Discours de l’Ex-Première Dame de la République d’Haïti, Martine Moïse

au Forum du Crans Montana à Genève, le 17 novembre 2022.

Monsieur le Chairman and Fondateur du Forum Crans Montana Forum ;

Excellence Monsieur les Présidents
Excellence Mesdames, Messieurs les Ambassadeurs ;
Excellence, Mesdames et Messieurs les Ministres ;
Mesdames, Messieurs les Directrices et Directeurs ;
Distinguées invités ;
Mesdames et Messieurs ;

J’éprouve un immense plaisir de prendre la parole, ce matin, pour porter la voix d’Haïti à cette édition du
Forum Crans Montana.
Mes premiers mots s’adressent à vous Monsieur le Président et Fondateur du Forum Crans Montana, pour
vous remercier de l’invitation qui atteste de l’importance que vous accordez à la destinée d’Haïti.
Je voudrais aussi saisir l’occasion, pour saluer cette brillante initiative, qui, depuis plus d’une trentaine
d’années, favorise les réflexions et le partage d’expériences en vue d’écrire de nouvelles pages d’espoir
pour l’avenir de l’humanité́ .
Prendre part à cet important évènement, est une opportunité́ , pour adresser les problèmes cruciaux que le
monde est en train de faire l’expérience, avec l’augmentation sévère des problèmes planétaires,
notamment, celles liées aux activités terroristes, les guerres, les bouleversements politiques, la hausse des
catastrophes naturelles, la faim et la pauvreté́ .
C’est également une occasion, pour appeler à la solidarité́ de toutes les nations et de tous les acteurs
présents à ce forum, avec le peuple haïtien, pour un changement de paradigme, visant à mettre fin aux
souffrances de ce peuple opprimé par l’impunité́ , les inégalités sociaux et économiques, les préjugés de
classe et de race qui constituent de véritables freins au développement, à la sécurité́ et à la paix.
La démocratie est le régime politique dans lequel le pouvoir est détenu ou contrôlé́ par le peuple. Le
pouvoir s'exerçant par l'intermédiaire de représentants désignés lors d'élections au suffrage universel. Dans
cette première partie du 21em siècle la démocratie est menacée par:
• Ceux qui refusent d’accepter les résultats d’élections s’ils ne sont pas gagnants ;
• Des oligarques globalistes corrompus, maîtres de l’instabilité́ politique pour protéger leurs monopoles ;
• Des accords de sécurité́ et de grandes compagnies privées de sécurité́ qui échappent au contrôle des
Etats ;
• Des officiels corrompus de puissants gouvernements étrangers voulant créer des dynasties riches;
Jovenel Moïse a gagné́ les élections présidentielles d'Haïti de 2015-2016. Ceux qui refusent d’accepter les
résultats s’ils ne sont pas gagnants, ont réussi avec violence et complicités internationales à faire annuler
les résultats. Ils ont ensuite installé un dès leur, président provisoire de la république espérant obtenir des
résultats différents. Ces négationnistes ont organisé́ de nouvelles élections en 2016-2017 avec leur propre
président et conseil électoral. Encore une fois le peuple a voté́ Jovenel Moïse. A cause de la pression
populaire, incapable d’annuler encore une fois les résultats des élections et les négationnistes ont dû laisser
Jovenel Moïse prêter serment le 7 Février 2017 comme 58eme Président constitutionnel d’Haïti pour un
mandat de cinq ans qui prendrait fin le 7 Février 2022.
Malgré́ tout, les mêmes éléments négationnistes ont refusé́ d’accepter les résultats des élections et avaient
promis de brûler le pays en cendres.
En quatre ans et demi le Président Moïse a dû faire face à huit tentatives de coups d'État et des blocages
institutionnels de toutes sortes. En 2019, avec l’aide des gangs, les négationnistes ont attaqué́ le Sénat de
la République d’Haïti pour empêcher le vote de ratification du gouvernement et la loi électorale sous l’œil
passif de la mission des Nations Unies, BINUH, créée pour supporter la démocratie. Plusieurs autres
attaques similaires avec l’aide des gangs contre des institutions démocratiques se sont tenues. La justice
et la police ont été́ attaquées. Toutes les institutions représentant les fondements de l’état démocratique
subissent la violence des gangs conduits par un secteur politique avec une complicité́ internationale dont
les intérêts économiques étaient menacés.
