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13‐46
François Balmès
Chez Freud, l’évolution des positions sur Dieu et la religion se fait sur fond d’un 1
athéisme passablement univoque. Lacan pourtant dira : Freud ne croit pas en Dieu.
Parce qu’il opère dans sa ligne [1] .
À le suivre luimême à travers les différentes formules paradoxales qu’il a pu en 2
donner, l’athéisme n’est rien de simple. Il implique une confrontation constante avec
la question de Dieu. Sur ce sujet, plus que sur tout autre, joue le fonctionnement
lacanien général de réouvrir la question chaque fois qu’il a donné un énoncé qui
paraît la trancher. Le paradoxe et l’énigme chers au style de Lacan sont sur ce thème
poussés à leur extrémité. Ainsi par exemple, Lacan en rajoute sur le paradoxe
nietzschéen du « Dieu est mort » avec des énoncés comme « Dieu est inconscient »
ou « Dieu ne croit pas en Dieu ». Il y a là sans doute une stratégie de l’analyste
enseignant qui trouble et provoque l’entendement de l’auditeur, laisse ouverte la
question des questions comme un bon professeur de philosophie, mais cela tient
aussi à la chose même et à l’implication en elle de celui qui parle.
Dans le séminaire L’éthique…, Lacan assume encore l’énoncé « Dieu est mort » 3
comme vérité historiale de notre époque. Il pose même que c’est à partir de là que
Freud élabore le mythe du meurtre du père dans Totem et tabou et Moïse et le
monothéisme.
Mais la lecture qu’il en donne alors est entièrement différente de la version 4
heideggérienne. Comme Heidegger – et à la différence de Freud – il distingue alors
un Dieuraison et le Dieu de la foi. Mais le dieu dont il commente la mort n’est pas le
Dieu de la métaphysique, mais celui qui s’est annoncé à Moïse dans le buisson ardent.
Il reprend bien la thèse freudienne centrale de la mort du père, mais en faisant du
Christ le porteur de l’annonce de cette mort, ce qui n’est pas sans appui freudien,
mais est repris tout autrement et s’écarte singulièrement de Nietzsche [2] .
Par la suite, l’effectivité de l’athéisme comme donnée historiale de l’époque 5
apparaîtra de plus en plus incertaine. « Dieu n’a pas fait son exit », déclaretil dans
le séminaire Encore en 1973 [3] . Estil besoin de rappeler que partout hors d’Europe
l’évidence immédiate, quoi qu’elle vaille, va dans ce sens ?
Dans le séminaire Les quatre concepts… (1964), Lacan oppose « Dieu est 6
inconscient » à « Dieu est mort » comme formule véritable de l’athéisme moderne –
c’est souvent ce qu’on retient de la position lacanienne. Cet énoncé énigmatique porte
à la fois l’idée d’un athéisme spécifiquement psychanalytique, et, implicitement, celle
que c’est la psychanalyse qui permettrait de venir à bout de certaines formes
manifestes ou latentes de croyance en Dieu, sinon de la question même de son
existence.
D’autre part, « Dieu est inconscient » dit qu’il y a quelque chose d’irréductible dans ce 7
que porte ce nom de Dieu, et que l’expérience de l’inconscient met en évidence. Cette
interprétation de l’aphorisme de 1964, certes non exhaustive, est celle que je vais
développer ici.
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La double position d’un athéisme interne à la psychanalyse – non seulement de sa 8
difficulté, mais d’un caractère indépassé de la question de Dieu et de son existence –
passe par la désignation des lieux de cette question en des termes qui sont partie
constitutive de l’expérience psychanalytique dans la formulation et l’écriture qu’en
donne Lacan.
On voit que si plusieurs parmi les plus importants penseurs qui se réclament ou 9
s’inspirent de Lacan professent un athéisme sans phrase, à travers des déclarations
dont le simplisme se voudrait radical, du genre : « Il n’y a nul dieu », ou par des
reconstructions de la pensée de Lacan dont sont forclos la question et jusqu’au nom
de Dieu, c’est évidemment leur droit, mais il s’agit là de positions qui contredisent un
point nullement secondaire de l’élaboration de Lacan et ne sauraient s’en autoriser.
N oms divins : N - -P
om du ère
Si chez Freud tout se ramène au Père, Lacan décline les points de contact de la 10
psychanalyse avec ce qui s’appelle Dieu en une multiplicité de termes, pour lesquels
je propose l’appellation de « Noms divins dans la psychanalyse ». La diversité des
lieux où se marque l’irréductibilité de la question de Dieu dans la psychanalyse et des
déterminations qui en sont données dérive de deux termes également
fondamentaux : le Père, principalement en tant que NomduPère ; et l’Autre grand
A, dans les multiples déterminations qui se succéderont pour ce signifiant majeur de
l’entreprise lacanienne. Ces deux termes ne sont certes pas sans rapport. Nous avons
pu montrer que leur élaboration simultanée dans le séminaire Les psychoses se
faisait dans une dépendance réciproque complexe, mais où la position de l’Autre A
conditionne la possibilité d’isoler la fonction NomduPère [4] .
À partir de ces deux points, on pourrait montrer que se dessine une autre critique de 11
l’ontothéologie que celle développée par Heidegger.
Je me limiterai à quelques indications sommaires. En un sens, il y a accord pour 12
distinguer le (ou les) Dieu(x) de la métaphysique et le Dieu de la foi que Lacan pour
sa part rattache primordialement à la révélation du buisson ardent, le Éhyèh asher
éhyèh qu’il lit à contrepied de toute ontologie « Je suis qui je suis » – non pas
comme l’être qui s’annonce luimême, mais comme refus de se nommer. Ces deux
dieux, selon des déterminations définies, trouvent une place nécessaire, voire
cruciale, dans l’expérience analytique telle qu’on peut la penser, la question de
l’athéisme ne se posant pas de la même façon d’un côté et de l’autre. Parallèlement, à
travers un cheminement et un débat complexes, Lacan entend démarquer la
psychanalyse de toute pensée de l’être, non seulement celle que Heidegger nomme la
métaphysique, mais aussi bien celle de Heidegger luimême.
Pour en venir au thème propre de cet article, la jonction entre termes 13
psychanalytiques et « Dieu » est à interroger en un double sens.
Qu’estce qui, d’un côté, justifie que tel terme de la théorie psychanalytique soit 14
désigné comme lieu de la question de Dieu ? Qu’estce que cette désignation apporte
à l’intelligence et à l’usage possible de ce terme dans la psychanalyse ? Inversement,
quels attributs de ce qui dans l’histoire s’est appelé Dieu sont mis en cause, ou alors
ajoutés au titre de la psychanalyse comme intelligence de ce nom de Dieu ? Ce qui
produit donc un double vaetvient.
Par exemple : le « NomduPère » illustre la démarche de Lacan qui va chercher dans 15
le vocabulaire de la foi un signifiant qu’il importe dans la psychanalyse, à l’inverse du
mouvement freudien d’expliquer et de réduire le Dieu de la religion à partir de la
psychanalyse (même si nous avons tenté de souligner que la démarche dans Moïse et
le monothéisme est singulièrement plus complexe).
Cette importation du NomduPère a l’intérêt d’isoler dans la multiplicité des aspects 16
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freudiens du père une dimension spécifique qu’il met en valeur. Il sépare la
dimension signifiante du père d’autres attributs, notamment imaginaires ou réels.
