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Voilà pourquoi je ne

crois pas à l’Hindouisme



Essai

Victor Ojeda Mari


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ISBN-13: 9781976469183
Dépôt légal : 2015
© Victor Ojeda-Mari
L’auteur de l’ouvrage est seul propriétaire des droits et
responsable de l’ensemble du contenu dudit ouvrage.

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Table des matières
Table des matières 7

Introduction 9

LE PREMIER JOUR 11
La Vérité 11
D’où venons-nous ? 13
Quel est notre but sur cette terre ? 14
Où allons-nous après la mort ? 15

LE DEUXIÈME JOUR 19
La réincarnation : une réponse logique à toutes questions 19
Histoire de l’Hindouisme jusqu’au bouddhisme. 22
Qui est l'Un ou DIEU ? 34
La libération c’est quoi ? 38
Les libérés-vivants 40

LE TROISIÈME JOUR 43
Perplexité, embarras, confusion de Candide sur la personnalité de
Dieu et sur l’état de libération. 43
Le bien et le mal 49
Les dieux hindous 53
Dévas et azuras 59
Enseignements complémentaires sur la réincarnation 63

LE QUATRIÈME JOUR 67
Questions sur la réincarnation. 67
Les Avatars 79

LE CINQUIÈME JOUR 83
Drame de l’Inde et de l’Occident 83
Les enfers et paradis hindous 88
Le yoga 94

LE SIXIÈME JOUR 97
Le Védanta 97
Personnalistes et impersonnalistes 99
Dualisme et non-dualisme 99
Transcendance et immanence 99

LE SEPTIÈME JOUR 109


Le septième jour, Candide médita 109

CONCLUSION 137
Bibliographie 141

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Introduction
Beaucoup de chrétiens perdent la foi dans le Christianisme
pour se tourner vers le Bouddhisme, l’Hindouisme ou vers
d'autres religions et philosophies d’orient occidentalisées.
Alors, ils se créent leur propre cocktail en mélangeant
savamment selon leurs besoins christianisme, bouddhisme,
réincarnation, résurrection, spiritisme, etc.
Tout cela parce que la plupart des confessions chrétiennes ne
donnent pas la bonne réponse concernant les questions clé de
la vie :
- D’où venons-nous ?
- Quel est le but de notre vie sur la terre ?
- Où allons-nous après la mort ?
- Pourquoi Dieu permet-il l’injustice, les malheurs, la
souffrance, la guerre, etc.
- Quelle est l’origine de la vie ? Pourquoi la mort ?
Les religions d’Orient répondent apparemment d’une
manière logique à ces questions. Cependant, ce n'est pas
parce qu’un concept est logique qu’il exprime la Vérité ?
Quand on se plonge dans l’étude de l’hindouisme, tout paraît
évident au début. Pourtant quand on l’approfondit, on finit
par se trouver dans une impasse avec le néant tout autour.
J’étais athée, j’ai cru et j’ai longtemps cherché les réponses à
ces questions fondamentales dans les religions d’Orient. J’ai
fini par les trouver dans la plénitude de l’Évangile de Jésus-
Christ.
Il est connu que l’herbe chez le voisin est toujours plus verte
et beaucoup de chrétiens déçus vont chercher ailleurs ce
qu’ils possèdent dans l’Évangile. Les religions d’Orient
parlent de Libération, Nirvana, Réincarnation alors que
l’Évangile de Jésus-Christ s’exprime à travers le Salut, la
Grâce, la Vie éternelle, la Résurrection, le Sacrifice
9
expiatoire. J'ai le témoignage que la Vérité est contenue dans
la plénitude de l’Évangile de Jésus-Christ.
Cependant, le but de ce livre n’est pas de le démontrer, mais
tout d'abord, de raconter sincèrement mon cheminement à la
recherche de la Vérité. Ensuite, examiner honnêtement, au
moyen d’un dialogue de maître à élève, les bonnes choses de
l’Hindouisme avec ses contradictions et pourquoi selon moi,
il ne détient pas la Vérité ni n’apporte pas le Salut.

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LE PREMIER JOUR
Candide se rend chez le maître. Il sonne à la porte. Un
serviteur l'ouvre et le prie de le suivre. Les deux hommes
entrent dans une grande pièce. Au centre, un homme est assis
en tailleur. L’endroit où il se tient est surélevé par rapport à
celui où demeurent Candide et le vieux domestique. Le
Maître est habillé d’une ample tunique blanche. De longs
cheveux blancs et gris avec une longue barbe encadrent son
visage émacié. Son air calme, serein, imposant, amical,
bienveillant impressionne Candide.
LE SERVITEUR : Maître, cet homme désire te parler.
Le Maître sourit à Candide et l’invite à s’asseoir à ses pieds.
LE MAÎTRE : Comment t’appelles-tu ?
CANDIDE : Candide, Maître.
LE MAÎTRE : Que veux-tu de moi ?
CANDIDE : Être enseigné et devenir ton disciple.
LE MAÎTRE : Que veux-tu savoir ?
CANDIDE : D'où venons-nous ? Quel est notre but sur cette
terre ? Où allons-nous après la mort ? Connaître la Vérité de
toutes choses.
LE MAÎTRE : Tu désires savoir l’essentiel de la vie. Mais
dis-moi dans quel but veux-tu connaître ces choses?
CANDIDE : Pour les vivre et les partager !
La Vérité
LE MAÎTRE : Ta réponse est droite et tu es bien disposé à
recevoir. Alors, ouvre les oreilles de ton esprit ! Vois un bel
arbre en pleine forêt. Examine ses feuilles innombrables.
L’arbre est une vérité sur une chose bien déterminée et
chaque feuille est une expression de cette vérité. Maintenant,
vois la forêt, chaque arbre est une vérité dans un domaine

11
bien particulier et chacune des feuilles de chaque arbre est
une manifestation de cette vérité. Tu es, je suis et chaque être
vivant est l’expression d’une vérité. Il en est de même des
choses visibles comme des choses invisibles. Maintenant,
parle, dis simplement les pensées de ton esprit.
CANDIDE : Maître, je crois comprendre. Ce que tu dis est
profond. Mais je suis découragé. Si chaque arbre de la forêt
est une vérité dans un domaine et si chaque feuille d’un arbre
est une expression de cette vérité dans ce domaine, comment
pourrais-je avoir la connaissance de chaque feuille de l’arbre,
puis de chaque arbre de la forêt, puis de toute la forêt ?
Même si je dois vivre mille ans je n’y arriverais pas. Ensuite,
tu me parles de vérités alors que moi je parle de la Vérité de
toutes choses, car pour moi il n’y a qu’une Vérité ou alors
une vérité pour chaque domaine et chaque vérité dans chaque
domaine étant en accord parfait avec la Vérité.
LE MAÎTRE : La vérité est Une et Multiple. Quand on se
met au niveau des arbres et des feuilles, elle est Multiple.
Quand on se place au niveau de la forêt, elle est Une. Mais
chaque feuille, avec ses nuances, nous permet de mieux
connaître l’arbre. Chaque arbre nous permet de mieux
connaître la forêt. Si tu parvenais à connaître une forêt au
cours de ta vie, tu en aurais d’autres à connaître encore. La
vérité, telle que tu l’exprimes, n’est pas de ce monde de la
Multiplicité, mais uniquement dans celui de l’Unité ou dan
l'Un.
CANDIDE : Maître, pardonne mon ignorance. Qui est l'Un ?
LE MAÎTRE : L'Un détient de nombreux noms en fonction
des religions, des croyances et des philosophies des hommes.
L'Un c’est L’Être suprême, Dieu, le Brahman, l’Éternel,
Jéhovah. Il a infinités de noms. Mais, quel que soit celui
qu’on lui donne, il s’agit du même Être, de la même Chose.
CANDIDE : Ce que tu m’enseignes est étrange. Enseigne-
moi de l’Un.

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D’où venons-nous ?
LE MAÎTRE : Ta première question est : d’où venons-nous ?
Nous venons de l'Un. Nous sommes une expression de
l'Un ou si tu préfères une étincelle, un germe, une infime
partie de Lui. L'Un s’exprime à travers toutes les créations
que tu vois dans le ciel, la terre et les océans. Tout ce que tu
vois et tout ce que tu ne vois pas. Sache que ce que tu ne vois
pas est plus réel que ce que tu vois, car là se trouve l’essence
de l'Un qui fait vivre toute chose.
CANDIDE : Maître tu dis que tout ce qui existe est une de
ses émanations. Qui est-il ? Quel est son but pour nous ?
LE MAÎTRE : Le langage humain n’a pas de mots pour
exprimer l'Un. Tout ce que je te dirais serait trop pauvre pour
t’en donner une idée. Tu dois trouver en toi les mots et les
sentiments qui le feront résonner dans ton esprit. Dieu est
pure existence, intelligence, béatitude, pensée, joie, pur
amour, bonheur, souffle créateur. L'Un est sans limites et
cependant il peut loger dans ton cœur. L'Un est unique. Il est
tout ce qui est et tout ce qui n’est pas. Comme on ne peut le
définir, Lui, l’Indescriptible et l’Inconnaissable, il est CELA
que je suis, que tu es, que toute chose est.
CANDIDE : Maître, pardonne-moi, c’est si abstrait, si
difficile à comprendre !
LE MAÎTRE : Tu dois étudier, méditer, pratiquer tout ce qui
est juste et bon et alors tu recevras l’illumination ou vérité
qui correspondra à l’expression personnelle de l'Un en toi.
CANDIDE : Tu veux dire que ma vérité peut être différente
de la tienne ?
LE MAÎTRE : Elle aura une expression différente, mais
rejoindra la Vérité de l'Un. S’il en est ainsi, tu apporteras ta
feuille à l’arbre de la Vérité, de la Sagesse et de la
Connaissance.

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Quel est notre but sur cette terre ?
Tu me demandais quel est notre but sur cette terre. Un des
premiers buts est de connaître l’expression de la Vérité de
l'Un en nous et de l’exprimer. Ensuite d’aider les autres à
exprimer la leur. Je recherche mon union avec l'Un et je fais
de même pour mon prochain. Je peux t’enseigner mon
chemin, mais je préfère t’aider à découvrir le tien, car le
mien n’est pas forcément le tien.
CANDIDE : Maître, tu recherches l’expression de l'Un en
toi. Quel est ce chemin ?
LE MAÎTRE : Vois une source au sommet d’une montagne.
Elle creuse la terre, perce la roche inlassablement année
après année. Elle devient un ruisseau, puis une rivière et
ensuite un fleuve. Elle contourne les flancs des montagnes,
elle traverse les vallées et les plaines. Elle fait cela dans le
seul but de rejoindre le grand Océan pour se fondre en Lui et
devenir Lui. Apprends de la source et de sa persévérance à
rejoindre l’Océan qui est l’Un. Retiens surtout sa
compassion, car en traversant les plaines et les vallées elle
abreuve les animaux, donne vie aux cultures et aux plantes.
Elle va vers son but paisible sans compter le temps,
déterminée, calme et sereine. Toi fais de même. Tel est le
secret et le but de la vie. Comprends-tu cela ?
CANDIDE : Maître, je crois que oui. Si je saisis bien cela
veut dire que notre but est de Le rejoindre et nous confondre
en Lui, pour être pure joie, béatitude, intelligence, pensée.
LE MAÎTRE : Oui, c’est cela.
CANDIDE : Permets-moi de résumer ton enseignement. Tu
m’as appris que la vérité est Une et à la fois Multiple.
Chaque être, chaque chose sont une expression d’une vérité.
Si nous sommes justes en pensées, en paroles et en actes
nous pouvons trouver l’expression de notre vérité et
contribuer ainsi à la connaissance de la Vérité. Les feuilles,
l’arbre et la forêt sont les symboles de ton enseignement
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concernant toute vérité dans son domaine respectif. Tu m’as
appris que nous provenons tous de Dieu ou de l’Un ou
encore du Brahman. Nous en sommes une expression, une
ramification. Tout ce que nous voyons et ne voyons pas est
une manifestation de Lui. Notre but est de retourner à Lui,
d’être confondu en lui, de redevenir Lui. Tu as répondu, à ma
première question : d’où nous venons ? Tu as aussi répondu
à ma deuxième question : quel est notre but sur cette terre ?
L’image de la source qui rejoint l’océan est l’image de ton
enseignement. Je te remercie de tes réponses et je te suis
reconnaissant pour ce savoir que tu me transmets. Maître, je
vais méditer et suivre tes instructions pour approfondir tes
précieux enseignements. Veux-tu répondre à ma troisième
question : que devenons-nous après la mort ?
Où allons-nous après la mort ?
LE MAÎTRE : Tu as bien résumé. Que devenons-nous
après la mort ? Je vais te répondre. Voici, nous sommes
composés d’une âme pour parler comme les Occidentaux, ou
de l’atman selon les Orientaux et d’un corps. Il existe
d’autres noms en fonctions des religions ou des philosophies
pour désigner cette partie non visible de l’homme. Mais peu
importe, car tous désignent la même chose. Le corps est la
partie matérielle et visible. L’âme est la partie immatérielle et
invisible. Pourtant, la partie réelle est l’âme et la partie
irréelle est le corps. Lorsqu’on meurt, le corps se décompose
et retourne à la terre pour redevenir poussière. Par contre,
l’âme, qui est partie intégrante de l'Un en nous, retourne dans
un endroit pour récolter le fruit de ses bons et mauvais actes.
Religions et philosophies appellent ces endroits les paradis et
les enfers. On leur donne encore d’autres noms et les
gourous les décrivent selon leur illumination. Mais pour moi,
peu importe. Je te dis simplement que c’est un endroit où
notre étincelle divine passe un certain temps à faire le point
et à se préparer à une renaissance dans un nouveau corps.
Dans cette nouvelle vie, nous naissons avec l’acquis de nos
vies antérieures qui est composé de nos bonnes et mauvaises
15
actions, car nous récoltons tôt ou tard ce que nous avons
semé. Lorsque nous mourrons, l’âme se débarrasse du corps
comme on jette un vieux vêtement. Quand nous naissons,
nous revêtons notre âme de ce nouvel habit et démarrons une
nouvelle vie, chargés de notre karma qui est notre bagage
éternel, fruit de nos naissances et renaissances. La vie est
semblable à une grande roue qui tourne sur elle-même. Elle
n’a ni début, ni fin. Nous naissons, vivons, souffrons,
mourons pour renaître et recommencer. Cette roue tourne
sans cesse. Elle comptabilise le bien et le mal et tient à jour
le solde. Ce tourbillon perpétuel entraîne tous les hommes
dans son inexorable rotation, qu’on appelle Samsara. Il y a la
roue du karma universel, du karma des nations, du karma
personnel et d’autres certainement. Pour retourner à l'un,
nous devons briser la roue du karma, nous délivrer du
fardeau de l’existence qui n’est que souffrance. Par la
compassion, nous devons aider quiconque à briser sa roue.
En faisant ainsi nous aidons à briser la roue du karma
universel et améliorons la vie sur terre. Lorsque nous
mourrons, nous ne renaîtrons plus et serons absorbés dans le
Grand Tout. Nous serons à la fois avec Lui et nous serons
Lui, comme la source qui enfin se fond dans l'océan. Voilà
d’où nous venons, quel est notre but sur terre et où nous
allons lorsque nous mourrons. Voilà la doctrine de la
réincarnation, cette roue de la vie qui tourne inlassablement
obéissant aux lois du Karma ou Loi de cause à effet.
CANDIDE : Maître, tu as répondu à mes questions. Je vais
méditer. Dis-moi, d’où te vient ta grande sagesse ?
LE MAÎTRE : Je pratique les principes de ces maîtres
hindous qui se retirèrent dans les forêts à la recherche de la
sagesse et de la vérité. L’enseignement que j’ai reçu de l’un
d’eux correspond à l’illumination que je recherchais. À partir
de cette sagesse que j’ai affinée par mon expérience, j’aide
celui qui veut accéder à son éveil. La tolérance et le respect
de chaque croyance doivent être de règle. Toute religion,
toute philosophie rapprochent celui qui est droit et sincère à

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la source unique. Nous sommes tous différents, nous devons
admettre qu’il pourrait y avoir autant de religions que
d’individus. Vous dites bien que tous les chemins mènent à
Rome ? De même, toute recherche sincère conduit à la
connaissance de Dieu. C'est pourquoi je dois rechercher ce
qui me rapprochera au mieux de l'Un. Ce qui fera que cette
existence sera la dernière parce qu’à ma mort, je ne renaîtrais
plus et aurai atteint la libération. Maintenant, c’est assez pour
aujourd’hui ! Va et médite l’enseignement du premier jour et
prépare-toi à celui du second.