A la base de ces attaques contre la démocratie et le gouvernement constitutionnel, se trouvent les reformes
économiques entamées par l’administration Jovenel Moïse.
Depuis trente-cinq ans l'État a été́ capturé par des oligarques corrompus d'Haïti qui contrôlent aussi le
secteur bancaire et l’ensemble des monopoles commerciaux. Dans ce système établi, l'État et le peuple
étaient systématiquement pillés.
Les réformes entamées par le Président Moïse ont touché́ l’électricité́ , l’achat et la vente des produits
pétroliers, le secteur bancaire, la construction des routes, des ponts et autres infrastructures, les contrats de
l’administration publique ect.. Le livre qui vient de paraître Jovenel Moïse, le rêve assassiné donne une
idée sur ces réformes et les défis affrontés. C’était plus de quatre milliards de dollars américains de
corruption des oligarques qui étaient menacés.
Après une campagne menée adroitement par des firmes de relations publiques et de lobbying étrangères,
payées par des oligarques pour salir son caractère dans les grands couloirs internationaux et l’opinion
publique, le Président Jovenel Moïse a été́ assassiné en sa résidence le 7 Juillet 2021 par des soldats
Colombien qui se sont faits passés pour des agents de la DEA des États Unis. Ce jour-là̀ , j’ai reçu plusieurs
balles et les assassins m’ont laissé́ pour morte. C’est un miracle du Grand Architecte que je sois vivante
aujourd’hui.
Suite à leur campagne d’assassinat de caractère les oligarques s’attendaient à ce que le peuple célèbre
l’exécution du Président. Ils ont eu la surprise de leur vie. C’est notre peuple qui, comprenant les enjeux
de ses réformes, a pris les rues le 7 Juillet 2021 et a capturé les soldats colombiens. Ce jour-là̀ le peuple,
s'était également mis à la recherche des oligarques qui ont commandité ce crime.
Entre-temps, les gangs continuent à proliférer, à conquérir d’autres territoires, terrorisant la population.
L’insécurité́ est généralisée, la hausse des prix du carburant, et également sa rareté́ , paralyse toute la vie
nationale. La flambée des prix des produits de première nécessité́ entraine l’insécurité́ alimentaire, voire
la famine. Ce tableau sombre fait présager de grandes menaces pour la santé globale de la population.
Seize mois après, malgré́ la propagande post opérationnel pour brouiller les pistes sur les origines de
l’assassinat, le peuple est resté déterminé́ dans sa quête de justice. Ce crime a provoqué́ un pourrissement
total de l’environnement économique, social et politique.
Seize mois après plusieurs questions méritent d'être élucidées :
• Quel secteur corrompu a utilisé́ l’accord de sécurité́ signé le 17 Octobre 1997 entre le Président Haïtien
René Préval et la Secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright pour infiltrer la police haïtienne,
utilisant la domination DEA et assassiner le 58eme Président constitutionnel d’Haïti ?
 • Pourquoi malgré́ deux requêtes officielles de l’Etat d’Haïti les 19 Juillet et 3 Août 2021, ce refus jusqu’à
présent systématique du Secrétaire Général des Nations Unies, de nommer un tribunal spécial pour
enquêter sur l’assassinat du Président Moïse comme ce fut le cas après l’assassinat du Premier Ministre
du Liban Rafiq Hariri?
Est-ce du racisme systémique qui bloque cette décision ?
D’ailleurs la lettre du Département d’Etat au Congrès des États Unis démontre les difficultés de la justice
haïtienne et du FBI à mener cette enquête à bon port.
Au nom de la justice, de la stabilité́ politique et de l’avenir de la démocratie en Haïti le conseil de sécurité́
doit agir et nommer ce tribunal spécial pour enquêter sur l’assassinat ;
• Pourquoi les oligarques corrompus maîtres des gangs et de la violence politique, commanditaires de
l’assassinat du Président Haïtien sont-ils protégés ? Pourquoi ne sont-ils pas les principales cibles du
régime de sanctions de la résolution 2653 ? Est-ce du racisme systémique ?