Citons un passage du séminaire L’identification qui présente de façon
particulièrement claire l’implication nécessaire dans la psychanalyse de Dieu comme
signifiant, mais seulement comme signifiant :
17
Ce que nous apportons qui renouvelle la question, c’est ceci ; je dis que Freud
promulgue, avance la formule qui est la suivante : le père est Dieu ou tout père
est Dieu. Il en résulte, si nous maintenons cette proposition au niveau universel,
celle qu’il n’y a d’autre père que Dieu, lequel d’autre part, quant à l’existence, est
dans la réflexion freudienne plutôt aufgehoben, plutôt mis en suspension, voire
en doute radical. Ce dont il s’agit, c’est que l’ordre de fonction que nous
introduisons avec le Nom du père est ce quelque chose qui, à la fois a sa valeur
universelle, mais qui vous remet à vous, à l’autre, la charge de contrôler s’il y a
un père ou non de cet acabit.
S’il n’y en a pas, il est toujours vrai que le père soit Dieu. Simplement, la formule
n’est confirmée que par le secteur vide du cadran [5] , moyennant quoi, au niveau
de la phasis, nous avons il y a des pères qui remplissent plus ou moins la
fonction symbolique que nous venons d’énoncer comme telle, comme étant celle
du Nom du père, il y en a qui, et il y en a que pas [6] .
Réduction à la fonction symbolique qui permet de situer le NomduPère comme 18
signifiant d’exception – sans exclure les implications théologiques du père imaginaire
ou du père réel. Plus précisément encore, la spécificité du nom propre parmi les
signifiants, ou de la fonction de nom du signifiant dans la psychanalyse dans son
rapport au sujet va s’appuyer sur ce nom très singulier qu’est le nom de Dieu.
La problématique théologique des Noms divins avec sa dimension paradoxale dans 19
toute la tradition théologique vient en appui pour situer la fonction NomduPère.
Ce qui justifie l’appellation de « Noms divins dans la psychanalyse », c’est que 20
complémentairement à ce mouvement d’importation – outre qu’après tout, il n’y en a
pas tant que ça dans les signifiants lacaniens, même si celuici est de poids –, c’est le
mouvement de sens contraire qui désigne tel terme comme Dieu. Ainsi, à propos du
NomduPère, Lacan peut dire de façon raccourcie dans un passage célèbre du
Sinthome, mais souvent cité de façon tronquée : « L’hypothèse de l’inconscient,
Freud le souligne, est quelque chose qui ne peut tenir qu’à supposer le NomduPère.
Supposer le NomduPère, certes c’est Dieu […] [7] . » Implication théologique radicale
de la psychanalyse qui semble aujourd’hui plus aisément retenue par ceux qui en font
un élément à charge contre Lacan que par ceux, analystes ou philosophes, qui se
réclament de lui. C’est Dieu, mais ce n’est pas n’importe quel Dieu. Et si je puis dire,
ce n’est pas tout de Dieu. Non seulement, c’est le Dieu du message biblique et pas
celui des philosophes [8] , mais ce Dieu est saisi par une certaine dimension – par
exemple, par la toutepuissance, qui est aussi un attribut du Dieu biblique et pas
seulement de celui de la théologie imprégnée de philosophie, et que Lacan assigne au
père imaginaire – dont il dira qu’il apparaît dans l’expérience analytique, notamment,
comme celui qui m’a si mal foutu.
Mais la difficulté est bien là. Dire « c’est Dieu » n’est pas une égalité réversible [9] . 21
C’est rajouter au terme psychanalytique en question – le père – ce que le nom
« Dieu » véhicule dans la culture, la foi et la théologie, de façon globale, ou en tout cas
indéterminée. Même à préciser, point essentiel à développer, que, justement, c’est
comme nom ineffable que Dieu est mobilisé. C’est bien aussi pourquoi Lacan disait
vers la même époque que seuls pouvaient être athées ceux qui de Dieu en parlent, à
savoir les théologiens. La conviction moyenne des athées modernes n’estelle pas
plutôt qu’ils peuvent se passer d’en dire quelque chose ? Quelque chose de moins
sommaire que « Il n’y a nul Dieu ».
Du côté de la théologie, la question des « Noms divins » s’enracine dans la discussion 22
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de l’inadéquation du langage à dire ce qu’est Dieu – le nom de « Dieu » n’étant lui
même qu’un parmi d’autres –, ce qui conduit le PseudoDenys à soutenir à la fois
qu’aucun nom ne convient et que tous conviennent.
Chez Lacan, le point qui conjoint l’abord par le Père et l’abord par l’Autre, c’est la 23
réponse donnée à Moïse l’interrogeant sur son nom, que Lacan interprète comme un
refus de se nommer avec la traduction (déjà mentionnée) « Je suis qui je suis ». C’est
donc au point du symbolique en tant que déterminé par un défaut, un trou central,
diversement approché, que Lacan situe les points de contact entre la psychanalyse et
ce qui se nomme Dieu :
24
Ce qu’il faut arriver à bien concevoir c’est le trou du Symbolique en quoi consiste
cet interdit [de l’inceste]. Il faut du Symbolique pour qu’apparaisse individualisé
dans le nœud ce quelque chose que, moi, je n’appelle pas tellement le complexe
d’Œdipe, c’est pas si complexe que ça. J’appelle ça le NomduPère. Ce qui ne
veut rien dire que le Père comme Nom, ce qui ne veut rien dire au départ, non
seulement le père comme nom, mais le père comme nommant. Ça, on ne peut
pas dire que làdessus les juifs soient pas gentils, hein ! Ils nous ont bien expliqué
que c’était le Père, le Père qu’ils appellent, le Père qu’ils foutent en un point de
trou qu’on ne peut même pas imaginer n’estce pas ? « Je suis ce que je suis », ça
c’est un trou, non ! Ben, c’est de là que par un mouvement inverse car un trou ça
– si vous en croyez mes petits schèmes – un trou, ça tourbillonne, ça engloutit
plutôt, hein, puis il y a des moments où ça recrache. Ça recrache quoi ? Le Nom.
C’est le Père comme Nom [10] .
J’énumère ici ces principaux noms que nous ne pourrons examiner en détail – le pas 25
tout étant celui que nous étudierons pour finir :
le NomduPère, terme ultérieurement passé au pluriel – « Les noms du père » –,
titre du séminaire interrompu définitivement lors de la rupture de 1963. Par
ailleurs, dans la dernière période, sera introduite la distinction entre Père du nom
et père nommant ;
l’Autre ;
l’Autre de l’Autre – celui qu’il n’y a pas… ;
le désir de l’Autre ;
S(Ⱥ) ;
le sujet supposé savoir ;
le dire (le « dieure ») ;
la jouissance ;
la jouissance de l’Autre ;
ce qui supporte la jouissance féminine en tant que pastoute ;
la personne supposée au refoulement ;
l’exsistence par excellence ;
le pastout ;
la femme – celle qui n’existe pas en tant que La, justement, et donc la femme
rendue toute.
