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PREFACE

Ce livre blanc offre une place d’honneur à la personne humaine.


Celle-ci se trouve au cœur de notre démarche. Notre option politique et
économique vise d’abord l’humain. Aussi avons-nous choisi d’INVESTIR
DANS L’HUMAIN.

Tandis que le livre blanc se limite à l’échelon national, ces propos


d’introduction tentent de situer la réalité haïtienne dans son contexte
géopolitique. Il existe des facteurs économiques exogènes et endogènes
susceptible de favoriser une meilleure exploration de notre tissu social.
Localisation et mondialisation de la pauvreté s’inscrivent dans la
dynamique des causes et effets.

Au seuil du troisième millénaire, l’un des défis auxquels nous


faisons face consiste précisément à atteindre un niveau de croissance qui
soit en synergie avec le développement humain. Si la croissance économique
n’implique ni réduction de la pauvreté, ni création d’emplois, ni intégration
sociale, ni évanouissement des inégalités sociales, l’on cesse dès lors de
s’orienter vers le développement humain.

La misère constitue, en effet, la menace la plus grave pour la


stabilité politique, la cohésion sociale et la salubrité de l’environnement à
l’échelle planétaire. Il est anormal aujourd’hui encore que 1.3 milliard de
personnes vivent en deçà du seuil de pauvreté, 800 millions d’êtres humains
connaissent la faim, 600 millions d’individus souffrent de malnutrition
chronique. Il est anormal que 80% de la population mondiale se partagent
environ 16% des richesses alors que les 20% les plus riches n’affectent que
0.3% à l’aide au développement et que certains pays pauvres consacrent
deux fois plus d’argent à l’armée qu’à la santé et à l’éducation réunies.

Le développement humain vise à élargir le champ des possibilités de


l’être humain, lui permettant d’avoir une vie longue et saine, d’avoir accès
à l’éducation et aux ressources nécessaires… il doit jouir de ses libertés
politiques, économiques et sociales, dans la dignité et le respect des droits
de tous.

Le développement humain s’enracine dans la force du droit et non


dans la force des armes. Avec la fin de la guerre, la réduction des dépenses
militaires à l’échelle planétaire pourrait dégager des dividendes de la paix
susceptibles d’être consacrés au développement humain. Déjà en 1991, si
les pays industrialisés réduisaient leurs dépenses militaires annuelles de
3%, cela dégagerait 25 milliards de dollars U.S par an. En acceptant de ne
plus augmenter leurs dépenses militaires, les pays en développement
pourraient réaliser des économies de 10 milliards de dollars U.S. par an.
Nous observons malheureusement que ces dépenses militaires absorbent
505% du PIB du monde en développement.

Le diagnostic du livre blanc révèle combien les inégalités humaines


et économiques sont ubuesques. Concernant l’armée d’Haïti, que révèle ce
diagnostic ? SA MORT. Oui, c’est avec une joie indicible que le Peuple
haïtien parle de cette mort.

Quelques mois après avoir restauré la démocratie, nous avions


démantelé cette armée de 7.000 hommes absorbant 40% du budget national
pour nous libérer enfin de cette armée d’occupation. Ce fut notre objectif
premier. Pour l’éclosion des roses de paix, de Justice et d’amour. Amour de
tous : fils et filles de la Nation désireux de construire une société de droit où
L’on condamne à jamais la vengeance et l’impunité pour que triomphent
Justice et Paix.

Aujourd’hui, il nous incombe la responsabilité de promouvoir le


développement enracine dans la productivité, la justice sociale, la
durabilité, la participation des citoyens et citoyennes. Aussi disons-nous
qu’il faut : DEMOCRATISER LA DEMOCRATIE pour que développement
humain et croissance économique s’entrelacent chaque jour davantage. En
d’autres termes, il s’agit de créer des structures de participation pour :

1. Promouvoir une croissance économique plus équitable et un


développement plus participatif. A ce niveau, la tâche principale est
d’investir dans la population dont il faut libérer l’initiative, tout en
établissant un lien étroit entre croissance économique et bien-être.

2. Renforcer le secteur privé, les acteurs et mouvements sociaux qui


cherchent à vivifier le tissu social.

3. Dynamiser la lutte pacifique de majorités déshéritées réclament


continuellement : justice, transparence et participation.

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L’irruption du nouvel ordre démocratie dépend de nous tous et de
nous toutes. Je dis bien de “nous toutes,” car ignorer la dimension féminine
dans le développement humain revient à le compromettre à l’échelle
mondiale. Pour faire face aux défis économiques, il faut lutter contre
l’inégalité sociologique entre les sexes dans un monde où 70% des pauvres
et les 2/3 des analphabètes sont des femmes. Voilà pourquoi, d’ailleurs,
elles n’occupent que :

• 14% des postes administratifs,

• 10% des sièges parlementaires,

• 6% des portefeuilles ministériels.

Pourtant on calcule que, si à travers le monde la production


invisible représente au total 16.000 milliards de dollars, 11.000 milliards de
cette somme sont réalisés par les femmes. Honneur et respect aux Fanm
Vanyan d’Haiti !

Une exploration de la réalité haïtienne à la lumière de ce livre blanc


nous conduira inévitablement au paradoxe qui traverse le champ
démocratique. Jamais depuis une dizaine d’années la démocratie n’a été
tant à l’ordre du jour dans les pays en voie de développement ; jamais
pourtant ces pays n’ont été confrontés à autant de difficultés d’ordres
économique.

Le fossé entre élites prospères et majorités démunies se creuse


chaque jour davantage. Et naturellement, les symptômes de la misère se
multiplient au niveau de la planète. Ici les dictateurs nous laissent un
spectacle hideux :

• 1% de la population possède 48% du revenu national ;

• le taux d’analphabètes s’élève à environ 60% ;

• pour chaque 11.000 habitants nous n’avons qu’un médecin ;

• chaque année, 36.000.000 de tonnes métriques de terre s’en vont à


la mer, etc.

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Du Nord au Sud, le paradoxe surgit et nous interpelle tous. Alors
que tombaient une à une les dictateurs du continent Latino-Américain, en
1980, 120 millions de Latino-Américains, soit 39% de la population globale,
vivaient dans la pauvreté. Vers 1985, le nombre atteignait les 160 à 170
millions. A la fin des années 80, on parvenait au chiffre effarant 240
millions. Montée de la démocratie, bien sûr, mais paradoxale puisqu’elle
est liée à l’appauvrissement économique et social.

Il y a lieu de situer ce paradoxale dans un contexte mondial


totalement nouveau : d’une part, la fin des affrontements Est-Ouest et, dans
son sillage, crise des alternatives traditionnelles au développement
néolibéral planétaire ; et d’autre part, l’émergence de nouveaux acteurs. En
d’autres termes, la Société Civile, où nous retrouvons Associations
Citoyennes, Organisations populaires de base, Regroupements de femmes,
Groupements de défense des droits humains, Coopératives, etc., est tissée
d’acteurs qui cherchent aujourd’hui au Nord et au Sud à se faire entendre,
à devenir la voix des sans-voix, à peser sur les décisions des institutions
étatiques et internationales. Pour vous et pour nous tous de la société civile,
la démocratie implique la participation de tous et de toutes.

En fait, l’une des tâches qui revient à la Société Civile


d’aujourd’hui, et particulièrement dans les pays du Sud, consiste à
DEMOCRATISER LA DEMOCRATIE. Le 16 Décembre 1990, lors des
premières élections libres et démocratiques, nous avions dit qu’Haïti devait
passer de la misère à la pauvreté dans la dignité. Pouvons-nous atteindre
cet objectif dans le cadre d’une démocratie formelle ? Et qu’est-ce donc la
démocratie qu’il faut démocratiser ? Les racines étymologiques du concept
ne cristallisent-elles pas l’humain dans lequel nous voulons investir ? Bien
sur, car en grec, “dêmos” nous renvoie à Peuple et “cratein” à gouverner.

Gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple !


Fabuleuse idée, née il y a quelques 2.500 ans et dont nous sommes encore
malheureusement bien éloignés ! Car tel est le problème : la démocratie qui
semble se réinstaller un peu partout dans les pays du Sud risque bien de ne
rester qu’un “formalité” si nous ne nous engageons pas de toutes forces
pour lui donner un contenu. A quoi sert-il, par exemple, à un simple citoyen
d’un simple pays du Sud d’aller voter librement si ce geste ne lui donne pas
potentiellement l’occasion d’améliorer – ne serait-ce que minimalement –
ses conditions de vie ? L’irruption du nouvel ordre démocratique dépend de
nous tous. Au moment où paraissent s’imposer les maîtres-mots de

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libéralisation, de réglementation, de mondialisation, de sanctification du
marché de liberté des échanges, l’augmentation de la production doit
garantir le développement humain durable. Si l’économie est rapport
d’argent, un développement humain introduit une dimension éthique dans
les relations qui sous-tendent les mécanismes du marché.

Le poids de la dette extérieure d’Haïti affecte considérablement le


rythme du développement durable. En témoigne l’état des lieux, tel que vous
l’observer à travers le livre blanc. Avec une économie anémiée, un
écosystème gravement perturbé, des infrastructures faibles et fragiles,… il
faudrait approfondir la réflexion autour de la dette extérieure, évaluée à
$1.1 milliard en vue de dégager des ressources pour le financement d’un
développement durable.

Entre 1980 et 1996, l’Afrique sub-saharienne a remboursé deux


fois le montant de sa dette extérieure. Aujourd’hui, elle est trois plus
endettée qu’il y a 16 ans. En 1996, la dette s’élevait à 285.3 milliards de
dollars alors qu’en 1980 elle n’était que de 84.3 milliards. Entre-temps, le
continent africain a déboursé 170 milliards de dollars pour le service de la
dette (intérêt et capital), un service équivalent à quatre fois le montant des
budgets de santé et d’éducation.

Il est urgent de bien comprendre les enjeux macro-économiques


pour dissiper les nuages d’illusion et de frustrations, garantir par cette
approche la paix sociale et stabilité politique.

Notre rôle est de garantir une bonne gestion des affaires de l’Etat
pour qu’enfin règnent la paix et la sécurité. Paix dans les cœurs et dans les
entrailles. Sécurité des vies et des biens. Cette paix et cette sécurité doivent
libérer chaque homme, chaque femme de la peur. Les prémunir contre le
besoin. Substituer aux armes la sécurité garantie par un développement
durable, jusque-là réservée au petit quart de la population mondiale, quand
un grand quart vit au-dessous du seuil de pauvreté absolue, quand toutes les
trois secondes un enfant meurt, quand chaque seconde la forêt tropicale
perd la taille d’un terrain de football et quand donc près d’un milliard
d’humains vivent dans les zones frappées par la désertification.

Tous ensembles, nous avons la responsabilité d’œuvrer pour un


millénaire de paix. Si les dictatures sont sources de peur, la démocratie doit
être source de paix. Lapè nan tèt. Lapè nan vant.

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Diamétralement opposée aux méthodes utilisées par les dictatures,
l’approche démocratique requiert la participation de tous les citoyens et
citoyennes. En fait foi ce livre blanc où nous retrouvons les propositions
recueillies à travers les neuf congrès départementaux à la vieille de notre
Congrès National, prévu pour les 14, 15, 16 Décembre 1999. Les champs
explorés et la diversité de style laisse découvrir l’empreinte de plusieurs
groupes d’experts, réunis tous autour de la table du dialogue. Dans un
climat de respect et de tolérance, les membres de la Société Civile, de
l’opposition, des instances gouvernementales ou de Fanmi Lavalas, tous ont
bien voulu scruter notre vécu de peuple au moment même où nous
préparons à célébrer le Bicentenaire de notre Indépendance.

Pourquoi pas une école dans chacune de nos 565 sections


communales avant l’année 2004 ? Avions-nous dit. Il y va d’une vision
profonde. Là où il y a une école, il faut aussi un centre de santé pour
vacciner les élèves ; un centre de micro crédit pour les parents dont les
projets économiques exigent infrastructures (routes, transport,
télécommunications)… Tiens ! Avant même de parvenir à la construction de
ces routes, on se trouve déjà sur l’autoroute de la décentralisation.
Condition sine qua non pour un développement durable.

“ Il ne fait aucun doute que la réduction de la pauvreté se joue au


niveau local,” déclara le Président de la Banque Mondiale, M. James D.
Wolfensohn, dans son allocution devant le Conseil des Gouverneurs en
Septembre dernier. De nos 565 sections communales, 125 ne sont pas
pourvues d’écoles publiques, 20 autres n’ont aucune école. Sur le plan
national, seulement 56% des enfants en âge d’aller à l’école fréquentent des
établissements scolaires. De ces 56%, 64% ont dépasse l’âge d’aller à
l’école et seulement 27% ont bouclé avec succès le cycle d’études primaires.

D’aucuns croient qu’en ajoutant une année supplémentaire à la


durée moyenne de la scolarisation de la population active, on accroît le PIB
de 9%. Notons que les pays en développement ne consacrent en moyenne
que 20 à 30 % de leur PIB aux dépenses publiques, tandis qu’en général la
pression ne représente que 10 à 20 % de leur PIB.

En 1960, le Pakistan et la République de Corée avaient des revenus


identiques, mais leur taux de scolarisation dans l’enseignement primaire
différait. De 30% au Pakistan, il atteignait 94% en République de Corée.

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Aussi avions-nous constaté que, 25 ans plus tard, le PIB par habitant de la
République de Corée a augmenté trois fois plus que celui du Pakistan. A
nous de travailler en communion d’esprit avec le 10 e Département pour
atteindre une réduction significative du taux d’analphabètes et la
scolarisation universelle avant l’année 2004.

La modernité, qu’elle soit politique ou économique, implique


différences et divergences, critiques et controverses, débats et consensus.
L’un des mérites du livre blanc est de d’engager dans cette voie. Un plan
qui n’exclut que ceux qui se sont placés eux-mêmes au-delà des frontières
de la civilisation. Il faut s’engager dans une dialectique de lutte pacifique
contre l’ordre ancien, la corruption, la drogue, l’impunité et faire émerger
l’éthique.

De l’ordre, nous en avons besoin.

De la discipline ! Certainement.

De l’autorité de l’Etat : absolument.

Il nous faut un Etat stratège et régulateur, dynamisant


démocratie, développement humain et croissance économique. Nous avons
définitivement repoussé les formules de démocratie musclée ou de
despotisme. Notre option doit évidemment se nourrir à la source de la
source car la réforme vient d’en haut mais la révolution pacifique vient d’en
bas.

Après deux siècles d’affaiblissement, citoyens et citoyennes


auraient souhaité une accélération du processus de croissance. Et pour
cause. Tant de gens se sont sacrifiés ! D’autres, en quête d’emploi, cultivent
rationnellement la patience. Pas éternellement. Et on comprend : ils ne
demandent que le minimum vital ou la construction d’un Etat de droit.

Construire l’Etat, c’est un travail de longue haleine. Allons-y


courageusement. Tous ensembles pour l’unité dans la diversité. Les exclus
exigent leur participation pleine et entière. Jamais contre eux. Ils sont
toujours là. Avec courage et ingéniosité pour survivre. Il nous faut
maintenant passer de la survie à la vie.

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Par l’établissement du partenariat entre les secteurs et privé. Par
le renforcement d’un Etat de droit qui garantisse des politiques ouvertes et
durables. Par la Justice pour tous, la transparence en tout et la
participation de tous. Grâce à nos richesses humaines, historiques et
culturelles, dynamisons la régénération du tissu social.

Champion du monde de la résistance, nous célébrerons la


renaissance au sommet de 2004 mais d’ores et déjà, à l’aube du nouveau
millénaire, nous célébrons l’éclosion d’une ère nouvelle pour une Haïti
socialement juste, économiquement libre et politiquement indépendante.

Jean-Bertrand Aristide

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Chapitre Premier
SURVOL HISTORIQUE

Hayti : sa beauté et ses richesses

Très longtemps avant notre ère, au cœur de l’Amérique, dans un


bassin de mer majestueusement bleue, une île verte, aux reflets d’éternité,
s’enivrait de soleil, de pluie et de brise.

Hayti. Ainsi l’avaient baptisée les habitants de Cuba, l’île sœur,


attentifs aux ébats de ses filles et fils aux couleurs de tournesol, de maïs ou
de miel. Ile dorée de ce chapelet qu’une main experte, d’un geste raffiné, a
jeté avec mollesse dans le vase lit d’eau de la princesse Caraïbe. Ile magique
qui a ensorcelé les fougueux Arawaks ainsi que les talentueux Taïnos. Ile
diamant finement ciselée par on sait quel artisan-dieu qui, en la voulant
merveilleusement belle, a convergé vers elle trop de regards jaloux.

Il a fallu que la plaque atlantique se glisse sous le fond de la Mer


des Caraïbes pour qu’en un mouvement lent, mais sûr, elle fasse monter des
profondeurs, telle une gigantesque arabesque ou une queue d’étoile filante,
ces îles qui marchent : les Antilles, grandes et petites. Cela s’est passé au
miocène, au début de l’ère tertiaire, il y a environ 25 millions d’années. Ces
profondeurs faites de montagnes, les unes plus élevées que les autres,
resteraient à jamais dans leur silence sous-marin, sans ce glissement dû à
l’action continue des bouleversements du noyau de la terre. Sommets
émergés au cœur de ce continent “continent,” pour ces européens, mais en
réalité aussi vieux que le big-bang. Sommets de montagnes perdues au fond
de l’océan et devenant montagnes à leur tour pour créer, pour le meilleur et
pour le pire, cette Caraïbe d’Iles, de crêtes et de profondeurs. Caraïbe de
glissements permanents. Caraïbe à la géographie particulière… Hayti, Ile
joyau de la Caraïbe… C’était en 1942.

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Dans une des superbes baies de cette île qui allait être le théâtre
d’événements inénarrables dans leur barbarie, je vice-roi des Indes, l’amiral
Christophe Colomb a décidé, ce matin du 6 Décembre 1492, de jeter l’ancre.
Cette baie, depuis lors, porte le nom de Môle Saint-Nicolas, batipsée ainsi
par le très chrétien amiral en l’honneur du saint dont c’était la fête au
calendrier de Rome. Le pays des Taïnos venait d’être découvert par les
envoyés de leur Altesse royales, Ferdinand et Isabelle d’Espagne. En
nouveau chef des lieux, il regardait du haut de sa superbe ces “naturels” qui
s’en allaient nus ou légèrement vêtus. L’amiral et son équipage prenaient
plaisir à voir ces êtres qui, pour les accueillir, dansaient sautaient de joie,
comme des enfants. Ils ne retenaient pas, en effet, leur bonheur de recevoir
pour la première fois des visiteurs à la peau si blanche et au corps recouvert
d’étoffes. Pas un instant ils n’ont hésité à apporter leur aide à leurs visiteurs
pourtant le premier fort européen en Amérique, le Fort de la Nativité.

Colomb fit son tour du propriétaire. La beauté de l’île l’avait


conquis : hautes montagnes que séparaient de vastes plaines et de larges
vallées ; oiseaux de toutes tailles et de toutes les couleurs ; arbres
majestueux ; forêts denses ; champs de graminées à perte de vue ; cours
d’eaux impétueux bavardent gaiement avec le vent… Dans l’océan, tout
autour, plusieurs îlots, tels des sphinx, montaient jalousement la garde.

Le nouveau maître ne pouvait s’empêcher de manifester sa joie : ce


paradis sur terre lui rappelait “la campagne de Cordoue.” Oui, un parfum
tout méditerranéen flottait dans l’air ! L’Espagne était présente… Aussi, l’île
s’appellera Hispaniola qui signifie petite Espagne.

La diversité du relief de petite Espagne (l’île n’avait que 350 lieues


de contour et 5,200 lieues carrées de surface), était phénoménale. Les
montagnes comme le Cibao, le Bahoruco, la Selle, la Hotte offraient à leur
sommet une température printanière ou même automnale : sur la cime de la
Selle, le thermomètre descendait quelquefois au-dessous de Zéro. Dans les
plantes d’Europe ou d’Orient pourront s’adapter à un tel climat. La richesse
d’Hispaniola semblait intarissable. L’or, ce métal que les “Indiens” offraient
à leurs dieux, était en abondance dans les sous-sols : les nombreux objets
travaillés par les “Indiens” en témoignaient.

Au pays des Taïnos, les Espagnols n’ont pas rencontré de


“sauvages.” Les autochtones vivaient dans un système social rigoureusement

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structuré, hiérarchisé en trois groupes : les nobles, les gens simples et les
serfs. Les nobles jouissaient de nombreux privilèges tels que : tribut sur le
travail des serfs, polygamie (Bohechio, le cacique du Xaragua, “possédait,”
à lui tout seul, 30 femmes !). L’île était divisée en unités politiques appelées
caciquats. On en dénombrait cinq. Chacun avait à sa tête un cacique au
pouvoir héréditaire et de lignée maternelle : ne pouvait succéder à un
cacique que le fils ou la fille de sa sœur aînée. Pouvoir de proximité, car
dans les régions, les vice-caciques représentaient, avec beaucoup
d’autonomie, le cacique, et étaient chargés de l’administration de la vie
civile, militaire, politique et religieuse. Ils étaient responsables de
l’organisation de la production agricole, du stockage et de la gestion des
denrées. Les administrés leur devaient une obéissance aveugle.

Regroupés dans des villages, les Taïnos menaient une vie paisible
faite de travail agricole, de cérémonies religieuses et loisir sacrés. Dans les
grandes fêtes comme l’areito, tout le village se réunissait sur la place
centrale appelée batey. On organisait un areito à l’occasion de la visite d’un
chef ami, de l’accession au trône d’un cacique, d’un événement inattendu et
heureux. Magnifique fête de la musique, du jeu, du conte dit ou chanté ;
voluptueux spectacle de corps graciles et de mouvements gracieux ;
raffinement des visages peints de roucou, de l’élégance des pagnes… : les
Taïnos chantaient, dansaient, récitaient des poèmes, appelaient les esprits par
des invocations angéliques, présentaient des offrandes au dieu Zémès,
célébraient leur liberté et leur fraternité pour l’éternité !

Peuple heureux, accueillant et bon, alternant le léger travail dans


les champs de maïs et de manioc avec de longues siestes dans leurs hamacs,
à l’entrée de leurs ajoupas.

C‘est ce peuple qui allait être mis à mort par conquistadors au nom
du dieu écu d’or, au nom des saint Anges et des Saints Innocents, au nom de
la civilisation occidentale…

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Hispaniola : île usurpée

La rage folle de richesse des Espagnols n’avait d’égal que leur


cruauté vis-à-vis des Taïnos. Las Casas, dans ses écrits, a laissé des passages
très instructifs sur les faits qui ont amené au génocide des « Indiens » :

“Lorsque les Espagnols entraient dans les villages, ils immolaient à


leur rage les vieillards, les enfants et les femmes, n’épargnant même pas
celles qui étaient enceintes ou qui venaient d’accoucher : ils leur ouvraient le
ventre à coup de lances ou d’épées. Ils égorgeaient le peuple comme un
troupeau de moutons dans un parc, et pariaient à qui couperait le mieux un
homme en deux d’un coup de taille ou à qui enlèverait plus adroitement ses
entrailles.”

Barbarie de civilisés ! Crimes odieux d’hommes-égorgeurs,


d’hommes-éventreux, violeurs ! Contre de tels suppôts de satans, le pouvoir
magique des Zémès n’avait aucun effet. Ils ne pouvaient plus entendre
d’ailleurs les cris continuels des Taïnos dépecés comme du bétail. Ils ne les
voyaient pas mourir par milliers dans les mines d’or d’Hispaniola.

Moins de trente ans après le débarquement des Espagnols, il restait à


peine 4 000 sur les 100 000 Taïnos (certaines sources douteuses parlent de 1
à 2 millions), trouvés en 1492, Hispaniola était devenu le tombeau de toute
une race ! Avec ces femmes et ces hommes doux et généreux disparaissait
cette civilisation où l’être humain vivait en symbiose avec la terre qu’il a vu
naître, la peuplait de dieux divers, en tirait dans un rituel sacré les fruits
nécessaires à survie. Fragilité d’une civilisation fondée sur la paix, la vie
communautaire, la décentralisation du pouvoir, le respect des dieux.

Les Taïnos exterminés, les mines d’or abandonnées parce que vidées
rapidement de leur contenu, il ne restait qu’aux Espagnols qu’à partir
d’Hispaniola ou à remplacer l’or des mines par un autre fruit tout aussi
juteux pour la couronne royale.

Le choix était vite fait : la colonie se convertirait en une vaste


machine à sucre. La culture de la canne faisait la fortune des Portugais
depuis plusieurs années au Brésil. Les conquistadors feraient comme eux. Le
marché commençait à peine à se développer, car l’utilisation du sucre trouve

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des domaines nouveaux : de médicament il devient ingrédient indispensable
pour toutes sortes de mets et de boissons !

Hispaniola sera couverte de champs de canne sur toutes les terres


situées à une distance pas trop éloignée du littoral. Question de faciliter le
transport du sucre vers les comptoirs de vente outre-Atlantique.

Avec la culture de la canne, la main-d’œuvre africaine viendra


remplacer l’indienne. Cela est aisé, car on en avait un certain nombre en
attente dans les dépôts d’Espagne et du Portugal. Si cela ne suffisait pas, on
achèterait directement de l’Afrique. En ce temps-là, on achetait “du nègre”
comme on achetait “du bétail” pour faire les moulins. En moins de 70 ans,
Hispaniola s’était transformée en une vaste et infernale machine à sucre
broyant jour et nuit des corps d’esclaves transportés en Amérique dans les
câles sordides des négriers de la mort.

Mais comme une tempête soudaine, l’essor d’Hispaniola allait cesser


vers les années 1570-1580. La production du sucre, après celle de l’or,
n’enrichissait plus les conquistadors. Cette fois, une seule option est
retenue : partir. Qu’importe s’il a fallu exterminer tout un peuple,
bouleverser de fond en comble le paysage de l’île, détruire sa faune et sa
flore premières, introduire sur les terres agricoles des plantes dévoreuses
d’éléments nutritifs. Qu’importe tout ce gâchis. La seule chose qui compte :
maintenir à son état pur l’objectif d’enrichissement rapide. Que périssent la
colonie et tout ce qu’elle comporte si elle ne peut y conduire ! Et c’était le
sauve-qui-peut vers d’autres lieux plus propices. Thomas Madiou nous dit à
ce propos : “A la faveur de cette désorganisation sociale, des hommes dont
l’audace, l’énergie, l’intrépidité rappellent les incursions des Scandinaves
dans le centre et au midi de l’Europe, s’établirent à Hispaniola qu’ils
nommeront Saint-Domingue, et répandront la terreur de leurs armes parmi
les Espagnols comme ceux-ci avaient jeté l’épouvante parmi les
aborigènes.” Perpétuel retour des faits, déroulement impitoyable de l’histoire
qui sans cesse revient à commence.

Haïti : Le triomphe des va-nu-pieds

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Ils ne pouvaient y croire, ces partisans de l’exploitation de
l’homme par l’homme : Saint-Domingue n’était plus française ! Sur ses
cendres, une nouvelle nation était née !

Que les Américains, ces Européens d’hier, le fusil à la main, aient pu


prendre de force leur place dans le concert des Etats d’alors, cela avait bien
évidemment dérange les plans de l’Europe, de l’Angleterre plus
particulièrement, mais on s’y attendait quelque peu : les causes produisant
les mêmes effets. Les Espagnols, les français et tous les autres s’étaient bien
libérés du joug des Romains et des Arabes, au premier millénaire de l’ère
chrétienne.

Que cela se soit produit aussi dans les vastes colonies espagnols de
l’Amérique du Sud où le pouvoir politique et économique réel était entre les
mains des grands propriétaires fonciers, grands seigneurs “créoles” qui
avaient accaparé toutes les terres possibles, au moment de la conquête, et qui
avaient pris goût au mode de vie colonial jusqu’à constituer de véritables
micro-sociétés recoupant les contours de tout l’Empire des Indes, l’Europe
aurait malgré tout compris.

Mais qui aurait pu prévoir que Saint-Domingue serait au cœur


d’une telle tourmente, d’un tel cataclysme social et politique ? Par quelle
alchimie cette justeuse colonie parviendrait-elle à se libérer de l’étau
napoléonien ? Avec quelles “têtes bien faites” pouvait-elle se mettre à la
tribune des nobles ou des jacobins pour proclamer sa liberté ? Avec celles de
ces nègres qui ne savaient rien d’autre que le travail dans les champs de
canne, de café, de coton ou de cacao ? Ou celles de ces grands propriétaires
qui, une foi leur fortune assurée, passaient la majeure partie de leur temps en
France et finissaient par y vivre entièrement, laissant leurs biens aux mains
de leur progéniture moins expérimentée, connaissant moins les spécificités
de la vie coloniale ? Ou encore celles de ces négociants, représentants de
maison de commerce dont les capitaux et les intérêts étaient ailleurs ? ou
bien celles de ces engagés qui, aujourd’hui, ne savaient pas où ils seraient
demain, mais qui dans leurs rêves de vie de princes ne se voyaient pas très
loin des grandes villes européennes, dans le confort des hôtels ou des palais
de style roman, gothique, rocaille ou autre ?

Trop occupés à s’enrichir, les colons de Saint-Domingue n’avaient pas


mesuré les dimensions de la colère des esclaves et des affranchis. Bien sûr,
ils avaient compris les intentions de Toussaint Louverture et de ceux qui

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l’entouraient. Mais, ils avaient vite fait de décapiter le mouvement en
éloignant Toussaint de Saint-Domingue. Ils avaient procéder ainsi pour tuer
dans l’œuf les rebellions d’esclaves de Saint-Domingue. Même Moreau de
Saint-Méry, l’historien éclairé qui avait, par ses analyses intelligentes,
dessiné l’évolution logique de la coloniale, n’avait pas envisagé une telle
issue aux multiples révoltes dont il nous a laissé le récit.

Le projet des Français, pendant tout le temps qu’ils étaient les


maîtres de Saint-Domingue, soit du XVIe au XVIII siècles, n’avait jamais
été celui de la création d’une société ou d’une micro-société coloniale.
Contrairement à leurs voisins espagnols en Amérique du Sud, les colons
français ne laissèrent la France que sur une base provisoire, jamais
définitive. Seule la passion du gain sont toutes ses formes les y avait
emmenés. La mentalité dominante était celle de l’aventurier : “Il faut vivre
pour soi, être égoïste par nécessité comme calcul, et ne songer qu’à l’or,”
pour les mots de Moreau de Saint-Méry. Un 18 Novembre 1803, un fait
d’armes inusité, surprenant, s’est produit : des va-nu-pieds ont mis en
déroute la plus grande armée du monde ! Tous les espoirs étaient dès lors
permis. Une nouvelle nation allait voir le jour ! Les rois et les princes de
cette terre ont eu leur leçon : les êtres les plus avilis, les plus exploités
peuvent relever les défis les plus grands. La force du combattant, c’est
d’abord sa conviction.

Notre pays : l’une des premières républiques de l’ère moderne.


Pas grand, bien sûr. Dans ses dimensions actuelles, certains, en le comparant
à plusieurs pays du monde, déclarent qu’il est un peu moins grand de la
Belgique, un peu plus qu’Israël ou encore presque égal en superficie à l’Etat
de Maryland aux Etats-Unis. Plus objectivement, ces deux bras tendus vers
l’ouest, bordés par la Mer des Caraïbes, l’océan une superficie de 27.750
km2 avec une longueur de 200 km en allant du nord au sud et 300 km en
marchant de l’Est vers l’Ouest.

République de mornes. “E dèyè mòn gen mòn !” Mornes et bassins se


succèdent tels des vagues de terre. Bassins versants. Versants exposés aux
vents. Sécheresse des autres. Le climat d’Haïti, c’est cette opposition entre le
sec et l’humide. L’eau et le feu tour à tour montrent leur force. Agoué et
Ogou jouent à la guerre et à la paix ! Saison chaude. Saison fraiche. Saison
pluvieuse. Saison sèche. Valse à deux temps. Climat à deux saisons. Zones
proches du niveau de la mer, les plus chaudes, surtout à l’ouest où les rayons
du soleil dardant tout allument un feu de 32 de grés à l’ombre, certains de

25
Juillet. Plus haut dans les montagnes, le thermomètre affiche sous la barre de
zéro, dans un doux brouillard que n’accompagnent ni neige ni verglas, 5, 10
et même 15 degrés centigrades.

Une victoire mais…

Aborder les problèmes du sous-développement d’Haïti, de la


gestion de l’Etat, de l’implantation des idéaux qui, depuis la fin de l’époque
esclavagiste, ont fleuri en occident tels que : tolérance, droits de l’homme,
participation, démocratie, etc., exige une mise en perspective judicieuse, une
distanciation symétrique pour un corps serein avec les faits.

Haïti n’avait pas reçu de message de félicitations à sa naissance.


Bien au contraire. Hostilité générale. Isolée diplomatiquement, dépourvue de
cadres. La reconstruction de ce pays dévasté par la guerre, menacé de toutes
parts, était difficile. Il fallait concentrer les ressources pour assurer la
défense de cette patrie si durement acquise. L’armée indigène, devenue
nationale, allait occuper tout l’espace politique. Haïti vivait en état d’alerte
permanent. La sauvegarde de notre Indépendance était un principe sacré.
Seule une armée nous protègera de tout débarquement futur, qu’il soit
français ou autre. Hypothèse de survie non rejetable aujourd’hui encore.
L’esclavage des nègres par les blancs ne devrait plus être le système de
gouvernement de cette terre. Il n’était pas question de vivre à nouveau en
esclavage. L’Haïtien qui aime sa patrie doit se préparer à la défendre contre
attaque éventuelle de ses ennemis. Et ainsi, tout naturellement, on en est
venu à développer le culte de l’armée, le culte du militaire. La jeune nation
sera donc organisée militairement. Mais dans tous les domaines la carence
de cadres se faisait sentir : au lendemain de la proclamation de
l’Indépendance, Dessalines ne pouvait trouver du côté des civils que trois
personnes formées, disponible pour l’assister dans sa lourde tâche : il les a
nommées secrétaires d’Etat et ministres. Il n’y avait que 20 médecins (pour
la plupart, des blancs épargnés ors du massacre) et deux dentistes pour les
400 000 esclaves et affranchis devenus citoyens.

Aussi, tout au long du XIXe siècle, une instabilité politique


chronique et la décapitalisation résultant du service d’une dette considérable
vis-à-vis de la France en paiement pour la reconnaissance de l’Indépendance
du pays, faisaient obstacles aux efforts créateurs entrepris pour assurer notre
liberté. Comme l’écrit avec justesse Alix Mathon : “La France vendit a Haïti

26
le territoire de St-Domingue que cette dernière venait de conquérir.” Une
somme égale à quatre fois le budget annuel de l’époque a été réclamée par
l’ancienne métropole : cette cinquante millions de francs ! C’était le prix à
payer pour nos ancêtres égorgés, éventrés, assassinés, massacrés, décapités,
torturés au supplice de la roue, bouillis dans les chaudières à sucre, battus,
violés, poignardés, pendus, fusillés… Il fallait payer pour exister,
commencer, éduquer, soigner, s’équiper en produits de toutes sortes. Et les
banquiers de la métropole ont apporté les moyens pour que Haïti paie la
dette réduite, après maintes requêtes, à soixante millions de francs. A défaut
du travail des nègres, on a leur argent. Malin, non !

Malgré tout, l’Occident n’avait pas dit son dernier mot. Un siècle
après, il fallait faire taire Haïti, la République agitée de l’Amérique. La
doctrine de Monroe a fourni stratégiquement l’alibi : « l’Amérique aux
Américains ! » Et c’était 1995, le débarquement des forces américaines. Ils
voulaient nous discipliner, nos grands voisins, nous faire comprendre que
désormais nous ne pouvions plus vivre sans eux. Ils voulaient, nous avaient-
ils laissé entendre, résoudre nos problèmes socio-économiques. Hélas !
Quand ils sont partis en 1934, nous étions aussi pauvres qu’avant et même
plus : ils avaient indexé notre gourde, autrefois forte, à leur dieu vert !
Presque toutes nos réserves en or ont été consacrées à cette opération
réalisée sans transparence. A partir de ce moment, il ne nous restait plus
grand-chose pour asseoir un éventuel développement économique.

Ce retour sur certaines époque de notre histoire largement


enseignées dans nos écoles primaires et secondaires nous permet de mettre
en lumière deux traits parmi les plus dominant du malheur qui a frappe notre
pays depuis ses origines jusqu’à la fin de la dictature en 1986 :

1) Une terre surexploitée, broyée, drainée de tout son miel,


asséchée jusqu’au plus profond de ses entrailles depuis
plusieurs siècles ;

2) Une absence terrible d’élites, résolument engagées dans la mise


en valeur des ressources du pays à des fins non individuelles.

Ces deux facteurs endogènes n’excluent nullement les facteurs exogènes non
rappelés ici.

27
Haïti : une terre surexploitée

A Saint-Domingue, les esclaves domestiques comme ceux ces champs


participaient presque tous à la production du sucre. Ils plantaient, tenaient la
charrue, récoltaient, transportaient la canne au moulin, en faisaient cuir les
différents jus obtenus après le broyage, embarquaient ces jus pour l’Europe.
La seule source d’énergie utilisée à Saint-Domingue pour les multiples
cuissons de la canne était le bois. Alors les esclaves, sur ordre de leurs
maîtres, coupaient pour la construction, pour la fabrication des charrues et
des tonneaux, pour l’exportation, etc.

A l’œuvre de destruction qu’accomplissaient les racines dans le sol


de Saint-Domingue il faut aussi ajouter la coupe des arbres. Qu’importe si
presque plus rien ne pourra, dans quelques décennies, être produit à Saint-
Domingue. La colonie n’est pas une fin. Ce n’est qu’un passage pour une vie
meilleure en métropole.

Grands planteurs ou petits blancs, les maîtres ne cachaient pas leur


ennui d’habiter, même provisoirement dans une colonie. Aussi, nous DIT
Moreau de Saint-Mery, “La manie générale est de parler de retour ou de
passage en France. Chacun répète qu’il part l’année prochaine et l’on ne se
considère que comme des voyageurs.” Quel colon était attaché à la terre de
Saint-Domingue comme à sa patrie ? L’histoire n’a pas retenu son nom, s’il
y en avait un.

Déjà en 1792, soit trois siècles après la « découverte » de Christophe


Colomb, il ne restait pas grand-chose de des forêts chantées au moment de
l’arrivée des Européens à Hispaniola. “Les seules forêts qu’on remarquait,
nous dit Girod Chantrans, c’étaient celles qui couronnaient les mornes qui
sont tous boisés à leur sommet ; mais les croupes sont défrichées et
couvertes de caféteries qui font vivre plusieurs habitants.”

L’absence de « sentiment d’appartenance » à cette apparente société


coloniale allait marquer au fer rouge ce nouvel Etat qu’au lendemain de
l’Indépendance les fondateurs de la patrie avaient pour mission de forger.
Connaissant le même mauvais sort que Saint-Domingue, Haïti avait pris les
contours de ce lieu absurde auquel personne n’apportait rien mais qui était
mis à sac, à chaque crise politique, à chaque changement de gouvernement
par les commerçants comme par les agents de l’Etat.

28
L’affirmation-question de Dessalines autour du partage des terres de
Saint-Domingue travaille encore notre réel : et les pauvres nègres dont les
pères sont en Afrique, ils n’auront donc rien ? » Et qu’est-ce qu’ils ont eu ?
On a utilisé leurs bras pour déboiser, broyer, bruler, saccager, raviner, éroder
et leurs poches sont restées vides. Qui ose les accuser de destruction de
forêts et de plantations ? Les coupables, ce sont ceux-là qui se sont enrichis
du sol et du sous-sol d’Hispaniola, de Saint-Domingue ou d’Haïti.

Absence d’élites, défendant les intérêts nationaux. Sans la


connaissance pratique que donne l’expérience, sans la connaissance savante
qu’amène la pratique des livres et des grands serviteurs de la pensée
universelle ou de l’administration des structures de l’Etat, sans la
compétence acquise au cours des ans ici où la, dans une structure productive
quelconque, il était difficile sinon impossible à quiconque de réussir à
transformer une terre écologiquement saccagée, habitée par des îlots
humains d’égoïsme, de concupiscence, d’irresponsabilité, de mégalomanie,
en pays organisé où les pauvres devront avoir les mêmes droits que les
riches, où le clientélisme, la prévarication, etc., ne s’érigeront pas en
système, où la justice ne sera pas vendue aux plus offrants, où le vol des
fonds de l’Etat sera puni avec la plus extrême rigueur… Un pays où il fait
bon vivre… Notre pays…

Aujourd’hui, le défi est colossal. Pour y arriver, nous devons compter


sur notre population, notre principale richesse. Cette population estimée à
7.7 millions d’habitants (10 millions en 2010), extrêmement jeune
: moins de 6% sont des personnes âgées de 65 ans et plus. En équilibre
presque total des sexes : 49% d’hommes et 51% de femmes.

Population de migrants, d’immigrants. Les Haïtiennes et Haïtiens


sont le produit de migrations massives – migration forcée de centaines de
milliers d’Africains et migration volontaire de quelques milliers de Français
et autres Européens. Majoritairement africaine dans sa composition, Haïti a
fait place belle à ses métis ou mulâtres, filles et fils de blancs et d’esclave.
Nègres des mornes, force vive de la nation. Force en perpétuel mouvement.
Migration interne vers les terres marginales, les montagnes et les régions du
centre du pays au XIXe siècle. Migrations externes vers les plantations
sucrières des pays voisins et vers les métropoles étrangères ainsi que la
poursuite de la migration interne (vers Port-au-Prince), pendant le XXe
siècle.

29
La population urbaine qui était de 8% en 1950 est estimée aujourd’hui
à 35%. Migration positive dans le sens où elle peut être synonyme de
regroupement, de fraternité, de solidarité dans la lutte, dans la résistance.
Masse puissante qui dit non à l’oppression. Communion de tous les migrants
et immigrants haïtiens, notre victoire du début de cette décennie, la dernière
du siècle. Vox populi vox Dei. Puissance populaire. Peuple multiple des
bidonvilles, des villes, des campagnes, peuple haïtien de partout, de
l’Amérique, de l’Europe et autres.

Par, pour et avec ce peuple analphabète, tenu à l’écart des grands


dossiers du monde moderne : recherche fondamentale et appliquée, virage,
mondialisation… Nous avons dit aux massacreurs, pour que cette terre cesse
d’être arrosée par le sang des pauvres, des va-nu-pieds, des exploités. Nous
avons mené la lutte à la manière moderne : le bulletin de vote à la place du
fusil !

1990 : Lavalas ou la dignité reconquise

16 Décembre 1990 : dans la paix et les respects des droits de nos


adversaires politiques, nous avions pris le pouvoir pour conduire notre
peuple vers une Haïti meilleure. La mobilisation a été extraordinaire ! Le
peuple haïtien a décidé, après plusieurs décennies de lutte intense, de confier
sa destinée à nous, hommes et femmes du mouvement Lavalas. L’événement
a été largement couvert par la presse nationale et internationale car, ici
comme ailleurs, les démocrates se demandaient si cette fois encore le sang
de notre peuple maculerait cartes électorales et bulletins de vote ! Il a fallu
que naisse le mouvement Lavalas pour que l’inimaginable devienne réalité :
pour la première fois de son histoire, Haïti a pu élire son Président au
suffrage universel, après avoir conduit à terme des élections libres, honnêtes,
démocratiques et populaires. Le monde entier a été ainsi le témoin du
bonheur de tout un peuple, qui, dans une liesse incommensurable, disait sa
foi en l’avenir, sa fierté de peuple à nouveau libre ! Notre peuple, par un de
ces traits de génie qu’on lui reconnaît, a magistralement démontré que le
“papier” est une arme éminemment plus résistante, plus glorieusement que le
“fer” ou la baïonnette ! Notre allégresse, nous l’avons chantée et dansée sur

30
tous les sentiers, dans toutes les rues, sur toutes les places publiques, dans
les beaux quartiers comme dans les bidonvilles de notre pays qui voyait
enfin venir l’heure de sa renaissance !

