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Secteur Privé & Développement La revue de proparco

N° 11 / Juillet 2011
Combiner financement

L'assistance technique
et assistance technique
Cyril Renault
Proparco

au service du secteur
2

Créer de l'impact grâce

privé : un outil
à l’assistance technique
Halah Al-Jubeir, Gilles Galludec
et Peer Stein

de développement
International Finance Corporation
6

Capital-investissement et AT,
le duo gagnant pour les PME
Aziz Mebarek Le conseil aux entreprises, associé à l’investissement, renforce leur chance
Tuninvest–AfricInvest Group d’être pérennes, mais aussi leur rôle dans l’amélioration des conditions
10
de vie des communautés locales.
Accélérer l'expansion de la
microassurance ÉDITORIAL PAR DOV ZERAH PRÉSIDENT de Proparco
Nina Schuler
LeapFrog Labs
13 Le conseil et le soutien des entreprises sont une composante importante de
l’activité des institutions financières de développement tant dans les pays
Chiffres clés émergents que dans les pays en développement, en particulier en Afrique. Les
L'assistance technique en chiffres petites et moyennes entreprises y souffrent de lacunes, notamment en matière
16 de gouvernance et de gestion financière. Des déficits qui limitent leur croissance,
et réduisent leur contribution au développement.
Le soutien de l'Europe en
Pour les soutenir davantage et les inciter au changement, les banques
faveur du secteur privé
Jan ten Bloemendal, Alessandra
universelles de développement leur proposent, depuis quelques années, de
Lustrati et Sonia Pagliaro cofinancer des missions d’expertise ; elles visent à renforcer leurs systèmes
Commission européenne d’information, à développer de nouveaux produits ou encore à pénétrer de
18 nouveaux marchés. Cette démarche, qui associe investissement privé et
incitation financière, permet de renforcer la solidité des entreprises
Une évaluation des impacts et leur impact économique.
adaptée aux projets
Mais l’usage de subventions au profit du secteur privé fait débat. Comment en
Tobias Bidlingmaier
Deutsche Investitions - und effet justifier l’octroi de dons à des sociétés rentables ? C’est tout l’objet de ce
Entwicklungsgesellschaft mbH onzième numéro de la revue Secteur Privé & Développement.
22 Les dons accordés par les institutions financières de développement peuvent
se justifier dès lors qu’ils permettent de pérenniser et d’amplifier l’impact
Pièges à éviter et leçons à tirer économique des entreprises. Mais pour s’assurer de l’additionnalité et de
pour l'Afrique
l’efficacité de ce nouvel outil et d’éviter les distorsions de concurrence, il convient
Klaus Niederländer et Peter Hinton
Cooperatives Europe
d'en mesurer l’impact. Un chantier à venir, tant les systèmes de mesure utilisés
Summit Development Group aujourd’hui sont disparates et rendent difficile les évaluations et comparaisons
25 de programmes entre institutions.
L’expérience accumulée au fil des projets permet toutefois de tirer quelques
leçons. Par une forte implication de l’entreprise, par son appropriation du
projet et un suivi du bailleur, un programme d’assistance technique multiplie
les chances de succès. Et l’assistance technique au service du secteur privé de
devenir un précieux outil de développement, à disposition des agences publiques
de développement pour accroître l’effet de levier de leurs financements. —
2

Combiner financement
L'assistance
technique au
service du secteur
privé : un outil
de développement

et assistance technique
Les institutions financières de développement fournissent parfois à leurs clients une
assistance technique, pour renforcer leurs capacités de gouvernance, de management et de
gestion financière. Si l’utilisation de fonds publics pour des entreprises rentables peut poser
question, elle implique un devoir d’efficacité. Un projet basé sur une vision stratégique, un
réel engagement et un suivi des résultats peut aider à pérenniser une entreprise.

Cyril Renault du développement durable est un domaine


très prometteur” et “l’Union européenne et
Proparco
ses États membres pourraient avoir davan-

L
e secteur privé est aujourd’hui reconnu tage recours à la combinaison de prêts et de
comme un maillon essentiel des dyna- subventions”.
miques de développement. Par les C’est en particulier sur ce mot, “subven-
emplois et la richesse qu’elles créent et leur tions”, que la question de la légitimité de la
contribution aux budgets des États, les entre- nouvelle offre des IFD se pose. Au-delà, c’est
prises, petites et grandes, sont des vecteurs leur rôle dans le renforcement des capaci-
de croissance. Les institutions financières de tés du secteur privé et dans l’utilisation de
développement (IFD) européennes, réunies fonds d’aide publique au développement2 qui
au sein de l’European Development Finance est questionné. Si renforcer les capacités des
Institutions (EDFI)1, appuient depuis de lon- entreprises vise à pérenniser leur développe-
gue date le secteur privé. Par leur action – 4,7 ment et à soutenir des initiatives à plus fort
milliards d’euros investis dans 770 projets impact développemental, comment justifier
en 2010 –, elles catalysent l’octroi de dons à des sociétés rentables ? Par
les investissements favo- ailleurs, les IFD sont-elles les mieux placées
rables au développement pour renforcer les capacités du secteur privé ?
d’un tissu d’entreprises
solides et dynamiques, Un soutien encore modeste des
dans des régions jugées institutions financières de développement
risquées. Le renforcement des capacités des entre-
Si certaines de ces insti- prises a été défini par le Comité d’aide au
tutions européennes exis- développement3 en 2006 comme étant le pro-
CYRIL RENAULT tent depuis des décennies, cessus par lequel les acteurs libèrent, adap-
Économiste de l’énergie, leur proposition de lier tent et renforcent leur aptitude à gérer leurs
Cyril Renault est diplômé l’assistance technique à un affaires avec succès (OCDE, 2006). Concrète-
de l’École nationale
financement est récente. ment, il s’agit pour les IFD de mettre à dis-
supérieure du pétrole et
des moteurs. Après avoir
Si la fonction de conseil position du bénéficiaire final (l’entreprise)
travaillé plusieurs années auprès des acteurs privés des actions de conseil, de structuration, de
à la réalisation de projets des pays en développe- gestion de l’information, de réorganisation
internationaux à l’Agence ment est une composante ou des études qui seront financées partielle-
de l’environnement
naturelle de leur action, ment par les fonds octroyés. Les activités de
et de la maitrise de
l’énergie à Paris, puis à
les IFD européennes pro- renforcement des capacités ont vu le jour au
la création d’institutions posent désormais des 1
Cette association regroupe quinze institutions financières bilatérales.
de microfinance pour le ressources additionelles Mandatées par leurs gouvernements, elles travaillent à la mise en œuvre
des Objectifs du Millénaire, tout particulièrement en soutenant des projets
Groupe de recherche et consacrées au renforce- "durables" dans les pays en développement.
d’échanges technologiques
ment des capacités des 2
L’aide publique au développement représente l’ensemble des ressources
à Madagascar et en émanant d’organismes publics (ou d’organismes agissant pour leur
Mauritanie de 2004 à 2008,
entreprises. Selon la compte) destinées aux pays en développement ou à des institutions
il rejoint l’Agence française Commission européenne multilatérales, assorties de conditions favorables (élément de libéralité au
moins égal à 25 %) dans le but de favoriser le développement économique
de développement en (CE, 2011), “la collabora- et l’amélioration du niveau de vie.
2009 pour créer l’unité tion avec le secteur privé 3
Principale instance chargée des questions de coopération-développement
“Assistance technique” au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques,
en tant que moteur de la le Comité est un lieu de coordination des bailleurs de fonds sur les pratiques
de Proparco.
croissance inclusive et de mobilisation et de mise en œuvre de l’aide publique au développement.

www.proparco.fr
3

cours de la dernière décennie : en 2000 par Les demandes d’appui proviennent soit des
Norfund (Norvège) et en 2008 en France, par entreprises elles-mêmes, soit des intermé-
Proparco (Tableau 1). diaires financiers que sont les banques et les
Le montant total des programmes de ce type, équipes de gestion de fonds d’investissement
initiés par les IFD européennes, s’élève en – des acteurs qui entretiennent une grande
2010 à près de 40 millions d’euros. À titre proximité avec les petites entreprises. Dans
de comparaison, les dépenses de la Société la majorité des cas, les projets d’assistance
financière internationale pour le conseil aux technique ne demandent qu’une expertise de
entreprises sont, la même année, de 268 mil- court terme, ponctuelle ou itérative.
lions de dollars (près de 3,95 % du total de Parfois, l’ampleur des changements à opé-
ses investissements). La moitié rer nécessite le placement d’un dirigeant.
“Comment justifier le
des dépenses d’assistance tech- La société AMSCO4 a par exemple placé, fin
fait de subventionner
nique en 2010 repose sur l’OeEB 2009, plus de 270 managers dans 181 entre-
des entreprises
(Autriche) et le FMO (Pays-Bas) prises. Les managers qu’elle recrute doivent
rentables ?”
– une prépondérance qui s’ex- aider les entreprises clientes à améliorer leurs
plique en partie par une particularité : elles performances. Ces managers sont affectés
n’ont pas de “maison-mère” chargée de la coo- provisoirement (contrat de trois ans renou-
pération. Le montant des projets oscille entre velables) au service des entreprises clientes.
20 000 euros et un million d’euros ; en 2010, Ils les aident à améliorer leurs activités d’ex-
la moyenne est de moins de 100 000 euros. ploitation et leur performance financière, et
Les ressources que les institutions financières forment des managers locaux destinés à les
de développement européennes consacrent relayer (AMSCO, 2009).
spécifiquement aux actions d’accompagne- Près de la moitié des demandes de renforce-
ment technique sont limitées : à peine 0,85 % ment des capacités de petites et moyennes
de leurs financements annuels en 2010. Elles entreprises transmises à Proparco par les fonds
ne bénéficient pas, en outre, des finance- d’investissement partenaires concerne les ques-
ments centralisés de l’Union européenne. tions de management et de gestion financière
Certaines institutions, comme la DEG (Alle- des entreprises. La bonne gouvernance est en
magne), mobilisent alors leurs propres res- effet considérée comme un préalable au déve-
sources. Tournées vers le secteur privé, leur loppement de nouveaux produits et services à
soutien prenant essentiellement la forme de vocation plus développementale, qui fait égale-
financements en capital et en dette néces- ment l’objet d’une forte demande de conseils de
saires à la création et à la croissance des la part des entreprises.
entreprises du Sud, les IFD européennes ont
peu catalysé, jusqu’à présent, les flux d’aide La question de l’utilisation
publique au développement. de fonds publics européens
Pour autant, comment justifier le fait de sub-
La bonne gouvernance, objet d’une forte ventionner des entreprises rentables ? Ne
demande de conseils pourraient-elles pas prendre elles-mêmes
Par nature, les institutions financières de déve- en charge ces coûts ? De manière générale,
loppement contribuent depuis longtemps à les entreprises hésitent à se lancer dans des
l’amélioration des capacités de leurs partenaires, projets de restructuration interne, du fait
notamment par des conseils dans la structura- de l’engagement humain et financier qu’ils
tion des investissements. En dehors des recom- requièrent et de la difficile appréciation des
mandations qu’elles prodiguent à leurs clients retombées de conseils externes. L’hésita-
pour les aider à sécuriser leur investissement et tion est d’autant plus grande lorsqu’il s’agit
à renforcer l’impact développemental de leurs de s’engager vers des nouveaux segments de
actions, les institutions financières de déve- marché innovants, constitués d’une clien-
loppement utilisent désormais aussi des fonds tèle aux revenus plus faibles. Ainsi, les fonds
publics (en plus de leurs fonds propres) pour publics utilisés, via l’octroi de subventions,
les accompagner. Elles mènent des études pré- encouragent l’entreprise à innover. En outre,
alables et accompagnent les entreprises dans incitée à renforcer sa gouvernance, ses stan-
la mise en place de chantiers internes : amé- dards environnementaux et sociaux, à élargir
lioration des systèmes d’information, consoli- son champ d’action, une entreprise a plus de
dation de la direction administrative et finan- chance d’être pérenne et améliore ses impacts
cière, formation des experts en responsabilité développementaux.
environnementale et sociale des institutions 4
La société AMSCO est une unité opérationnelle du Programme des Nations
financières partenaires, etc. Elles peuvent ainsi unies pour le développement (PNUD), en charge de l’exécution du projet
dénommé “Services de gestion et de formation en Afrique (ATMS)”. Elle a
intervenir aussi bien au niveau institutionnel, pour objectif de développer les capacités et les compétences des petites et
organisationnel qu’individuel. moyennes entreprises africaines.

Secteur Privé & Développement


4 Combiner financement et assistance technique

L'assistance Ainsi, la combinaison de fonds publics et sus de renforcement des capacités est effi-
technique au
service du secteur d’investissements privés s’est développée en cace quand il est mis en place à la demande de
privé : un outil
de développement
Europe sous l’impulsion des grandes agences l’entreprise, quand il s’appuie sur une vision
d’aide au développement, dont la Banque euro- stratégique de l’avenir et une volonté par-
péenne d’investissement, l’Agence française de tagée de changement. Ainsi, une contribu-
développement ou la KfW Bankengruppe alle- tion en numéraire est demandée de manière
mande. Depuis 2009, l’Union européenne faci- presque systématique à l’entreprise. Elle
lite la combinaison d’investissements et de peut varier de 20 à 50 % du coût du projet,
dons (pooling mechanism)5. Ces programmes, selon le degré de prise de risque et le compro-
conçus pour encourager l’investissement dans mis trouvé entre innovation et engagement.
les secteurs à fort impact développemental, ne Dans de rares cas, les coûts d’appui sont pris
ciblent pas systématiquement le renforcement en charge intégralement par l’entreprise ;
des capacités : les fonds peuvent être utilisés ainsi, une société de financement des petites
également pour garantir et bonifier un prêt, ou et moyennes entreprises, Business Partners,
cofinancer un programme d’investissement. Au propose en Afrique du Sud la prestation de
contraire, les institutions financières de déve- conseils au moyen de prêts remboursables à
loppement utilisent les fonds publics princi- taux zéro. Ces avances sont également cou-
palement pour renforcer les capacités de leurs rantes dans l’industrie de la finance carbone.
partenaires. Elles ne proposent généralement Dans la plupart des cas, l’identification des
pas de bonification des prêts ni de subventions déficits de capacités et de pistes d’interven-
à l’investissement, car elles estiment que ces tion suppose simplement que l’entrepreneur
instruments comportent un risque élevé de dis- soit accompagné dans ses réflexions. Les IFD
torsion de la concurrence. Le coût des projets doivent donc faire preuve d’une grande qua-
dépasse rarement 10 % du montant de l’inves- lité d’écoute, d’une solide connaissance des
tissement, afin de limiter les effets d’aubaine problématiques sectorielles et formaliser
et, encore une fois, l’impact sur la concurrence. quelques questions structurantes servant de
support à la décision. L’efficacité des projets
Garantir l’efficacité des projets de renforcement des capacités nécessite aussi
de renforcement des capacités une réelle adaptation aux rythmes propres
La mobilisation de fonds publics au service à l’entreprise. Pour optimiser les chances de
du secteur privé engage la redevabilité des réussite, le cycle des projets doit comprendre
institutions financières de développement : trois moments clefs : la définition des règles
elles doivent en effet rendre compte de l’ef- de sélection (conditions d’éligibilité) et d’ap-
ficacité de leurs actions de soutien au renfor- probation des projets en phase amont ; la pas-
cement des capacités auprès des donateurs et
5
Le fonds European Union Africa Infrastructure Trust Fund et les trois
des institutions publiques. mécanismes régionaux (Neighbourhood Investment Facility, Latin America
Pour s’assurer de l’efficacité de leur soutien, Investment Facility et Investment Facility for Central Asia) sont destinés
au développement des infrastructures (services sociaux, environnement,
elles veillent tout particulièrement à la qua- transport, télécommunication, énergie et eau) et au soutien au
lité du leadership de l’entreprise. Le proces- développement des petites et moyennes entreprises.