N oms divins : D ’
ieu et l Autre
L’Autre grand A est introduit comme le lieu de l’adresse radicale, pardelà l’adresse 26
au semblable – lieu du tiers symbolique entre deux semblables (autres imaginaires),
requis par la dimension de la parole qui se pose toujours en vérité, spécialement
quand elle est menteuse. Pour en rester au plus simple, sa définition première et la
plus constante : l’Autre est le lieu où la parole se pose en vérité – et donc lieu de toute
garantie – d’où se déduit bien vite son inexistence. Il est aussi le lieu du signifiant,
renommé lieu du savoir, notamment inconscient. C’est, avec le NomduPère, le
second nom divin majeur dans la psychanalyse, second parce que moins directement
freudien, mais logiquement antérieur. Estce cette implication théologique de l’Autre
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– fûtelle argument pour l’athéisme – jamais démentie par Lacan, qui fait que tant
d’analystes lacaniens en sont plutôt embarrassés ?
Lacan souligne la « jonction conceptuelle » à laquelle nul n’avait pensé avant lui entre 27
la dimension de cet Ailleurs radical et « l’Autre scène », lieu de l’inconscient
freudien [11] . Dans le séminaire L’acte… il indiquera que tout part de là – tout, c’està
dire toute la reformulation lacanienne de la psychanalyse.
Si sa mise en place se fait en recourant à la fois au Dieu de Descartes et au Dieu de la 28
révélation mosaïque qui seront ultérieurement opposés, il est pourtant d’emblée
défini comme un lieu et non pas comme un être.
Il sera désigné à la fois comme lieu irréductible de la question de Dieu, et comme 29
façon de laïciser, ou mieux, d’exorciser « le bon vieux Dieu [12] ».
30
Cet Autre, il est là depuis un bout de temps, bien sûr. On ne l’avait pas vraiment
dégagé parce que c’est une bonne place et qu’on y avait installé quelque chose
qui y est encore pour la plupart d’entre vous, qui s’appelle Dieu. Il vecchio con la
barba ! Il est toujours là. Les psychanalystes n’ont vraiment pas ajouté grand
chose à la question de savoir, point essentiel, s’il existe ou s’il n’existe pas. Tant
que ce ou sera maintenu, il sera toujours là. Néanmoins, grâce à la bulle, [il
s’agit de la figure topologique du crosscap] nous pouvons faire comme s’il
n’était pas là. Nous pouvons traiter de sa place [13] .
Remarquons qu’à suivre ce texte, à la différence d’autres, l’athéisme de la 31
psychanalyse resterait plutôt méthodique. La place de Dieu y est nécessaire, et on
peut faire comme si la question était réglée par la négative. « Il est toujours là », la
question de son existence n’est pas tranchée historialement et, quant à la
psychanalyse, s’expriment à la fois quelque chose comme l’attente déçue d’une
avancée décisive sur cette question et le même mouvement que celui, cité plus haut
pour le NomduPère, du NomduPère, décalé vers le versant de Dieu comme l’Autre
– qui reviendra avec l’idée de s’en passer à condition de s’en servir : cette fonction
très spéciale à l’égard de la théologie, c’est, dans les deux cas, celle de la topologie
dont on perçoit mieux la portée. Encore reprendra l’articulation ainsi, « Que le
symbolique soit le support de ce qui a été fait Dieu, c’est hors de doute [14] ». On voit
bien aussi que, pour Lacan, cette place ou cette dimension de la structure est
antérieure à ce que quelque théologie que ce soit peut en faire.
La fonction de l’Autre va donner lieu à deux écritures distinctes, grand A d’une part, 32
S(Ⱥ) d’autre part, signifiant l’Autre en tant que défaut central du symbolique, qui
s’exprime de multiples façons, à la fois défaut d’un garant de la loi, absence de
réponse pour le sujet à la question de son être, inexistence de l’Autre de l’Autre, mais
plus tard inexistence de l’Autre luimême (à partir de La logique du fantasme).
À l’égard du Père en tant que NomduPère, qui, au moment de l’élaboration de la 34
métaphore paternelle, était précisément défini comme l’Autre de l’Autre [15] , la
position du théorème définitif « Il n’y a pas d’Autre de l’Autre » modifie la
perspective en posant qu’il n’y a pas de garant de la loi symbolique, même si le Nom
duPère tient cette fonction pour un sujet, conditionnant un rapport relativement
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tempéré des trois registres R, S et I. Lacan remarque dans Encore, s’expliquant avec
les tentatives philosophiques d’expliciter son ontologie, « ce que je dis, c’est ce qu’il
n’y a pas ». Et de fait les énoncés d’inexistence scandent le parcours lacanien. Ils ne
sont pas les plus faciles à interpréter.
Pour autant que Dieu serait celui qui, par excellence, et seul, pourrait tenir cette 35
fonction, on peut se demander quelle est la modalité de ce « Il n’y a pas », car pris du
côté du rapport entre le père et Dieu, cela ne règle manifestement pas la question de
Dieu – qui viendra justement s’inscrire en ce point de S(Ⱥ). Cela désigne la place
qu’occupe le NomduPère comme une place vide. Finalement, c’est au regard du
Dieuraison – Dieu philosophique, du côté de l’Autre en effet, que ce « Il n’y a pas »
se pose.
Dans La logique du fantasme, Lacan franchit un pas dans la négation et présente 36
successivement deux lectures de S(Ⱥ) qu’il hiérarchise, mettant chacune en relation
avec Dieu.
La première est que l’Autre n’existe pas, l’Autre comme lieu de la vérité. Cette thèse 37
s’établit sur le plan logique par l’inexistence d’un unique ensemble de tous les
ensembles. Ce point est mis explicitement en corrélation avec l’athéisme
contemporain à partir du Dieu philosophique comme lieu où préexisterait le savoir. Il
n’existe pas, mais dès qu’on parle, on le pose. En ce sens (qu’il n’existe pas), on ne
peut le dire mais on peut l’écrire.
De cette même écriture, il donnera une seconde lecture, qui va plus loin : l’Autre est 38
un Autre marqué, marqué du signifiant – et donc de la castration. Lacan l’introduit
aussi à partir de Dieu, le Dieu du Éhyèh asher éhyèh qui se dérobe à la question de
son nom et qui se manifeste en même temps comme un Dieu qui désire et qui parle.
En ce point il indique que les mystiques sont moins bêtes que les philosophes.
En 1968, le texte capital pour notre propos, « La méprise du sujet supposé savoir », 39
reprendra dans le contexte de la « Proposition » sur la passe cette dualité, soutenant
avec Pascal l’opposition entre le Dieu des philosophes et des savants – dont le nom
psychanalytique est le « sujet supposé savoir », Dieu pour l’appeler par son nom,
dont nous allons reparler –, et le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob avec son
appellation biblique, dans la ligne duquel situer le NomduPère – sans cette place
marquée, dit Lacan, la psychanalyse se réduit à un délire schrébérien. Chacun des
deux dieux opposés par Pascal reçoit donc un nom de structure qui l’implique dans la
pratique analytique, tout en relevant d’un destin très distinct : s’il est question de
chute du sujet supposé savoir à la fin de la cure, se passer éventuellement du Nom
duPère, voire « parier du père au pire [16] » est une tout autre question.
Le sujet supposé savoir est l’un de ces termes que nous appelons « Noms divins dans 41
la psychanalyse » à propos duquel un athéisme proprement psychanalytique est
affirmé le plus clairement.