Le 16 décembre 1990, nous, du mouvement Lavalas, avions juré


de transformer ce pays en une terre d’équité, de solidarité et de liberté ! En
lieu et place de l’ignominie de la dictature, nous avions voulu, dans le cadre
d’un rassemblement général, égal à celui qui nous avait donné 1804, faire
naître une dignité aux dimensions de nos aspirations, de nos espoirs les plus
grands, de nos talents les plus beaux ! Cette dignité nouvelle que nous
avions baptisée “Lavalas,” allait exiger de nous, nous le savions et nous le
voulions, les efforts les plus grands, les stratégies les plus subtiles et des
sommes d’argent jamais encore dédiées à la réalisation des projets conçus
pour l’amélioration des conditions de vie du peuple haïtien tout entier ! La
tache n’allait pas être aisée, nous le savions, mais nous étions décidés à
lutter jusqu’au bout de nos forces, jusqu’à la dernière goutte de notre sang
pour gagner ce noble combat.

Nous avions pris le pouvoir pour faire du rêve de chaque haïtien, de


chaque haïtienne, de chaque lavalassien, de chaque lavalassienne, une
réalité. Ce rêve qui s’organisait tel un triptyque de trois syntagmes-clés, de
trois termes maîtres, ce rêve de pauvres, notre rêve, aussi clair dans son
énoncé qu’un ciel de décembre caraïbéen, était le suivant : Justice,
Transparence, Participation. En d’autres termes, des écoles pour nos enfants,
des centres de santé, de la terre, du pain et du travail pour tous. Le chemin
était parsemé d’embûches. Mais pour un peuple qui s’est donné en
holocauste tant et tant de fois, pour le triomphe de la liberté et de la justice,
quel sacrifice devrait-on refuser pour qu’un jour les fléaux qui l’accablent
depuis si longtemps ne soient plus qu’un triste souvenir ?

Face à cette responsabilité historique, nous avions pris la peine de


scruter les enjeux. Et les statistiques rappelaient à notre jugement toutes les
données recueillies dans les différents secteurs de la vie nationale. Nous
étions au bord du gouffre !

• Plus de 500 000 de nos enfants âgés de 6 à 12 ans ne


fréquentaient aucune école ;

• 75% de notre population étaient analphabètes ;

31
• 117 de nos enfants sur mille mouraient à leur naissance ;

• Seulement 11.700km2 sur les 27.800 de notre territoire étaient


cultivés (dont cultures itinérantes dans les zones de pâturages)
quand les luttes sanglantes dues à des litiges divers n’interdisaient
pas tout simplement leur exploitation ;

• Le revenu annuel per capita de notre ne peuple dépassait pas 250


$US ;

• Notre taux de croissance démographique était le plus élevé de


l’Amérique ;

• Dans les bidonvilles, la densité moyenne de la population avait


atteint un point critique, soit plus de 1.500 personnes au km 2. (A la
campagne, on en compte 225 au km2) ;

• Le chômage frappait plus de 60% de notre population ;

• Etc.

La question maintenant est savoir si la volonté des combattants


d’aujourd’hui peut transformer cette société post-dictatoriale. Notre est riche
en jeune et moins jeunes, instruits ou non, qui travaillent ou veulent
travailler à son développement dans la paix, dans nos 565 sections
communales nous trouverons les bras, les cœurs et les cerveaux qu’il faut
pour bâtir l’avenir ! Nous investirons en eux nos ressources. Nous avons en
foi en un lendemain de victoire. La restauration de la démocratie, le 15
octobre 1994, nous a apporté un climat de liberté qui nous permet de
regarder la réalité en face. Aujourd’hui où en sommes-nous ?

32
LES SECTEURS PRODUCTIFS

33
Chapitre 2

AGRICULTURE

Aujourd’hui, deux tiers des terres cultivées se situent dans les


mornes dénudés et l’autre tiers, dans des plaines épuisées.

Ces dernières années mises à parts, le paysan haïtien a toujours été


abandonné à son sort. Les dirigeants antérieurs s’attendaient peut-être à ce
que, dans sa hutte, il découvre, comme Archimède dans sa baignoire, les
techniques appropriées de conservation de sols, les systèmes d’élevage et de
culture les plus adaptés à l’environnement, les intrants les plus efficaces lui
permettant d’atteindre avec aisance les objectifs de production visés ! En
termes clairs, il fallait qu’ils soient des génies en lieu et place des laissés-
pour-compte qu’on en avait fait.

La réalité du paysan est, bien sûr, tout autre. En Haïti, la terre et les
hommes sont sinistrés ! Les données sont connues et incontestées.
Regardons-les pour mieux apprécier l’étendue de notre tâche.

34
Le cadre physique et les cultures pratiquées

Le territoire haïtien occupe une superficie totale de 2.769.500 ha


qui se répartissent de la façon suivante :

Répartition des terres

Superficie Totale 2, 769,500 ha 100%


Superficie cultivée en montagne 556,300 20.1
Superficie cultivée en plaine 351,500 12.7
Superficie cultivée en espèces pastorales 500,000 18.1
Superficie boisée 251,500 9.1
Superficie érodée sans végétation très rare 1,080.000 39.0
Autres terres (routes, villes etc) 30,200 1.0

Les terres cultivées, en additionnant les surfaces de plaine et de


montagne, s’étendent donc sur 907.000 ha, ce qui équivaut aux tiers du
territoire national. Si l’on y ajoute, pour déterminer la superficie cultivable,
les zones dites pastorales qui ne font pas l’objet jusqu’à présent d’une mise
en valeur intensive, on obtient 1.407.800 ha de terres exploitables. Le
tableau des caractéristiques des grandes aires agricoles, milieu agricole et
occupation du pays.

Mode de faire-valoir et structure foncière

Il convient de souligner la place prédominante occupée par les petites


exploitations. En effet, 71% des exploitations ont moins d’un carreau (1
carreau = 1.29 ha), Le morcellement des exploitations n’implique pas
forcément le morcellement de la propriété de la terre. Il existe ainsi de

35
grandes propriétés privées en plus de grands domaines de l’Etat. Ce fait
clairement établi par les données dans le tableau ci-dessous :

Mode de faire-valoir et structure foncière

Utilisateurs Nombres Pourcentages


Propriétaires 877.231 60.30
Fermiers de l’Etat 55,110 3,83
Fermiers de particuliers 150,673 10,30
Métayers 208,209 14,40
Total 1,455.115 100%

Caractéristiques des grandes aires agricoles, milieu agricole et occupation du sol


Aire de culture et Superficie % de la Pente Pluviométrie Temp Sols Capacité Produits
altitude (HA) superficie (mm/an) oC Rétention principaux
cultivée d’eau
Montagnes 207,500 15% moyenne 1600 2000 16-24 Fonds bonne Café/ maïs,
Humides alt. 500 à Rouges, Haricots,
1600 m noirs Bovins
Légumes,
Fruitier
Montagnes 350,000 25% forte 800- 1500 25-30 Basalte faible Maïs, millet
Sèches calcaire Pois congo,
500 à 1600 m Vétiver
Plaines basses, 650,000 45% faible 600-1400 25-30 varies variable Maïs, millet
Hautes, arides Pois congo,
40 à 500 m Coton,
manioc,
Coton, canne
Plaines humid, 137,500 10% faible 1600-2000 25-30 Alluvion moyenne Maïs, haricots,
100 m bananes, riz,
Fruitiers,
canne
Plaines irrig 85,500 5% faible 1200-1800 25-30 alluvion Faible ou Maïs, haricots,
moyenne bananes, riz,
fruitiers,
canne
Tabac, tomate

Un pays de paysans sans terre à 40% ! Dans un de ses rapports, la


FAO (1995) précise que 70% des exploitations agricoles de notre pays ont
une surface inférieure à 1.28 ha. Quand on sait qu’il faut à une famille
environ 2 à 3 ha pour qu’elle assure sa survie. Ainsi ces 40% de fermiers ou

36
de métayers sont incapables de vivre seulement du produit de leur travail
agricole.

La réforme agraire en cours dans l’Artibonite et en préparation dans


d’autres départements devrait contribuer à l’amélioration des conditions de
travail des paysans. Déjà nous nous réjouissons de constater combien la
réforme agraire a permis de résoudre des conflits terriens de façon pacifique
et ainsi sauver nombre de vies humaines dans cette région.

La main-d’œuvre agricole

Plus de 60% de la population active œuvrent dans le domaine


agricole. C’est dire qu’il est le plus grand secteur en ce qui a trait à
l’absorption de main-d’œuvre. Son importance au niveau de l’économie
nationale devrait être au moins égale à ce taux d’absorption.
Malheureusement, la production agricole nationale n’arrive nullement à
assurer les besoins en calories de la population. La Banque Mondiale, dans
son récent rapport sur la pauvreté en Haïti (1996), fournit des données
intéressantes sur l’approvisionnement alimentaire, pour une année, en tonnes
métriques, équivalent en maïs et en milliers de calories :

Approvisionnement alimentaire pour une année

Tonnes métriques Calories (000) % de calories


Production nationale 900.000 3.241.800 59,00
Aide alimentaire 100.000 360.200 7,00
Importation commerciale 525.000 1.891.050 34,00
Total 1.525.000 5.493.050 100,00

Quand on sait que la population ne cesse de croître à un taux de prés


de 2% l’an, il importe de transformer les conditions archaïques dans
lesquelles se fait l’agriculture en Haïti afin que l’agriculteur puisse vivre de
son travail et la nation manger en quantité et en qualité.

Le salaire d’un ouvrier agricole n’est pas égal dans toutes les zones.
Les plus hauts salaires sont pratiqués dans les régions où l’agriculture
connaît un degré de modernisation et dans les exploitations proches des
grands centres urbains. Les plus bas salaires se trouvent sans les zones arides
et aussi dans les zones enclavées, éloignées des grands centres urbains. Le
paiement peut se faire en espèces ou en nature.

37
Les moyens de production

La terre

Le problème de la terre en Haïti doit être mis en évidence. Elle est


demeurée une ressource rare dans un système de petites exploitations. La
valeur marchande de la terre est fonction des facteurs d’ordre qualificatif
qui, combinés ou isolés, peuvent, à des degrés divers, exercer une in-fluence
sur les prix à l’unité de surface pratiqués dans les diverses régions agricoles.
Dans les zones avoisinant Port-au-Prince, à Fonds-des Nègres et à Jacmel,
etc., la valeur marchande des terres est plus élevée qu’à Fort-Liberté,
Nippes, Hinches, etc. Les unités de basse altitude (plaines) sont plus chères
que celles situées dans les mornes. Dans les plaines où la combinaison de
facteurs comme l’eau, l’accessibilité, la présence d’arbres fruitiers, etc., peut
facilement intervenir, les prix sont nettement plus élevés. Ceci vaut aussi
pour les droits de fermage.

L’eau d’arrosage

Il convient de souligner l’importance des ressources en eau, et


donc de l’irrigation pour l’exploitation agricole. Les coûts de l’eau varient
suivant les exigences des cultures et le type de système. En Haïti, on
distingue divers systèmes. On les a regroupés en quatre grands ensembles :

- Celui de l’Artibonite, qui demeure le plus grand (30.000 ha arrosés), le


plus efficace et le plus économique des systèmes existants ;

- Celui formé par les douze (12) systèmes moyens (arrosant plus de
1.000 ha chacun) qui desservent au total 34.000 ha. Les zones
concernées sont : Les plaines du Cul-de-Sac, de Cabaret/Arcahaie, de
Léogâne, des Gonaïves, des Cayes et de St-Raphaël ;

38
- Celui constitué par les soixante (60) petits systèmes qui contrôlent
selon le cas des aires de dimension variée (entre 30 et 900) et couvrent
un total estimé à 13.000 ha.

- Celui comprenant les stations de pompage d’eau souterraine et de


surface, les puits artésiens (au diesel ou à l’électricité) qui se sont
multipliés particulièrement dans les plaines du Cul-de-Sac et des
Gonaïves, dans la vallée des Trois Rivières, aux Cayes, à Mirebalais et
dans la Plaine du Nord. Dans tous les systèmes inventoriés, l’irrigation
gravitaire est la règle.

Les intrants

Les intrants regroupent l’outillage agricole, les semences, les


engrais, les pesticides.

L’outillage agricole est constitué principalement de houes, de


machettes, de serpettes, accessoirement de fourches pour la culture
manuelle. L’introduction d’instruments mécaniques est récente. Ainsi la
traction animale est utilisée plus particulières et par ordre d’importance dans
la plaine des Cayes, le plateau central (St Raphaël) et à un degré moindre
dans la plaine du Nord, et la plaine de Fort-Liberté. Depuis 1996, l’Etat
haïtien entreprend d’équiper les cultivateurs en machinerie et outillage
agricoles. Des distributions de ces matériels, assorties de conditions de
crédit, d’utilisation e de conservation, ont eu lieu dans le Nord, le Nord-Est,
l’Artibonite et dans la Plaine de Léogâne.

Finalement l’agriculture fait aussi appel à des services d’amont qui


lui fournissent les engrais, les semences et pesticides. En Haïti, les
principales sources d’approvisionnement des agriculteurs en semences sont
constituées par les réserves personnelles prélevées sur la récolte antérieure,
par les achats aux marchés ruraux, et par les échanges entre voisins. Le
Ministère de l’Agriculture, à travers les districts agricoles et les organismes
régionaux, intervient également sur le marché pour procurer aux agriculteurs
des semences de qualité et des engrais dans l’agriculture haïtienne demeure
très faible, malgré une augmentation constante durant les quinze (15)
dernières années. Le prix de subvention pratiqués dans le cadre de certains

39
projets et programmes d’intensification de certaines cultures ont, certes,
favorisé une plus grande utilisation de cet intrant, mais cette démarche reste
encore très timide. L’emploi des pesticides en Haïti se situe quant à présent
à un niveau modeste.

L’élevage

Entre l’agriculture et l’élevage il y a toujours eu en Haïti, et ce depuis


l’époque coloniale, un chassé-croisé, un envahissement de celui-ci dans
l’espace propices à celui-là. L’élevage dans sa forme sauvage a même été
une des armes de destruction de la civilisation des Taïnos utilisée par les
Espagnols : ils lâchèrent des herbivores dans les forets d’Hispaniola en si
grand nombre que, en quelques années, les champs de maïs, de pomme de
terre, de manioc des indigènes furent entièrement détruits. “En tout lieu les
troupeaux seront le plus sûr allié des génocides,” nous dit Marcel d’Ans.

D’une façon générale, l’élevage contribue surtout à l’équilibre de


l’exploitation domestique et n’est pas une activité différenciée sur le plan
national. Dans le cadre petite exploitation paysanne, l’élevage constitue une
forme d’épargne. L’existence des animaux sur les exploitations agricoles
représente une opportunité d’argent rapide. L’élevage est pratiqué dans les
cours des habitants et se fait en général à la corde ou sur les terres en
jachère, où les animaux sont laissés en liberté jusqu’au temps des semailles.
Les porcs, les cabris, les bœufs pour le bétail, les poules pour le menu bétail
forment les espèces les répandues. Toutefois, il existe des entreprises
modernes d’élevage de porcs et de poulets.

Il est à signaler qu’après le programme d’éradication de la peste


porcine africaine qui s’est achevé officiellement en 1986, le pays s’est
engagé dans une vaste opération de repeuplement. A ce jour, il difficile d’en
évaluer les résultats.

Les handicaps du développement de l’élevage

Ce sous-secteur qui aurait dû pouvoir répondre à la plus grande


partie de la consommation locale et absorber ainsi un taux important de

40
main- d’œuvre est aujourd’hui dans un état moribond. Depuis la fermeture, à
la fin des années ’80‚ des usines de son blé (Minoterie), de sucre (HASCO
principalement), d’huile de soja (SODEXOL), l’élevage a commencé
agonie. Pour ne citer qu’un exemple, la production de poulets de chair qui
était estimée à environ 7 millions de poults en 1988 est passée dix ans plus
tard, après la fermeture des usines précitées, à moins de la moitié de cette
capacité.

Beaucoup de faits sont ici relevés, témoignant d’une absence totale de


prise en main par les opérateurs concernés :

- Le bas niveau de la production animale (viande, poissons, œufs et lait) :

- L’ignorance quasi-totale, de la part des éleveurs, des techniques


modernes élémentaires en matière d’élevage ;

- Le très bas niveau de production de viande, de poissons, de lait et


d’œufs

- Le non-dépistage des maladies endémiques ;

- L’importation non contrôlée des produits agricoles venant des pays


proches ;

- Le coût élevé des intrants ;

- L’instabilité des prix à la consommation.

La pèche et l’aquaculture

La pêche maritime

41
La République d’Haïti possède 1535 km de côtes et un plateau
continental peu étendu qui couvre une superficie de 5.000 km 2. Ce plateau,
qui ne dépasse 2 km de large qu’en de rares endroits, est constitué dans son
ensemble de surfaces de vase et de sable entourées de récifs coralliens. On y
trouve environ 17.000 ha de mangroves. Les eaux haïtiennes sont originaires
du courant nord-équatorial portant à l’Ouest. Ce courant ne transporte que
peu ou pas de sels nutritifs mais représente une voie de migration des
grandes espèces pélagiques.

On compte près de 30.000 pêcheurs opérant en mer et plus de 850


dans les eaux continentales. De nombreuses femmes, épouses ou non de
pêcheurs, sont impliquées dans la valorisation des prises débarquées.
L’ensemble du secteur des pêches génère plus de 100.000 emplois directs et
indirects. Pour une consommation annuelle per capita de 4,8 kg, le poisson
représente 18.9% des protéines d’origine animale et de 5.5% des protéines
d’origine animale et de 5.5% des protéines d’origine totale.

La production nationale, qui est de l’ordre de 5.000 tonnes/an, est


de toute insuffisante pour répondre aux besoins du pays, et Haïti importe
chaque année quelques 16.000 tonnes de poissons entraînant des fuites de
devises de près de US $ 5.000.000. Cependant les potentialités halieutiques
et aquacoles ne sont pas négligeables. Il est possible d’une part d’augmenter
la production nationale en exploitant la réserve disponible en mer et d’autre
part de mieux valoriser les mises à terre actuelles de manière à contribuer à
la réduction de la pauvreté tant au milieu rural qu’en milieu urbain. Cela a
été démontré récemment à une échelle réduite. Cela doit être possible avec
une pèche pour les grands pélagiques et démerseaux.

Potentialité et capture estimées au niveau de la pèche

42
Type de la ressource Potentialité estimée Capture estimée
(tonnes) (tonnes)

Poissons dé merseaux 6.000 3000

Poissons pé lagiques cô tiers 7.600 1000

Poissons pé lagiques océ aniques 3.000 1000

Crustacé s (crevettes 100, langoustes 1.500 100+300


300)

Total 19.600 400

La pêche, activité de substance, se pratique en général au niveau


des côtes du pays à cause de l’étroitesse du plateau continental. Elle se
pratique au moyen d’équipements rudimentaires (trémails, fusils, nasses,
lignes, sennes de plages et éperviers) à bord d’embarcations de fortune. Il
existe une forte demande de fruits de mer en provenance des spéculateurs
établis dans les grandes villes et à Port-au-Prince, par le biais
d’intermédiaire qui achètent relativement à bas prix les produits de pêche.
Ces produits sont vendus au poids ou à l’unité à des centres commerciaux.
Ils sont parfois congelés, puis transportés à Port-au-Prince.

Malgré la grande diversité de la faune marine et les nombreux sites


de pêche, le revenu procure par la pêche reste saisonnier, aléatoire et
marginal. Cette branche d’activité est encore à l’état embryonnaire et des
coopératives sont en voie d’organisation un peu partout dans le pays.

Enfin, bien que le secteur des pêcheries en Haïti soit marqué par un
sous-équipement des pécheurs artisans, la faiblesse des investissements
ainsi qu’un manque d’infrastructures et de services essentiels, les contraintes
au développement de ce secteur sont autant de nature institutionnelle que
liées au manque d’intrants. Si les problèmes ne sont pas nouveaux, ils n’ont
pas bénéficié d’une réflexion approfondie. Le développement du secteur a
été abordé au coup par coup en dehors d’un cadre stratégique cohérent et de
politiques sous-sectorielles claires formulées avec la participation des
operateurs privé.

Il faudra donc doter le pays d’un politique en matière de pêche et


inscrire l’industrie de la pêche dans la stratégie de développement industriel.

43
C’est une richesse renouvelable non exploitée par nos concitoyens
comparativement aux autres nations de la région. Et comme la nature a
horreur du vide, il est fréquent de croiser des chalutiers battant pavillon
Anglais, Espagnol, Français, Dominicains, Portoricains, Japonais, etc., dans
les eaux territoriales haïtiennes, drainant littéralement, à l’aide des moyens
modernes dont ils disposent, les bancs de poissons et de fruits de mer de nos
fonds marins. Dans ce contexte, le gouvernement haïtien aura à négocier
avec ses voisins la d’élimination des zones de pêche, en particulier avec
l’Angleterre en ce qui concerne les Iles Turks and Caicos, les
gouvernements de Cuba, de la Jamaïque, de la Colombie et de la République
Dominicaine.

Une stratégie visant l’exploitation immédiate de ces ressources


d’une part, des investissements à susciter dans la pêche et la transformation
d’autre part, devra être déployée afin de donner vie à cette industrie fort
utile et, le moment venu, à notre industrie touristique. D’ailleurs, n’est-ce
pas nos poissons et nos fruits de mer des régions du Nord-Est et du Sud-Est
qui font les délices des touristiques attirés en République Dominicaine.

Aquaculture et pèche continentale

Haïti présente des conditions climatiques idéales pour le


développement de l’aquaculture et de la pêche continentale. A travers les
neufs départements géographiques du pays, plus de 20.000 ha, dont 50%
réputés impropres à l’agriculture, se révèlent favorables pour le
développement de l’aquaculture commerciale. Le pays compte près de
20.000 ha de plans d’eau naturels et artificiels et près de 800 ha de plans
d’eau temporaires qui se remplissent avec les saisons pluvieuses.

Ces lacs sont exploités par moins de 1.000 pécheurs sous-équipés


qui pratiquent une pêche parfois destructive pour des captures allant de 2 à 5
kg/pécheur/jour. La productivité dans les petits lacs (superficie inférieure à
100 ha) peut être beaucoup plus importante. Les rendements dans les petits
plans d’eau empoisonnés et gérés par des groupements locaux de 100 à 400
kg/ha/an.

Nom, localisation et superficie des plans d’eau d’Haïti

44
Nom et localisation Superficie (ha) % du total
Etang Saumâtre (lac naturel saumâtre) 11.300 56.5
Lac Péligre (lac artificiel, eau douce) 4.200 21.0
L’Etang de Miragoâne (étang naturel, eau douce) 1.130 5.6
Trou Caïman (étang naturel saumâtre) 690 3.4
20 petits plans d’eau de 2 à 50 ha du département du Sud 552 2.7
12 petits plans d’eau de 2 à 50 ha du département de la Grand-Anse 86 0.4
19 petits plans d’eau de 2 à 50 ha du département de l’Artibonite 724 3.6
17 petits plans d’eau de 2 à 50 ha du département de Nord-Est 564 2.8
Une centaine de petits plans d’eau temporaire dans tous les départements 754 3.7
Total des plans d’eau pour tous les départements géographiques 20.000 100.00

Le développement futur de l’aquaculture peut amener à


augmenter la production de poissons, l’apport de protéines animales, à
baisser le prix des poissons et à réduire les importations.

Il faut aussi signaler la pêche du tri-tri dans la région de Torbeck et


celles des crevettes à l’embouchure des rivières de Cavaillon, de Torbeck et
de la Grand-Anse.

Quelques orientations

C’est dans le cadre de ces nouvelles orientations qu’il faudra


organiser la relance du secteur des pêches et de l’aquaculture et plus
particulièrement cibler, en priorité, les activités qui contribuent directement
à la réalisation des objectifs macro-économiques, mais sans oublier des
besoins urgents de conservation du patrimoine halieutique. Compte tenu de a
dynamique du système, la politique proposée pour le développement du
secteur des pêches et aquaculture vise les quatre grands objectifs suivants :

• Augmentation de la production de 6.000 tonnes/an à 20.000 tonnes/an


sur une période de 10 ans.

• Réductions graduelles des importations de poissons et une


augmentation progressive de nos exportations de langoustes, de crevettes, de
lambis, de sels marins et d’algues.

• Sensibilisation de la population à la consommation de poissons et à la


protection de l’environnement aquatique à travers des émissions éducatives à
la presse parlée, écrite et télévisée.

45
• Renforcement des capacités organisationnelles et institutionnelles du
secteur pour la mise en œuvre d’un plan durable et la coordination des
activités.

Evolution de l’agriculture au cours des dernières années

Les productions agricoles sont en Haïti aussi diverses que les


terroirs. Néanmoins l’étude historique de l’utilisation et de la mise en valeur
des différentes aires agricoles met en évidence les grandes lignes de
l’orientation de l’agriculture haïtienne. Il est possible de constater que les
systèmes de culture orientés vers la satisfaction des besoins en vivres du
pays occupent de plus en plus de terrain au détriment des denrées
exportables (café, cacao, etc.). La mise en valeur est réalisée par les paysans
dans des conditions traditionnelles où la culture associée est la pratique
culturale la plus répandue. Ainsi l’intégration au marché de cette économie
paysanne s’effectue actuellement en grande partie par des produits vivriers,
de plus en plus commercialisés à la faveur des prix élevés et de la forte
demande enregistrée sur le marché national.

Parallèlement, les grandes fluctuations des cours mondiaux pour


les denrées d’exportation poussent le paysan à accorder une place moins
importante à ces cultures au sein de son exploitation. Le reflux des cours
mondiaux pour les produits exportés pour le pays est pour une bonne part
responsable de la régression des grandes exploitations agricoles en Haïti.

Il est à noter que l’intégration de l’agriculture dans l’économie


nationale s’effectue également à travers la vente de matières premières aux
agro-industries, tant par l’agriculture traditionnelle que par l’agriculture
moderne.

46
Les contraintes liées au secteur

Les handicaps du développement de la production agricole

Bien qu’officiellement notre pays soit classé agricole, il demeure


certain qu’il n’arrive pas à nourir ses enfants. La production de fait est
nettement es-deçà de la potentialité alimentaire économiquement durable de
notre pays, même si potentialité ne peut pour le moment être chiffrée

Malgré les efforts mis ces dernières années sur la production agricole,
il demeure vrai que la vocation agricole d’Haïti reste et demeure handicapée
à plusieurs niveaux. Citons en quelques-uns:

- la précarité du régime foncier,

- le mocellement sans limite des terres,

- le non-encadrement du paysan,

- l’absence d’un système de crédit agricole et d’approvisionnement en


intrants améliorés,

- la mauvaise gestion des terres agricoles,

- le fort taux de pertes avant et après les récoltes (aux envitons de 25%).

- L’envahissement du marché par les produits impoprtés,

- L’absence totale de politique de commercialisation sur la base d’un


revenu minimum garanti pour l’agriculteur,

- L’absence totale de formation agricole et d’animation rurale.

Principales orientations en matière de développement agricole

47
L’agriculture haïtienne représente plus de 27% du PIB national,
occupe plus de 80% de la main-d’œuvre rurale, nourrit actuellement près de
60% de la population. Compte tenu d’une certaine atagnation / régréssion
observée au niveau de l’agriculture haïtienne, le plan de développement
national devrait viser essentiellement à atteindre la sécurité alimentaire, par
un accroisement de la production des denrées alimentaires de base et de
protéines animales. La sécurité alimentaire est l’accès permanent aux
aliments nécessaires à une vie active. Le développement du secteur agricole
est l’une des principales voioes à suivre pour atteindre la sécurité
alimentaire. Celle-ci ne peut s’obtenir que par l’élévation des revenus. C’est-
à-dire par l’accroissement de l’emploi et de la productivité. Il importe
toutefois de distinguer la sécurité alimentaire, qui se réfère à la capacité
d’obtenir des aliments, de l’auto-suffisance alimentaire, qui à la capacité de
les produire localement.

Il faudra tout aussi bien accorder une attention particulière aux


produits traditionnels et non traditionnels d’exportation. Dans cette optique,
l’emphase porte notamment sur :

- les denrées alimentaire de grande consommation, dont le riz, le maïs, le


millet, les haricots, de façon à pouvoir réduire au minimum les
importations nationales de produits alimentaires ;

- les denrées agricoles exportées traditionnelles avec une attention toute


spéciale à la culture du café (Haitian Blue), du cacao, des mangues, des
huiles essentielles, et les denrées exportables non traditionnelles, fruits,
légumes, sucre et autres produits écologique en grande demande aux
Etats-Unis, en Europe et en Asie, etc., de façon à favoriser l’entrée de
devises dans le pays ;

- certaines cultures agro-industrielles, dont la tomate, les fruits et les


légumes pour la mise en conserve en vue de l’approvisionnement de
l’industrie locale ;

- l’élevage porcin et avicole, l’aquaculture et la pêche côtière,


l’apiculture.

Parallèlement, des actions connexes seront menées de front pour


pouvoir appuyer et soutenir valablement l’effort national d’investissements
au niveau agricole à savoir :

48
- l’irrigation, l’un des éléments –clés qui conditionnent le rendement des
cultures au niveau des principales plaines d’Haïti ;
- l’aménagement des bassins versants, la protection des sols et le
reboisement pour enrayer la dégradation des sols du territoire national,
tout en contribuant à revaloriser la production nationale en montagne,
laquelle représente en moyenne plus de 60% de l’ensemble de la
production agricole du pays, et à fournir plus de bois de combustible.
- Le crédit agricole qui devra être renforcé, notamment à l’intention des
petits et moyens producteurs pour pouvoir se procurer le minimum
raisonnable de moyens de production.
- La fourniture d’une solide assistance technique bien comprise.

Il est à rappeler que le paysan haïtien, qui supporte le poids de


l’agriculture haïtienne et qui représente plus de 60% de la population totale,
reste au centre des différentes mesures proposées pour l’amélioration de
l’agriculture. Toutes retombées positives doivent, à lui aussi, être
bénéfiques.

49
Chapitre 3

ENVIRONNEMENT

Un écocide de longue date

Comme une maison livrée au pillage, Haïti, nous l’avons déjà dit, a
été, depuis l’époque coloniale, fouillée de fond en comble, saccagée,
violentée du sous-sol au grenier, dans ses moindres coins et recoins, et cela
par des vagues successives de barbares, de bradeurs, de braconniers ou de
fossoyeurs. Leur but à tous : s’enrichir, de braconniers de la terre d’Haïti et
en ne laissant que le roc pour témoigner de leur folle aventure. Paysage
lunaire ou presque ! Le squelette de la terre, ce sont ces roches que nous
regardons, effrayés, prendre chaque jour un peu plus d’espace et un peu plus
de volume, sur les pentes rapides de nos mornes comme au fond de nos
plaines, alors que notre terre fertile n’est plus qu’un souvenir.

Le sort de la terre d’Haïti est tragiquement lié à l’objectif


d’enrichissement rapide de ses anciens ou actuels exploitants. Déjà, en 1782,
Girod de Chantrans, au cours d’un voyage à Saint-Domingue, opinait en ces
termes, sur le devenir écologique de cette colonie : “La prospérité
momentanée de cette colonie a trouvé jusqu’à présent plus d’admirateurs
que de critiques. Mais ceux qui percent dans l’avenir ne peuvent s’empêcher
de la regarder comme très précaire et digne, sous ce point de vue, de toute
l’attention du gouvernement. A voir l’empressement avec lequel tous les
propriétaires, dans les mornes surtout, épuisent la portion de terre dont ils
jouissent, on croirait qu’un ennemi les menace de s’emparer de leurs
héritages.”

50
Car le défrichage n’avait qu’un but : trouver le trésor, le “jalajan”
qui y est caché ! Canne à sucre, café ou cacao, tous des produits
destructeurs, broyeurs de terre arable. Mais leur culture amène la richesse !
Fortune contre infortune ! La terre est mise à sac. Eternellement incinerée.

Et toutes ces forêts, tous ces champs de maïs, toutes ces plantations
de canne, de cacao ou de café qu’il fallu réduire en cendres pour se libérer
des fers de l’esclavage ! Le spectacle est hideux et de partout on nous le fait
savoir.

A la suite de Cousteau, les écologistes parlent de “génocide à action


retardée” pour désigner le cas d’Haïti. L’écocide haïtien, à la différence de
celui qu’a connu le Viêtnam, n’est pas dû à une guerre, on le sait. Il a pour
cause l’appât du gain vite fait sur une terre on a fait disparaître
préalablement tous les héritiers. Après un génocide, l’autre !

De génocide en écocide, Haïti ne devrait pas tenir le coup. Et


pourtant… elle tient encore la route !

Un certain intérêt pour l’environnement était dénoté, au debut de


l’existence du nouvel Etat, chez ses dirigeants. Le gouvernement de Boyer
avait montré, en effet, sa préocupation quant à la coupe des arbres en
incluant dans le Code Rural un article y relatif (art. 23) : il est defendu “de
couper les arbres sur la crête des montagnes, à l’entour des sources sur le
bord des rivières.” En 1864, Geffrard ajoutait un aspect répressif à cette
interdiction : amende de 100 gourdes (une fortune pour l’époque) et
arrestation étaient prévues pour ceux qui ne respectaient pas la loi sur la
protection de l’arbre.

Il a fallu attendre les années ’70 pour que l’Etat d’Haïti manifeste à
nouveau une certaine préocupation pour la question de l’environnement. En
1972, en effet, des comités et commissions ont été créés, dans la mouvance
de la “révolution économique” annoncée par le gouvernement d’alors. Ces
structures ad hoc, qui n’ont d’ailleurs pas fait long feu, avait pour mission
de lutter contre l’érosion et promouvoir le reboisement. Il s’agissait de : la
Commission Nationale de l’Environnement et de lutte contre l’Erosion, la
Commission Nationale d’Aménagement Forestier du Territoire, le Comité
d’Aménagement Forestier, le Fonds Special de Reboisement. Et, en 1988, un
Ministère de l’Environnement a été créeépour la premiere fois en Haïti.

51
En fait, la situation était devenue si tragique qu’elle dépassait la
capacité d’un ministère sans moyens financiers et materiels à sa disposition.
Les écologistes tiraient, comme s’il en était besoin, la sonnette d’alarme.
Effectivement, notre pays est au bord du gouffre :

- Il ne dispose presque plus de couverture forestière ;

- Entre 40 et 50 millions d’arbres sont coupés chaque année pour nos


besoins énergetiques ;

- Les pertes annuelles de sol arable sont estimées à 36 millions de tonnes


métriques, soit 12.000 ha ;

- Seulement 20% de la population ont accès à l’eau potable

- Seulement 35% des populations urbaines et 1% des populations rurales


ont accès à des installations sanitaires :

- Chaque année, plus de 6.000 ha additionnels de terrain deviendraient


impropres à l’agriculture, à cause de l’érosion.

52
Diagnostic de l’utilisation des ressources naturelles

Les contraintes

La pression démographique actuelle conduit à utiliser de plus en plus


de terres réputées inaptes à l’agriculture. Les superficies cultivées couvrent à
peu près 11.900km2, alors que le potentiel exploitable ne dépasserait pas
7.7000 km2. La géologie et les conditions pédologiques font que la
surexploitation à des effets relativement plus lents, comparés aux autres pays
tropicaux.

Le niveau de surexploitation des ressources ligneuses a atteint un


rythme très préoccupant : plus de la moitié du volume exploité est prise sur
le stock sur pied ; ainsi ce dernier aurait été réduit de prés de 50 pour cent,
bien que les conditions climatiques soient favorables à la croissance des
arbres.

La surexploitation des ressources pastorales est probable dans la


plupart des régions, ce qui contribue à la diminution de la protection du sol,
à la réduction de la régénération des espèces et à la destruction de certaines
nouvelles plantations.

Les pluies torrentielles accompagnent les dépressions tropicales sont


à l’origine d’une forte érosion qui entraine un rehaussement des lits des
rivières en plaine.

Les exploitations de sable et de granulat aux environs de Port-au-


Prince particulièrement défigurent les paysages et accélèrent l’érosion.

Les ressources biologiques des eaux continentales sont très faibles.


L’essentiel des potentialités reste à créer par la construction d’étangs
aquacoles.

53
Les opportunités

Il est possible que les ressources halieutiques maritimes ne soient pas


entièrement exploitées. Mais tout projet nouveau devrait être précédé d’un
inventaire pour définir le potentiel réel. Par contre, les crustacés
(langoustes), les mollusques (lambis) et les tortues seraient surexploités. Les
mangroves, lieux de reproduction de nombreuses espèces, figurent parmi les
écosystèmes les plus menacés en raison du déboisement dont elles font
l’objet.

A l’exception de la plaine des Gonaïves et de la partie ouest de la


plaine du Cul-de-Sac, les ressources en eaux souterraines sont très peu
exploitées.

Le potentiel d’irrigation est très nettement sous-utilllisé : moins de


40.000 ha sont en fonctionnement, 27.000 ha supplémentaires pourraient
être réhabilités et de nouvelles créations s’étendre sur 75.000 ha.

Le potentiel des sites aménageables pour produire de l’électricité a mis


en évidence un potentiel de plus de 100.000 kwh, dont 75 pour cent sur
l’Artibonite.

La prospection minière qui est relativement bien avancée a relevé des


gisements exploitables et par des multinationales et par l’artisanat local :

- Or en amas et filons dans la région de Faille-Perches,

- Carbone de calcium à Miragoâne et à Carrefour-Dufort,

- Marbres dans l’Artibonite, à Camp-Perrin, et aux environs de Jacmel


et de Marigot,

- Argiles à Hinche et à Lory, et pouzzolanes au Morne Lavigie.

Les causes de la dégradation des ressources naturelles

54
La pression démographique sur les terres figure parmi les causes
principales de la dégradation des ressources naturelles. Cette pression
démographique va continuer à croitre durant les prochaines années. Les
effets de la densité démographique sont aggravés par une mauvaise
répartition spatiale : les plaines pourraient accueillir plus de population, ce
qui permettait de décongestionner les mornes.

De nombreux éléments du contexte socio-économique n’encouragent


pas les paysans à préserver leurs ressources :

- Le crédit arrive difficilement ou à peine dans les zones rurales ;

- La pauvreté des paysans les pousses à puiser souvent dans leur capital :
cette pauvreté se développe avec la réduction de la taille des
exploitations et est entretenue par des circuits de commercialisation
désavantageant généralement les producteurs ;

- La précarité de l’occupation des terres due à l’absence de titres fonciers


ou de contrat de faire valoir entrave toute volonté d’investissement de
défense et de restauration des sols.

La pratique courante des cultures associées est favorable à la


protection des sols, mais l’extension de la mise en valeur s’effectue de plus
en plus sur des terres inaptes à l’agriculture. L’outillage n’est pas toujours
adapté à des façons culturales conversationnistes.

Il existe un arsenal impressionnant de lois destinées à contraindre les


citoyens à préserver les ressources naturelles, mais les différentes
administrations n’ont ni les moyens humains ni les moyens financiers de faire
respecter ces lois.

Evaluation des effets de la dégradation des ressources naturelles

En fonction des pentes et du couvert végétal, les pertes en sol, par


érosion sont très variables. A partir d’hypothèses basées sur les mesures de
sédimentation faites dans le lac de Péligre, il a été estimé une perte annuelle

55
moyenne sur l’ensemble du territoire de 36.6 millions de tonnes, soit 0.9
mm/an ou 1350/km2/an.

Pour calculer la diminution de la production agricole due à


l’érosion, il n’a été admis que les rendements étaient fonction de l’épaisseur
du sol. Ainsi la perte supplémentaire annuelle due à l’érosion serait de 2.35
millions US $ de gain immédiat, soit 0.6% de la valeur de la production
agricole totale.

La surexploitation des ligneux procure aux prixdu bois d’œuvre et


de la tonne d’équivalent pétrole, sur le marché international, un gain
immédiat très nettement supérieur à la somme actualisée des quantités qui
auraient été exploitables, s’il n’y a avait pas eu surexploitation (28 M US $
de gain immédiat contre une espérance de gain annuel de 1.26 M US $).

La dépréciation de la monnaie nationale en cours, si elle devrait se


poursuivre, placerait de plus en plus les paysans dans une situation
insurmontable qui les pousserait à dilapider les ressources naturelles.

Evaluation des politiques et interventions

L’Etat est loin d’avoir le monopole de la décision et de l’action


dans le domaine de la gestion des ressources naturelles. Il a d’énormes
difficultés à orienter les actions des multiples organisations non
gouvernementales.

Cette multiplicité des interventions rend très difficile leur


inventaire et l’évaluation des résultats. Les montants dépensés sont
considérables au regard des minces réalisations la répartition spatiale de ces
investissements est relativement homogène sur le territoire national avec
cependant de plus fortes densités à proximité de Port-au-Prince et aux abords
des axes de circulation.

L’appreciation des actions passées dépend des objectis poursuivis et


des éléments d’articulation et d’accompagnement. Par exemple, le
reboisement pour la production ou la conservation des sols, l’investissement

56
pour accroite la capacité de production ou pour fournir du travail, ou pour
distribuer des vivres… Certains projets qui ont pour composantes la
conservation des ressources naturelles ou l’amélioration de la condition de
vie des populations (eau potable) peuvent conduire à des résultats opposés
par le simple fait qu’ils contribuent à maintenir dans les zones surexploitées
une population trop importante.

Principales orientations en matieres de gestion des ressources


naturelles

Trois grands problèmes sont à traiter en matière de gestion et


conservation des ressources naturelles :

- La surexploitation ligneuse,

- L’importance des superficies à traiter en conservation des eaux et des


sols et la necessité de choisir des zones prioritaires,

- Le niveau satisfaction de la demande future en produits agricoles.

L’identification des programmes devrait se faire en chassant les


interventions en fonctions des trois grandes finalités poursuivies :

- La conservation et la restauration du patrimoine culturel ;

- L’exploitation des ressources naturelles ;

- La connaissance des ressources naturelles et le suivi de leur


exploitation.

Les investissements qui seront fait dans l’environnement doivent


contribuer à améliorer les conditions de vie l’homme haïtien et
particulièrement du paysan. Les collectivités territoriales, notamment les
sections communales du pays deviendront des cités de développement
économique et social durable, par l’intégration de la protection de
l’environnement.

57
Chapitre 4

INDUSTRIE ET COMMERCE

Si les pays du Sud-Est asiatique tels que le Japon, Taïwan, la Corée


du Sud, ont pu sortir du dernier peloton international des pays arrières pour
passer à l’avant-scène et concurrence même le géant américain dans
certaines domaines, la raison est d’abord celle-ci : ils ont mises sur
l’industrialisation et ont gagné leur pari !