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LE DEUXIÈME JOUR
La réincarnation : une réponse logique à toutes
questions
CANDIDE : Maître, j’ai médité et accompli les exercices
que tu m’as prescrits pour renforcer mon esprit. Grâce à ton
enseignement sur la réincarnation, je me suis réconcilié avec
Dieu. Avant, je Le niais, car je ne pouvais pas concevoir
l’existence d’un Dieu à cause des souffrances, des injustices,
des malheurs, des guerres, des crimes qui sont le lot
quotidien de l’humanité. Je me disais que si Dieu étant bonté,
amour, justice, pouvoir, s’il existait, il ne permettrait pas de
telles atrocités sur la terre. Ainsi, je me déclarais athée.
Grâce à la réincarnation, j’ai appris et compris que l’homme
est responsable individuellement, collectivement de son
bonheur ou de son malheur. Dieu est amour, mais également
justice. Maintenant, je comprends pleinement cette réponse
de mère Theresa à un journaliste qui lui demandait : « Mère
Theresa, qu’est-ce qui ne va pas dans le monde ? » Elle
répondit : « Ce qui ne va pas dans le monde ? C’est moi,
c’est vous. » En d’autres termes, si le monde va mal
aujourd’hui c’est un peu à cause de moi. Si je veux que le
monde aille mieux, il faut que j’aille mieux, moi-même, et
cela, chaque jour. Il en est ainsi pour chaque famille, village,
ville et nation. Vie après vie, chacun à son niveau, est
responsable de l’état actuel du monde qui est à la mesure de
nos actes collectifs. Ainsi, la loi du Karma agit au niveau de
l’individu, des nations et de la terre. C’est merveilleux, à
partir de la réincarnation, nous pouvons tout expliquer et
comprendre ! Pourquoi tel homme à trois ans jouait-il de
grandes œuvres au piano ? Parce que dans sa vie précédente
il développa ce talent et dans sa vie actuelle il lui est donné
de l’exprimer au plus haut degré de perfection. Pourquoi tel
autre est-il homosexuel ? Parce que dans sa vie précédente il
était femme et conserve anormalement dans sa vie actuelle la
nostalgie de son précédent état. Ainsi, chaque malheur,
19
souffrance, douleur, bonheur peut être expliqué, car tout ce
qui nous arrive est une rétribution de nos vies
passées comme naître dans tel pays, être riche ou pauvre,
beau ou laid, en santé ou malade, heureux ou malheureux.
Tout s’explique par une relation de cause à effet ou loi du
Karma qui trouve son accomplissement dans la
réincarnation. Comme tu me l’enseignais lors du premier
jour, nous récoltons dans cette vie, ce que nous avons semé
dans nos vies précédentes. Nous devons semer le meilleur de
nous-mêmes par l’étude, la méditation, le yoga et surtout par
la compassion et rechercher l’illumination de Dieu en nous.
Alors, nous aurons à notre mort une meilleure renaissance,
en espérant que ce soit la dernière, celle qui nous permettra
de réintégrer l’Un. J’ai étudié aussi combien la doctrine de la
réincarnation est une doctrine universelle et ancienne. Elle
était répandue non seulement dans les pays d’Orient, mais
aussi dans les pays d’Occident notamment dans la Grèce.
Elle fut la croyance des pythagoriciens, des néoplatoniciens
et même des Gaulois.
LE MAITRE : C’est bien, puisque te voilà réconcilié avec
Dieu grâce à la réincarnation. Mais je dois freiner ton
enthousiasme. S’il est vrai que cette doctrine peut donner une
explication logique à toutes les situations de la vie, cela ne
veut pas dire pour autant qu’elle en détienne la vraie.
Seulement si Dieu s’exprime en nous, nous exprimerons la
bonne réponse. Sinon toute explication n’est qu’une
possibilité.
CANDIDE : Mais quand sait-on que Dieu s’exprime en
nous ?
LE MAÎTRE : Dans l’immédiat ? Difficile à dire. Dans le
temps ? Quand les faits et l’expérimentation le prouveront.
CANDIDE : Maître, explique-moi. Qu’entends-tu par là ?
LE MAÎTRE : Pour exprimer pleinement Dieu en nous, nous
devons atteindre un total degré de pureté personnelle pour
communier avec Lui. L'Un en nous reste emprisonné dans
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notre corps, contaminé par nos actes, paroles, pensées
impures. Pour cette raison, il ne peut se manifester librement.
Ensuite, notre moi, plongé dans ce monde d’illusions,
s’illusionne lui-même et nous permet de connaître qu’une
partie de la vérité. Ainsi, chaque homme de bonne volonté
ajoute à travers les siècles de nouvelles lumières en vue de
l’amélioration de la destinée humaine. C’est pour cela qu’il
est difficile de dire dans l’immédiat si les paroles que nous
prononçons viennent de Dieu en nous ou si elles viennent de
notre intellect contaminé par l’erreur. Seuls le temps et
l’expérience le confirmeront. Si tel est le cas, alors une
feuille s’épanouira et portera du fruit dans les branches de
l’arbre de la vérité.
CANDIDE : Cela veut dire que beaucoup de conceptions de
la vérité ayant détenu une certaine notoriété ont disparu.
LE MAÎTRE : Oui exactement. Rappelle-toi, chaque fois que
l’homme tente d’exprimer l’Un en lui, il apporte sa feuille à
l’arbre de la connaissance. Si elle est pure illusion, la feuille
tombe de l’arbre et pourrit à ses pieds. Il en est ainsi de
beaucoup de croyances, philosophies, religions qui naissent
et disparaissent.
CANDIDE : Ce qui veut dire que la vérité nous la
connaissons progressivement un peu plus chaque jour ?
LE MAÎTRE : Oui, c’est cela. De plus, la vérité comme toute
chose est impermanente. Elle évolue avec le temps, les
circonstances, les besoins des peuples.
CANDIDE : Maître, je me faisais une autre idée de la vérité,
pour moi elle était immuable comme les lois physiques qui
nous démontrent le contraire. La loi de la gravitation ne
s’adapte pas en fonction des époques, des races, des pays et
des besoins individuels. Pourquoi en serait-il différent des
lois spirituelles qui par principe sont supérieures aux lois
physiques ? Les sages d’Orient préconisent autant de
religions que d’individus. Pourtant, Celui qu’ils considèrent
souvent comme un des plus grands maîtres ; Celui qui de
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plus est un Dieu Sauveur nous dit : « 1Entrez par la porte
étroite. Car large est la porte et spacieux le chemin qui mène
à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par-là. Mais
étroite est la porte, resserré le chemin qui mène à la vie, et il
y en a peu qui les trouvent. Je suis le chemin, la vérité, et la
vie. Nul ne vient au Père que par moi. »
LE MAÎTRE : Dans ce monde tout change, car tout est
illusion. Seul l’Un est réalité. Jésus s’exprimait précisément
à une époque et pour un peuple.
CANDIDE : Bien, Maître, je vais réfléchir.
LE MAÎTRE : Dis-moi, qu’as-tu fait encore ?
Histoire de l’Hindouisme jusqu’au bouddhisme.

CANDIDE : J’ai beaucoup étudié les religions d’Orient et


leurs origines.
LE MAÎTRE : Parle, je t’écoute.
CANDIDE : Voilà Maître. J’ai lu que l’Hindouisme remonte
à la nuit des temps et n’a pas de fondateur historique
identifié. Cependant, vers 1 500 ans, avant notre ère, les
Indo-européens ou Aryens venant des steppes d’Asie
centrale envahirent l’Inde. Cette civilisation emporta avec
elle leurs textes sacrés : les Védas.
Cette société était verticalement hiérarchisée :
- De la famille dirigée par le père.
- Du clan regroupant plusieurs familles, sous l’autorité du
chef du clan.
- De la tribu regroupant plusieurs clans ayant à sa tête le chef
de tribu.
- Du royaume, regroupant plusieurs tribus, gouverné par le
roi.
Elle se divisait en trois catégories principales :
1 Jean 14 : 6
22
- Les prêtres : le sacrificateur suprême en tête.
- Les guerriers : le roi en tête.
- Les producteurs : agriculteurs, éleveurs formant le peuple.
Sa langue était le Sanskrit : Le Véda dit que les dieux se
parlent uniquement dans cette langue, car elle est parfaite.
Sa religion était de type polythéiste. Le salut était collectif
plutôt qu’individuel, et les dieux étaient organisés
conformément à leur structure sociale :
- La fonction sacerdotale était remplie par le dieu Mitra et
Varuna. Le premier établissait l’alliance avec l’homme, le
second punissait celui qui la brisait.
- La fonction guerrière était remplie par Indra, dieu guerrier,
représentant le roi, qui veillait à l’ordre cosmique.
- La fonction productrice et reproductrice était remplie par
deux dieux jumeaux : les Ashvins. Ils symbolisaient tout ce
qui est activité productrice et reproductrice, tout ce qui
apporte la lumière dont le rayonnement produit la vie par la
germination des plantes.
Ce sont là les principaux dieux, mais selon les Védas, il y
aurait trente-trois mille trois cent trente-trois dieux, chiffre
symbolique montrant que le nombre de dieux est infini.
Cette religion avait ses rituels dont le principal était le
sacrifice sanglant, basé sur le principe que plus l’homme
donne, plus les dieux doivent rendre. Les victimes sacrifiées
étaient animales. Cependant, les Védas assurent que parfois,
elles étaient humaines. La chair, cuite selon de strictes
prescriptions était consommée par les fidèles. On offrait
également des céréales préparées en bouillies, en gâteaux ou
simplement grillées.
Il y en avait d’autres :
- Rites de la naissance, mariage, funérailles.
- Agnihotra ou oblation par le feu. C’était un sacrifice
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important par son symbolisme. On le célébrait
obligatoirement deux fois par jour au lever et au coucher du
soleil. Ce sacrifice consistait en une offrande de lait
fraîchement trait. Ce rite symbolisait la relation existant entre
l’homme, les dieux et l’univers. La vache produit et donne
son lait sans en garder pour elle-même. Pour cette raison, elle
était comme un signe vivant de la grâce divine en relation
avec l’homme qui lui aussi devait donner librement et servir
Dieu en premier et en dernier. Si cette oblation était faite
selon les règles, il en résultait une force invisible qui
maintenait l’ordre cosmique, apportait la victoire et la
prospérité à la famille et au royaume.
- Le soma. Ce rite se centrait sur la préparation et
consommation d’un breuvage, constitué d’une drogue
hallucinogène, vraisemblablement obtenue à partir d’un
champignon : l’Annamite « tue-mouche ». Le jus extrait était
filtré à diverses reprises, puis mélangé à du lait et du miel
pour en adoucir l’amertume. Le soma était réservé à des
cérémonies secrètes où seule une élite était conviée. Ce
nectar permettait d’accéder à la connaissance parfaite et à la
vision des mondes après la mort, d’en goûter la félicité. Les
Védas disaient que même certains dieux n’y avaient pas
droit.
Les Aryens rencontrèrent en Inde les populations
autochtones qui avaient aussi leurs religions. Les
conquérants adoptèrent progressivement la culture et les
croyances des peuples conquis. Les dogmes des vaincus
étaient intellectualisés et reposaient sur la prière. Ils se
mêlèrent à ceux du védisme qui étaient plus orientés sur le
sacrifice, l’érection d’autels et le rite. Ce syncrétisme se fit
progressivement et difficilement, car certains prêtres
pratiquaient les sacrifices védiques, d’autres des doctrines
plus mystiques, cependant la majorité essayait de concilier
les deux. Les dieux védiques symbolisant les éléments se
virent progressivement remplacés par des dieux
locaux comme Vishnu, Shiva, Krishna, etc. Il s’installa un

24
équilibre entre le pouvoir guerrier et sacerdotal dans le but de
faire respecter par le peuple un ordre social et religieux
constitué au cours des siècles. Chaque pouvoir détenait sa
raison d’être. Le pouvoir guerrier détenu par le roi devait
faire respecter l’ordre à l’intérieur du royaume et assurer sa
protection à l’extérieur de ses frontières. Le pouvoir
sacerdotal, détenait le savoir, les rites magiques qui
permettaient d’attirer les bienfaits des dieux afin d’obtenir la
prospérité et la victoire sur les ennemis. Le peuple par son
travail entretenait les deux premiers. En 326 av. J-C.,
Alexandre le Grand s’empara d’une partie de l’Inde. Après le
départ du grand général, des Macédoniens restèrent sur
place. Ils contribuèrent à modifier les conceptions,
religieuses, philosophiques, politiques, sociales qui étaient
déjà en pleine mutation. Le brahmanisme, système bien
codifié, naîtra de cet ensemble d’apports et d’influences.
Cependant, de nombreux religieux n’acceptaient pas les
règles rigides que les brahmanes voulaient imposer. Ils
s’isolèrent dans les forêts, à la recherche des remèdes à
apporter aux maux du monde et des techniques permettant
d’acquérir des pouvoirs supra normaux. Leur croyance
voulait que la connaissance s’acquière à partir d’une
méditation solitaire, en soumettant leur corps à de terribles
mortifications. Il régna une grande liberté de pensée et
l’instauration d’une religion polythéiste. Le fidèle priait et
faisait ses offrandes aux divinités de son choix qui étaient
innombrables. Elles étaient là, comme des intermédiaires
permettant à leurs adorateurs, d’accéder au Dieu suprême qui
est le Brahman, le Dieu immanent dont tout est issu de lui :
règne minéral, végétal, animal et humain. À chaque début
d’un cycle cosmique, le Brahman intègre tout dans son unité.
Il se transforme en trois dieux :
- Brahmâ le créateur de la multiplicité de toutes les choses
visibles et invisibles.
- Vishnou, le conservateur de la morale, intervient auprès des
hommes, comme un sauveur et un guide.