Le sujet supposé savoir est posé comme un équivalent de Dieu dans cette fonction 42
divine d’être le lieu d’un savoir qui est là avant, avant qu’il vienne au jour,
préexistence qui rend compte de la possibilité de ce savoir. C’est, si l’on veut,
l’attribut de l’omniscience, mais sous un jour particulier, qui est plutôt de l’ordre de la
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possibilité même d’un savoir rationnel en prise sur le réel. L’histoire de la philosophie
et des sciences démontre qu’il y a une pente qui pousse dans cette direction certains
des plus grands esprits rationnels. Lacan soulignera plusieurs fois que non seulement
Newton en a besoin – dont les préoccupations théologiques vont bien audelà –, mais
qu’Einstein le pose encore. Lacan luimême dira plus tard que la science a prouvé
Dieu.
Le sujet supposé savoir est mis par Lacan dans cette position paradoxale d’être à la 43
fois ce qui est au principe du transfert dans la cure, et ce dont la chute conditionne la
reconnaissance de ce qu’il en est vraiment de l’inconscient – laquelle ne serait donc
proprement possible qu’à la fin de la cure [18] . Se trouve ainsi radicalisé le paradoxe
clinique initial du transfert d’être, dans la cure, obstacle et ressort fondamental. Si on
aborde ce sujet supposé savoir exclusivement à partir de l’expérience
psychanalytique, son identification à l’Autre divin n’est pas nécessairement évidente.
D’un autre côté, la qualification du Dieu des philosophes et des savants de ce nom de
sujet supposé savoir, en tant qu’il isole un des attributs divins parmi d’autres, est
clairement liée à l’expérience psychanalytique. Pourtant Lacan l’a d’abord nommé à
partir du Dieuraison, par réflexion philosophique (comme « ce dont nous devons
apprendre à nous passer à tout moment » – dans le séminaire L’identification), sans
le mettre dans ce premier temps en relation avec le transfert.
C’est la négation de ce sujet supposé savoir qui supporte l’idée d’un athéisme à l’égard 44
du Dieuraison des philosophes et des savants, que la psychanalyse seule peutêtre
mènerait jusqu’au bout. Lacan se fait fort d’ailleurs de démontrer à chacun de ses
auditeurs qu’il croit en Dieu, quoi qu’il croie croire ou ne pas croire.
Il faut cependant faire attention à ceci qu’il y a en première analyse deux négations 45
distinctes du sujet supposé savoir qui se composent dans cet athéisme. Au regard de
la science, la négation porte d’abord sur la préexistence même du savoir. La texture
du savoir de la science moderne paraît porter des traits qui exigent de le reconnaître
comme inventé, et donc contredire l’idée d’un sujet qui le saurait d’avant.
Pour l’inconscient, sa définition même est d’être un savoir insu, d’être quelque chose 46
en l’être parlant qui en sait plus que lui. La préexistence du savoir est ici constitutive.
Elle serait constitutive de l’Autre en tant que lieu de l’inconscient. La négation porte
sur l’existence d’un sujet de ce savoir, qui le saurait d’avant, mirage nécessaire que la
situation analytique suscite dans le transfert, mais dont la forme radicale serait
l’Autre divin. Il y a bien savoir, mais il est sans sujet, il y a bien un sujet mais c’est
celui qui est l’effet de ce savoir et non son maître, qui l’articule à son insu, ne pouvant
jamais en attraper que des bouts.
Ajoutons un retour sur ce qu’écrit S(Ⱥ) au regard du savoir inconscient. Peuton 47
s’arrêter à l’idée que c’est l’Autre qui sait ? Sûrement pas. L’inconscient comme savoir
est luimême commandé par un défaut central, un trou. S(Ⱥ) écrit aussi le trou du
refoulé originaire qui centre et limite tout savoir et qui finit par coïncider avec
l’absence de rapport sexuel, et où Lacan installera aussi le NomduPère, Dieu donc.
Dans la cure, en tant qu’il s’agit du transfert, cette chute du sujet supposé savoir va se 48
jouer avec l’analyste qui s’est voué à s’en faire le support – paradoxe de la passe où
l’analysant qui passe à l’analyste décide de réinstaurer l’illusion du sujet supposé
savoir dont il vient d’éprouver la vanité, le savoir inconscient luimême s’étant révélé
comme « savoir vain d’un être qui se dérobe [19] ».
La négation du sujet supposé savoir est donc à double face selon qu’il s’agit du savoir 49
scientifique ou du savoir inconscient – et elle implique en fait la réunion des deux
côtés. Ce qui est nié avec la chute du sujet supposé savoir serait Dieu comme un Autre
qui réunirait en lui le savoir préexistant et le fait d’être un sujet.
« Dieu est inconscient » signifierait ici que le savoir inconscient en tant qu’il préexiste 50
n’est pas sujet, qu’il est en un sens radicalement sans sujet, mais aussi que ce savoir
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n’est pas un savoir du monde, qu’il ne fonde la réalité qu’en tant que, pour l’être
parlant, elle est organisée par le fantasme. Il n’y a là le modèle d’aucune cosmologie,
ni d’aucune harmonie prédisposée avec le monde. La science moderne et la position
freudienne de l’inconscient portent ensemble le rejet de l’antique idée de
connaissance, qui suppose une harmonie préétablie entre le monde et le sujet, et où
Lacan dénonce tout simplement l’invincible fantasme du rapport sexuel. Toute
théologie, toute conception du monde – l’expression est ici à sa place – qui inclut
cette harmonie lui paraît donc contradictoire à l’expérience analytique – dont s’exclut
de ce fait, on le voit, le jungisme. L’idée proprement lacanienne du Réel déployée
dans les séminaires borroméens – comme ce qui est hors sens, sans loi, voire pure
dispersion – repose essentiellement sur ce refus. On comprend alors que l’idée
proprement lacanienne du réel se déploie dans l’audelà de la mise en place
approfondie de l’inexistence du rapport sexuel [20] .
La formule qui résulte de tout ceci serait donc d’abord : la reconnaissance de 51
l’inconscient implique qu’on prenne la mesure de ce fait qu’il n’est pas Dieu. Ce qui
est strictement solidaire des implications proprement analytiques quant au rapport
de l’inconscient au sexe : l’inconscient n’est pas le savoir du rapport sexuel – en tant
que régi par la signification phallique, plutôt ce qui y obvie ; tout au plus, en tant que
« lalangue », ce qui y supplée, « ce que l’humus humain » a inventé pour y parer.
À partir de cette fonction du sujet supposé savoir, « Dieu est inconscient » pourrait se 52
traduire dans cette ligne : ce qu’on appelle Dieu, c’est l’inconscient, mais celuici
justement en tant qu’il n’a rien de divin. L’inconscient produit un dire qui se dit sans
qu’on puisse savoir qui le dit.
Pourtant, Dieu chez Lacan n’est pas sans évoquer quelque hydre de Lerne. Après 53
chaque affirmation athéiste, une nouvelle figure de Dieu ressurgit. Ainsi au lieu
même du dire, où il était nié en 1968, Dieu réapparaît dans Encore : « Dieu c’est le
dire », le « dieure », « tant qu’il y aura du dire, Dieu sera là ». Autant dire qu’on en a
pour longtemps. Le trou du refoulement originaire est aussi bien le trou de
l’énonciation – c’est là la place du Nom du Père, comme abîme, trou antérieur aux
noms du père qui en sont recrachés.