Tableau 1 : CARACTÉRISTIQUES COMPARÉES DES FONDS D’ASSISTANCE TECHNIQUE DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES
DE DÉVELOPPEMENT EUROPÉENNES
FMO DEG BIO PROPARCO OeEB Norfund
(Pays-Bas) (Allemagne) (Belgique) (France) (Autriche) (Norvège)

Fonds d’AT actifs depuis 2006 2005 2004 2008 2008 2000

Volume décaissé moyen annuel en


6,7 M 2,1 M 1,3 M 1M 11,3 M 3,8 M
euros

Nombre moyen annuel de contrats de


70 39,7 15 10 18 40
subvention

Montant moyen alloué par projet en


135 000 52 900 90 000 150 000 808 000 63 000
euros

Spécifique aux
Fourchette de financement en euros 15 000 – 1 M 10 000 – 193 000 10 000 – 300 000 10 000 – 400 000 8 000 – 400 000
projets

Pas de
Minimum de contribution du client 25 – 50 % 50 % 25 % 25 – 50 % 20 – 50 %
pourcentage fixe

Source : BIO, DEG, FMO, Norfund, OeEB, PROPARCO, 2011

www.proparco.fr
5

DEUX TYPES D'INTERVENTION POUR DES OBJECTIFS SIMILAIRES


Les institutions financières de associent renforcement des capacités et toutes les deux au secteur privé. Le
développement européennes interviennent financement d’investissements par les renforcement des capacités est utilisé
majoritairement en aval de leur banques partenaires du programme. Ces dans les deux cas pour faciliter la mise
investissement, en se centrant sur les dernières bénéficient dans ce contexte d’un en œuvre de projets économiques et
besoins respectifs de chaque entreprise refinancement à conditions préférentielles. sociaux qui participent à la croissance
qu'elles soutiennent. De leurs côtés, les Ces programmes qui ont pour finalité et au développement durable – donc
bailleurs de fonds traditionnels, tels que d’aider les petites et moyennes entreprises aux Objectifs du millénaire pour
la Banque européenne d'investissement, à s’intégrer dans une économie de plus le développement. Le choix des
l’Agence française de développement en plus concurrentielle privilégient les approches dépend simplement de la
(AFD) ou la KfW Bankengruppe allemande secteurs que l’État juge prioritaires. Des nature et des missions spécifiques de
adoptent des approches prenant davantage critères d’éligibilité prenant en compte des chacune des institutions : d’un côté
en compte l’environnement des affaires et orientations de politique publique sont ainsi le financement des investissements
les dynamiques sectorielles. Ils inscrivent définis avec l’appui de l’AFD par un “Bureau privés pour les institutions financières
généralement leur action dans le cadre de mise à niveau”, autonome mais agréé de développement ; de l’autre, la
des politiques nationales, en lien avec les par l’État et constitué d’une large palette de promotion de la croissance par un appui
acteurs locaux d’appui au secteur privé. partenaires du secteur privé. aux pouvoirs publics et acteurs non
Les programmes de mise à niveau des Ces deux approches – microéconomique souverains (collectivités, ONG, sociétés)
entreprises en Tunisie et au Sénégal et mésoéconomique – sont pour les institutions publiques de
soutenus par l’AFD, par exemple, complémentaires et bénéficient développement.

sation des marchés (à encadrer avec des procé- tivité – via les financements – et une péren-
dures strictes pour encourager la concurrence nité accrue des entreprises – grâce à une
et l’efficacité) ; et la mise en œuvre des recom- meilleure organisation, à une meilleure gou-
mandations des consultants. vernance, et au développement
“L’alliance entre
La mise en place, en fonction des projets, de nouveaux produits et services
l’investissement
de quelques indicateurs cibles permet de adaptés – les institutions finan-
et le renforcement
suivre les activités des consultants et d’éva- cières de développement euro-
des capacités des
luer les résultats concrets pour l’entreprise. péennes peuvent renforcer l’ef-
entreprises privées
La mesure de l’impact de l’accompagnement fet de levier des fonds d’aide
est une nouvelle piste
s’avère, en revanche, plus difficile. Dans la publique au développement, et
pour relever le défi
majeure partie des cas, elle est réalisée pour encourager l’atteinte des Objec-
du développement.”
le projet dans son ensemble (investissement tifs du millénaire pour le déve-
et accompagnement). loppement. En effet, en faisant évoluer leurs
Des solutions originales existent. Par exemple, pratiques, les entreprises peuvent accroître
Aureos, gestionnaire du fonds Africa Health leur rôle dans l’amélioration des conditions
Fund bénéficie d’une subvention au renfor- de vie des communautés locales.
cement des capacités pour accompagner les Les institutions financières de dévelop-
petites et moyennes entreprises de son porte- pement ont toute leur place dans cette
feuille à accroitre leur impact sur les popula- démarche. Elles tirent leur légitimité de leur
tions “du bas de la pyramide”. Une partie de proximité et de leur connaissance des entre-
cette subvention sera utilisée pour financer un prises, qu’elles accompagnent pour certaines
dispositif de mesure des impacts ; et la rému- d’entre elles depuis plus de 40 ans. L’EDFI
nération du gestionnaire de fonds dépendra de s’est doté, en 2010, d’un groupe de travail
ces résultats. Ainsi, la combinaison d’une offre des praticiens du renforcement des capaci-
de renforcement de capacités, d’un finance- tés et, en 2011, d’une task force consacrée
ment des mesures de vérification des impacts aux modes de mobilisation des fonds de
et d’une prime à la contribution au dévelop- l’aide publique au développement de la Com-
pement constitue une solution permettant de mission européenne. Il s’agit d’une nouvelle
garantir l’efficacité des actions6. étape prometteuse, allant dans le sens d’un
renforcement du rôle des institutions finan-
Le renforcement des capacités au service cières de développement européennes dans
du développement l’appui global au secteur privé.
L’alliance entre l’investissement et le ren-
forcement des capacités des entreprises pri-
vées est une nouvelle piste pour relever le 6
Voir à ce sujet l'article de Tobias Bidlingmaier, page 22 de ce
défi du développement. Par le soutien à l’ac- numéro de Secteur Privé & Développement.

Références / AMSCO, 2009. Rapport annuel. // Commission européenne, 2011. Renforcer la responsabilité de l'UE en matière de financement du développement en vue de l'évaluation par les pairs de l'aide
publique au développement, rapport. // OCDE, 2006. Relever le défi posé par le renforcement des capacités – Évoluer vers de bonnes pratiques, rapport.

Secteur Privé & Développement


6

Créer de l'impact grâce


L'assistance
technique au
service du secteur
privé : un outil
de développement

à l’assistance technique
L’assistance technique aux entreprises, aux industries et aux gouvernements,
vise à stimuler la croissance du secteur privé, qui joue un rôle déterminant dans l’essor
des pays émergents et en développement. À travers cette activité de conseil, les institutions
financières de développement cherchent à créer un climat plus propice à l’investissement,
d’accroître l’accès au financement et aux infrastructures de base tout en encourageant
le développement d’entreprises durables.

Halah Al-Jubeir, Gilles Galludec et Peer Stein Les programmes de conseil encouragent l’in-
International Finance Corporation (IFC) vestissement local aussi bien que l’inves-
tissement étranger ; ils aident finalement à
L’assistance technique vise à promouvoir le réduire la pauvreté dans les pays émergents
développement économique, social et poli- et en développement.
tique des marchés émergents au travers L’objectif de ces programmes est le même
d’interventions ciblées aux niveaux macro depuis 50 ans, mais les modes d’interven-
et microéconomique. En améliorant l’accès tion ont évolué. Il ne s’agit plus seulement
aux biens et aux services, elle peut aider les d’étudier la faisabilité d’un projet de déve-
pays à progresser sur la voie des Objectifs loppement et d’en gérer la mise en œuvre. Il
du millénaire pour le développement1. Elle faut aussi renforcer les capacités, définir des
permet en effet d’atténuer les distorsions normes sociales, environnementales, régle-
systémiques liées au marché et à la concur- mentaires et juridiques et assurer le déve-
rence, ainsi que les obstacles réglementaires. loppement économique. Selon l’Institut de la
La mise en œuvre de programmes d’assis- Banque mondiale, cette évolution s’est opérée
tance technique visant à renforcer les capa- sur trois générations. Au cours de la première
cités, les compétences et les comportements – pendant la dernière moitié du XXe siècle –,
des acteurs du secteur privé est un véritable l’assistance technique a été largement “tirée”
catalyseur du développement économique et par l’offre, avec le transfert de connaissances
social. Investir dans les sociétés du secteur et de technologies voulu par les pays bailleurs
privé, c’est à la fois fournir du capital, encou- de fonds. Au début du XXIe siècle, elle a com-
rager l’innovation et l’entrepreneuriat, créer mencé à se focaliser sur le développement
des emplois et ouvrir de nouveaux marchés. des capacités, avec le développement de
méthodes de gestion participative des pro-
jets et la promotion des meilleures pratiques.
Halah Al-Jubeir, Gilles Galludec et Peer Stein Aujourd’hui, on assiste à l’émergence d’une
Spécialiste adjoint aux opérations, des microentreprises, après avoir troisième génération, qui prévoit un engage-
Halah Al-Jubeir travaille avec les été directeur du bureau de l'IFC ment à plus long terme, ainsi que l'utilisation
gouvernements, les institutions au Sri Lanka et aux Maldives. de cadres contextuels et une meilleure ges-
financières de développement Il possède 22 ans d’expérience tion des dynamiques de changement répon-
et les fondations en vue de managériale dans le secteur
créer des partenariats au bancaire, acquise pour
dant aux besoins de partenaires multiples.
service des programmes de l’essentiel dans les pays en Si les programmes d’assistance technique
conseil de l'IFC. Diplômée de développement. ont évolué, il en va de même pour les rela-
l’université de Georgetown et tions entre les parties concernées. La mise en
titulaire d’un MBA de la Harvard Peer Stein est directeur œuvre de projets communs exige désormais
Business School, Halah Al-Jubeir “Branches d’activités
possède également plusieurs mondiales” à l'IFC. Dans
de réunir une multitude d’acteurs venant
années d’expérience dans la le cadre de ses activités aussi bien d’institutions de développement
communication stratégique. de conseil pour l’accès au que du secteur privé ou public.
financement, Peer Stein dirige
Gilles Galludec est aujourd’hui l'ensemble des programmes 1
Les Objectifs du millénaire pour le développement correspondent à huit ob-
directeur mondial des activités d’assistance technique jectifs de développement international que tous les États membres des Na-
tions unies et au moins 23 organisations internationales se sont engagés à
de conseils pour l’accès au sur les marchés financiers atteindre en 2015. Éliminer la pauvreté extrême, réduire la mortalité infantile,
financement des particuliers et du monde entier. combattre les maladies comme le VIH/Sida et mettre en place un partenariat
mondial pour le développement font partie de ces objectifs.

www.proparco.fr
7

Les enseignements tirés de ces nouvelles col- ment”, qui gère les programmes d’assistance
laborations doivent être analysés et mis à technique les plus importants, la IFC travaille
profit pour l’élaboration de futurs projets. avec des institutions financières et des auto-
rités de régulation pour améliorer les infras-
Fourniture d'assistance technique : tructures financières et favoriser l’accès aux
service de conseils de l'IFC services financiers. Ainsi, l'IFC développe
En l’espace de quelques années, les services des programmes pour la microfinance, le cré-
de conseils sont devenus essentiels dans dit immobilier, les paiements de détail, l’as-
l’activité de l'International Finance Cor- surance et la finance responsable – dans des
poration (IFC). C’est un élément impor- secteurs d’activité différents, allant de l’agri-
tant de son intervention dans les pays les culture à la téléphonie mobile.
plus pauvres – ou dans ceux qui peinent à L'IFC a par exemple lancé en Europe de l’Est
encourager l'investissement des entreprises. un programme qui vise à développer des
Ce type d’assistance technique a connu un produits d’assurance agricole conçus pour
essor considérable  : entre 2001 et 2010, les réduire le risque supporté par les banques.
dépenses de services de conseils ont été mul- En effet, lorsque des agriculteurs ont besoin
tipliées par plus de dix et les effectifs par six. d’acheter des semences ou des engrais, il
Aujourd’hui, leur conception et leur mise en arrive souvent que les banques refusent
œuvre mobilisent près de 40 % des effectifs de leur prêter l’argent nécessaire si elles
de l'IFC et représentent un budget de près de jugent l’entreprise trop risquée. En février
300 millions de dollars par an. 2010, un programme de formation a été
Les programmes de services de conseils de proposé aux banques, portant sur les avan-
l'IFC s’articulent autour de quatre grands tages de l’assurance en tant qu’outil de ges-
pôles qui proposent tous du conseil et des tion du risque. En juin 2010, le leader ukrai-
formations ciblées. Le pôle “Accès au finance- nien du financement agricole s’est associé
ment” a pour vocation d’aider les au projet et a accepté d’assurer la coordina-
“Les programmes
ménages et les micro, petites et tion d’une autre initiative qui visait à accor-
d’assistance technique
moyennes entreprises (MPME) der aux agriculteurs des prêts garantis par
peuvent aider les
à obtenir des services financiers une assurance-récolte. Au moins 150 entre-
pays bénéficiaires
à des conditions abordables tan- prises agricoles implantées dans six régions
à progresser sur la
dis que le pôle “Investissements d’Ukraine devraient à terme obtenir des
voie des Objectifs du
étrangers” aide les gouverne- crédits saisonniers d’un montant total de
millénaire pour le
ments à mettre en œuvre des 36 millions de dollars.
développement.”
réformes pour encourager l’in- Au Kenya, le produit d’assurance “Kilimo
vestissement et favoriser la concurrence et Salama” (“une agriculture plus sûre” en
la croissance. Le pôle “Partenariats public- swahili) est né d’un partenariat entre l'IFC,
privé” aide les gouvernements à structurer la Fondation Syngenta pour l’agriculture
des PPP dans le domaine des infrastructures durable, l’opérateur de téléphonie mobile
et des services publics, tandis que le pôle Safaricom et la compagnie d’assurance
“Développement durable” vise à promouvoir UAP. Grâce à cette assurance agricole indi-
des normes transversales en matière de per- cielle contre les risques de sécheresse ou
formance sociale et environnementale. de précipitations excessives, il suffit que la
pluviométrie enregistrée tombe en dessous
L’assistance technique, pour un meilleur d’un seuil spécifique convenu préalable-
accès aux services financiers ment pour que l’assuré reçoive un dédom-
Dans les pays en développement, l’infras- magement proportionnel à l’ampleur de
tructure financière est souvent si déficiente la variation constatée. L’assureur n’a plus
que les banques et autres établissements besoin de se déplacer pour évaluer le pré-
de crédit ont beaucoup de mal à développer judice subi et l’assuré est très rapidement
leur offre auprès des segments de population indemnisé. L’assurance Kilimo Salamo se
sous-bancarisés. Les centrales de risques, les révèle tout aussi pratique et économique
garanties, les systèmes de paiement et de pour les petits exploitants agricoles que
règlement sont rares et généralement moins pour les agents d’assurance par son faible
performants que dans les pays développés. coût de mise en œuvre. Le projet a connu
À l’heure actuelle, plus de 2,5 milliards d’in- une croissance remarquable : de 2009 à
dividus ne sont pas bancarisés et plus de juin 2011, le nombre d’assurés a quasiment
300 millions de MPME sont demandeuses de centuplé (de 200 à 19 000). Pour aller plus
prêts bancaires, un manque qui se chiffre à loin dans le développement du produit, en
2 000 milliards de dollars à l’échelle plané- avril 2011, la Fondation Syngenta et l’UAP
taire. À travers son pôle “Accès au finance- ont signé un partenariat avec One Acre
Secteur Privé & Développement
8 Créer de l'impact grâce à l’assistance technique

