il  se  met  de  façon  répétitive  à  objecter  la  «  prochaine  »  au
commandement évangélique.

La  dernière  grande  élaboration  de  Lacan  sur  l’amour,  qui  court  dans  plusieurs 63
séances  du  séminaire  Les  non­dupes  errent,  n’ignore  nullement  le  commandement
d’amour du prochain. Bien au contraire, il en fait, sous le nom d’« amour divin », une
des  trois  grandes  formes  qu’il  distingue  :  amour  divin,  amour  courtois,  amour
masochique [39] . On peut penser qu’il lui fait une part d’autant plus centrale qu’il s’agit
maintenant de s’en démarquer décisivement plutôt que de montrer comment le trajet
psychanalytique en rend l’accès possible.

Nous  ne  pouvons  entrer  ici  dans  la  finesse  des  analyses.  Disons  simplement  que 64
Lacan, à partir du nœud à trois, mais pris dans une modalité orientée où l’un des trois
ronds fonctionne comme « moyen » (en un sens apparenté à celui de la logique des
syllogismes), va distinguer les trois types d’amour selon le rond qui s’y trouve mis en
position de moyen et pose que, dans l’amour divin, c’est le symbolique qui fait moyen
entre l’imaginaire et le réel.

L’appréciation donnée paraît des plus critiques. C’est bien là que se situe le nerf de la 65
religion  en  tant  qu’elle  prêche  l’amour  divin.  C’est  bien  là  aussi  que  se  réalise  cette
chose  folle,  de  ce  vidage  de  ce  qu’il  en  est  de  l’amour  sexuel  dans  le  voyage.  Cette
perversion de l’Autre comme tel.

Pourtant,  immédiatement  dans  la  suite,  lorsqu’il  énonce  le  commandement 66


évangélique, Lacan ajoute : « Soyez­en dupes, vous n’errerez pas, je dois le dire. »

La critique du commandement chrétien paraît donc radicale, d’avoir vidé l’amour de 67
son contenu sexuel – la possibilité de cette critique est, nous l’avons vu, toute récente,
puisque longtemps Lacan a professé que dans son principe l’amour n’était pas sexuel
justement  ;  encore  au  début  de  l’année  de  Encore,  Lacan  disait  que  quand  il  est
question d’amour, il n’est pas question de sexe.

Mais  le  terme  de  perversion  (ici  «  perversion  de  l’Autre  »)  dans  cette  période  de 68
l’enseignement  de  Lacan  n’a  pas  une  portée  aussi  négative  qu’on  serait  tenté  de  le
croire. S’il a répété maintes fois la boutade en forme de plainte que la psychanalyse
n’ait  même  pas  été  capable  d’inventer  une  nouvelle  forme  de  perversion,  c’est  sans
doute  –  c’est  mon  hypothèse  –  que  les  formes  historiques  qui  organisent  l’amour
comme  réponse  à  l’absence  de  rapport  sexuel  peuvent  toutes  être  nommées  des
perversions  –  au  regard  de  ce  rapport  qui  n’existe  pas  –,  peut­être  en  articulation
avec les analyses, elles très cliniques, de la perversion dans le séminaire D’un Autre à
l’autre montrant le pervers comme un « chevalier de la foi » en tant qu’il fait exister
l’Autre.  Ce  dont  il  s’agit,  c’est  «  d’agrandir  les  ressources  grâce  à  quoi  ce  fâcheux

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rapport,  on  parviendrait  à  s’en  passer  pour  faire  l’amour  plus  digne  que  ce
foisonnement de bavardage qu’il constitue à ce jour ».

69
Rien n’est tout à fait réglé donc : « Il y a des jours même où il me viendrait que
la charité chrétienne [40]  serait sur la voie d’une perversion un peu éclairante du
non­rapport [41] . »