D , J
ieu la ouissance et l Autre ’
L’abord de Dieu non plus au registre du symbolique mais sous l’angle de la jouissance 54
date au moins du séminaire L’éthique… (19591960), et du concept majeur qu’il
élabore, celui de la Chose, das Ding. Das Ding est la jouissance, en deçà de la loi et
audelà – le séminaire L’éthique… est en quelque sorte le « Pardelà le bien et le
mal » d’un Lacan fort peu nietzschéen pour l’essentiel. C’est la jouissance qui contient
en elle la possibilité aussi bien du sadisme le plus radical que celui de la sainteté
capable d’aimer le prochain parce qu’ayant reconnu en soimême la même
méchanceté foncière et le même vide central qui est en lui, la possibilité aussi des
extrémités mystiques de la jouissance qui s’abandonne à la jouissance de Dieu. Das
Ding reprend, souvent dans une référence explicite, des prédicats attribués à Dieu,
beaucoup plus par les mystiques justement que par la théologie, pour autant que
celleci s’en tient classiquement au dogme de l’absolue bonté divine [21] .
Cette mise en place massive va par la suite être articulée diversement, d’abord par la 55
construction de l’objet a, puis par la théorie des jouissances.
La position du théorème [22] fondamental : « Il n’y a pas de rapport sexuel (qui 56
s’écrive) » et, corrélativement, l’écriture des quanteurs de la sexuation vont
s’accompagner d’une profonde transformation des définitions de l’Autre de la
jouissance et de leurs rapports qui se traduit au niveau des thèses sur Dieu.
Il n’y a pas de jouissance de l’Autre deviendra un théorème, mais seulement à partir 57
de l’écriture du nœud et des trois jouissances (jouissance phallique, jouisens, et
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jouissance de l’Autre justement). Lacan dit en 1974 qu’il se donne comme tâche de
démontrer qu’il n’y a pas une telle jouissance [23] . Il précise que c’est au sens objectif :
on ne jouit pas de l’Autre, ce qui indique que c’est un énoncé équivalent à « Il n’y a
pas de rapport sexuel ». Là encore, le lecteur attentif et vigile peut s’apercevoir que,
bien loin d’avoir été acquis d’emblée, cet énoncé contredit en premier lieu une
formulation qui pose qu’il y a une jouissance de l’Autre – voire que c’est la seule – qui
s’est présentée chez Lacan luimême plusieurs fois, avec plusieurs sens.
À trois ans d’intervalle, les deux formules contradictoires « On ne jouit que de 58
l’Autre [24] » et « Il n’y a pas de jouissance de l’Autre » sont avancées, chose
remarquable, pour signifier la même chose, l’absence du rapport sexuel. Dans
l’intervalle Lacan aura théorisé la jouissance spécifiquement féminine comme
jouissance de l’Autre, au sens objectif justement.
59
Quant au sens subjectif du génitif dans jouissance de l’Autre – l’Autre qui
jouirait de nous – Lacan ne varie pas : « Avanceraije qu’on n’est joui que par
l’Autre ? C’est bien l’abîme que nous offre en effet la question de l’existence de
Dieu, précisément celle que je laisse à l’horizon comme ineffable [25] . »
Il ne se contente pas toujours, toutefois, de laisser la question à l’horizon, et ce n’est 60
déjà pas rien de l’y installer – c’est aussi bien ce qui l’avait conduit, dès le séminaire
Les psychoses, à interroger d’une façon très différente de la tradition psychiatrique
les rapports entre la mystique et la psychose.
La question des rapports entre l’Autre et la jouissance – et, du point de vue de notre 61
question, ce qui en résulte quant à Dieu – est donc manifestement à prendre comme
une question justement, constamment en travail à partir de 1966. On pourrait dire
que le séminaire Encore constitue un moment de cristallisation dans ce parcours si
on ne devait s’apercevoir qu’il est aussi un de ceux qui bougent et se corrigent le plus
d’une séance à l’autre, à la fois aboutissement et passage.
Sans pouvoir ici déplier les différents temps d’élaboration de cette question, 62
indiquons que la complexité vient en particulier de la multiplicité des déterminations
données à l’Autre grand A, sans qu’il soit pour autant pluralisé : lieu de la parole et du
signifiant ; le corps (d’abord celui du sujet luimême – à partir de La logique du
fantasme) ; le partenaire en tant que radicalement Autre, Autre que son corps, est dit
alors (Encore) « symbolisé » ; l’Autre sexe – la femme donc.
Qu’on ne se laisse pas égarer par l’apparence de la technicité : la question est celle des 63
liens du langage à l’amour sous toutes ses formes, et à la possibilité ou l’impossibilité
d’atteindre vraiment dans l’amour le partenaire dans son altérité.
Quel est le rapport avec Dieu ? Je serais ici tenté de renvoyer à toute la littérature 64
d’Occident qui ne parle que de ça.
Lacan dans RSI met les points sur les i quant à cette relation « Dieu n’est rien d’autre 65
que ce qui fait qu’à partir du langage il ne saurait s’établir de rapport entre
sexués [26] ». Les repérages de structure de Lacan ne devraientils pas nous aider à
aborder avec d’autres moyens conceptuels l’affrontement qui prétend faire notre
actualité historique, entre un monde pour lequel Dieu est en jeu dans le combat pour
le voile et l’ignorance des femmes, et un autre où, d’un côté, Dieu se partage entre le
dollar et la possession des armes à feu, et où d’autre part une « libération » de la
jouissance s’accomplit dans la misère pornographique, le tout à l’abri des droits de
l’homme ?
Dans cette relation à l’inexistence du rapport sexuel, l’ambiguïté majeure est que 66
l’Autre renvoie d’une part, en tant qu’ordre symbolique, à la domination de la
fonction phallique des deux côtés de la sexuation, cela même donc qui s’interpose
comme obstacle et rend le rapport sexuel impossible ; de l’autre, il va servir à
nommer ce qui échappe à cette domination – et c’est à ce titre d’altérité radicale,
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l’Autre qui reste toujours et définitivement Autre, qu’il est ce à quoi la femme a
spécialement rapport en tant qu’elle n’est pas toute dans la fonction phallique. Un
point de passage est que c’est du fait du langage luimême, de l’Autre du langage qui
se substitue au partenaire, que les femmes sont exclues, que l’autre sexe, n’étant pas
symbolisé autrement que par le phallus, est rejeté dans le réel – constitué comme
Autre réel donc [27] .
La proposition de … ou pire, « on ne jouit que de l’Autre », formulée en « on », peut 67
s’appliquer indifféremment aux deux sexes, et s’est d’ailleurs explicitement formulée
ainsi en un premier temps ; elle n’introduit pas la spécificité de la jouissance
féminine, celle qui fait la femme pastoute.
Cependant, à la fin de la même séance, Lacan apporte déjà une correction qui remet 68
en cause la généralité du « on », à première vue.
69
L’Autre, entendezle bien, l’Autre, c’est donc un ENTRE, l’« entre » dont il s’agirait
dans le rapport sexuel, mais déplacé et justement de s’« Autreposer », il est
curieux qu’à poser cet Autre, ce que j’ai eu à avancer aujourd’hui ne concerne
que la femme. Et c’est bien elle qui, de cette figure de l’Autre, nous donne
l’illustration […] [28] .