A leur suite, beaucoup de pays d’Afrique, d’Amérique ont tenté de


relever le défi du développement économique. Echec dans presque les
cas ! On est fort obligé de conclure que la réussite d’un peuple ou d’un
ciivilisation n’est pas à tous exportable. La civilisation asiatique avait su
trouver dans ses racines les éléments nécessaires à sa perfomance
internationale nationale. Les Japonais, les Taïwanais, les Sud Coréens auront
beau communiquer leur “secret” à tous les sous-développés de la terre, ces
derniers ne trouveront pas pour autant le chemin du développement. La
leçon est claire : il revient à chaque peuple de se mettre à la recherche de ses
potentialités pour réussir son avenir.

Haïti, malgré sa très grande pauvreté, possède des atouts certains


dans le domaine de l’industrie : les ressources de son sol et de sous-sol, sa
main abondante et habile et aussi le peu de distance qui le sépare des pays de
l’ALENA.

1.- LE SECTEUR INDUSTRIEL

58
Le secteur secondaire haïtien n’est pas une entité homogène, et peut
être divisé en deux grands groupes et six (6) groupes :

i) Les industries travaillant principalement pour le marché local


comprenant :

• les agro-industries qui s’occupent de la transformation de matières


premières et instants d’origine végétale et / ou animale en des produits
plus élaborés destines soit a l’industrie dans le cas de produit semi-
finis, soit à la consommation dans le cas de produits finis. Au niveau
du volume physique de production, on constate une certaine
stagnation, régression des agro-industries à forte dépendance de
matières premières d’origine locale.

• les industries de substitution aux importations, qui peuvent se


trouver dans tous les domaines de la production, fabriquent des
produits finis ou semi-finis destinés à remplacer sur le marché local un
produit identique ou similaire importé auparavant.

• les entreprises artisanales et semi-artisanales en Haïti sont


composées d’un large secteur qui comprend des micro-unités : agro-
industrielles, de substitution à l’importation, d’exportation, ou les trois
à la fois. Elles recouvrent une large gamme d’activité et de branches :
fabrication de produits alimentaires, de produits en sisal, de produits en
cuir, de produits en métal, de produits textiles, de matériaux de
construction, de produits divers.

• l’industrie de la construction qui a enregistré une croissance


vertigineuse depuis le début des années 70 mérite une attention
spéciale.

ii) Les industries orientées vers l’exportation comprenant :

• les industries de sous-traitance, dites d’assemblage, travaillant pour


la réexportation à partir de matières premières importées, ont constitué
la composante la plus dynamique de l’industrie haïtienne au cours des
25 dernières années, et se sont développées sur la base d’une main-
d’œuvre à la fois productive et relativement peu coûteuse, et de la
proximité géographique des Etats-Unis. A un certain moment au
nombre de 200, elles employaient près de 40.000 personnes dans la

59
région de Port-au-Prince. Les principaux domaines d’activités sont : le
textile, l’électronique, l’équipement électrique, les articles de sport, les
bagages et les chaussures.

• les “petites entreprises” et l’artisanat artistique travaillant


principalement pour l’exportation et l’artisanat artistique travaillant
principalement à partir de matières premières tant locales qu’importées
sont en général des entreprises artisanales ou semi-artisanales. Plusieurs
types de produits sont fabriqués : articles en cuir et en sisal, objets en
acajou, tapis en peaux de chèvre, paniers autres objets en osier, tableaux
d’arts, objets en fer forgé, tapisseries.

Il y a eu un manque de dynamisme du secteur privé haitien au cours


des dernières années, caracterisé par une perte de marchés industriels à
l’étranger et la fermeture de nombreuses manufactures dans les secteurs de
l’électronique, de l’assemblage et des vêtements.

Les trois années du coup d’Etat ont été marquées par le declin des
importations et des exportations, la suspension de prêts internationaux
s’élevant à $ 150-180 millions l’an et le gel des avoirs à l’étranger. Le parc
industriel de Port-au-Prince, qui employait environ 35.000 ouvriers jusqu’en
décembre 1991, devint virtuellement un espace fantôme.

Sur une note positive, le secteur privé de la sous-traitance a repris


timidement ses activités et emploie présentement (1999) près de 30.000)
personnes.

Exportation d’Haïti par produit (en millions de $ EU)

1992 1993 1994 1995 1996 1997


TOTAL 118.40 130.77 107.82 137.30 147.48 192.67
Produits principaux :
Café 10.21 9.27 6.99 17.87 6.85 13.00
Cacao 2.18 1.32 1.75 1.97 0.61 0.68
Huiles essentielles 4.03 2.46 0.94. 6.34 5.66 2.94
Pite et ficelle 1.70 2.12 1.42 87 .60 .84
Petite industrie 7.54 7.08 7.20 11.28 13.06 14.82
Articles manufacturés 39.20 46.46 30.47 30.00 41.54 52.75

60
Importation d’Haïti par produits (en millions de dollars EU)

1992 1993 1994 1995 1996 1997


total 256.24 311.50 197.48 517.15 498.64 512.16
Produits principaux :
Produits alimentaires 10.21 9.27 6.99 17.87 6.85 13.00
Boissons et tabacs 4.26 4.94 1.72 8.20 8.61 5.92
Huiles et grasses 47.83 64.03 59.87 53.36 60.95 60.27
Produits chimiques 22.16 34.56 16.48 41.01 53.77 51.79
Machines et matériels de transports 18.22 21.53 15.45 109.00 125.01 111.51
Articles manufacturés 36.63 51.09 30.68 90.69 110.62 113.86
Produits pétroliers 58.60 58.70 43.30 70.20 70.70 70.60
Source : AGD/USDC/MEF/ANADIPP

Principales orientations en matière de développement industriel

L’étroitesse du marché local et la rareté relative des matières


premières agricoles empêchent souvent ces entreprises d’atteindre leur peine
capacité et donc de bénéficier des économies d’échelles susceptibles de les
rendre compétitives.

Par ailleurs, au niveau des industries d’exportation, on déplore souvent


le fait qu’elles utilisent très peu d’intrants de provenance locale, et qu’elles
n’aient que des effets limités de transfert de technologies.

En conséquence, la politique industrielle nationale est orientée


principalement, d’une part, à encourager le gel du capital dans des activités
inefficientes et, d’autre part, à favoriser une plus grande intégration de
l’industrie haïtienne. Elle a pour objectif l’implantation de nouvelles
industries d’exportation et le développement de celles déjà existantes, la
diversification des débouchés étrangères, la recherche de marchés
extérieures de la part des entreprises jusqu’ici consacrées au marché local,
l’utilisation plus intensive des intrants locaux dans les différentes industries,
la promotion de l’industrie de la conservation.

61
L’industrialisation doit en outre faire une plus grande place aux
activités reflétant, au niveau local, les facteurs de production de facon à
exploiter au mieux les avantages comparatifs du pays. Dans cette optique,
l’artisanat constitue un créneau exemplaire dont le potentiel d’exportation
est encore largement inexploité. De même, pourra naître une nouvelle
industrie visant l’exploitation et la transformation des ressources minérales
et végétales du pays. En effet, l’inventaire du sol et du sous-sol a révélé la
présence tels l’argile, les pierres de construction, le marbre, le carbonate de
calcium, le sel, le cuivre, le lignite, pouvant se prêter à une exploitation
industrielle ou semi-industrielle. Par ailleurs, la variété des produits
agricoles resultant des multiples micro-climats du pays ouvre des
possibilitées pour leur transformation, leur conditionnement et leur
exportation. Enfin des horizons nouveaux s’ouvrent pour le recyclage des
produits récupérables et l’utilisation des sous-produits.

Afin de mener à bien cette politique, une concertation entre les


secteurs public et privé est nécessaire. Cela facilitera le partage des
informations, le développement de rapports harmonieux, la confiance
murtuelle et les compromis indispensables à la réalisation des objectifs
visés.

Cependant, des demandes pressantes pour une plus grande


responsabilisation des communautés locales sont exprimées à l’occasion des
nombreux exercices de consultation. Nous nous référons à la période de la
ratification de la Constitution de 1987, aux multiples rencontres entre
dirigeants et élus locaux, aux séances de travail des Assemblées territoriales
ou encore à l’occasion des travaux des Congrès départementaux de Fanmi
Lavalas, etc.

Nous avons noté que les intervenants socio-économiques et les élus


locaux des collectivités territoriales se disent prêts à mettre la main à la pâte
pour faire progresser l’économie et accroître l’emploi dans leurs régions. Les
collectivités territoriales veulent participer plus activement au processus
décisionnel relatif à leur développement.

Les intervenants locaux souhaitent que l’Etat rapproche les lieux de


décisions des citoyens dans le but d’assurer une meilleure retombée des
politiques économiques et une répartition équitable des moyens de

62
production. Tous réclament la mise en œuvre d’un politique de
développement local et régional.

Identification des priorités

Dans le cadre des actions gouvernementales, une Commission


Présidentielle sur les Investissements a été créée pour apporter un nouveau
souffle à la gestion stratégie de l’économie. L’ordre de priorité suivant a été
établi :

- mesures politiques en support au développement industriel ;

- support financier et assistance en commercialisation au secteur


artisanal ;

- développement de la petite industrie ;

- développement des ressources humaines ;

- entretien industriel ;

- établissement d’une industrie agro-metallurgique.

Le programme prévoit d’aboutir à la pleine productivité et


compétitivité de toutes les entreprises nationales. Il met en exergue le
secteur de l’exportation, dans le but d’offrir des emplois immédiats et
d’avoir des rentrées en devises. Le programme recommande d’établir des
priorités pour la réhabilitation des infrastructures dans les zones critiques
dont dépend le secteur privé, et de procéder rapidement à la modernisation
des entreprises d’Etat ciblées.

Les objectifs stratégiques et les axes d’intervention

63
Il est impérieux pour nous de travailler à doter Haïti d’une économie
compétitive, afin d’appuyer la création d’emplois et l’accroissement de la
richesse collective :

• en stimulant la création et le développement d’entreprises de biens


et services à plus forte valeur ajoutée ;

• en favorisant la formation professionnel et le développement


technologique ;

• en appuyant la conquête des marchés par nos entreprises,


préalablement remises en orbite, en développant le commerce
international.

Haïti fait partie maintenant du marché commun de la Caraïbe et


l’économie mondiale est rentrée dans une ère de complexité et
d’interdépendance dont il difficile de prévoir toutes les conséquences. Déjà,
on observe les effets néfastes de la globalisation. Compte tenu du taux de
chômage tres élévé et de la répartition inégale de la richesse qui
caractérisent notre société, nous sommes amenés à nous demander si
l’économie de marché peut constituer l’unique solution aux problèmes.

Dans cette conjoncture et devant le nouvel essor que l’économie


mondiale pourrait connaître à l’aube du nouveau millénaire, le rôle de l’Etat
consistera principalement à préparer Haïti à faire face aux cinq enjeux
majeurs suivants :

• La participation d’Haïti et de ses industries à l’essor de l’économie


mondiale et, à cette fin, la création de conditions favorables au
développement des investissements et à la conquête des marchés
d’exportation. Il s’agit ici de ne pas répéter les mêmes erreurs de nos
dirigeants des années 40 et 50.

• Le renforcement des partenariats sectoriels pour que s’instaure et se


développe la synergie nécessaire à l’amélioration de la compétitivité
et à la mutation vers la nouvelle économie.

• La formation de la main-d’œuvre, le développement des capacitées


d’innovation technologique en lien étroit avec des priorités et les

64
orientations économiques du pays qui favorisent notamment
l’augmentation de la production nationale.

• La concertation et la mise en valeur des ressources disponibles dans


les collectivités territoriales afin de favoriser le démarrage et le
développement de micro et de moyenne entreprises, tout en
contribuant à redonner à la région de Port-au-Prince son rôle
fondamental de région industrielle stratégique.

• La création de conditions favorables à l’entrepreneuriat moderne, à


la mise en valeur et au développement des compétences haïtiennes.

Regard sur la politique salariale

Les salaires forment, avec les taux de change et les taux d’intérêts,
les trois indices qui conditionnent la qualité de la performance économique.
A l’instar du taux de change, le coût de la main-d’œuvre est un élément
déterminant de la compétitivité des industries. Il affecte également
l’équilibre du budget de l’Etat dont les salaires constituent l’essentiel. Il est
finalement un facteur d’équilibre social, puisqu’il affecte la part des revenus
allant à la main-d’œuvre. L’Etat se trouve donc ici devant un dilemme, à
savoir : 1) Faut-il préserver la compétitivité des industries, la stabilité
économique et, par là même, augmenter le niveau de l’emploi ; ou 2)
protéger, au nom de l’équité, le pouvoir d’achat des ouvriers et des salariés ?
Le dilemme est d’autant plus profond que le taux de chômage demeure tres
elevé. L’existence d’industries intensives en main-d’œuvre est donc elle-
même source d’équité sociale.

Il n’en reste pas moins que le salaire minimum légal, considéré à tort
ou à raison comme baromètre des coûts de main-d’œuvre, a chuté en termes
réels, c’est-à-dire en tenant compte de son pouvoir d’achat, d’environ 50%
au cours des cinq dernières années. Ceci est la conséquence directe des
déséquilibres financiers et monétaires. Dans un tel contexte, relever les
salaires ne ferait aujourd’hui que soigner le symptôme plutôt que le mal lui-
même. La chute du salaire minimum réel contribue indubitablement à
accentuer le dilemme auquel sont confrontées les autorités. Pour bien
apprécier un tel dilemme et les options disponibles à cet égard, il convient
d’abord d’examiner le mode de formation des coûts de main-d’œuvre.

65
Mode de formation

La main-d’œuvre est, comme la terre et le capital, un facteur de


production, c’est-à-dire l’une des ressources qu’utilise la societe pour
produire. Un producteur rationnel n’utilise un facteur, par exemple la main-
d’œuvre, que si le revenu qu’il peut en tirer, sa productivité, est au moins
égal à ce qu’il lui coûte. La productivité d’un salarié dépend de
caractéristiques qui lui sont propres (formation, savoir-faire, ardeur au
travail), propres à l’en treprise (management, types de produits, technologie)
ou à son environnement (marché, climat social, cadre réglementaire). Un
gain de productivité permettrait d’augmenter les salaires sans pénaliser la
compétitivité. A l’inverse, une baisse de productivité devrait logiquement
entraîner la baisse des salaires ; de même une hausse de salaire sans gain de
productivité alimenterait l’inflation en augmentant la demande de biens et
services sans en accroître la production.

La rémunération d’un employé peut toutefois se trouver en deçà de sa


productivité, en particulier quand son pouvoir de négociation est faible.
Cette situation, courante dans les pays à chômage élevé, peut porter l’Etat à
intervenir en vue de rétablir l’équité, au risque toutefois d’affecter la
compétitivité des industries si l’intervention ne tient pas compte des niveaux
de rémunération pratiqués par les pays compétiteurs.

Il convient à cet égard d’établir une distinction entre :

(a) Les industries d’exportation, dont les prix sont dictés par le
marché extérieur et dont la main-d’œuvre constitue généralement
une grande part des coûts de production ;

(b) Les industries de substitution aux importations, le plus souvent


intensives en capital et dont la main-d’œuvre ne représente donc
qu’une faible part des coûts ;
(c) Les industries de biens et de services non échangeables
internationalement, telle la construction, qui, n’étant pas en
concurrence internationale, peuvent plus facilement les hausses de
salaires à leurs clients ; et

66
(d) L’Etat, pour qui une hausse de salaire implique soit des taxes
additionnelles, soit un déficit budgétaire accru. De cette
description, il ressort clairement que les deux secteurs les plus
vulnérables aux hausses de salaire dont les industries
d’exportation (impact sur la compétitivité) et l’Etat (impact sur le
budget).

Principales options

Quatre (4) options peuvent en principe etre considérées, isolément ou


en combinaison, à savoir : le recours à la libre négociation ; la fixation de
salaire minimum l’indexation ; l’amélioration des conditions de travail.

Le recours à la libre négociation

Il conduit généralement à minimiser le chômage en améliorant la


compétitivité des industries, leurs permettant ainsi de gagner des parts de
marché et de maximiser l’utilisation de leur capacité de travail. Il est certes
fort possible, comme indiqué plus haut, que le recours exclusif du marché
conduise, en bien des cas, à des salaires faibles en présence d’un taux de
chômage élevé. En marché libre cependant, cela favoriserait la
multiplication d’entreprises intensives de main-d’œuvre, contribuant ainsi à
résorber progressivement le chômage et à faire pression sur les salaires.
C’est précisément ce qui s’est passé à l’ile Maurice et en Corée du Sud.

La fixation de salaire minimum

67
Elle se justifie par le souci légitime de l’Etat de protéger les
salariés contre la position de force des employeurs. Comme exposé plus
haut, les salaires minima risquent d’affaiblir le potentiel de création
d’emplois en réduisant la compétitivité. En d’autres termes, en voulant
protéger le sort de ceux qui ont déjà un emploi stable, l’on ne ferait que
réduire les perspectives d’emplois pour les chômeurs. Il est plus que
primordial de n’opérer d’ajustement éventuel du salaire minimum qu’après
examen objectif de la compétitivité internationale des industries touchées à
travers la commission Tripartie des salaires.

L’indexation des salaires

Elle consiste à protéger les salaires réels. Utilisée surtout dans les
pays à haute inflation, en particulier en Amérique Latine, l’indexation est
généralement considérée comme un échec. Elle est elle-même génératrice
d’inflation, du fait que les entreprises tendent à répercuter les hausses de
salaires dans leurs prix.

L’amélioration des conditions de travail

Elle pourrait se faire à travers l’organisation de transports


collectifs, l’institution de cantines, la construction de logements sociaux,
l’amélioration des services de sécurité sociale, etc.

2.- LE TOURISME

L’industrie touristique dans l’économie mondiale

68
Les recettes générées par l’industrie touristique atteindront d’ici
l’an 2000 plus de US $ 600 milliards pour des arrivés internationales de 700
millions de touristes, soit des revenus moyens de US $ 850 par touriste.

Au cours de la prochaine décennie, l’Organisation Mondiale du


Tourisme prévoit la création de plus de 100 millions de nouveaux emplois
dans l’industrie touristique qui emploiera un travailleur sur sept dans le
monde.

Ceci fait du tourisme l’un des secteurs d’activité économique les plus
durables et les plus dynamiques, et cela, tant en terme d’emplois qu’en
valeur ajoutée. Aussi la plupart des pays des zones méditerranéennes –
Océan Indien, Sud-Est asiatique – et de la Caraïbe en font leur activité
économique de priorité.

L’industrie touristique en Haïti

Bien que la République d’Haïti ait été l’un des premiers pays de la
Caraïbe, depuis les années cinquante, à avoir réalisé l’importance de ce
secteur, l’apport de l’industrie touristique dans l’économie haïtienne est
presque nulle.

Malgré certains avantages comparatifs et des atouts majeurs que


possède le pays, par rapport à ses concurrents immédiats – la Jamaïque,
Cuba, la République Dominicaine et Porto Rico, Haïti occupe de nos jours
une place dérisoire dans l’industrie touristique.

En effet :

• en 1995, les revenus générés par le tourisme en Haïti


représentaient moins 1% du PIB pour un ratio de plus de 20% dans
al Caraïbe ;

• au cours de l’année 1995, la République Dominicaine a reçu


environ 1.9 millio0ns de visiteurs, contre 145.4 mille en Haïti, dont
plus de 60% sont des Haïtiens vivant à l’étranger ;

69
• au début des années 80, la République d’Haïti disposait
d’environ 3.000 chambres. Aujourd’hui on dénombre 1.100, dont
800 de standards internationaux contre environ 32.000 chambres e
n République Dominicaine et 10.000 à Porto Rico ;

• les revenus moyens générés par touriste dans la Caraïbe sont


estimés à US $ 800 pour environ US$ 300 en Haïti.

Cet état de fait est dû en grande partie à :

• L’absence de politique claire et de moyens adéquats. Des


politiques ont été formulées dans le passé, elles n’ont pas bénéficié
des moyens nécessaires pour leur mise en œuvre.

• L’organisation et la structuration du Secteur. L’Office National


du Tourisme qui aurait dû orienter la politique touristique du pays
n’a jamais pu remplir efficacement son rôle, compte tenu de sa
faiblesse institutionnelle et de son niveau de priorité dans les plans
de développement du pays.

• La mauvaise image du pays. Au cours des quinze (15) dernières


années, Haïti a subi une campagne de dénigrement (Sida, crise
politique, insalubrité, etc.) qui a contribué à l’enlever des
destinations touristiques.

Perspectives d’avenir

Depuis le retour à l’ordre constitutionnel en Octobre 1994, un large


consensus s’est dégagé au sein du Gouvernement haïtien, quant au caractère
prioritaire du tourisme. De multiples activités de sensibilisation et de
promotion, tant au niveau interne qu’externe, ont été entreprises.

Parallèlement, avec l’assistance technique et financière du PNUD et


en collaboration avec le secteur privé, le gouvernement haïtien a élaboré, au
mois de Juillet 1996, un Plan Directeur du Tourisme.

Ce document, qui est le premier plan sectoriel de l’aorès-crise est


aussi le premier élaboré pour le secteur. Il se veut un véritable instrument de

70
stratégie en matière de développement touristique à travers une définition
très claire des produits et des pôles touristiques.

Il met l’accent sur l’originalité du produit touristique haïtien, la


préservation de notre milieu naturel, l’équilibre et la conservation de la
biodiversité, élément moteur du tourisme écologique.

Il devra permettre de programmer l’avenir touristique d’Haïti, à


partir de choix à court, moyen et long terme, et de démontrer le rôle
déterminant que doit jouer le tourisme dans l’accélération de la croissance
économique.

Aussi le Plan Directeur pose-t-il les principaux problèmes qui


affectent le produit touristique haïtien, à savoir :

• le coût du produit touristique ;

• l’inadéquation de ce produit par rapport aux nouveaux besoins ;

• une mise en marché inappropriée ;

• une mauvaise concertation entre les agents oeuvrant dans le


secteur ;

• un réseau d’hébergement et de restauration inadéquat et


insuffisant ;

• une main-d’œuvre peu qualifiée.

71
Objectifs du plan Directeur

Le Plan Directeur a défini comme objectif à l’horizon 2004 la


construction de plus de 5.000 chambres supplémentaires et, pour avant 2015,
plus de 19.000 chambres. Cela suppose un investissement dans les cinq
prochaines années de l’ordre de US$ 600 millions de dollars et de 1.9
milliard dans les 15 prochaines années.

Ces investissements, en dehors des emplois temporaires pendant


la période de construction, devraient contribuer pendant à créer 30.000
nouveaux emplois permanents et 100.000 emplois indirects et permettre à
l’économie haïtienne de générer des revenus de l’ordre de 1.2 milliards de
dollars américains l’an à termes et d’environ 300 millions de dollars
américains en l’an 2004 contre moins de 60 millions aujourd’hui.

72
Outre ses effets sur la balance des paiements et finances publiques,
le développement du tourisme aura un impact positif important sur le secteur
réel de l’économie nationale par la création de marchés et d’opportunités
d’investissements dans l’agriculture, l’élevage, la pisciculture, l’agro-
industrie, la construction, les services conseils, les services professionnels,
les communications et l’énergie… l’artisanat, l’art, la culture.

Aussi s’avère-t-il aujourd’hui urgent et important de mettre en place


les structures et infrastructures adéquates à travers un programme
d’investissement public et un plan d’actions en matière d’aménagement
d’infrastructures touristiques, de formation et de promotion.

De telles dispositions devraient donner le signal aux investisseurs


sur la détermination de l’Etat haïtien à accompagner le développement du
tourisme en Haïti pour faire un secteur important de l’économie nationale.

Plan d’actions

Pour valoriser ses atouts touristiques en vue du partage des flux


économique du tourisme caraïbéen, tout un programme d’actions a été mis
en œuvre qui, à court et à moyen termes, d’avoir permettre de :

Capitaliser sur le développement des infrastructures


touristiques, de sites de séjour balnéaire de valeur compétitive et de taille
suffisante afin d’avoir un impact immédiat sur le marché par :

• l’aménagement des zones et pôles touristiques et la


programmation de circuits et relais à l’intérieur du pays.

• l’élaboration des cadres d’investissement et des cadres


d’intervention de façon claire et sans équivoque et en donnant
toutes les garanties légales et financières nécessaires.

Les plans d’aménagement des zones touristiques prioritaires


de :

• la Côte des Arcadins / Saint-Marc avec 5 pôles


d’aménagement (en dernière phase) ;

73
• la zone Cap-Haïtien /Milot / Sans-Souci avec pôle
d’aménagement à la Baie de Fort-Liberté ;

• les zones des Cayes / Côtes-de-Fer (incluant l’Ile-à-Vache)


avec pôle d’aménagement à la presqu’île de Girondel ;

• l’Ile de la Tortue ;

• l’Ile de la Gonâve ;

• le département de la Grane-Anse (Pestel / Cayemites) et les


zones de Port-au-Prince/Grand-Goâve / Lacs, feront aussi l’objet
d’étude d’aménagement touristique dans un délai non déterminé.

Ces Plans d’aménagement seront réalisés sous forme de plan-cadres


généraux et seront accompagnés de règlements et de cahiers de charges.

Les plans d’aménagement des circuits touristiques et des chaînes de relais

Sept circuits sont retenus sur le territoire.

• Circuit Ouest : Port-au-Prince – Kenscoff – Furcy – Seguin –


Marigot – Jacmel et retour vers Port-au-Prince. Avec excursion
possible en République Dominicaine. Ce circuit comporte le Parc
National de la Visite et le Massif de la Selle.

• Circuit Artibonite : Port-au-Prince- Côte des Arcadins / Saint-


Marc, le long de la rivière de l’Artibonite, avec jonction sur la
Nationale 3. Des excursions possibles dans les villages de la Chaîne
des Matheux. Ce Circuit est à caractère historique, culturel et aussi à
caractère scientifique aux plans de l’agronomie et de la mise en
valeur des zones rurales.

• Circuit Sud-Ouest : Jacmel – Côte-de-Fer- Vieux- Bourg-


d’Aquin, avec retour par la Nationale 2.

• Circuit Nord : Saint-Marc- Gonaïves – Cap-Haïtien- Milot –


Citadelle Henri – Trou-du-Nord – Ouanaminthe, et descente vers
Hinche. Ce circuit est à caractère historique et culturel et concerne le
Parc national et historique.

74
• Circuit Sud : Cayes – Port-Salut – Anse d’Hainault – Jérémie –
Pestel – Camp- Perrin – Cayes. Ce circuit concerne le Parc naturel
de Macaya et permet des randonnées dans la forêt et la réserve.

Et trois autres sont envisagés : Nord-Est, Sud-Ouest, et la Gonâve.

Pour les circuits à valoriser, les tâches principales se répartissent ainsi :

• Investissement et vérification des paramètres, à savoir : le niveau


des routes, la qualité des éléments d’intérêt, la densité des
attractions, la possibilité d’équipement et les retombées
économique locales.

• En parallèle, seront analysées les possibilités d’hébergement


autres que les hôtels de type traditionnel. Sont envisagés deux
types d’hébergement :

i. La chambre d’hôte chez l’habitant, à partir de recensement


national auprès des propriétaires et l’appui et la participation des
élus locaux.

ii. Les relais, suivant un module hôtelier de faible capacité (les


“kays”) de l’ordre de 25 à 50 chambres. Dans un souci d’esthétique
architecturale et de style régional, ces relais feront l’objet d’un
concours national d’architecture ou concours d’idée à caractère
restreint.

Elaboration de cadre normatif réglementaire facilitant


l’investissement touristique

A cet effet, il est prévu de travailler avec les responsables


concernés de façon à :

• élaborer un nouveau code d’investissements incluant tous les


avantages spécifiques pour l’investissement touristique ;

• assouplir les formalités administratives relatives à l’exploitation


touristique ;

75
• avoir une meilleure cohésion des institutions publiques
concernées ;

• élaborer et proposer un programme d’incitations à


l’investissement touristique incluant une politique de crédit au
secteur et une politique d’assistance et de support aux petites et
moyennes entreprises ;

• favoriser l’émergence de sociétés d’économie mixte de


développement touristique.

Restaurer et crédibiliser l’image d’Haïti sur le marché international par :

• la promotion, d’une part, de la destination de façon à remettre Haïti


sur les catalogues internationaux attirer les investissements et les visiteurs
internationaux en participant aux grandes rencontres internationales, foires
touristiques, assemblées régionales et internationales de professionnels du
tourisme ; d’autre part, par la publication de documents audio et vidéo sur
Haïti et l’organisation de manifestations tant en Haïti qu’à l’extérieur, telles
des expositions et des foires d’investisseurs ;

• la sensibilisation des haïtiens de l’intérieur et du Département sur


les multiples possibilités de développement du tourisme et les avantages de
l’investissement touristique, par la production et la publication, d’une part,
de documents audio et vidéo visant à faire connaître Haïti aux Haïtiennes, et
d’autre part, par l’organisation de manifestations telles : concours nationaux
d’artisanat et foires culinaires ;

• l’assouplissement des formalités d’entrée des visiteurs étrangers


par la généralisation de la carte de touriste ;

• l’amélioration de l’accueil des étrangers par une meilleure


organisation de la réception, du service dans les hôtels, de la gestion et de
l’exploitation des sites touristiques, en vue d’une exploitation rationnelle,
viable et rentable de notre patrimoine culturel et historique.

D’indéniables ressources à développer

76
Les attractions naturelles, historiques et culturelles d’Haïti offrent
d’énormes opportunités pour faire du pays une des principales destinations
touristiques. Haïti est doté de nombreuses plages au doux sable fin, d’eau
d’un clair et d’un plaisant climat ensoleillé pendant les froids mois d’hiver
De l’Amérique du Nord et de l’Europe. La culture haïtienne reflète une
unique combinaison d’influences coloniales africaines et françaises et de
modernisme caraïbéen. Haïti possède donc d’indéniables ressources
touristiques avec un potentiel de développement. Des démarches sont en
cours actuellement visant à promouvoir Haïti comme escale pour les
bateaux de croisière.

Le développement du tourisme, un des secteurs porteurs, apportera


des effets multiplicateurs qui pourront, à coup sûr, changer avant tout les
conditions de vie de l’homme haïtien en général.

3.- POTENTIEL MINIER NATIONAL

Le sous-sol de la République d’Haïti renferme de très importants et


intéressants gisements de ressources minérales susceptibles d’être exploités
immédiatement. La transformation doit être régie par un système qui adapte
le profit à la réalité du développement, d’abord par la multiplication de petits
actionnaires (coopératives générés dans la région.

Jusqu’à cette date, les ressources minérales du pays dont


l’exploitation systématique pourrait donner une vigoureuse impulsion au
processus de développement national sont mal connues du public. Ce qui
suit constitue une description succinte des divers éléments du potentiel
minier national.

Parallèlement à l’exploitation industrielle des grands gisements déjà


localisés, l’intégration de l’artisanat des petites mines et les dérivés de
l’orpaillage traditionnel existant depuis la découverte d’Haïti permettront la
mise en place d’un mécanisme de fonctionnement qui libérera le secteur et
facilitera son développement réel surtout dans des endroits où il existe des
ressources naturelles exploitables, mais en quantité insuffisante pour
intéresser une multinationale. L’artisanat minier reste et demeure un secteur

77
de progrès économique, car il peut faciliter la création d’emplois par
l’utilisation de la main-d’œuvre à haute intensité.

N.B.- Le gisement de bauxite de Paillant a été exploité par la


Reynolds Metals Company, qui a cessé ses opérations en Haïti en 1982. Un
litige entre l’Etat Haïtien et la Société suite à la fermeture de la mine, s’est
terminé le 30 Juin 1992 par le transfert des biens et des installations de la
Reynolds à l’Etat Haïtien.

Le présent inventaire a été dressé pour attirer l’attention sur les


perspectives qu’offrira le développement rationnel et intelligent de nos
ressources non renouvelables.

Substances non métalliques

1- Gisement de matériaux pour cimenterie au Morne La Pierre


(Gonaïves) : Réserves prouvées : 7.500.000 tonnes, probables :
42.500.000 tonnes – Valeur économique : US$ 230.000.000

2- Gisement de calcaire marbrier de Darang (Gros-Morne)


Réserves prouvées : 250.000m3, probables : 330.000 m3 – Valeur
économique : US $ 350.000.000

3- Gisement de calcaire de Provence (L’Estère)


Réserves prouvées, de valeur économique : US $ 490.000.000

4- Gisement de calcaire marbrier de la Ravine-à-Couleuvres


(L’Estère)
Réserves prouvées : 90.000 m3 – Valeur économique : US $
126.000.000.000

5- Gisement de calcaire marbrier de Barcadère (Anse-Rouge)


Réserves utiles : 100.000m3 – Valeur économique : US $
140.000.000

Etat actuel du dossier : gisement exploité de 1983 à 1986 par


l’industrie Marbrière Haïtienne S.A. (INMARSA). Exploitation
suspendue pour incapacité financière de la société.

78
6- Gisement de calcaire marbrier de Perisse (L’Estère)
Réserves utiles : 200.000 m3 - Valeur économique : US $
280.000.000
Etat actuel du dossier : Début de l’exploitation en 1990 par
INMARSA

7- Gisement de calcaire marbrier de Camp-Perrin


Réserves utiles : 160.000 m3 – Valeur économique : US $
240.000.000

8- Gisement de “Granit” de Grand-Bassin


Réserves probables : 20.000 m3 – Valeur économique : US $ 70.000

9- Gisement de carbonate de calcium pur de Callebassier

Réserves probables : 20.000.000 tonnes- Valeur économique


(brute : US $ 200.000.000)

10 - Gisement de carbonate de calcium pur de Paillant


Réserves prouvées : 140.000.000 tonnes, réserves probables :
680.000.000 tonnes – Valeur économique, brute : US $ 1.4 milliards,
raffinée : US $ 21 milliards)

11 – Gisement de pouzzolane de Morne La Vigie (Saut d’Eau)


Réserves prouvées : 3.200.000 m3 – Valeur économique : 20 à 30%
de la composition du ciment.

Substances métalliques

Inventaire connu des ressources métalliques du pays

Minerai localisation Tonnage Superf. Teneur Tonnes de Valeur Etat du dossier


(M.T.) moyenne métal économique
Bossa (Milot) 1.400.000 2.5 ha 2.74g/T (or) 90.000 onces Onces d’arg. Octroi de permis
12 km au Sud 15g/T (arg.) d’or 400.000 38.400.000 d’exploitation
du Cap Société Citadelle
S.A.

79
Grand-Bois 4 4.300.000 10 ha 2.54g/T (or) 200.000 US $ Octroi de permis
km au 15g/T (arg.) onces d’or 90.000.000 d’exploitation
OR sud’ouest 100.000 Société Citadelle
ARGENT Camp-Coq Onces d’arg. S.A.
Failles (B) 523.000 6 km2 14g//T (or) ? ? Octroi de permis
Perches d’exploitation Ste-
Genevieve

Mémé 1.500.000 2% cuivre US $ Octroi de permis


(Gonaïve) 2g/T (or) 156.000.000 d’exploitation
CUIVRE 10g/T (arg.) Société Mazarin.
OR Casséus 7.500.000 0.5% (Cu) US Octroi de permis
ARGENT (Gonaïve Or… 250.000.000 d’exploitation
(argent) Société Mazarin
Blondin 22.436.676 2.22 km2 0.554 297.105 US $ Octroi de permis
(Trou-du-Nord) 43.629.128 0.800 197.493 66.000.000 d’exploitation Ste-
Genevieve

CUIVRE Drouvray 25MT 0.8 km2 0.53 ? US $ Octroi de permis


OR (Trou-du-Nord 120.331.800 d’exploitation Ste-
Genevieve

OR Mont-Organisé
alluvionné
Paillant 2.500.000 2.93% silice US $ N.B.
BAUXITE (Ouest de 51.1% 30.000.000
Miragoâne alumine
Source : Bureau des Mines

Substances Energétiques

1- Gisement de lignite (Maïssade)


Réserves : 8.700.000 tonnes à 1900 kcal/kg de pouvoir calorifique –
Valeur économique : possibilité de production de 40 mégawatts
d’électricité pendant une période de 13 à 17 ans.

2- Pétrole (hydrocarbures)
Facteurs favorables à l’existence du pétrole en Haïti :

- la présence d’indices d’huiles et de gaz mise en évidence par les


divers forages et les travaux géophysiqueS effectuéeS en plusieurs
points du territoire national.
- La présence de réservoirs localisés dans les niveaux gréseux poreux et
les niveaux calcaires récifaux ou de plateformes, etc.

Zones d’intérêt majeur et potentiel : Bassin de Rochelois et l’Ile


de la Gonâve, la partie terrestre de la Plaine du Cul-de-Sac, le Plateau
Central, la Grande Cayemite.

80
Substances hydrothermales

1- Les sources chaudes de Los Posos (Cerca-La-Source)

2- Les sources chaudes de la Plaine du Cul-de-Sac

3- Les sources des eaux de Boynes

Exploitation participative

Les gisements économiques décrits plus haut sont en grande partie


exploitables. Cependant, parallèlement à un programme de grande envergure
devant intéresser les potentiels investisseurs, l’Etat se doit de mettre dans la
balance un mécanisme adapté pour créer un impact extraordinaire sur le petit
paysan qui doit devenir acteur de son développement.

Les innombrables petites poches de faible volume non exploitables


industriellement seront inventoriées et attribuées à une exploitation
participative de toute la population formée en ce sens par des techniciens,
des géologues et des experts chevronnés en la matière. Cette opération
conduite de façon systématique et ordonnée débouchera sur un vaste
mouvement coopératif de l’environnement minier, un élan innovateur pour
toute initiative gouvernementale, à l’instar de denrées agricoles.

4.- LE SECTEUR INFORMEL

Les caractéristiques

Les caractéristiques généralement attribuées aux entreprises du


secteur informel sont les suivantes : accès facile, utilisation de ressources
locales, caractère familial de l’entreprise, opérations de petite taille, travail
manuel intensif, technologie rudimentaire, compétence acquise en dehors du
système scolaire formel, marché non réglementé et compétitif. En se basant

81
sur ces caractéristiquement, on pourrait se demander : qu’est-ce qui n’est pas
informel aujourd’hui en Haïti ?

Traditionnellement, le secteur informel a été considéré comme un


substitut d’emploi dans le courant principal de l’économie. Dans plusieurs
cas, la politique des gouvernements visait à déplacer les gens du secteur
informel pour leur donner un emploi. Trop souvent on a pensé que la
meilleure voie à suivre était de créer des sociétés d’Etat pour absorber le
surplus de chômage ou pour contrôler les importations en vue de permettre
aux entreprises domestiques de croître. Il en est résulté une chute de la
croissance du secteur structure et une expansion du secteur informel. Mais
c’est surtout dans les zones urbaines ou péri-urbaines que les entrepreneurs,
ou mieux les micro-entrepreneurs de ce secteur évoluent. Ceux qui
interviennent dans le domaine agricole ou dans celui de la pêche mènent, il
vrai, leurs activités, dans les zones rurales. La Banque Mondiale, dans son
rapport sur la pauvreté en Haïti, distingue trois types de micro-entreprises au
niveau de ce secteur :

- les micro-entreprises réussies : elles sont des activités familiales,


dynamiques, ont de bonnes marges de bénéfice mais font face à des
problèmes d’investissement par leur exclusion du secteur structuré ;
- les micro-entreprises typiques : elles sont très peu structurées,
travaillent de façon périodique, se tirent difficilement d’affaires (en
moyenne 250 gourdes par jour à partager entre l’entrepreneur et les
petits employés recrutés) ;
- les micro-entreprises forcées : elles sont cosntituées de la grande masse
sans-travail. Migrants récents, marchands ambulants, petits
agriculteurs, tous obéissant à un “système d” (debouye pa peche),
cherchant du lever du soleil et longtemps après son coucher les
quelques gourdes de bénéfice qui leur permettront de payer le “chen
janbe” quotidien. Un coup d’œil dans les rues de Port-au-Prince et des
autres villes importantes du pays nous éclairera amplement sur les
proportions gigantesques de cette catégorie de micro-entrepreneurs.

Importance du secteur informel

Il est difficile de quantifier de façon précise l’ensemble du secteur


informel, de déterminer sa place dans les diverses activités économiques
d’Haïti et son impact social. Les statistiques fiables font cruellement défaut
dans ce domaine. Cependant, dans son dernier rapport sur la pauvreté en

82
Haïti, la Banque mondiale a estimé le secteur informel à environ 3.4 millions
de personnes. Ce qui représente une contribution de 85% à l’emploi total.
Devant de telles données qui malgré leur imprécision paraissent raisonnables
aux observateurs du secteur, force est de constater que l’Etat se prive de
moyens énormes en négligeant ce secteur.

A la même des contributions potentielles que les petites entreprises


et micro-entreprises peuvent apporter à l’accroissement de revenus et de
l’emploi, que peuvent faire l’Etat et le secteur privé industriel pour renforcer
le rôle des petits entrepreneurs ?

Rôle des intervenants et orientations

L’Etat

Son rôle peut être déterminant dans les actions suivantes :

1) Etablissement d’un cadre macro-économique général. Pour


un développement soutenus et harmonieux, cette démarche
vise, entre autres, le système fiscal, d’ouverture du marché, le
champ du partenariat…. Cela implique un environnement où
existeraient l’épanouissement de la créativité individuelle, le
jeu de la concurrence, la possibilité de mobilité sociale, le
renforcement des droits de propriété, le contrôle de l’inflation,
la suppression des privilèges, le partenariat actif et la
réaffectation des dépenses publiques.
2) Mise en œuvre de politiques pour atteindre ces objectifs. Il
faudra prendre des mesures pour démocratiser l’accès aux
marchés, éliminer les règlements non basés sur l’analyse des
coûts/ bénéfices, réduire les irrégularités. Les conséquences de
ces changements se ramèneront essentiellement à deux
niveaux : a) une démocratie réelle élargissant la base du
pouvoir économique dans la société et b) une mobilisation des
forces de croissance donnant à l’initiative individuelle et à

83
l’esprit de créativité une chance, en tant que force dynamique
de l’économie.
3) Création d’une unité spéciale. Celle-ci se pencherait sur le
secteur informel. Il s’agirait de coordonner toutes les activités y
afférentes, en vue d’assurer que ce secteur reçoive l’attention
qui lui est due dans le cadre de la planification du
développement.
4) Mise en place de mécanismes d’infrastructure. Des ateliers
d’incubateurs pourvus d’eau, d’électricité, d’outils, etc.,
viseraient à aider particulièrement dans les petites villes la
mobilisation de ce secteur. La présence et, par la suite, la
multiplication d’écoles professionnelles et vocationnelles est
indispensable pour former des entrepreneurs qualifiés. Le
concours de l’Etat pourrait aussi se faire sentir dans
l’approvisionnement en matières premières, l’amélioration de
la production et la commercialisation des produits et services,
par l’érection de stands, l’organisation d’expositions et de
foires surtout pour des activités où le pays possède un avantage
comparatif (artisanat, habillement, coupe, tourisme, etc.).
5) Restauration du climat de sécurité. Aujourd’hui on se trouve
en face des difficultés que connaît l’Etat pour créer un climat
de sécurité propice à la préservation des droits de la personne et
de la propriété privée. Ce climat est de la plus haute importance
pour le fonctionnement normal de l’économie du pays.
6) Possibilité d’octroyer des contrats. Le secteur informel est
riche en potentiel. Multiples sont ses champs d’interventions
(gabions, adoquins, habilement alimentation, etc.). Le système
de collecte de déchets de certaines villes se fait entièrement sur
une base informelle à partir d’anciens véhicules qui ne peuvent
pas satisfaire aux règlements de la circulation. Les dépenses
sont à la charge de la municipalité.