[1] J. Lacan, Séminaire XXIII, Le sinthome, Paris, Le Seuil, 2005, séance du 13 avril 1976, p. 136.
[2] J. Lacan, Scilicet, no 1, «  La méprise du sujet supposé savoir », op. cit., p.  39 (repris dans Autres écrits,
Paris, Le Seuil, 2001).
[3] Cf. F. Balmès, Le nom, la loi, la voix, op. cit. Une des occurrences majeures tardives dans RSI, op. cit.,
séance du 15 avril 1975.
[4] Je respecte la graphie sans e final de l’édition du Seuil, bien que celle utilisée dans la transcription de
« La troisième » des Lettres de l’EFP, « dieure », me paraisse préférable.
[5] J. Lacan, Séminaire XX, Encore, 16 janvier 1973, op. cit., p. 44-45.
[6] J. Le Brun, Le pur amour de Platon à Lacan, Paris, Le Seuil, 2002.
[7] F. Balmès, « Le pur amour au temps de la mort de Dieu », Essaim, no 11, Toulouse, érès, 2003 (voir plus
loin, p. 163).
[8] Lacan in Italia, op. cit., p. 89.
[9] Pierre Rousselot, Pour l’histoire du problème de l’amour au Moyen Âge, op. cit.
[10] S. Freud, « Pour introduire le narcissisme », dans La vie sexuelle, op. cit., p. 91.
[11] Notons toutefois que, contrairement à certaines critiques lacaniennes contemporaines, la valorisation
de l’Autre chez Freud se trouve dans le caractère décisif qu’il reconnaît sur le plan clinique et éthique
au « chemin vers la femme ».
[12] Même s’il paraît le faire comme dans le séminaire L’angoisse en partant du « réservoir narcissique » de
la libido.
[13] Ce qu’on peut dater de 1953, avec la conférence inédite «  SIR » et le «  Rapport de Rome », même si la
formule explicite du « retour à Freud » – qui est d’abord le sien propre – n’est attestée qu’en 1955.
[14] Les modernes théories biologiques de l’apoptose, suicide cellulaire programmé, pourraient renouveler
les spéculations sur la pulsion de mort, voire altruiste, dans une optique biologique dont on sait que
Freud cherche l’appui – à ceci près que la mort y est dénouée de la sexualité.
[15] J. Lacan, Écrits, op. cit., p. 118-119. Référencé dans la suite « É. ».
[16] É., p.  118. Que Lacan considère dans ce passage que ce sont deux théories du dépassement de soi
montre qu’il ne méconnaissait pas que la théorie physique (amour de soi, de son bien, jusque dans
l’amour de Dieu) n’exclut nullement la possibilité du sacrifice pour ce bien de moi-même qui me
dépasse. Faute de quoi, il serait moins difficile de faire tenir la théorie « extatique ».
[17] J. Lacan, Séminaire II, Le moi dans la théorie de Freud et dans la technique de la psychanalyse, op. cit., p. 287.
[18] J. Lacan, Séminaire I, Les écrits techniques de Freud, Paris, Le Seuil, p. 257-258.
[19] J. Lacan, Séminaire II, Le moi…, op. cit.
[20] Cf. en particulier  : «  L’assomption mystique d’un sens au-delà de la réalité, d’un quelconque être
universel qui s’y manifeste en figures, est-elle compatible avec la théorie freudienne et avec la
pratique psychanalytique  ? Assurément celui qui prendrait la psychanalyse pour une voie de cette
sorte se tromperait de porte. À ce qu’elle se prête éventuellement au contrôle d’une “expérience
intérieure”, ce sera au prix de départ d’en changer le statut. […] Elle répugnera à l’aide d’aucun soma
hallucinogène, quand déjà on sait qu’elle objecte à celle de la narcose. […] Pour tout dire, elle exclut les
mondes qui s’ouvrent à une mutation de la conscience, à une ascèse de la connaissance, à une effusion
communicative. […] Ni du côté de la nature, de sa splendeur ou de sa méchanceté, ni du côté du
destin, la psychanalyse ne fait de l’interprétation une herméneutique, une connaissance, d’aucune
façon, illuminante ou transformante. Nul doigt ne saurait s’y indiquer comme d’un être, divin ou pas.
Nulle signature des choses, ni providence des événements. […] Ceci est bien souligné dans la
technique du fait qu’elle n’impose nulle orientation de l’âme, nulle ouverture de l’intelligence, nulle
purification préludant à la communication. […] Elle joue au contraire sur la non-préparation. Une
régularité quasi bureaucratique est tout ce qui est exigé. La laïcisation aussi complète que possible du
pacte préalable installe une pratique sans idée d’élévation. » (J. Lacan «  De la psychanalyse dans ses
rapports avec la réalité », Scilicet, no 1, p. 52-53.)
[21] J. Lacan, Séminaire III, Les psychoses, 1955-1956, Paris, Le Seuil, 1981 p. 287.
[22] Ibid., p. 286.
[23] J. Lacan, Séminaire XVI, D’un Autre à l’autre, 1968-1969, op. cit., séance du 26 mars 1969.
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[23] J. Lacan, Séminaire XVI, D’un Autre à l’autre, 1968-1969, op. cit., séance du 26 mars 1969.
[24] J. Lacan, Séminaire XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, op. cit., 20 mai 1964, p. 173-177.
[25] C’est ce qui sera explicité en 1973, en Italie.
[26] Position démentie dans Encore, cf. plus bas.
[27] J. Lacan, Séminaire XI, Les quatre concepts…, op. cit.
[28] Matthieu, XXII, 36-39.
[29] Paul, Romains, XIII, 9.
[30] J. Lacan, Séminaire VII, L’éthique de la psychanalyse, op. cit., p. 219.
[31] Ibid.
[32] Ibid., p. 220.
[33] Conférence des 9 et 10 mars 1960 à l’université Saint-Louis de Bruxelles, inédit.
[34] Ibid.
[35] J. Lacan, « Kant avec Sade », dans Écrits, p. 789.
[36] La conférence à la loge maçonnique du Grand Orient de France intitulée «  La psychanalyse en ce
temps  » eut lieu le 25  avril 1969, au Temple no  3, hôtel du GODF à Paris. Publiée par le Bulletin de
l’Association freudienne, 1983, no 415, p. 17-20.
[37] Conférence à Londres, 3 février 1975, inédite.
[38] Cette thèse n’est pas absolument nouvelle. Elle est posée, mais sous une autre forme dans le séminaire
dédoublé de l’année précédente (… ou pire et Le savoir du psychanalyste, op. cit.), dont «  L’étourdit  »
condense certains acquis.
[39] J. Lacan, Séminaire XXI, Les non-dupes errent, op. cit., 18 décembre 1973.
[40] Charité que, vers la même époque, il nomme pourtant « l’archi-raté chrétienne ».
[41] J. Lacan, Séminaire XXII, RSI, op. cit., séance du 8 avril 1975.

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