Dans l’annulation du partenaire, et donc de la relation du fait de l’Autre, il y a donc 70
une dissymétrie. Ce n’est pas dire pour autant que le partenaire masculin ne subirait
pas l’annulation de la relation.
Cette correction prépare les thèses d’Encore, du rapport particulier de la femme à 71
l’Autre. Et la jouissance de la femme est ellemême rattachée à l’Autre, à la face Dieu
de l’Autre. En deux sens au moins : « La femme a davantage rapport à l’Autre, en tant
que comme Autre, il ne reste que toujours Autre. »
72
Et pourquoi ne pas interpréter une face de l’Autre, la face Dieu, comme
supportée par la jouissance féminine [29] ?
Lacan distingue alors clairement la jouissance phallique, dans laquelle le partenaire 73
est réduit à l’objet a, de la jouissance proprement féminine qui a rapport à l’Autre, cet
Autre est justement du côté de Dieu. Il n’y a donc pas davantage rapport sexuel du
côté féminin, qui ne rate pas moins l’altérité du partenaire. Sa jouissance est divisée :
d’un côté jouissance ineffable, apparentée à la jouissance mystique de Dieu, de l’autre
réduction du partenaire à l’organe [30] .
D ,’ -
ieu l ex sistence et le pas tout -
74
Pour moi, il me paraît sensible que l’Autre, avancé au temps de L’instance de la
lettre comme lieu de la parole, était une façon, je ne peux pas dire de laïciser,
mais d’exorciser le bon vieux Dieu. Après tout, il y a bien des gens qui me font
compliment d’avoir su poser dans un de mes derniers séminaires que Dieu
n’existait pas. Évidemment, ils entendent – ils entendent, mais hélas, ils
comprennent, et ce qu’ils comprennent est un peu précipité.
Je m’en vais peutêtre plutôt vous montrer aujourd’hui en quoi justement il
existe, ce bon vieux Dieu. Le mode sous lequel il existe ne plaira peutêtre pas à
tout le monde, et notamment pas aux théologiens qui sont, je l’ai dit depuis
longtemps, bien plus forts que moi à se passer de son existence.
Malheureusement, je ne suis pas tout à fait dans la même position, parce que j’ai
affaire à l’Autre. Cet Autre, s’il n’y en a qu’un tout seul, doit bien avoir quelque
rapport avec ce qui apparaît de l’autre sexe [31] .
On a ici un bel exemple du jeu de Lacan qui commence par réfuter l’imputation de 75
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théologie à propos de l’Autre, pour renverser la position et annoncer pas moins que la
monstration sinon la démonstration de l’existence de Dieu. De là résulte la nouvelle
lecture de S(Ⱥ), Dieu comme ce à quoi la jouissance de la femme a rapport [32] .
Sans pouvoir y insister, je souligne l’incise « s’il n’y en a qu’un tout seul ». Le refus ou 76
l’impossibilité logique de pluraliser l’Autre (on verra plus loin : ni un ni deux) fait
tout le risque et la grandeur théorique de la problématique de Encore, et plus
largement lacanienne. La solution de facilité de distinguer les Autres – par exemple,
l’Autre du partenaire sexué et comme corps, et l’Autre lieu de la parole et de
l’inconscient, et encore l’Autre absolu, sous couvert peutêtre de pédagogie, n’est pas
rare chez les commentateurs autorisés de Lacan.
Mais alors, sur la jouissance Autre et l’existence de Dieu, il semblerait y avoir un 77
problème, et là aussi nous assistons à l’invention et l’ajustement en direct par Lacan
de ses thèses, d’où des tâtonnements et des corrections qui devraient en tout cas nous
convaincre de l’absurdité de vouloir en extraire des dogmes.
Ce Dieu du côté du pastout, estce un Dieu qui exsisterait ? L’exsistence dans les 78
quanteurs est situable du côté du pour tous, au titre de l’exception qui exsistant au
tout le fait consister comme universel. Les deux énoncés côté pastout sont introduits
comme négatifs ; contrairement à une confusion courante, le pastout n’est justement
pas équivalent à la particulière négative d’Aristote, qui impliquerait qu’il y en a
quelque(s)un(e)(s) qui di(sen)t non. Le pastout, lui, est corrélatif de l’inconsistance,
il n’y a pas de x qui dise non à la fonction, aucun x n’y exsiste. C’est bien pourquoi
Lacan dira que Dieu serait La femme, si elle existait.
Dans le même sens, il y a une complexité par rapport à la question des deux Dieu, 79
celui des philosophes et celui de la foi. Car l’équation de Dieu avec la jouissance est
d’abord introduite du côté du Dieu, non pas de la foi, mais du Dieu d’Aristote en tant
« qu’être tel que les autres êtres ne peuvent avoir d’autre visée que d’être le plus être
qu’ils peuvent être. C’est à la place opaque de la jouissance de l’Autre, de cet Autre en
tant que pourrait l’être – si elle existait – la femme, qu’est situé cet Être suprême,
mythique manifestement chez Aristote ». Il s’agit donc d’une version du Dieu
philosophique distincte de sa présentation comme sujet supposé savoir.
Par contre la jouissance féminine, comme la jouissance mystique en tant qu’elle est 80
du côté féminin, est plutôt du côté du Éhyèh. Estce simplement que la philosophie –
de l’être justement – pose un Dieu qui serait jouissance, tel que le rapport à lui est
jouissance de l’être et de notre être, et à quoi Lacan oppose que « nous sommes joués
par la jouissance » ? Ce qui d’ailleurs pourrait donner une autre théologie, de type
tragique.
Ce qui est posé avec le Dieu d’Aristote ne pourrait exister que comme la jouissance de 81
l’Autre, génitif objectif, mais justement c’est ce que l’expérience analytique conteste.
Et de fait, Lacan précise que ce Bien de la spéculation antique n’est que le bien de
l’homme, et que la femme en tant que sa jouissance est radicalement Autre, a
davantage rapport à Dieu que tout ce qui a pu se dire de ce Bien.
Le séminaire Encore pose donc pour Dieu, à partir de la jouissance et de la sexuation, 82
une distinction différente de celle du sujet supposé savoir et de la place du Nomdu
Père. Distinction qui n’est pas une dualité, et qui se rattache elle aussi directement à
l’écart entre le Père et l’Autre : la face Dieu de l’Autre qui reste toujours Autre,
supportée par la jouissance féminine et le côté Nomdupère. Un Dieu qui n’est pas
Un et qui n’est pas deux non plus.
83
Et pourquoi ne pas interpréter une face de l’Autre, la face Dieu, comme
supportée par la jouissance féminine ?
Comme tout ça se produit grâce à l’être de la signifiance, et que cet être n’a
d’autre lieu que le lieu de l’Autre que je désigne du grand A, on voit la biglerie de
ce qui se passe. Et comme c’est là aussi que s’inscrit la fonction du père en tant
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que c’est à elle que se rapporte la castration, on voit que ça ne fait pas deux
Dieu, mais que ça n’en fait pas non plus un seul [33] .
Ce passage nous indique la difficulté du point que je voudrais discuter maintenant : il 84
concerne un jeu complexe entre pastout et exsistence appliqués à Dieu en tant que
tel, si je puis dire.
Sur la question de l’exsistence, la confrontation dans le séminaire RSI , entre la 85
séance du 17 décembre 1974 et la note écrite « À la lecture du 17 décembre 1974 »,
manifeste le caractère tendu du problème.