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- Shiva, le destructeur de la multiplicité permet de retrouver
l’unité originelle.
À la fin d’un cycle cosmique, le Brahman retourne dans son
unité en réintégrant en lui-même, les dieux Brahmâ, Vishnou
et Shiva. Tout se passe comme si le Brahman, en expirant,
crée le monde dans sa multiplicité et en inspirant, aspire le
monde dans son retour à l’unité. Ce souffle est l’essence de
la vie, il est indestructible, présent dans l’homme. C’est le
« moi » ou âme ou « atman ».
La doctrine de la transmigration de l’âme ou réincarnation,
inconnue dans les Védas, prendra forme progressivement au
cours des siècles.
2
« De tous les concepts élaborés au cours des âges, celui de
la transmigration (réincarnation) fut celui qui eut
probablement le plus d’audience auprès du peuple, car il
correspondait à certaines de ses croyances animistes. Le
système de la rétribution des actes et des pensées furent
naturellement accepté, car il fut considéré comme étant le
support le plus efficace d’une morale et d’un comportement
social que les chefs de village avaient intérêt à voir se
répandre et que la plupart des brahmanes enseignaient pour
discipliner les individus en les faisant responsables de leur
devenir. »
Cette doctrine explique que le corps est le vêtement de l’âme
et que lorsque la mort survient, le corps meurt, l’âme
continue à vivre pour se réincarner dans un autre corps et
vivre un nombre infini de vies. La renaissance sur terre et la
multiplicité ne sont que pure illusion, malheur et souffrance.
Ce corps est un fardeau dont il faut se débarrasser. Seule
l’unité dans le Brahman est réalité et félicité. Les sages de
l’Inde seront à la recherche de l’ascèse et du Yoga qui tout
en permettant d’obtenir des pouvoirs extraordinaires,
permettront de rompre ce cycle fatal. Retourner à cette unité

2 Bouddha en son temps de Louis Frédéric Édition du Félin


pages 34, 35
26
originelle est à l’image de la source d’eau qui naît au sommet
d’une montagne pour devenir un ruisseau, puis une rivière.
Ensuite, elle traverse, avec mille souffrances, les montagnes,
ravins pour enfin se jeter dans l’océan, se confondre en lui et
devenir lui. Divers mouvements philosophiques et religieux
naquirent, les uns croyant au Brahman impersonnel et
immanent, d’autres à un Dieu personnel et transcendant,
comme Krishna. D’autres encore allèrent jusqu’à nier
l’existence de l'âme individuelle et de l’Âme universelle et
suprême qui est le Dieu de tous les hommes. Certains de ces
mouvements furent de courte durée, d’autres grâce à des
personnalités hors du commun, devinrent des religions à part
entière : Jaïnisme, Bouddhisme, Shivaïsme et le
Vishnouisme.
LE MAÎTRE : C’est bien !
CANDIDE :Maître, je vois beaucoup d’analogies entre le
développement de la religion de l’Inde et celui de la religion
catholique lorsqu’elle devint religion d’État sous l’empereur
romain Constantin. Dans les siècles qui suivirent, le clergé et
les rois se partagèrent les pouvoirs et les richesses au
détriment du peuple. L’Église catholique, à travers les
conciles, édicta des dogmes et toute personne qui n’y
adhérait pas, se faisait excommuniée. Au fil des années, elle
infligea des peines sous forme d’amendes,
d’emprisonnement, de tortures physiques et même la mort.
Pire, elle accordera la réduction et même l’annulation de ces
peines contre versement d’argent. De ce troc découlèrent les
ventes des indulgences. Ainsi, le pape ou ses agents
pouvaient remettre les peines dans l’au-delà. Il suffisait
d’avoir les moyens de payer pour s’offrir le paradis en dépit
de tout le mal commis. Cette doctrine s'appela, la
surérogation. Au milieu du douzième siècle, elle devint une
véritable institution et fut présentée par les autorités de
l’Église en ces termes : « Il existe vraiment un immense
trésor de mérites composés des pieuses et vertueuses actions
que les saints avaient accomplies au-delà de ce qui était

27
nécessaire pour leur propre salut, et qui étaient donc
applicables au profit des autres. Gardien et dispensateur de
ce précieux trésor était le pontife romain, et il avait donc le
pouvoir de donner, à qui il jugeait bon, une partie de cette
source inépuisable de mérite, selon la culpabilité respective
de chacun et suffisamment pour les délivrer de la punition
encourue du fait de ces crimes ». Lors du concile de Trente,
après avoir désavoué le commerce scandaleux des
indulgences, ce dernier, interdit la lecture des Écritures par le
peuple. Seuls les instructeurs désignés par les responsables
ecclésiastiques pouvaient en disposer et les enseigner.
Quelques histoires de papes montrent malheureusement
qu’aucun crime n’était assez vil pour accéder à ce poste
suprême. À une époque, il y avait deux papes, l’un à Rome,
l’autre à Avignon. Ils s’injurieraient, s’excommuniaient
réciproquement. Comment peut-on parler d’infaillibilité du
pape ? Comment peut-on penser que ces hommes
représentaient Dieu ou le Christ ? Toute ville ou région qui
se révoltait, faisait l’objet de meurtrières croisades comme
celle des Albigeois au treizième siècle. Ensuite, l’inquisition,
le massacre de la Saint-Barthélemy et tant d’autres actes
affreux dans toute l’Europe. Les peuples furent ainsi
gouvernés par une main de fer. Au sommet de la hiérarchie
ecclésiastique, c’était la vie de luxe et souvent de débauche.
Pour préserver l’ordre social, politique et religieux, on
assurait au peuple que plus il souffrirait sur terre, plus
heureux il serait au ciel. Ce fut au Moyen-Âge que l’Église
atteignit sa plus haute puissance. Or, cette époque s'appelle
l’âge des ténèbres. Cependant et heureusement, au milieu de
toutes ces atrocités, de toutes ces contradictions, l’Église
produisit des hommes remarquables comme Saint François
d’Assise, Saint Vincent de Paul et tant d’autres, tout aussi
bons et charitables. Ce sont eux, qui font et firent la grandeur
et la noblesse de cette église en compensant les dérèglements
de certains hauts dirigeants à des époques troubles et tristes.
Enfin vint la réforme au seizième siècle. Une déclaration de
Luther admirable de courage et de détermination mérite
28
d’être citée, alors qu’il fut convoqué à un tribunal de
l’Église : « Je ne puis soumettre ma foi ni au pape ni au
conseil parce qu’il est clair comme le jour qu’ils se sont
fréquemment trompés et contredits réciproquement. À moins
que je ne sois donc convaincu par le témoignage des
écritures ou par le raisonnement le plus clair, à moins que je
ne sois persuadé au moyen des passages que j’ai cités et à
moins qu’ils ne lient ainsi ma conscience par la parole de
Dieu, je ne puis me rétracter, car il est dangereux pour un
chrétien de parler contre sa conscience. Me voici ! Je ne puis
faire autrement. Que Dieu m’aide ! Amen. » D’autres
hommes valeureux et héroïques agirent de même et le
mouvement de réforme se répandit aidé de souverains qui
prirent leur parti, en se désolidarisant du pape. Ces Églises
furent créées à partir des différentes interprétations des
Écritures : Église Luthérienne, Calviniste, etc. Même Henri
VIII, roi d’Angleterre, créa sa propre église à la suite du
refus du pape de lui accorder son divorce avec la reine
Catherine d’Aragon pour épouser Anne Boleyn. Au siècle
des ténèbres, succédera le Siècle des lumières où une
certaine liberté d’expression fut conquise.
LE MAÎTRE : Tu me dresses un tableau bien noir de l’Église
catholique. C’est vrai que les faits historiques attestent cette
description et ce résumé. Mais où est l’analogie avec
l’Hindouisme ?
CANDIDE : Maître, l’Église catholique au temps de sa
puissance absolue gouvernait le monde avec une main de fer.
Par contre, le Brahmanisme sut gouverner le peuple et par
certains côtés les rois avec une main de fer dans un gant de
velours. Les rois et les prêtres brahmanes, également, se
partageaient le pouvoir au détriment du peuple. Les prêtres
aussi essayaient de contrôler les rois. Mais, comme ils
avaient trop besoin d’eux pour que leur religion et la paix
sociale soient respectées, ils furent bien obligés de trouver un
terrain d’entente pour gouverner chacun à leur place. La
doctrine de la réincarnation obtint le même résultat que celui

29
de faire croire dans le monde occidental, que plus on souffre
sur terre avec résignation, plus on recevra au paradis. Ces
deux croyances assuraient une paix sociale et un contrôle du
peuple par les classes dirigeantes. Dans le monde occidental,
l’Église après Constantin n’a rien à voir avec l’Église de
Jésus et des premiers apôtres, qui après avoir été persécutée,
devient persécutrice. Après avoir été l’image de la charité et
du sacrifice, elle devint l’image du lucre, du pouvoir et de la
domination injuste. Dans le monde oriental, la religion créée,
fut une synthèse de besoins sociaux, politiques, religieux
fabriqués en vue de répondre aux aspirations du peuple tout
en le maintenant sous contrôle. En même temps, il y avait
une recherche pour trouver les réponses au sujet de l’Être
suprême et de la destinée de l’homme. Cette recherche fut
consensuelle, tenant compte de tous les modes de pensées, en
les incorporant, tous sans en exclure aucun. Ainsi au fur et à
mesure des besoins du peuple et des théories élaborées par
les prêtres, on assiste à la conservation de certains dieux et à
la disparition ou à la création d’autres divinités. Les dieux,
croyances et doctrines, furent en perpétuelle fabrication ou
pour employer un terme oriental plus approprié, en
perpétuelle découverte. La différence du brahmanisme réside
qu’il ne commit pas les atrocités perpétrées par le haut clergé
catholique. Le brahmanisme intégrait toute nouvelle
philosophie à son credo, alors que l’église excommuniait,
torturait et même, condamnait à mort toute personne qui
osait discuter ses dogmes. Le brahmanisme eut aussi ses
Saint-François-d'Assise ou Saint-Vincent de Paul en la
personne des sages qui s’exilèrent dans les forêts à la
recherche des solutions de la vie. Il connut aussi ses
réformateurs avec le bouddhisme, le Jaïnisme, le Shivaisme,
le Vishnouisme et tant d’autres qui disparurent rapidement.
Dans l’Hindouisme, le védisme fit place au brahmanisme en
englobant les croyances védiques du peuple conquérant et
conquis, complétées par les expériences des sages solitaires.
Au sein de l’hindouisme se créent des mouvements
réformateurs. Cependant, bien que l’hindouisme ne rejette
30
aucun concept, il existe dans ces divers mouvements des
différences souvent contradictoires. Par exemple, dans le
védisme, le sacrifice d’animaux était une institution, qui
allait jusqu’à offrir des êtres humains pour gagner la faveur
des dieux alors que dans le jaïnisme, la peur de tuer devient
une telle obsession que l’on doit se déplacer en utilisant une
balayette devant soi afin d’éviter d’écraser une bestiole. Cet
exemple montre que deux religions prônant des concepts
aussi opposés ne peuvent avoir raison en même temps.
LE MAÎTRE : Dans ce monde d’illusion, où tu vois la
contradiction, n’apparaît que son apparence. Dieu l’a voulu
ainsi. Il n’y a pas de voie uniques, mais plusieurs disponibles
pour chacun au bon moment. Tout est soumis à
l’impermanence. Certaines vérités bonnes à un moment de
notre vie deviennent mauvaises à un autre, car nous évoluons
chaque jour. Nos besoins se transforment et nos conceptions
de la vérité également. Je vais répondre à l’apparente
contradiction des croyances védiques au sujet des sacrifices
d’animaux et du respect de la vie poussé à l’extrême des
Jaïnistes. Le but reconnu des sacrifices est de s’assurer les
faveurs des dieux. Ainsi, si la mort des animaux sacrifiés
paraît cruelle, les anciens assuraient qu’ils renaîtraient en
tant qu’humain, évitant ainsi des milliers de renaissances. La
mort dans ces conditions est bien peu de chose par rapport
aux avantages retirés. En ce qui concerne le Jaïnisme, si ce
concept du respect de la vie poussé à l’extrême me permet de
développer ma compassion pour tout être vivant, alors il
m’aidera à purifier mon moi.
CANDIDE : Maître, ton esprit de tolérance est toujours une
profonde leçon pour moi. Pardonne-moi encore d’insister. Je
trouve excellente l’explication des sacrifices des animaux.
C'es consolant d’apprendre qu’ils renaîtront humains et
s’éviteront des milliers de renaissances. Je voudrais savoir, si
la renaissance humaine de ces animaux est la réalité ou un
concept d’homme ? Ensuite, Dieu a-t-il besoin de tels
sacrifices pour accorder ses faveurs aux hommes ou s'agit-il

31
d'inventions humaines ?
LE MAÎTRE :Candide, je ne peux répondre à ces questions.
De l’arbre de la forêt, dans ma main, je ne tiens que quelques
feuilles. Je ne pourrai pas toujours répondre à tes questions.
De plus, ce sont tes questions, si ces réponses sont
nécessaires à ton illumination, tu dois les rechercher en toi en
pratiquant le meilleur de toi-même.
CANDIDE : Maître, je suis touché par ton esprit d’humilité.
LE MAÎTRE : Je vais te raconter une vieille légende
hindoue. Il fut un temps où tous les hommes étaient des
dieux. Hélas, ils abusèrent tellement de leur pouvoir divin
que Brahmâ, le maître des dieux, décida de leur enlever ce
pouvoir en cachant leur divinité là où il leur serait impossible
de la retrouver. Le problème fut toutefois de trouver une
cachette sûre. Les dieux mineurs, convoqués en conseil pour
résoudre ce problème, proposèrent :
- Enterrons la divinité de l'homme dans la terre.
Mais Brahmâ répondit :
- Non, cela ne suffit pas, car l'homme creusera et retrouvera.
Alors, les dieux suggérèrent :
- Dans ce cas, jetons là dans le plus profond d'un océan.
Ce à quoi Brahmâ répliqua :
- Non puisque tôt ou tard, l'homme explorera les profondeurs
de tous les océans et je suis assuré qu'un jour, il la trouvera et
la remontera à la surface.
Désespérés, les dieux mineurs conclurent :
- Nous ne savons pas où la cacher, car il ne semble exister
sur terre où dans la mer aucun endroit que l'homme ne puisse
atteindre un jour.
Brahmâ hocha la tête et dit :
- Je sais ce que nous ferons de la divinité de l'homme. Nous