Secteur privé industriel

Enfin, le secteur privé industriel, commercial et professionnel a


aussi, mieux que quiconque, un rôle à jouer dans la promotion du secteur
informel. Tout développement du secteur informel a pour corollaire la
croissance du secteur formel qui est son principal fournisseur d’outils,
d’équipements et de matières premières.

84
Entrepreneurs

Les petits entrepreneurs, eux, n’étant généralement pas consultés


pour l’élaboration et l’exécution des politiques et programmes les
concernant, quand il y en a, les activités proposées sont la plupart du temps
mal adaptées à leurs besoins et ils s’en désintéressent.

Cependant pour se faire entendre, ils ont également besoin de


s’organiser. Ils peuvent s’appuyer mutuellement par l’entremise de
coopératives et d’associations de métiers pour favoriser leur
approvisionnement, leur production, leurs conditions de travail et la
commercialisation de leurs produits. Aujourd’hui, dans la plupart des pays,
il existe des associations de petites entreprises qui sont capables de présenter
leurs demandes et de défendre leurs intérêts par-devant le gouvernement et
le parlement. La question est de savoir si cette organisation ne se produit pas
spontanément.

Démocratisation et stabilité par le secteur informel

L’être humain, qui est ingénieux, a trouvé un moyen de


survivre. S’inspirant des valeurs éthiques fondamentales, il a mis au
point ce que nous appelons aujourd’hui le secteur informel qui est une
sorte de capitalisme primitif et, en même temps, la genèse de l’initiative
individuelle.

Dans beaucoup de villes du tiers monde, la moitié environ de


la population vit d’activités liées au fonctionnement des micro-
entreprises. Le défi est de rehausser la productivité du travail de ces
entités, sans recourir à des investissements massifs de capitaux de
manières à garantir une augmentation de l’emploi.

Le développement des micro-entreprises du secteur informel


dépend des talents des entrepreneurs, de leur capacité à éliminer les
goulots d’étranglement qu’ils rencontrent. Ceci dépend aussi de la
demande, du transfert de technologies, de la formation disponible, et
des politiques officielles.

85
L’action intersectorielle concertée des principaux partenaires
économiques ou intervenants tels l’Etat, les organisations non
gouvernementale, les petits entrepreneurs, les donateurs et bailleurs de
fonds de la communauté internationale et le secteur privé commercial,
industriel et professionnel, est nécessaire à l’organisation et au
renforcement du secteur informel.

Cependant, il faut laisser les membres du secteur informel


travailler dans leur propre environnement. Il faut se rapprocher d’eux
pour une meilleure société. L’objectif principal de tous est d’augmenter
les revenus familiaux, de consolider les emplois précaires et de créer de
nouvelles opportunités d’emploi par l’organisation des micro-
entreprises. En ce sens, le secteur informel est un élément très important
dans le processus de démocratisation et de stabilité du pays et dans le
maintien de la raison d’être du secteur privé. D’où notre objectif
d’avoir, avant l’an 2004, un centre de micro-crédit dans chacune des
565 sections communales du pays.

Si nous commençons par nous concentrer sur les institutions et


les ajustements à y apporter pour les adapter à la réalité, nous pouvons
trouver ensemble des moyens pacifiques de créer une économie de
marchés plus performante, la démocratie et la prospérité au service de
l’homme haïtien.

86
Chapitre 5

SECTEUR FINANCIER

Le secteur financier haïtien a connu depuis des années de


profondes mutations : non seulement des réformes ont modifié les conditions
d’exercice de l’activité, mais également des mouvements conjoncturels et
structurels ont affecté les marchés sur lesquels interviennent les opérateurs.
Ce secteur comporte deux niveaux : le niveau financier formel et le niveau
financier non formel.

1- Le niveau financier formel

Il comprend :

a) Le système bancaire haïtien composé de :

– Une banque centrale : la Banque de la République d’Haïti


(BRH) ;

– Cinq banques commerciales fonctionnelles :


Société Générale Haïtienne de Bank (SOGEBANK),
UNIBANK,
Banque de l’Union Haïtienne (BUH),
Banque de Promotion Commerciale (PROMOBANK),
Société Caraïbéenne de Banque (SOCABANK) ;

– Deux banques d’Etat :

87
Banque Nationale de Crédit (BNC),
Banque Populaire Haïtienne (BPH) ;

– Deux banques d’épargne et de logement :


Société Générale Haïtienne de Banque
d’épargne et de logement (SOGEBEL) ;
CAPITAL BANK ;

– Deux succursales de banques étrangères :


CITIBANK,
Bank of Nova Scotia (SCOTIABANK).

Structures du marché bancaire haïtien au sept. 1998

Part du marché Part du marché Part du marché Actif Total sur


Dépôt en Gdes Dépôt en US $ Des Prêts ensemble
Banques Haïtiennes % Rang % Rang % Rang % Rang
SOGEBANK 1989 21 1e 20 2e 15 1e 21 1e
BNC 1979 9 4e 1 12e 9 5e 10 3e
UNIBANK 1993 16 2e 25 1e 15 2e 16 2e
BUH 1979 10 3e 9 6e 8 6e 10 4e
PROMOBK 1994 7 6e 9 5e 9 4e 7 6e
BPH 1979 4 10e 1 11e 3 12e 4 9e
SOCABANK 1994 9 5e 13 3e 10 3e 8 5e
CAPITAL BK 1995 3 11e 4 8e 4 10e 4 11e
SOGEBEL 1988 2 12e 1 10e 4 11e 2 12e
BIDC 1998 7 7e 5 7e 8 8e 7 7e
AUTRES 1 13e - - 2 13e 1 13e
SOUS-TOTAL 89 88 87 90
Banques étrangères
SCOTIA BK 1972 5 9e 2 9e 5 9e 4 10e
CITIBANK 1971 6 8e 10 4e 8 7e 6 8e
SOUS-TOTAL 11 12 13 10
TOTAL 100 100 100 100
Source : BRH – Les dates représentent d’autorisation de fonctionnement

b) Les institutions financières non bancaires desservant le niveau formel :

– Le Fonds de Développement Industriel (FDI),

– La Société Financière de Développement S.A.


(SOFHIDES).

c) Les compagnies d’assurances

88
Les compagnies d’assurance locales sont assurées par des
compagnies d’assurances étrangères, ce qui explique leur
timidité dans le développement économique national.

2- Le niveau financier non formel

Il comprend : les institutions de la Micro-finance, FHD,


FHAF, SHEC, CREDICOOP, les coopératives et autres.

Quelques caractéristiques du système bancaire

Les traits caractéristiques du système bancaire en Haïti


sont les suivants :

• Une absence de diversité d’instruments d’épargne et de


financement : Les dépôts représentent les seuls instruments d’épargne
au niveau des banques commerciales et de logement, tandis que les
prêts sont les seuls instruments de financement. Les banquiers
expliquent la réticence des banques à la diversification par la rigidité
de la législation en vigueur. Cependant d’autres analystes expliquent
cette situation par le peu d’intérêt manifesté par la clientèle
traditionnelle des banques pour d’autres instruments financiers.

• Une concentration chronique du portefeuille de prêt :


Cette concentration du portefeuille remonte à la création du système.
Aujourd’hui, la concentration se fait à tous les niveaux :

Concentration sur un nombre réduit de clients :


300 clients ou groupes, dans la majorité des cas,
actionnaires et/ou dirigeants, contrôlent la plus grande
partie du portefeuille des banques de 280 millions de
dollars. Rares sont les petites et moyenne entreprises qui
ont acces au credit bancaire.

Concentration sectorielle : Le commerce occupe plus de


60 pour cent du portefeuille global des banques.
L’industrie en occupe seulement 16 pour cent.

Concentration géographique : Le pourcentage du


portefeuille des banques alloué aux provinces est

89
négligeable, le gros des affaires se fait à Port-au-Prince.
Les problèmes foncier, l’aversion au risque, la taille de
l’appareil administratif des banques commerciales
haïtiennes, les empêchent, d’étendre leur portefeuille en
province.

• La courte échéance du passif bancaire : Les dépôts


représentent environ 80 pour cent des ressources du système bancaire
haïtien, et 80 pour cent de ces dépôts sont des dépôts à vue et
d’épargne (à noter que les comptes d’épargne en Haïti sont plus des
comptes de transaction que de vraies épargnes). Plus de 70 pour cent
de ces fonds sont déposés à Port-au-Prince. Paradoxalement, le vaste
secteur informel finance, à des taux d’intérêt négatifs, un groupuscule
de compagnies qui appartiennent à un nombre encore plus petit de
familles. C’est une subvention implicite des grands emprunteurs par
les petits épargnants.

• Des taux d’intérêts réels négatifs : Les taux d’intérêts


nominaux sur les dépôts d’épargne et à terme ont connu une certaine
hausse. Cependant ces taux son toujours négatifs, car le taux
d’inflation est beaucoup plus élevé. En ce qui concerne les taux sur les
prêts, leur négativité n’est pas une préoccupation majeure des banques
commerciales qui ne sont intéressées que par la positivité de la marge
entre les taux débiteurs et créditeurs. Et il faut dire aussi que même en
cas de plafonnement des taux d’intérêts sur les prêts, le taux réel des
banques n’est pas aussi négatif qu’on le pense, car ces dernières
chargent d’importants frais de dossiers sur les prêts à court terme,
augmentant ainsi et de façon considérable les taux effectifs.

• Une tendance à l’haïtianisation du système bancaire :


cela a effectivement commencé en 1986 à la faveur de la fermeture de
certaines succursales de banques étrangères. Aujourd’hui, 9 banques
sur 12 (y compris les banques de logement) sont des banques privées
haïtiennes. Elles détiennent actuellement 77 pour cent du marché des
prêts.

• Des bilans solides et une grande confiance des déposants :


300,000 à 400,000 Haïtiens ont déposé plus de 600 millions de dollars
(tant des dépôts à vue que des dépôts à terme). Le secteur est
hautement profitable grâce essentiellement au revenu provenant de

90
redevances payées pour des services lucratifs, en particulier pour les
devises étrangères (y compris plus de 300 millions de dollars par an
provenant de versements officiels faits par le 10 e Département). Plus
de 70 pour cent de ces fonds sont déposés à Port-au-Prince.

• La tendance à la dollarisation de l’économie à travers les


banques est de plus en plus poussée, comme le montre la progression
substantielle des dépôts en US dollars.

Contraintes du système bancaire

Ces contraintes rendent, d’après les banquiers, difficiles


l’introduction des innovations et la prise de risques. Ce sont :

• des lois ambiguës qui gouvernent la sécurisation et les


garanties solidaires ;

• une incertitude politique continuelle ;

• une base de compétence limitée (ressources humaines


incertaines et faibles) ;

• le manque de transparence et d’états fiables soumis par les


clients.

Les institutions financières non bancaires

Deux institutions financières non bancaires existent


actuellement, le Fonds de Développement Industriel (FDI) et la
Société Financière Haïtienne de Développement S.A. (SOFHIDES).
Les institutions non bancaires n’ont à présent ni cadre réglementaire
spécifique ni minimum de capitalisation. Les innovations vitales
nécessaires pour approfondir le secteur financier n’ont pas été
introduites, et ceci est dù en partie à l’insécurité continuelle et en
partie à l’environnement inadéquat.

91
Le Fonds de Développement Industriel (FID)

Le FDI a pour mission de promouvoir le développement


industriel du pays, en fournissant des ressources à long terme aux
banques commerciales et aux autres institutions financières, une
garantie et une assistance technique aux entrepreneurs en vue de leur
faciliter l’accès au crédit bancaire. Aujourd’hui, le FDI dispose de 5
instruments financiers d’interventation :

– le réescompte des prêts à long terme ;

– la garantie associée au réescompte ;

– la garantie indépendante du réescompte ;

– les participations directes dans les PME ;

– le leasing (crédit-bail).

Les ressources permanentes de l’institution viennent de l’IDA et


de la Banque Centrale. Elles s’élèvent actuellement à 320 millions de
gourdes, dont 220 millions sont encore disponibles pour de nouveaux
engagements. La principale force du FDI, c’est qu’il est perçu par les
banques non comme un concurrent mais comme un partenaire.

Le FDI dispose d’un fonds de garantie limité à 20 pour cent de


ses ressources permanentes. Le FDI fournit deux types de garanties :
une qui est liée à une opération de réescompte, pour laquelle le
bénéficiaire paie une commission de 2 pour cent ; une autre qui est
indépendante de toute opération de réescompte. Le FDI perçoit pour
cette garantie une commission calculée selon le risque du projet, le
risque financier de la banque et le risque lié au savoir-faire de la
banque intermédiaire en matière de crédit. La garantie maximum du
FDI par projet est de 65 pour cent du prêt de la banque ou $ 200.000,
selon le moins élevé des deux. Le fonds de garantie ne fonctionne
presque pas puisque les banques commerciales utilisent très peu la
garantie et la majorité des opérations de garantie du FDI sont effectuées
à travers la SOFHIDES.

La Société Financière Haïtienne de Développement S.A.

92
La Société Financière Haïtienne de Développement, S.A.
(SOFHIDES) a été créée en 1983 avec l’appui de l’USAID. Cette
institution a la même mission que le FDI, mais contrairement à de ce
dernier, elle peut faire des prêts directs aux PME. Elle dispose
également d’un fonds de garantie agro-industrielle de deux millions de
dollars et peut garantir les prêts jusqu’à concurrence de 75 pour cent.
Ses ressources permanentes viennent des actionnaires, de l’USAID, et
de la Banque Européenne d’Investissement (BEI). La SOFHIDES n’a
pas encore utilisé la moitié de ses ressources de garanties sont des
entreprises qui n’auraient, de toute façon, aucun problème à trouver un
financement bancaire.

Actuellement les ressources disponibles pour de nouveaux prêts


s’élèvent à environ 80 millions de gourdes son portefeuille de 90
millions de gourdes est d’une durée moyenne de 5 ans.

Le caractère des objectifs de la SOFHIDES et du FDI en fait deux


institutions complémentaires. Le FDI apporte à la SOFHIDES ses
ressources à long terme, sa garantie de crédit, sa capacité de dépistage et
d’évaluation des projets ; et la SOFHIDES apporte au FDI sa capacité de
faire des prêts directs et son savoir-faire pour le montage des dossiers de
crédit.

Ces deux institutions ont ensemble une capacité résiduelle


d’injection de près de 350 millions de gourdes sou forme de crédit et de
garantie aux PME. Ce qui indique qu’il y a plus, au niveau des PME, un
problème de carence d’entrepreneurs, de sous-capitalisation de ces
derniers, que de financement externe et de garantie. Néanmoins, il faut
noter la nature du problème des garanties au sein de ces deux institutions
afin de faire des recommandations de réforme. En bref, la faible
performance des fonds de garantie à deux explications : 1) le
conservatisme des banques qui ne risquent pas leurs ressources, même à
25-35 pour cent ; et 2) les garanties du FDI et de la SOFHIDES qui ne
sont pas complémentaires.

Les compagnies d’assurance

93
Le mode d’opération des compagnies d’assurance en Haïti est
vraiment préjudiciable au développement du secteur financier et des
petites et moyennes entreprises, et ce, pour deux raisons principales :

2) Les banques n’accepteront jamais les actifs physiques d’une


entreprise en garantie, si ces derniers ne sont pas adéquatement
couverts par une police d’assurance alors que ces actilfs peuvent,
pour la plupart, ne pas être assurable, soit en raison de leur
localisation (actifs se trouvent en dehors de Port-au-Prince) ;

3) Les primes collectées (les épargnes ou placements des assurés) ne


sont pas investies dans le pays, mais placées à l’étranger, étant
donné que toutes les “compagnies d’assurance” se font réassurer
par des compagnies étrangères. Ce qui veut dire qu’elles se
livrent davantage à des activités de courtage qu’à des activités
d’assurance.

Relations entre les différentes composantes du niveau financier


formel

Les différentes composantes n’ont évidemment pas les mêmes


objectifs, mais cela n’empêche pas qu’elles établissent entre elles des
relations autres que celles imposées par les lois et règlements en vigueur,
soit en vue de sauvegarder leurs intérêts réciproques, soit dans le but
d’améliorer leur image.

Rôle de la Banque Centrale (BRH)

Dans la Loi du 17 Août 1979 créant la Banque de la République


d’Haïti, l’article 2 – paragraphe 7 stipule que la BRH a pour objet
d’ « Assurer l’administration et la gestion des réserves de changes, veiller à
l’application des dispositions légales et réglementaires relatives aux
institutions financières ».

Dans le domaine des normes prudentielles, depuis Octobre 1996, la


BRH a fait sortir des circulaires concernant : le risque de change, la
propriété consolidée des banques, la concentration des risques de crédit, la

94
classification des prêts, provisions pour créances douteuses et le traitement,
les intérêts accrus sur les prêts à problèmes, l’envoi de rapports corrects et
complets d’informations et de données à la BRH, les règlements minima de
contrôle interne compte tenu de leur taille et de leurs types d’activités, la
surveillance consolidée ( les branches sont astreintes aux mêmes mesures de
contrôle interne que le siège Social) et la vérification des états financiers
annuels des banques, etc.

En plus de ces circulaires qui ont déjà pris effet dans les banques
commerciales, la BRH est en train de préparer des normes prudentielles sur
la limitation des positions de change mise au niveau international,
l’accroissement de la fréquence des contrôles sur places approfondis, trop
rares depuis plusieurs années, l’amélioration du substrat technique des bons
BRH afin de disposer d’un système moderne de gestion des titres qui pourra
faciliter la mise en place d’autres instruments, l’amélioration des
adjudications de bons BRH qui doivent continuer à servir d’instrument de
réglage de la liquidité à court terme et donner un taux de référence pour les
opérations de trésorerie des banques et l’adoption de ratio Cooke de 12%,
ratio de fonds propres sut total bilan 5%.

Une circulaire sur le capital minimum en vue de relever le niveau de


capitalisation des banques est en discussion. Une nouvelle loi bancaire est
aussi en préparation ; l’un des domaines discutés est la réglementation des
activités des différentes associations d’épargne et institutions financières qui
se sont récemment développées, qui sont en compétition avec les banques et
qui pourraient tomber sous la supervision de la BRH.

La Micro-finance

Parallèlement au système financier, la micro-finance mobilise des


fonds importants. Une étude récente a conclu qu’en l’an 2000 Haïti aura près
de 50.000 micro-entreprises. Si 80 pour cent des entreprises pouvaient
bénéficier d’un ou plusieurs prêts d’un total de 500 dollars par an pendant 5
ans, cela créerait, à Port-au-Prince seulement, une demande effective de
micro-finance de 110 millions de dollars, soit 22 millions chaque année.

On peut trouver du crédit accordé par des prêteurs informels à des


taux qui dépassent 200 pour cent par an. Dans ces conditions, le PNUD,
l’Union Européenne, l’USAID et autres ont conclu qu’un effort majeur était
nécessaire pour augmenter la disponibilité du micro-crédit et offrir une

95
formation et une assistance technique aux emprunteurset à ceux qui gèrent
les programmes de micro-crédit.

L’expansion de la micro-finance peut se faire de trois façons :

- Augmenter la capacité de prêt des institutions existantes,

- Identifier d’autres institutions qui pourraient ajouter les prêts de micro-


finance à leur portefeuille d’activités,

- Créer de nouvelles institutions et/ou de nouveaux réseaux de micro-


finance.

On recommande pour Haïti une stratégie qui combine les trois


méthodes, liées dans chaque cas à la formation.

a) Utilisation des institutions existantes

Certaines institutions telles la Fondation Haïtienne de


Développement (FHD), la Société Haïtienne d’Epargne et de Crédit (SHEC),
le Fonds Haïtien d’Aide à la Femme (FHAF), le Bureau de Crédit Agricole
(BCA), les coopératives, les caisses populaires, les mutuelles et les banques
de villages font déjà du crédit. Elles ne demandent qu’à entrer dans un
programme d’encadrement et de promotion.

b) Aider les institutions qui ne font pas de crédit à lancer des


programmes de micro-finance

Le PNUD et d’autres organisme ont concu des méthodes pour aider à


mettre au point au point des systèmes de micro-finance, qui, lorsqu’ils sont
appliqués, doivent inclure un don de démarrage, un guide d’instrcution, une
“boîte à outils” et des directives de formation et d’assistance technique dans
le pays. MicroStart est un exmple de ressources qui peut aider toute une
série d’organisation à lancer des unités de micro-financement.

c) La création de nouvelles institutions et réseaux de micro-finance

Il en général plus aisé et plus rapide de travailler avec des groupes


de micro-finance existants ou d’encourager d’autres organisations à
développer un nouveau programme de micro-finance entièrement nouveaux

96
(avec des institutions existantes ou nouvelles) ne doit pas être négligée pour
trois raisons :

• le besoin est colossal et de nombreux groupes existants semblent


incapables de pénétrer dans les zones éloignées du pays ;

• à la différence de nombreux autres pays avec un appareil d’Etat


lourd, Haïti s’efforce de rebâtir une administration locale par des
élections communales et de créer une gouvernance locale nouvelle,
démocratique et transparente qui pourrait, dans certaines zones,
servir de réseau d’accès à la micro-finance ;

• un encadrement technique peut faciliter la constitution de groupes


de micro-finance locaux, permettant ainsi un développement local
de bas en haut ainsi qu’un travail en réseau et des prestations de
services de haut en bas.

Potentiel du système bancaire à pénétrer le marché de la micro-finance

Bien que certaines banques commerciales aient manifesté leur intérêt


envers de la micro-finance. Elles n’ont pas beaucoup d’expérience en la
matière ; de plus elles sont conscientes et préoccupées par le fait que la
gestion de la micro-finance exige beaucoup de travail.

Certaines semblent plus intéressées à prêter à des moyennes et petites


entreprises. Cependant ce qui surtout les banques à accorder des prêts à ce
secteur, c’est la perspective de recevoir de fonds d’emprunts extérieurs pour
capitaliser ces innovations. Tous les banquiers interrogés ont affirmé qu’ils
avaient besoin de garanties contre le risque provenant de sources extérieures,
d’une assistance technique et d’une formation pour planifier et exploiter les
nouveaux systèmes qui seront financés eux aussi par des sources et de fonds
extérieurs pour prêter aux groupes cibles.

L’aversion au risque est telle qu’il faudra d’abord persuader les


banquiers locaux que la micro-finance constitue une opportunité viable et
profitable. Le seul moyen pratique de faire participer par les banques
commerciales au micro-prêt est de passer par un processus de dialogue, de
démonstration, d’éducation et d’incitation.

97
Recommandations pour une meilleure orientation des activités
de financement au secteur formel
Il est évident qu’il y a une segmentation actuelle du marché financier
où le commerce et les grandes entreprises appartiennent au secteur bancaire
traditionnel, les PME au FDI et à la SOFHIDES, et les mivro-entreprises aux
institutions financières impliquées dans le financement du secteur informel.

La seule structure qui permettrait l’intégration est celle des banques


commerciales. Or, les banques n’ont ni les ressources, ni la structure pour
financer les PME. De plus, la conjoncture actuelle caractérisée notamment
par une tendance à la “dollarisation” de l’économie ne favorise pas une telle
intégration. Cette tendance pousse les banques à se concentrer plus sur les
les opérations de change et de placements à l’étranger que sur des opérations
de crédit. Néanmoins, un processus de dialogue, d’éducation et de réforme
semblerait essentiel si l’objectif à long terme est la transformation du secteur
en faveur des groupes qui ont été exclus dans le passé.

Parallèlement, il faudra s’interroger d’abord sur le régime fiscal


concernant les revenus d’intérêt et de dividendes gagnés à l’étranger et en
Haïti par les investisseurs haïtiens, l’impôt sur le capital, et l’impôt sur les
successions, puis, il faudra aussi envisager des avantages fiscaux, comme
mesures incitatives pour rapatrier l’épargne haïtienne qui est utilisée à créer
ailleurs des emplois et de la richesse, dans des pays immensément riches, à
financer les dépenses d’immobilisation en infrastructures de leurs
municipalités.

En même temps, nous devons nous bâtir en toute urgence un levier


économique, en guise de stratégie pour répondre aux besoins de financement
des petites et moyennes entreprises, dans le but de favoriser l’émergence
d’une nouvelle catégorie d’entrepreneurs, d’hommes et de femmes d’affaires
haïtiens, qui se voyaient jusqu’ici exclus et refoulés, assistant avec
résignation à l’étouffement de leurs rêves, de leurs talents et de leurs
créatrices.

Au nom de ces hommes et de ces femmes et pour le bien-être de


l’immense majorité de nos concitoyens, face à cette monopolisation du
crédit par une poignée de personnes, la société haïtienne doit inventer de

98
nouveaux canaux de financement pour l’établissement et le développement
de PME.

Réfomes financières

Les réformes financières portent, entre autres, sur les banques


d’Etat. Ces réformes s’en prennent aux programmes de crédit ciblés,
octroyant des prêts, à des taux préférentiels, à des secteurs ou groupes
spécifiques. Ces derniers se proposent de faciliter l’accès aux petits
emprunteurs non touchés par le système bancaire, d’augmenter la production
de biens nécessaire, d’accroître la productivité des petits et moyens
entrepreneurs.

Selon la BID, “ la plupart des pays qui ont fermé ces banques
confrontent un grand défi : remplir le vide laissé dans les marches financiers
ruraux, dans les prêts à plus long terme, dans des prêts à des micro, petites et
moyennes entreprises et dans d’autres domaines qui étaient auparavant
servis par des banques d’Etat et qui aujourd’hui peuvent être ignorés par les
entités financières restées en place.”

Les banques d’Etat sont en voie de modernisation. Cependant en


dépit de leurs failles certaines, les banques commerciales d’Etat sont
potentiellement plus proches des exclus du système. Elles pourraient jouer
un rôle de premier plan dans l’appui que l’Etat apporterait, grâce à leurs
moyens logistiques, aux institutions financières de base.

Leur modernisation devrait se poursuivre sur une base d’actionnariat


très large qui incluerait l’Etat, les investisseurs privés, les coopératives, les
caisses populaires, les mutuelles, en un mot tous ceux qui ont un intérêt au
crédit décentralise, commercial ou agricole. La modernisation de la Banque
Nationale de Crédit et de la Banque Populaire Haïtienne devrait de porter le
crédit et les services bancaires là où ils n’existent pas encore.

Coopératives et Caisses populaires

99
L’article 1er de la Constitution de 1987 est ainsi libellé : “Haïti est
une République indivisible, souveraine, indépendante, coopératiste, libre,
démocratique et sociale.” De plus, cette même Constitution en son article
289 nommé le Conseil National des Coopératives comme l’un des 9
membres chargés de l’exécution et de l’élaboration de la loi qui devait régir
les élections de 1987.

Selon la définition du Bureau International du Travail, “la


coopérative est une association de personnes, disposant le plus souvent de
moyens limités, qui se sont volontairement groupées pour atteindre un but
économique commun, en fournissant une quote-part équitable du capital
nécessaire, et en acceptant une juste participation aux risques et aux fruits
de cette entreprise.” Elles se caractérisent juridiquement par les traits
suivants : tous les membres sont sur un pied d’égalité ; tout membre a le
droit de se retirer de la coopérative quand bon lui semble.

Le coopératisme est donc une doctrine qui entend résoudre les


problèmes sociaux par le développement et la généralisation des
coopératives, dont les objectifs essentiels visent à réduire, au bénéfice de ses
membres et par l’effort commun de ces derniers, les coûts de revient et
conséquemment les prix de vente de certains produits ou de certains
services, en assurant les fonctions d’entrepreneurs ou d’intermédiaires, ou en
améliorant la qualité marchande des produits ou enfin aux membres
adhérents les possibilités d’accès à certaines sources de financement et
autres.

C’est dans cette perspective que se situent les grands types de


coopératives, telles les coopératives de production, des coopératives de
consommation, des coopératives d’habitation, des coopératives de crédit, des
coopératives de transport, des coopératives des usagers de l’eau, des
coopératives de crédit divers, etc. Les coopératives d’épargne et de crédit
sont communément appelées des caisses populaires. Ou mieux, d’après la loi
haïtienne, une section d’épargne et de crédit peut toujours exister à
l’intérieur d’une coopérative.

Le mouvement coopératif haïtien est contrôlé par le Conseil National


des Coopératives (CNC), organisme autonome créé par le décret du 31 Mars
1981.

100
Evolution

De sa naissance en 1935 à nos jours, le mouvement coopératif


haïtien a fait du chemin avec des hauts et des bas. Il existe à l’heure actuelle
près de 300 coopératives enregistrées au CNC avec un capital de plusieurs
centaines de millions de gourdes. A l’aube du troisième millénaire, les
expériences accumulées depuis plus de 155 ans dans le secteur coopératif
mondial et depuis environ soixante ans dans le secteur coopératif national
forcent à prendre du recul. En effet, pourquoi la formule coopérative réussit-
elle bien ailleurs alors qu’elle piétine encore chez nous et même avec une
certaine déviation de sa philosophie ?

Principales priorités pour le développement des coopératives

Une nouvelle vision devra responsabiliser l’Etat et les gouvernants


pour la concrétisation d’un cadre légal plus approprié : de nouvelles lois sur
les coopératives en général, les Caisses Populaires ou Coopératives
d’Epargne et de Crédit, les Mutuelles de Crédit, les Banques
Communautaires, les Banques Coopératives. Un projet d’Appui permanent
au Développement Economique et Social des Coopératives et un autre projet
sur la Création d’un Fonds National de Garantie aux Coopératives, aux
Mutuelles de Crédit et aux Banques communautaires devront être présentés
dans le cadre de la Revitalisation et de Dynamisation du Mouvement
Coopératif Haïtien.

Une nouvelle stratégie doit aussi passer par des Centres Régionaux
d’Education Coopérative, d’Administration et de Gestion des Coopératives.
Chaque centre devra fournir au pays des citoyens polyvalents appelés à
travailler en tout premier lieu dans les coopératives et d’une façon générale
dans les autres entreprises économiques. Un Institut National d’Education
Coopérative formera aussi des licenciés en Science Sociales qui pourront
arriver au niveau de la maîtrise. La stratégie ouvrira aussi la vie vers la
formation à l’étranger pour la spécialisation des coopérateurs dans des biens
définis. De nouvelles technologies adaptées au milieu seront à la portée des
coopératives et des coopérateurs.

101
Le problème du crédit sera résolu par le biais du crédit intermédiaire
qui permet de capitaliser les coopératives d’Epargne et de Crédit et des
subventions sous formes de prêts garantis seront accordées aux jeunes
entreprises et aux entreprises industrielles. Les coopératives devront aussi
réserver une faible part de leur revenu pour pouvoir participer au
changement positif qui se produira dans leur secteur au bénéfice des non-
possédants en vue d’améliorer leurs conditions de vie.

Les tontines (men, sòl, sabotay)

Elles sont implantées en milieu urbain et provincial rural. Basées


sur un réseau de confiance, elles constituent une autre possibilité de
financement du secteur informel et des très petites entreprises formelles.
Aucune évaluation comme du milieu n’a été rencontrée, mais apparemment
le système est important et à ses règlements et son mode de fonctionnement.
On devrait en tenir compte si on veut faire une large opération de micro-
crédit.

Chapitre 6

102
LES INFRASTRUCTURES

De 1804 à 1986, le développement des infrastructures sociales


et économiques n’a préoccupé que de rares dirigeants haïtiens. Un pays
dévasté dans son environnement comme dans ses infrastructures, près de 200
ans d’indépendance, ne permet pas encore à ses fils et à ses filles paysans de
jouir des bienfaits de la tansformation des sentiers coloniaux en routes de
campagne praticables en toutes saisons. Ce qui leur faciliterait ainsi le
transport des produits de leurs jardins au marché de la section communale ou
de la commune proche. La crucifixion quotidienne des paysans n’est pas un
euphémisme pour tous ceux qui directement ou indirectement s’intéressent à
cette épineuse question d’infrastructures physiques.

Ces toutes dernieres annees, des efforts ont été deployes pour la
rehabilitation de plusieurs centaines de kilometres de routes nationales,
departementales et communales, a partir des fonds du tresor public.

Mais la barres normale est encore tres haute et tous efforts euivalent
a peine a une goutte d’eau dans l’ocean de privation ou de rationnement qui
est le lot quotidiende nos concitoyens des sections communales et des villes,
petites ou grandes, y compris la capitale. Et cette misere affecte le citoyen
ordinaire dans son desir sain de faire usage des services elementaires
auxquels il devrait avoir droit, soit : le transport, l’electricite, l’eau potable,
le telephone, l’enlevement des dechets, l’assainissement de l’environnement,
etc.

1.- EAU POTABLE

Qui n’a pas été frappé, sur une route ou au moins ou au coin d’une
rue, par le spectacle de ces jeunes, filles et garçons, mais surtout des filles, à
la file indienne, revenant d’une fontaine publique ou d’un point d’eau privé,
chacun un sceau sur la tête, à l’heure où d’autres enfants de leur âge vont à
l’école ? Ces petits de l’eau ignorent qu’ils habitent un pays encore gâté par
la nature en matière d’eau de surface ou d’eaux souterraines ! Richesse si
mal gérée que chacun est obligé de se donner les moyens nécessaires pour
obtenir le précieux liquide.

103
Dans certains plateaux, la population a recours à des citernes
individuelles ou collectives. Dans certaines plaines sèches, les paysans
parcourent des kilomètres pour trouver l’eau à partir des sources et des
rivières qui ne sont pas toujours proches des agglomérations. Parfois les
habitants utilisent l’eau de puits qui, dans la plupart des cas, est saumâtre.
D’autres, en montagne, collectent les eaux pluviales dans de petits
reservoirs.

Les ressources en eau d’Haïti

Malgré le calvaire quotidien des petits chercheurs d’eau, notre pays


à un grand potentiel hydrique constitué en nappes souterraines, en eaux de
surface et en eaux de pluie.

Les nappes souterraines.- Le potentiel des aquifères du pays,


continus et discontinus, est estimé à 56 milliards de m 3 d’eau. Les aquifères
continus, situés dans les plaines littorales et alluviales, représentent 47
milliards de m3 alors que les aquifères discontinus, situés en montagne, sont
estimés à 8 milliards de m3.

Les eaux de pluie.- Le territoire d’Haïti reçoit environ 40 milliards de


3
m d’eau chaque année. De ce volume, à peine 10% s’infiltrent dans le sol.
Tout le reste s’évapore ou s’en va à la mer.

Les eaux de surface.- La plus grande partie des eaux de surface coule
dans 10 principaux cours d’eau du pays et leur volume annuel se chiffre a
9.5 milliards de m3.

Bref, Haïti a là une carte à jouer. Une gestion rationnelle de cette


richesse naturelle nous permettra de passer de l’insuffisance en matière
d’eau.

Les réseaux de distribution

104
Trois (3) services publics se partagent la responsabilité d’alimenter le
pays en eau potable à partir de captage d’un ensemble de sources
(gravitation) et/ou de forage (pompage) depuis:

- La Centrale Autonome Métropolitaine d’Eau Potable (CAMEP), dont


l’activité est circonscrite à Port-au-Prince. La CAMEP produit chaque
jour 100 mille m3 d’eau, ce qui est nettement insuffisant pour les
besoins de la zone métropolitaine, estimée à 220.000 m3/Par jour.

- La Société Nationale d’Eau Potable (SNEP), qui à sa charge 28 villes


secondaires totalisant pus de 500.000 habitants. Leur besoin sont
couverts en moyennes à 45%, soit une production nettement
insuffisante.

- Le Poste Communautaire d’Hygiène et d’Eau Potable (POCHEP) qui


est chargé de la construction et l’extention des réseaux hydroliques
dans les zones rurales ne dépasant pas 2.000 habitants. Les 90 systèmes
d’aduction d’eau potable alimentent 741 bornes fontaines et 1827
prises domiciliaires.

Les propriétés physico-chimiques de l’eau laissent beaucoup à


désirer. On y dénote parfois des germes bactériologiques. En saison de
pluies, l’eau devient trouble, boeuse et colorée à cause des infiltrations
dans le système d’alimentation des réservoirs. Ainsi, l’eau disponible au
robinet est polluée par suite d’infiltration de substances nocives dans le
réseau de distribution et par la présence de latrines aux environs immédiats
des pluies et des réservoirs.

Les problèmes liés à la distribution de l’eau potable peuvent être


résumés ainsi :

• fuites sur les réseaux ;


• manque d’entretient et mauvaise gestion ;
• débit très faibles par temps de sécheresse ;
• bornes fontaines placées au bord des routes.

Actions futures

105
Les travaux à cours et moyens termes pour la fourniture d’eau
comprendraient l’amélioration des conditions de captage de certaines
sources actuellement en service ; la réhabilitation ou rénovation de certaines
canalisation d’adductions existante ; la création de nouvelles aductions à
partir de nappes alluviales. Dans le cadre d’une nouvelle politique en
matière de captage, de filtration, de traitement et de distribution d’eau
potable, la CAMEP et le SNEP devront être renforcés de manière à jouer, en
ce qui concerne la CAMEP son rôle d’organisme supra-municipale,
fournissant le service d’alimentation dans la région métropolitaine
(carrefour, Port-au-Prince, Pétion-Ville, Kenscoff, Delmas, Croix-des-
Bouquets).

Ces deux organismes pourront avoir comme objectif, d’ici 2004, de


répondre complètement à la demande sur les territoires qu’ils désservent en
respectant les normes qui viendront fixer le seuil de présence de coliformes
et d’autres susbstances dans l’eau. De son côté, le gouvernement devra
adopter un programme de construction d’usines de pompages, de filtration et
de taitement des eaux dans chacune des villes couvertes par le SNEP et la
CAMEP.

Dans le cas du SNEP, une révision s’impose quant à son statut


en regard du partage des champs de compétence entre le pouvoir central et
les pouvoirs locaux, dans le cadre de la décentralisation des pouvoirs vers les
collectivités territoriales. Ces travaux aideraient donc à réhabiliter les
réservoirs d’eau existants, à améliorer la qualité de l’eau, à augmenter
l’accès à l’eau pour les groupes de bas revenus et à réduire les pertes.

106
2.- ASSAINISSEMENT ET RESIDUS SOLIDES

Avec la migration massive de la population rurale vers les villes à la


recherche de travaux rémunérés, on constate une certaine urbanisation
(bidonvilles) anarchiques et incontrolée de la périphérie ou la plupart des
logements sont dépourvus de latrines, ce qui crée une situation désagréable
sur le littorale et dans d’autres coins. En outre, certaines zones à risques sont
construites au mépris de toute forme de sécurité minimale.

Dans ces conditions, la gestion des ordures ménagères pose un grand


problème à travers les grandes villes du pays. Les administrateurs
communales de ces villes ne disposent ni de ressources humaines
compétentes, ni de matériels et moyens logistiques en quantités suffisante
pour apporter une amélioration à l’un des grands problèmes chroniques
urbains. La collecte et l’évacuation des ordures sont très erratiques. Les
employés de la voirie ramassent les ordures à l’aide de brouettes, pour les
déposer dans des décharges improvisées au milieu des zones habitées où un
camion ou un chargeur viendrait les enlever. Toutefois le nettoyage reste en
général incomplet et irrégulier.

Une des pratiques courantes est de brûler les déchets avec toutes les
nuisances que cela comporte pour la santé des riverains. Bien souvent les
ordures sont déversées dans des canaux de drainage, causant leur
obstruction, ce qui entraîne, lors des grandes averses, des inondations
devastatrices qui polluent la mer le long des côtes. Le probleme reste et
demeure entier, y compris pour les marchés et les abattoirs à ciel ouvert.
Cependant depuis quelque temps un effort de collecte des detritus est fait
avec la creation du Centre National des Equipements (CNE), chargé du
ramassage des ordures dans certaines grandes villes.

Il existe très peu de système d’évacuation pour les eaux usées. Les
eaux sont le plus souvent jetées dans les canaux de drainage quand ils
existent. Actuellement, des latrines à fosse sèche sont utilisées dans certains
logements, cependant le taux général d’utilisation serait très bas. Les
quartiers populaires et les zones rurales ont très peu accès à ces services.

De façon générale, en milieu urbain, le drainage est assuré par les


infrastructures de voirie. En milieu rural, il se limite surtout aux
infrastructures d’irrigation et, plus rarement, à la protection contre les
innondations. Le système urbains, quand ils existent, sont généralement très

107
insuffisants et obstrués par des déchets. Ils ne desservent qu’une faible partie
des agglomérations. En milieu rural, il n’est pas rare de constater la
détérioration des routes due à l’absence d’infrastructures de drainage.

Couverture d’approvisionnement en eau potable et assainissement (%)

Déc. 90 Déc. 93 Déc. 95 Déc.96


Eau potable
Capitale 53 34 35 48
Villes secondaires 58 40 45 43
Assainissement de base
Milieu urbain 43 41 42 47
Milieu rural 16 14 16 16

En ce qui concerne l’assainissement et les déchets solides, le


ramassage d’urgence entrainera une amélioration immédiate et visible et
posera les bases des systèmes permanents en vue d’encourager des
améliorations dans le futur à Port-au-Prince et dans les villes secondaires.

3.- TRANSPORT

Notre réseau routier, constitué de sept (7) routes nationales, n’est


pas long que de 917 km. C’est dire que le pays est étranger à lui-même. Les
conséquences de cette limitation sur les autres secteurs sont lourdes. Tel un
cercle vicieux, la clé de l’un est cachée dans l’autre : agriculture, commerce,
industrie, santé, éducation, etc., tous reliés par le transport ou mieux, sans un
système de transport intelligent, ils s’amenuisent, se réduisent à leur plus
simple expression.

Les ports

Pays ouvert totalement au commerce extérieur, Haïti assure le trafic


international des marchandises par des ports placés sous le contrôle de trois
institutions publiques : l’Administration Portuaire Nationale (APN).
L’Administration Générale des Douanes (AGD) et le Service Maritime
National d’Haïti (SEMANAH).

108
Les ports, par un service de cabotage, jouent aussi un rôle important
dans le trafic interne des marchandises quand les routes, dans certaines
régions du pays, ne le permettent pas.

L’Administration Portuaire Nationale (APN) jouit du privilège


exclusif d’exploitation des principaux ports du pays. Deux ports, celui de
Port-au-Prince et celui du Cap-Haïtien, se distinguent très nettement en
raison des investissements importants qui y ont été consentis. Toutefois,
d’autres ports de cabotage ont été modernisés, tels ceux de Jérémie et de
Port-de-Paix.

Tous les ports sont en mauvais état. La seule exception qui peut être
faite, c’est celui du Cap-Haïtien. La situation est problématique. Pour divers
motifs, le port de Port-au-Prince, malgré le fait qu’il ne dispose pas
d’équipements de quai ni de réseau stable d’approvisionnement en eau ou en
électricité, est devenu le port le plus cher de la Caraïbe, ce qui a un effet
négatif sur la capacité tant d’importation que d’exportation.