Dans la séance du 17 décembre, Lacan oppose la vérité de religion à la philosophie 86
(même s’il en prend pour représentant Voltaire, médiocre philosophe, parce qu’en
fait il parle plus précisément ici du déisme) :
la philosophie affirme l’être de Dieu ;
la religion (la religion, ici, c’est assurément les monothéismes, la « Note »
précisera : le christianisme) affirme qu’il existe, qu’il exsiste –, il exsiste au tout :
« Qu’il est l’exsistence par excellence c’estàdire qu’en somme il est le
refoulement en personne, il est même la personne supposée au refoulement. Et
c’est en ça qu’elle est vraie [34] . »
Autrement dit, ici c’est la mise en valeur du père comme fonction d’exception qui
fonde le refoulement et son inhérence au langage, qui fait que la psychanalyse voit
plus de vérité dans la religion que dans toute la philosophie. Remarquons qu’à ce
point (le seul dieu sérieux, c’est celui de la religion), Lacan converge tout à fait avec
Freud, que dans ces mêmes séances il critique pourtant de façon peu amène.
Dans la « Note », l’opposition est autre, et même contradictoire : « Dieu est le pas 87
tout qu’il (le christianisme) a le mérite de distinguer, en se refusant à le confondre
avec l’idée imbécile de l’univers [35] . »
De là, il ajoute qu’en tant que pastout, c’est justement ce à quoi aucune exsistence 88
n’est permise. Là où était vantée la position d’exsistence vient le pastout qui exclut
justement l’exsistence.
S’agitil de deux versions également pertinentes, ou d’une véritable correction ? Il 89
faudrait, certes, déchiffrer ces textes avec la théorie complexe de l’exsistence dans les
nœuds. Je me contenterai ici d’utiliser l’opposition de l’exsistence et du pastout qui
se donne dans l’écriture des quanteurs de la sexuation – mais on sait que c’est une
matrice logique où ?(x) peut valoir pour d’autres propriétés que celle de la fonction
phallique – ce qui est d’autant plus légitime qu’il s’agit de la façon dont Dieu se
distingue du tout (« l’idée imbécile de l’univers »). On peut alors assez bien situer
l’opposition.
Dans les quanteurs, l’exsistence est située du côté du tout, de la logique de 90
l’universel. Elle qualifie la place de l’aumoinsun qui dit que non. Cette place est
notamment celle de certaines formes du père, ce qui en somme tomberait pas mal à
propos de Dieu.
Le est la limite, l’exception qui permet au tout de consister. La doctrine de la 91
création de l’univers par Dieu, celle de sa transcendance, correspondrait assez bien à
cette position. Sans doute l’opposition formulée par Lacan estelle celle de l’ex
sistence et de l’être. Mais « L’étourdit » établit que la pensée de l’être s’inscrit dans la
logique du tout, topologiquement présentée par la sphère.
Dans l’élaboration logique des quanteurs, la nature du dire que non, de la négation 92
par rapport à la fonction, appelle des précisions. Dans « L’étourdit », Lacan indique
que c’est une valeur de x pour laquelle la fonction ne s’applique pas, ce qu’il appelle
« contien », et non pas une négation de type contradiction.
Le texte du séminaire oppose l’exsister à l’être. Cette opposition peut être 93
rapprochée d’une longue tradition théologique qui oppose l’être et l’essence.
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Gilson [36] souligne que, chez saint Thomas, à la suite d’AlFarabi et de Maimonide,
Dieu subvertit cette opposition, puisque l’essence de Dieu est dans son existence.
Cette thèse répondrait assez bien à la formulation de Lacan « l’exsistence par
excellence » – à ceci près que l’existence n’est pas l’exsistence.
Cette place de est dans « L’étourdit » celle du dire qui excède et conditionne la 94
vérité des dits. On pourrait donc inscrire là une des thèses de cette période justement,
qui rattache Dieu au dire : « tant qu’il y aura du dire, l’hypothèse Dieu sera là ».
Caractériser Dieu comme pastout implique une autre négation du tout, qui induit en 95
effet l’impossibilité de l’exsistence, comme le dit la note « À la lecture… » : « ce à
quoi aucune exsistence n’est permise ». Le pastout x se complète de « Il n’existe pas
de x tel que non ? x ». Le pastout exclut la possibilité de l’exsistence dans la mesure
même où il implique l’inconsistance : il n’y a pas de x qui dise que non.
Dans cette logique s’inscrit la proposition qui identifie Dieu et La femme – l’universel 96
s’exprimant par l’article défini. La femme n’existe pas comme l’analyste n’existe pas.
Mais, il faut le noter, dans ces énoncés, l’existence n’est pas celle qui en logique fait
polarité avec l’universel, puisqu’il s’agit justement de l’existence de l’universel, du
concept, comme tel.
Du côté de la théologie, la doctrine des Noms divins exposée par Denys l’Aréopagite 97
serait ici une illustration possible du côté pastout des quanteurs. Si la propriété ? x
s’interprète comme « être nommable », on a à la fois : Il n’existe pas de nom qui ne
convienne à Dieu (pas de x qui dise non à la fonction), et Aucun nom ne convient
vraiment à Dieu (pas tout x ? x).
Il est clair que le fait de ne pas exsister ne correspond pas à un pur rien. On voit que 98
les deux versions, l’exsistence et le pastout, ont des répondants théologiques, et qui
sont parfois posés ensemble par les théologiens chrétiens. Qu’en estil des lectures
proprement analytiques ?
Nous en avons donné déjà quelque aperçu. Le texte d’Encore qui conclut la séance 99
sur « Dieu et la jouissance de la femme » indique une tension assez voisine, que
Lacan situe entre Dieu comme cette face de l’Autre qui supporte la jouissance
féminine, et Dieu en tant que Père. Ça ne fait pas un seul Dieu dit Lacan, mais ça n’en
fait pas deux non plus.
Du côté de l’exsistence, à quoi exsiste Dieu ? Au langage en particulier : « Où est 100
Dieu làdedans ? Je n’ai jamais dit qu’il soit dans le langage [37] » – point à noter face
aux baratins idéologiques ambiants sur l’ordre symbolique et le NomduPère, en
contre et en pour. Une relation est alors établie entre Dieu, le langage et l’absence de
rapport sexuel. « Dieu n’est rien d’autre que ce qui fait qu’à partir du langage il ne
saurait s’établir de rapport entre sexués. » On avance donc par là dans la question du
lien entre langage et absence de rapport sexuel. Dans cette question, Lacan exclut que
le langage soit seulement le résultat et le bouchon de ce rapport manquant, thèse qui
serait ridicule. Mais si la relation est dans l’autre sens, sa nature reste en partie
indéterminée, comme l’indique l’expression « à partir du langage ». C’est dans cette
indétermination que s’insère donc « Dieu ». Le jeu de Lacan est d’employer une
formule qui maintient l’équivoque que lèverait le fait d’ajouter « ce qu’on appelle
Dieu n’est rien d’autre, etc. ».
Terminons, comme tenant lieu de conclusion, par un texte qui reprend et combine 101
plusieurs des noms que nous avons relevés, et qui donne une des dernières
formulations de l’athéisme psychanalytique, sans jouer ici de l’équivoque :
102
Il n’y a pas d’Autre qui répondrait comme partenaire, la toute nécessité de
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l’espèce humaine étant qu’il y ait un Autre de l’Autre. C’est celui qu’on appelle
généralement Dieu, mais dont l’analyse dévoile que c’est simplement la « La
femme [38] ».