32
la cacherons au plus profond de lui-même puisque c'est là le
seul endroit où il ne pensera jamais à la chercher.
Depuis ce temps-là, conclut la légende, l'homme fait le tour
de la terre. Il explore, escalade, plonge et creuse en vain à la
recherche de quelque chose qui se trouve en lui.
CANDIDE : Cette légende est très belle.
LE MAÎTRE : Cette légende montre que chaque homme
recherche sa propre divinité. Quand il la trouve ou la
retrouve, il s’en réjouit et il désire la partager avec son
prochain. Mais son prochain détient un chemin différent pour
l’atteindre. Le monde d’aujourd’hui nous offre pour
simplifier deux voies libératrices représentées par les
religions mystiques et les religions révélées. Les religions
mystiques sont le fruit d’expériences réalisées par des
hommes sans aucune intervention divine et communiquées à
d’autres. Les mystiques croient à la réincarnation. Au
contraire dans les religions révélées, Dieu parle aux hommes
par l’intermédiaire d’un prophète qui transmet la parole
divine aux hommes. C’est le cas pour les juifs, les
musulmans et les chrétiens. Ces derniers apportent une
nouvelle dimension avec Jésus à la fois homme, prophète et
Fils de Dieu et Dieu lui-même venu s’incarner pour
proclamer la parole et sauver les hommes. Les religions
révélées croient en la résurrection.
CANDIDE : Maître, dans cette description que tu me
donnes, la religion chrétienne serait le moyen le plus sûr
pour connaître la Vérité, puisqu’elle viendrait directement de
Dieu lui-même en la personne du Christ ?
LE MAÎTRE : Apparemment oui. Pourtant quand on voit les
centaines d’Églises et de sectes chrétiennes qui existent dans
le monde, chacune interprétant différemment la parole de
Dieu transcrite dans la Bible, on s’aperçoit que le problème
n’est pas aussi simple.
CANDIDE : Maître, quelle différence entre la réincarnation
et la résurrection ?
33
LE MAITRE : Je ne connais pas suffisamment la
résurrection pour t’en parler. Si tu veux en connaître
davantage, tu dois interroger ceux qui en détiennent la
connaissance.
CANDIDE : Maître, connaîtrons-nous enfin un jour la vérité
avec un grand « V » ?
LE MAÎTRE : Oui, en travaillant tous ensemble, en mettant
en commun tous ce qui nous rassemble et en respectant les
différences. Je vais te donner un exemple. L’hindouisme est
considéré comme une religion polythéiste, la religion
chrétienne comme une religion monothéiste. Pourtant, un des
dogmes des catholiques affirme que Dieu est un en trois : le
Père, le Fils et le Saint-Esprit. L’hindouisme dit la même
chose l'Un est un en trois : Brahmâ Vishnu et Shiva. Chacun
détient sa Trinité. Les chrétiens se moquent parfois de la
multiplicité des dieux hindous. Pourtant les saints des
chrétiens ne font-ils pas le même office ? C’est-à-dire
rapprocher tout simplement le croyant de Dieu, ce Seigneur
qui semble trop inaccessible par l’intermédiaire de dieux
mineurs ou de saints. Ces deux religions, apparemment si
différentes, possèdent des points communs. Retiens ceci.
Dieu nous donne de multiples possibilités de le connaître, car
nous sommes tous différents par la race, la langue,
l’éducation, la famille. Mais il désire que nous soyons Un en
Lui. Nous y parviendrons en mettant en commun ce qui nous
unit et en respectant surtout nos différences.
Qui est l'Un ou DIEU ?
Maintenant, Candide, apprenons à mieux connaître l'Un. La
connaissance de Dieu dans ce monde d’illusions est
importante. Pourtant, le Brahman est inconnaissable, car
indéfinissable. Sa compréhension ne pourra être authentique
que lorsque nous aurons retrouvé l’unité absolue hors du
cycle des renaissances. Alors, nous serons Lui, non à travers
la multiplicité et l’illusion, mais à travers l’unité absolue qui
est pure réalité. On raconte l’histoire de ces deux frères qui
34
séjournèrent auprès d’un sage. À leur retour, le père les
interroge. À l’aîné, il dit :
- Qui est le Brahmam ?
L’aîné fièrement, montre tout son savoir en citant de
nombreux textes des Védas, ainsi que les paroles du maître.
Le père dit au second :
- Et toi, mon fils, que peux-tu me dire du Brahman ?
Le second resta silencieux. Le père dit au premier :
- Tu as bien parlé mon fils.
Mais le père dit au second :
- Mon fils, tu as tout compris, car du Brahmam, on ne peut
rien dire.
Pourtant, Dieu nous donne les moyens de le connaître, car il
est tout ce qui nous entoure, il est toi, il est moi, il est chaque
chose apparemment inanimée, chaque être vivant, plantes,
animaux, humains. Il est tout cela. À travers la multiplicité
des choses et des êtres, nous le recherchons. Cependant, nous
ne pouvons pas le trouver à travers leur apparence illusoire,
mais seulement à travers la conscience de leur réalité
profonde. Voilà ce que veut exprimer cette légende hindoue.
Le microcosme est à l’image du macrocosme, comme l’âme
individuelle à celle de l’âme universelle. Le livre sacré de la
Bible, dit bien que nous sommes faits à l’image de Dieu.
Aussi, si nous nous connaissons nous-mêmes, nous pouvons
connaître le Brahman. Celui qui connaît parfaitement les
quelques grains de sable qu’il tient dans sa main connaît avec
la même perfection tout le sable de la mer sans le posséder
dans sa totalité. Aussi nous devons chaque jour apprendre à
nous connaître, en pratiquant la méditation, le yoga, la
compassion. Ces pratiques nous permettent de rentrer en
nous-mêmes et de nous voir tels, que nous sommes
réellement en ayant vaincu l’illusion de la multiplicité et en
entrevoyant la réalité de l’unité absolue. Ainsi, je le répète,
Candide, si tu connais ton âme parfaitement, tu connaîtras
35
l’âme universelle. Un upanishad, commentaire sacré des
Védas, dit : Je me prosterne, devant toi, je me prosterne
devant moi, je me prosterne devant toi et moi. Car en vérité
je suis toi et tu es moi.
CANDIDE : Maître, prier, c’est communiquer avec Dieu.
Pour communiquer, il faut être deux personnalités distinctes.
D’après cet upanishad, lorsque je prie, je me prie moi-même,
car si je suis moi, je suis l’Un, tout comme l’Un est moi.
N’est-ce pas prétentieux de parler ainsi ?
LE MAÎTRE : Non ! C’est une façon de reconnaître et
d’exprimer son identité par rapport à Dieu. Souviens-toi, le
microcosme que nous sommes est à l’image du macrocosme
qui est Dieu. Jésus nous dit : Soyez parfaits comme votre
Père Céleste ou l'Un est parfait. Dans cette vie, tel doit être
notre but, le Christ, le grand Maître, en d’autres termes nous
dit que nous devons réaliser en nous la perfection qui est en
Dieu ou tout au moins nous en rapprocher. Maintenant,
voyons comment le Brahman procède. Dieu agit par cycle de
création et de dissolution allant de l’Un vers le Multiple et du
Multiple à l’Un. On dit aussi : cycle de projection et de
dissolution. Ils sont appelés kalpas et peuvent atteindre des
chiffres considérables. On parle de 4 320 millions d’années.
Ces kalpas sont divisés en périodes. Au début de chaque
cycle, deux éléments sont en présence : Âkasha et Prâna. Le
premier représente la matière subtile qui servira à produire la
substance du règne minéral, végétal, animal et humain. Le
second est la force, l’énergie qui vivifient toutes choses
animées ou inanimées. L’Akasha crée le nom et la forme par
la substance. Le Prâna, par le souffle, produit l’énergie et la
vie. Au Début de chaque cycle, les deux sont immobiles.
Puis Prâna souffle sur Âkasha pour donner naissance à la
Multiplicité !
CANDIDE : Maître, alors l'Un n’est pas un, il est deux
puisqu’il est composé d’une part, de tout ce qui est substance
et d’autre part de tout ce qui est énergie, ou comme le définit
l’hindouisme de l’Âkasha et du Prâna ?
36
LE MAÎTRE : Quand le cycle de création va se mettre en
marche, l'Un devient deux. Quand la création est accomplie
alors l'Un passe de l’Un au Multiple. Quand le cycle de
dissolution apparaît, l'Un redevient deux : Prâna et Âkasha.
Puis en période de repos par la réintégration des deux, ils
redeviennent Un.
CANDIDE : Maître, ce « paradis » si désirable représente
donc cette totale fusion avec Dieu ?
LE MAÎTRE : Oui, Candide, c’est le retour à notre véritable
foyer.
CANDIDE : Retourner et être confondu dans un tout
indescriptible, perdre toute individualité, tout souvenir des
personnes que nous avons aimés sur terre : femme, enfants,
parents, amis. Tout cela m’apparaît soudainement bien
triste ! Vue ainsi, la vie sur terre me paraît plus intéressante.
LE MAÎTRE : Tu ne connais pas la joie d’être dans l'Un. Ce
n’est pas l’amour de notre femme, de nos enfants, de nos
parents, de nos amis, de notre prochain que nous aurons en
nous, mais un amour tellement plus complet dont nous
n’avons aucune idée sur cette terre. L’amour que nous
pouvons ressentir ici-bas n’est qu’une pâle copie de ce que
nous éprouverons là-bas. Il n’y aura pas l’amour seulement,
mais aussi la paix, la sérénité, le bonheur total, la
connaissance parfaite, la sagesse infinie.
CANDIDE : Maître, je ne sais pas encore comment
t’exprimer mon trouble. Dis-moi, as-tu connu ce genre de
paix, cette sérénité, ce bonheur ? Sur terre, as-tu connu la
joie d’être dans l'Un ?
LE MAÎTRE : Sincèrement, non. Tout au moins pas dans sa
plénitude. Peut-être, certains sages l’ont connu réellement
sur terre. Personnellement, je pense que l’on peut en avoir
une idée lorsqu’on a rendu heureux quelqu’un. Lorsqu’on est
paisible suite à une profonde méditation. Lorsqu’on ressent
l'amour pour tout être. En fait, chaque fois que nous
vainquons notre enveloppe charnelle et libérons le meilleur
37
de nous. Ce sont là de véritables moments de plénitude dans
l’Un ou Dieu.
La libération c’est quoi ?
CANDIDE : Maître, explique-moi ce qu’est la libération et
qu’advient-il après ?
LE MAÎTRE : Différentes écoles donnent différents points
de vue sur ces questions. Cependant tout comme Dieu, la
Libération est indéfinissable ; car c’est être Lui et participer
à tous ses instants comme la moindre de tes cellules
contribue à chaque instant à la vie de ton corps. Le langage
est trop pauvre pour exprimer ce genre de connaissance.
C’est l’histoire de la tortue et du poisson. La tortue dit au
poisson :
- Bonjour, mon ami le poisson.
- Bonjour, mon amie la tortue. D’où viens-tu ?
- Je viens de faire une promenade sur la terre !
- Tu veux dire que tu viens de nager sur la terre ?
- Non, sur la terre, on ne nage pas !
- Allons c’est impossible, sur la terre, il y a forcément de
l’eau, des vagues et on ne peut qu’y nager !
Et la tortue ne put trouver les mots pour expliquer à son ami
le poisson que sur terre, on ne nage pas, mais que l’on
marche.
CANDIDE : Oui, je comprends. Mais si chaque religion ou
philosophie ou écoles initiatiques parle de manières
différentes de Dieu et de notre état lorsque nous serons près
de Lui ou en Lui, n’est-ce pas l’aveu de leur ignorance ?
LE MAÎTRE : Chaque maître essaie de se rapprocher de
Dieu à sa manière. Et lorsqu’il reçoit ses lumières, il chante
ses louanges, selon l’illumination reçue par Lui. De grands
compositeurs ont chanté l'amour. Chacune de leurs œuvres
sont différente et pourtant toutes sont un hymne en son
38
honneur. Comme disent les hindous, à la fin de chaque cycle,
même Brahmâ, Vishnu et Shiva disparaissent. Prâna et
Âkasha faisant Un et reformant l'Un. En ce jour, nous
connaîtrons.
CANDIDE : Maître, parle-moi encore de Dieu, afin de
mieux le connaître, j’ai l’esprit confus.
LE MAÎTRE : Bien. Alors, écoute. La naissance, la vie, la
mort nous démontrent que tout est création, conservation et
destruction. De cette Loi, les hindous ont déduit que Dieu est
Créateur, Protecteur (ou Conservateur) et Destructeur. Le
mot « Destructeur », appliqué à l’Un ou Brahmam ou Dieu
ne doit pas te choquer. Pour être plus précis, Dieu est
Créateur quand il passe de l’Unité à la Multiplicité ;
Conservateur quand il maintient la Multiplicité et
Destructeur quand il passe de la Multiplicité à l’Unité. C’est
pourquoi à chaque nouveau cycle le Brahman donne
naissance à trois Dieux : Brahmâ le Créateur, Vishnu le
Protecteur ou Conservateur ou Sauveur et Shiva le
Destructeur ou plutôt celui qui détruit la Multiplicité par le
retour à l’Unité. C’est pourquoi le Brahman est représenté
par le symbole de la Trimurti qui sont trois têtes
personnifiant Brahmâ, Vishnu et Shiva dans un seul corps.
Brahmâ crée la multiplicité, c’est lui qui nous chasse du
Paradis ou de l’Unité pour nous précipiter dans la dualité.
Vishnou protège, inspire l’homme au cours de sa vie et lui
fait entrevoir les vérités. Il descend sur la terre pour répandre
la loi et la parole chaque fois que cela se révèle nécessaire.
Shiva à chaque fin de cycle intervient pour détruire la
Multiplicité et recréer l’Unité en Brahman. En conséquence,
il est le Destructeur et le Re-créateur et si Brâhma nous
chassa du paradis, Shiva nous y ramène. Parce que tout
provient du Brahmam, les Orientaux ont une compréhension
bien différente par rapport aux Occidentaux du bien et du
mal. En effet, pour ces derniers, le bien vient de Dieu et le
mal du Diable. Pour les Hindous, le bien et le mal sont des
éléments, des forces complémentaires nécessaires pour

39
donner, à la multiplicité, naissance et continuité.
CANDIDE : Maître, il m’est difficile de croire que le mal
puisse venir de Dieu. De Lui, ne peut venir que ce qui est
bon et juste. La lumière et les ténèbres ne peuvent coexister
ensemble. Une source ne peut donner de l’eau pure et douce
et en même temps amère et corrompue. Si le bien comme le
mal remonte à Lui, le mal du monde vient de Lui. Dans ce
cas, dans quelle mesure les hommes seraient-ils coupables du
mal, quel qu’il soit ?
LE MAITRE : Nous aurons l’occasion d’en reparler.
Les libérés-vivants
CANDIDE : Maître, peut-on atteindre la libération dans cette
vie ?
LE MAÎTRE : La tradition hindoue affirme l'existence
d'êtres ayant au cours de leur vie atteint la libération. On les
appelle les libérés-vivants. S’il existe des charlatans, les
authentiques, ne sont pas nombreux et vivent retirés du
monde. Cependant, lorsqu’on les approche ils ont la faculté
de répondre à toutes les questions. Ils donnent l’impression
de vivre dans une totale béatitude et rien ni personne ne peut
les perturber dans leur parfaite harmonie. De tels hommes ou
femmes sont considérés par les Hindous supérieurs à la
plupart des dieux autres que Brahmâ, Shiva, Vishnou, car si
ces hommes à leur mort seront libérés, la plupart des dieux
devront travailler à leur libération.
CANDIDE : Je ne comprends pas ! Un dieu doit travailler à
sa libération ?
LE MAITRE : Nous en reparlerons !
CANDIDE : Maître, es-tu un libéré-vivant ?
LE MAITRE : Non Candide. J’y travaille chaque jour !
CANDIDE : Comment ces hommes, arrivés au terme de
l’évolution au point d’être considérés supérieurs aux dieux,

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savent-ils, qu’ils sont des libérés-vivants et qu’ils ne se
réincarneront plus ? Pour connaître la libération, ne faut-il
pas que notre moi soit dépouillé de toute impureté ? Se
considèrent-ils purs ? Penser cela de soi, n’est-ce pas faire
preuve d’orgueil ? L’orgueil, n’est-il pas un mauvais fruit de
l’existence qui nous enchaîne aux renaissances ? Dans ce
monde d’illusions, ne s’illusionnent-ils pas prenant leurs
désirs pour des réalités ? La libération, n’est-ce pas se
confondre en l’Un ? Or ces libérés-vivants gardent leur
identité, même s’il est dit d’eux qu’ils vivent dans une
constante béatitude, immergés en Brahman ! Il est reconnu
que beaucoup sont des charlatans ! D’autres des
authentiques ! Maître, as-tu connu des charlatans ; mais
surtout de vrais libérés-vivants.
LE MAÎTRE : J’ai connu des charlatans, mais pas
d’authentiques libérés-vivants.
CANDIDE : Maître, si ces hommes sur terre ont connu l’état
de libération, celui que nous pouvons connaître dans l’unité
de l’Un, alors ils connaissent l’Un et donc, l’Un n’est pas
inconnaissable. Ils pourraient le faire connaître au monde.
LE MAÎTRE : Ce n’est pas aussi évident que cela.
CANDIDE : Ces libérés-vivants, sont-ils une réalité ou une
invention des hommes ?
LE MAÎTRE : Les hindous y croient. Va, médite
l’enseignement du deuxième jour et prépare-toi à
l’enseignement du troisième.