L'assistance Fund, une organisation qui contri- Nécessaire mesure de l’efficacité de l’as-
technique au
bue à la mise en place de crédits pour les
service du secteur sistance technique
semences et les fertilisants aux pauvres des
privé : un outil
de développement
Même si les visées spécifiques de l’assistance
zones rurales tout en leur enseignant com- technique varient d’une institution à l’autre,
ment obtenir de meilleures récoltes. l’objectif premier est toujours de donner au
L'IFC a également dépensé 61 millions de bénéficiaire les moyens d’accroître sa pro-
dollars dans des actions de conseil destinées ductivité, sa compétitivité et sa capacité à
à stimuler la croissance des institutions de attirer l’investissement étranger. Les pays
microfinance. Ces projets leur ont permis qui en bénéficient voient souvent leur attrac-
de se renforcer, ont aussi incité les banques tivité s’améliorer dans les systèmes de clas-
commerciales à s’intéresser au segment de la sement mondial. À eux seuls toutefois, les
micro et petite entreprise et aidé des ONG programmes d’assistance technique n’ont
de microfinance matures à changer de sta- qu’un impact limité sur la croissance. C’est
tut juridique et à recevoir des pour cette raison que l'IFC les associe depuis
“À l’heure actuelle,
dépôts. Ces actions de conseil quelques années aux projets d’investisse-
plus de 2,5 milliards
ont également contribué à créer ments. Les conseils tendent à être mieux
d’individus ne sont pas
de nouvelles institutions. En juin suivis quand le bénéficiaire reçoit en paral-
bancarisés et plus de
2010, les institutions de micro- lèle des ressources financières qui vont lui
300 millions de micro,
finance partenaires de l'IFC affi- permettre de les appliquer. Le Groupe indé-
petites et moyennes
chaient un encours proche de pendant d’évaluation de la Banque mondiale
entreprises sont
8,5 millions de microcrédits confirme ce constat : l’activité de conseil a
demandeuses de prêts
d’une valeur totale avoisinant les beaucoup plus d’impact sur le développe-
bancaires, un manque
11 milliards de dollars au total. ment quand elle est associée à un investis-
qui se chiffre à
Consciente du potentiel de déve- sement de l'IFC.
2 000 milliards de
loppement que les nouvelles Mesurer l’efficacité des programmes est sou-
dollars à l’échelle
technologies représentent pour vent difficile surtout quand des objectifs
planétaire.”
les services financiers en termes aussi immatériels que la gestion des connais-
d’économies d’échelle, de marché et d’effica- sances ou le renforcement des capacités sont
cité, l'IFC apporte de plus en plus son soutien en jeu. De solides mécanismes d’évaluation et
financier et ses services de conseils à des expé- de suivi s’avèrent donc indispensables pour
riences impliquant des canaux de distribution mesurer de manière efficace les résultats
innovants : téléphones mobiles, transactions obtenus et leur impact sur le développement.
par cartes et réseaux de points de vente. L'IFC Outre un système d’évaluation des bonnes
compte actuellement dans son portefeuille pratiques, l'IFC offre à ses clients deux autres
six projets d’investissement visant à renfor- outils, le premier pour mesurer l’impact des
cer les services de paiement électronique. Cela investissements et le second pour mesurer
vient s’ajouter à l’appui qu’elle apporte déjà à celui des activités de conseil. La mesure des
des intermédiaires financiers et à des opéra- résultats se fait, entre autres, à partir d’un
teurs de téléphonie mobile offrant des ser- cadre d’évaluation ex post et tient compte des
vices de porte-monnaie électronique mobile remontées d’information en temps réel inté-
comme Bank South Pacific, Tameer Bank et grées au moment de la conception et de la
MTN Group. En parallèle, l'IFC a investi dans mise en œuvre des projets. L’utilisation d’in-
le Mobile Money Toolkit©, une base de don- dicateurs standards permet d’additionner les
nées accessible sur Internet qui propose des résultats, de mesurer leur impact sur le déve-
outils et informations pour aider les clients à loppement et de voir dans quels secteurs et
développer des modèles économiques mobiles quelles régions l’aide au développement a
accessibles à tous. été la plus efficace. Il appartient aussi à l'IFC
Afin d’accroître l’accès aux services financiers d’apprécier le caractère novateur et irrempla-
en Afghanistan, l'IFC et la Banque mondiale çable des prestations en question et d’attri-
aident la Banque centrale afghane à mettre buer à ces dernières une note représentative
en place des systèmes de partage d’informa- de la valeur qu’elles ont contribué à créer.
tions. Les prêteurs disposent ainsi d’outils Les équipes de l'IFC se servent de ce suivi de
efficaces pour évaluer les risques et les garan- résultats pour faire des prévisions, définir
tir, par le biais d’un nantissement de biens des points de repère, suivre les progrès réali-
meubles par exemple. Entérinées depuis sés, et attribuer le cas échéant à la prestation
2009 dans les lois afghanes, ces avancées ont une note représentative de l’impact qu’elle a
contribué à améliorer de plus de 50 points la eu sur le développement (Figure 1 et 2).
position de l’Afghanistan dans le classement En 2009, les investissements de l'IFC ont
international Doing Business Getting Credit de contribué à créer 2,2 millions d’emplois, à
la Banque mondiale. soigner 7,5 millions de personnes, à former
www.proparco.fr
9

1,4 million d’étudiants et à fournir aux santé et éducation, finance, infrastructures,


MPME 10 millions de prêts d’une valeur MPME et changement climatique). Ce sont
totale de 110 milliards de dollars. Quant des secteurs qui ont besoin d’être dévelop-
aux programmes de conseil, ils ont per- pés et où l’aide de l'IFC peut créer une diffé-
mis à des gouvernements d’élaborer et de rence. Ce sont aussi pour l'IFC des domaines
mettre en œuvre 70 réformes de l’environ- d’une importance stratégique, où la mesure
nement réglementaire des entreprises, à des résultats sera très utile.
10 millions d’individus d’avoir accès à des Même si les institutions financières de déve-
infrastructures nouvelles ou de meilleure loppement ont obtenu des résultats remar-
qualité et à des institutions de microfi- quables au cours des cinquante dernières
nance de prêter 3,5 milliards de dollars à années, il reste encore beaucoup à faire. Avec
3,8 millions de microentreprises. l’assistance technique de troisième généra-
tion, les institutions financières de dévelop-
Lier plus étroitement l’assistance pement, les gouvernements bénéficiaires et
technique aux objectifs de développement la communauté des bailleurs de fonds peu-
Tous les ans, la SFI intègre ces résultats dans vent mettre en place des programmes nova-
son processus stratégique. Depuis peu, elle teurs, flexibles et respectueux du contexte,
envisage d’aller encore plus loin. À terme, recevant l’adhésion au niveau local.
elle pourrait adopter un ensemble d’objec- En s’appuyant sur les enseignements tirés
tifs qui lui servirait de cadre général pour de l’expérience, en travaillant en partena-
définir sa stratégie, les résultats auxquels riat avec toutes les parties prenantes et en
elle aspire en matière de développement donnant à leurs interventions de nouvelles
et les moyens qu’elle mettra en place pour perspectives, l'IFC et d’autres institutions
mesurer les progrès réalisés. Cet ensemble financières de développement peuvent
s’inspire des Objectifs du millénaire pour le repousser les limites de l’assistance tech-
développement et aide à mesurer ce que les nique. Mais pour y parvenir, elles auront
clients ont réussi à accomplir grâce au sou- besoin d’objectifs précis, de la coopéra-
tien de l'IFC. À l’heure actuelle, ces objectifs tion de toutes les parties prenantes et d’ap-
sont testés dans six secteurs (agriculture, proches novatrices et adaptables.

FIGURE 1 : IMPACT DES INVESTISSEMENTS EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT


Exemples d’indicateurs spécifiques
Type de performance Indicateurs et repères généraux
évalués par rapport aux objectifs

Rendement du capital investi, rendement des fonds propres,


Performance financière Impact financier
projet réalisé dans les délais impartis et sans dépassement de budget

Nombre de raccordements aux services de base, de prêts aux petites


Performance économique Impact pour la société
entreprises, de personnes employées, d’impôts payés

Performance sociale Projet conforme aux normes Améliorations de la gestion sociale et environnementale, du taux d’effluents
et environnementale de performance de l'IFC et d’émissions, des programmes de développement communautaires

Le projet a des répercussions positives sur tout le


Impact sur le développement
secteur privé et non pas seulement sur l’entreprise Effets de démonstration
du secteur privé
chargée du projet

Source : IFC

FIGURE 2 : IMPACT DES SERVICES de CONSEILS EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT


Exemples d’indicateurs spécifiques
Type de performance Indicateurs et repères généraux
évalués par rapport aux objectifs

Impact potentiel sur l’économie locale, régionale


Pertinence stratégique Contributions du client, adéquation par rapport à la stratégie du pays
et nationale

Ratio coûts/bénéfices,
Efficience Retour sur investissement des activités de conseil
projet réalisé dans les délais et sans dépassement de budget

Améliorations au niveau opérationnel, des investissements réalisés,


Le projet entraîne une amélioration pour le client,
Efficacité des emplois créés, augmentation de revenus pour les bénéficiaires,
les bénéficiaires, et le secteur privé dans son ensemble
économies induites par les réformes

Source : IFC

Secteur Privé & Développement


10

Capital-investissement et AT,
L'assistance
technique au
service du secteur
privé : un outil
de développement

le duo gagnant pour les PME


Peut-on encore envisager un développement des PME en Afrique sans accompagner
l’investissement financier d’un soutien technique ? C’est grâce à des programmes
d’assistance technique que le capital-investissement africain a pu émerger. Les expériences
montrent qu’un accompagnement adapté aux besoins des PME africaines et aux spécificités
économiques locales se révèle essentiel à leur développement.

Aziz Mebarek Importance et carences des PME en Afrique


Cofondateur et directeur général de Tuninvest–AfricInvest Group Malgré ces avancées, les PME africaines res-
tent souvent sous-capitalisées et recourent

A
u centre des interventions de Tunin- de manière excessive au crédit. Elles présen-
vest-AfricInvest, l'accompagnement tent de nombreuses carences. Citons, par
des petites et moyennes entreprises exemple une faible maîtrise du cycle d’exploi-
(PME) semble aussi important que l’investis- tation ainsi qu’un manque de contrôle des
sement financier pour leur développement. outils de production et des techniques mar-
Si les équipes de la société de gestion de fonds keting, ce qui engendre des besoins impor-
peuvent appuyer stratégiquement les PME, tants en fonds de roulement. Il faut aussi
leurs besoins de renforcement imposent évoquer les difficultés à adopter des règles de
très souvent l’intervention de compétences bonne gouvernance, notamment en matière
externes spécifiques qu’elles n’ont pas la capa- de gestion des conflits d’intérêts et de ges-
cité d’attirer ou de financer. Dans ce contexte, tion financière, pouvant aboutir à des inexac-
la création d’instruments d’appui technique titudes comptables voire à des abus de biens
constitue une réponse essentielle aux besoins sociaux. Soulignons les insuffisances dans
de l’entreprise et une composante clef du la conception et la planification des pro-
développement du tissu de jets stratégiques qui relèvent plus de l’obli-
PME en Afrique. gation administrative liée aux demandes de
Celles-ci constituent la crédit que de la feuille de route managériale.
colonne vertébrale du Les conséquences ? Des décisions d’inves-
développement durable tissement intuitives, une utilisation insuf-
des économies africaines. fisante des systèmes d’information et des
C’est ainsi que tous les pro- inefficiences dans l’organisation entraînant
grammes publics d’appui des doublons dans les fonctions, une dilu-
au secteur privé mettent tion des responsabilités et une centralisation
Aziz Mebarek l’accent sur l’amélioration des prises de décisions. Signalons enfin une
Ingénieur des Ponts et
du cadre réglementaire et politique de recrutement et salariale qui ne
Chaussées, Aziz Mebarek a institutionnel des PME. permet pas d’attirer et retenir les meilleures
exercé différentes fonctions Ces initiatives se sont tra- compétences ou encore une difficulté à anti-
dans la production puis duites par des réformes ciper, voire conduire, le changement.
en tant que conseiller
fiscales qui ont permis
du président-directeur
général au sein du groupe
d’alléger le poids des pré- Contribuer au développement des PME
sidérurgique Tunisacier– lèvements sur les entre- Au milieu des années quatre-vingt-dix, la plu-
Ilva Maghreb, de 1987 à prises et de les inciter à part des pays du Sud étaient engagés dans des
1991. Directeur général de davantage de transpa- programmes d’ajustements structurels, syno-
1991 à 1994, il participe
rence. Elles ont également nymes de plus grande ouverture au commerce
ensuite à la constitution du
groupe financier Tuninvest–
participé à la simplifica- extérieur et de désengagement progressif des
AfricInvest. Aziz Mebarek tion des démarches admi- secteurs productifs de l’État. Cette transition
est également cofondateur nistratives et douanières, économique a impliqué de soutenir le secteur
de l’African venture capital mais aussi à l’amélioration privé et l’activité de capital-investissement
association (AVCA) et de
des dispositifs de forma- afin d’apporter les ressources en fonds propres
l’Association tunisienne des
grandes écoles (ATUGE).
tion et à l’assainissement et les compétences managériales, dans un
du secteur financier. contexte de très fort endettement et d’infla-
www.proparco.fr
11

tion maîtrisée, mais aussi de concurrence plus pendant deux ans un expert une semaine
grande. C’est ainsi que le capital-investisse- par mois, afin de mettre en œuvre un nou-
ment est né en Tunisie, avec le soutien d’insti- veau plan stratégique adapté au cadre local
tutions financières de développement. L’émer- caractérisé par l’absence d’un équivalent de
gence du capital-investissement en Afrique ne la loi Dailly1 pour la subrogation de créance.
pouvait se réaliser sans un appui technique En Algérie également, Tuninvest-
“Le recours
et financier significatif. Plusieurs équipes de AfricInvest a aidé un fournisseur
à l’assistance
capital-investissement ont ainsi bénéficié de de services Internet, s’apprêtant
technique a permis
programmes d’assistance technique. à lancer une activité ADSL et
aux entreprises
Aussi, pour être efficace et tenir compte Wimax, à revoir sa stratégie mar-
de faire un saut
de la faible maturité du tissu des PME en keting grâce à un consultant en
qualitatif important
Afrique, l’intervention des fonds d’inves- télécoms qui a pris en compte à
et d’améliorer la
tissement ne pouvait se limiter à un seul la fois les standards européens/
rentabilité des
apport financier. En effet, au-delà des res- américains et les contraintes
capitaux investis.”
sources stables et de l’impact de leurs inter- locales. L’entreprise, qui s’est
ventions sur la structuration financière des ainsi concentrée dans un premier temps sur
PME, les sociétés de capital-investissement le développement de la couverture de son
contribuent depuis toujours, en Afrique, à réseau puis sur le ciblage de sa communica-
améliorer la gouvernance des entreprises. tion sur les grands comptes, est aujourd’hui
Comment ? En rompant l’isolement de leurs leader sur ce segment de marché.
partenaires et en permettant aux organes de Cette prise en considération du contexte local
gestion de jouer pleinement leur rôle grâce à implique que le personnel de l’entreprise soit
une meilleure qualité de l’information. Cet bien associé dans les travaux des consultants
accompagnement s’appuie d’une part sur notamment par la mise en place d’un groupe
l’expertise et la proximité des équipes de la de travail. Cette participation active permet
société de gestion du fonds avec les entre- également un meilleur transfert du savoir-
prises du portefeuille et leurs dirigeants et, faire, et donne la possibilité à l’entreprise de
d’autre part, sur son large réseau dont béné- faire évoluer plus facilement les outils et les
ficient les PME. Leurs expériences dans la connaissances acquises dans un contexte en
gestion et le pilotage stratégique leur per- constante évolution.
mettent également d’encourager l’optimi-
sation des coûts et l’amélioration de l’effi- Comment soutenir ces programmes
cience opérationnelle des PME. Par ailleurs d’accompagnement technique
les sociétés de capital-investissement peu- Tuninvest-AfricInvest cofinance les missions
vent proposer et accompagner la mise en d’assistance technique grâce à des subventions
place d‘organisations performantes, en accordées par les investisseurs de leurs fonds
mesure d’attirer les compétences mais éga- (Tableau 1). L’usage de subventions se justifie,
lement des systèmes de rémunération ali- soit par la fébrilité financière de l’entreprise lors
gnant l’intérêt des entreprises avec celui des de la phase de lancement d’une nouvelle acti-
actionnaires et des salariés. vité, soit lorsque l’entrepreneur hésite à recou-
rir à une expertise internationale, à laquelle il
Les facteurs clef de succès n’a pas l’habitude et dont le prix dépasse celui
La complexité et la diversité des probléma- des experts locaux. Une fois la phase de démar-
tiques auxquelles sont confrontées les entre- rage ou de retournement passée, et après avoir
prises africaines légitime le recours à une expérimenté le recours à une expertise inter-
expertise externe, principalement internatio- nationale, les sociétés acceptent généralement
nale. En effet, les entreprises dans lesquelles plus facilement de financer intégralement les
Tuninvest-AfricInvest investit sont des socié- missions d’experts.
tés en croissance, qui cherchent à innover sur 1
La loi Dailly de janvier 1981, par référence au nom du sénateur qui en est à l’ori-
leur marché par le lancement de nouveaux gine, est relative à la cession et au nantissement des créances professionnelles.
produits, de nouvelles zones d’intervention Elle a permis de donner un cadre juridique à l'affacturage.