[1] J. Lacan, Séminaire XXII, RSI , 1974-1975, inédit, 17 décembre 1974 : « Pour fixer les choses, là où elles
méritent d’être fixées, c’est-à-dire dans la logique, Freud ne croit pas en Dieu. Parce qu’il opère dans
sa ligne, à lui, comme en témoigne la poudre qu’il nous jette aux yeux pour nous emmoïser. »
[2] Sur ces points je me permets de renvoyer à mes analyses dans F. Balmès, Le nom, la loi, la voix,
Toulouse, érès, 1997.
[3] J. Lacan, Séminaire XX, Encore, 1972-1973, Paris, Le Seuil, 1975, p. 78.
[4] F. Balmès, Le nom, la loi, la voix, op. cit.
[5] Il s’agit du cadran de Pierce qui, comme le carré logique d’Apulée, combine les propositions
universelles et particulières, affirmatives et négatives, mais qui, à la différence de celui-ci, montre que
l’universelle affirmative n’implique pas l’existence.
[6] J. Lacan, Séminaire IX, L’identification, 1961-1962, inédit, 17 janvier 1962
[7] C’est justement dans ce mouvement que Lacan affirme immédiatement après que « la psychanalyse,
de réussir, prouve qu’on peut s’en passer à condition de s’en servir » – suite de notre citation,
ordinairement seule retenue – délestée donc du poids de ses prémisses. Séminaire XXIII, Le sinthome,
Paris, Le Seuil, 2005, séance du 13 avril 1976, p. 136.
[8] Cette opposition est affirmée à la suite de Pascal, en particulier de 1965 à 1968. Déjà en 1968-1969, dans
le plus pascalien pourtant des séminaires, D’un Autre à l’autre, Lacan la relativise. Comme on le verra
plus loin, dans Encore, une dualité un peu différente semble prendre sa place.
[9] Le passage cité de L’identification l’écrit pourtant en sens inverse : « Tout père est Dieu. » Certes mais à
préciser aussitôt que donc seul Dieu est père.
[10] J. Lacan, Séminaire XXII, RSI , 1974-1975, inédit, 15 avril 1975.
[11] J. Lacan, « D’une question préliminaire à tout traitement possible de la psychose », Écrits, Paris, Le
Seuil, 1966, p. 548.
[12] J. Lacan, Encore, op. cit., p. 67. Cf. plus bas, la citation exacte.
[13] J. Lacan, Séminaire XV, L’acte psychanalytique, inédit, 19 juin 1968.
[14] J. Lacan, Encore, op. cit., p. 77.
[15] Implicitement dans la « Question préliminaire », explicitement dans le séminaire V, Les formations de
l’inconscient, Paris, Le Seuil, 1998.
[16] Formule de Télévision.
[17] J. Lacan, « Subversion du sujet et dialectique du désir dans l’inconscient freudien », dans Écrits, op. cit.
[18] Voir en particulier à ce propos le « Compte rendu du séminaire L’acte psychanalytique », dans Autres
écrits, Paris, Le Seuil, 2001, et le texte cité ci-dessus de « La méprise du sujet supposé savoir », dans
Scilicet no 1 ou Autres écrits, op. cit.
[19] J. Lacan, « Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École », dans Autres écrits, op. cit.
[20] La systématisation du Réel telle qu’elle se déploie dans les séminaires borroméens constitue, du point
de vue qui nous intéresse ici, l’effort le plus méthodique qui contredise la théologie philosophique où
Dieu s’identifie à la rationalité du réel. Mais Lacan, qui a revendiqué au moins jusqu’en 1960 la
formule hégélienne « Tout le réel est rationnel, et tout le rationnel est réel » – laquelle, pour Hegel,
était l’équivalent de l’argument ontologique, ne considère pas aisé de se débarrasser de cette question,
même après le démontage du sujet supposé savoir : « son » Réel reste tendu entre une référence
mathématique quasi platonicienne, ce qui marche par excellence, et une définition comme ce
désordre qui supporte le symptôme, par essence ce qui ne marche pas, en tout cas pas pour nous, à la
limite, il le dit, le mal – deux limites qui excèdent sa pertinence purement analytique (Séminaire XIX,
… ou pire, 8 mars 1972, inédit).
[21] Pour une analyse et discussion plus détaillée, voir plus loin « Le pur amour au temps de la mort de
Dieu », p. 163.
[22] Le terme ici n’est pas abusif, puisque Lacan se donnait pour tâche de le démontrer, et répétait que ce
n’était pas encore le cas.
[23] « Ce qu’il me faut démontrer en effet, c’est qu’il n’y a pas de jouissance de l’Autre, génitif objectif » («
RSI , À la lecture du 17 décembre 1974 », Ornicar ? no 2, p. 98).
[24] J. Lacan, Séminaire XIX, op. cit. La contradiction n’est pas si grande, car Lacan précise : on n’en jouit
(de l’Autre du signifiant) que mentalement, c’est-à-dire pas sexuellement. Dans les deux cas cela
revient à dire qu’on ne jouit sexuellement que de ses fantasmes, et pas de l’Autre comme Autre.
[25] Ibid.
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25/10/2018 Athéisme et noms divins dans la psychanalyse
[25] Ibid.
[26] J. Lacan, RSI , op. cit.
[27] « C’est justement parce qu’un des termes devient le lieu où la relation s’écrit qu’elle ne peut plus être
[…] relation, puisque le terme change de fonction, qu’il devient le lieu où elle s’écrit et que la relation
n’est que d’être écrite justement au lieu de ce terme. Un des termes doit se vider pour lui permettre, à
cette relation, de s’écrire » (J. Lacan, Séminaire …ou pire, op. cit.).
[28] Ibid.
[29] J. Lacan, Encore, op. cit., p. 77.
[30] Ibid., p. 73. (le tableau et son commentaire).
[31] Ibid., p. 67.
[32] Ibid., p. 78 : « Si de ce je ne désigne rien d’autre que la jouissance de la femme, c’est assurément
parce que c’est là que je pointe que Dieu n’a pas encore fait son exit. »
[33] Ibid., p. 71.
[34] « Que la religion soit vraie, c’est ce que j’ai dit à l’occasion. Elle est sûrement plus vraie que la névrose
en ceci qu’elle refoule ce fait que ce n’est pas vrai que Dieu soit seulement, si je puis dire, ce que
Voltaire croyait dur comme fer. Elle dit qu’il ex-siste, qu’il est l’ex-sistence par excellence, c’est-à-dire
qu’en somme il est le refoulement en personne, il est même la personne supposée au refoulement. Et
c’est en ça qu’elle est vraie. » ( RSI , op. cit.).
[35] Cet écrit de Lacan rend tout de même difficile d’accorder à J.-C. Milner, qui le soutient dans L’œuvre
claire, que Lacan reposerait tout entier sur ce qu’il appelle le théorème de Koyré comme fondateur de
la science moderne : « il n’existe pas de hors univers ».
[36] Gilson, qu’en 1974, en Italie, Lacan salue explicitement comme son maître, avant même que Freud le
soit.
[37] RSI , 17 décembre 1974.
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