41
LE TROISIÈME JOUR
Perplexité, embarras, confusion de Candide sur la
personnalité de Dieu et sur l’état de libération.
CANDIDE : Maître, j’ai médité ton enseignement du
deuxième jour sur la personnalité de Dieu et l’état de
libération. J’ai rapproché dans cette réflexion l’enseignement
du premier et du second jour. Je dois t’avouer ma grande
confusion.
LE MAÎTRE : Parle, je t’écoute.
CANDIDE : D’après l’enseignement du second jour, Dieu,
avant d’inaugurer un cycle était au repos en lui-même. Il
était Un, énergie et matière confondues, le Prâna étant
intégré à l’Âkasha. Puis Dieu est passé de l’Un au Multiple
créant toute forme de vie : minérale, végétale, animale et
humaine. Tu me dis que cette vie est une vallée de larmes,
une illusion permanente et qu’à travers la multiplicité de
l’apparence nous devons retrouver l’unité originelle. Voici
ma question. Cette tragédie, cette vallée de larmes qu’est la
vie par qui a-t-elle été voulue sinon par Dieu lui-même ?
LE MAITRE : Comment cela ?
CANDIDE : Cette chute de l'Un au Multiple ne peut être
imputable qu’à Dieu lui-même puisque Dieu seul existe.
Pourquoi tout ce gâchis si Dieu se trouvait bien en lui-
même ; pourquoi se multiplier à l’infini, prendre toutes les
formes minérales, végétales, animales et humaines pour
ensuite, souffrir à travers toutes ces âmes qui sont un
schisme, de l’Âme universelle ? Maître, veux-tu me
répondre ?
LE MAÎTRE : C’est une question bien difficile que tu me
poses et il n’y a pas de réponse catégorique. 3 « Pour un

3 Spiritualité hindoue de Jean Herbert page 103 et 104


43
Occidental, l’une des premières questions qui se posent est
évidemment la suivante : pour quelles raisons, Dieu, dans sa
perfection et sa pureté originelle et nouménale, peut-il avoir
voulu descendre dans la relativité phénoménale, ou accepté
d’y descendre ? Se plaçant sur un terrain purement logique,
les hindous répondent : la question « pourquoi ? » ne peut se
soulever que dans le domaine où règne la causalité, c’est-à-
dire dans l’état de conscience de la multiplicité nécessaire à
cette causalité. Hors des dualités, elle ne peut se poser. C’est
donc un non-sens, une lourde faute de logique, que de
demander : « Pourquoi les dualités ont-elles pris
naissance ? » Et il faut reconnaître que l’argument ne
manque pas de force, même s’il ne satisfait pas nos
aspirations profondes, que nous habillons d’un souci de
logique fort mal ajusté. »
CANDIDE : Maître, pardonne-moi, mais cette réponse ne
peut me satisfaire, car ma question reste sans réponse. Karl
Max à propos de la création de l’homme et de la nature,
répondit de la même manière disant qu’une telle question
provenait d’une abstraction. Il développa son argumentation
de la manière suivante. « Demande-toi comment tu viens à
cette question. Demande-toi si ta question ne provient pas
d’un point de vue, auquel je ne puis apporter de réponse,
parce que c’est un faux point de vue, un point de vue
absurde. En effet, lorsque tu poses la question de la création
de la nature et de l’homme, tu fais abstraction alors de
l’homme et de la nature. Tu les poses comme non-existants,
et tu veux que je t’en établisse l’existence. Je te dis
seulement : laisse là ton abstraction, et alors ta question
tombera d’elle-même. Mais si tu veux absolument t’en tenir à
ton abstraction, alors sois conséquent avec toi-même ;
puisque tu prétends penser l’homme et la nature comme non
existants, alors pense-toi toi-même, comme non-existant, car
toi aussi tu es Nature et Homme. Si tu ne parviens pas à te
penser non-existant, eh bien ! Ne m’interroge pas non plus
au sujet de la création ». Ces deux réponses sont semblables,
l’une provenant d’un matérialiste, l’autre de toi, Maître de la
44
religion hindoue. Pour toi aussi, tout comme pour Karl Max,
cette question devient une abstraction. C’est ma question et
j’aimerais tellement avoir une réponse, car je ne comprends
pas le déclenchement d’un tel processus de la part de Dieu.
LE MAÎTRE : Je comprends ton problème. Mais mon esprit
est clair à ce sujet. Par conséquent, ce problème devient ton
problème et c’est à toi à trouver une réponse. Je vais
toutefois t’aider. Dans certaines upanishad, il est dit que
Dieu en lui-même s’ennuyait. Ne prenant pas de plaisir en
Lui-même, il créa la multiplicité. Il y a d’autres explications.
« 4L’univers n’est pas seulement une formule mathématique
destinée à élaborer la relation de certaines abstractions
mentales appelées nombres et principes pour aboutir
finalement à un zéro ou à une entité vide. Il n’est pas non
plus simplement une opération physique incarnant une
équation de forces, c’est la joie d’un Dieu amoureux de lui-
même, le jeu d’un enfant, l’inépuisable multiplication de soi
d’un poète enivré par l’extase de son propre pouvoir de
création sans fin. Ces choses sont des images, mais tout est
imagé. Si l’idée embrassant la force engendra les mondes, la
joie d’être engendra l’idée. C’est parce que l’infini conçut en
lui-même une joie innombrable que les mondes et les univers
prirent naissance. La conscience d’être et la joie d’être sont
les premiers parents. Elles sont aussi les ultimes
transcendances. L’inconscience est seulement un intervalle
d’évanouissement de la conscience ou son obscur sommeil.
La douleur et l’extinction de soi ne sont que la joie d’être se
fuyant elle-même afin de se retrouver ailleurs et autrement.
La joie d’être n’est pas limitée dans le temps, elle est sans fin
ni commencement. Dieu sort d’une forme seulement pour
entrer dans une autre. Après tout, qu’est ce Dieu ? Un enfant
éternel jouant à un jeu éternel dans un éternel jardin ».
CANDIDE : Ce que tu viens de dire est très poétique, mais
me plonge davantage dans la confusion. Si Dieu s’ennuyait
en lui-même au commencement, cela veut dire que cet état
4 Spiritualité hindoue de Jean Herbert page 104
45
appelé libération devient ennuyeux à la longue. Alors,
pourquoi le rechercher dans cette vie, puisque Dieu le quitta
par ennui ? Un Dieu qui s’ennuie n’est pas un Dieu, car
l’ennui ne peut être éprouvé que par l’homme. Si Dieu fuya
l’unité par ennui pour aller à la multiplicité, ce serait par
intérêt personnel et donc il serait égoïste. L’égoïsme ne peut
provenir de Dieu ! L'Un pour échapper à l’ennui aurait
plongé l’homme dans la conscience des dualités, dans cette
vallée de larmes où il doit rechercher par la souffrance de
nouveau la voie de l’unité ? Quand on considère l’histoire du
monde avec son long cortège de guerres, injustices, iniquités,
malheurs, chagrins, détresses, cela paraît absurde, inutile et
criminel ! Il ne peut en être ainsi, l’ennui ne peut pas être la
raison ayant poussé Dieu à créer les êtres et les mondes. Tu
as dit : « Dieu sort d’une forme seulement pour entrer dans
une autre. Après tout, qu’est ce Dieu ? Un enfant éternel
jouant à un jeu éternel dans un éternel jardin ». Pour ma
part, je ne peux pas Le reconnaître dans cette description. Ce
Dieu serait irresponsable. Il ne peut pas être un enfant jouant
à un jeu éternel, dans un jardin éternel. Comment l’imaginer
comme un enfant, s’amusant dans sa chambre avec ses
soldats de plomb, faisant mourir les uns ; donnant la victoire
à d’autres, et à la fin de son amusement d’un revers de main,
s’en débarrasser de tous ? Et surtout, tu as encore dit :
« C’est la joie d’un Dieu amoureux de lui-même, le jeu d’un
enfant, l’inépuisable multiplication de soi ; d’un poète enivré
par l’extase de son propre pouvoir de création sans fin ».
Dans cette description, je vois un apprenti sorcier
narcissique, qui crée sans aucune vision des conséquences de
ses actes, ne cherchant que son propre plaisir. Je crois que
Dieu est un Être plein d’amour, miséricorde, justice, vérité.
Qu’il est un Père veillant sur nous et ayant un merveilleux
projet pour nous qui sommes ses fils et ses filles !
LE MAÎTRE : Candide, je comprends ton désarroi. Dans ce
monde d’illusions, il y a des questions, qui restent sans
réponse. Nous devons l’admettre. Ce sont certainement des
réponses qui ne peuvent être connues que dans la réalité de
46
l’Unité. Ce sont des lieux, des territoires où il ne faut pas
s’aventurer. C’est ce que recommandait le Bouddha,
lorsqu’il enseignait : « N’essayez pas de mesurer
l’Incommensurable avec des paroles pas plus que de plonger
la corde de la pensée dans l’Impénétrable. »
CANDIDE : Pourtant, ce sont des questions essentielles ! Il
me vient une pensée. Nous sommes tous une parcelle de
Dieu, prisonnière de notre corps et aliénée dans un monde
d’illusions. Mais lorsque nous souffrons, c’est Dieu qui
souffre puisque nous sommes une partie de lui-même. Pour
libérer notre âme et retrouver l’unité, nous devons pratiquer
la compassion. Qui nous demande de pratiquer l’amour si ce
n’est les sages, les gourous qui en ont reçu l’illumination ?
Mais cette illumination, de qui l’ont-ils reçue ? En principe,
de Dieu qui est en eux. Par conséquent si Dieu nous demande
de donner l’amour, ce n’est pas pour nous, c’est pour Lui-
même puisque tout est Lui et tout retourne à Lui. Ce n’est
pas donc un Dieu désintéressé, compatissant, mais un Dieu
égoïste. Un tel Dieu ne peut pas être Dieu. Ainsi, l’Un était
dans un état de paix et de bonheur, puis il s’est ennuyé. Il
décida donc de souffrir le cauchemar de l’illusion, de prendre
une enveloppe minérale, végétale, animale, humaine, de
subir toutes les douleurs, physiques, mentales spirituelles.
Ensuite, après une douloureuse et longue période, il décide
de retourner à nouveau au point de départ. Dieu est-il
masochiste pour agir de la sorte ? Cela paraît aberrant
comme projet. Dans un tel but, il n’y a pas de finalité, pas de
progression, ni pour Dieu, ni pour nous qui sommes une
individualité temporaire destinée à retourner à l’unité
originelle. Maître, je ne comprends plus. Finalement lorsque
j’étais athée c’était beaucoup plus simple. Pourtant, je
continue à croire qu’il y a un Dieu, mais qui est-Il vraiment ?
Quel est son projet pour nous ? Il ne peut que désirer notre
ascension vers Lui ? Lors du deuxième jour de ton
enseignement, tu m’as dit que Dieu possède en lui trois
fonctions ou activités. Celle de créateur, conservateur et
destructeur. Ainsi Dieu par sa fonction créatrice, crée la
47
Multiplicité de sa Personne et sa propre souffrance à travers
toute sa création. Par son aspect conservateur se guérit de sa
souffrance en retournant au point de départ. Ceci est un cycle
ou un kalpa. Puis Dieu se repose en lui-même et après une
période de repos, inaugure un nouveau cycle et ceci depuis
toujours et à jamais. Est-ce bien cela, maître ?
LE MAÎTRE : Oui ! Tout à fait.
CANDIDE : Maître, cela me fait penser à un homme en
pleine santé. Il s’inocule un poison, ensuite, après avoir
longuement souffert et sentant la fin venir, appelle son
voisin. Ce dernier, rempli de compassion, appelle un
médecin qui lui administre aussitôt un contrepoison. Que
penserait-on d’un tel homme ? Qu'il est insensé ! N'est-ce
pas ? Imaginons qu’un tel homme, une fois en bonne santé,
recommence quelque temps après ? Il faudrait alors
l’enfermer pour le soigner énergiquement. Pourtant, on
pourrait comparer l’homme en bonne santé à Dieu en lui-
même dans son unité. L’homme qui s’inocule le poison et
souffre à Brahman créant la multiplicité. Le voisin venant au
secours de l’homme souffrant, à Vishnou. Le médecin
redonnant à l’homme la bonne santé, à Shiva. Maître, un tel
projet sans fin et sans résultat serait absurde.
LE MAÎTRE : Ce n’est pas parce que tu ne vois pas ce but
ou parce qu’il ne peut s’énoncer explicitement qu’il n’est pas
réel. Un jour, nous connaîtrons le pourquoi et le comment. Si
ce n’est pas dans ce monde de l’illusion, ce sera sûrement
dans celui de l’unité originelle où nous aurons toute
connaissance.
CANDIDE : A-t-on posé ces questions à un libéré-vivant ?
A-t-il donné une réponse ?
LE MAÎTRE : Pas à ma connaissance !
CANDIDE : Toute notion individuelle ayant disparu, étant
comme des gouttes d’eau dans l’océan formant l’océan,
comment saurais-je ? Un simple atome de mon corps a-t-il la
notion de ce que je pense, de ce que je dis, de ce que je fais ?
48
Comment saurons-nous dans un monde où il n’y aura plus la
notion de JE, de TU, de IL, de NOUS, de VOUS, de ILS. Un
monde sans aucune relation avec autrui doit être ennuyeux et
cela ne m’étonne pas qu’un jour Dieu s’ennuya. La libération
ou nirvana serait à la longue : tristesse, lassitude, ennui ?
Maître lors de l’enseignement du premier jour, tu m’as
enseigné par l’image de la source. Tout compte fait, je
préfère être la source avant qu’elle ne se fonde dans l’océan.
Son existence est plus intéressante, surtout plus utile. Quelle
sera notre mission dans ce Grand Tout inconnu et
indescriptible dont les sages d’orient chantent les louanges,
mais en ignorent les tenants et les aboutissants, tout comme
l’accomplissement et la réalité ? Une vie bien remplie sur
terre ne serait-elle pas préférable à cette libération ?
LE MAÎTRE : Tu es en chemin et tu voudrais être à
l’arrivée. Apprends la patience par la méditation.
Le bien et le mal
CANDIDE : Maître, lors de l’enseignement du deuxième
jour, tu as dit que les Occidentaux ont tendance à attribuer le
bien à Dieu et le mal au Diable. Du point divin, le bien et le
mal ne sont que des forces semblables et complémentaires
dont le jeu et le déséquilibre donnent naissance à la
multiplicité. Ainsi, les hindous font remonter le bien et le
mal à Dieu.
LE MAÎTRE : Oui ! C’est exactement ce que je t’ai
enseigné.
CANDIDE : Dans ce cas, dans quelle mesure les hommes
seraient-ils coupables du mal, quel qu’il soit ? Il est dit dans
toute religion que Dieu encourage le bien et entrave le mal.
Si cela est vrai, il y a contradiction. Comment, Dieu peut-il
entraver le mal, si le mal provient de Lui ? Dieu serait-il
divisé contre lui-même ? Ce qui est divisé n’est pas de Dieu,
car tout ce qui est divisé est voué à la destruction et à la
disparition. Or Dieu par définition est éternel, omniscient,
omnipotent. Si Dieu combine en lui-même le bien et le mal
49
serait-il à la fois Docteur Jekyll et Mister Hyde ? Une pensée
me vient à l’esprit. Comment les sages et les gourous savent-
ils que pour atteindre la libération, il faut être un disciple zélé
de la compassion ? Si le bien et le mal du point de vue divin
ne sont que des forces semblables et complémentaires,
pourquoi le mal ne serait-il pas un moyen d’atteindre la
libération ? On pourrait penser que tuer son prochain est un
acte d’amour permettant à l’innocent assassiné de ne plus
renaître en accédant automatiquement à la libération. Après
tout, on explique bien que les animaux sacrifiés à l’époque
védique étaient assurés de renaître humains ! Si le mal est un
moyen divin, on pourrait très bien imaginer que dans ce
cycle, le bien est à l’honneur, et qu’au prochain dans un
souci de justice, ce sera au tour du mal. Pourquoi pas ?
LE MAÎTRE : Pour l’Occidental, « oui » est « oui » et
« non » est « non » ; jamais « oui » ne peut être « non » et
vice-versa. Pour l’Oriental, le « oui » glisse vers le « non » et
le « non » vers le « oui » ; il n’y a pas d’opposition tranchée
entre les deux, la nature de la vie le veut ainsi.5 Il y a
beaucoup à apprendre de l’attitude orientale pour mieux
appréhender la vie et les choses.
CANDIDE : Maître, je veux bien ! Pardonne mon
impulsivité. Une autre pensée me vient à l’esprit. À chaque
fin de cycle, toute la création est détruite et retourne à
l’unité : règne minéral, végétal, animal et humain. Tout sans
exception. Autrement dit que je fasse le bien ou le mal, au
plus tard à la fin d’un cycle, je retournerai en l’Un tout aussi
sûrement que celui qui aura fait le bien. Est-ce cela la justice
de Dieu ? À la fin, quoi que nous ayons fait pendant nos
innombrables vies, nous serons tous rétribués de la même
manière ? Dans tel cas, où est la justice divine ? La loi du
karma qui est une loi de juste rétribution devrait s’accomplir,
non seulement dans le cycle en cours, mais à travers tous les
cycles antérieurs, présents, et futurs. Mais encore, dis-moi,
comment les sages savent-ils que ce monde n’est
5 Les religions orientales de René GIRAULT page15
50
qu’illusion ? Le savent-ils par eux-mêmes ? Le savent-ils par
révélation ? Quelles preuves en ont-ils ?
LE MAÎTRE : C’est par la connaissance de toi-même que tu
pourras répondre à ces questions. Souviens-toi : le
microcosme est à l’image du macrocosme. Ton âme étant
semblable à l’âme universelle, si tu la connais parfaitement,
tu connaîtras l’âme universelle.
CANDIDE : Maître, si le microcosme est à l’image du
macrocosme et si ce qui est en bas est à l’image de ce qui est
en haut, alors ce qui est en haut est aussi pure illusion
puisque tu m’enseignes que tout dans ce monde est illusion.
LE MAÎTRE : Tout, excepté l’âme ou atman qui est pure
essence de Dieu. Les découvertes de la science, concernant
la structure de l’atome, donnent raison à ce concept qui
affirme que tout est illusion. Là où nos yeux voient le plein,
il y a le vide. Chaque atome rempli de vide est semblable aux
distances considérables qui séparent les univers. Nous
sommes donc du vide. Il est dit que s’il était possible de
rassembler uniquement les noyaux d’atome constituant
chaque être, l’humanité entière représenterait le volume de
quelques grains de riz. Ainsi, nous sommes une illusion. La
doctrine orientale vieille de milliers d’années se justifie.
CANDIDE : Mais ce n’est pas parce que nous sommes
surtout du vide que nous sommes une illusion. Même si
l’humanité tout entière se réduit à quelques grains de riz
« pleins », elle représente une réalité tout de même. Dieu
nous donna la réalité qui convient le mieux à notre
réalisation divine. Nous sommes donc une réalité et tout est
donc réalité et non-illusion. D’ailleurs, si on pousse le
raisonnement plus loin, l’illusion ne peut exister que dans
l’esprit de l’homme, car le monde créé par Dieu ne peut être
que réalité. Pourquoi ? Parce que le vide ne peut exister, ce
vide qui sépare les atomes et les univers n’est pas du vide.
C’est l’énergie, l’esprit du Tout-Puissant, sa Lumière qui
imprègne toute chose. Donc ce vide n’est pas du vide, c’est
du plein puisque c’est plein de Dieu. Alors, le vide n’existe
51
pas. Ni l’illusion, ni l’illusion du vide. Tout est réalité en
Dieu.
LE MAITRE : C’est un point de vue intéressant !
CANDIDE : Maître, pardonne-moi, mais ce que tu m’as
enseigné jusqu’à ce jour, prouve qu’aucun sage ne connaît
Dieu, puisque tous apparemment disent qu’Il est
inconnaissable ! D’ailleurs ne l’appelle-t-il pas : CELA, un
pronom démonstratif désignant quelque chose d’indéfini ?
Aucun ne connaît véritablement son but, puisque personne
ne donne une explication suffisamment compréhensible de
son passage au Multiple, puis du Multiple vers l’Unité et cela
sans discontinuer. Personne ne sait ce qu’est la libération, car
tous les sages en parlent en termes élogieux, sans savoir ce
qu’elle est véritablement. J’ai lu ceci : 6« Pourquoi la
Divinité nous laisserait-elle commettre de nombreuses
erreurs, et plus encore de fautes, qui nous condamnent à
renaître encore et encore, pour en subir les conséquences ?
Et pourquoi, après avoir souffert ces dures existences, les
hommes devraient-ils disparaître dans le Brahman —
autrement dit Dieu - aussitôt qu’ils auraient perçu
expérimentalement leur nature divine ? Quel en serait
l’intérêt pour la Divinité ? Celui d’observer comment nous
allons faire, au cours de multiples et pénibles incarnations,
pour nous dépêtrer de cette matière qui nous masque notre
nature divine et nous empêche de réintégrer au plus vite le
sein du Père ? Jeu pervers, expérience de laboratoire,
inconcevable chez un Être, par essence, infiniment supérieur
à l’homme ! ». Oui, ce serait un jeu pervers et inconcevable !
Pourtant peut-il en être autrement ? Krishna ne dit-il pas que
le monde est un jeu, qu’Il s’offre pour son propre
divertissement ?
LE MAÎTRE : Tu t’attaches trop aux mots. Krishna
s’exprime souvent par métaphores poétiques.