ou de nouveaux procédés. Elles requièrent R ep è res


une expertise externe pointue pour les aider
à mûrir leur projet, éviter les erreurs, optimi- Après avoir débuté en Tunisie en 1994, puis étendu ses interventions
ser les coûts et accélérer la mise sur le marché. aux pays du Maghreb central, Tuninvest–AfricInvest Group opère
L’appui doit s’imprégner des réalités et carac- en Afrique subsaharienne depuis 2004. Tourné vers les PME, ce
fonds gère plus de 500 millions de dollars d’actifs à travers 10 fonds
téristiques locales. Lors du lancement de la
d’investissement. Le groupe, qui compte 37 chargés d’investissement
première société d’affacturage en Tunisie, le (ou professionnels), a réalisé 90 financements dans une dizaine
groupe Crédit Agricole a accompagné Tunin- de pays depuis ses 6 bureaux de Abidjan, Alger, Casablanca, Lagos,
vest-AfricInvest en mettant à sa disposition Nairobi et Tunis.

Secteur Privé & Développement


12 Capital-investissement et AT, le duo gagnant pour les PME

L'assistance Depuis sa création, Tuninvest-AfricIn- mise en place de nouvelles lignes de refinan-


technique au
service du secteur vest a investi dans une centaine de PME. Le cement à maturité plus longue et la modifi-
privé : un outil
de développement
recours à l’assistance technique depuis 2008 a cation de la gamme de produits. En l’absence
permis à ces entreprises de faire un saut qua- d’experts locaux, l’assistance technique a été
litatif important et d’améliorer la rentabilité pilotée pendant trois ans par un consultant
des capitaux investis. Selon ces sociétés et canadien spécialiste du financement hypo-
la société de gestion, l’appui technique a été thécaire, dont 50 % de la rémunération a été
au moins aussi important que les ressources prise en charge par Abbey.
financières qui leur ont été apportées.
La réussite des missions d’accompagne- Renforcer et élargir ce dispositif
ment repose en grande partie sur les condi- L’accompagnement technique se révèle être
tions imposées par les bailleurs de fonds. un facteur clef de succès du développement
TunInvest-AfricInvest a ainsi demandé aux du tissu des PME. Toutefois, les faibles mon-
institutions financières de développement tants financiers accordés jusqu’à présent ne
européennes - la française Proparco, la néer- permettent pas de donner plus d’ampleur à
landaise FMO et la belge BIO - que les faci- cette démarche.
lités accordées soient souples à mobiliser, Quelques aménagements pourraient aussi en
flexibles quant au choix et au mode de sélec- améliorer le fonctionnement, parmi lesquels
tion de l’expert, et qu’elles requièrent une l’introduction de clauses de remboursement en
contribution minimale du bénéficiaire afin cas de succès de la mission et la mise en place de
de s’assurer ex ante de la pertinence de la mis- fonds revolving permettant d’améliorer l’effet
sion et de son suivi a posteriori. de levier des financements. Le financement de
Au Nigeria, le fonds AfricInvest Financial contrats de recrutement de dirigeants locaux
Sector a investi en avril 2008 dans la société ou d’expatriés en contrat à durée déterminée
Abbey, spécialisée dans le financement du faciliterait, quand cela est nécessaire, l’intégra-
logement social, afin de développer l’offre de tion de l’expert dans le management de l’en-
crédits hypothécaires. L’appui financier s’est treprise. Le lancement de facilités spécifiques
accompagné d’un soutien technique cou- pourrait soutenir l’activité d’incubation des
vrant à la fois la réorganisation de la société investisseurs lors des quatre à cinq premières
et la refonte de son fonctionnement, le ren- années de vie des PME, comme cela est déjà fait
forcement de son système d’information, la pour les institutions de microfinance.

Tableau 1 : MISSIONS D’ASSISTANCE TECHNIQUE RéALISées PAR TUNINVEST

Période de réalisation Montants consacrés


Secteur d’activité Pays Nature du Projet
de la mission AT à l’AT (en euros)

Mise en place de système d’information et de procédures en matière


Mars 2010 – Septembre
Microfinance Tanzanie 144 000 d’engagement et gestion des risques
2010
Définition de l’offre “produits”

Fabrication d’emballages Reengineering industriel et coaching dans les domaines


Algérie Juin 2010 – Juin 2011 99 960
en carton organisationnel, humain et technique

Accompagnement de la stratégie de développement dans le crédit


Financement de
Nigeria Juillet 2008 – Juillet 2011 90 463 hypothécaire et notamment dans le financement du logement social
l’immobilier
Assistance dans l’implémentation de système d’information

Programme d’assistance technique par l’apport d’une expertise


Industrie Septembre 2009 –
Ghana 51 100 externe dans les trois fonctions clés de l’entreprise : Recherche &
pharmaceutique Septembre 2010
Développement, Marketing, Assurance Qualité / Contrôle

Septembre 2009 –
Leasing Nigeria 30 000 Refonte du système d’information
Janvier 2011

Fournisseur de services Octobre 2009 – Accompagnement stratégique dans les domaines réglementaire,
Algérie 12 000
Internet Février 2010 technique, marketing et distribution

Décembre 2010 –
Secteur bancaire Kenya 8 495 Mission de diagnostic préliminaire
Janvier 2011

Assistance à la maitrise d’ouvrage pour l’implémentation d’un nouveau


Secteur bancaire Rwanda Mai 2011 – Mars 2012 116 700
système d’information

Nota bene : Les projets listés ci-haut sont relatifs à deux enveloppes d’assistance technique mises à la disposition du groupe Tuninvest – AfricInvest : un fonds de Capacity Development de 500 000 euros
accordé par le FMO, en date de septembre 2008, et une enveloppe du Fonds d'Investissement et de Soutien aux Entreprises en Afrique, FISEA (Proparco/AFD), en date du 26 mars 2010.
Source : Tuninvest-AfricInvest, 2011

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13

Accélérer l’expansion
de la microassurance
L’assistance technique proposée par LeapFrog Labs permet aux compagnies de
microassurance de se renforcer et d’innover. Une équipe dédiée et un service
“sur mesure” renforcent l’efficacité des fonds investis. Par la capitalisation des
expériences et l’analyse des projets qu’elle soutient, LeapFrog Labs constitue par
ailleurs un véritable corpus de connaissances utile à l’ensemble de son portefeuille
et, au-delà, au secteur tout entier.

Nina Schuler microassurance, et comment fonctionnent


Directrice de LeapFrog Labs ses services d’assistance technique et pour
quels résultats ?

L
’association de ressources d’assistance
technique à un fonds d’investissement Des assurances pour les plus démunis
est un formidable vecteur de crois- La microassurance consiste à offrir des ser-
sance et d’innovation pour les sociétés en vices d’assurance à des clients à faibles reve-
portefeuille. LeapFrog Labs est la structure nus. Comme les autres, les personnes dému-
d’assistance technique du LeapFrog Finan- nies sont exposées à des coups durs. Mais
cial Inclusion Fund, premier fonds mondial ils ne disposent pas d’actifs leur permettant
d’investissement en microassurance. d’amortir les coûts d’un décès ou d’une hos-
Dotée de plus de 3,5 millions d’euros, Leap- pitalisation, la perte d’une récolte ou la des-
Frog Labs développe de nouvelles façons truction de leur logement dans un incen-
de concevoir et de mettre en œuvre les res- die. Ces chocs financiers peuvent avoir un
sources d’assistance technique. En consti- impact dévastateur et précipitent parfois des
tuant un portefeuille diversifié de socié- familles tout entières dans la misère. Bien
tés à la pointe en matière que l’atténuation des risques par des pro-
de microassurance en duits d’assurance correctement ciblés et tari-
Afrique et en Asie, elle fés puisse avoir un effet sensible sur le bien-
démontre la viabilité et la être personnel et financier des individus et
rentabilité de cette acti- des ménages vulnérables, ce débouché natu-
vité. La microassurance rel des produits d’assurance reste pour l’es-
rend accessible à des per- sentiel un territoire vierge, 3 % seulement de
sonnes à faibles revenus la population des pays les plus pauvres peu-
NINA SCHULER des outils d’atténuation vent y accéder (Lloyd’s, 2010 ; Roth, McCord
Nina Schuler dirige LeapFrog des risques qui les aident et Liber, 2007 ; Swiss Reinsurance, 2010).
Labs depuis sa création à surmonter les chocs éco- Pourtant, il est possible d’offrir des services
en 2009. Auparavant, elle nomiques et à poursuivre d’assurance à prix réduits, pour peu que les
a conseillé, à la Banque leurs projets personnels compagnies conçoivent des produits simples,
mondiale, des États d’Afrique
australe et d’Afrique de l’Est
et financiers. recourent à des circuits de distribution inno-
en matière d’investissements LeapFrog Labs travaille vants et créent des systèmes administra-
pour la gouvernance locale et en partenariat avec les tifs rationalisés, pour maintenir les coûts au
la lutte contre le VIH/SIDA. Elle sociétés du portefeuille plus bas. Pour cela, il faut à la fois des diri-
a également travaillé au Sri pour concevoir et mettre geants qui veulent investir dans un nouveau
Lanka, en Inde et en Indonésie
sur la pauvreté urbaine, le
en œuvre des opérations marché souvent mal connu et disposer d’une
développement économique d’assistance technique ; ce expertise technique pour mettre en œuvre des
local et la lutte contre la faisant, elle aide ces socié- stratégies commerciales adaptées. Le LeapFrog
corruption. De nationalité tés à renforcer leurs acti- Financial Inclusion Fund répond à ces deux
germano-américaine, elle est vités et à innover. Mais prérequis. Premier fonds spécialisé dans la
titulaire d’un master de la
London School of Economics
quelle est, plus précisé- microassurance, il investit en fonds propres (de
et d’une licence de l’université ment, la stratégie d’in- 5 à 20 millions de dollars) dans des sociétés qui
Brown (États-Unis). vestissement de Leap- souhaitent proposer des produits d’épargne et
Frog dans le domaine de la d’atténuation des risques à des personnes
Secteur Privé & Développement
14 Accélérer l'expansion de la microassurance

L'assistance démunies en Afrique (Kenya, Ghana, tissement et de soutien aux entreprises en


technique au
service du secteur Afrique du Sud et Nigeria) et en Asie (Inde, Phi- Afrique - FISEA), la Banque européenne
privé : un outil
de développement
lippines et Indonésie). Outre les fonds propres d’investissement, la banque de développe-
(plus de 100 millions de dollars à investir), ment des Pays-Bas (FMO) et celle d’Alle-
LeapFrog apporte aux sociétés de son porte- magne (KfW Bankengruppe) ont versé plus
feuille une expertise stratégique (soutien actif de 3,5 millions d’euros de subventions pour
des équipes de LeapFrog) et une assistance aider les sociétés en portefeuille à accélérer
technique (via LeapFrog Labs). Son objectif est l’exécution de leur business plan et identi-
d’atteindre 25 millions de bénéficiaires, dont fier les innovations possibles. Judicieuse-
15 millions de femmes et d’enfants. ment employées, ces ressources sont un
formidable accélérateur d’innovation et de
Une assistance sur mesure réussite, à la fois pour le fonds, pour les
LeapFrog Labs est une société sans but lucra- sociétés de son portefeuille et le secteur de
tif créée en 2009, dont l’unique objet est de la microassurance dans son ensemble.
gérer les fonds dédiés à l’assistance tech- Pour déterminer comment exploiter au mieux
nique. Elle conserve son autonomie en ces ressources en assistance technique, Leap-
matière de levée de fonds et de création de Frog a répertorié les “meilleures pratiques” et
partenariats sur le terrain ; ainsi, elle est à sollicité de nombreux conseils auprès d’inves-
l’abri des pressions immédiates de l’investis- tisseurs et de praticiens du secteur. Deux fac-
sement. Elle peut donc réellement accompa- teurs clés de succès ressortent de cette étude :
gner les sociétés du portefeuille dans leurs l’existence d’une équipe auto- “LeapFrog Labs
projets : en dégageant du temps et en mobi- nome, entièrement dédiée aux peut déployer de
lisant son expertise, elle les aide à identifier services d’assistance technique et 100 000 euros à
et à utiliser les ressources qui vont favoriser une approche individualisée, “sur 400 000 euros
leur croissance et encourager l’innovation. mesure”. Ce type de structure évite d’appui financier
LeapFrog investit dans des entreprises – en effet les pièges de l’assistance pour aider les
assureurs, distributeurs, administrateurs technique lorsqu’elle s’ajoute aux sociétés à résoudre
tiers ou fonds de pension – souhaitant autres missions des chargés d’in- leurs difficultés,
développer l’offre de produits d’assurance vestissements. L’équipe de Leap- innover et
de qualité destinés aux personnes à faibles Frog Labs se consacre donc exclu- développer leur
revenus. Le fonds soutient les entreprises sivement à la mise en œuvre de activité.”
dotées de dirigeants solides, acquis à l’idéal l’assistance technique. Elle veille à
du “profit utile” et qui ont une vision ambi- ce que chaque projet corresponde à la stratégie
tieuse de leur activité. Les fonds propres et de la société en portefeuille et à celle de Leap-
l’assistance technique qu’il apporte leur per- Frog, qu’il soit centré sur les résultats pré-
met de mener à bien leur business plan. Afin vus et mis en œuvre par les meilleurs experts.
de renforcer l’effet moteur des interven- Enfin, une structure dédiée à l’assistance tech-
tions du fonds sur l’expansion de la microas- nique peut plus facilement tirer les leçons de
surance, certains investisseurs de LeapFrog, l’expérience et déployer les bonnes pratiques
dont Proparco (à travers le Fonds d'inves- dans l’ensemble du fonds.