Haïti, cette moitié d’île, baignée de presque tous les côtés par la très
courtisée mer des Caraïbes et l’océan Atlantique, se doit de développer le
sous-secteur des transformations maritimes. Si l’APN enregistre un déficit
d’exploitation, c’est la gestion qu’elle fait des ports qu’il faut questionner et
non la pertinence du trafic maritime international qui partout ailleurs est
rentable. Si le SEMANAH est questionné chaque fois qu’un bateau
desservant l’île de la Gonâve, Jérémie, ou toute autre ville côtière fait
naufrage, entraînant dans le ventre de la mer la vie de milliers de nos
vaillants compatriotes, à la recherche du pain quotidien, c’est la vigilance
avec laquelle il accomplit sa mission qui fait problème et non la pertinence
de cette mission.

Il est impératif que la gestion des ports analysée dans leur double
aspect de trafic international et de cabotage. Des décisions devraient être
prises pour que l’Etat veille davantage au grain. Car là aussi notre pays
dispose d’une carte pour sortir de la misère.

La desserte des ports

a) Trafic interne

109
Mettant à profit 1.500 kilomètres de côtes où sont localisées les
principales villes du pays, un important trafic de cabotage s’est développé.
En effet, entre 400 et 500 navires combinant des voiliers, des unités à moteur
et mixtes (voiles et moteurs combinés) composent l’actuelle flotte nationale
de cabotage.

Le tonnage par voilier varie entre 3 et 65 tonnes métriques, tandis que


celui des navires à moteur se situe entre 50 et 500 tonnes. En raison de son
relativement peu élevé, ce mode de transport est d’un support considérable
au commmerce de détail. Entre 60.000 et 80.000 tonnes de marchandises
vont d’un point à l’autre des côtes chaque année.

b) Trafic externe

La desserte des ports est assurée par une multiplicité de lignes de


navigation représentées par des agents et reliant Haïti au reste du monde.
Depuis quelque temps, un important trafic s’est développé entre les ports de
province (Miragoâne, Petit-Goâve, Gonaïves) et le reste du monde,
particulièrement les Etats-Unis d’Amérique.

Un programme doit être conçu pour corriger les déficiences constatées


au niveau des installations de l’Autorité Portuaires Nationale (APN). Il
financera l’achat de signalisation maritime, des pièces et équipements pour
la gestion des containers et du trafic, la réparation des routes et quais au port
de Port-au-Prince, et divers travaux dans environ dix autres ports. Une
assistance technique est en cours pour réviser le fonctionnement de l’APN et
évaluer les posibilités de modernisation.

Les aéroports

L’installation la plus fréquentée est de loin l’Aéroport International


de Maïs-Gâté (Port-au-Prince) qui accueillir tous types d’avions (y compris
le DC-10, l’Airbus 300 et les Boeing 747 et 777). L’aéroport de Port-au-
Prince est relié au reste du monde par un grand nombre de lignes aériennes
qui offrent les services de passagers et de colis.

110
L’aérodrome du Cap-Haïtien, qui fait déjà l’objet de liaisons
régulières avec l’étranger, est en passe d’accueillir les long-courriers et les
gros porteurs.

Ces derniers temps, l’aéroport de Maïs-Gâté a fait l’objet de critiques


et de mesures discriminatoires de la part de certains voyageurs et d’une
certaine administration d’outre-mer en matière de navigation aérienne. Ils
vont même jusqu’à avertir les passagers en partance pour Haïti que les
aéroports y sont insécures. Cependant, en contre-expertise, rien de tel n’a été
confirmé. Entre-temps, aucun incident majeur n’est venu mettre en danger la
vie des passagers, ni même créer un handicap aux mouvements des avions.
Toutefois, une gestion plus rigoureuse, plus efficace et plus dynamique, se
rapprochant des standards couramment observés ailleurs, contribuerait à
ameliorer la qualité des services offerts et attenuer l’image de mauvais
gestionnaires offertes aux étrangers.

Par ailleurs, il est prévu que le gouvernement haïtien, obéissant aux


impératifs du développement touristiques, réalisera la construction
d’aéroports de proximité dans les zones designées dans le plan directeur du
développement touristique. La construction de l’un d’entre eux a été
annoncée recemment.

Les deux institutions publiques qui ont la charge de la gestion de


ce sous-secteur, l’Autorité Aéroportuaire Nationale (AAN) et l’Office
National de l’Aviation Civile (OFNAC), jouissent d’une très grande
autonomie : AAN autofinance tous ses projets d’investissements. Là encore,
une étude sérieuse devrait nous guider dans les choix futurs nécessaires.
Quoi qu’il en soit. L’Etat a pour devoir d’accompagner ces institutions dans
la réalisation de leur mission en intervenant plus directement dans les projets
de développement du sous-secteur.

La desserte des aéroports

a) Le trafic interne

Il est essentiellement orienté vers le transport des passagers. Trois


compagnies privées locales assurent la liaison journalière entre Port-au-

111
Prince et les villes du Cap-Haïtien, de Jérémie et de Port-de-Paix. Hinche est
aussi reliée sur une base régulière. Les types d’avion utilisés par ces
compagnies sont des bimoteurs à cinq (5) et onze (11) places et des
monomoteurs à places.

b) Le trafic externe

L’aéroport de Port-au-Prince est relié au monde extérieur par de


multiples lignes de navigation aérienne effectuant le transport de passagers
et de fret : Ait Canada, Air France, ALM, American Airlines, COPA, etc. Du
Cap-Haïtien on peut s’envelopper vers Turks and Caicos, Miami et les
Bahamas. D’autres lignes sont strictement spécialisées dans le transport de
marchandises.

Les routes

Le réseau routier haïtien absorbe beaucoup de fonds. Les données


manquent pour qu’une comparaison soit faite entre les sommes investies par
l’Etat (Trésor public) et la Coopération internationale dans ce sous-secteur et
celles investies pour des secteurs clés tels que la santé, l’éducation,
l’agriculture ou autre. Si l’on analyse le budget d’investissement des
dernières années, on se rend compte de l’importance que l’Etat haïtien
accorde à ce sous-secteur.

Le réseau routier national comprend à date 950 kilomètres de routes


pavées, 1.650 kilomètres de routes en gravier et 1.945 kilomètres agricoles
en terre battue qui assurent la liaison entre les différents centres urbains et
les zones de production agricole, soit environ 4.545 km au total.

Le manque d’entretien et l’absence de drainage ont grandement


détérioré la surface de roulement de la plupart de ces routes qui demeurent
souvent d’accès difficile en saison pluvieuse.

Les routes haïtiennes (4.545 km au total) sont en mauvais état. 80%


des routes payées et 96% des voies primaires nécessitent des réparations
et/ou une réhabilitation. Les zones rurales ne sont pas accessibles à cause de
l’insuffisance des voies de pénétration et de la dégradation des ponts.

112
La réhabilitation du réseau routier

Des travaux d’urgence doivent se concentrer sur la réhabilitation du


réseau routier existant, la répartition des nids de poule, des routes primaires
et l’établissement d’un niveau normal d’entretien. La reconstruction et la
protection de divers ponts en cours, de même que certaines routes
communales, avec les interventions des Travaux Publics Transports et
Communications (TPTC) et du Centre National d’Equipements (CNE).

En 1991, une enquête sur le réseau routier a permis d’établir, pour


tout le territoire national, les différents types de routes et les caractéristiques
de leur état. En cette année-là, 4.284.6 km de routes étaient inventoriés dont
1.452.6 considérées comme bonnes, 1.299.95 médiocres dont 1.532
mauvaises – ces termes, “bonnes,” “médiocres,” “mauvaises” étant
préalablement définis par les enquêteurs. Soit 66% de routes non bonnes.
C’est une situation gênante qui exige que les vraies causes soient trouvées.
Plus les routes sont faites, plus elles doivent être refaites ! Qui contrôle les
procédures de passation de marché ? Qui a droit de regard sur la capacité
réelle des firmes soumissionnaires ? Qui contrôle la qualité des matériaux
utilisés ? Qui fait respecter les recommandations des équipes de supervision,
quand on a jugé bon d’en désigner ? Qui s’occupe du drainage des routes ?
Qui est chargé du suivi de ces ouvrages ?... L’Etat se doit d’être plus vigilant
dans ses interventions dans ce lourd sous-secteur, compte tenu se son
importance pour le développement national et aussi de l’énormité des
sommes investies.

Depuis le retour à l’ordre constitutionnel, des efforts considérables


ont été consentis à même le trésor public pour la construction de nouvelles
routes et la réhabilitation de celles existantes. Dans le cadre d’un plan global
d’aménagement du territoire, l’action devra être orientée vers la continuité.

Parallèlement, sur un modèle déconcentré, l’entretien du réseau


routier devra être inscrit comme une activité prioritaire, au même titre que sa
construction. Un budget spécialement dédié à cette activité et reflétant de
manière réaliste les coûts nécessaires au maintien en parfait état de
roulement des voies carrossables devra être alloué.

Dans les pays de neige, un budget spécial accompagné du matériel


nécessaire est octroyé aux instances déconcentrées pour l’enlèvement de la
neige sur les routes. Certes, en Haïti, il n’y a pas de neige à enlever sur les

113
routes, mais nous avons des alluvions qui encombrent les chaussées après les
pluies. Il y a des endroits particulièrement exposés, tels : Titanyen près de
Cabaret, Savane Désolée près des Gonaïves, Grand-Goâve, etc., où des
équipes d’entretien devraient être à l’œuvre, une fois que la pluie a cessé et
que les crues ont baissé.

Une fois les routes construites, il est nécessaire d’installer des


panneaux de signalisation, selon les formes de l’art, indiquant les limites des
sections communales, des villes, des départements, les sites d’intérêt et les
particularités de la route. On en profitera pour classifier et indiquer les routes
que les usagers empruntent : routes nationales, routes départementales,
routes communales…

Nécessité d’une politique de transport

Le gouvernement Lavalas ayant entrepris de désenclaver les sections


communales et les centres de production du pays, il est devenu nécessaire de
se pencher sur une politique claire en matière de transport des personnes et
des marchandises.

Au début du siècle, comme c’était le cas dans la plupart des pays, le


transport des marchandises en Haïti était principalement assuré par le mode
ferroviaire, comparativement au volume transporté et compte tenu aussi du
fait qu’il n’était pas généralisé sur l’ensemble du territoire. L’ancienne gare
en plein cœur du marché de la Croix-des-Bouquets était le terminal de Port-
au-Prince, où les trains à vapeur de la Compagnie Mac Donald et les
autocars venaient décharger les denrées en provenance des Verettes, de
l’Estère, de Pont-Sondé, de Desdunes, de Grande Saline, de Saint-Marc, de
Drouillard… Le terminal des Verettes pouvait recevoir des marchandises
provenant du Nord-Ouest, du Nord-Est, du Nord et de toute l’Artibonite.
L’ancien régime a laissé disparaître cette infrastructure et le camionnage
désordonné a pris relève.

Pendant ce temps, les autres pays ont continué à développer leur


système ferroviaire, très économique, tout en encourageant le transport
routier. Ils sont aujourd’hui stade intermodal, c’est-à-dire d’intégration des
trois modes : ferroviaire, routier et maritime pour transporter un même
conteneur.

114
Ce qu’on recherche ici, c’est le transport à moindre coût de nos
denrées et produits, c’est de permettre le déplacement de nos concitoyens à
des prix raisonnables. Ainsi, nous devons nous livrer à un exercice de
réflexion, mettant tout sur la table, afin d’aboutir à des solutions concrètes et
pour développer ce secteur dans le sens de l’intérêt national et pour
réglementer le transport transfrontalier et interne. Le transport par voitures-
taxi et tap-tap à l’intérieur des villes devrait également faire l’objet d’une
politique dans le sens de la préservation de l’environnement, de la sécurité
des passagers, de l’ordre public et de la sortie des devises qu’entraîne leur
opération : achat initial, achat de pièces, carburant… par rapport au volume
de passagers transportés.

4.- TELECOMMUNICATIONS

Le sous-secteur des communications a vu naître ces dernières


années une multiplication de stations de radio et aussi une augmentation du
nombre des stations de télévision.

Cependant, dans le domaine de la téléphonie, de faibles


investissements ont été consentis. En conséquence, le nombre de téléphone
par habitant n’a pas augmenté de façon significative. Avec 6 téléphones pour
1000 habitants, Haïti vient après les pays les plus pauvres d’Afrique (8
téléphones pour 1000 habitants). La capacité de lignes téléphoniques
réparties dans l’aire de Port-au-Prince et dans les dix (10) villes de province
est approximativement de 54.000. Il faut noter toutefois un effort de la
TELECO tendant à augmenter la pénétration téléphonique. En effet, le projet
de téléphonie rurale, en cours d’exécution, prévoit la mise en service de près
de 4.500 lignes dans les 133 communes d’Haïti.

Des centraux neufs ont été achetés pour l’aire de Port-au-Prince.


Malheureusement, une bonne partie n’a pas de cartes d’abonnés disponibles.
Ceux qui ont des joncteurs d’abonnés n’ont pas un réseau adéquat de
distribution. Le réseau des câbles est à plus de 70% en mauvais état et est
saturé à plus de 90% dans certains quartiers. Des investissements importants
de l’ordre de USD 90 millions devront être faits pour une remise en état et
l’agrandissement du réseau de l’aire métropolitaine de Port-au-Prince.

115
Approximativement USD 20 millions sont à investir pour
l’agrandissement et la réhabilitation des réseaux extérieurs des dix (10)
villes de province qui ont un système téléphonique en opération.

Le réseau de téléphones publics (postes de téléphone à monnaie) a


disparu est aujourd’hui inexistant dans le pays. A côté du service de
téléphonie de base, il faut remarquer qu’il n’existe aucun réseau public
valable de transmission de données.

Malgré l’existence de plusieurs fournisseurs de service Internet,


cette activité se développe très difficilement dans le pays. En effet, son
développement est conditionné par celui du nombre de téléphones existants.
Trois (3) compagnies privées : Haitel, Rectel, ComCel, se partagent le
marché des cellulaires. Plusieurs autres compagnies offrent les services de
messagerie électronique.

De petits réseaux d’entreprise commencent à voir le jour. Les


banques ont été les premières à investir dans ce domaine. Il s’agit
individuels, ponctuels, localisés dans l’aire de Port-au-Prince. Un réseau
bancaire est en construction. Ses objectifs sont de relier les différentes
banques avec la Banque Centrale pour le transfert de données. Il vise aussi à
desservir des liaisons de données entre des succursales et banques-mères
correspondantes. Le VSAT, un petit système à antenne parabolique
permettant la communication de données par satellite, commence à être
utilisé en Haïti par les institutions financières.

La TELECO dispose de centraux téléphoniques internationaux lui


permettant de compléter des appels à l’étranger par le biais de transporteurs
tels : MCI, ATT, TELEGLOBE, SPRINT, FRANCE TELECOM,
CODETEL, etc.

Le Callback (service qui consiste à initier un appel d’Haïti et à


payer par minute le coût d’un appel des EUA vers Haïti au lieu du coût d’un
appel d’Haïti vers les EUA et qui est considéré comme frauduleux par la
TELECO) est en train de gagner du terrain comme conséquence des tarifs
élevés pratiqués par la compagnie de téléphone Haïtienne. Les revenus de la
TELECO qui, au cours des années passées, étaient de l’ordre de USD 60
millions par année, risquent cette année de se retrouver aux environs de USD
40 millions.

116
Le développement d’un pays exige une infrastructure minimale de
télécommunications. Le service de téléphone de base doit pouvoir être
accessible à la population et aux types d’entreprises. En 1990, les études
conduites par la TELECO ont about à la conclusion que, pour satisfaire les
besoins en services de base, il faudrait installer sur cinq (5) ans un minimum
de 300.000 lignes additionnelles. L’installation de ces lignes requiert :

• des centraux téléphoniques,

• des bâtiments administratifs et techniques pour gérer et loger ces


centraux,

• des réseaux extérieurs (câble en cuivre, fibre optique ou Fixed


Radio Access) pour interconnecter la ligne au batiment de l’usager,

• des liaisons par câble ou par faisceaux hertziens entre les centraux
pour l’écoulement du trafic d’un central à un autre,

• des ordinateurs pour la facturation des appels et la gestion des


lignes et des différents services offerts aux usagers,
• des techniciens compétents pour installer ces lignes, ces centraux,
ces faisceaux hertziens et, aussi, les entretenir,

• des moyens de locomotion pour effectuer les différents travaux,

• des outils et instruments adéquats pour les tests,

• des matériels d’installation de lignes, des appareils de téléphone,

• des piéces de rechange…

Evaluation du coût par ligne

Tous les facteurs cités plus haut entrent dans l’évaluation du coût
unitaire d’une ligne de téléphone. En tenant compte des différences énormes
entre l’infrastructure de l’aire de Port-au-Prince, celles des villes de province

117
et les milieux ruraux, le moyen réel par ligne se situe autour de USD
2.400.00.

Problèmes faisant obstacle au développement de ce secteur

La somme nécessaire à ce développement des télécommunications


n’est certes pas disponible en Haïti. Il faut aller la chercher ailleurs. Mais à
quel prix ? Et comment ? Ce sont les deux grandes questions qu’il faut se
poser.

Ce coût moyen, calculé plus haut, tient compte d’un réseau


extérieur en câbles en cuivre. Il devrait normalement diminuer si l’on utilise
le Fixed Radio Access (FRA). C’est le cas dans tous les pays. En Haïti,
cependant, nous nous heurtons à deux difficultés pour la mise en service du
FRA :

– Cette technologie exige la présence du courant électrique


chez l’abonné ;
– Les coûts exigés pour l’utilisation des fréquences, par le
CONATEL (organisme d’Etat ayant la mission de régulation
du secteur des télécommunications en Haïti), sont
exorbitants et tendent à décourager le développement de
l’infrastructure des télécommunications. Il faut une nouvelle
législation en ce sens.

A ce stade, il convient de regarder avec sérénité :

• la situation socio-économique-politique d’Haïti,

• les besoins en télécommunications,

• les investissements nécessaires pour satisfaire ces besoins,

• la législation régissant la matière.

118
Après réflextoin, on comprend qu’aucune compagnie n’acceptera à
venir en Haïti courir le risque d’investir plus de USD 700.000.000.00.

Pendant des années, on n’a cessé de répéter que la solution à tous


nos problèmes est la modernisation de nos entreprises. Cela parait évident.
Cependant, la situation en Haïti est plus complexe, et une seule compagnie
ne viendra pas prendre tout ce risque en Haïti. L’exemple de la Minoterie est
frappant.

La multiplication du nombre de compagnie diminue les risques


d’investissement pour chacune d’elles. La compétition entre les compagnies
aura comme avantage d’augmenter le niveau service offert à la clientèle tout
en faisant baisser les prix des services. Il est d’ailleurs impensable de vouloir
entrer en marché commun avec d’autres pays maintenant en Haïti des
systèmes de monopoles d’Etat ou des monopoles transférés à des
compagnies privées.

Conséquences directes du développement de ce secteur

Jusque-là, on a parlé du service de téléphone de base. Il arrive que


lors de son développement d’autres services vont se retrouver inévitablement
associés.

L’Internet est en expansion dans le pays. Son développement


exige des lignes de téléphone. Tout un marché est en train de s’intensifier
sur l’Internet. Le développement de l’ATM, caisse automatique de laquelle
on peut obtenir de l’argent avec une carte appropriée, exige une
infrastructure de télécommunications. Il en est de même des POS (Point of
Sales), par exemple le lecteur de cartes de crédit. Les télécommunications
sont nécessaires aux transactions bancaires. Les industriels, pour s’installer
dans les villes de province ou dans les milieux ruraux et déconcentrer ainsi
la capitale, ont un besoin de téléphones, de radios, de TV, de fax, de data
processing et d’Internet. La relance économique par la croissance des
exportations dépendra en grande partie de télécommunications fiables.
L’éducation de masse, particulièrement à l’intention des petits haïtiens des
zones rurales, pourra se faire plus rapidementr et plus efficacememt, grâce à
la technologie moderne des télécommunications.

119
5.- RADIO, TELEVISION

Les ondes hertziennes sont la propriété de l’Etat. En


conséquence, ce dernier doit assurer qu’elles sont utilisées dans le meilleur
des intérêts et au bénéfice exclusif de ses citoyens. L’utilisation des ondes
doit être régie de manière à ce qu’elle reflète les valeurs, les moeurs et les
mouvements de la société. Il appartient en tout premier lieu à l’Etat de
sauvegarder les intérêts moraux et les valeurs sociales auxquels adhèrent les
citoyens du pays. Or, les médias électroniques sont des instruments de
transmission de culture, d’attitudes, de mode de vie et de savoir-faire très
efficaces, au point d’influencer le comportement humain.

Ce qu’on constate aujourd’hui, c’est que la télévision haïtienne est


loin de présenter et de promouvoir la culture, les valeurs et le mode de vie
d’ici à ses téléspectateurs. Autrement dit, les images offertes ne
correspondent en rien, pour la plupart, au vécu de l’Haïtien ordinaire. Le
téléspectateur haïtien n’a donc pas beaucoup de chances de s’identifier aux
personnages et aux modèles que les chaînes disponibles lui imposent. Le
risque est donc grand d’assister, si rien ne vient freiner cette tendance, à une
perte d’identité, à une dépersonnalisation ou à la déshaïtianisation du
téléspectateur.

La radio, de son côté, n’offre guère mieux en matière de


préservation et de promotion de notre culture, reflétant ce que nous sommes.
Il est déjà difficile de recevoir une émission haïtienne en langue haïtienne et
diffusant la musique du terroir certains jours et même chaque jour, à des
heures de grande écoute. Certaines stations vont même jusqu’à animer
totalement ces émissions en langue espagnole ou anglais, identifier leur
émetteur dans ces langues pendant une bonne partie de la journée. Ce n’est
pas un impératif de la mondialisation ou de l’ouverture sur le monde, car si
tel était le cas, certains pays nous auraient déjà devancés de plus d’un siècle
en la matière. Cela n’existe nulle part ailleurs, à moins de détenir une licence
en tant que groupe ethnique minoritaire pour des stations ou des émissions
s’adressant à un public cible. La politique en la matière est à revoir en ce
sens.

Il faudra donc trouver une stratégie qui prenne en compte le contenu


des programmations Radio et Télé, comme cela se fait ailleurs, en vue de

120
revaloriser notre culture et rendre l’Haïtien plus fier de ses origines et de ce
qu’il est, tout en ayant une fenêtre ouverte sur les autres cultures.

D’un point de vue économique, la pratique actuelle prive nos


artistes, nos écrivains, nos romanciers, nos cinéastes, nos graphistes, nos
producteurs et autres métiers connexes, de revenus aubstanciels. Tout le
monde y perd : l’Etat, par les cotisations fiscales dont il est privé ; le
citoyen, par l’absence de loisirs et de divertissement de qualité, par la
banalisation et le mépris de sa culture ; le milieu artistique qui est moribond
par manque d’activités lucratives, et enfin la créativité qui se meurt par
manque de débouchés.

6.- ENERGIE

Aucun pays ne s’est développé et ne peut encore aujourd’hui le


faire s’il ne se dote d’une infrastructure énergétique fiable et accessible à
tous. Ce que réclame l’investisseur, le paysan de la section communale la
plus difficile d’accès du pays le réclame aussi. Celui-là veut être sûr que son
entreprise respectera les termes et délais des contrats de production qu’il a
pu décrocher. Celui-ci voudrait que dans sa chaumière il ait accès à un bel
éclairage que ne donnent que les ampoules électriques ; à un morceau de
“compact direct” que lui amènera la station de radio locale ou nationale… A
eux, à nous, des besoins et à l’Etat des réponses ! Celles qu’il va falloir
trouver pour Haïti devraient être à la hauteur du millénaire qui vient. Tout en
reboisant ses mornes chauves, notre pays veillera à mettre l’énergie adéquate
à la disposition de ses citoyens.

La dégradation de notr environnement aurait dû déjà appeler


comme mesure conservatoire, avec, bien sûr, les moyens financiers et légaux
nécessaires à son application, l’interdiction de toute coupe d’arbres sur toute
l’étendue du territoire, à moins d’autorisation expresse des services
compétents de l’Etat. Aux grands maux, les grands remèdes ! Le mal est
grand, en effet, et il n’est vécu que par nous. A nous donc de trouver les
vraies solutions !

Les sources d’énergie

121
En 1988, la consommation en bois de feu et en charbon de bois a
été estimée à environ 5 millions de mètres cubes, dont 1 millions
transformés en charbon. Pour cette même année, les réserves ligneuses ont
été appréciées à près de 28 millions de mètres cubes. C’est dire que la source
principale d’énergie pour notre peuple, c’est le bois. Le tableau ci-dessous
nous le montre clairement

Sources d’énergie

Ressources locales Ressources importées Consommation


Bois de feu et charbon de bois - 71
Bagasse - 4
Hydroénergie - 5
Produits pétroliers - 20
Total - 100

Pour nos besoins en énergie nous sommes en train de consommer


avec une inconscience qui fait trembler ceux et celles qui veulent travailler
au renouveau de ce pays, les derniers arbres qui nous restent. Où en serons-
nous en 2004 ?

L’énergie électrique

L’énergie électrique est un service public. Sauf certaines centrales


captives existant au niveau de quelques entreprises et dont la capacité
s’élève à 80 MW environ, la production, le transport et la commercialisation
de l’énergie électrique sont du ressort exclusif de l’Electricité d’Haïti
(ED’H). Cette entreprise publique dispose d’une capacité installée de 116.3
MW. La fréquence usuelle est de 110 volts et tout voltage supérieur
implique un arrangement spécial avec l’ED’H.

L’énergie est générée par les centrales thermiques et hydro-


électrique du pays réparties comme suit :

122
a) Cinq centrales hydro-électriques pour une capacité totale de 53.3 MW
approximativement :

Péligre 47.1 MW (Mirebalais)

Drouet 2.5 MW (Gonaïves)

Saut-Mathurine 2.4 MW (Cayes)

Caracol 0.8 MW (Nord-Est)

Gaillard 0.5 MW (Jacmel)

b) Deux centrales thermiques pour une capacité de 63 MW :

La centrale de Varreux 42 MW

La centrale de Carrefour 21 MW

Le secteur énergie, comme d’autres secteurs en Haïti, a été


négativement affecté par la situation économique et politique des
dernières années. Pour le moment, la capacité thermale disponible pour
Port-au-Prince n’est que de 30 mégawatts, sur une capacité
approximativement de 70 MW. En période d’abondance, le barrage de
Péligre produit jusqu’à 54 MW ; pendant la saison sèche, la production
baisse à 15 MW. Les pertes totales en électricité avoisinent actuellement
50%.

Consommation d’énergie électrique


En milliers de kw (octobre-septembre) (EDH)

1990-91 1991-92 1992-93 1993-94 1994-95 1995-96


Commerce 11560.71 8420.11 9292.67 4110.48 7936.85 11121.18
Industrie 94775.74 58991.59 72036.10 35684.11 69193.96 93216.76
Résidence 137321.14 99181.02 114355.39 53821.33 89254.35 116.562.76

123
Quelques options

Une politique de mise en valeur de nos ressources dydro-électriques


devrait ouvrir la voie au développement de nos infrastructures énergétiques.
Dans un premier temps et pour des raisons évidentes liées aux contraintes
budgétaires, il faudrait commencer par mettre l’accent sur la construction de
certaines petites centrales hydro-électrique, c’est-à-dire, celles dont le
potentiel ne dépasse pas trois (3) mégawatts, et par la suite entamer la
construction de quatre (4) centrales de moyenne puissance. Il faut, bien
entendu, prendre en compte l’harmonisation de leur répartition
géographique, les possibilités financière de l’Etat, sans négliger le
développement des potentialités des zones ou régions concernées.

Citons quelque seize (16) sites, parmi les quarante-quatre (44)


répertoriés, avec leurs capacités théoriques et les coûts respectifs estimés en
1998 en dollars U.S.

Constructions de petites et moyennes centrales hydro-électriques

Sites Localisation Capacité Coûts


En Mégawatts En millions US.$
Roche Plate Lascahobas 2.57 4.6
Pichon Belle-Anse 1.23 3.3
Délugé Lanzac 1.18 3.2
Samana Hinche 0.78 2.1
Fer-à-Cheval Saut-d’Eau 0.67 2.1
Petite-Rivière Jacmel 0.13 1.3
Petite-Rivière Jacmel .13 0.6

124
Gosseline Jacmel 0.15 1.2
Gobé Gobé 0.19 0.9
Caracol Nord-Est 0.28 1.0
Saut du Baril Anse-à-Veau 0.37 1.4
Total 9.0 23.0
Fleuve Artibonite A176,7 16.98 84.6
Fleuve Artibonite A109,1 20.94 101.8
Fleuve Artibonite A166 11.85 77.6
Fleuve Artibonite A139,9 28.6 152.4
Total 78.37 416.40

En vue de résoudre certains problèmes, un programme d’urgence


devrait être envisagé. Le programme inclurait :

- un contrat de gestion de performance pour une durée de 24 mois avec


une compagnie étrangère pour faire fonctionner Electricité d’Haïti
(ED’H) et préparer l’entreprise pour la modernisation future,

- la réhabilitation des génératrices et pièces de rechange existantes,

- l’achat d’une turbine d’urgence de support,

- réhabilitation du réseau de transmission et distribution.

L’énergie solaire et éolienne

Toujours au niveau des infrastructures énergétiques, il faut dans un


même temps intégrer le fait qu’Haïti est un pays de soleil battu par les vents.
Aussi faut-il prendre les mesures incitatives à l’installation d’une usine de
fabrication de panneaux solaires, car la silice abonde dans nos rivières. Dans
le cadre d’un programme gouvernemental, le prix du panneau solaire
pourrait être divisé, au moins, par trois (3). Le modus operandi pourrait se
concevoir ainsi : établir un contrat de partenariat entre le fabricant, à même
de rapatrier 50% de ses bénéfices, et l’Etat, représenté par l’ED’H. L’abonné
pourrait se procurer ses panneaux par échelonnement de ses bons, libellés en
gourdes, sur son bordereau mensuel, ce, sur une période de cinq (5) ans.

On peut également construire deux usines de fabrication d’énergie


éolienne, dont les deux (2) sites choisis, parmi les cinq (5) répertoriés, se
situent dans les départements du Nord-Ouest et du Sud. Le coût, estimé en
dollars US. Et en termes d’apport du gouvernement haïtien, serait de l’ordre

125
de quatorze (14) millions pour une puissance respective de quarante (40)
mégawatts.

Vu l’urgence à pourvoir le pays en énergie électrique, il y a lieu de


considérer que les réserves certaines de lignite (selon l’étude du BGR faite
en 1982) de 6,3 millions de tonnes, près de Maïssade, peuvent alimenter
trois centrales thermiques fournissant, chacune, dans les 50 mégawatts, à
raison de 2.920 heures de fonctionnement par an, pendant neuf (9) ans au
moins. Ce délai est suffisament long pour permettre la construction d’autres
centrales hydro-électriques, bien qu’il ne soit pas question d’exclure
l’importation de lignite de qualité à partir de pays proches où il abonde.

Ainsi, dans le cadre d’un quinquennat, on peut mettre en branle le


processus de pourvoiement harmonisé du pays en énergie électrique, 24/24,
plus précisément :

- en termes d’énergie éolienne : 45 mégawatts,

- en termes d’énergie solaire : 280 mégawatts,

- en termes d’énergie hydro-électrique : 87 mégawatts,

- en termes d’énergie électrique, fournie par le lignite : 150 mégawatts.

Le développement harmonisé de l’énergie électrique, couplé


avec le développement des réseaux routiers et de télécommunications,
s’entend au sens de création de pôles de croissance et de foisonnement
de PME et PMI dans le pays tout entier, ce qui va dans le sens de la
lutte pour l’emploi et contre la pauvreté, de la délocalisation et de la
déconcentration, les mesures incitatives aidant, de la débidonvillisation,
de l’amélioration des systèmes d’éducation et de santé, etc.

7.- PARCS INDUSTRIELS

Ce sont des espaces aménagés, lotis et clôturés, desservies


par des routes internes, par un réseau électrique et de
télécommunications, des systèmes d’adduction et de stockage d’eau,
des systèmes d’évacuation des eaux usées des bâtiments industriels.

126
On distingue dans le pays les parcs industriels suivants :

a) Le parc industriel de la Société Nationale des Parcs Industriels


(SONAPI), agence de l’Etat jouissant de statuts spéciaux. La
SONAPI loue, au choix de l’entrepreneur, des bâtiments industriels
ou des terrains sur lesquels ce dernier peut construire son propre
bâtiment.

b) Le parc industriel de la SHODECOSA. Cette compagnie a été la


première privée autorisée à implanter en Haïti des parcs industriels.
A l’encontre de la SONAPI, la SHODECOSA se consacre
exclusivement à la location de bâtiments industriels.

c) Les mini-parcs industriels

En Haïti, nous n’avons pas encore de grandes et complexes zones


franches. C’est un concept extrêmement développé dans certains pays de la
Caraïbe et de l’Asie. Ce sont des projets à considérer pour Haïti, compte
tenu de leur degré de profitabilité et du volume intéressant d’emplois créés.

8.- LOGEMENT ET HABITAT

Contexte

Port-au-Prince et, dans une moindre mesure, le Cap et les Gonaïves


deviennent de plus en plus des étendues urbanisées improvisées. Cette
explosion urbaine incontrolée, si les pouvoirs publics n’interviennent pas
avec célérité, reduira bientôt Port-au-Prince et les autres villes à n’être dans
un futur proche que de vastes rassemblements de bidonvilles avec des
conséquences économiques, environnementales, politiques et sociales
négatives pour l’avenir du pays.

Cette croissance urbaine désordonnée aura de plus en plus des


répercussions directes sur la majorité de la population au niveau de la santé,
de l’éducation, de la sécurité publique (hausse de la criminalité), etc. Elle

127
provequera de nouvelles formes de discrimination économique et sociale
menaçant ainsi la stabilité du système démocratique. Ainsi, malgré une
urbanisation accélérée (la population urbaine est passée de 24.10% en 1980
à 32.57%), la dégradation de l’environnement et une croissance non
contrôlée de la population, les infrastructures et les services n’ont pas suivi
la courbe de l’évolution démographique.

Au début des années 1970, une dynamique de croissance s’est


timidement enclenchée, avec la reprise de l’aide internationale et
l’implantation d’entreprises de “sous-traitance.” On assista alors à une
accélération de la migration, tant de l’intérieur que des Haïtiens venant de
l’étranger. Port-au-Prince devenait ainsi un pôle d’attraction, sans que
planification et coordination de la croissance soient sérieusement engagées.

Evolution de la population de la zone métropolitaine de Port-au-Prince

Année Population Communes Taux de croissance


19% 638.000 1 -
1988 1.568.000 4 7.8%
1993 1.950.000 6 4 à 5.1%
2000 à 2004 3.150.000 6 6%

A ce rythme, la population de Port-au-Prince et de la région


métropolitaine atteindra, au milieu du siècle prochain, six (6) millions
d’habitants environ, soit 30% de la population totale du pays.

Evolution du parc de logements

Année Unités Surface bâtie Moyenne Moyenne des


En m2 Surf./logement/hab. Unités de logement en m2
En m2
1976 132.000 2.940.000 - -
1988 275.000 7.640.000 4.87 27.7
1992-93 325.000 9.290.000 4.71 28.60

Après l’hypothèse de 6% de taux moyen de croissance, il faudra


loger en 2000-2004, 561.000 ménages, d’une taille moyenne de 5.6
personnes, à une densité moyenne de 340 habitants à l’hectare, sur 9.245
hectares de terrain urbanisés pour la zone métropolitaine. Les besoins
projetés (correspondant presque aux données actuelles) sont de 12.39
millions de m2 de construction de logements, et l’extension de 1.746
hectares de terrains résidentiels.

128
En se basant sur les coûts de construction de 1993, variant de 1440
gdes/m2 à 4,750 gdes/m2, l’investissement global en 1996 pour la
construction de logements nécessaires sur les huit (8) prochaines années
aurait été de 41,398 millions de gourdes, soit une moyenne de Gdes 5,175
millions/an. C’est purement impensable, même en admettant l’initiative
privee pour les plus nantis des menages.

Le problème

Dans ce contexte, Haïti traverse aujourd’hui une véritable crise de


l’Habitat que l’on peut résumer ainsi :

- La production de logements ne répond pas à la demande sociale et se


répercute par un déficit croissant en absence d’interventions publiques
significatives. La précarité de l’assise foncière dans les zones
nouvellement urbanisées s’allie à cette pénurie de logements. Les
réalisations du Ministère des Affaires Sociales et de l’Entreprise
Publique pour Logements Sociaux (EPPLS) et celles du secteur privé
paraissent très minces.

- La seule alternative existant pour la majeure partie de la population


reste la filière informelle. Ce qui porte la population à accaparer des
terrains et à construire sans plans, sans autorisation, sans droit réel sur
les terres avec pour conséquence un habitat de qualité déplorable ne
répondant pas aux normes minimales d’hygiène et de salubrité mais
dont le coût est cependant très élevé. D’autre part, l’allocation du
budget des couches nécessiteuses au logement oscille entre 40 et 50%.
Une importance partie des transferts venant de la diaspora est affectée à
cette fin.

- Les instruments financiers et techniques de promotion du logement


sont totalement inadaptés. Le financement conventionnel des banques
de logment n’est pas intéressé par cette clientèle incapable de répondre
aux critères d’éligibilités (titre dede propriété, faculté d’hypothéquer le
bien, capacité de rembourser bien établie, participation de
l’emprunteur). D’où la réticence des institutions financières à placer
leurs fonds dans des prêts risqués (risque d’intérêt, risque de liquidité et
risque de crédit).

129
La question du logement ne peut plus être considérée dans ce
contexte comme relevant du domaine privé. Elle doit être liée à une politique
de population et à l’aménagement du territoire dont elle est une composante
essentielle. Face à l’ampleur du phénomène, un programme sérieux de
créations de logements à des prix abordables doit être mis sur pied dans les
meilleurs délais au service des catégories modestes de la population. Un abri
augmente la productivité de l’homme.

Dans cette perspective l’Etat se doit de viser à atteindre un


certain nombre d’objectifs en matière de logements : la mobilisation de
ressources permettant une croissance du secteur du logement entendu aussi
comme un secteur de l’économie nationale, l’accessibilité des familles au
crédit pour le logement et la création d’un cadre légal et réglementaire
facilitant les innovation institutionnelles dans le domaine de l’habitat.

L’accroissement de la pauvreté urbaine au cours de ces dernières


années et l’incapacité des mécanismes de gestion urbaine à répondre aux
nécessités sociales de la majorité de la population urbaine ont poussé à
l’initiative du gouvernement haïtien et, avec le concours du Centre des
Nations-Unies pour les Etablissements Humains, à la formation d’une
Commission Intersectorielle sur l’Habitat et le Logement.

Cette commission constituée en 1995 vise à inscrire la


problématique du Logement et de l’Habitat comme une priorité du
développement, à élaborer de nouvelles stratégies de gestion urbaine et à
promouvoir une politique Nationale de l’Habitat et du Logement. Cette
politique devrait favoriser un équilibre entre les exigences du développement
économique, la protection de l’environnement et l’amélioration du cadre de
vies des couches les plus pauvres de la population.

Cardre d’intervention de la politique nationale

Du fait des différentes dimensions de l’habitat et de leur étroite


relation avec des actions dans le domaine du logement, il est nécessaire de
fixer le champ d’action de la politique.

a) Du point de vue territorial

130
Les actions de la Politique Nationale concernent l’ensemble des
départements. Une stratégie doit être définie pour établir la localisation des
premières actions et fixer une séquence réaliste de mise en place et de
consolidation de cette politique.

b) Du point de vue de la population cible

Les programmes d’actions seront dirigés de façon prioritaire vers les


secteurs à faible revenu. Pour les secteurs à revenu moyen, seront mis en
place des mécanismes facilitant l’accès au logement (de façon plus
spécifique il s’agira de mécanismes facilitant l’accès au crédit dans le
secteur privé et l’accès au sol).

c) Du point de vue des interventions à entreprendre, il s’agira de :

- Mettre en place des mécanismes opérationnels visant à faciliter l’accès


au sol pour le logement ;

- Viabiliser des terrains et réhabiliter des quartiers en les dotant des


réseaux d’infrastructures et des services de base. (Dans certains cas,
pourront être réalisés des branchements domiciliaires) ;

- Prendre des actions pou l’amélioration des services et des logements.

L’exécution des interventions de viabilisation des terrains, de


réhabilitation et de l’amélioration du cadre bâti, sera déléguée au secteur
privé (entreprises moyennes, petites et artinanales).

d) Finalement la législation et la réglementation relatives aux conditions


des lotissements et aux constrcutions des logements seront du
domaine de la politique Nationale de Logement et de l’Habitat.

Les différentes mesures de construction, d’expansion, de


réhabilitation ou de modernisation d’infrastructures n’ont d’autres finalités
que bien-être de l’homme haïtien et de la femme haïtienne, qui devront
bénéficier de toute création d’emplois et de toute génération de richesses et
être au centre de dévelopement articulé et durable.

131
LES SECTEURS SOCIAUX

132
Chapitre 7

EDUCATION

Investir dans le capital humain

Parmi les secteurs sociaux, l’éducation est celui qui,


économiquement réclame le plus de moyens, politiquement a le moins
d’impact immédiat mais qui, socialement, construit réellement la
citoyenneté. Sans éducation, en effet, la notion de citoyenneté est vide de
contenu. L’être non éduqué est objet de son histoire et ne peut, par
conséquent, être le maître de son destin. En effet, par conséquent, être le

133
maître de son destin. Passager d’un vehicule infernal, à l’image de l’apprenti
sorcier de Goethe, il ne sait plus sur quel levier appuyer pour aller dans la
direction souohaitée. La mission première de l’éducation est de rendre l’être
libre afin que, utilisant son potentiel intellectuel au maximum, il oriente sa
vie et celle de sa communauté vers les sommets les plus hauts.

La fin de ce siècle aura vu des organismes créés pour la


multiplication infinie des avoirs financiers des pays riches se préoccuper
d’éducation dans un sens fort prometteur. Par un retournement heureux du
cours de l’histoire, ceux-là qui refusaient dans les années d’après-guerre
d’investir dan le social et qui surveillaient scrupuleusement toutes les
courbes du marché afin qu’elles soient toujours ascendantes, avaient enfin
compris que le capital monétaire sans le capital humain (tout étant
capitalisable !) n’avait qu’une rentabilité limitée. Les grandes banques de
prêt ont changé leur discours sur le social, elles veulent devenir des
“partenariats efficaces” dans la valorisation de l’humain. C’était heureux.
D’autant plus heureux que nous, Haïtiens, depuis près d’un demi-siècle,
nous montrons au monde entier comment un peuple pauvre peut se priver de
tout pour payer la scolarité de ses enfants.

Cependant, malgré nos efforts, nos enfants des sections communales


comme ceux des villes, mais ceux-là plus encore que ceux-ci, ont 44% de
chance de grandir en dehors de toute structure scolaire (le taux de
scolarisation primaire net étant de 56% en 1997). Oeuvrant dès le lever du
jour dans les champs de riz, de pois ou de légumes, livrés à eux-mêmes dans
les rues de la capitale ou des villes de province, effectuant chez d’autres eux-
même des travaux domestiques pour lesquels ils ne sont ni rémunérés, ni
appréciés, ces enfants, les nôtres, sont des exclus de la modernité présente et
future.