6 Olga Kozak Bouddha, le Christ... Quelle voie ? page 118


52
Les dieux hindous
CANDIDE : Maître, éclaire-moi sur la multiplicité des dieux
hindous. J’avoue que je suis perdu et j’aimerais comprendre.
Tu m’as enseigné que Dieu est le seul Véritable. Que les
trois aspects de ses manifestations ont été symbolisés par les
trois dieux principaux de l’hindouisme : Brahmâ le créateur,
Vishnu le conservateur et Shiva le destructeur. J’aimerais
comprendre. Est-ce, que Brahmâ, Vishnu et Shiva sont-ils
simplement des conceptions purement humaines pour aider
l’homme à mieux comprendre Dieu ? Ou plutôt, sont-ils des
dieux à part entière ayant une forme, une personnalité qui
justifieraient un culte personnel ? Je suis complètement
désorienté par la conception des dieux dans l’Hindouisme.
On peut croire tantôt à un aspect de la manifestation divine,
tantôt à une conception purement humaine, tantôt à une
réalité de ces dieux, tantôt aux trois à la fois. Ces trois
possibilités glissent les unes vers les autres, s’entremêlent, se
superposent. Qu’en est-il exactement ?
LE MAÎTRE : Il me sera difficile de te répondre exactement.
Car tout n’est pas simple « oui » ou simple « non ». Dieu
peut créer divers dieux pouvant revêtir d’innombrables
formes et les faire retourner à leur état primitif et véritable,
car tout Lui est possible. Tout ce qui nous entoure représente
une manifestation de la puissance du Brahman absolu et
l’homme reste sa plus haute projection dans le monde de la
multiplicité. Dieu de par sa perfection reste inconnaissable.
Pourtant à travers toutes ses expressions qui sont comme des
facettes en nombre infini de sa personnalité, nous pouvons le
connaître en partie. Les hindous l’envisagent, à travers ses
œuvres, sous deux aspects principaux : Transcendant et
immanent. Adorer Dieu dans son aspect transcendant, c’est
Le rapprocher de nous concrètement en lui donnant des
formes humaines ou animales ou symboliques représentant
ses attributs. C’est se créer des dieux personnels que les
hindous appellent : Ishvara. C’est à partir de cette conception
qu’est né le panthéon hindou aux trois cent trente-trois
53
millions de dieux, chiffre symbolique exprimant l’idée que
les dieux ne sont limités que par l’esprit humain. Adorer
Dieu dans son aspect immanent, c’est l’éloigner de nous par
son aspect abstrait, mais en même temps c’est le rapprocher,
car nous l’adorons en esprit : Dieu est si grand qu’Il emplit
tout l’espace et peut se faire si petit qu’il peut loger dans le
cœur de chacun.
CANDIDE : Maître, c’est bien cela ? Tu viens de me dire
que les dieux hindous sont inventés. Par conséquent, ils sont
pure conception humaine dans le but de mieux connaître
l’Un ?
LE MAÎTRE : Oui, dans une certaine mesure.
CANDIDE : Cette forme d’adoration n’est-elle pas de
l’idolâtrie, forme dégénérée de la vraie religion et de la
véritable connaissance de Dieu ? J’ai lu que les brahmanes
qui possédaient la vraie connaissance avaient une conception
abstraite de Dieu alors que le peuple par principe plus
ignorant adorait ces multitudes de dieux façonnés par la main
de l'homme.
LE MAÎTRE : Si ces dieux sont pure conception humaine, tu
vas trop vite en besogne quand tu dis que cette manière
d’adorer est une forme dégénérée de la vraie religion. Tout
ce qui rapproche de l'Un doit être tenu en grand respect. Un
sage 7« exprimait une idée foncièrement hindoue lorsque,
questionné sur la possibilité d’une religion universelle, il
répondit, au grand étonnement de ses auditeurs, que l’idéal
n’était pas une religion uniforme à laquelle tous les hommes
devraient se soumettre, mais autant de religions que
d’individus. Autant d’hommes autant de dieux. Les hindous
ont reconnu là une vérité découlant des limitations de
l’humanité, de son caractère non infini, de l’étroitesse de ses
points de vue. »
CANDIDE : Maître, tout cela est bien dit. Cependant, dire

7 Spiritualité hindoue de Jean HERBERT p 286 et suivantes


54
que Dieu est inconnaissable et l’adorer dans sa forme
abstraite qui est l’unité ou l’adorer par une multitude de
représentations ou de conceptions humaines prouve
finalement l’ignorance de Dieu de la part des sages et
finalement des hommes. Une véritable connaissance de Dieu
éviterait toutes ses profusions de dieux et de doctrines. Les
lois physiques sont universelles, chaque peuple, chaque
homme les utilise, les subit d’une manière identique. Alors
pourquoi une religion qui garantirait la connaissance parfaite
de Dieu ne serait-elle pas une religion universelle ?
LE MAÎTRE : Ton point de vue se défend, malheureusement
les faits dans le monde avec toutes les croyances, toutes les
religions, toutes les philosophies prouvent le contraire.
CANDIDE : Quand les religions se contredisent, comment
faire pour savoir laquelle détient la Vérité ? Toutes à la fois
ne peuvent pas avoir raison.
LE MAÎTRE : Toutes contiennent une part de la vérité. Peut-
être qu’assemblées et apurées, elles constitueraient la Vérité.
Mais n’oublie pas que nous sommes dans le monde de
l’illusion et que nous poursuivons l’illusion de la vérité. Par
conséquent, ce que nous devons faire dans cette vie, c’est
rechercher la meilleure voie sachant que la voie parfaite n’est
pas de ce monde. Dieu à la fin de notre existence, par notre
karma, jugera. Faisons-lui confiance.
CANDIDE : Permets-moi de revenir sur les dieux hindous et
laisse moi te citer une écriture : 8 « Dans le Vihnou-Purâna,
Vishnu dit à Shiva : Ceux qui sont la proie de l’ignorance
Me considèrent comme distinct de Toi ». Si je comprends
bien, ce serait donc pure ignorance de distinguer Vishnu et
Shiva et Brahmâ, car ils sont un seul Dieu. Alors, pourquoi
représenter Dieu, par une multitude de dieux ? Ai-je tout à
fait tort quand je dis qu’une religion qui met à la disposition
de ses croyants une multiplicité de dieux représentant le seul
vrai Dieu est une forme pervertie de la véritable religion ?

8 Spiritualité hindoue de Jean HERBERT p 289


55
LE MAÎTRE : Tes paroles sont très dures à l’égard de ces
religions. Nous devons toujours pratiquer la tolérance sous
toutes ses formes, vis-à-vis de toute chose, toute personne,
tout concept. A priori, nous ne devons pas dire qu’une
religion est meilleure qu’une autre dans la mesure où elle
rapproche son adepte de Dieu et le rend meilleur. Cette
religion universelle dont tu parles dans ce monde de la
multiplicité et de l’illusion est certainement pure utopie.
Dieu l’a voulu ainsi pour que nous puissions développer en
nous une qualité essentielle : celle de la tolérance et de la
compassion. Aussi, vivons avec ce que notre monde nous
offre en pratiquant les vertus essentielles.
CANDIDE : Ta tolérance, ta compassion pour toute chose
sont un exemple pour moi. Mais permets que je revienne à
nouveau sur les dieux. Vishnu en particulier peut
condescendre à prendre forme humaine et même animale
pour aider les hommes. Alors par moments je ne comprends
plus. On dit qu’ils sont pure conception et puis les voilà
devenir personnages réels investis d'une mission.
LE MAÎTRE : Tout cela est symbole et ne doit pas être
considéré à la lettre. À Dieu, tout est possible. 9 « Le
Brahman indifférencié, ou Dieu ou l'Un, est comme la
matière que l’on appelle argile, considérée en soi et
indépendamment de tous ses usages que l’on peut en faire,
de toutes les formes qu’elle peut prendre. Les divers dieux,
au contraire, sont les noms génériques de tous objets en
argile qui existent, articles façonnés ou blocs à l’état brut. Il
y a bien identité entre l’un et l’autre, en ce sens que l’on ne
peut jamais isoler l’un de l’autre, mais tandis que l’argile en
soi n’a pas de forme et par conséquent qu’on ne saurait se la
représenter, la dessiner ou la photographier, on peut prendre
en main, examiner, étudier un objet d’argile. Et c’est la
connaissance de cet objet qui peut seule développer en nous
la connaissance de l’argile comme telle. » Autrement dit si
l'Un peut prendre toutes les formes de la multiplicité à
9 Spiritualité hindoue de Jean HERBERT p 296
56
travers le règne minéral, végétal, animal et humain, il peut
prendre forme dans tous ces dieux conçus par l’esprit et le
cœur de l’homme en vue de mieux le comprendre et l’adorer.
Je voudrais prendre un exemple. Ganesha est un Dieu à tête
d’éléphant. Il est le fils de Shiva et de Pârvatî, son épouse.
Symboliquement, il représente, d’une part, la force spirituelle
par rapport à la confiance dans l’intelligence humaine et
d’autre part, la réussite de l’homme dans toutes ses bonnes
entreprises. Aussi ce dieu est adoré et sollicité par une
majorité d’hindous qui se mettent sous sa protection afin de
faire aboutir leurs demandes. Pourtant à première vue, ce
dieu dans son apparence est grotesque. À travers tout cela, je
veux en venir au fait suivant. Dieu pourrait apparaître sous la
forme de ce dieu à un de ses adorateurs s’il le juge digne par
sa dévotion à recevoir une telle manifestation divine.
CANDIDE : Maître, on est en pleine supposition ! D’autre
part si Dieu se présente sous la forme d’un homme à tête
d’éléphant, n’est-ce pas tromper son adorateur sur sa
véritable personnalité ? Pourquoi ne lui apparaîtrait-il pas
dans sa véritable forme ?
LE MAÎTRE : Parce qu’il ne serait pas prêt à comprendre
cette forme divine et cela ne lui servirait à rien.
CANDIDE : Ces dieux ne peuvent pas à la fois être réels et
pure conception humaine !
LE MAÎTRE : Et pourquoi pas ?
CANDIDE : Alors, les hommes concevraient ces dieux dans
leur esprit, et Dieu les leur fabriquerait ?
LE MAÎTRE : C’est un peu cela. Les hindous croient que
« 10 beaucoup des Dieux personnels descendent sur terre et se
mêlent aux hommes. Ils peuvent le faire par des apparitions
sous formes surnaturelles, éblouissantes, avec des bras
multiples et toutes sortes d’attributs, qui font qu’on ne peut
se méprendre sur leur identité. Le plus souvent, ils sont alors