APA Insurance, un cas exemplaire


L’exemple de APA Insurance illustre bien d’assurance d’Apollo en privilégiant la plus value en identifiant avec la direction
comment LeapFrog Labs met à profit les croissance des produits dédiés aux clients à le périmètre de l’étude à mener (examen
subventions et l’expertise internationale faibles revenus. approfondi de chaque branche d’activité,
pour aider les entreprises à se développer LeapFrog Labs est entrée en relation avec réalisé en dix semaines) et en l’aidant
et à innover. Avec 4,6 millions de schillings le directeur général d’APA avant cette à trouver les experts qui la conduiront
kenyans (45,4 millions de dollars) de primes prise de participation, pour identifier les dans les meilleurs délais. La direction a
émises brutes en 2010, APA Insurance domaines de collaboration potentiels. À la pu engager cet ambitieux travail grâce à
est la deuxième compagnie d’assurance conclusion de l’opération, LeapFrog Labs l’appui technique de LeapFrog Labs lors de
généraliste du Kenya. Née en 2003 de la et APA décident d’allouer les ressources la conception du projet, à l’apport financier
fusion des activités d’assurance généraliste d’assistance technique à un premier couvrant le coût d’exécution et l’accès
d’Apollo et de Pan-Africa, elle enregistre projet d’une durée de cent jours, destiné à des consultants de qualité. Ce projet
depuis sa création une croissance supérieure à régler diverses difficultés techniques aboutira à des plans d’action ciblés qu’APA
à celle du marché et se classe aujourd’hui rencontrées par APA. LeapFrog Labs et APA pourra mettre en œuvre pour abaisser
en deuxième position sur le secteur, avec préparent la demande de propositions son ratio de sinistralité. En améliorant les
8,4 % de parts de marché. En mars 2011, et cherchent ensemble des consultants performances de sa gamme de produits,
LeapFrog a signé un contrat portant sur internationalement reconnus pour réaliser APA améliore les processus qui lui
l’investissement de 14 millions de dollars une étude complète des deux activités permettront de concevoir de nouveaux
dans la société mère, Apollo Investments qu’APA souhaiterait plus performantes. produits capables de toucher davantage de
Ltd, afin de soutenir l’expansion de l’activité Dans ce contexte, LeapFrog Labs apporte sa clients aux revenus faibles.

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15

LeapFrog Labs dispose d’une petite équipe, besoin. Pour cela, LeapFrog Labs les aide à
qui travaille en étroite collaboration avec le recueillir et analyser les paramètres permet-
chargé d'investissement qui dirige l’opéra- tant d’évaluer les performances sociales de
tion et ce, dès la phase de préinvestissement. leur activité – en insistant sur la microassu-
À la conclusion de l’opération, LeapFrog Labs rance. Cette fonction fait partie intégrante
identifie, avec la direction de la société et de l’assistance technique apportée à chaque
le responsable de l'investissement, un pre- société. Ainsi, par la variété de ses modes
mier projet d’assistance technique, à mettre d’intervention, LeapFrog Labs peut tout à la
en place durant les cent premiers jours qui fois répondre au contexte précis d’une société
suivent l’investissement. Après avoir défini tout en faisant bénéficier à l’ensemble du por-
le projet, LeapFrog Labs et la société en tefeuille les acquis de chaque expérience.
confient la mise en œuvre à des consultants LeapFrog Labs a été fondée sur l’hypothèse
– souvent en puisant dans l’important carnet que l’assistance technique est plus fruc-
d’adresses d’experts internationaux de Labs. tueuse lorsqu’une équipe spé- “L’assistance
Sur la durée de l’investissement (de quatre cialisée s’y consacre et qu’elle technique est
à sept ans), la société peut travailler avec travaille en étroite concertation plus fructueuse
LeapFrog Labs pour déployer plusieurs pro- avec le fonds d’investissement lorsqu’une équipe
jets d’assistance technique – chacun visant et les sociétés en portefeuille spécialisée s’y
un objectif précis fixé par la direction pour pour concevoir et déployer des consacre et qu’elle
développer l’activité et favoriser l’innova- interventions stratégiques et travaille en étroite
tion. Chaque projet est adapté aux besoins cruciales. LeapFrog Labs diver- concertation
de la société concernée mais, bien entendu, sifiera certainement dans les avec le fonds
il existe certaines constantes – en particu- prochaines années son porte- d’investissement
lier en ce qui concerne l’appui à la mesure des feuille, en travaillant avec des et les sociétés en
impacts sociaux, à la formation des agents, sociétés africaines et asiatiques portefeuille.”
à la conception des produits, etc. Au fil du à la pointe dans le domaine de
temps, l’expérience acquise et la diffusion la microassurance. Il s’agit d’enrichir le cor-
des bonnes pratiques contribueront à la fois pus de données existant démontrant la via-
au succès des projets de microassurance des bilité et la rentabilité d’une activité qui a
sociétés du portefeuille, mais aussi au déve- l’avantage de proposer à des personnes
loppement du secteur de la microassurance. exclues et à faibles revenus des produits
financiers d’atténuation des risques qui les
Domaines d’intervention et constitution aident à absorber les chocs économiques.
d’un corpus de données Pour LeapFrog, l’objectif fondamental de
L’intervention de LeapFrog Labs prend des l’assistance technique est d’aider les socié-
formes différentes selon le contexte consi- tés du portefeuille à surmonter les défis et
déré. Elle apporte, tout d’abord, une assis- les encourager à innover par de nouvelles
tance technique aux sociétés en porte- approches et de nouveaux produits. Il s’agit
feuille. Ainsi, LeapFrog Labs peut déployer de aussi, à plus long terme, de constituer un
100 000 euros à 400 000 euros d’appui finan- corpus de connaissances sur la microassu-
cier (qui viennent s’ajouter à la contribution rance, de dégager et faire connaître les fac-
des sociétés) pour aider les sociétés à résoudre teurs clés de succès des sociétés conjuguant
leurs difficultés, innover et développer leur fort impact social et solide rentabilité finan-
activité. Par ailleurs, LeapFrog Labs soutient, cière. Dans les secteurs innovants qui offrent
sur les marchés où elle intervient, des pro- de nouveaux produits à un nouveau seg-
jets de recherche-développement ciblés pour ment du marché, l’assistance technique peut
mieux connaître les problèmes et les opportu- accompagner fructueusement un investisse-
nités liés au secteur de la microassurance. La ment : elle accélère l’innovation et participe à
croissance du portefeuille permet également la réussite des projets.
de mieux cerner les opportunités d’appren-
tissage et les économies d’échelle qui profite-
ront à l’ensemble des sociétés en portefeuille
(huit à douze sociétés). Enfin, LeapFrog tient
à ce que les sociétés en portefeuille proposent
à leurs clients des produits d’assurance abor-
dables, de qualité et qui répondent à un réel

Références / Lloyd’s and the Micro Insurance Centre, 2010. Lloyd’s 360 Risk insight: Insurance in developing countries: Exploring opportunities in microinsurance, rapport. // Roth, J., McCord, M.,
Liber, D., 2007. The Landscape of Microinsurance in the world’s 100 poorest countries, Micro Insurance Centre, rapport, avril. // Swiss Reinsurance Co., Ltd. Economic Research and Consulting, 2010.
Microassurance – couverture des risques pour 4 milliards de personnes, étude Sigma n° 6.

Secteur Privé & Développement


16

L'assistance
technique au Longtemps l’apanage des institutions publiques de développement, l’assistance technique fait aussi
service du secteur
privé : un outil partie depuis quelques années de la boîte à outil des institutions financières de développement.
de développement
À travers sa mise en œuvre aussi bien au niveau macro, méso et microéconomique, l’assistance
technique contribue à pérenniser le secteur privé des pays du Sud. Cependant, les flux qui lui sont
consacrés restent encore faibles au regard des montants alloués aux investissements.

Répartition géographique des projets d’assistance


technique de l'IFC (en millions de dollars et % total)

9,8 8,4 6

11,7 11 18,3 13,4 13,3


Europe Centrale 9,7
21,4 et de l’Est

16,8 Europe du Sud


14,3 10 7,4 6,2 et Asie Centrale Asie de l’Est
et Pacifique
9
Moyen-Orient 7
6,2
Monde* et Afrique du Nord

27,3 25
Asie du Sud
8,2
8,1
2007 : 116,9 millions de dollars 8
23,8

Total : 2008 : 151,9 millions de dollars Amérique Latine


et Caraïbes
2009 : 183,1 millions de dollars Afrique
subsaharienne

*La catégorie “Monde” renvoie à des projets d’assistance technique couvrant plusieurs zones géographiques.
Source : IFC

Répartition des dépenses en assistance technique de l'IFC en 2010


25 %
Financement de PME 21,71 %
Microfinance 19,15 %
Financement d’énergies renouvelables 11,71 %
20 % Bureaux de crédits 8,18 %
Financement de logements 6,18 %
Autres activités A2F 5,86 %
Crédit-bail 4,75 %
15 %
Opérations en garanties 4,06 %
Base de données libre d’accès / Opérations en garanties 3,43 %
Trade finance 2,89 %
10 % Prêts improductifs 2,86 %
Autres activités d’assurance 2,57 %
Gestion des risques 2,56 %
Systèmes de paiement et de transfert 1,78 %
5% Activités A2F pour l’autonomisation des femmes 1,50 %
Financement d’activités agroalimentaires 1 %
Autres systèmes de paiement et de transfert 0,14 %
0% Autres types de garanties 0,14 %

Nota bene : L'IFC réalise des activités de conseil auprès des acteurs publics et privés à travers son département “Access to Finance” (A2F), pour accompagner la mise en place de systèmes financiers viables et
plus inclusifs dans les pays en développement. Le montant global des activités Access to Finance a atteint 50 millions de dollars en 2010.
Source : IFC, A2F Highlight Report 2010

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17

Type de pays bénéficiaires du fonds Répartition du fonds assistance technique


assistance technique du fmi du fmi par domaine d’expertise*
(moyenne entre 2002 et 2007)*

0,5 % 100 en %
Autres, y compris
6,6 % Pays à faibles revenus
Office de Gestion
3% de l’Assistance technique
Pays à revenu modéré 75
Statistiques
11 % Pays à revenu intermédiaire macroéconomiques et financières

47 % Pays membres de l’OCDE


Pays à revenu élevé
50
Politique monétaire,
système de taux de change,
stabilité du secteur financier
32 % Pays bénéficiaires
25
Cadre législatif
à niveaux de revenus différents
Politique fiscale
et administration des ressources,
gestion des dépenses
0
1999 2001 2003 2005 2007
* Exclut CARTAC (Caribbean Regional Technical Assistance Center)
Nota bene : le fonds Assistance Technique du FMI cible les instances publiques. * Exclut CARTAC (Caribbean Regional Technical Assistance Center)
Le montant global consacré aux activités d’Assistance Technique en 2007 par le FMI Source : FMI, Enhancing the Impact of Fund Technical Assistance, 2008
a atteint 218 millions de dollars.
Source : FMI, Enhancing the Impact of Fund Technical Assistance, 2008

Flux nets d’assistance technique financés


par les pays membres du comité d’aide au développement

2007 440 912


14 779 3 %

2006 303 051


22 242 7%

2005 302 779


20 732 7 %

2004 160 412


18 672 12 %
Total flux nets en millions de dollars

2003 125 527 Coopération technique en millions de dollars


18 352 15 %

O 100 000 200 000 300 000 400 000 500 000

Nota bene : La coopération technique inclut à la fois: a) les bourses allouées aux ressortissants des pays bénéficiaires de l’aide et destinées à l’éducation et la formation, les conseillers et personnes assimilées,
ainsi que b) les revenus des enseignants et administrateurs présents dans ces pays (y compris le coût du matériel associé). Ce type d’assistance est dispensé afin de faciliter la mise en place d’initiatives parmi les
projets bilatéraux et les programmes de dépenses. Ces éléments sont exclus des statistiques relatives à l’assistance technique dans les flux agrégés.
Le Comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE est un forum constitué de 24 membres (23 pays plus la Commission européenne), qui débat des problématiques et défis liés à l’aide, au développement et
aux mesures de réduction de la pauvreté dans les pays en développement.
Source : Journal de l’OCDE sur le Développement, Rapport sur la coopération pour le développement, 2009

Mécanismes du renforcement des capacités selon les institutions


financières de développement
Niveau méso et macro

Assistance technique Incitation Prise en Environnement


bailleurs de fonds au compte du administratif, politique,
prestataires de conseil changement contexte technologique social, économique

Niveau micro
on

unes
icati

Renforcement
omm

Engagement Meilleures
lanif

des capacités
ion c

des promoteurs performances Contribution


/P

vision stratégique, de l’entreprise gouvernance, au développement


luat
yse

culture du changement, management, efficacité, objectifs du millénaire


Anal

va

marketing, finance,
et é

participation financière viabilité


technique, RH
/
gue

age
Dialo

Pilot

Source : Proparco-Secteur Privé & Développement, 2011

Secteur Privé & Développement


18

Le soutien de l’Europe en
L'assistance
technique au
service du secteur
privé : un outil
de développement

faveur du secteur privé


L’assistance technique de l’Union européenne se déploie au niveau micro, méso et
macroéconomique pour encourager la croissance et qu’elle bénéficie à différentes
couches de population, y compris les plus pauvres. Les programmes visent à intégrer
les pays en développement au commerce international en impliquant de nombreux
acteurs économiques tout en faisant intervenir des considérations sociales.

Jan ten Bloemendal, Alessandra Lustrati et Sonia Pagliaro ficacité et la pérennité de son aide par le déve-
Commission européenne
loppement de l’expertise locale. Elle s’applique
à étendre ses interventions aux approches

L
’assistance technique financée par innovantes liées à des business models inclu-
l’Union européenne (UE) pour déve- sifs1 et à renforcer ses synergies avec les insti-
lopper le secteur privé dans les pays en tutions financières de développement.
développement se déploie dans les domaines
liés de l’aide au commerce et de l’appui au sec- La qualité de la croissance économique
teur privé. Ces deux aspects d’une même pro- La réduction durable de la pauvreté et des
blématique peuvent aussi s’inscrire dans un inégalités demande des modèles de crois-
cadre d’appui à l’intégration régionale. Les sance permettant aux populations de contri-
programmes de Développement du Com- buer à la création de richesse et d’en bénéfi-
merce et du Secteur Privé (DCSP) consistent cier aussi. Ce n’est pas seulement la quantité,
à apporter une assistance technique dans des mais aussi la “qualité” de la croissance éco-
domaines spécifiques, comme l’amélioration nomique qui détermine si les populations
du climat des affaires, le renforcement des pauvres peuvent en tirer durablement pro-
services aux entreprises ou l’accès au finan- fit. Promouvoir une croissance pro-pauvres,
cement. Cette assistance peut être fournie inclusive, est un objectif clé des interven-
au niveau macro, méso ou microéconomique, tions de l’UE en faveur du DCSP.
tant à l’échelle nationale que régionale. La La Commission européenne reconnaît la cor-
Commission européenne vise à accroître l’ef- rélation entre l’ouverture du commerce, les
performances du secteur privé, la croissance
économique et la diminution de la pauvreté.
Jan ten Bloemendal, Alessandra Lustrati et Sonia Pagliaro Une réduction des obstacles au commerce
d’un pays peut bénéficier aux entreprises et
Jan ten Bloemendal a exercé de développement financés
diverses fonctions à la par l’Union européenne (UE)
aux consommateurs, tandis que les liens inter-
Commission européenne. en Asie du Sud et Centrale au nationaux commerciaux et d’investissement
De mars 2005 à juin 2011, il sein de l’unité Entreprises, favorisent l’introduction de nouvelles techno-
a dirigé l’Unité Entreprises, commerce et intégration logies et de procédés de production plus per-
commerce et intégration régionale d’EuropeAid. formants. Cependant, des mutations dans les
régionale d’EuropeAid,
chargée du soutien Au cours des 20 dernières
échanges commerciaux peuvent toucher dif-
thématique aux programmes années Sonia Pagliaro a œuvré féremment les populations locales, selon les
de développement financés pour plusieurs donateurs et changements induits sur les prix des biens
par l’Union européenne agences internationales dans et services, les bénéfices des entreprises et
(UE) dans les pays tiers. l’appui au commerce et au les salaires, les impôts et d’autres transferts.
secteur privé, notamment
Experte du développement en Afrique du Nord et en
Pour cela, une croissance économique basée
du commerce et du secteur Asie. De 2008 à 2011, elle sur le commerce se doit d’être inclusive et pro-
privé, Alessandra Lustrati a était chargée de l’appui pauvres, tant au niveau national que régional.
travaillé pendant 16 ans pour thématique aux programmes Comme le confirment l’initiative Aide au Com-
des agences internationales en de développement financés merce, engagée en 2005 par la communauté
Afrique subsaharienne et au par l’UE en Afrique de l’Ouest
Moyen-Orient. De 2008 à 2011, au sein de l’Unité Entreprises,
elle fut responsable de l’appui commerce et intégration
1
Une entreprise inclusive est une entreprise viable qui bénéficie aux popula-
tions à faible revenu en impliquant les pauvres non seulement en tant que
thématique aux programmes régionale d’EuropeAid. consommateurs, producteurs et distributeurs dans des chaînes de valeur à
un potentiel “pro-pauvres”.