Malgré l’effort extraordinaire des familles pour scolariser leurs fils


ou filles, nous nous retrouvons au dernier rang mondial ou presque en
matière d’efficacité interne de notre système éducatif. “Lave men siye atè !”
nous investissons à perte, car nos enfants, par des redoublements incessants,
terminent quatre à cinq ans plus tard l’école primaire sans avoir appris les
rudiments de la vie moderne, sans non plus être en mesure de se situer par
rapport à leur mode de vie rural ou urbain. L’école haïtienne est un espace
De déracinement. Elle n’apporte pas la précision nécessaire pour
l’enracinement salutaire dans notre paysage national et caraïbéen, pour

134
l’insertion dans le cosmos, pour l’intégration dans l’humanité. Une école à
reformer encore et toujours !

Offre et coût annuel de la scolarisation par zone et type de réseau

Types d’établis Etablissements Dépenses des ménages


Public Privé Urbain Rural
Prés-colaire 210 1018 523 Gdes 202 Gdes
Primaire 1100 7000 761 ” 371 ”
Secondaire 116 660 1342 ” 907 ”
Total 1426 7618
Source : Diagnostic technique du système éducatif haïtien

La Réforme du système éducatif haïtien

A la fin des années 1970, soit environ dix ans après l’émigration d’un
grand nombre d’enseignants haïtiens vers l’Afrique et le Canada, des
éducateurs de carrière et des gestionnaires du système éducatif ayant fait le
constat de l’inefficacité presque totale de ce système avaient jugé pertienent
d’entamer sa transformation. Leur souhait n’aurait pas cependant eu de suite
si, à cette époque, les bailleurs de fonds n’avaient pas changé leur vision sur
le rôle de l’éducation dans le développement des Etats. Haïti a pu ainsi
obtenir de la Banque Mondiale les fonds nécessaires pour encourager sa
réforme éducative en 1980. C’était le début de la Réforme Bernard, du nom
Ministre qui l’avait entreprise. Dans sa finalité, ses objectifs et les résultats
escomptés, cette réforme contraire à la vision du gouvernement de l’époque
était en porte-à-faux avec les préjugés des possédants ou des politiciens
tournant autour de l’appareil d’Etat. Elle affirmait, en effet, que le jeune
écolier :

- Développerait son esprit critique à partir de faits de son milieu (“étude


du milieu”) ;
- Serait inité au sens des responsabilités civiques dans la vie
communautaire ;

- Apprendrait dans sa langue maternelle à lire et à écrire tout en


apprenant le français comme langue seconde ;

- Ferait l’acquisition d’un minimum suffisant d’informations et de


compréhension du milieu physique et social dans lequel il vit ;

135
- Développerait ses capacités cognitives autant que manuelles ;

- Etc.

Cette réforme a connu tous les malheurs, jusqu’à la destruction du


matériel didactique donné gratuitement aux écoles par l’Etat. Au bout de ces
quinze ans d’implantation mitigée, un diagnostic du système éducatif a été
réalisé. Il permet de mettre le doigt sur les problèmes liés au secteur. (Voir :
Diagnostic tehcnique du système éducatif haïtien. MENJS. 1995)

Organisation et caractéristiques du système éducatif haïtien

Le système éducatif haïtien est organisé théoriquement selon les


textes en vigueur autour d’une école fondamentale de neuf (9) ans et d’un
cours secondaire de trois (3) ans. Il existe également un enseignement
préscolaire non obligatoire et un enseignement technique accueillant des
élèves après la sixième année de l’enseignement fondamental dans des
Etablissements d’Enseignement Professionnel (EEP) et des élèves après la
cause de seconde dans les établissements d’Enseignement Technique (EET).

L’enseignement supérieur, quant à lui, accueille les détenteurs du


baccalauréat deuxième partie au sein d’établissements formant au niveau de
la licence ou d’écoles prefessionnelles supérieures préparant aux carrières
d’ingénieur (Faculté des sciences), de médecin (Faculté de Médecine) ou
d’agronome (Faculté d’Agronomie), etc. Ces facultés et écoles sont
regroupées au sein de l’Université d’Etat d’Haïti (UEH), institution
autonome et indépendante selon les prescrits de la Constitution de 1987, ou
font partie d’un secteur privé qui compte environ la moitié des effectifs du
supérieur.

La présence quantitativement dominante du secteur privé dans


l’éducation est une des caractéristiques importantes du système éducatif
haïtien. 6% de élèves des deux premiers cycles du fondamental fréquentent
un établissement privé. Dans le secondaire, les établissements sont privés à
75% et dans le supérieur plus de 80% des établissements existants ont été
créés au cours des dix dernières années. S’il comprend les meilleurs écoles
qui fonctionnent très en dessous du minimum requis et détournent les
ressources rares consacrées en vain par les parents à l’éducation des enfants.

136
1) Le Ministère de l’Education Nationale, de la Jeunesse et des Sports
(MENJS) est l’nstance étatique de régulation du système éducatif. Les
établisements privés doivent obtenir un permis de fonctionner de la
part du MENJS. Le ministère exerce sa tutelle via ses services
déconcentrés que sont les dix (10) Directions Départementales de
l’Education (DDE) et l’Institut National de Formation Professionnelle
(INFP). Le Rectorat de l’UEH a de par la loi un rôle dans la régulation
du secteur de l’enseignement supérieur. Il existe aussi un Secrétariat
d’Etat à l’Alphabétisation, créé après la restauration de la démocratie,
en 1994.

Du préscolaire au primaire

Près d’un million d’enfants ne peuvent pas fréquenter l’école, soit


parce que les établissements n’existent pas ou sont éloignés de leur
résidence, soit encore parce que les coûts de l’école sont trop élevés. Malgré
une forte pousée de scolarisation entre 1980 et 1998, la couverture des
besoins scolaires reste loin d’être assurée, particulièrement en milieu rural
où la fréquentation demeure prodigieusement en retard par rapport au reste
du pays. Les inégalités sociales se produisent donc par l’école et de manière
aussi accentuée qu’avant 1980.

Il existe environ, à travers les neufs (9) départements, 210 centres


publics préscolaires (CPP), tous attachés à des écoles nationales primaires.
On compte en revanche plus d’un millier de centres scolaires privés pour
l’ensemble du pays. 15% seulement des enfants d’âge préscolaire
frequentent les établissements préscolaires privés.

Quant à l’enseignement primaire, le niveau d’accès à l’ecole de la


population en âge scolaire demeure l’un des défis majeurs du secteur. En
1995, moins de 25% des enfants en âge de scolarisation (6-11) ont accès à
l’école primaire en milieu rural, avec de grandes disparités au niveau des
départements. Sur l’ensemble des 1.156.937 enfants scolarisés au niveau
primaire en 1994/1995, presque 85% sont obligés de fréquenter une école
privée. Ce pourcentage qui est resté constant depuis 1987 illustre
l’importance de l’effort qui est requis des parents pour assurer la scolarité de
base de leurs enfants.

137
Les surâgés représentent la moitié des effectifs de l’Enseignement
Fondamental. Ce fait réduit la capacité d’accueil des établissements et
entraîne des problèmes pédalogiques sérieux. Il est à signaler que, tout au
long de la scolarité, les filles sont plus jeunes que les garçons.

Au plan quantitatif, le faible niveau académique et professionnel du


corps enseignant est reconnu aujourd’hui par tous les acteurs du système
éducatif. La plus grande majorité des maîtres n’a pas atteint le niveau de
performance correspondant au deuxième cycle de l’école fondamentale.

Le secondaire accadémique

Le recensement de 1997 a dénombré 1.170 écoles secondaires (3 e


cycle fondamental compris). De ce nombre, le secteur public ne possède que
144, dont 112 en milieu urbain et 32 en milieu rural. Il s’agit là, malgré tout,
d’un réel progrès car en 1991, le Gouvernement Lavalas n’avait trouvé que
38 lycées sur tout le territoire national ce, après trente ans de dictature et
cent quatre-vingt-sept ans d’Indépendance. A la veille du coup d’Etat, le
Gouvernement Lavalas avait pris la décision de doter notre pays de 19
lycées modernes. Sur cette lancée, de nombreuses intiatives ont été prises
par les communautés à l’effet d’ouvrir, sans même l’avis du Ministère de
l’Education Nationale dans certains cas, d’autres “lycées” dans divers
endroits (écoles primaires ; maisons d’habitations, maisonnettes et autres).

Le poids du secteur privé est encore plus lourd qu’en 1995 : il est
passé de 75% à 85%. Toutefois ces écoles ne sont en fait pas complètes,
c’est-à-dire qu’elles n’offrent pas toutes les classes de l’enseignement
secondaire : 16% seulement arrivent jusqu’à la terminale, dont 19% pour le
public contre 15% pour le secteur privé.

Les ressources publiques consacrées au développement de nouvelles


capacités dans ce sous-secteur sont encore très faibles avec pour
conséquences un accroissement prodigieux de l’offre scolaire par des
opérateurs privés insuffisamment préparés à cette fonction.

Le recensement de 1997 a dénombré 32.391 filles et 48.730


garçons au secondaire, soit au total de 81.121 élèves fréquentant les écoles

138
du secteur public. Au niveau du secteur privé, l’effectif est le triple de ce
nombre : 124.857 filles contre 122.620 garçons, pour un total de 246.857
élèves. Le taux de croissance du secteur privé a connu de 1988 à 1997 un
bond prodigieux : il a atteint 93%. Il représente 75% des écoles de ce niveau
d’enseignement.

L’expansion spontanée du secteur privé, pour faire face à l’explosion


de la demande sociale d’éducation, s’est souvent opérée au détriment des
exigences minimales de qualité ; “les entrepreneurs privés” n’ont pas
toujours les compétences académiques ni les motivations pédagogiques
nécessaires pour appliquer les programmes de formation proposés.

En effet, en 1995, sur 2.747 enseignants du secondaire, 366


seulement avaient un diplôme de l’Ecole Normale Supérieure ; 500 avaient
un diplôme universitaire ; 1.315 ne possédaient que le baccalauréat. Ces
derniers constituaient 48% de la population enseignante contre 38% en 1990.
Il est à noter qu’un grand nombre d’étudiants de diverses facultés dispensent
Des cours dans des institutions secondaires sans les qualifications
professionnels requises.

Quant aux examens, ils ne reflètent guère le rendement véritable des


élèves. En même temps, le baccalauréat se dévalue de lui-même par suite
des conditions techniques des examens : ciculation des sujets hors des salles
d’examens, tricherie générale, caractère désuet des types d’épreuves, etc.

L’enseignement technique et professionnel

Pour chaque 1.000 travailleurs occupés, seulement six (6) ont été
exposés à une formation technique quelconque, c’est-à-dire pouvaient
attester d’un diplôme ou d’un certificat, sans que la contrepartie soit
nécessairement la maîtrise d’une qualification réelle. La confiance dans les
diplômes a disparu auprès des entreprises qui recourent de plus en plus à des
techniciens étrangers pour des postes de qualification intermédiaire. La
prolifération de centres privés mal equipés et dépourvus d’enseignants
qualifiés est loin de répondre à la demande sociale et aux besoins réels des
entreprises.

139
L’enseignement supérieur

L’ensemble du dispositif d’Enseignement Supérieur (public et privé)


regroupe, en 1994/95, entre 18.000 à 20.000 étudiants dont un peu plus de
10.000 inscrits dans l’enseignement public. Ces dernières se répartissent
principalement dans onze facultés, écoles et instituts de l’Université d’Etat
d’Haïti (UEH) (94%), les autres se retrouvant au CTPEA, à l’Ecole
Nationale de Technologie Supérieur, à l’Ecole Nationale des Arts et dans les
Ecoles Nationales d’Infirmières. Les étudiants de l’UEH ont augmenté de
56% en 10 ans, alors que la capacité d’accueil n’a pas augmenté.
L’INAGHEI (33%), la faculté de Droit et des Sciences Economiques, la
faculté d’Ethnologie, la faculté des Sciences Humaines et la faculté de
Linguistique Appliquée reçoivent 76% des étudiants. Les étudiants en
sciences, en médecine et odontologie ne représentes que 18% du total.

Près de 80% des établissements privés existants ont été créés apr ès
1984. Il y a dix ans, le poids relatif du privé dans l’offre d’Enseignement
Supérieur était seulement de 14%. En 1995, les effectifs des étudiants
inscrits dans les établissements privés représentent près de la moitié de la
population universitaire.

La majorité des institutions universitaires (privées et publiques)


fonctionnent dans des installations précaires, ne disposant pas de vraies
bibliothèques, ni de laboratoires. De même, il n’y a pas de corps professoral
permanent, ni une structure administrative cohérente. Cependant, on
découvre l’existence de 856 chaires d’enseignant.

L’alphabétisation et l’enseignement non formel

L’éducation non formelle couvre toute forme d’apprentissage


organisé qui prend place en dehors des structures du système formel et qui
aborde les besoins de formation spécifiques de n’importe quel sous-groupe
particulier d’adultes ou d’enfants, c’est-à-dire des groupes qui sont
rassemblés en vue de l’accomplissement d’un but spécifique
d’apprentissage.

140
Notre taux d’analphabétisme est le plus élevé de l’Amérique et l’un
des plus élevés au monde. Il se situe autour de 60% : l’intervention de l’Etat
dans le domaine de l’éducation non formelle semble se limiter de la
Secrétairerie d’Etat à l’alphabétisation indique la grande importance que
l’Etat donne à sa résolution. Plusieurs organisations privées oeuvrent
également dans le domaine de l’alphabétisation. Quant aux autres
programmes d’enseignement non formel, l’essentiel des initiatives reste le
fait des organisations non gouvernementales (ONG), des Mnistères de
l’Agriculture et de la Santé.

La plupart des programmes fonctionnent dans l’ignorance les uns


des autres. Il n’ y a donc pas d’approche commune en matière de curriculum,
d’évaluation et de normes pédagogiques. Les trois méthodes d’éducation
non formelle utilisées le plus fréquemment sont les suivantes :

- L’animation rurale, surtout utilisée dans le domaine de l’éducation pour


le développement.
- L’éducation à distance, qui a été experimentée en Haïti avec des succès
divers. (normalement chaque station de radio est requise par la loi de
consacre une heure par jour à des émissions éducatives mais cette loi
n’est pas appliquée).
- Il y a enfin les initiatives médiatiques de masse aux fins d’éducation :
campagnes nationale sur les droits de l’homme, le SIDA ou l’éducation
civique. La télévision, la radio, les affiches et les banderoles sont les
médias de choix.

Les problèmes cruciaux du secteur éducation

Le diagnostic établi par le Ministère de l’Education Nationale a


permis de relever les principaux problèmes qui affectent le système éducatif.
Ils sont repris ci-dessous :

1) l’inégalité des chances d’accès à l’école. Le développement très


inégal de l’éducation en Hati a engendré des disparités aussi bien
quantitatives que qualitatives dans l’accès de la population aux
services éducatifs.

141
Les différences sont très sensibles entre ville et campagne où le taux
net de scolarisation présente moins de la moitié du niveau national. Nombre
de villages sont sans écoles. Cette réduction des chances offertes aux
populations rurales provient de la rareté de l’offre publique, concentrée, à
l’égal de l’offre privée, dans les zones urbaine et semi-urbaines.

Sous l’effet conjugué du chômage et de l’augmentation des droits


scolaires et autres charges directes de scolarité ces dernières années, nombre
de familles n’arrivent plus, même en ville, à envoyer leurs enfants à l’école.

A ces conditions d’accessibilité physique et financière de l’école


s’ajoutent des aspects tout aussi important liés au fonctionnement interne du
système éducatif. D’une part, les élèves des zones rurales réunissent bien
moins de chance de disposer de maîtres qualifiés que les petits citadins et
d’autre part, leurs écoles sont moins équipées et encadrées et sont moins
fonctionnelles que les écoles urbaines.

2) la médiocre qualité des services reçus. Le système éducatif haïtien est


jugé par ses usagers (parents et élèves) à l’aune de la réussite aux
examens D’Etat en 6e année pour les cycles de base et en 1 ere et
terminale pour le cycle secondaire. A ces deux paliers, les taux de
réussite sont en dessous des 50% pour le baccalauréat. Outre ces
résultats, l’analyse des groupes d’âges montre que les cycles de base
comptent plus de 40% de surâgés, ce qui pose des problèmes aussi
bien du point de vue pédagogique que du point de vue de gestion des
flux d’élèves.

Le recrutement des agents de l’éducation a souffert d’un manque


de rigueur, qui s’est manifesté plus fortement dans les écoles du milieu rural.
Dans beaucoup de cas, les critères utilisés on eu fort peu à voir avec la
compétence pédagogique. Dans la majorité des cas, lorqu’ils étaient
identifiés, ils n’étaient pas systématiquement appliqués. Dans le cas des
lycées nouvellement créés, il n’y a pas eu de selection réelle et le personnel
nommé était souvent sans compétence avec un faible niveau de qualification
académique. Par ailleurs, il est évident que les enseignants des milieux
urbains sont nettement plus qualifiés que ceux des zones rurales.

3) la faiblesse en matiére de planification et de gestion du secteur. Le


système de gestion du secteur de l’éducation, en raison de la vétusté
des instruments et surtout de l’inadéquat des procédures en cours, se

142
revèle tout à fait non performant, qu’il s’agisse de gestion de
personnel, de gestion budgétaire ou de gestion du patrimoine ou
encore de l’administration des examens.

Le diagnostic, établi en 1995 a relevé que la faiblesse de la


gouvernante publique du système éducatif était liée à un manque de
politique éducationnelles ou de planification stratégique, par suite d’absence
de continuité dans l’application de la réforme éducative, d’absence ou
d’insuffisances des systèmes opératoires et d’outils de pilotages adéquats.
Ces déficiences proviendraient, au premier chef, des limitations des
ressources humaines et matérielles auxquelles est confronté le secteur tant
dans sa composante privée que dans sa composante publique.

Quelques indicateurs d’éducation

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997


Taux de scolarisation primaire brut (%) 70.7 74.0 77.2 80.1 85.0 87.0 92.7 97.0
Taux de scolarisation primaire net (%) 41.0 43.0 45.0 47.0 49.0 51.4 53.7 56.2
Radio élèves/maîtres (secondaire) 29.0 .. 29.0 36.0 37.0 37.0 37.0 37.0
Taux de scolarisation (secondaire) 11.9 14.4 14.0 13.5 13.1 12.8 .. ..
Radio élèves/maîtres (secondaire) 12.2 12.2 12.9 12.9 13.0 13.8 12.4 12.0
Taux d’alphabétisation adultes 53.0 .. 55.0 .. .. .. .. ..
Taux de réussite au BAC I 46.5 46.3 33.5 52.6 22.3 18.9 16.4 ..
Taux de réussite au BAC II 85.7 77.4 62.7 83.5 35.8 18.1 16.1 ..
Source : UNESCO/MENJS

Budget et dépenses d’éducation

1990 1191 1992 1993 1994 1995 1996 1997


Budget public affecté au Secteur 12.5 10.3 8.6 10.3 .. 9.1 8.0 7.0
éducation
Dépenses public Education 1.1 1.0 1.0 1.2 0.7 .. 1.0 1.0
(%PIB)

Le plan National de l’éducation

En 1995, sur la côte des Acadins, s’est tenu un événement sans


précédent dans l’histoire de l’éducation en Haïti : la tenue des Etats
Généraux de l’éducation. Cette activité de portée nationale, puisqu’elle
réunissait des délégués venus de toutes les communes du pays, allait
permettre au Ministère de l’Education Nationale de reccueillir les souhaits

143
des éducateurs afin de bâtir sur al base de leurs recommandations le Plan
National de l’Education. Le plan, élaboré en 1996, présente la vision du
ministère en ces termes :

« … une école haïtienne de qualité accessible à tous les


citoyens, et d’un Ministère de l’Education qui exerce
pleinement son rôle de garant de la démocratisation et de la
qualité de l’éducation à tous ses niveaux, dans tous les secteurs,
public et privé, à travers tout le territoire national. »

Il s’agit, à n’en pas douter, d’une nouvelle école : une école de


qualité. Pour y arriver, le Ministère se propose de mettre l’accent sur les axes
d’intervention suivants :

1) l’amélioration de la qualité de l’éducation ;

2) l’augmentation de l’accès à l’éducation ;

3) la relance de la formation professionnelle et technique ;


4) le renforcement des capacités de gestion et de planification du secteur.

Le plan nécessitera des investissements importants afin d’atteindre


les objectifs fixés pour chaucun de ces domaines. Il conviendra par une
stratégie appropriée de dégager les fonds publics nécessaires tout en
s’appuyant de façon raisonnable sur la coopération externe qui ne nous
refusera pas sa solidarité.

Le développement de partenariat entre l’Etat et la société civile

Le système éducatif haïtien, en raison de la place numérique


importante qu’occupe le secteur non public et de l’hétérogénéité de ce
secteur, ne peut être amélioré qualitativement quantitativement que sur la
base du développement d’un partenariat entre l’Etat et la société civile, dans
le cadre de relations contractuelles clairement définies.

Nous le savons, l’effort de la scolarisation doit être mis à l’actif des


familles. L’Etat ne parvient pas, malgré l’importance accordée au secteur
depuis 1991, à les rattraper. Nous devons assumer cette réalité, qui est
considerée par certains comme un “paradoxe.” Cette situation sera prise

144
encore plus en compte par l’Etat dans le cadre de la décentralisation avec
une plus grande participation des acteurs à la gestion de l’éducation

Les services du MENJS doivent travailler en étroite concertation


avec leurs partenariats naturels que sont les communautés locales, les
associations d’écoles privées, des parents et des agents éducatifs : les
organisations syndicales et professionnelles, les ONG travaillant dans le
domaine de l’éducation : les ministères organisant des formations tels que
les Affaires Sociales, la Santé, l’Agriculture, la Justice, les Travaux Publics ;
Le secteur économique, les associations d’employeurs et les partenariats
internationaux.

Le développement de l’éducation

Moins de la moitié des enfants sont scolarisés en milieu rural, alors


que près de 70% de la population vit de l’agriculture. Cette insuffisance
grave alimente, à travers les générations, l’analphabétisme des principaux
producteurs du pays et contribue à expliquer le peu d’évolution des
structures productives. En milieu urbain aussi, la masse de la main-d’œuvre
disponible ne semble pas répondre aux qualifications exigées pour passer de
l’habileté artisanale à l’expansion des secteurs industriels traditionnels ou
d’activités nouvelles, ni à l’émergence de services performants. L’école a,
pour sa part, contribué au manque de diversité de l’économie, au manque
d’attrait du travail agricole, à l’incapacité du pays à faire face à la pression
démographique, à l’exode (rural et ubain), au chômage endémique et aux
perturbains politiques et sociales.

Dans sa situation macro-economique presente, le pays restera sans doute


mal arme pour affronter le contexte international actuel, s’il n’ancre pas
davantage son système éducatif dans une problématique délibérée et suivie
du renforcement du développement national.

Son capital humain constitue la meilleure ressource d’Haïti. Mais un


pays dont une bonne partie des citoyens n’a pas accès à une éducation de
qualité se prive aujourd’hui de l’essentiel de progrès.

Il est établi que l’éducation de base est un investissement


particulièrement significatif pour la croissance économique et le

145
développement efficace des autres niveaux d’enseignement. A travers
l’universalisation à terme de l’enseignement fondamental et de l’éradiction
progressive de l’analphabétisme, le programme d’amélioration de
l’éducation de base représente la clé de voûte de la reforme actuelle.

L’éducation vise, certes, à former un individu culturellement et


socialement intégré, mais également capable de s’insérer dans le marché de
l’emploi (éventuellement par l’auto-emploi), ce qui permettra d’assurer une
meilleure insertion notamment des jeunes dans la vie active. L’amélioration
de la qualité de l’éducation devrait, à terme, contribuer au relèvement du
niveau des revenus de la population tout en renforçant le rôle de l’école
comme milieu de dialogue et d’intégration, rôle favorable à la mutation
sociale qui seule explique le grand espoir place par la population dans
l’éducative et l’expression vigoureuse de cet intérêt au niveau de la
demande.

Sur le plan culturel, l’ouverture sur le savoir et sur le monde que


procure l’école est orientée vers l’enrichissement immédiat (famille, terroir)
de l’individu haïtien.

Orientations pour l’avenir

Nous le croyons, nous l’affirmons, nous devons investir dans nos


ressources humaines. Sur chaque gourde que nous collectons et que nous
versons au Trésor Public, le tiers devrait aller dans les activités de
l’éducation pour que se réalise la scolarisation universelle prescrite par la
Constitution de 1987 et par la Déclaration de Jumptien : une éducation pour
tous en l’an 2000. Bien sûr, nous ne serons pas au rendez-vous en l’an 2000.
Mais d’ici l’an 2004, notre stratégie devait être validée à partir
d’expérimentation dans certaines régions du pays.

Une école de qualité, c’est certain. Mais d’abord et avant tout école
où le jeune Haïtien apprendra à réfléchir sur son environnement, pour le
transformer. Loin de tout emmagasinage de savoir, l’école amènera l’écolier
à relever des défis à la mesure de son idéal de progrès, à nouer des relations
positives, à cultiver la tolérance, à respecter l’expérience humaine passée et
présente, tout en la critiquant pour mieux se l’approprier. La qualité aura
pour siège la prise de conscience. Les idées de Paulo Freire sont encore

146
d’actualité. Après lui nous disons : “Il ne peut y avoir de conscientisation …
hors de l’action transformatrice, en profondeur, des hommes sur la réalité
sociale. Il ne peut y avoir de conscientisation en dehors de la relation
dialectique : homme-monde ; et nous ne pouvons ni la réaliser, ni la
comprendre, si nous nous laissons aller à illusions idéalistes ou à des
équivoques objectivistes.”

L’écolier haïtien ne peut accéder à la qualité uninverselle en


ignorant les défis auxquels son pays doit faire face pour se mettre à nouveau
debout dans le concert des nations modernes. C’est une exigence même de
cette modernisation incontournable : nous n’y parviendrons qu’en étant plus
solidement assis dans notre réalite, plus convaincus et plus sûrs de l’impact
de notre contribution à la mondialisation humanisée.

Une école dans chaque section communale. Une école


communautaire qui, entre autres :

- sera au centre de la collectivité,

- se mettra pleinement au service de tous,

- sera l’espace de vie collective par excellence,


- accueillera les jeunes comme les vieux dans le cadre d’une éducation à
la fois formelle et informelle.

Une école appropriée par la communauté pour dans une symbiose


heureuse, soit gagnée une des luttes les plus digne que cette terre nous invite
à mener en permanence, celle de l’éradiction de l’analphabétisme pour une
emprise totale sur le destin collectif.

147
Chapitre 8

CULTURE

148
Dans le domaine de la culture, les termes “Haïti,” “Haïtien” sont
synonymes de liberté totale, de capacité d’envol extraordinaire vers l’autre
côté du réel, vers le rythme le plus riche, l’imagination la plus grandiose, les
mythes et les symboles les plus prégnants.

Culture haïtienne, espace de rencontrer de tant d’autres ! Ici,


l’Europe, l’Afrique et l’Amérique précolombienne se sont fondues en un
geste d’éternité. Si la culture haïtienne parle avec tant de force à tous, c’est
que, tout en s’alimentant de la géographie et de l’histoire qui lui ont permis
d’exister, elle a su sauter les garde-fous, escalader les massifs et les pics,
ouvrir la porte de l’imaginaire et des vibrations de l’humain vrai. Nos maux
nombreux, les cataclysmes politiques, sociaux, écoligiques ou économiques
qui se sont abattus sur nous depuis tant de siècles n’ont pu faire de nous des
sinistres de l’imaginaire ! Notre culture nous fait vibrer avec l’univers dans
toute sa magie, remue notre être dans toutes ses cellules et dans tous ses
nerfs…

Ressources culturelles

Au fil des ans, nous avons érigé des monuments, élevé des forts :
nous sommes un peuple né à la guerre et la violence des champs de bataille
nous habite encore. Notre exubérance, notre démesure dans l’arrangement
des formes et le mélange des couleurs font de nous, au cœur de la Caraïbe,
des artistes prolifiques aux talents certaines et variés !

Notre patrimoine, notre peinture, notre musique notre artisanat, notre


littérature nos deux langues officielles, nos techniques de construction pour
ne citer que ces aspects de notre culture, sont la pour témoigner de l’espace
que nous nous sommes construit.

Le Patrimoine

149
Notre patrimoine national est encore relativement riche malgré
toutes les attaques qu’il a subies au cours de tous ces siècles. Il est constitué
de sites divers, de monuments historiques et de lieux qui ont acquis leur
valeur tout au long de notre histoire de peuple culturellement métissé : les
Africains, les Taïnos, les Chemès comme les Français ont fait de nous, en
partie bien sûr, ce que culturellement nous sommes aujourd’hui.

Ce patrimoine qui a coûté à l’humanité tant de vies humaines, du


génocide des Indiens à la déshumanisation des nègres d’Afrique de la prise
de conscience de ces derniers à la destruction de leurs bourreaux, nous
devrons le conserver pour que de génération en génération nous puissions
continuer à l’étudier le décrire, le comparer à d’autres, le faire visiter. Ce
patrimoine comprend les biens nationaux suivants :

- les sites archéologiques et précolombiens

- les forts et citadelles, châteaux et palais de la période esclavagiste


ou de l’indépendances

- les sites liés aux luttes pour l’indépendance (Bois-Caïman…)

- les architectures des villes historiques (Cap-Haïtien…)

- les archives, documents, objets et œuvres d’art historiques

Ces sites et constructions constituent, par leur architecture


spectaculaire et par leur environnement naturel, des atouts touristiques
considérables. Ce sont aussi des lieux de mémoire, qui peuvent renforcer
l’image d’Haïti à l’extérieur, et l’unité nationale de l’intérieur, à condition
d’amorcer leur ré-appropriation par les populations locales, selon une
approche adaptée : en effet, les citadelles et les châteaux en particulier
portent les symboles de domination et de l’esclavage, et s’intègrent
difficilement dans les schémas et les préoccupations de la culture populaire.
C’est par le biais du développement, de l’environnement et du tourisme qu’il
sera possible de les renaturaliser.

Le Patrimoine culturel vivant est centré autour des cultes, des


traditions populaires (le carnaval, le combat de coq, les fêtes champêtres) du
folklore, de la cuisine, des plantes médicinales et cérémonies et des hauts

150
lieux vodou. Il y a là une originalité forte d’Haïti, qui dépasse le cadre
national, et un ciment efficace des populations.

Ce patrimoine vivant a une triple origine : amérindienne, africaine


et européenne. Des premiers habitants de la terre d’Haïti, nous avons hérité
notre type d’habitat rural, l’ajoupa. C’est d’eux que nous avons reçu la
technique de la préparation de la cassave, de la bière mabi, la technique de la
fabrication, de la poterie, des hamacs, etc. De l’Afrique nous est venu notre
être cosmique, ce principe par lequel nous pouvons créer de la musique, des
contes, des œuvre picturales, danser, chanter, communiquer avec les forces
de l’univers par le vodou et combattre nos ennemis. La France quant à elle,
est, est présente en nous par les nombreux mots du vocabulaire de notre
langue maternelle, le créole que nous avons pris d’elle ainsi que par
l’importance que nous accordons encore au catholicisme.

La créativité artistique

La créativité artistique d’Haïti ne s’est jamais démentie et s’est


constamment renouvelée depuis deux siècles. Haïti occupe, ou a occup dans
la région et dans le monde une place importante dans des domaines
d’excellence :

a) les arts plastiques.- tout en étant doté d’une peinture académique


solide, Haïti a connu une gloire durable dans le monde entier grâce à
sa peinture dite « naïve » ou « primitive ». Au-delà de ce succès de
nos peintres les plus humbles d’origine et de cette reconnaissance
mondiale. Il faut voir la capacité haïtienne de dépasser les
contingences. La pauvreté, nous ont montré nos peintres, n’est pas
une négation de la richesse. Au contraire, elle peut en être une
source ! Toute la question cependant est de ne pas la tarir.
b) L’artisanat.- L’artisanat d’Haïti, qui représente une part sensible de
ses exportations, allie l’originalité de la conception à la perfection du
travail (objets de bois, fers découpés…) Certaines régions du pays
sont connues pour leur artisanat de qualité. En fait, en Haïti, les
artisans sont partout. Notre potentiel est immense en cette matière.

c) La musique.- Notre peuple, à la mélodie tantôt lyrique, parfois


agressive, souvent voluptueuse, toujours signifiante, a choisi de se

151
dire par le tam tam, la flûte bambou, le saxophone, le «vaksin »….
Nous sommes habités par la musique et nous faisons corps avec la
réalité que lorsque nous la chantons. La musique haïtienne a incarné et
influencé, un temps, toute la musique de la Caraïbe. C’est un vecteur
culturel efficace, qui s’exerce en continu (radio, concerts) et joue un
rôle d’identification important.

d) Les langues.- Le créole et le français, de puis plusieurs siècles,


partagent le réel et l’imaginaire de notre peuple. Selon qu’il ait eu la
chance d’aller a l’école ou non, le citoyen haïtien parlera une ou deux
langues : le français étant surtout appris à l’école. Le créole, notre
langue maternelle, est notre outil langagier favori. C’est avec elle que
nous avions lancé nos cris de ralliement dans les siècles passés, c’est
avec elle que nous continuions la bataille pour notr dignité. Le
français demeure notre deuxième langue, même s’il est quelque peu
tombé de son piédestal. Démocratie oblige !

e) La littérature.- La littérature haïtienne occupe une place de premier


plan parmi les littératures d’expression française. Ses grands écrivains
du passé et d’aujourd’hui ont une notoriété internationale. La
littérature en langue en créole est également très riche et pleine de
promesses. Notre littérature souffre cependant de notre haut taux
d’analphabétisme et de notre pouvoir d’achat limité. Le jour où une
amélioration sera apportée à ces deux handicaps, nos écrivains
confirmeront encore mieux leur place à l’échelle nationale et
internationale.

La désorganisation du secteur

La culture n’est pas un secteur spécifique, mais se présente comme un


ensemble de secteurs hétérogènes. Il appartient à l’Etat d’en assurer la
coordination et la régularisation. Le premier constat que l’on peut faire est
qu’en absence d’une politique gouvernementale, ni les institutions en place

152
ni la société civile ne se sont montrées capables d’assurer cette fonction.
L’ensemble du secteur est fortement désorganisé.

Notre patrimoine tombe en ruine. Nos monuments, nos archives, nos


sites archéologiques ou culturels connaissent une phase de dégradation
avancée due à l’usure, aux intempérires ou au vandalisme.

Les domaines de la créativité artistique sont tout aussi désorganisés :


la décote actuelle de la peinture haïtienne sur le marché mondial s’explique
par l’anarchie triomphante qui a accompagné jusqu’aux années 80 le succès
d’une production qui n’a su établir ni respecter les règles les plus
élementaires d’une économie fondée sur la rareté et la patience.

Surproduction, imitation, copiage, baisse de qualité et de


l’inspiration dans l’euphorie d’une vente facile et surcotée ; tout est
intervenu pour détruire en peu de temps ce que le génie de quelques-uns et
des circonstances favorables avait semblé instituer définitivement.
Aujourd’hui, des tableaux haïtiens se vendent ailleurs : ils n’ont d’haïtien
que le style : ni l’Etat, ni la société civile, n’ont tenté à la pérennisation d’un
miracle.

Ce qui est dramatiquement vrai pour les arts plastiques l’est aussi, à
des degrés divers pour les autres domaines de la création artistique : la
musique, le théâtre. L’érosion matérielle du patrimoine bâti ou traditionnel a
pour corollaire l’érosion des sources de création. L’inspiration se tasse et se
réduit en l’absence de marché, mais aussi tout simplement, elle s’evade à
l’extérieur. La perte de capacité est bien réelle et mesurable.

Cette désorganistion généralisée se manifeste sur plusieurs plans :


l’absence de cadres juridiques et de structure solides d’appui ou de
formation : l’absence d’une économie rationnelle investie par la société
civile ; l’absence des moyens matériels élementaires, que ce soit pour la
conservation du patrimoine ou pour l’expression artistique ; manque de
scènes et d’équipements, de lieux d’apprentissage et de répétition, de
rencontres, etc.

Seule la littérature haïtienne se sort à peu près bien de ce chaos, pour


deux raisons : sa notoriété et son dynamisme sont portés par l’extérieur, et
elle est comme organisée du dehors ; la demarche littéraire reste très
individuelle et l’economie de l’ecrivain est beaucoup plus reduite et plus

153
personnalisée, structurellement que celle du peintre ou du musicien ou même
du metteur en scène.

Enfin, on peut noter comme facteur grave de dysfonctionnement, le


déséquilibre radical, très particulièrement dans le secteur culturel, entre la
capitale, Port-au-Prince, ou même les villes principales, et les régions rurales
des départements. Faute d’une politique de décentralisation et des moyens de
l’appliquer, toutes les ressources régionales, humaines ou matérielles sont
laissées à l’abandon : les inégalités d’accès aux biens culturels, meme si la
situation de crise peut le masquer partiellement, s’accroissent avec le
développement des nouveaux moyens de communication et d’information.
On assiste à la constitution d’une culture à deux vitesses.

Cependant, malgré tous les problèmes auxquels nos créateurs font


actuellement face, leurs œuvres ne laissent indifférents que peut de gens. La
richesse de leurs productions pour notre pays des atouts certains :

• Un atout important pour la reconstruction de son identité et de son


unité nationales autout d’un patrimoine fortement présent et symbolique,
acteur de son développement, ainsi que d’une créativité artistiques
génératrice d’images et de ressources.

• Un atout pour la politique de décentralisation, dans la mesure ou les


communatés seront associées économiquement et techniquement à la
valorisation des sites, prendront en charge leur environnement, et
bénéfiecieront des activités touristiques, artisanales et culturelles qui s’y
implanteront, de façon à former de petits pôles de croissance et de fixation
d’activités cohérentes

• Un atout économique fort par les retombées prévisibles en matière


de tourisme et de ventes artisanales, mais aussi en matière d’industries
culturelles si, comme on peut le prévoir, Haïti retrouve en tout ou en partie
la place qu’elle occupait naguère dans la Caraïbe et se donne les moyens
modernes de l’exploiter

Principales orientations du secteur

154
Compte tenu du potentiel de notre pays dans ce secteur, l’Etat et les
collectivités territoriales veilleront à conjuguer leurs efforts afin de redresser
la tendance actuelle. Avec l’appui du secteur ils devront :

- Valoriser et protéger le patrimoine national ;

- Promouvoir et diffuser la culture nationale en Haïti et à l’etranger ;

- Stimuler, encadrer et encourager la création et la production culturelle


et artistique ;

- élaborer le cadre légal pour le patrimoine culturel, artistique et


littéraire ;

- proposer des lois au gouvernement pour un contrôle d’authenticité des


œuvres de nos artistes de renom et pour la protection des droits
d’auteur ;

- encourager les entreprises ou les particuliers à investir dans les activités


culturelles et artistiques : théâtre, cinéma, production de spectacle, de
concert, etc. ;

- Déduire d’impôt les dépenses d’un certain niveau effectuées dans ce


domaine par les particuliers ou les entreprises ;

Faire renaître la confiance dans les valeurs

Parmi toutes les crises auxquelles Haïti fait face, il existe, sans nul
doute, une crise d’identité, résultante d’une absence de lutte intense au profit
des valeurs haïtiennes. Il faut non seulement restituer au peuple ses droits sur
sa culture, mais il faut aussi, de manière urgente, faire renaître sa confiance
dans ses valeurs et lui proposer de nouveaux modèles. Ces modèles ne
doivent pas le séparer de la mouvance internationale. L’Haïtien du Nouvel
Etat sera également un citoyen du monde tout en gardant son identité
haïtienne. Il est possible, grâce aux nouvelles technologies de l’information,
de garder le citoyen haïtien dans son milieu culturel tout en ayant un regard
critique sur les différents aspects culturels à l’echelle internationale.

155
Cependant, en ce qui concerne le marché de l’art, nous devons
formuler une stratégie pertinente afin que l’art haïtien ait, pour premiers
consommateurs, des haïtiens, que ces haïtiens, résident en Haïti ou dans le
10e département. Cela est important, car la surproduction qui a entraîné la
dévaluation de nos arts plastiques sur le marché international de l’art est un
phénomène qui peut toujours se reproduire, s’il n’est pas sérieusement
adressé. D’ailleurs, avant notre peinture, selon notre éminent écrivain
Jacques Stéphen Alexis, notre sculpture avait connu le même sort. La
dépendance est une relation qui ne peut en aucun cas être à l’avantage du
pauvre. Les intérêts des peuples riches changent, leurs goûts aussi. Notre
culture, c’est notre force ; c’est par elle que nous pouvons dire au monde de
notre liberté. Nous ne la laisserons en aucune façon se perdre dans les
méandres de la commercialisation à outrance.

Chapitre 9

156
SANTE

La santé et l’alimentation

La nourriture, la santé et la productivité sont interdépendantes : la


malnutrition entraîne une mauvaise santé qui limite la productivité. En
matière de nutrition, le tableau de notre pays est sombre. Notre peuple se
nourrit très peu et très mal. La cause première : le sous-emploi. Il est
indéniable, en effet que des citoyens qui travaillent dans des conditions
équitables, ne peuvent manger… à leur faim. Chômage aux mille maux.
Carence visages et aux mille maux. Carence en micronutriments. Fausse-
couche, surdité, crétinisme, insuffisance pondérale, émaciation…

La santé constitue, de toute évidence, une des revendications


essentielles du peuple haïtien et est un droit humain fondamental.
L’Organisation Mondiale de la santé (OMS) défintit la santé comme “un
état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou d’infirmité.” Une autre approche
est de considérer la santé comme un “état de bien-être physique, social et
psychologique, et un équilibre de la personne avec son environnement
naturel.” Cette définition plus ample du concept, parce qu’étroitement liée
au développement global et intégré de l’être humain, interpelle la conscience
nationale.

La situation sanitaire actuelle de la population haïtienne laisse


encore à désirer. Le système de santé accuse de sérieuses faiblesses. Un tel
etat de choses est la résultante du phénomène de paupérisation qui affecte de
manière chronique et pernicieuse la société en général. Il est aussi la
traduction tant du manque d’engagement de l’Etat dans ce domaine, que de
l’archaïsme et de l’inadaptation su système haïtien de santé.

L’Etat a du pain sur la planche. Malnutrition des enfants et des


adultes aiguë ou manultrition chronique des jeunes enfants, sous-nutrition
des bébés, « Grangou » des jeunes femmes allaitante, des femmes en age
procreer, des femmes dans leur age « d’or », anemie ferriprive. Combien de
nos enfants ont du abandonner l’ecole parce qu’incpables d’apprendre ?
Combien de nos travcailleurs ont du etre remercies de leurs employeurs

157
parce que toujours fatigues, prives de toute force de travail ? Fragilite du
corps. Corps livrant toujours un combat farouche aux infections de toutes
sortes. Corps affaibli. Corps sans fer. C’est un fait connu : le taux moyen
d’absorption en fer est terriblement bas dans nos sections communales
comme a Port-au-Prince. Il est meme plus bas dans la capitale que dans une
zone aussi sinistree que le Nord’Ouest. Plus d’un tiers de nos femmes et
presque la moitie des enfants d’age prescolaire sont anemies. Une chance
toutefois : ce mal, quoiqu’endemique, peut etre combattu plus aisément que
les épidémies qui, elles, réclament de gros moyens dans l’immédiat.