10 Spiritualité hindoue Jean Herbert


57
montés sur des chars d’or traînés par de célestes coursiers et
couverts de joyaux et accompagnés de divinités secondaires
qui leur font cortège. »
CANDIDE : Maître, on peut croire tout et n'importe quoi !
LE MAÎTRE : À Dieu, tout est possible pour amener les
hommes à lui. D’ailleurs, voici encore ce que croient les
hindous : « 11 Si certains des dieux hindous personnels
(Brahmâ, Shiva, Vishnou, la Mère Divine, etc.) sont d’une
condition, sinon d’une essence infiniment supérieure à
l’homme, il en est d’autres pour lesquels la différence est
loin d’être aussi nette. Nous avons vu que par la
connaissance, la dévotion, les œuvres, les austérités, le sage
acquiert des pouvoirs grâce auxquels il devient aussi puissant
que certains des plus grands dieux (notamment Indra). Nous
avons vu aussi que beaucoup de dieux et même les plus
grands condescendent parfois à prendre forme humaine, et
même forme animale. Les âmes qui viennent occuper ces
fonctions divines sont pour les hindous les mêmes que celles
des hommes. C’est-à-dire qu’une même âme qui au cours de
son évolution, a occupé des corps végétaux, animaux et
humains, peut, avant même d’avoir atteint la libération, venir
pendant un certain temps occuper un corps divin, quitte à
revenir ensuite terminer dans un corps humain son ascension
spirituelle. Le Bhâgavata-Paraná énumère toute une série
d’hommes qui devinrent Indra et d’autres dieux. »
CANDIDE : Si l’âme des hommes peut renaître dans ces
dieux, cela revient à dire que ces dieux ne sont plus un
concept, mais une réalité. Si j’ai bien compris. Dans un
premier temps, les hommes inventent, des dieux pour rendre
Dieu accessible à leur compréhension. Dans un second
temps, Dieu crée dans les cieux, ces dieux de fiction. Dans
un troisième temps, l’homme adore et rend un culte
approprié à ces dieux. Dans un quatrième temps, Dieu donne
à l’homme la possibilité de se réincarner en eux. Maître, j’ai

11 Spiritualité hindoue Jean Herbert p 298 et suivantes


58
du mal à croire tout cela !
LE MAÎTRE : Les hindous croient en ces choses.
CANDIDE : Le Dieu de la Bible a donné le commandement
suivant : « Tu n’auras pas d’autres dieux devant ma face, tu
ne te feras point d’images taillées, ni de représentations
quelconques des choses qui sont en haut dans les cieux, qui
sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que
la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les
serviras point. »
LE MAÎTRE : Oui, Candide. Où veux-tu en venir ?
CANDIDE : Ce commandement de Dieu donné aux juifs et
aux chrétiens est en totale contradiction avec la conception
des dieux hindous et ferait des croyants hindous des
idolâtres. Comment concilier ces différentes croyances et
conceptions, si tout homme s’adresse en définitive au même
Dieu ?
LE MAÎTRE : Je comprends ta question. Dieu s’adresse aux
hommes en fonction de leur civilisation, niveau de
compréhension et d’acceptation. Il leur donne selon ce qu’ils
sont en mesure de comprendre ou de recevoir. Dieu pourvoit
à sa manière pour chaque peuple à chaque époque et même
pour chaque individu.
CANDIDE : Je n’ai plus de question, Maître.
Dévas et azuras
LE MAÎTRE : Voici d’autres connaissances. L’hindouisme
connaît entre les dieux et les hommes d’autres êtres qui, bien
qu'invisibles, interviennent dans leur vie quotidienne. Il s'agit
des Dévas et des Azuras. Les premiers sont bons et
bénéfiques à l’homme, tandis que les seconds sont mauvais
et malfaisants. Cependant sachant que le mal et le bien sont
deux forces complémentaires venant de Dieu pour créer la
multiplicité, les azuras ne sont pas des êtres foncièrement
mauvais, ils ne font que s’acquitter du rôle qui leur a été

59
donné. Le déva loue Dieu et rapproche le fidèle de la
Divinité tandis que l’azura hait Dieu et l’en éloigne. Il est dit,
que tout comme l’âme de l’homme peut habiter le corps des
dieux, certains hommes expriment le désir de renaître azuras
dans le but de solder au plus vite leur mauvais karma. 12
« Car les hindous ont observé, en fins psychologues, que l’on
pense plus souvent encore à ce qu’on hait qu’à ce qu’on
aime ; et comme l’essentiel est d’avoir la pensée
constamment tournée vers Dieu, cette adoration à l’envers
peut être plus efficace encore que l’autre. Il va sans dire que
ce n’est pas une voie à recommander. Un hindou ami, fort
cultivé et très avancé spirituellement m’illustrait un jour
cette conception hindoue des démons par une curieuse
comparaison. « Le christianisme a le même phénomène où le
cas de Saint Paul est un exemple éclatant. L’âme incarnée en
lui était celle d’un très grand sage qui avait choisi cette voie
comme le moyen le plus sûr d’arriver à Dieu. Et c’est
l’intensité de sa haine pour Jésus et pour ses disciples, son
obstination à les persécuter sans relâche, qui lui a valu cette
brusque et merveilleuse illumination de son ennemi et l’a
reçu dans sa gloire. Tous les grands-maîtres spirituels de
l’Inde contemporaine admettent l’existence de ces extra-
humains et non perceptibles avec la même certitude avec
laquelle les Occidentaux admettent l’existence des vitamines,
des rayons infrarouges ou des forces psychologiques
subconscientes, bien que la plupart d’entre nous n’en ayons
jamais directement observé. Mais cela ne signifie
évidemment pas que les maîtres ratifient en bloc les
innombrables croyances que l’on accroche à ces êtres qui
nous paraissent, à tort ou à raison, de grossières
superstitions. »
CANDIDE : Maître, il est question d’êtres invisibles. Les
bons s'appellent les dévas et les mauvais les asuras. Cela me
rappelle la religion catholique avec ses anges et ses démons.
Cependant dans la religion chrétienne Dieu est distinct de ses

12 Spiritualité hindoue de Jean Herbert page 300 et suivantes


60
créatures qui possèdent leur individualité et leur libre-arbitre.
Par conséquent, chaque être est responsable de ses actes et
devra répondre d’eux le jour du Jugement. Dans un tel
concept, bien que le mal existe, il est étranger à Dieu qui
n’est pas responsable des actes mauvais de ses créatures.
Mais dans la religion hindoue, tout provient de Dieu.
Comment donner à ces dévas le rôle d’aider les hommes et
aux asuras, celui de les faire trébucher ? C’est absurde !
Ensuite, tu as parlé de cet ami hindou affirmant que l’apôtre
Paul avait choisi la lutte la plus totale contre Dieu, pour
arriver, le plus rapidement possible à Lui. Comment affirmer
pareille chose ? Dans le Nouveau Testament, Paul raconte
l’histoire de sa conversion aux juifs : « 13 Hommes frères et
pères, écoutez ce que j’ai maintenant à vous dire pour ma
défense ! Lorsqu’ils entendirent qu’il leur parlait en langue
hébraïque, ils redoublèrent de silence. Et Paul dit : « Je
suis Juif, né à Tarse en Cilicie ; mais j’ai été élevé dans cette
ville-ci, et instruit aux pieds, de Gamaliel dans la
connaissance exacte de la loi de nos pères, étant plein de
zèle pour Dieu, comme vous l’êtes aujourd’hui. J’ai
persécuté à mort cette doctrine, liant et mettant en prison
hommes et femmes. Le souverain sacrificateur et le collège
des anciens m’en sont témoins. J’ai même reçu d’eux des
lettres pour les frères de Damas, où je me rendis afin
d’amener liés à Jérusalem ceux qui se trouvaient là et de les
faire punir. Comme j’étais en chemin, et que j’approchais de
Damas, tout à coup, vers le midi, une grande lumière venant
du ciel resplendit autour de moi. Je tombai par terre, et
j’entendis une voix, qui me disait : « Saul, Saul, pourquoi me
persécutes-tu ? » Je répondis : « Qui es-tu Seigneur ? Et il
me dit : Je suis Jésus de Nazareth, que tu persécutes. » Ceux
qui étaient avec moi virent bien la lumière, mais ils
n’entendirent pas la voix de celui qui parlait. Alors, je dis :
« Que ferais-je Seigneur ? » Et le Seigneur me dit : « Lève-
toi, va à Damas, et là on te dira tout ce que tu dois faire. »

13 Bible NT Actes 22 : 1à21


61
Comme je ne voyais rien à cause de l’éclat de cette lumière,
ceux qui étaient avec moi me prirent par la main, et j’arrivai
à Damas. Or, un nommé Ananias, homme pieux selon la loi,
et de qui tous les Juifs, demeurant à Damas rendaient un bon
témoignage, vint se présenter à moi, et me dit : « Saul, mon
frère, recouvre la vue et je regardais. » Il me dit : « Le Dieu
de nos pères t’a destiné à connaître sa volonté, à voir le
Juste, et entendre les paroles de sa bouche ; car tu lui
serviras de témoin, auprès de tous les hommes, des choses
que tu as vues et entendues. Et maintenant, que tardes-tu ?
Lève-toi, sois baptisé et lavé de tes péchés, en invoquant le
nom du Seigneur. » De retour à Jérusalem, comme je priais
dans le temple, je fus ravi en extase, et je vis le Seigneur qui
me disait : « Hâte-toi, et sors promptement de Jérusalem,
parce qu’ils ne recevront pas ton témoignage sur moi. » Et
je dis : « Seigneur, ils savent eux-mêmes que je faisais mettre
en prison et battre de verges dans les synagogues ceux qui
croyaient en toi et que, lorsqu’on répandit le sang d’Étienne,
ton témoin, j’étais moi-même présent, joignant mon
approbation à celles des autres, et gardant les vêtements de
ceux qui le faisaient mourir. » Alors, il me dit : « Va, je
t’enverrai au loin vers les nations. »
Voilà la véritable histoire de Paul, relatée par lui-même. Elle
n’a rien à voir avec ce qu’avance cet hindou. Cet homme en
sait-il plus que l’apôtre Paul sur lui-même ? D’où tient-il que
Paul est l’âme d’un grand sage ayant choisi cette voie
comme moyen le plus sûr d’arriver à Dieu ? Dans le récit de
Paul, on voit un Juif, énergique, volontaire, zélé pour sa
religion et pour son Dieu. Un homme persuadé que les
chrétiens avec leur nouvelle doctrine représentent un danger,
pour son peuple, sa foi et son Dieu. Étant un homme intègre,
honnête dans ses convictions, il va déployer toute son
immense énergie à persécuter les disciples du Christ. Mais
sur le Chemin de Damas, sa vie bascule. Le Christ dans une
lumière éclatante, qui le rendra aveugle durant de nombreux
jours, lui apparaît. Alors, Paul se rend compte qu’il était dans
l’erreur. Il se repent et de persécuteur acharné des chrétiens,
62
devient le défenseur le plus ardent du Christ. Il proclamera sa
divinité dans toutes les nations, du Proche-Orient. Je crains
que les concepts philosophiques ou pire, les élucubrations
d’hommes brillants, imbus de connaissance, deviennent des
doctrines religieuses, qui plongent les peuples qui y croient
dans l’obscurité.
LE MAÎTRE : Je ne suis pas spécialiste de la religion
chrétienne, bien que tu viennes de me présenter un point de
vue intéressant !
Enseignements complémentaires sur la
réincarnation
CANDIDE : Maître, lors de mon étude du premier jour, j’ai
lu qu’il y a principalement deux doctrines dans ce qui
transmigre réellement d’une vie à l’autre. La première dit :
c’est l’atman principe impersonnel de l’individu et identique
au Brahman universel. La seconde : c’est un élément qui
garde sa personnalité et désigné sous des noms divers
« homme », « principe vital », « homuncule invisible en
raison de sa taille exiguë ». Finalement, qu'est-ce qui
transmigre réellement d’une vie à l’autre ? La libération, est-
ce la fusion de l’âme de l’homme dans l'Un comme la rivière
devient océan lorsqu’elle entre à son contact ou bien l’âme
dans la libération conserve-t-elle sa personnalité ?
LE MAÎTRE : Ce qui transmigre, qu’importe son nom !
C’est la partie réelle et non illusoire de l’individu. Pourquoi
donc discuter sur sa dimension, sa longueur, sa largeur, sa
profondeur sa couleur ? Ce sont des choses invérifiables qui
n'appartiennent qu’à l’Un. C’est perdre son temps en
controverses stériles. Quant à la libération. Est-ce la fusion
totale de l’âme en Dieu avec perte de l’individualité ou la vie
avec Dieu chaque âme gardant son individualité ? Difficile
question. Ce qui est certain, c’est qu’à la fin du cycle, l'Un va
du Multiple à l’Unité, tout doit disparaître même Brahmâ,
Vishnu et Shiva. Tout doit retourner à son unité et pureté
originelle pour recommencer un nouveau cycle. Par
63
conséquent en ce qui me concerne, je crois que la libération,
c’est la fusion en l'Un. L’image de la source que crée l'Un
tout au sommet d’une montagne et qui rejoint l’océan se
confondant en Lui et devenant Lui est la représentation
vivante et symbolique de ce que je crois.
CANDIDE : Maître, je n’ai plus de question.
LE MAÎTRE : Parlons de nouveau de la réincarnation.
L’âme ou parcelle divine de Dieu se réincarne du règne
minéral au végétal et du végétal à l’animal, pour aboutir
finalement à celui d’humain. Les incarnations minérales et
végétales sont nommées par les hindous : incarnations
immobiles. Il est évident que dans ces incarnations, le mental
reste inhibé. En ce qui concerne le règne minéral, une théorie
hindoue parle de « l’âme-groupe » ; âme élémentale qui
regrouperait un grand nombre « d’unités ». La réincarnation
humaine est la plus importante, la seule permettant d’aboutir
à la libération, car c’est dans ce plan que le libre-arbitre
atteint sa plénitude d’expression. Afin d’épuiser plus
rapidement le mauvais karma, les hindous croient qu’une
âme peut simultanément fabriquer plusieurs corps : 14 « Le
yogin, disait Bhavadeva Mishra, peut animer plus d’une
forme, de même qu’une lampe peut alimenter plusieurs
mèches » Il est dit que « le grand Shankara exerça ce
pouvoir lorsqu’il entra dans le corps du roi Amurka pour
connaître les joies de l’amour avec cent femmes du harem
royal. C’est même à la suite de cette dernière expérience
qu’aurait été composé le beau poème appelé les Shataku
d’Amaru ». L’âme peut également se réincarner en corps
divins et démoniaques. Seulement si tel est le cas, elle devra
renaître homme pour recevoir la libération. La réincarnation
peut être ascendante ou descendante. 15 « L’homme qui a
commis certains crimes et ne les a pas expiés de son vivant
est condamné à renaître dans les états très inférieurs : ver,
papillon de nuit, araignée, taon, poule d’eau, grillon,