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19

internationale des donateurs2, et la stratégie Cette approche holistique permet de fournir


Aide au Commerce de l’UE, le lien entre l’assis- une assistance répondant à des besoins réels
tance liée au commerce et le développement et au niveau plus approprié, tout en encoura-
du secteur privé constitue le point de départ geant le changement des systèmes, au lieu d’in-
de la conception des programmes d’assistance tervenir en faveur d’entreprises individuelles.
technique de la Commission européenne.
Le principal outil de DCSP employé par l’UE Intervenir au niveau le plus approprié
dans les pays en développement et les écono- et dans les domaines essentiels
mies en transition est une assistance technique Au vu de la complexité du DCSP, il importe
à long terme visant à renforcer les capacités des de cibler stratégiquement l’assistance tech-
principaux acteurs économiques et institution- nique à fournir. Le cadre présenté dans le
nels nationaux et régionaux. Pour ce faire, la tableau 1 montre des options de niveaux et
Commission peut utiliser des modalités comme de formes d’assistance technique, à choisir
le jumelage (twinning) et les instruments finan- et combiner en fonction du contexte local,
ciers (facilités d’investissement, par exemple). des besoins et des priorités des acteurs
La figure 1 montre comment les diffé- concernés. Il est possible d’intervenir paral-
rentes formes d’assistance au commerce et lèlement au niveau macro, méso et micro-
aux divers besoins du côté de l’offre conver- économique dans le cadre d’une stratégie
gent pour renforcer la contribution du sec- intégrée ou de concentrer l’intervention
teur privé local à la croissance économique sur un ou deux niveaux. Si un environne-
inclusive et à la réduction de la pauvreté. ment propice est une condition préalable à
Les entreprises locales sont au centre des une croissance viable des entreprises et des
interventions DCSP, qui sont conçues pour investissements, une assistance technique
développer les capacités des entreprises centrée sur le seul niveau macroécono-
(niveau microéconomique), leur accès à des
services adaptés (niveau mésoéconomique) 2
La Conférence ministérielle de l’Organisation mondiale du commerce
et l’environnement dans lequel elles opè- (OMC) à Hong Kong a apporté un éclairage sur l’initiative “Aide au com-
merce”, complémentaire mais distincte du Programme de Doha pour le
rent (niveau macroéconomique). développement des négociations commerciales internationales.

TAbleau 1 : FORMES D’ASSISTANCE LIÉE AU COMMERCE ET DE SOUTIEN AXé SUR L’OFFRE POUR RENFORCER LE SECTEUR PRIVÉ
• Améliorer l’environnement des affaires et le climat d’investissement par une assistance technique à la réforme des cadres
politiques, législatifs et réglementaires (par exemple, enregistrement d’entreprises, obtention de licences, impôts) et au
renforcement des capacités des organismes publics

• Améliorer l’environnement des services financiers aux MPME*, par exemple en révisant les politiques en la matière, la
Niveau macro-
réglementation bancaire et les systèmes de supervision
économique
• Améliorer l’environnement lié au commerce, en ciblant par exemple le renforcement des capacités en matière de politique
commerciale (soutien à l’élaboration de politiques et aux négociations commerciales), de facilitation du commerce (législation
douanière, renforcement des capacités des autorités douanières), des systèmes qualité (développement de la législation sur les
mesures sanitaires et phytosanitaires et les obstacles techniques au commerce, renforcement des autorités compétentes)

• Améliorer l’accès des entreprises (surtout MPME) aux fonctions de représentation et aux services de développement (formation
managériale ou technique, conception de produits, organisation de la production, marketing), par exemple en développant les
capacités des organisations intermédiaires et des prestataires de services aux entreprises, en créant des mesures incitant les MPME
à utiliser leurs services et en soutenant les réseaux nécessaires

• Améliorer l’accès des MPME au financement, par exemple par une assistance technique visant à renforcer les institutions
financières locales, à concevoir des produits et services financiers appropriés, à développer l’infrastructure financière (bureaux de
Niveau méso- crédit, registres de garantie, …)
économique
• Promouvoir l’investissement dans l’économie locale, par exemple par le développement des capacités des agences de promotion
de l’investissement, l’établissement de guides ou de ressources en ligne pour les investisseurs, la facilitation de projets
d’investissement impliquant des entreprises locales et internationales (à travers courtage et appui à la création de partenariats)

• Sensibiliser le secteur privé aux exigences du commerce (par exemple en matière de douane ou qualité) et accroître sa capacité à
les respecter, en apportant une aide aux associations professionnelles en matière de diffusion et de développement des capacités
sur ces sujets ainsi qu’aux organismes de contrôle de la conformité, aux associations d’entreprises et de consommateurs

• Accroître les capacités des acteurs de chaînes de valeur en matière de productivité, innovation et accès au marché par une
assistance technique au niveau des entreprises ou des grappes d'entreprises
Niveau micro-
économique • Faciliter l’accès des MPME au financement, par exemple en facilitant la circulation de l’information auprès des MPME, en aidant
les entreprises à établir des business plans, en réalisant des études de faisabilité préalables à l’investissement et des évaluations de
diligence raisonnable

* MPME : micro, petites et moyennes entreprises.


Source : Union européenne

Secteur Privé & Développement


20 Le soutien de l'Europe en faveur du secteur privé

L'assistance mique ne suffit pas à stimuler le déve- aussi bénéficier d’assistance technique, par
technique au
service du secteur loppement économique. exemple pour développer leurs capacités à
privé : un outil
de développement
Une partie de l’assistance de l’UE vise surtout évaluer besoins/attentes de groupes d’entre-
à développer les capacités des acteurs écono- prises et par la suite interagir avec elles.
miques et institutionnels au niveau macro et Le secteur financier a un rôle clé dans le finan-
mésoéconomique. Cela contribue à renforcer cement de l’investissement des entreprises,
la compétitivité, qui dépend des niveaux de indispensable à la croissance de la productivité
productivité, de diversification et de qualité. et à l’innovation4. Organismes de réglementa-
L’appui direct aux entreprises peut être utile tion et de tutelle, sociétés de renseignements
quand le mécanisme de marché est insuffi- commerciaux, instituts de formation bancaire
sant (par exemple pour concrétiser les poten- et établissements financiers peuvent bénéfi-
tialités d’une grappe d’entreprises, résorber cier de l’assistance technique pour mieux com-
un goulet d’étranglement dans la chaîne de prendre les besoins d’activités productives
valeur ou stimuler d’autres processus ayant spécifiques et contribuer ainsi à établir un sec-
des effets positifs de diffusion et de démulti- teur financier propice au DCSP.
plication3). Si nécessaire, il est souhaitable d’y
associer les organisations locales qui peuvent Une mise en œuvre efficace de l’assistance
ainsi “apprendre sur le tas”. L’objectif ultime technique en matière de DSPC
est de soutenir le développement d’un marché Les programmes européens de soutien au
local viable de services aux entreprises. DCSP sont souvent nationaux, mais ils peu-
Outre les facteurs affectant l’accès aux mar- vent être aussi régionaux. La Commission
chés, les pays en développement tendent à européenne encourage les synergies entre les
souffrir de contraintes de l’offre qui inhibent programmes d’assistance technique natio-
la croissance en raison de la faiblesse de la naux et régionaux dans la facilitation du
compétitivité de leur économie. Pour y remé- commerce, l’infrastructure de qualité et l’har-
dier, différentes approches sont possibles : monisation de l’environnement des affaires,
les approches sectorielles, de développement tous particulièrement importants pour l’in-
de la chaîne de valeur et/ou de grappes et de tégration régionale entre des pays aux capa-
modernisation industrielle peuvent toutes cités et aux marchés limités.
contribuer au renforcement des capacités L’assistance technique financée par l’UE est
productives. Loin de s’exclure mutuellement, apportée par des organismes sélectionnés en
ces interventions peuvent être combinées fonction des besoins, des opportunités et de
simultanément ou successivement. leurs atouts (expérience approfondie d’une
Les programmes d’assistance technique en thématique, présence de longue date dans le
faveur du DCSP financés par l’UE intègrent pays ou engagement pris de soutenir des acti-
aussi des aspects transversaux : la promotion vités complémentaires). Elle vise à atteindre
de l’égalité des sexes et du travail décent, la qualité, efficacité et durabilité de l’aide et de
lutte contre le VIH/SIDA, la protection des ses résultats. Pour cela, outre une réforme de
droits de l’Homme et de l’environnement. la “coopération technique” (promouvant le
Sur ce dernier point, par exemple, l’assis- développement des capacités et des disposi-
tance technique aux autorités nationales et tifs d’exécution internes au pays), la Commis-
aux organisations intermédiaires vise à ren- sion s’est dotée d’un processus de gestion de la
forcer leurs capacités d’aider le secteur privé qualité, qui permet de vérifier et développer la
à employer des modes de production écologi- solidité technique, méthodologique et procé-
quement viables. durale de chaque projet. Ce processus repose
sur l’examen de toute proposition de projet
Développer la capacité présentée par les Délégations européennes en
d’un large éventail de partenaires pays tiers, qui implique des unités thématiques,
Les bénéficiaires de l’assistance technique en géographiques, de vérification contractuelle et
DCSP sont les institutions chargées des poli- financière. Dans ce contexte, depuis 2008 un
tiques, les ministères de tutelle, les autorités programme de formation interne vise à ren-
de réglementation, ainsi que les chambres forcer les compétences des personnels de la
de commerce, les associations d’entreprises Commission chargés des programmes et pro-
et les prestataires de services. Ces orga- jets DSPC. Un outil d’appui thématique pour
nismes mettent en relation le secteur public
et les entreprises en fournissant des services 3
Par exemple, en travaillant directement avec une entreprise chef de file
sur un segment important d’une chaîne de valeur locale, les gains de
d’information et de conseil aux petites et performance ainsi obtenus permettraient à cette entreprise d’accroître son
moyennes entreprises (PME). chiffre d’affaires et de créer des emplois, mais ils auraient aussi des effets
bénéfiques sur d’autres acteurs qui travaillent avec elle en amont et en aval.
Syndicats, organisations de la société civile, 4
Les partenaires financiers peuvent aussi conseiller sur les stratégies et les
universités et instituts de recherche peuvent projets de l’entreprise.

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21

FIGURE 1 : CONVERGENCE DE DIFFéRENTES FORMES D’ASSISTANCE LIéE AU COMMERCE ET DE


SOUTIEN AXé SUR L’OFFRE POUR RENFORCER LE RôLE DU SECTEUR PRIVé LOCAL
SERVICES DE DÉVELOPPEMENT
DES ENTREPRISES

Zones
Institutions chargées
spéciales
de l’ALC et du DSP
Services
aux collectivités Réseaux
et infrastructures CCI de distribution PROMOTION
LIENS Subventions
INTERENTREPRISES Organisations de contrepartie DES INVESTISSEMENTS
intermédiaires Foires
d’entreprises et salons

Ministères Information, Grappes


Niveau macroéconomique
du commerce Mat. services
Actifs
premières,
corporels
fournitures Niveau mésoéconomique
Développement
de l’esprit
Partenariat Finance Ressources d’entreprise Niveau de l’entreprise
et dialogue humaines
Actifs et des compétences
public-privé
incorporels de gestion

Banques Syndicats,
d’investissement organisations
ACCÈS AU de la société civile
ÉDUCATION,
FINANCEMENT Universités, DROIT AU TRAVAIL
Banque
centrale écoles
de commerce
Institutions
financières Réseaux
internationales de recherche
ENVIRONNEMENT
DES AFFAIRES

INNOVATION

Nota bene : CCI : chambres de commerce et d’industrie ; ALC : aide liée au commerce ; DSP : développement du secteur privé
Source : Union européenne

les personnels du siège et des Délégations a été pour réduire les risques. Enfin, l’appui de l’UE
également développé : un document de réfé- cherche à accroître le rôle et l’investissement
rence5 sur politiques et développement du com- du secteur privé dans la fourniture des biens
merce et du secteur privé, qui présente dans publics, par exemple en explorant les possi-
une démarche intégrée l’aide liée au commerce bilités d'appui à des partenariats public-privé
et l’appui au secteur privé. dans des domaines comme l’énergie, l’infras-
tructure, l’eau, la santé, l’éducation et la for-
Aider le secteur privé mation professionnelle, ou par une combi-
à prendre part au développement naison de prêts ou de fonds propres et de
La Commission explore aussi d’autres moyens subventions pour des projets d’infrastructure
d’action pour renforcer le rôle moteur du sec- de grande ampleur.
teur privé dans le développement, comme tes- En se saisissant de ces opportunités, l’UE
ter et développer des business models inclu- pourrait renforcer le soutien qu’elle apporte
sifs afin d’encourager un développement du au commerce et au secteur privé dans les pays
secteur privé pro-pauvres et une croissance en développement, soutien qui continue à être
durable, par exemple à travers un appui aux essentiel pour le développement des capacités
entreprises locales ou internationales pour les commerciales et productives des pays béné-
aider à évaluer la faisabilité d’un projet ; déve- ficiaires de l’aide au développement. Dans ce
lopper des partenariats ou encore à identi- contexte, les résultats de deux évaluations glo-
fier des sources d’investissement. L’élargisse- bales engagées début 2011 par la Commission
ment de l’accès au financement pour les PME sur ses programmes d’aide au commerce et de
représente aussi un moyen d'action possible, développement du secteur privé dans les pays
par exemple en renforçant les capacités tech- tiers sont attendus avec impatience.
niques, managériales et financières du secteur
financier local afin de développer ses contacts
avec des segments plus larges du tissu éco-
nomique local (y compris l’industrie agroali-
mentaire) et/ou en utilisant les subventions 5
Ce document sera disponible avant fin 2011.

Références / Commission européenne, 2008. Réformer la coopération technique et les unités d'exécution des projets pour l'aide extérieure de la CE, document de stratégie, juillet. // Commission européenne, 2009.
Pour une coopération technique plus efficace, document cadre, mars. // Commission européenne, 2010. Reference document on Trade and Private Sector Policy and Development, document cadre.

Secteur Privé & Développement


22

Une évaluation des impacts


L'assistance
technique au
service du secteur
privé : un outil

adaptée aux projets


de développement

L’évaluation des impacts des projets d’assistance technique est de plus en plus
nécessaire. Mais les indicateurs standards, reposant essentiellement sur des mesures
quantitatives, ne sont pas forcément adaptés à la diversité des programmes.
Quand les ressources le permettent, la conceptualisation d’une “chaîne d’impact”
et l’utilisation d’une matrice de planification aident les praticiens à dégager des
indicateurs adaptés à chaque étape du projet.