• Pourquoi cet empressement vers une intervention militaire estrangère que le peuple haïtien rejette
vaillamment ? Pourquoi ce refus de renforcer la police et l’armée d'Haïti depuis six ans alors que la
communauté́ internationale a aidé́ à la construction une armée au Kosovo ? Pourquoi pas Haïti ?
Est-ce du racisme systémique ?
• Pourquoi le Secrétaire Général des Nations Unies n’a toujours pas respecté les promesses de payer des
réparations aux 10,800 familles haïtiennes tuées par le choléra amené́ par les Nations Unies en Haïti en
Novembre 2010 ? Est-ce du racisme systémique ?
• Pourquoi les Nations Unies encouragent l’organisation des élections en Haïti pour retourner le pays à
l’ordre constitutionnel ?
• Pourquoi les Nations Unies soutiennent-elles un gouvernement impliqué selon les enquêtes préliminaires,
dans l’assassinat du Président Jovenel Moïse et dans la sponsorisation des gangs ?
LA STABILITÉ EST LE PREMIER DES BIENS PUBLIC. Pour qu’Haïti retourne véritablement à la
stabilité il faudrait :
• Sanctionner les oligarques et leurs alliés impliqués dans les gangs, la corruption, le trafique de la drogue,
des armes et l’assassinat du Président ;
• Arrêter ces initiatives pour ouvrir les portes du pouvoir de transition à des politiciens qui veulent diriger
l'État sans aller aux élections. Avec cette approche, c'est une catastrophe permanente assurée.
● Demander aux politiciens de se préparer pour les prochaines élections au lieu d’organiser des tentatives
de coups d’état ;
● Renforcer le contrôle des ports, aéroports, frontières en vue de limiter le flot d'armes et de munition qui
rentre dans le pays.
● Aider à l’émergence d’un gouvernement inclusif et représentatif, conformément à l’article 149 de la
constitution formé d’un nouveau premier ministre et de dix-huit ministres sur une liste de vingt
personnalités (1 femme -1 homme par département) émanant des dix départements géographiques d’Haïti
La mission de ce gouvernement dans un délai ne dépassant pas douze mois serait de:
● Rétablir la sécurité́ dans la zone métropolitaine à travers une stratégie intégrée similaire à celle du
Salvador tout en renforçant les capacités de la police et de l’armée d'Haïti.
● Rétablir l’ordre constitutionnel à travers l’organisation du référendum avec la constitution préparé́ par
la commission indépendante, des élections législatives et présidentielles pour l’établissement de la 52em
législature et le 59èm président ;
●Nommer un juge indépendant capable de conduire une enquête indépendante sur l’assassinat du 58em
Président d’Haïti ;
● Appliquer sans discrimination raciale la résolution 2653;
● Répondre aux besoins humanitaires ;
● Renforcer la police et l'armée au lieu de planifier intervention militaire qui risque de favoriser une plus
profonde détérioration de la situation ;
● Le gouvernement de transition ne saurait engager la nation. Son rôle est de gérer les affaires courantes,
rétablir la sécurité́ et retourner Haïti à l’ordre constitutionnel ;
Je voudrais profiter de cette tribune pour inviter mes concitoyennes, concitoyens haïtiens à faire un
dépassement de soi, en vue du rétablissement du tissu social.
En réalisant ce dépassement, nous devons toutefois nous démarquer de toutes pratiques mafieuses visant
à nous affaiblir. Mais plutôt nous engager dans la lutte contre la corruption, le trafic des armes, l’impunité́
et les inégalités.
Il est temps que toutes les parties prenantes apportent leurs contributions dans le processus de consolidation
de la paix et de développement durable afin que nous parvenions à un monde plus juste, plus égalitaire et
plus équitable.
Je continuerai de manière déterminée, à soutenir une Haïti verte, l’éducation, l’autonomisation et le
leadership des jeunes, des femmes et des hommes haïtiens marginalisés et opprimés, qui se battent pour
réinventer une Haïti de Paix, de Prospérité́ et de Justice pour tous.
Ensemble, construisons l’Haïti, un pays qui repose sur les forces du peuple haïtien et satisfait ses
aspirations. Ainsi, nous montrerons au monde un chemin pour passer d’une société́ déséquilibrée et divisée
à une société́ épanouie et équitable.