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ß INTRODUCTION
Dans ce travail, nous nous proposons d’étudier l’identité urbaine de la
population de la ville de Salé à travers les attitudes et les valeurs des pratiques
langagières. C’est une étude basée sur le discours épilinguistique qui fait
apparaître les attitudes et le positionnement des locuteurs par rapport à l’autre et à
l’espace où ils vivent. Un tel discours ne révèle pas seulement des attitudes envers
l’autre et le lieu mais aussi un jugement sur soi comme le soulignent Bulot et
Tsekos (1999 : 58) qui précisent : « tenir un discours sur sa ville [c’] est tenir un
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relever, suite à Bulot (1997 :1), les « fractures urbaines (…) [et la] mobilité
linguistique et dynamique des territoires » spécifiques à l’espace urbain de Salé ;
et ce à travers les jugements que portent le locuteur sur les façons de parler des
autres et qui permettent non seulement de dégager les attitudes des uns envers les
autres mais aussi de relever l’organisation de l’espace telle qu’elle est conçue par
les différents groupes qui cohabitent. Ce sentiment épilinguistique des habitants
nous amènera aussi à la hiérarchisation des différents groupes de la communauté
sociale que définit Calvet (1994) à travers quatre facteurs à savoir (i) le lieu (un
espace urbanisé), (ii) le temps (toute évolution est tributaire du facteur temps), (iii)
l’action (l’ensemble des relations divergentes, convergentes entretenues dans la
communauté) et (iv) l’habitus (le partage des normes et des habitudes ainsi que le
rapport à la langue). Il s’ensuit que tout espace urbain qui répond à ces quatre
critères forme une communauté sociale. Mais, quelle(s) représentation(s) se font
les locuteurs de la communauté des lieux (et des habitants) qui constituent cet
espace ?
ß OBJECTIFS
Notre objectif premier est de déterminer comment les locuteurs perçoivent
leur identification, celle des autres et du lieu où ils habitent. Le deuxième objectif
est de relever la localisation des différentes composantes linguistiques (différents
parlers) en interaction, leur hiérarchisation et leurs influences mutuelles à Salé
afin de saisir la nature et le sens de leur évolution.
¢ Hypothèse de travail et choix des informateurs
Pour accomplir ce travail, nous partons de l’hypothèse que la hiérarchisation
des parlers en contact à Salé est dépendante d’une ségrégation spatio-linguistique
qui reflète une classification socio-économique dans l’espace urbain de la ville de
Salé. Ce travail est accompli suite à une étude de cas basée sur une enquête auprès
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¢ Approche de travail
L’analyse de ces thèmes s’inscrit dans une approche théorique globale de
sociolinguistique urbaine telle qu’elle se présente dans les travaux, entre autres, de
Bulot et Tsekos (1999) ; laquelle approche est fondée, de manière générale, sur
l’étude des formes linguistiques des différents groupes selon l’organisation sociale
de l’espace urbain où ils vivent et sur la description des dynamiques socio
langagières qui permettent de saisir la manière dont la ville agit sur le
comportement des individus et sur leur façon de parler. Pour ce faire, nous
baserons l’analyse des données recueillies sur les représentations que se font les
locuteurs de leur identification à la communauté à laquelle ils appartiennent et de
leur différenciation par rapport aux autres. C’est le « rapport à la communauté et
(…) à l’altérité » dont parlent les mêmes auteurs (1999 : 21). Il s’agit aussi de
dégager à partir de ces mêmes représentations les « fractures urbaines » qui
caractérisent la communauté de tout espace urbain. Pour atteindre toutes ces
dimensions, nous nous baserons sur le langage en tant qu’élément fondamental
dans la détermination de l’identité du locuteur.
¢ Outils de la recherche
Dans ce travail, nous nous sommes inspiré d’une enquête menée par Bulot
(1997) pour déterminer l’évaluation sociale des parlers rouennais. Notre enquête a
touché huit informateurs dont chacun représente une famille. Sept de ces familles
représentent les sept zones linguistiques du Maroc arabophone et la huitième
représente une famille slaouie de souche. Ces enquêtés ont rempli un
questionnaire après avoir écouté les enregistrements de huit autres informateurs
qui représentent d’autres familles ayant les mêmes caractéristiques linguistiques et
socio-économiques que les premières. Il s’ensuit que chaque enquêté est invité à
remplir, pour chaque enregistrement, un questionnaire ce qui fait au total 64
questionnaires remplis. Nous avons demandé aussi aux enquêtés de désigner des
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3 Les symboles adoptés, dans la transcription phonétique, sont ceux de l’API. Les emphatiques
sont soulignées et les géminées sont dédoublées. La labiovélarisation est rendue par un w en
exposant.
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MOHAMMED EL HIMER
4) S’il est d’ailleurs, sa façon de parler est celle de quelqu’un qui a vécu :
en ville � à la campagne �
5) Vous le reconnaissez à :
son accent � son lexique �
autre (à préciser) ………..
6) A Salé, pensez-vous qu’il habite :
en médina � dans un quartier équipé économique �
Avant d' entrer dans le vif du sujet, nous tenons à donner d' abord un aperçu
de la situation linguistique du Maroc en présentant les différents codes
linguistiques (langues et parlers) qui coexistent dans le pays. Nous exposerons
ensuite la situation linguistique et historique de la ville de Salé. L’intérêt de cette
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4Youssi (1989) parle d’une autre forme de l’arabe à savoir l’arabe médian qui emprunte, de
manière générale, ses schèmes à l’AM et son lexique à l’AC.
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