Tobias Bidlingmaier La quête d’indicateurs


Deutsche Investitions - und Entwicklungsgesellschaft mbH (DEG) La tendance générale est aux données chif-
frées, l’impact d’un projet devant être vérifié

D
epuis quelques temps, l’évaluation par des indicateurs quantifiables. Dans l’idéal,
des impacts est une pratique à la on applique à chaque projet un ensemble
mode. Les donateurs veulent en d’indicateurs “standards” qui déterminent
effet savoir ce qu’il est advenu de leur argent immédiatement son bénéfice sur le plan du
et les organisations tiennent à démontrer développement. On attribue aussi des notes
les nombreux impacts (en principe posi- ou des points aux indicateurs, ce qui permet
tifs) de leurs projets sur le développement. un classement des projets en fonction de
Cette nécessité d’évaluation est d’autant leur efficacité. De ce fait, les “meilleures pra-
plus nécessaire que l’on reproche parfois à tiques”, les acquis de l’expérience semblent
l’aide au développement d’être inefficace, pouvoir être recensés.
sinon contre-productive1. Si l’assistance Toutefois, cette approche peut parfois
technique n’est habituellement pas consi- poser question. Pour un programme d’as-
dérée comme de l’aide au développement sistance technique diversifié, comme l’est
classique, elle doit, comme d’autres activi- celui de la Deutsche Investitions - und
tés bénéficiant de finance- Entwicklungsgesellschaft mbH (DEG), il est
ments publics, démontrer sa impossible d’établir un ensemble “standard”
plus-value. d’indicateurs pour mesurer les impacts de
Les procédures d’évaluation chaque projet. En effet, les projets relè-
conduisent bien souvent à vent de secteurs différents, sont de taille
la production de rapports et de durée variables. Ils répondent sou-
ennuyeux, truffés de gra- vent à des problématiques très précises.
phiques, abondamment illus- L’impact d’une étude de marché sur le sec-
TOBIAS BIDLINGMAIER trés de tableaux, s’appuyant teur des énergies renouvelables en Serbie,
Tobias Bidlingmaier sur de longues listes d’effets par exemple, est difficilement comparable
est responsable induits et autres “preuves” aux retombées d’une formation à la gestion
d’investissements au des impacts qu’auraient les actif-passif conduite auprès d’employés de
sein du département projets d’assistance tech- banque de différents pays. Contrairement
“Programmes spéciaux”
de la DEG. Il a soutenu
nique sur le développement. aux projets d’investissement “courants”,
sa thèse en 2009 à Les institutions financières l’application d’un ensemble standard d’in-
l’université de la Ruhr, de développement euro- dicateurs aux projets d’assistance technique
où il faisait partie de péennes ont des approches ne rendrait pas justice à leur diversité. Il est
l’Institut de recherche de l’évaluation de l’impact possible en revanche de les regrouper par
en développement
et en politiques de
différenciées, qui peuvent catégorie et d’établir pour chacune d’entre
développement. Il a faire appel à des méthodes elles des indicateurs communs. La banque
étudié l’économie, en très simples comme à des de développement néerlandaise FMO, par
particulier celle des pays procédures plus élaborées. La exemple, travaille avec les six catégories
en développement, à forme et le contenu des rap-
l’université de Bayreuth et
à l’université de Nebraska-
ports correspondent souvent 1
Voir, par exemple, Moyo, Dambisa (2009) “Dead Aid: Why Aid Is Not
Working and How There Is a Better Way for Africa”, ou Easterly, William
Lincoln (États-Unis). aux exigences du promoteur (2007) “The White Man’s Burden: Why the West’s Efforts to Aid the Rest
du programme. Have Done So Much Ill and So Little Good”.

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23

suivantes : “Renforcement de la gestion”, vent permettre d’évaluer la qualité du rapport


“Environnement et social”, “Développement du spécialiste. La variation de la consommation
de produits”, “Séminaires et conférences”, d’électricité de la société peut être un indicateur
“Renforcement des organisations” et “Gou- des résultats attendus ; enfin, les émissions de
vernance d’entreprise”2. CO2 constituent potentiellement un bon indi-
cateur de l’impact du projet sur le climat. Plus
La chaîne d’impact, un outil adapté à la on “avance” dans la chaîne, plus il est difficile
diversité des projets de mesurer l’impact et de l’attribuer au projet.
Pour que l’évaluation des impacts tienne Il peut être très difficile, par exemple, d’obte-
compte de la nature particulière d’un projet nir du fournisseur d’électricité de l’entreprise
d’assistance technique, on peut faire appel les émissions de CO2 dues à la centrale au char-
aux “chaînes d’impact”. La chaîne d’impact bon. Il sera sans doute plus facile de suivre la
d’un projet décrit le lien entre l’intervention consommation d’électricité de l’entreprise.
et les impacts pouvant en résulter ; elle pré- L’utilisation d’un outil appelé “cadre logique”
sente plusieurs étapes, montrant à chaque ou “matrice de planification” aide à structurer
fois les relations causales probables. un projet et à définir des objectifs et indicateurs
La figure 1 représente une chaîne d’impact styli- appropriés. La première étape
“Il est impossible
sée et donne quelques exemples de projets d’as- consiste à définir l’objectif du pro-
d’établir un
sistance technique conduits par la DEG. Consi- jet en fonction du problème à
ensemble “standard”
dérons le premier exemple d’un diagnostic de régler ; cela concerne en général le
d’indicateurs
performance énergétique réalisé par un spé- résultat attendu. L’objectif direct
pour mesurer les
cialiste dans une entreprise partenaire, le pro- d’une formation des employés
impacts de chaque
duit de ce projet d’assistance technique prend de banque à la gestion actif-pas-
projet d’assistance
la forme d’un rapport préconisant des mesures sif, par exemple, peut être de ren-
technique.”
d’économie d’énergie. À la suite de ce rapport, forcer le contrôle des risques de
l’entreprise met en œuvre des mesures d’écono- la banque et donc d’augmenter sa viabilité d’en-
mie d’énergie (résultat) qui réduisent sa consom- semble. Son impact plus large pourrait être la
mation – ce qui peut contribuer à l’objectif plus contribution à la stabilité du système finan-
général de protection du climat (impact). Les cier. Il est ensuite possible d’établir les étapes
relations causales entre les différentes étapes menant à la réalisation de l’objectif ; cela se tra-
reposent sur certaines hypothèses ; l’impact duit par la définition des différents résultats du
final de “protection du climat” du projet, par projet au niveau des produits. Des indicateurs
exemple, suppose que l’énergie consommée par mesurables peuvent ainsi être définis, tant
l’entreprise provienne de sources fossiles. au niveau des produits, des résultats que des
Ce projet serait évidemment mal noté si on impacts. Dans l’exemple de la formation à la ges-
appliquait les indicateurs d’impact standards – tion actif-passif, ces indicateurs pourraient être
tels que le “nombre d’emplois créés” ou les “pro- le nombre de personnes suivant la formation
grès en matière d’égalité des sexes”. Pour mesu- (niveau des produits), le nombre de personnes
rer son efficacité et son impact, il est plus utile qui réussissent un examen (pour démontrer
d’étudier la chaîne d’impact et d’en déduire leurs nouvelles compétences), la variation du
des indicateurs spécifiques pour les différents ratio de créances douteuses, etc.
niveaux. Au niveau des produits par exemple, le
nombre de mesures d’économie d’énergie envi- 2
Présentation d’Andrew Shaw à l’atelier des institutions financières de
sagées ou l’économie d’énergie réalisée peu- développement européennes sur l’assistance technique, Cologne, 7 avril.

Figure 1 : CHAîNE D’IMPACT SIMPLIFIéE DE QUELQUES PROJETS D’ASSISTANCE TECHNIQUE


MENéS PAR LA DEG

1. Moyens 2. Produit 3. Résultat 4. Impact


Services financiers Activités Résultats Facteurs Effets directs Facteurs Effets indirects
externes externes
et de conseil du projet ou liés au projet ou plus généraux

Exemples de projets
d’assistance technique

Diagnostic de performance Rapport préconisant des Mesures d’économie d’énergie Réduction des émissions de CO2
énergétique mesures à prendre
Système de gestion environnemental Introduction du système Réduction des déchets Environnement plus propre
et social de gestion E&S
Formation à la gestion des risques Formation réalisée Personnel plus compétent Meilleure qualité des produits

Source : DEG

Secteur Privé & Développement


24 Une évaluation des impacts adaptée aux projets

L'assistance Évaluation approfondie des impacts manque de ressources fait souvent obstacle aux
technique au
service du secteur Une comparaison “avant-après” permet d’ob- évaluations d’impact approfondies (les plus effi-
privé : un outil
de développement
tenir des données significatives sur les varia- caces) avec groupe cible, groupe témoin et com-
tions résultant de l’intervention. De plus, paraison “avant-après”. Il faut donc se deman-
des facteurs externes peuvent influencer der sans cesse dans quelles circonstances une
– et donc fausser – les résultats ; il faut en évaluation approfondie est appropriée ou dans
tenir compte. Ainsi, une augmentation de quelle mesure on peut s’approcher de cet idéal
la production peut entraîner une hausse de compte tenu des contraintes de ressources.
la consommation d’électricité, alors même L’amélioration de l’évaluation des impacts est un
que des mesures d’économie ont été appli- processus continu et loin d’être achevé.
quées. Deux procédures essentielles doivent L’une des principales difficultés de cette
ainsi faire partie de la mesure approfondie évaluation est de trouver un moyen effi-
des impacts. S’agissant de la première pro- cace, peu gourmand en ressources, d’obtenir
cédure, il peut être nécessaire de réaliser une des informations fiables sur les effets et les
étude de référence, qui mesurera les indica- impacts d’un projet. Face aux difficultés, la
teurs avant l’exécution du projet. Ces don- DEG a établi une procédure en sept étapes
nées seront alors comparées à celles qui sont permettant de faciliter ce travail. La pre-
recueillies à la fin du projet. La seconde pro- mière priorité est la définition claire de l’ob-
cédure consiste à éliminer ou écarter les fac- jectif du projet d’assistance technique envi-
teurs externes – en comparant par exemple sagé. Plus cette définition est précise, plus
la consommation d’énergie par unité de pro- l’évaluation sera facile. Un objectif clair per-
duction. Comme ce n’est pas toujours pos- met de décrire ensuite une chaîne d’impact,
sible, un “groupe témoin” est défini  ; il pré- qui propose les moyens d’atteindre l’objectif
sente les mêmes caractéristiques que le et qui présente les impacts pos-
“Le manque de
groupe cible mais ne reçoit pas l’intervention sibles du projet. Le cas échéant,
ressources fait
d’assistance technique. Ce n’est qu’en réali- la description doit intégrer les
souvent obstacle aux
sant cette double comparaison “avant-après” hypothèses sous-jacentes aux
évaluations d’impact
et “groupe cible-groupe témoin” qu’on réali- différentes étapes. Alors, il est
approfondies
sera une évaluation d’impact satisfaisante. possible de déduire des indi-
d’un programme
cateurs mesurables, adaptés
d’assistance
Une évaluation adaptée aux ressources aux différents niveaux – pro-
technique.”
Une méthode d’évaluation d’impact très éco- duit, résultat ou impact. Le cas
nome en ressources – souvent appliquée pour échéant, une étude de référence est réali-
les projets d’assistance technique de la DEG – sée pour recueillir les valeurs initiales des
consiste à simplement cocher des cases corres- indicateurs prédéfinis. À la conclusion du
pondant aux impacts perçus dans une liste pré- projet, les données sur les indicateurs sont
établie. Cette évaluation est réalisée par le chef recueillies et comparées à celles de l’étude de
de projet. Le problème est qu’il s’agit d’une référence. Si la source des données n’est pas
méthode approximative, qui ne traduit bien fiable ou en cas de doute ou de difficultés à
souvent que la volonté du chef de projet de obtenir les données, il peut être opportun
prouver les résultats positifs de son projet. Son de charger un tiers de collecter ou de véri-
avantage évident est qu’elle nécessite peu de res- fier les données sur le terrain. Enfin, s’il y
sources (temps et argent), toujours trop rares. a lieu, une deuxième évaluation pourra être
Du point de vue du praticien, il faut arbitrer réalisée ultérieurement pour déterminer les
entre efficacité et économie en ressources. Le effets du projet à long terme.

R ep è res
Le programme d'assistance technique de la DEG. différents les uns des autres, vont du conseil en
La DEG, institution financière de développement gestion des risques dans le secteur financier à des
allemande membre du Groupe KfW Bankengruppe, mesures environnementales et sociales, en passant
réalise des interventions d’assistance technique par des enquêtes et études variées.
depuis 2005. Elles sont financées par des ressources Le programme d’assistance technique de la DEG
publiques et sur ses fonds propres. Elles visent à s’inscrit dans une logique de cofinancement ; en
renforcer la contribution au développement de général, elle ne finance pas plus de 50 % du coût total
ses projets de financement ; ce programme est du projet, le solde étant à la charge de l’entreprise
réservé à ses clients. En 2010, 54 projets d’assistance cliente. Le montant maximum d’un cofinancement est
technique, représentant un volume total de de 193 000 euros, alors que le montant moyen octroyé
3,8 millions d’euros, ont été menés. Ces projets, très était de 70 000 euros par projet en 2010.

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25

Pièges à éviter
et leçons à tirer pour l’Afrique
À quoi ont servi les millions dépensés dans l’assistance technique par les agences
de développement ? L’examen critique des programmes d’assistance, qui porte sur l’appui du
secteur privé en Afrique, pointe des bénéficiaires peu consultés, l’absence d’adhésion au projet,
le manque de suivi, la mauvaise coordination. Mise à nu de quelques-uns des défauts les plus
criants et pistes d’amélioration.