Il y a environ un an, une grande peur s’était emparée de la


population : des cas de méningites auraient été diagnostiqués à l’hôpital
général de Port-au-Prince. Fausse alerte, fort heureusement. La lutte serait
inégale. Certaines épidémies se manifestent bel et bien, cependant. Elles
peuvent être dues à des carences en micronutriments. Ainsi l’épidémie de
rougeole qui a frappé notre pays au début de cette décennie est la preuve de
la pauvreté de notre alimentation en vitamine A. Mais c’est au quotidien
que, dans les sections communales, dans les bidonvilles, dans les quartiers
populaires l’absence de la vitamine A fait des dégâts considérables : diarrhée
et infections respiratoires tuent jeunes et vieux, femmes et hommes loin de
toute attention médicale. La carence en vitamine A, de l’avis de tous ceux
qui ont eu à se pencher sur les problèmes de santé publique en Haïti, affecte
sérieusement le fonctionnement du système immunitaire de notre poulation
sans distincton d’âge et de sexe. Le drame : quand la santé de la femme est
profondément affectée, elle perturbe sa vie et son milieu familial.

Les caractéristiques du secteur

Le système de santé

Le système sanitaire haïtien n’a jamais répondu aux attentes de la


population. Il a toujours vu coexister deux types de médecine : la médecine
moderne et la médecine traditionnelle.

On peut distinguer en son sein trois principaux intervenants :

• le secteur public

158
• le secteur privé

• la coopération internationale

Le secteur public ou étatique s’occupe de la médecine préventive et


curative. Il est caractérisé par son archaïsme administratif et l’inadéquation
de ses strcuture de prestations : hôpitaux sous-équipés, dispensaires et
centres de santé non fonctionnels. Ces établissements fournissent à la fois
des soins préventifs, généralement gratuits, et des soins curatifs payants,
selon des tarifs divers et non standars.

D’autre part, le secteur privé s’adonne, à travers des institutions


sanitaires telles que : polycliniques, cabinets médicaux et hôpitaux, à une
pratique curative libérale et lucrative qui n’est régulée par aucun mécanisme
d’ordre normatif, juridique ou fiscal. A ce secteur appartient également la
quasi-totalité des laboratoires de technologie médicale et des pharmacies
exerçant leurs activités lucratives sur le territoire.

Enfin, la coopération internationale est organisée autour de types


d’institutions : celles engagées dans l’aide multilatérale (e.g. Banque
Mondiale, OMS, UE, UNICEF), et les agences d’aide bilatérale (e, g.
USAID, CE, GTZ). Ces institutions financent, soit à travers un organisme
de gestion soit de façon unilatérale, qui sont indigènes étrangères. Elles ont
également la tendance malenconteuse à développer des mécanismes de
domination et/ou de contrôle de la politique de santé ou, plus
spécifiquement, de l’appareil étatique de santé.

Rappel des indicateurs

Il est bon de rappeler le contexte socio-économique extrêmement


difficile auquel est confrontée la population. En effet, Haïti est catégorisée
comme étant le seul PMA (Pays Moins Avancé) de la région hémisphérique.
Avec un P.N.B. estimé à 250 $US, Haïti, ne cesse-t-on de répéter, est le plus
pauvre et le plus peuplé de l’hémisphère occidental. La mortalité infantile
est supérieure à 100 pour 1000 naissances vivantes. Le taux de croissance de
la population tourne autour de 2% et celui de l’analphabétisme est supérieur

159
à 50% (cf. Préface). La ration calorifique recommandée par la FAO, soit
2260 calories, n’est consommée que par 25% environ des familles
haïtiennes.

Evolution de la population

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997


Population (millions) 6.5 6.6 6.8 6.9 7.0 7.2 7.3 7.5
Population urbaine (millions) 2.0 2.0 2.1 2.2 2.2 2.3 2.4 2.5
Population rurale (millions) 4.5 4.6 4.7 4.7 4.8 4.9 4.9 5.0
Densité (hab/km) 234.15 239.16 244.17 249.19 253.50 259.2 264.8 270.00
2 3
Source :IHSI

Quelques indicateurs démographiques

1985-1990 1990-1995 1995-2000


Taux moyen annuel de croissance (%) 2.03 2.05 2.08
Taux moyen annuel de croissance (pop. Urbaine) (%) 4.11 4.02 3.93
Taux moyen annuel de croissance (pop. Rurale) (%) 1.23 1.18 1.14
Taux de croissance naturelle (%) 2.31 2.34 2.34
Taux bruit de natalite (0/000) 36.20 35.29 34.10
Taux de mortalite (0/000) 13.12 11.85 10.72
Taux bruit de reproduction 2.43 2.34 2.24
Taux de mortalité infantile (moins d’un an) (0/000) 96.64 86.24 74.00
Esperance de vie à la naissance (en annees) 55 57 58
Source : IHSI

Le budget de la République consacre moins de 20% de l’enveloppe


nationale au secteur qui en affecte la majeure partie aux salaires. Il faut
également rappeler que, malgré leur situation de pauvreté extrême, les
familles haïtiennes dépensent leurs avoirs, ou se dépossèdent quasiment, dès
qu’il s’agit de faire face à la maladie. Car la santé est prise en charge par le
privé à 70%. Dans ce domaine, les ONG jouent un rôle non négligeable. En
effet, en 1995, selon la Banque Mondiale dans son rapport sur la pauvreté en
Haïti, les dépenses de santé pour les deux secteurs, public et privé,

160
totalisaient 158 millions de $US. De cette valeur, l’Etat (appuyé par la
Coopération externe), n’avait dépense que 45 millions, soit 6.5$US par
personne. La hauteur de 21$US par citoyen est atteinte par l’apport
considérable du privé. Ce qui est totalement en deçà de la moyenne des
dépenses en matière de santé par citoyen en Amérique Latine, soit 202$US.
Notre retard est énorme et les problèmes à résoudre ne le sont pas moins.
Avec les pays voisins, il nous sera difficle de développer, dans les
prochaines années, en matière de santé, des rapports d’égal à égal.
Comparons encore les indicateurs de chez nous à ceux de certains pays de la
Caraïbe:

Taux de mortalité infantile : 74 pour mille (12 à la Jamaïque, 42 en


République Dominicaine).

Taux de mortalité infanto-juvénile : 131 pour mille (14 à la Jamaïque,


50 en République Dominicaine).

Taux de mortalité maternelle : 4.6 pour mille naissances vivantes (1.2


à la Jamaïque, 0.4 à Cuba).

D’autres maladies, n’ont de moindres, prennent aussi place dans le


cortège de nos difficultés, Les données ci-dessous complètent le tableau :

Taux d’incidence de la tuberculose : 5 pour mille.

Taux de séroprévalence de l’infection au virus de V.I.H. (SIDA) : 8 à


10%, milieu urbain – 4% milieu rural.

Taux de séropositivité au V.D.R.L. : 6 à 8% parmi la population


adulte urbaine.

Taux de malaria : endémique sur 80% du territoire.

• Taux élevé de mortalité maternelle.- Parce que 80% des naissances


ont lieu au foyer et qu’il n’y a personne pour prêter assistance à la mère dans
la moitié de ces cas, le taux de mortalité parmi les mères est de 4.5 pour
1000 naissances d’un enfant viable.

161
• Manque d’accès aux soins médicaux modernes.- Jusqu’à 40% de la
population n’a pas accès à la medecine moderne, bien que tout le monde ait
accès à la médecine traditionnelle.

Couverture de santé

La couverture en personnel est estimée à 1.6 médecin, 1.3 infirmière


et 0.4 dentiste pour 10.000 habitants (soit 8 fois moins qu’en République
Dominicaine). Ce personnel est de plus tres inegalement reparti, concentré
surtout à Port-au-Prince et dans les principales villes du pays.

La couverture sanitaire est encore insuffisante. En 1996, 40% de la


population n’avait pas accès aux soins de santé primaire (SSP) contre
seulement 26% dans les autres pays sud-américains et de la Caraïbe).

La couverture vaccinale est restée base au cours des 10 dernières


années, aux alentours de 30% (contre 75% dans les autres pays de la région).
Actuellement, les activités de vaccination connaissent un certain regain,
spécialement dans les départements sanitaires en cours de déconcentration.

Couverture vaccinale d’Enfants de moins d’un an (%)

Vaccin 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997


DTP3 25 30 7 28 25 27 35
Polio3 25 30 7 27 21 25 32
BCG 47 48 12 39 34 40 40
Rougeole 22 24 8 25 22 22 30
Source : OPS/OMS

Selon le rapport d’EMMAUS II (1994), enviro 80% des


accouchements étaient réalisés à domicile, et ce par un personnel non
entraîné. Aujourd’hui plusieurs milliers de matrones formées et equipées par
le ministère assistent les femmes au moment de leur accouchement,
particulièrement en zone rurale et d’accès difficile.

Les services d’eau potable couvrent seulement 37% de la population


de la capitale, 41% des villes secondaires et 23% en milieu rural, ce qui

162
traduit la capacité limitée des institutions responsables de la gestion des
programmes d’adduction d’eau (CAMEP, POCHEP).

L’assainissement de base est assuré à 30% en milieu urbain et à 16%


dans les zones rurales. Actuellement il y a un fort engagement dans les
programmes d’assainissement et de nettoyage des rues. En outre, un nouvel
organisme a été crée pour répondre aux besoins des villes, il s’agit du Centre
National d’Equipement (CNE).

Si le tableau est sombre, il ne faut pas pour autant croire que l’Etat,
pendant ces dernières années, a ignoré ses responsabilités en matière de
santé politique. Les fonds, il est vrai, font défaut pour remettre en état les
institutions de santé datant de plus de cinquante ans pour la plupart. Mais
les stratégies pour une meilleure gestion sont formulées tant pour l’accès aux
soins de santé que pour la fourniture de stocks de médicaments aux
établissements sanitaires.

Budget et Dépenses de santé

1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997


Budget public affecté au secteur Santé 148.0 154.0 150.0 185.0 186.0 354.0 412.0 504.3
Dépenses publiques en santé 157.0 144.0 149.0 145.0 153.0 270.0 418.0 393.0
Source : IHSI/MEF

L’Etat a pu, en effet, diagnostiquer les défaillances du système


sanitaire. Il a noté les faiblesses suivantes :

• une politique de personne inadéquat ;

• une infrastructure inadaptée ;

• l’insuffisance des moyens financiers ;

• l’inefficacité des moyens de gestion ;

• une legislation depassée ;

• un mépris du système traditionnel ;

• l’établissement de fossé entre les secteurs public et privé de santé.

163
Il devra traduire dans l’action concrète sa détermination à
promouvoir et à procurer sinon à l’ensemble de la population, du moins aux
plus démunis, aux plus vulnérables des femmes et des enfants, les bienfaits
de la solidarité, de la justice sociale et de l’équité. Ces nouvelles orientations
sont intégrées dans le plan national de santé.

Objectifs du Plan national de santé

Améliorer de façon durable l’état de santé de la population, à travers


une approche globale et dynamique de la santé et de la fourniture de soins de
qualité. Cela pourra se faire : en réduisant la mortalité et la morbidité dues
aux problèmes de santé qui affligent la population haïtienne ; en assurant la
promotion de la santé de la population et sa protection sur toute l’étendue du
territoire ; finalement, en rationalisant l’administration de la santé dans le
pays.

L’Etat devra s’engager à consentir un effort budgétaire sans


précédent pour la fourniture des soins de santé à la population, la formation
des personnels prestataires et administratifs et le relèvement des
infrastructures existantes. Il est préconisé une approche nouvelle et
dynamisante dont les principaux axes stratégiques reposent sur la
prévention, les soins primaires de santé, l’intégration des services, la
décentralisation effective, une adéquate articulation entre la médecine dite
moderne et la médecine traditionnelle, et la participation des communautés.

Priorité aux soins primaires de santé

L’Etat a pour obligation de garantir le droit à la santé de tous les


citoyens. L’option pour les soins de santé vise à mettre l’emphase sur :

• l’efficacité et l’efficience dans la prestation des soins ;

• la globalité et l’intégration des soins ;

• la pérennité des interventions en santé.

164
Dans cet ordre d’idées, le MSPP envisage la mise en place d’un
ensemble minimum de services qui comprend :

• la prise en charge globale et intégrée de la santé de l’enfant ;

• la prise en charge de la grossesse et de l’accouchement, et la santé


reproductive ;

• la prise en charges des urgences médicales et chirurgicales ;

• la lutte contre les maladies transmissibles ;

• les soins dentaires de base ;

• l’éducation sanitaire avec la participation des utilisateurs de services


et des communautés ;

• l’assainissement du milieu et l’approvisionnement en eau potable ;

• la disponibilité et l’accès aux médicaments essentiels.

En outre, une volonté politique manifeste et soutenue des pouvoirs


Exécutifs, Législatif et des Collectivités locales, et l’engagement continu des
responsables et des cadres des différentes composantes du secteur Santé
seront d’autres garants majeurs des objectifs à atteindre et de leur pérennité.

Un citoyen en bonne santé, condition d’un développement


durable

La santé publique coûte cher. Une nation pauvre comme la nôtre


devra mettre à profit les moyens de communication les plus divers afin de
relever le niveau des connaissances de tous en matière de santé. Nous ne
gagnerons ce combat contre tous les maux qui nous assaillent que dans la
mesure où chacun de nos concitoyens de chacune de nos sections
communales fera siennes les techniques et les recommandations qui seront
massivement diffusées dans le cadre d’un progamme national de santé
citoyenne et qui lui seront expliquées dans le centre de santé proche. Le jour

165
viendra bientôt où le paysan ne dira plus que l’intestin grêle (« ti-trip »)
prend naissance dans la gorge et que l’estomac (« sak manje ») est situé
après le gros intestin (« gwo trip »). On voit par ce renvoi comment
l’éducation intervient dans les questions sanitaires. Les centres de santé
verront leur mission s’ouvrir totalement à l’éducation sanitaire. Connaissant
mieux et objectivement leur corps et les conditions de son harmonie avec la
nature, nos concitoyens des mornes et des villes vivront mieux.

Nous voulons que les années 2000 soient celles du bien-être


physique de l’enfant, de la femme et de l’home haïtien. Mais le bien-être
physique est une résultante. C’est l’esprit, dans le sens moderne du terme,
qui commande le physique. Voilà pourquoi nous travaillerons à ce que des
sentiments d’amour, de joie, de paix, d’harmonie et de tolérance soient actifs
au sein de notre peuple. Car ces sentiments nourrissent l’état de santé.

En ce qui a trait à la santé publique, l’Etat a pour devoir de trouver


les fonds nécessaires à une prise en charge minimale du citoyen. La mise en
œuvre d’une politique de santé pour tous exige un investissement
considérable qui, cependant, à long terme, contribue au développement
économique et social de nation, puisque sa plus grande richesse, ce sont
ressources humaines.

Un citoyen en bonne santé contribuera plus efficacement au


développement du pays qu’un être malade. Certes, l’amélioration nette et
durable de l’état de santé en Haïti nécessitera un développement économique
réel, une démocratisation transformatrice de la société, une organisation
sociale plus juste et plus équilibrée, ainsi que le respect absolu des droits
fondamentaux de tout Haïtien indistinctement. La santé, tout comme
l’éducation, est un droit et un impératif constitutionnel. Tous les efforts
devront être entrepris pour qu’en 2004 toutes les sections communales
possèdent non seulement une école, un centre d’alphabétisation, mais aussi
un centre de santé.

Une refonte radicale du système actuel de santé constituera une


condition sine qua non des changements espérés. Aussi devra-t-on faire
l’option d’une gestion plus efficace du système public en y mettant des
ressources humaines. Matérielles et financières adéquates et suffisantes.
Donner à la sante ce rang et agir en conséquence, c’est de manière tangible,
rendre justice au peuple haïtien en contribuant à satisfaire des aspirations à
une vie meilleure.

166
Pour clore ce chapitre, il convient de souligner l’absence
regrettable, dans ces pages, d’un sous-secteur informel de la santé qui,
cependant, est le seul connu de nombre de nos concitoyens des sections
communales éloignées des villes. Il s’agit de la médecine traditionnelle. Il
serait tout à fait indiqué de montrer, à l’aide de chiffres, l’importance du rôle
des guérisseurs dans notre pays. Combien de cas de diarrhée, de fièvre, de
maladies rituelles («voye mô », « pran nanm »), d’empoisonnement, etc.,
sont pris en charge par des intervenants auxquels la médecine oficielle,
occidentale ne reconnaît aucune place sérieuse dans le domaine de la santé.
Et pourtant ils apportent sinon la science, du moins le réconfort moral qui
permet au malade de faire face à sa perte d’harmonie avec la nature. Une
politique de santé pour les années 2000 ne saurait les ignorer. Une stratégie
de valorisation de leur savoir et savoir-faire particuliers devra être trouvée.
C’est d’ailleurs ce que font les pays africains depuis plusieurs années. Le
développement national est un grand chantier, un large « konbit ». Il n’est
plus question de mettre à l’index ceux qui, en toute bonne foi, travaillent au
bien-être de tous.

Chapitre 10

CONDITION FEMININE

Le combat des femmes

La vie de la femme, plus particulièrement celle de la femme


paysanne, est tisée de paradoxes. Elle prend soin de sa famille, mais son
travail de mère est invisible. Mariée, féconde, sa condition est surbordonnée

167
à celle des enfants auxquels elle donne le jour. Veuve, elle n’héritera que de
la moitié des biens qu’elle aura achetés pleinement pendant le mariage. Par
elle, la production agricole accomplit, croit-on, son cycle métabolique
d’entretien de la vie. Cependant elle doit l’abandonner au profit du
commerce qui la jette, par monts et par vaux, dans de pénibles mêlées.
Grand-mère, elle doit prendre soin de ses petits-enfants et assurer, souvent
seule, leur éducation à la place de leur mère partie en terre étrangère et de
leur père inconnu. Agée, ménopausée, stérile, aïeule, elle affronte souvent
seule la vie.

Les femmes haïtiennes, ces potomitan de notre société, tour à tour


aimées et violontées, donneuses de vie, la vie leur est souvent niée. Elles
sont l’instrument de l’autorité de leur mari ou père vis-à-vis de leurs enfants
ou de leur cadet. D’elles dépend la collectivité pour sa reproduction et son
alimentation. Double dépendance qui n’apporte que rejet, mépris, aliénation.
Choix culturel aidant, elles tiennent haut les fronts et livrent chaque jour le
combat contre la faim, l’ignorance, le chômage, la maladie, bref contre tous
ces maux qui détruisent nos ressources humaines et matérielles.

Elles sont celles par qui, grâce à leur optimisme, leur persévérance,
leur énergie, leur capacité de prendre des risques les plus dangereux (qu’on
pense au système “ponya”– prêts usuraires – auquel elles ont recours pour
apporter à leur foyer les intrants nécessaires à la survie), la nation refait en
permanence le plein d’allégresse et de tenacité obligatoires pour la route vers
l’horizon bleu de la concrétisation des espoirs de tant de petites gens. Contre
vents et marées nous les trouvons du nord au sud, de l’est à l’ouest tenant à
sa base le gouvernail du navire collectif qui ne s’éclipsera pas de la belle
constellation caraïbéenne.

Et pourtant… si la vie des femmes était contée au quotidien, que


d’horreurs ne mettrait-on au grand jour ! Les organisations de femmes qui
ont vu le jour en Haïti depuis 1986 peuvent longuement témoigner du sort
fait aux femmes haïtiennes dans notre société.

168
Les caractéristiques du secteur

Nombre très élevé d’enfants par femme

Haïti est le pays où l’indice de fécondité synthétique (c’est-à-dire le


nombre d’enfants qu’une femme peut avoir dans sa vie), est extrêmement
élevé : il est de 4.8 (mais en milieu rural il est de 5.9). Le nombre d’enfants
que peut avoir une femme en Afrique Occidentale et Orientale est 6.2. En
Europe Orientale, par contre, le nombre d’enfants par femme est de 1.4 et
1.9, en Amérique du nord 1.4. L’Amérique Latine, quant à elle, voit 3.0
enfants naître par femme. La généralisation des contraceptifs est une des
conditions sine qua non de la réduction de ce taux vertigineux de fécondité.

Selon EMMAUS II, l’utilisation des contraceptifs a augmenté de


13% en 1994-1995 pour les femmes et de 17% pour les hommes. En 1989,
cet indice était de 9% pour les femmes et 10% pour les hommes. L’indice
synthétique de fécondité est un indicateur qui montre très clairement
l’inégalité entre le milieu rural et le milieu urbain. Dans les zones rurales, les
femmes sont peu ou pas informées des moyens actuels de contrôle des
naissances. Le moyen le plus souvent utilisé par ces femmes pour réduire le
nombre de leur progéniture, c’est l’allaitement prolongé. Un enfant peut être
gardé au sein jusqu’à deux ans. Mais cette habitude n’est pas répandue et les
femmes, compte tenu de leur vie active, arrêtent três tôt l’allaitement au sein.
En Haïti, les méres n’emmènent pas leur bébé au marché, contrairement aux
femmes africaines.

Très forte mortalité maternelle

Dans le monde, près de 600.000 femmes meurent de causes liées à la


grossesse, à l’accouchement et à l’avortement. En Haïti, pour chaque
100.000 naissances vivantes, 600 femmes meurent. Les causes principales
de ces décès sont : l’hémorragie (37%) ; l’éclampsie (21%) ; la septicémie
(14%) et l’avortement (12%).

La situation de la santé génésique des femmes nous met en face d’un


drame. Drame d’êtres ne mangeant pas à leur faim et qui mettent au monde
des enfants chétifs, présentant de sérieuses carences en micronutriments

169
(Voir le texte sur la santé). Drame de femmes, 45%, souffrant d’anémie
chronique. Drame de gestantes n’ayant pas ou très difficilement accès à un
centre de santé. En effet, les femmes qui vivent loin d’une urbaine n’ont que
très peu de chance de fréquenter un centre de santé et d’être suivies par un
médecin.

Calvaire des femmes. Reproduction assassine. Médecine


occidentale hors de la portée de la plupart des femmes. Médecine
traditionnelle véhiculée par les femmes-sages ou matrones. Dans les zones
rurales, semi-rurales ou suburbaines, les matrones accouchent presque toutes
les femmes à domicile. En leur absence, c’est un parent qui s’en occupe. Les
centres de santé, quand ils existent, ne comportent pas de lits et encore
moins de section de maternité. Aussi, les femmes enceintes, même quand
elles ont eu la chance pendant leur grossesse d’y effectuer une visite
prénatale (ce qui est le cas de 67% des femmes enceintes de notre pays),
doivent-elles, pour accoucher dans des conditions stériles, aller dans un
hôpital, en ville. Et souvent, quand elles y arrivent, il est trop tard. “On
estime que 1210 femmes meurent en milieu urbain pour 339 en milieu rural,
pour chaque 100.000 naissances vivantes,” rapporte le dernier numéro de
Logo (UNICEF).

Les femmes meurent en donnant la vie. La vie meurt dans chaque


femme qui s’en va au pays d’où l’on ne revient pas, “peyi san chapo.” C’est
un problème crucial qu’on ne saurait longtemps encore ignorer.

Le syndrome immuno-déficitaire acquis (SIDA)

Ce virus dont le nom nous est devenu familier était inconnu de tous
au début des années 1970. Déjà 11.7 millions d’humains sont morts, parmi
eux 4 millions de femmes.
Bien que les informations sur cette maladie en Haïti soient
limitées, nous savons cependant qu’il y a une plus forte prévalence chez les
hommes que chez les femmes : 60% des patients atteints de SIDA sont des
hommes, précise l’UNICEF (1994). Mais les risques de séropositivité pour
les femmes sont grands, compte tenu des habitudes sociales en matière
sexuelle. Les femmes séropositives sont pour la plupart des victimes de la
conduite sexuelle de leur partenaire. Il est désormais admis que le SIDA est
transmis, avec une efficacité quatre fois plus grande, des hommes infectent

170
les femmes qui, à leur tour, vont infecter d’autres hommes aux femmes que
des femmes aux hommes. Les hommes infectent les femmes qui, à leur tour,
vont infecter d’autres hommes. Cycle infernal de la mort. Malgré appui de la
coopération externe dans ce domaine, notre pays n’arrive pas encore à
rejoindre chaque jeune, chaque adulte, partout où il habite, à la section
communale ou à la ville, pour qu’il ait conscience de la mort qu’engendrent
les pratiques sexuelles à risques.

Aspect socio-juridique

Sur les lieux du travail comme dans leur lit, les femmes haïtiennes
sont objet de violence les unes les plus inusitées que les autres. Il n’est
cependant pas facile de présenter un taux absolument sûr de la violence faite
aux femmes dans notre société. Les femmes battues se taisent par peur des
représailles. D’ailleurs, dans les zones rurales, la tolérance est si grande vis-
à-vis du conjoint violent qu’on est porté à croire que battre sa femme est un
droit qui lui est tacitement reconnu. Une femme objet de violence au foyer
est cependant un être amoindri dans ses capacités, déséquilibré même : elle a
perdu son bien-être mental, physique et social. Cette violence atteint même
nos fillettes. Dans notre pays, comme dans d’autres du tiers monde, depuis
la montée en flèche du SIDA, les fillettes sont devenues objets sexuels aux
mains de ces criminels qui foulent aux pieds les valeurs les plus pures de
notre société.

Quand des fillettes sont ainsi violées à leur enfance, torturées à un


degré de barbarie tel qu’on se demande si leurs bourreaux sont des bêtes
fauves, il n’y a plus de laxisme possible : ces crimes doivent être punis avec
la plus extrême rigueur.

Les cas des femmes qui ont été victimes de viol ou d’autres
violences sexuelles pour des motifs politiques devraient mériter une
attention spéciale des autorités ainsi que de la société civile, voir de la
communauté internationale. Il serait utile de rappeler quelques-unes des
principales recommandations formulées à cet égard : modifications
législatives, notamment du code pénal, amélioration des méthodes de travail
et programmes d’éducation pour tout le personnel devant traiter avec les
victimes de viol, création de services spécialisés pour les femmes violées,
poursuites pénales des auteurs présumés, etc. Une sensibilisation non
seulement des autorités mais aussi de la société civile s’avère indispensable

171
pour modifier l’attitude de ceux qui ont encore tendance à stigmatiser les
femmes victimes de viol et d’autres violences sexuelles.

Le travail

Dans la Caraïbe, le taux de participation des femmes à la vie active


est de 35%, selon la Banque Mondiale. En Haïti, les données recueillies en
1982, lors du dernier recensement de la population, indiquent que le
pourcentage de participation des femmes à la vie économique dépasse de
loin le taux régional : il est de 41%. Si nous rentrons juste un peu dans la
stratification de la population active en tenant compte du sexe et de l’âge,
nous obtenons un éclairage fort intéressant sur la longueur de la vie active
en Haïti ainsi que sur l’âge à laquelle elle commence.

Ce tableau nous permet de voir que du côté du sexe masculin, les


enfants de 10 ans comme les adultes de 80 ans sont sur le marché du travail.
Il en est de même chez les femmes, les pourcentages seulement changent.
Ainsi, les femmes comme les hommes travaillent pendant toute leur vie…
pour se tenir en vie ! Puisque, malgré tout cet effort, le PIB ne dépasse pas
250 $US, comme nous le savons déjà.

Ce tableau comporte toutefois un paradoxe. Comment se fait-il que


les femmes qui sont au cœur de la vie familiale par leur production ne
représentent que 46% de la vie active ? Toutes ces femmes qui, dans leur
cuisine ou dans leur cour, préparent “tablèt,” “dous,” “obè,” “bonbon,”
“konparèt,” etc., ne sont pas prises en compte dans ces données. Le concept
“sur le marché du travail” ne les reconnaît pas comme des travailleuses.
Cette notion, très étroite, entraîne la sous-estimation du travail des femmes.
Travail invisible certes, mais bel et bien réel. Ce fait est relevé dans
beaucoup de pays où le taux de chômage est élevé et le secteur informel
occupe la majeure partie de la population : c’est ce sous-secteur informel
invisible qui, dans notre société, alimente une partie non négligeable du
sous-secteur informel visible.

La vie active selon l’âge et le sexe

172
Groupe d’âge % hommes % femmes
10-10 26 22
15-19 44 35
20-24 77 54
25-29 92 57
30-34 94 56
35-39 96 58
40-44 95 58
50-54 91 58
55-59 93 54
60-64 88 47
65-69 83 45
70-74 78 36
75-79 64 35
80-84 60 31
TOTAL 71 46
Source : Recensement de 1982

Les femmes interviennent dans tous les domaines de la vie


économique : l’agriculture, le commerce, l’industrie, l’artisanat, le tourisme.
En 1950, le pourcentage de femmes travaillant dans le domaine de
l’agriculture était de 82.2% contre 89% d’hommes. En 1995, ce taux est
passé à 30.5 % pour les femmes et 69% pour les hommes. On a déjà vu dans
le chapitre traitant de l’agriculture les causes de la baisse de la production
agricole et de l’exode rural. Les femmes ont dû abandonner leurs jardins
domestiques pour se consacrer au commerce, dans le circuit des madansara.

Le tableau suivant nous montre le changement de secteur d’activité


constaté au niveau de la population active de 1950 à 1982 :

Régression/Progression de l’implication des femmes


dans deux secteurs d’activité économique

5 Hommes % Femmes
Activité 1950 1971 1982 1950 1971 1982
Agriculture 89 83,2 69,4 82,2 61,4 30,5
Commerce 0,8 1,8 22,4 6,5 19 77,5

On le voit, le commerce, tel un aimant, attire les femmes pauvres


de nos villes et de nos campagnes au détriment de l’agriculture. On n’a
d’ailleurs qu’à jeter un coup d’œil des grandes villes, dans les marchés, sur
les routes, partout, tels des soldats partant toujours en guerre, les femmes
partent à la recherche du petit bénéfice que leur apportera la vente des
produits alimentaires ou autres qu’elles offrent sous les galeries, au bord des
rues ou des routes, dans les marchés. Elles investissent beaucoup de temps
dans la vente de ces quelques articles manufacturés ou autres, qu’elles dans
leurs paniers, sur leurs plateaux ou sur leurs tables, ce qui ne reflète
nullement notre réputation de peuple visité jour et nuit par les muses de
l’Afrique et de la Caraïbe. Mais ce commerce n’enrichit pas ses

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propriétaires. En effet, ne disposant que d’un capital limité, les femmes ne
peuvent réaliser qu’un bénéfice limité, dérisoire. D’ailleurs, le fait pour elles
de se tenir en grappes, au même coin de rue, offrant les mêmes articles aux
mêmes acheteurs, diminue la marge de leur profit.

Les bas salaires

Ailleurs, les femmes ont lutté dans les années 1970 et luttent encore
aujourd’hui pour réduire totalement l’écart entre le salaire des hommes et le
leur. A compétence égale, le salaire doit être égal. Dans les pays avancés, ce
combat n’est pas loin d’être gagné. Dans notre pays, les diaparités sont
grandes et les femmes sous-payées : elles ont les salaires les plus bas, que ce
soit dans le secteur formel ou dans le secteur informel. Le tableau suivant
montre ce fait :

Le salaire selon le sexe dans les secteurs formel et informel

Salaire Secteur formel Secteur informel


Niveau % Hommes % Femmes % Hommes % Femmes
400 Gdes et moins 44 83 69 88
400-1000 Gdes 39 11 20 5
1000 Gdes et plus 17 6 11 7
Source : UNICEF, 1994

Dévalorisation du travail des femmes pour mieux les garder


éloignées des centres de décision, des lieux de pouvoir, de prestige. Haïti est
un des pays de la Caraïbe ou le taux de femmes cadres administratifs
supérieurs est le plus bas : 25%. Notre société a besoin de mettre ses
pendules à l’heure. La féminisation des lieux de pouvoir est une exigence de
la modernité.

Harmonie des gens pour une Haïti de paix

Si la moitié du monde est une femme, la moitié notre bien-être


collectif est entre les mains des filles et des femmes de notre pays. Les
conditions pénibles dans les lesquelles elles vivent et les assauts de toutes
sortes qu’elles subissent, loin de les démobiliser, nous les montrent chaque
jour au combat. C’est ce combat qui les amène sur des routes méprisées par

174
ceux-là même qui font tout pour qu’elles y restent. Femmes prostituées,
exploitées ou rejetées.

Femmes courageuses et héroïnes. Pour et avec ces femmes d’Haïti,


l’Etat doit agir. Fort heureusement, cette préoccupation toute Lavalassienne
est portée depuis 1991 au plus niveau de l’Etat par la création d’un Ministère
à la Condition Féminine et aux droit de la Femme dont la mission entre
autres à :

- Mettre en œuvre les moyens nécessaires à l’élimination de toutes les


pratiques de violence spécifiquement exercées contre les femmes.

- Mettre en œuvre des politiques de communication orientées vers la


promotion des droits de la femme, remettre en question les stéréotypes
et inégalités entre homme et femme.

- Créer les conditions pour assurer la participation pleine de la femme


haïtienne aux sphères suprêmes de décision politique, économique,
financière et communicationnelle.

La volonté de l’Etat est exprimée dans les textes qui circulent au


sein de ce ministère. Telle une tour de contrôle, cette structure portera haut
les principes d’égalité, de justice, de respect des droits de l’autre, de
tolérance, afin que les partenaires des femmes haïtiennes se réveillent enfin
de leur sommeil mortel et donnent la main à ces championnes de l’action
économique pour qu’ensemble ils participent, dans l’harmonie et la dignité,
à l’éclosion d’une nouvelle Haïti faite de paix, de sécurité, de solidarité et
d’égalité.

175
LES SECTEURS PUBLICS

176
Chapitre 11

LA GOUVERNANCE

L’Etat d’Haïti, jusqu’ à la naissance et renaissance du processus


démocratique, ne se préoccupait nullement de fournir aux citoyens des neufs
départements du pays les services auxquels ils ont droit.

Il a fallu que le peuple se débarasse de la dictature pour que la


liberté de parole nécessaire à la réclamation de ses droits constitutionnels lui
soit reconnue. Anti-démocratique par définition, cet Etat n’avait pour
objectif que de donner aux politiciens et aux hauts gradés de l’armée
l’occasion de s’enrichir et aux nantis l’espace nécessaire à la consolidation
de leur richesse.

Dans la mesure où les jeunes étudiants et professionnels de la classe


moyenne se taisaient par peur de représailles et aussi longtemps que les
paysans restaient dans leurs mornes et mangaient les vivres qu’ils
produisaient avec les mêmes instruments aratoires vieux de plus de deux
cents ans, les « gran nèg » appuyés par l’Etat pouvaient, sans inquiétude,
mener leur vie de seigneurs des tropiques. Mais dès le début des années
1960, les paysans commençaient à quitter massivement les sections
communales pour venir s’installer dans les villes, plus particulièrement à

177
Port-au-Prince dans l’espoir d’un petit emploi. Les fonds publics étaient
systématiquement dilapidés alors que les besoins sociaux du peuple étaient
ignorés. Rares sont les écoles publiques et les hôpitaux ou centres de santé
qui ont vu le jour pendant cette période de terreur. En général, les ressources
financières prenaient, aussitôt versées au gouvernement, le chemin des
banques étrangères.

La gestion des strcutures et des biens de l’Etat était donc un vain


mot. La misère du peuple, entre temps, atteignait des proportions jusque-là
inégalées. Les grandes villes étaient devenues des poudrières. Il suffisait
d’une etincelle pour que l’explosion se produire. Haïti offrait le spectacle
d’un bateau sans capitaine. La jeunesse haïtienne avait pris la relève des
rebelles ou Kamokins des années 1960 : elle organisait la résistance contre
cet appareil de répression au service de l’oligarchie qu’était l’Etat d’Haïti.

La réponse de l’oligarchie se faisait encore plus brutale en ces jours


rouges de sang de 1985 : assassinats, massacres, emprisonnements. Tortures,
cadavres ici et là, cadavres en tas, cadavres innombrables…

Et un 7 Février 1986, les chaînes étaient à nouveau cassées ! Les


gouvernements amis des fascistes haïtiens ont dû les abandonner à leur sort.
Le peuple haïtien à alors juré de ne plus accepter sur la terre de ses ancêtres
que germe à nouveau un Etat fasciste. Il s’est donné une Constitution en
conséquence, avec un système politique ou le pouvoir est délégué aux
représentants du peuple à tous les niveaux de la chaîne de la gestion de
l’Etat.

Système Politique

Le 29 Mars 1987, un référendum populaire ratifia une nouvelle


Constitution haïtienne, assurant des droits civils et adoptant des principes
essentiels pour un développement durable, la promotion de l’égalite des
sexes et la décentralisation. Ce texte qui se réfère, dans son Préambule, aux
principes de la Démocratie et des Droits de l’homme, tels qu’ils sont définis
par la Déclaration Universelle de 1948, préconise l’établissement d’un

178
système de démocratie libérale et prévoit une forme de gouvernement où le
pouvoir est partagé entre :

- Un pouvoir exécutif comprennant : un Président Chef d’Etat, élu pour


cinq ans et non immédiatement réeligible et qui ne pourra en aucun cas
accomplir plus de deux mandats. Comme Chef de gouvernement, un
premier Ministre choisi par le peuple Chef de l’Etat au sein du parti
majoritaire au Parlement. Le Premier Ministre doit aussi obtenir le vote
de confiance de l’Assemblée Nationale.

- Un pouvoir législatif composé d’un Sénat de vingt-sept membres élus


au suffrage direct au niveau départemental pour une durée de six ans, et
indéfiniment réeligibles ; et d’une Chambre de Députés de 83 membres
élus au suffrage direct au niveau municipal pour une durée de quatre
ans et indéfiniment réeligibles.

- Un pouvoir judiciaire exercé par la Cour de Cassation, les Cours


d’Appel, les Tribunaux de Première Instance, les Tribunaux de Paix et
les Tribunaux spéciaux.

La nouvelle Constitution décentralise également l’autorité en


renforcant les pouvoirs des administrateurs locaux. Elle diminue le pouvoir
autocratique détenu traditionnellement par le chef de l’Etat en conditionnant
la nomination, par le Président, du chef de la police, des ambassadeurs et
consuls généraux, à l’approbation du Sénat. Elle ordonne également la
création d’un Conseil Electoral indépendant chargé de l’organisation et de
la supervision des élections. Les premières élections démocratiques furent
tenues en décembre 1990. Les élections présidentielles de décembre 1995
conduisirent à la première passation pacifique de pouvoir d’un président
démocratiquement élu à son successeur.

Les libertés collectives et individuelles, le fonctionnement des


partis politiques, syndicats et associations sont également garantis. La peine
de mort est abolie ; le droit à la sante et à l’éducation est consacré. Autant
donc de structures et de principes démocratiques qui traduisent l’aspiration
d’un peuple à la liberté et qui engagent résolument le pays sur la voie de la
démocratie.

1.- Collectivités Territoriales

179
La Constitution de 1987 reconnaît trois niveaux de collectivités
territoriales : la section communale, la commune et le département.

Le département est administré par un conseil dont les membres sont


élus par l’Assemblée départementale appelée à l’assister dans sa tâche. C’est
une nouvelle organisation amenée par la Constitution de 1987. Il reçoit de
l’Etat les subventions nécessaires à son fonctionnement.

La commune et de ses trois collectivités territoriales la plus


ancienne et par conséquent la plus connue. Elle est administrée par un
Conseil municipal élu pour 4 ans au suffrage universel direct. Elle est
autonome financièrement et administrativement.

La section communale est la cellule de base de la démocratie


représentative. Elle est administrée par un Conseil d’administration de
section communale élu lui au suffrage universel direct. Selon l’esprit et la loi
relative à l’organisation de la section communale, cette entité bénéficie de
l’autonomie administrative et financière. Sur le papier, la section communale
n’a rien à envier à la commune qui cependant est une entité collectivité
territoriale supérieure. Sur le plan pratique, la section communale et la
commune, pour des raisons liées à l’histoire du centralisme administratif qui
caractérise aujourd’hui encore l’Etat d’Haïti, ont du mal à jouer leur rôle
d’autorité locale compétente, autonome et respectée.

Cette organisation à trois niveaux que sont les collectivités


territoriales mobilise pour sa gestion un grand nombre de représentants du
peuple :

- 565 Conseils d’administration des sections communales (CASEC)


- 565 Assemblées des sections communales (ASEC)
Qui assistent les CASEC
- 133 Conseils municipaux (CM)
- 133 Assemblées municipales (AM) qui assistent les CM
- 9 Conseils départementaux (CD)
- 9 Assemblees departementales (AD)
- 1 Conseil interdépartemental (CI)

Les principales caractéristiques des Collectivités Territoriales

180
a) Faibles moyens financiers

Au regard de la Loi sur les collectivités territoriales, la section


communale et le département n’ont pas de recettes propres. La commune,
par contre, a le droit de percevoir des recettes propres, de recevoir des
subventions de l’Etat ainsi que du Fonds de Gestion et de Développement
des Collectivités Territoriales.

Le problème majeur des collectivités territoriales reste et demeure


la question des recettes propres. Comment concevoir en effet le
fonctionnement d’un organe autonome sans source de revenus propres ? Ces
recettes sont tellement maigres qu’on comprend pourquoi les collectivités
n’arrivent pas à offrir à la population des centres de santé, d’alphabétisation,
de loisirs, des bibliothèques, des théâtres ; à collecter les déchets, à créer des
marchés en nombre suffisant afin d’interdire l’occupation des rues par les
marchands et marchandes de toutes sortes, etc. Le tableau suivant en dit
long sur la pauvreté de nos collectivités.

Recettes communales et subventions par département 1997/1998

Départements Recettes FGDCT/subv. Reliquat Total


Nord (19)* 3.259.500 12.646.500 3.903.320 19.809.096
Ouest (18) --- 9.714.500 3.143.822 12.858.811
Nord-Est (14) 322.461 7.957.500 2.670.692 10.947.653
Sud-Est (10) 636.267 6.144.000 2.054.379 9.277.623
Nord-Ouest (10) 1.073.244 6.150.000 2.054.379 9.211.240
Centre (12) 431.424 6.520.000 2.259.817 9.211.240
Grand-Anse (19) 1.552.127 11.499.000 3.697.882 16.749.009
Sud (18) 2.124.373 11.047.500 3.697.882 16.869.755
Artibonite (16) 2.992.754 9.484.500 3.081.568 15.558.822
Source : DGI / (*) représente le nombre de communes.

Comment concevoir le fonctionnement de ces organes avec des


revenus aussi dérisoires ? Les maigres recettes collectées à partir de taxes
diverses ajoutées aux subventions et des produits du Fonds de Gestion et de
Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT) sont inférieures,
pour une commune donnée, au coût d’une de ces voitures japonaises de
luxes dont raffolent un très grand nombre de nos concitoyens aisés.

Ces maigres ressources ne permettent pas aux collectivités d’aider


l’Etat dans l’administration et la gestion du territoire, dans le
développement économique, social dans la protection de l’environnement et
l’amélioration dans la qualité de vie des citoyens aisés.

181
b) Le manque de cadres compétents

Le problème des ressources humaines traverse toutes les


organisations de notre pays, c’est une vérité. Dans certains cas les ressources
existent, la cohabitation et la coopération s’avèrent difficiles. En ce qui a
trait aux collectivités, elles ne peuvent pas encore véritablement s’approprier
la question des ressources humaines, compte tenu du manque flagrant de
ressources financières qui les caractérises : Il leur est pratiquement
impossible, à quelques rares exceptions près, de recruter un personnel bien
formé. En effet un cadre compétent est recruté par d’autres organismes. Les
collectivités ne sont pas encore perçues comme des employeurs dans le
monde restreint des cadres formés.