Klaus Niederländer, Peter Hinton ou le renforcement d’organismes de soutien


Cooperatives Europe, Summit Development Group
au secteur privé ; objectif qui vise aussi à
encourager des solutions innovantes et l’ap-

S
i l’assistance technique est souvent profondissement des marchés.
l’apanage des organes gouvernemen- Étant donné les millions dépensés dans
taux (tels que les banques centrales l’assistance technique par les agences de
et les ministères), elle sert aussi en Afrique développement, un examen critique en
à développer le secteur privé et, en parti- termes d’efficience et d’efficacité est indis-
culier, les petites et moyennes entreprises pensable. Cette évaluation portera sur l’as-
(PME). L’assistance technique dédiée au sec- sistance technique en soutien au secteur
teur privé vise à favoriser le développement privé en Afrique.
des entreprises, mais beaucoup plus encore
celui des méso-institutions comme les asso- Impliquer les bénéficiaires
ciations d’entreprises, les instituts de forma- Depuis quelques années, l’assistance tech-
tion et autres organismes de soutien. nique vise pour une large part à dévelop-
Elle a toujours eu trois objectifs. Le premier per des associations professionnelles et des
consiste à investir dans le développement organismes de soutien aux entreprises. Mal-
du capital humain, autrement dit dans “le heureusement, ces méso-structures sont
renforcement des capacités humaines”, “le souvent le fait d’initiatives publiques finan-
transfert de compétences” et “la formation”, cées par des donateurs extérieurs et tien-
pour reprendre les termes traditionnelle- nent rarement compte des besoins réels
ment utilisés. Le deuxième vise à appor- des entreprises qu’elles sont censées soute-
ter le financement initial nécessaire à la nir. Le problème commence souvent dès la
création de nouvelles entreprises ou initia- conception des programmes d’assistance,
tives. Le troisième tient au développement quand les agences de développement et
d’un capital institutionnel par la création les services gouvernementaux décident du
contenu sans vraiment consulter le secteur
privé au préalable. Or, l’expérience montre
KLAUS NIEDERLÄNDER et PETER HINTON que la création de réseaux professionnels
ou de services d’appui aux entreprises sans
Klaus Niederländer est directeur Peter Hinton est président-
de Cooperatives Europe, directeur général de Summit
impliquer les bénéficiaires finaux est vouée
l’association européenne des Development Group. à l’échec, car cette absence d’implication
entreprises coopératives, et Son parcours dans le débouche à terme sur une absence d’adhé-
directeur régional de l’Alliance capital-investissement, sion de leur part.
coopérative internationale. Fort la banque, la distribution,
Mais gagner leur adhésion n’est pas sans dif-
d’une expérience dans la banque le financement des entreprises
d’investissement et le conseil et l’expertise comptable
ficultés. Les procédures administratives des
en management, il a consacré lui vaut une expérience agences de développement sont en effet par-
10 ans au développement des commerciale de 25 ans, fois si coûteuses en temps et en argent qu’il
PME en Afrique subsaharienne, dont 18 en faveur du est pratiquement impossible pour une orga-
essentiellement pour développement des PME
nisation du secteur privé de mettre en place
créer des regroupements en Afrique. Il occupe une
économiques et des liens entre chaire de professeur associé
une assistance technique. Les gouverne-
financements à long terme à la Saïd Business School ments africains peuvent aussi créer des dif-
et assistance technique. de l’université d’Oxford. ficultés s’ils ont des acquis à préserver dans
certains secteurs d’activité.
Secteur Privé & Développement
26 Pièges à éviter et leçons à tirer pour l'Afrique

L'assistance Des outils inappropriés et une cible climatiques défavorables), il serait normal,
technique au
service du secteur bien trop étroite dans un souci d’efficacité, de mettre en com-
privé : un outil
de développement
En Afrique, la majeure partie de la popula- mun les rares ressources disponibles. C’est
tion vit ou travaille encore dans le secteur encore loin d’être la règle. Entre de l’argent de
informel, et l’agriculture de subsistance reste plus en plus rare et une compétition entre les
incontestablement le principal secteur d’em- agences de plus en plus rude, les prestataires
ploi. Il devient donc urgent de proposer des travaillent chacun de leur côté dans le but de
outils appropriés pour remédier à ces réalités. défendre leur territoire. Les activités redon-
La mécanisation et le matériel agricole occiden- dantes sont courantes dans tous les pays et
tal n’ont pas trouvé de terrain fertile et les ser- tous les secteurs d’Afrique subsaharienne.
vices de consultants proposés aux entreprises
n’ont pas porté leurs fruits. Dans de nombreux Les secrets d’une assistance technique
pays africains, l’assistance technique a perdu de réussie
sa pertinence lorsqu’elle a commencé à se focali- Il est de plus en plus courant d’entendre
ser sur de petits groupes d’entreprises formelles dire que l’assistance technique se révèle plus
non agricoles, souvent à forte intensité capi- constructive lorsqu’elle est liée au finance-
talistique. Du coup, le développement des sec- ment des entreprises1. Quand ce
“L’absence
teurs à forte intensité de main-d’œuvre, tel que service est fourni avec un prêt
d’implication des
l’artisanat, en a pâti. En Éthiopie, dans le secteur ou une participation financière,
bénéficiaires débouche
du cuir par exemple, l’assistance s’est concentrée les intérêts de l'institution finan-
à terme sur une
sur une poignée d’entreprises qui auraient par- cière et du bénéficiaire peuvent
absence d’adhésion de
fois eu les moyens d’en assumer elles-mêmes le mieux se concilier, en particulier
leur part.”
coût. En Afrique occidentale, l’assistance tech- lorsque celle-ci détient une par-
nique fournie à l’appui d’une industrialisation ticipation dans l’entreprise bénéficiaire. Dans
du secteur textile a, dans une certaine mesure, les années 1990 et 2000, le ministère britan-
empêché l’émergence ou le renforcement d’un nique du développement international a créé
secteur artisanal. Celui-ci n’a pas réussi à déve- le Financial Deepening Challenge Funds pour
lopper les savoir-faire de base requis dans la fila- promouvoir le développement d’instruments
ture, le tissage et la finition. financiers innovants en Afrique. Ce pro-
gramme liant assistance technique et investis-
Absence de normes et de coopération sement visait à renforcer les capacités de prêt
En plein essor depuis quelques décennies, des banques et des intermédiaires spécialisés
l’assistance technique attire de nombreux dans le financement des PME. Autre exemple :
consultants et cabinets de conseil. Des pro- le fonds de capital investissement GroFin,
blèmes peuvent se poser, en particulier lors spécialisé dans le financement et le développe-
du choix du prestataire, qui revient le plus ment des PME africaines. Il a bénéficié d’une
souvent à un intermédiaire, l’agence de déve- assistance technique de la Fondation Shell2,
loppement. En règle générale, les exigences qui a facilité la phase de recherche et dévelop-
administratives et financières priment sur la pement pour la mise en place de ses activités
qualité du profil. Le prestataire le moins cher de financement dans plusieurs pays africains.
l’emporte sur le plus qualifié, d’autant plus Dans tous ces cas, les bénéficiaires étaient
facilement qu’il n’existe pas de normes d'éva- exposés à un risque financier. Qui plus est,
luation uniformes dans le domaine de l’as- bénéficiaires et investisseurs étaient tenus de
sistance technique. Les objectifs et les outils rendre des comptes sur la mise en œuvre de
de reporting varient en fonction de chaque l’assistance technique. Il leur incombait aussi
agence de développement. de mesurer les résultats obtenus selon une
Malgré l’absence de données publiques, il méthode définie à l’avance pendant le dérou-
existe de nombreuses études sur les prin- lement et à l’achèvement du projet, et de tirer
cipaux secteurs de l’économie africaine. les leçons de ces expériences.
Aucune d’entre elles ne fait la moindre allu- Malgré ces résultats positifs, ces approches sont
sion à des actions spécifiques que l’assis- difficiles à généraliser. Actuellement, l’attention
tance technique aurait permis de mettre portée aux nouvelles solutions de financement
en place. En Afrique, l’assistance technique et aux modes d’assistance technique est limitée.
prend souvent la forme d’une mission d’en- Un renforcement des capacités organisation-
quête d’une semaine condamnée à rester nelles et institutionnelles des intermédiaires
sans suite ou d’un rapport de consultant
que personne ne lira jamais. 1
Voir à ce sujet, l'article de Nina Schuler, p.13, dans ce numéro de Sec-
En présence de ressources limitées et d’exter- teur Privé & Développement
2
Créée en 2000 par le groupe Shell, la fondation Shell est une associa-
nalités négatives (absence de services publics tion caritative indépendante immatriculée au Royaume-Uni et dotée
efficaces, corruption endémique, conditions d’un mandat mondial.

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27

serait pourtant nécessaire pour améliorer le de l’appui aux entreprises. L’assistance tech-
suivi et l'efficacité des programmes de soutien nique devrait soutenir des projets pilotes rete-
au secteur privé. Ceci est notamment vrai pour nus pour leur potentiel d’innovation et de déve-
le développement de structures de financement loppement d’un nouveau secteur. Il faudrait
locales adaptées et la transformation des insti- aussi développer à plus grande échelle l’appui
tutions de microfinance en véritable banque de aux PME ou à un secteur, en créant des com-
financement des PME. L’expérience des banques pétences institutionnelles au niveau méso, en
de crédit coopératif, créées par des sociétés coo- partant du bas (approche bottom-up). Il faudrait
pératives, dans de nombreux pays en dévelop- également créer un lien entre l’assistance tech-
pement pourrait s'avérer utile. nique et l’activité d’investissement de sorte qu’il
y ait un réel enjeu à ce qu’elle fonc-
“Les programmes
Les causes d’échec tionne bien. Il serait bon de four-
d’assistance technique
Lorsqu’il ne s’accompagne d’aucune obliga- nir au moins une partie de l’assis-
manquent tellement
tion précise en matière de responsabilité et tance technique sous forme de prêt
de transparence,
de mesure des résultats et qu’il n’y a guère à taux zéro, de manière à obliger le
notamment au niveau
d’investissement en jeu, le programme d’as- bénéficiaire à un remboursement
des résultats obtenus,
sistance technique atteint rarement son partiel du coût. Ce soutien devrait
que les donateurs et
objectif. Mais d’autres raisons entrent en jeu. servir à encourager l’innovation,
les bénéficiaires n’ont
Parfois, les objectifs n’ont pas été clairement les nouvelles pratiques commer-
souvent aucune idée
définis - le cas est fréquent dans le cadre de ciales et à catalyser les flux de capi-
de leur impact et des
“l’aide liée” pratiquée par divers pays -, ou taux privés – couverture des pre-
leçons qui en ont été
sont contradictoires, quand les exigences mières pertes (first loss) ou coûts
retirées.”
politiques du donateur priment sur les de démarrage des nouveaux fonds
besoins commerciaux de l’entreprise. L’objec- d'investissement. Il faudrait également créer
tif peut être complètement aberrant : instal- des liens durables avec le financement du déve-
lation d’une machine ou d’une usine au mau- loppement et promouvoir des structures de
vais endroit ou transformation des produits coopération et de gouvernance conjointe pour
de la mer dans le Nord du Kenya. gérer les fonds d’assistance technique. Cela
Lorsque l’assistance technique relève plus favoriserait le développement des ressources
d’un effet push que d’un effet pull, dicté par les humaines et le renforcement des capacités ins-
besoins réels de l’entreprise bénéficiaire, elle titutionnelles. Enfin, il conviendrait de pouvoir
est souvent vouée à l’échec. mesurer en permanence les résultats obtenus
par rapport aux objectifs initiaux. Par exemple,
Les solutions pour l’avenir si l’assistance technique a pour but d’accroître la
Les programmes d’assistance technique man- capacité de prêt d’une institution financière, la
quent tellement de transparence, notamment mesure des résultats attendus devra permettre
au niveau des résultats obtenus, que les dona- de quantifier la croissance de cette activité.
teurs et les bénéficiaires n’ont souvent aucune L’assistance technique dédiée au secteur privé
idée de leur impact et des leçons qui en ont été peut jouer un rôle très important en Afrique
retirées3. Les prestataires communiquent rare- en encourageant l’innovation, la finance
ment leurs résultats, peut-être de peur de se inclusive et le renforcement des capacités ins-
retrouver face à des situations embarrassantes. titutionnelles et humaines. Elle est promise
Il est bien plus simple de chiffrer les dépenses à un bel avenir si tous les prestataires accep-
que d’évaluer l’efficacité. Un plus grand partage tent de mieux mesurer les impacts, de parta-
des résultats et des expériences permettrait une ger leurs résultats et de rendre des comptes.
amélioration des approches et des pratiques. En revanche, s’ils refusent, l’Afrique s’en
À la lumière de ce qui précède, plusieurs recom- tirera probablement mieux sans eux.
mandations seraient susceptibles d’amélio-
rer l’efficacité de l’assistance technique. Il fau- 3
Voir à ce sujet, l’article de Tobias Bidlingmaier, p. 22, dans ce numéro de
drait commencer par préciser la finalité exacte Secteur Privé & Développement.

R ep è res
Cooperatives Europe est une association qui Summit Development Group investit dans des
représente les entreprises coopératives au niveau banques et des institutions financières d’Afrique
européen. Regroupant environ 160 000 sociétés qui subsaharienne pour les inciter à s’intéresser
emploient directement 5,5 millions de personnes aux PME, aux exclus du système bancaire et aux
dans 36 pays, cette association compte plus ménages à faibles ou moyens revenus en quête d’un
de 100 millions de membres. Elle fait partie de crédit immobilier. En transformant les institutions
l’Alliance coopérative internationale. Centrées financières et en aidant leurs clients, SDG offre aux
sur le développement durable des entreprises, les investisseurs désireux de contribuer à la croissance
associations de coopératives sont des acteurs de économique et au développement de l’Afrique un
longue date du développement à l’échelle planétaire. retour sur investissement à la fois social et financier.

Secteur Privé & Développement


28

Les enseignements de ce numéro


Par Benjamin Neumann rédacteur en chef

Associer investissement et assistance technique : voici Si la question de l’évaluation des programmes


sans doute une nouvelle piste pour amplifier le rôle que d’assistance technique fait encore débat, celle du
joue le secteur privé dans le développement des pays bien-fondé d’un soutien aux entreprises privées – sous
du Sud. Un mélange prometteur, qui lie financement la forme de dons complémentaires au financement –
direct d’une activité et soutien “qualitatif”. L’assistance a été tranchée. La création d’instruments d’appui
technique peut en effet aider le secteur privé des pays technique semble être une réponse essentielle aux
en développement à se pérenniser et à se renforcer, en besoins des entreprises et représente une composante
proposant à des petites et moyennes entreprises (PME) clef du développement du tissu de PME, en particulier
des actions de conseil, de structuration, de gestion de en Afrique. Leurs besoins de renforcement imposent
l’information ou encore de réorganisation. très souvent l’intervention de compétences externes
Convaincues de la pertinence de cette double approche, spécifiques qu’elles n’ont pas la capacité d’attirer ou
les institutions financières de développement de financer seules. Elles en ont pourtant réellement
multiplient depuis quelques années de telles initiatives. besoin pour éviter les erreurs, optimiser les coûts et
Mais l’efficacité et la légitimité de cette “nouvelle” forme accélérer la mise sur le marché de leurs produits.
d’assistance technique peuvent être questionnées, dès Dans la plupart des cas, les fonds publics utilisés
lors que des fonds publics sont proposés, sous forme encouragent les entreprises à se lancer dans des projets
de dons, à des entreprises privées et rentables. Un sujet de restructuration interne, à s’engager sur de nouveaux
particulièrement épineux, au regard des nombreuses segments de marché innovants, à diversifier leur
critiques dont l’assistance technique fait en général gamme de produits. Ce qu’elles n’auraient pas fait sans
l’objet : bénéficiaires peu consultés, absence d’adhésion incitation financière, du fait du coût financier et humain
au projet, manque de suivi, mauvaise coordination, que cela représente.
opérations coûteuses et inutiles, risque de distorsion La réduction durable de la pauvreté et des inégalités
de la concurrence, etc. Sans compter que la mesure demande des modèles de croissance inclusive, en
de l’efficacité est encore peu pertinente. Il n’existe pas faveur notamment des plus démunis. Ce n’est pas
d’ensemble “standard” d’indicateurs de mesure des seulement la quantité, mais aussi la “qualité” de la
impacts, ni de normes uniformes – les objectifs et les croissance qui détermine si les populations pauvres
outils de reporting varient en fonction de chaque agence peuvent en bénéficier durablement. C’est tout l’enjeu
de développement. de l’assistance technique proposée aux entreprises,
L’expérience accumulée au fil des projets permet reconnues comme acteurs du développement.
malgré tout de tirer quelques leçons utiles à la réussite Incitées à renforcer leur gouvernance, leurs standards
d’une mission d’assistance technique. Les maîtres environnementaux et sociaux, à élargir leur champ
mots : “implication” et “appropriation”. Le processus de d’action, les entreprises ont plus de chance d’être
renforcement des capacités peut être efficace quand pérennes et de renforcer leur rôle dans l’amélioration
il est mis en place à la demande de l’entreprise et quand des conditions de vie des populations locales.
il s’appuie sur une volonté partagée de changement.
Ainsi, une contribution en numéraire est demandée
de manière presque systématique à l’entreprise. Une
mission d’assistance technique doit s’accompagner
d’une obligation précise en matière de responsabilité et
de mesure des résultats. Pour y parvenir, des solutions
originales sont parfois mises en œuvre, parmi lesquelles Au sommaire de notre prochain numéro
l’introduction de clauses de remboursement en cas de Les impacts du capital-investissement
succès de la mission. en Afrique subsaharienne

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