2.- LA FONCTION PUBLIQUE

Notre fonction publique est « malade », nous dit la CNRA


(Commission Nationale de la Réforme Administrative) dans son rapport de
juillet 1997. Le dysfonctionnement de l’administration publique haïtienne ne
date pas de la dictature. Le survol historique qui est fait dans ce document
nous rappelle le vécu colonial ou ce modèle de gestion axé sur la destruction
du paysage, le pillage des ressources et l’humiliation de l’humain. Dans un
tel contexte, les fonctionnaires ne pouvaient être que les gens du sérail
politique des dirigeants. Etre fonctionnaire c’était, dans presque tous les cas,
obtenir une faveur, une récompense pour « services rendus ».

Cela été ainsi depuis 1804 jusqu'à 1980 environ. La tendance a


commencé à baisser à partir de cette date, par suite de l’ouverture du
gouvernement d’alors sur l’extérieur. Il avait décider en effet, de jouer la
carte « liberté de la parole » pour rentrer dans les bonnes grâces des bailleurs
de fonds et obtenir ainsi les sommes nécessaires à sa revolution
économique. C’est au cours de cette période que la Loi portant statut général
des fonctionnaires de l’Etat a été publiée. C’est le signe le plus évident
qu’une nouvelle compréhension de la mission publique commençait à
habiter le corps social. Mais il y a loin du texte à la réalite. Et elle n’a que
très peu changé. Quand en 1991, pendant les sept (7) mois que le premier
Gouvernement Lavalas a passé au pouvoir, nous pris la décision d’appliquer
l’article 295 de la Constitution 1987, nous avions senti que nous touchions à
un des atouts du fascisme. De toutes parts les attaques contre l’Exécutif

182
Lavalas fusaient. Le commandement de la Constiution était cependant
clair : « Dans les six (6) mois à partir de l’entrée en fonction du premier
Président élu sous l’empire de la Constiution de 1987, le pouvoir Exécutif
est autorisé à procéder à toutes réformes jugées nécessaires dans
l’Administration Publique en général et dans la Magistrature. »

Car c’est une fonction publique ignorante et arrogante dans sa


grande majorité. Les haïtiennes et Haïtiens qualifiés qui ont choisi cette voie
pour apporter leur pierre à la fondation de l’Etat, sont le plus souvent
marginalisés et forcés, enfin de compte, d’aller voir ailleurs. Quand, par un
heureux concours de circonstances, ils accèdent à des postes de
responsabilité élevée, la Planification de leur déstabilisation commence le
jour même de leur nomination. Les plus chanceux parviennent à donner le
maximum d’eux-mêmes pendant un laps de temps, juste le temps de prendre
certaines mesures à l’avantage du plus grand nombre ou de mettre sur pied
certaines actions d’envergure qu’après eux on abandonnera peut-être.

Taillée sur mesure du clientélisme des politiciens d’alors, la fonction


bpublique haïtienne n’arrive pas encore à prendre la route du changement
avec des ressources humaines qualifiées, recrutées sur des bases
transparentes et placées à des postes relevant de leur compétence.

Dans les Ministères, le personnel est en général recruté de façon


« confidentielle ». C’est ce que signifie, en partie tout au moins, la catégorie
« Autres » du bateau ci-dessous :

Mode de recrutement dans la fonction publique


G1 G2 G3 G4 G5 Ensemble
1) Sutr titre 37% 22.5% 24.3% 32.8% 24.4% 28%
2) Sur concours 6.7% 7.7% 9% 12% 8% 8.7%
3) Autres 56.3% 69.8% 66.8% 55.5% 67.6% 63.3%
Source : Recensement de la fonction Publique (1995)

GI : Institutions de réflexion stratégique et de coordination

G2 : Institutions de souveraineté nationale

G3 : Institutions de justice sociale et de conhésion

G4 : Institutions de développement des ressources humaines

183
G5 : Institutions à vocation économique et financière

Ces “autres” dans la plupart du temps n’ont rien à faire ou si peu


qu’ils sont souvent absents pour des raisons qui, bien sûr, ne “regardent” pas
l’administration. Inefficacité. Non productivité. Laxisme poussé au cynisme
d’un grand nombre de nos fonctionnaires, toutes catégories confondues. Le
citoyen réclame des services qu’il n’obtient pas. Pots-de-vin. Ristournes
souvent non justifiées sur des achats. Concupiscence. Cependant la CNRA
laisse entrevoir un début de changement dans les pratiques : “…des ruptures
sont perceptibles dans cette monotonie à plusieurs niveaux et dans différents
entités…”

Priorités pour l’avenir

Décentraliser, c’est perdre du pouvoir. Habitués comme nous le


sommes depuis près de deux cents ans à tout entreprendre à partir de la
fameuse République de Port-au-Prince, nous devons être conscients que
nous n’arriverons pas sans grincements de dents à opérationnaliser ce
prescrit constitutionnel.

Ainsi donc la Constitution de 1987 consacre trois paliers de territoire,


les collectivités territoriales qui sont : la Section communale, la Commune et
le Département. Ce sont en même temps trois lieux de développement
autonomes, le tout formant le palier national, fonctionnant dans le cadre d’un
Etat unitaire.

Chez nous, si la décentralisation est un impératif constitutionnel, elle


est aussi une exigence dictée par les conditions de vie précaire de nos
concitoyens vivant en dehors de la capitale, lesquels subissent
quotidiennement les effets négatifs de la concentration et de la centralisation
des pouvoirs politiques, et de la mondialisation des resosurces économiques.

Pour cela, nous devons organiser cette décentralisation en tenant


compte bien sûr des facteurs nationaux, mais aussi en n’hésitant pas à
bousculer certaines bien ancrées dans nos mœurs, dans nos institutions et
chez nos décideurs, car, il ne faut pas l’oublier, la centralisation des pouvoirs
et la concentration comme mode de gestion de l’Etat sont des pratiques qui
ont toujours servi et servent encore bien une catégorie d’Haïtien au
détriment du reste de la population. Et cette disparité entretenue depuis près

184
de deux siècles d’Indépendance sera aujoud’hui évoquée pour justifier,
masquer la resistance au chargement de certains acteurs politiques et
économiques.

La décentralisation politique au profit des collectivités territoriales


étant un prescrit constitutionnel, il revient à la société haïtienne, dans un
exercice démocratique, de fixer les attributions de chaque entité, en vue d’un
partage équilibré des champs de compétence et des ressources pour les
exercer.

Depuis 1996, des avancées importantes ont été opérées dans ce


domaine, notamment : la loi sur la Section Communale, la loi créant le
Fonds de Gestion des Collectivités Territoriales et celle créant la
Commission d’Administration de ce Fonds.

D’autres progrès non consacrés par des lois ont été réalisés également
depuis 1996, sous forme de consensus entre l’Exécutif et les élus locaux. Il
est donc vivement souhaité que des stratégies et des politiques soient, à
brève échéance, deployées pour répondre avant 2004 aux impératifs de la
Constitution, en établissant, selon l’article 64, au niveau de chaque section
communales, les structures propres à la formation sociale, économique et
culturelle de la population.

Plus d’honnêteté et plus d’efficacité pour une décentralisation


réussie

Le chemin à parcourir est long et peuplé d’embûches. Dans un pays


pauvre comme le nôtre, il est normal que les citoyens à la recherche
d’emploi frappent à la porte de leurs représentants au Parlement, de leurs
amis fonctionnaires, directeurs, ministres ou Président. Ce qui est anormal
c’est qu’ils soient choisis pour occuper des postes pour lesquels ils n’ont
aucune compétence en lieu et place d’autres citoyens fonctionnaires ou non,
dont la compétence et l’honnêteté ne font l’objet d’aucun doute. C’est avec
ces citoyens sérieux, honnêtes et compétents que nous, de Fanmi Lavalas,
voulons conduire encore plus loin la transformation de l’Etat. Nous
défendons, certes, le principe de la carrière mais, tout en respectant les droits
acquis, nous voulons offrir à l’Etat les meilleurs grains de notre champ,

185
comme nous l’autorise d’ailleurs la Constitution de 1987 dans son article
234.

« L’Administration publique Haïtienne est l’instrument par lequel


l’Etat concrétise ses missions et objectifs. Pour garantir sa rentabilité, elle
doit être gérée avec honnêteté et efficacité. » Cette exigence devient encore
plus forte à l’heure de la décentralisation. Les collectivités territoriales
s’embourberont à jamais dans leur relative liberté, si les postes non
politiques ne sont pas confiés à des employés honnêtes et compétents.
L’heure n’est plus au clientélisme mais aux résultats. Le 3 e millénaire ne
sera pas non plus le nôtre si nous ne prenons pas au sérieux les affaires de
l’Etat et des collectivités territoriales.

Chapitre 12

JUSTICE ET SECURITE

186
Plus de dix ans après le vote de la Constitution de 1987, l’appareil
judiciaire, loin de remplir la fonction qui lui est dévolue, apparaît très peu
crédible aux yeux de la population. En effet, le système judiciaire fortement
marqué par les pratiques séculaires d’abitraire, de répression et de spoliation,
continue à susciter la crainte et le rejet. Inaccessible à la majorité de la
population de par son organisation, son fonctionnement et son coût, la
justice haïtienne est défaillante dans son rôle de rétablir les droits et les
libertés de chaque citoyen lorsque ceux-ci sont violés. Elle est tout aussi
inefficace dans deuxième rôle de protection des valeurs de la société et de
ses règles. Ces deux rôles etant indispensables au bon fonctionnement d’un
Etat de droit.

Pour aller dans le sens d’une culture politique dans laquelle tous les
haitiens respectent l’Etat de droit, il faudra :

• un système judiciaire efficace et impartial ;

• une police rassurante et respectueuse des droits humains.

187
Obstacles

Haïti confronte des obstacles énormes pour réaliser ces tâches :

• Inégalite d’accès à la justice.- La plupart des citoyens de la


population n’ont pas d’accès au tribunal ni de représentation en justice. Le
Code Civil est compliqué et il exige la préparation de nombreux documents
écrits. On ne l’a pas traduit en kreyòl. Les juges, qui n’ont même pas de quoi
écrire, demandent souvent des honoraires pour augmenter leur salaire et le
remboursement du matériel, ce qui rend la justice très chère pour la plupart
des Haïtiens.

• Les tribunaux et les prisons sont déplorables.- L’Etat physique des


tribunaux, des prisons et des bâtiments administratifs est déplorable. Dans
les prisons, datant de la fin du XVIIIe siècle, l’eau potable, les toilettes et
l’électricité font défaut. Dans la plupart des tribunaux, il manque l’électricité
et le téléphone et bon nombre de juges ne possèdent même pas le Code
Civil. Cependant avec les Gouvernements Lavalas, on fait des progrès
remarquable dans les prisons : parmi les quatorzes centres de détention, sept
ont été réaménagés ; on tient mieux les registres des prisonniers mâles. Et
quant à l’essentiel, les droits et la vie des prisonniers, l’Etat les protège et
devra toujours les respecter.

• Il ya a des juges corrompus et sans formation.- Dans les tribunaux


inférieurs – et c’est là que la plupart des gens rentrent en contact avec le
système judiciaire -, on a trouvé que de nombreux juges de paix étaient
analphabètes et qu’ils inventaient de toutes pièces la loi.

• Il manque des clauses de sauvegarde des libertés individuelles.-


Plus de 80% des individus détenus actuellement n’ont pas été déclarés
coupables d’un crime et ils attendent soit l’accusation, soit le procès.

• Des progrès inégaux dans la réforme de la police et du système


judiciaire.- L’absence de jugement des criminels arrêtés par la police
déclenche une hémorragie de confiance face au système judiciaire. Cette
situation, si elle n’est pas corrigée, peut induire les citoyens à la tentation de
l’autodéfense et la police sera démocralisée. Cela ternit l’image de l’appareil
judiciaire aux yeux du peuple et de la police.

188
La lutte contre l’impunité et pour la réparation

Depuis l’adoption de la Constitution de la République en mars 1987, la


volonté du peuple haïtien de construire un Etat de droit démocratique a été
soumise à de nombreuses épreuves qui ont affaibli un processus de transition
déjà fragile. La plus importante de celle-ci et sans doute la plus violente a
été le coup d’Etat du 30 Septembre 1991. Le renversement d’un président
élu au suffrage universel et les nombreuses violations des droits de la
personne de la commises sous le régime de facto qui dirigea le pays juqu’en
Octobre 1994 sont autant de blessures qui ont marqué la mémoire d’un
peuple lequel, jusqu'à nos jours, n’a jamais vu ses bourreaux sanctionnés.

Devenu un souci majeur pour le peuple haïtien, la lutte contre


l’impunité et la réparation est également un sujet central dans les efforts
entrepris pour améliorer la protection des droits de la personne en Haïti… La
question de la lutte contre l’impunité touche à des domaines aussi divers que
le fonctionnement du système judiciaire, la volonté du législateur et la
capacité des organisations de la société civiles à stimuler les actions de
l’Etat.

Des initiatives ont été prises dans le domaine de la lutte contre


l’impunité :

- Les Bureaux de Doléances.- La décision du président Jean-Bertrand


Aristid de mettre en place des bureaux de doleance (BD), à partir du
mois décembre 1994, fut l’une des premières réponses apportées par
le gouvernement constitutionnel pour tenter de satisfaire les
revendications de justice et d’indemnisation des victimes.

- La Commission Nationale de Verité et de Justice ou la reponse au droit


du savoir du savoir. Déjà depuis son exil le Président Aristid préparait

189
une “politique de vérité” au sujet des crimes et violations graves des
droits de l’homme commis par les autorités au pouvoir depuis le coup
d’Etat militaire du 30 septembre 1991. Tentant de rompre avec
l’héritage du passé, le gouvernement constitutionnel considérait donc
que l’établissement de la vérité était un préalable indispensable à
l’emergence de justice et de réconciliation nationale. La commission
nationale de vérité et de justice (CNVJ) a été établie le 17 décembre
1994 par la promulgation d’un arrêté signé par le Président. Son
mandat principal était “d’établir globalement la vérité sur les graves
violations des droits de l’homme commises entre le 29 septembre
1991et le 15 octobre 1994 à l’intérieur et à l’extérieur du pays.”

- Les actions judiciaires ou le droit des victimes à la justice caracterisées


par le mauvais fonctionnement de la chaîne pénale, les entraves aux
arrestations, la faiblesse de l’assistance juridique et de l’information sur
le fonctionnement de la justice, l’absence ou la mauvaise qualité des
enquêtes.

Certaines initiatives ont aussi été prises dans le domaine de la


réparation.

- Le Bureau Poursuite et Suivi.- D’après le Ministère de la Justice, la


création du BPS en 1997, avec un budget de 60 millions de gourdes,
exprimait symboliquement ce besoin de réparation. Un pas dans la
bonne direction. Avec le temps, l’appareil judiciaire devra rompre avec
son histoire et mettre fin à un long cycle d’impunité en renversant
l’Etat de déni de justice provoqué par les carences infrastructurelles , la
corruption, l’incurie de l’appareil judiciaire et l’absence de volonté
politique.

- La dissolution des Forces Armées d’Haïti.- La dissolution des forces


armées d’Haïti par décret du Président Jean-Bertrand Aristid en Janvier
1995, et la création d’une force de Police Civile sont, sans aucun doute
deux des principales initiatives de l’Etat afin de garantir le non
renouvellement des violations des droits de la personne. Les efforts
entrepris par la police pour la protection et le respect des droits de la
personne et pour faire régner le principe de responsabilité pénale et
administratif témoignent également de la volonté de rompre avec les
habitudes développées dans le passé par les différents corps qui

190
assuraient la sécurité publique en Haïti. Une formation s’avère
indispensable pour que la police soit toujours au service de tous les
citoyens et citoyennes du pays.

Justice sociale

Nous ne pouvons clore cette section sur la justice sans mentionner


une des causes de la violence qui affectent terriblement notre société. Haïti
est un pays de sous-emploi. Le taux de chômage nous l’avons déjà dit,
atteint plus de 60% de la population. Avant l’avènement du mouvement
Lavalas, les gouvernements antérieurs, et cela, depuis l’indépendance, n’ont
eu pour mission de permettre à plus de citoyens d’avoir accès à un certain
bien-être matériel. Aucune politique sociale n’a été, pendant près de deux
siècles d’histoire, une source de création d’emplois. La masse des pauvres,
suite aux nombreux bouleversements politiques et économiques, n’a cessé
de croître. Aujourd’hui, La situation atteint des proportions dramatiques. Les
pauvres deviennent plus pauvres : 10% d’entre eux ne disposent d’aucun
revenus les riches augmentent leur fortune : 4% d’entre eux détiennent 70%
de la richesse nationale. Le tableau ci-dessous illustre cette répartition
injuste des richesses.

Inégalités des revenus de la population

Tableau

Une politique d’apaisement sociale prenant en compte l’Etat


d’indigence dans le quel vivent environ 80% de la population allègera la
population inévitablement le fardeau du système judiciaire. On le sait, il
existe une relation étroite entre le taux de criminalité et le haut niveau de
chômage dans une sociéte. En prenant des mesures appropriées afin que les
pauvres de nos 565 sections communales puisse subvenir à leurs besoins, en
mettant à leur disposition des centres de micro-crédit, en garantissant
l’éducation à leur enfant en leur permettant de vivre en santé, le système
judiciaire, sans aucun doute, fonctionnera avec beaucoup plus d’efficacité.

191
Culture démocratique et structure sociale économique

Dans une perspective générale, la nécessité de réformes simultanées


est évidente, non seulement relier les réformes de la police et du judiciaire,
mais aussi pour s’attaquer à des causes fondamentales de la violence sociale.
Tant que l’inéquitable substructure économique actuelle restera, les racines
de la violence n’auront pas été rattachées. La création d’une culture
démocratique basée sur structure socio-éconmique est la clef pour assurer la
justice et la sécurité au bénéfice de l’homme haïtien et de la femme
haïtienne. Nous voulons une société de paix, nous tenons à y arriver et nous
y arriverons.

192
Chapitre 13

CONDITIONS MACRO-ECONOMIQUES

A l’orée des années 1980, du fait la stagnation du secteur agricole et


de l’extrême fragilité des branches industrielles, la crise de l’économie
haïtienne s’est approfondie ; les conséquences ont été des revenus bas et un
niveau de chômage et de sous-emploi extrêmement élevé. La population a
subi un declin continu de son standard de vie, et le produit national brut per
capita est actuellement estimé en dessous de US $250, ce qui identifie Haïti
comme un des pays les moins développés du monde.

A son retour à la gestion des affaires de l’Etat, à la fin de l’année


1994, le pouvoir constitutionnel s’est retrouvé confronte à une situation de
crise sans précédent, héritée d’une longue histoire d’instabilitée et de
manque de gouvernance, crises aggravée par les retombées de la
globalisation et les trois (3) années de coup d’Etat : une chute drastique de la
production, un tissu économique et industriel déchiré, des infrastructures
dans un état de délabrement extrême, une administration très faible et
démissionnaire, une situation sociale que la pauvreté extrême rendait
explosive. L’ensemble des indicateurs économiques était au rouge avec un

193
chômage endémique, une dépréciation accélérée de la monnaie nationale
alimentée par une forte inflation et une stabilité peu propice au redémarrage
des activités productives. En 1994, au terme du coup d’Etat, le PIB (en prix
constants) représentait 76% de sa valeur en 1991 et 69% de celle de 1980.

Produit Intérieur Brut au 30 septembre


(Millions de gourdes 1975-76)

1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997


Total (au prix du 5.342.3 4.637.9 4.525.1 4.149.2 4.331.3 4.449.3 4498.1
marché)
Secteur primaire 1.939.2 1.925.2 1.754.3 1.557.0 1.402.4 1.398.5 1.365.0
Secteur Secondaire 1.031.3 648.0 670.1 617.0 749.0 831.3 886.5
Secteur tertiaire 2.255.5 1.990.8 2.007.5 1.917.1 2.052.7 2.076.9 2.085.8
Taux de croissance -13.2 -2.4 -8.3 4.4 2.7 1.1

Les tableaux ci-dessus montrent l’ampleur du drame.

L’embellie durant la première du retour d’exil du Président Arisitid,


marquée par le taux de croissance de 4.5% du Produit Interieur Brut (PIB)
aura été de courte duree. En attestent les exercices 96,97 et 98, avec des taux
de croissance respectifs de 2.8%, 1.1% et 2%.

194
Et pourtant, nombreuses furent les actions entreprises depuis le retour
da la démocratie afin de remettre sur les rails le secteur économique en chute
libre. L’action des autorités haïtiennes, dictée par l’urgence, s’était
concentrée, dans un premier temps, sur des interventions destinées à apaiser
les tensions économiques et sociales.

Vu le poids des enjeux financiers, notre politique macro-


économique ne visera nullement à nous maintenir dans une camisole de
force. Il nous faudra l’octroi de ressources additionnelles pour garantir le
développement durable, poursuivre les réformes de l’Etat, conformément
aux intérêts du pays.

Cette orientation nous permettra, bien évidemment, d’assurer le


remboursement annuel au titre du service de la dette. Conformément à la loi
votée par la 46e Législature, les conditions déjà negociées pour l’obtention
de nouveaux prêts de la part des institutions multilatérales impliquent la
modernisation de neuf entreprises ciblées.

Modernisation des entreprises publiques et partenariat

Ce programme de modernisation des principales entreprises publiques


aux modalités variées, à savoir : la capitalisation, la concession ou le contrat
de gestion, en cours d’exécution, concerne les compagnies nationales
d’électricité et de télécommunications, le port, l’aéoroport, la plus
importante banque publique, une minoterie et une cimenterie. La minoterie,
qui était fermée pendant plusieurs années, a repris ses activités de production
au cours de l’année 1998. La cimenterie compte reprendre service bientôt,
par la mise en exécution de ce programme, le visage de l’Etat a commencé à
changer. Il reconnaît la grande capacité financière de partenaires nationaux
ou internationaux et décide de les inclure, selon la modalité retenue, dans
des marchés jusque-là non ouverts.

Le programme d’investissement public s’ouvrira au partenariat entre


les secteurs public et privé. Aussi pouvons-nous citer la construction du port
de Saint-Louis du Sud et les discussions en cours pour la construction d’un
aeroport international à Aquin. D’autres pourparlers nous laissent croire que,

195
dans un avenir pas trop lointain, cet esprit de partenariat débouchera sur la
construction d’aéroport international à Port-de-Paix et d’un autre au Cap-
Haïtien avec, bien sûr, la participation du secteur privé du Nord.

Des efforts déjà déployés dans le cadre de l’investissement public ont


amélioré considérablement le réseau routier du transport public. En
témoigne le partenariat établi entre l’Etat et les syndicats à travers la
compagnie Service Plus. Nous retrouvons cette même ouverture au niveau
du Centre National d’Equipements (CNE) et nombres de coopératives
agricoles. Ce, toujours en lien avec le principe du recouvrement des fonds.
Le tableau de la page 164 apporte plus de précisions sur ce point.

Le respect de ce principe – recouvrement des coûts - se manifestera


de façon stricte dans la réforme des banques d’Etat, ouvertes aussi au
marché financier, aux capitaux étrangers, aux coopératives d’ici et d’outre-
mer. Les tableaux suivants nous offrent les possibilités économiques des
Haïtiens vivant aux USA.

Répartition des avoirs des familles haïtiennes vivant aux USA

Classe des familles Nombre de familles Avoir des familles en % des avoirs totaux
milliards US $
Elite 3.000 49 39
Moyenne supérieure 95.000 60 48
Moyenne 262.000 11 9
Moyenne inférieure 74.000 5 4
Sans ressources 66.000 5 4
Total 500.000 125
Source : estimation NOAH

Forme de l’épargne des familles haïtiennes vivant aux USA


En milliard US $

Classe des familles Epargne bancaire Titres et obligation Equités dans l’immobilier
Elite 10 23 16
Moyenne supérieure 5 22 33
Moyenne 3.5 2 5.5
Moyenne inférieure 2.6 0.2 2.2
Sans ressources 0 0 0
Sources : estimation NOAH

196
Dans le cadre de l’assainissement des finances publiques, les
sociétés d’Etat s’ouvrant aux capitaux mixtes et aux investissements
étrangers doivent certainement rejeter toute de corruption qui souvent
alourdit le poids du fardeau fiscal. Il nous faut une réforme fiscale qui
encourage les investisseurs dont les droits et les propriétés seront respectés.

Acquisition d’équipements au cours des Exercices 97-98- et 98-99


Montant en $ EU

Livrés Commande en cours Code Total


Quantité Coût Quantité Coût
Types d’équipqments
Equipemetns lourds 292 39,840,912.45 100 3,940,000.00 43,780,912.45
- Camions citernes 16
- Chargeuses 19
- Bulldozer 19
- Nivelleuses 18
- Chargeuses/Pelleteuses 12
- Rouleaux pneumatiques 11
- Compacteurs mixtes 13
- Compacteurs Tandem 5
- Excavatrices 20
- Bennes Basculantes 63
- Drag-line 3
- Plaques Vibrantes 11
- Patch-hole 1
- Nacelles 2
- Camions épandeurs 3
- Low-bed 6
- Semi-remorqueurs 4

197
- Air compressor 7
- Welder 9
- Tracteurs 50 100 3,940,000.00 3,940,000.00

Véhicules 278 50 2,672,250.00 14,160,852.00


Autobus/Service Plus 140 7,580,202.00 50 2,672,250.00 10,252,452.00
- Port-au-Prince 121
- Cap-Haïtien 7
- Cayes 5
- Gonaïves 3
- Léogâne 4

Véhicule/Service PNH 120 3,187,500.00


12 Merceds+ 12 Isuzu/Ass. Chauffeurs 18 720,900.00
Guides
Coût Total 51,329,514.45 6,612,250.00 57,941,764.45

Austérité fiscale et budgétaire

Au cours des trois dernières années, l’action gouvernementale a été


marquée par de gros efforts d’assainissement, notamment dans le secteur
financier, avec emphase particulière sur l’augmentation des recettes et la
maîtrise de l’augmentation des dépenses. Côté recettes, les mesures ont visé
la rationalisation des perceptions, l’élargissement de la base taxable et le
renforcement des institutions chargées du recouvrement. Du côté des
dépenses, les efforts se sont concentrés sur l’amélioration du processus de
préparation, d’exécution et de contrôle des dépenses publiques ; la maîtrise
de leur augmentation ayant été obtenue à travers un contrôle soutenu du
niveau de la masse salariale et une programmation restrictive.

Dans ce contexte de lutte systématique à mener contre la corruption,


nous tenons à garantir la stabilité politique et la stabilisation macro-
économique impliquant austérité fiscale et austérité budgétaire.

198
Toujours dans un cadre de respect mutuel, nous sommes ouverts aux
négociations concernant le déficit budgétaire, la réforme structurelle, la
dévaluation et les pressions inflationnistes.

Les réformes macro-économiques ne sauraient s’opposer à notre


politique visant la réduction de la pauvreté. Cela nous renvoie au filet de
sécurité sociale ou fonds sociaux d’urgence pour ainsi réaménager les
dépenses publiques en faveur des pauvres même en période d’austérité
budgétaire.

Il va de soi que la lutte pour la réduction de la pauvreté exige qu’on


extirpe toute forme de corruption dans les pouvoirs publics par l’application
des mesures administratives et pénales, tout en définissant et en mettant en
œuvre certaines dispositions incitatives encourageant ceux qui se conforme
aux prescriptions.

Un chantier pour le 3e millénaire

Notre pays peut et doit devenir un vaste chantier au 3 e millénaire.


Un chantier s’étendant dans nos 565 sections communales. Imaginez nos
sœurs et frères de nos mornes les plus difficiles d’accès, nos ouvriers des
secteurs des mines, du tourisme, de l’agro-industrie, nos artisans de nos
communes, tous “bêchant joyeusement” comme le veut notre hymne
national, pour la construction de notre Haïti moderne.

199
Chapitre 14

DOUBLE NATIONALITE : UNE


URGENCE POUR L’AN 2000

L’émigration haitienne a constitué une soupape de sûreté importante


au cours du XXe siècle, en particulier depuis 1971. Suivant de récentes
estimations, près de 40.000 émigrants nets quittent les campagnes chaque
année, dont environ 25.000 se rendent à Port-au-Prince et dans d’autres
villes du pays, alors que 15.000 quittent Haïti pour se rendre dans d’autres
pays, principalement aux Etats-Unis, au Canada, aux Bahamas, en
République Dominicaine et dans les Départements français d’Outre-mer
pour constituer ce qu’on appelle la Diaspora Haïtienne ou le 10 e

200
Département. Actuellement, il est estimé que près de deux millions
d’Haïtiens vivent à l’étranger.

Les conséquences de l’existence du 10 e Département aux plans


politiques, économique, culturel et développemental sont d’une importance
majeure.

Au plan politique et économique

Le 10e Département a joué de tout son poids politique pour faire


éliminer la classification des Haïtiens et Haïtiennes comme groupe à risque
dans la transmission du SIDA. Elle a aussi joué un rôle historique dans la
restauration de la démocratie, le 15 octobre 1994 en Haïti. La politique
d’outre-mer, d’ailleurs n’ignore nullement les votes de nos chers
compatriotes.

Partageant les preoccupations et les douleurs des Haïtien qui, en quête


d’emplois, se rendent en République Dominicaine ou ailleurs, nous nous
engageoons à améliorer leur sort hic et nunc. Dans des conditions
favorables, un nombre considérable des compatriotes se disent prêts à
investir dans le marché haïtien. Ils ne reclament que stabilité politique et
sécurité.

Au plan culturel

Les mutations au plan culturel sont idéniables. Même quand le lieu


avec le pays d’origine est encore très fort, la perte graduelle des références
au pays natal est remarquable. Les nouvelles générations affrontent jour
après jour les vagues d’acculturation. Heureusement, avec la multiplicité des
communications et des échanges entre le 10e Département Haïtiens vivant en
Haïti, leurs racines se plongent, au delà de la distance, dans l’univers haïtien.

Il conviendrait dans le cadre d’un Plan Directeur de la Culture


d’accueillir les ressources humaines du 10 e Département pour promouvoir
l’art et la culture de notre Haïti partout à travers le monde.

Puisqu’il s’agit d’implanter, avant 2004, dans chacune des 565


sections communales, une école, un centre de santé, un espace de micro-
crédit et des routes pour relier les secteurs entre elles, nous pouvons ainsi

201
multiplier les jalons devant ouvrir la voie au tourisme local. Nous
comprenons bien que quelqu’un vivant à l’étranger puisse contribuer, par le
tourisme local, à développer les racines culturelles. Une économie solidaire
ne peut que vivifier le tissu social. Qu’elle est riche, notre culture !

La double nationalité

Une question primordiale et essentielle pour le 10 e Département est


l’octroi de la double nationalité. C’est un sujet complexe et légal qui doit
être abordé au sein d’un large consensus, dans un avenir très proche. Deux
solutions se présentent alors : l’amendement constitutionnel et les voies de
recours par l’abrogation des dipositions légales.

1) Amendement constitutionnel (Art, 11, 13, 14 et 15)

Cette solution, de prime abord, est celle qui permettraitt de résoudre


la question de la double nationalité et de ces conséquences irritantes pour les
Haïtiens d’origine. Cependant, cette voie est lente, malaisée et sans effet
immédiat.

Cest un processus long puiqu’aux termes des articles 282-1 et 283


de la Constitution, la déclaration d’amendement ne peut intervenir que lors
de “la dernière session ordinaire d’une législature”, et ce n’est qu’à
l’ouverture de la prochaine session que l’Assemblée Nationale statuerait sur
l’amendement. Au surplus, l’amendement constitutionnel requiert une
majorité qualifiée de 2/3 dans chacune des deux Chambres pour être voté.

Enfin, lorque le texte est amendé, il ne devient effectif que cinq (5)
ans après (art. 284-2). Dès lors, le processus de l’amendement,
inévitablement, ajourne les réponses aux problèmes urgents posés aux
Haïtiens d’origine.

202
PROJET D’AMENDEMENT DE LA CONSTITUTION DE 1987
EN FAVEUR DE LA
DOUBLE NATIONALITE

Vu le titre XIII traitant des amendements de la constitution.

Considérant que pour définir la nationalité Haïtienne et admettre la


double nationalité il est nécessaire d’amender la Constitution comme prévu

203
en ses articles 282 et suivants ; que ce faire les articles 11, 13, 14 et 15
devront être modifiés et libellés comme suit :

Article 11

a) Est étranger, tout individu ne possédant pas la nationalité haïtienne.

b) Possède la nationalité haïtienne d’origine, tout individu ne d’un père


haïtien ou d’une mère haïtienne qui eux-mêmes sont nés haïtiens et
n’avaient jamais renoncé à leur nationalité au moment de la naissance.

Article 13

La nationalité haïtienne se perd par :

a) L’occupation d’un poste politique au service d’un Gouvernement


étranger hostile à la République d’Haïti.

b) La résidence continue à l’étranger pendant trois (3) ans d’un individu


étranger naturalisé haitien sans une autorisation régulièrement
accordée par l’autorité compétente. Quiconque perd ainsi la
nationalite, ne peut la recouvrer.

Article 14

L’Haitien naturalisé étranger qui a renonce à sa nationalité haïtienne


peut la recouvrer en remplissant toutes le conditions et les formalités
imposées par la loi.

Article 15

L’Haitien naturalise en pays etranger ne perd pas sa nationalite


haitienne pourvu qu’il n’y renonce pas expressement.

2) Solultions à moyen terme : les voies de recours par l’abrogation des


dispositions légales

Certains problèmes particuliers sont, d’une part, pressants et, d’autre


part, constituent des entraves importantes dans la vie courante des Haïtiens

204
d’origine ; on ne saurait donner au temps de faire son œuvre. Il faut alors
recourir à des mécanismes à moyen terme pour solutionner ces problèmes.

En attendant que la question de la double nationalité soit tranchée


constitutionnellement et que, par voie de conséquence, la condition de ces
Haïtiens d’origine soit fixée, il importe d’envisager notamment pour les
problèmes juridiques spécifiques, des solutions plus rapides à moyen terme.

Pour y parvenir sans heurter la Constitution de 1987, une autre légale


peut être utilisée, à savoir : recourir à l’abrogation de toutes les dispositions
de lois qui ont des effets sur la condition de ces Haïtiens d’origine jouissant
d’une autre nationalité. Le projet de Loi suivant est donné à titre d’exemple

PROJET DE LOI

Président de la République

205
Vu les articles 10, 52, 52,-1, 52-2, 53, 133, 136, 144 de la
Constitution.

Vu l’article 30 du décret du 26 décembre 1978 portant l’Organisation


du Service de l’Immagration et l’Emigration ;

Vu l’article 96 du Code de Procédure Civile ;

Vu la Loi du 19 septembre 1982 établissant le statut général de la


Fonction Publique Haïtienne ;

Vu la Loi sur l’organisation et le fonctionnement de la police ;

Vu la Loi du 16 Juin 1975 accordant le droit de propriété immobilière


aux étranger et fixant les conditions nouvelles de l’exercice de ce droit.

Considérant l’apport considérable des Haïtiens d’Outre-mer à


l’économie nationale par l’aide régulière qu’ils fournissent à leurs parents
vivant en Haïti et par leur participation et leur apport à la réalisation
d’œuvres à caractère humanitaire et social dans les régions les plus
défavorisées du pays.

Considérant leur importante contribution à l’enrichissement du


patrimoine culturel national tant par l’exercice de leurs talents que par leurs
créations littéraires et artistiques, rehaussant et valorisant ainsi le prestige et
le rayonnement du pays à travers le monde ;

Considérant que c’est sous la pression de circonstances hitoriques


particulières qu’un grand nombre d’entre eux ont dû, au cours des décennies
60-80, fuir le pays et adopter, malgré leur attachement au sol national, une
nationalité étrangère et qu’ils se trouvent, à leur retour, assujettis sans
considération aucune, à l’obtention du permis de séjour exigé de tout
étranger-résidant ;

Considérant en raison de sa qualité de personne née Haïtienne, elle


peut être, par privilège spécial, dispensée de l’accomplissement de certaines
formalités et ne plus être assujettie à certaines astreintes, telles l’obligation
qui lui est faite par l’article 30 du Décret du 26 décembre 1978 sur
l’Immigration et l’Emigration et celle qui lui est faite particle 96 du Code de
Procédure Civile ;

206
Sur le rapport des Ministres de l’Intérieur, des Affaires Etrangères et
de la Justice ;

Et après délibération en Conseil des Ministres

207
A PROPOSE

Et la Chambre Législative a voté la Loi suivante :

Article 1.- Toute personne née haïtienne, jouissant actuellement d’une autre
nationalité est :

a) dispensée de l’accomplissement des formalités de séjour ;

b) éxonérée tant comme demanderesse ou intervenante de la caution


judicatum solvi ;

c) éligible tant à la fonction publique qu’au marché de l’emploi ;

d) habilitée à exercer le droit de vote ;

e) habilite à faire partie du corps de la police ;

f) dispensée de l’autorisation du Ministère de la Justice pour acquérir la


propriété immobilière.

Article 2.- La présente Loi abroge toutes les Lois dispositions de Lois, tous
Décrets ou dispositions de Décrets, tous Décrets-Lois ou dispositions de
Décrets-Lois qui lui sont contraires. Elles sera imprimée, publiée et exécutée
à la diligence des Ministres de l’Intérieur, des Affaires Etrangères et de la
Justice, chacun en ce qui le concerne.

208
En guise de conclusion

VERS 2004… PAR UN ETAT MODERNE

Les options devant orienter le développement futur du pays à l’aube


du XXIe siècle impliquent des principes, qui doivent guider les actions
suggérées, les décisions à prendre, les projets à suivre et à développer.
Surgit dès lors une question d’éthique. Poser des actes, réaliser des
constructions ou des projets, il le faut bien. Mais toute notre démarche doit
promouvoir le développement de la personne humaine. Et c’est là que nous
entrons dans une dimension tertiaire que nous pouvons assimiler à la
modernité.

Nos interventions seront rigoureusement fondées sur un ensemble de


principes liés aux questions vitales que tout humain doit se poser en face
d’une situation à transformer : Que faire ? Pourquoi faire ? Faire, pour qui
et avec qui ? Comment le faire ? Et enfin quand faut-il le faire ? Répondre
convenablement à ces questions, tel est ce qui peut assurer des résultats
durables pour un développement profondément humain.

Toutefois, nous ne nous contenterons pas d’une rigueur scientifique


toute froide, Nous y ajouterons beaucoup de chaleur humaine, car il s’agit
avant tout de servir et de rendre heureux des hommes et des femmes, des
enfants, des jeunes et des vieillards. Tous. Ils doivent avoir accïs au bien-
être, au progrès, la prospérité et, enfin, à la modernité.

Il nous incombe la responsabilité de promouvoir l’émergence d’un


Etat moderne. Tels est bien un PROJET qui se déroule dans le temps,
suivant des indicateurs définis, en tenant compte d’un cadre logique qui doit
trouver sa justification à tout instant.

A l’horizon du Bicentenaire de notre Indépendance en l’année de


grâce 2004, le PROJET, que nous entendons porter avec et pour le Peuple
d’Haïti, embrasse un développement humain durable. Ce qui implique un
Etat s’engage à :

209
- Réhabiliter et renforcer notre économie en facilitant l’amélioration de
l’emploi, l’augmentation et l’amélioration de la production nationale, la
multiplication des petites et moyennes entreprises, le développement
systématique du tourisme, de l’artisanat et des exportations, la
croissance des revenus de l’Etat.

- Réduire jusqu’à supprimer toutes les formes d’insécurité : insécurité


d’emploi, insécurité d’entreprise, insécurité du revenu, insécurité
alimentaire, insécurité scolaire, insecurite à l’exercice d’une profession,
d’un metier, d’accès aux soins de santé, à l’eau, aux sources d’énergie,
insécurité sociale, politique et environnementale.

- Revitaliser le tissu social en favorisant la participation ordonnée de


tous et de toutes à l’avenement de cette nouvelle société et
encourageant la déplorisation politique, l’ouverture des débats et des
dialogues francs, sincères et démocratiques sur des thèmes d’interêt
commun.

- Réhabiliter et promouvoir notre environnement juridique et social par


le renforcement et l’application stricte de la loi, de l’ordre et de la
discipline.

- Redonner à tous et à toutes la confinace en eux-mêmes, l’espoir des


jours meilleurs et instaurer le sens de l’identité, de la fierté et de la
dignité nationales.

D’où notre volonté inébralable d’investir dans l’humain “en veillant


au respect et a l’execution de la Constitution, à la stabilité des institutions et
en assurant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la
continuité de l’Etat.” (Art. 136 de la Constitution)

La Constitution haïtienne définit le cadre juridique de la vie


politique, établit les bases du droit privé et public, précise l’organisation du
pouvoir de l’Etat ainsi que les mécanismes de fonctionnement du
gouvernement. Toutefois, au-delà du cadre juridique, elle définit le cadre
normatif d’un véritable projet social et culturel articulé autour d’une Etat de
droit démocratique, unitaire et décentralisé. Ainsi, l’Etat doit développer des
actions de pilotages à travers la mise en œuvre de vigoureuses stratégies de
partenariat dans tous les domaines d’intervention.

210
Par cette nouvelle approche naîtra un Etat moderne assumant
pleinement ses fonctions de gestion stratégique, de régulateur et de
pourvoyeur de services essentiels. Un Etat par définition souple, flexible,
s’adaptant aux exigences de l’heure, dans le respect des prescrits de la
Constitution. Un Etat dont l’autorité doit être restaurée.

Dans quatre ans, en 2004, nous célébrerons le Bicentenaire de notre


Indépendance. Peuple rebelle à l’epoque ou la colonisation était mondiale,
nous avions tenu à montrer que sur cette terre de Saint-Domingue, des
hommes et des femmes entendaient vivre dans la liberté ou mourir. Nous en
avions fait le serment. Deux cents ans plus tard, cet héritage si chèrement
payé en vies humaines et en écus d’or, malgré les nuages qui en quelques
peu assombri son ciel, s’étend dans nos 565 sections communales. Nous ne
hissons au sommet de nos institutions que notre bicolore et ne chantons que
notre hymne national partout ou cela nous plait… Société ritualisée,
hierarchisée et civilisée, nous avons planté notre drapeau aux quatre coins de
cette planète pour mieux faire entendre notre voix.

Dignes et fiers, nous disons à la veille de notre Bicentenaire que notre


pauvreté n’attend l’aumône de qui que ce soit. Elle n’est que l’autre côté de
la médaille de notre richesse inaliénable : notre force de travail que nul
n’ignore. Cette force de travail intarissable, dans le cadre de l’ouverture
plurielle que nous prônons, est et demeure : source de dignité et de capital
humain à gérer rationnellement pour le bonheur de toutes les filles et de tous
les fils de la Patrie.

Ce Bicentenaire, nous devons le peindre aux couleurs de notre


Caraïbe, de ce bleu si intense qui fait éclore des étoiles en plein jour ! Feux
d’artifice pour célébrer notre solidarité retrouvée, notre égalité de fils et de
filles d’une même patrie, notre fraternité de citoyens du monde.

Au-delà des couleurs et des races, l’années 2004 nous convoque tous
et toutes.

Au-delà des partis politiques et des confessions religieuses, l’année


2004 nous convoque tous et toutes.

Au-delà des frontières, donnons-nous la main pour chanter en


chœur :

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Paix à cette Haïti que nous aimons tous.

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