14 Spiritualité hindoue de Jean Herbert page 105 et suivantes


15 Spiritualité hindoue de Jean Herbert page 105 et suivantes
64
grenouille, chauve-souris, hérisson, etc. »
Entre deux renaissances, l’âme séjourne dans des paradis
ou enfers : endroits où elle reçoit la rétribution de ses actes.
Maintenant, va Candide, car il est très tard, médite
l’enseignement du troisième jour et prépare-toi pour celui du
quatrième

65
LE QUATRIÈME JOUR
Questions sur la réincarnation.
LE MAÎTRE : Candide, as-tu des questions au sujet de
l’enseignement du troisième jour ?
CANDIDE : Oui, Maître ! Voici. Dieu était en lui-même et
pour une raison inconnue, décida de passer au Multiple à
travers le règne minéral, végétal, animal et humain. Cette
multiplication, se fit-elle par création instantanée ou par
évolution progressive du minéral à l’homme ? Autrement dit,
l’Un s’est-il multiplié instantanément en règne minéral,
végétal, animal et humain ou créa-t-il uniquement au
commencement le règne minéral ?
LE MAÎTRE : Tu me poses une question bien bizarre.
Logiquement, tout dut commencer par le règne minéral.
Sinon Dieu, ne donnant pas à tout être une chance égale à
l’obtention de la libération, aurait fait preuve de partialité.
CANDIDE : Autrement dit, le passage de l’Un au multiple
serait plutôt matérialiste que biblique. En effet, pour les
matérialistes, une combinaison chimique mettant le temps et
le hasard à contribution, produisit, à partir de l’inanimé, la
première cellule vivante qui reproduisit tout ce qui existe par
l’Évolution et la Sélection des espèces. Dans la Bible, Dieu
crée les cieux et la terre. Ensuite, dans leurs formes
définitives et parfaites, les plantes, les animaux et finalement
l’homme. Ma première réflexion est de trouver étrange, que
la conception hindoue de la Création, soit davantage en
accord avec une thèse matérialiste, plutôt que théiste. Sur
cette terre, nous observons chaque jour que tout être
vivant qu’il soit plante, animal ou homme se reproduit selon
son espèce, car chaque être vivant porte en lui sa propre
semence. Un caillou ne donne pas naissance à une
marguerite ni une marguerite à un singe, ni même un singe à
un homme. Tout ce que nous observons sur terre est
conforme à la Création inscrite depuis 6 000 ans dans la
67
Bible. Tu m’as dit, que le microcosme est à l’image du
macrocosme, que ce qui est en bas est à l’image de ce qui est
en haut. Si nous considérons que les livres sacrés des
religions représentent ce qui est en haut, alors ce qui se passe
sur terre est conforme à la Bible et non aux textes sacrés de
l’Inde. Maître, veux-tu m’éclairer ?
LE MAÎTRE : Ma réponse est que je demeure fidèle à mes
convictions. Mais ta question est pertinente et mérite
réflexion.
CANDIDE : Permets-moi de te soumettre une autre
réflexion. Imaginons qu’au début, tout serait règne minéral.
Une âme est-ce cette montagne comme l’Himalaya ou cette
colline, ce caillou, cet atome ? Quand je casse une pierre en
deux, ai-je toujours une âme ou en ai-je deux ? L’âme d’un
homme, d’une plante ou d’un animal peut se distinguer d’un
autre homme, d’une autre plante ou d’un autre animal. Dans
le règne minéral, comment distinguer une âme d’une autre
âme ?
LE MAÎTRE : Mais où vas-tu chercher toutes ces questions ?
Lors de l’enseignement du troisième jour, je t’ai parlé de
l’âme-groupe, qui réunit un grand nombre d’unités d’âmes
élémentales du règne minéral.
CANDIDE : Maître, n’est-ce pas une théorie imaginée par
les hommes ?
LE MAÎTRE : On pourrait penser cela !
CANDIDE : Sois patient avec moi. Au commencement d’un
cycle, tout était règne minéral. Le Karma remplissait son rôle
immuable de justice aveugle jugeant pensées, paroles et actes
et rétribuant par des renaissances heureuses ou douloureuses
tout « être » du minéral à l’humain. Je comprends
l’accomplissement de la loi du Karma pour l’homme. Mais
pour une montagne, un caillou, un atome que signifie faire le
bien ou le mal ? Comment le karma a-t-il pu juger du
passage d’un caillou à un brin d’herbe ? Quels furent les
critères ?

68
LE MAÎTRE : Continue…
CANDIDE : Le règne minéral ne détient pas comme
l’homme, la notion du bien et du mal liée au libre-arbitre. Le
karma ne peut pas équitablement le punir ou le récompenser.
Le minéral ne peut donc, ni progresser, ni régresser. Par
conséquent, il est condamné à garder éternellement son état.
Si l’hindouisme proclame que le minéral peut progresser vers
le végétal, comment se fait-il qu’il n’ait pas donné
d’explication sur ce passage clé d’un règne à l’autre ? Cela
me paraît évident car unique et nécessaire pour expliquer
l’apparition des autres règnes jusqu’à celui de l’homme. Les
disciples de Darwin ont le même problème pour prouver que
la vie se serait développée à partir de la matière inerte.
Jamais ils n’ont pu trouver de maillon véritable entre les
différentes espèces d’animaux aquatiques ou terrestres. Un
savant a dit : « L’hypothèse selon laquelle la vie s’est
développée à partir de la matière inerte est toujours un
article de foi »16. Un autre : « Il y a autant de chances que la
vie soit apparue de façon fortuite qu’il y en a d’obtenir un
dictionnaire complet à la suite de l’explosion d’une
imprimerie. » Pour la réincarnation du minéral en végétal, en
serait-il de même que pour la théorie de Darwin sur
l’évolution des espèces ?
LE MAÎTRE : Poursuis, je te répondrais après…
CANDIDE : Le végétal étant vivant, son passage au règne
animal parait plus crédible. Mais la même question reste
posée. Quelle notion la plante peut-elle avoir du bien et du
mal ? Quels critères décideront qu’une rose mériterait de
devenir papillon ? Comme tu me l’as enseigné, ce qui est en
bas est à l’image de ce qui est en haut par conséquent, si
l’Hindouisme dit la Vérité, alors il est conforme à ce qui est
en haut. Or, ce que nous observons ici-bas contredit ses
théories. Sur terre, à part le règne minéral, tout se reproduit,
selon son espèce. L’ordre règne parfaitement. Dans la
réincarnation selon l’hindouisme, on observe au contraire la

16 J.Sullivan, mathématicien
69
confusion dans la progression, mais aussi la régression d’un
règne à un autre.
LE MAÎTRE : Ne crois-tu pas que la possibilité de
progresser du règne minéral jusqu’au règne humain
démontre une preuve d’amour de Dieu pour tout et pour
tous ?
CANDIDE : Maître, dans la mesure, où Dieu s’est multiplié,
divisé en toute chose, du règne minéral au règne humain,
comment peut-on dire qu’Il est amour ? Si Dieu n’est pas
distinct de sa Création, il ne peut que s’aimer lui-même. Si
j’ai mal à mon bras et si je dis : « Je souffre pour mon
bras ! » En réalité, je souffre pour moi-même, car mon bras
fait partie de mon corps. Pour qu’il y ait amour, il faut que le
Créateur soit extérieur à la créature qu’il a créée. Comme la
mère est en dehors de l’enfant à qui elle a donné la vie.
LE MAÎTRE : Ton point de vue se défend.
CANDIDE : Chaque cycle représente une période de temps
considérable. À ce jour, une très longue période s’est écoulée
depuis son début. Pourtant, nous avons sur notre terre, le
règne minéral, végétal, animal et humain. Quand on
considère la matière sur notre terre et dans l’univers, on peut
se poser cette question : toute cette matière depuis tout ce
temps n’aurait pas évolué d’un iota ? Pourquoi ? Je dirais
heureusement qu’il en est ainsi. Supposons que tout le règne
minéral mérite de passer instantanément au stade végétal.
L’univers serait sans support et tout croulerait ! Admettons
que je sois assis confortablement sur cette chaise et que
celle-ci se réincarne en fleur, ou mieux en papillon, on
imagine la suite. Ce serait digne d’un gag !
LE MAÎTRE : Oui, je me l’imagine.
CANDIDE : Cela me fait penser à une chose, que l’on peut
constater chaque jour. Sur terre, il y a des singes de toutes
espèces et il y a des hommes de toutes races. D’après les
disciples de l’Évolution des espèces, l’homme descendrait du
singe. Certains même auraient dit au siècle dernier que les

70
Européens descendent des chimpanzés, les Africains des
gorilles, les Chinois des orangs-outangs. La question qui se
pose pour un évolutionniste est la suivante : comment se fait-
il que certains singes aient évolué jusqu’à l’homme et
d’autres soient toujours restés au stade de l’animal ? Je
pense, Maître que la réponse est dans la Création du monde
qui se trouve dans la Bible. Le singe fait partie du règne
animal et en fera toujours partie, tout comme l’homme fait
partie du règne humain et en fera toujours partie, car tous les
deux, portant en eux la semence de leur espèce, se
reproduiront selon leur espèce. C’est la chose la plus
scientifique qui soit, car elle se vérifie tous les jours. Et cela
malgré le fait que l’homme et le singe ont quelques
ressemblances physiques. Il en est de même pour chaque
règne vivant. Revenons encore un instant à notre folle
supposition. Tout le minéral par la loi du karma d’un seul
coup mériterait de renaître végétal. L’univers, les planètes se
trouveraient sans support. On peut imaginer que tout
s’écroulerait dans un cataclysme interplanétaire. Supposons
que cela n’arrive pas. De quoi les plantes tireraient-elles leur
nourriture si la terre n’existait plus ? Le règne végétal périrait
rapidement ? Si le règne végétal disparaissait de quoi les
animaux végétariens se nourriraient-ils ? Eux aussi
disparaîtraient à leur tour. Si les animaux végétariens
disparaissaient de quoi se nourriraient les animaux
carnivores ? Eux aussi seraient anéantis. De même, l’homme
sans nourriture à base de plantes ou animale succomberait
également. Cela me paraît logique et montre que chaque
chose créée par Dieu détient sa raison d’être. Bien sûr, on
pourrait appliquer les théories de Darwin et dire que le règne
végétal, animal et humain s’adapteraient à cette nouvelle
situation. C’est l’histoire de la girafe qui nous explique que
si son cou est si long, c’est parce qu’à une certaine époque, la
nourriture au sol devenait rare, alors qu’elle était abondante
dans les arbres. On imagine une girafe avec un cou de
quelques centimètres attendre qu’il s’allonge de plusieurs
mètres pour se nourrir. Toutes les girafes de la terre auraient
disparu depuis bien longtemps. Autant croire qu’un enfant de
71
trois ans devra attendre que son bras s’allonge de deux
mètres pour atteindre le pot de confiture caché par sa mère
sur le haut d’une armoire. Voici, pour toutes ces raisons, je
ne peux pas croire que la réincarnation puisse s’effectuer du
règne minéral au règne végétal. Je conçois que Dieu donna
au règne minéral le rôle de support et de composant des
planètes, des paysages, des plantes, des animaux, des
hommes, selon l’Écriture de la Bible : « 17 L’Éternel Dieu
forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses
narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant. »
Cette poussière constitue le règne minéral : matière incréée,
disponible de toute éternité à toute éternité et qui permet à
Dieu de créer toute chose et tout être. Pour moi, voilà son
rôle unique.
LE MAÎTRE : Tu commences à avoir une conviction. Tu es
sur ta voie alors, persévères. Cependant, comment peux-tu
affirmer que le règne minéral ne détient pas un embryon
mental ? Mais continue, je suppose que tu vas parler du
règne végétal.
CANDIDE : Oui, en effet. La plante détient la vie en elle-
même. On pourrait effectivement imaginer qu’une plante se
réincarne en animal. Mais la plante, pense-t-elle ? A t-elle le
libre-arbitre ? Qu’est le bien ou le mal pour une plante ? Le
Karma ne peut agir, car la plante ne peut juger entre le bien
et le mal. Elle ne peut donc être ni condamnée à régresser, ni
récompensée à progresser. Quelle serait la mesure de sa
création ? D’après mes faibles connaissances, c’est de croître
vers la lumière, d’absorber le gaz carbonique et de rejeter
l’oxygène pour rendre la vie possible sur terre pour la vie
animale et humaine. C’est de créer la diversité et la beauté de
la terre et de servir de nourriture aux animaux et aux
hommes. Tous ces buts sont merveilleusement accomplis par
le règne végétal qui obéit à l’ordre divin. S’il en était
autrement, manger une plante serait une abomination, car on
empêcherait la progression d’un être. Mais si on va au fond

17 Genèse 2 : 7
72
des choses, manger de la poussière serait aussi un crime du
fait qu'on empêcherait, à un être du règne minéral, sa
progression vers le règne végétal. Il en est du monde animal,
comme du règne végétal. Un chien peut mordre ou lécher la
main de son maître, mais ce n’est pas cela qui le condamnera
à devenir pissenlit ou homme. Certains chiens sont plus
intelligents que d'autres, c’est vrai. Cependant, cette
intelligence reste toujours enfermée dans un certain cadre
d’où l’animal ne peut sortir. Quel serait le but de la création
du monde animal ? À mon avis ; comme les plantes, il serait
de créer la diversité et la beauté de la terre, servir d’aide et de
compagnon à l’homme. Mais aussi dans une certaine mesure,
il faut bien le dire, servir de nourriture :18 « Tout ce qui se
meut et qui à vie vous servira de nourriture ; je vous donne
tout cela, comme l’herbe verte. » S’il n’en était pas ainsi,
tout comme manger de la poussière, des fruits ou des plantes,
manger de la viande serait pour les mêmes raisons encore
plus abominables. Je dis cela sans pour autant cautionner la
nourriture à base de viande, car je pense qu’il faudrait
l’éviter au maximum. Pour résumer, je pense que l’animal
n’ayant pas une véritable conscience du bien et du mal ne
peut être condamné par la loi du Karma à régresser dans le
règne végétal. Il ne peut non plus être récompensé en
accédant au règne humain. Par conséquent, il est condamné à
rester, lui aussi dans son propre règne. L’homme ayant la
conscience du bien et du mal est entièrement responsable de
ses pensées, de ses paroles, de ses actes. À mon avis, seul
dans l’homme, le karma peut agir et la réincarnation
s’accomplir. J’ai lu ceci, et cela conforte mes sentiments. 19
« La pensée humaine n’est pas « tombée» dans n’importe
quel organisme. Elle n’est pas possible dans n’importe quel
organisme, et c’est pourquoi le mythe de la transmigration
des âmes en des corps d’animaux est absurde. La pensée ne
peut être ce qu’elle est que lorsque l’organisme humain est

18 Genèse 9 : 3
19Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu
p 401
73
ce qu’il est, lorsqu’il atteint le degré de complexité et de
différenciation qu’il a présentement. » Tout pourrait être
cohérent. Pour cela, il faudrait que l’Un soit distinct de sa
création. Qu’il crée de l’extérieur et non de l’intérieur.
Comme un menuisier, disposant de planches, d’outils, de
colle, de clous et qui s’apprête à fabriquer un meuble. Dieu
utiliserait deux choses, la matière et l’énergie qui est aussi
intelligence. L’Un prendrait la matière éternelle qui lui est
étrangère et disponible à volonté et créerait tous les univers,
les planètes, le soleil, la lune et notre terre, avec ses
montagnes, ses collines, ses rivières, tout ce qui en fait sa
diversité et sa beauté. Ensuite, il prendrait de la même
matière et insufflerait le souffle de vie pour chaque végétal,
chaque animal, chaque homme. Ainsi, le but de l’Un serait
que l’homme devienne semblable à Lui. L’Un serait ainsi le
père d’autres « uns » comme Lui. Ce serait un peu comme
les amibes qui par scission en créent d’autres. Ainsi,
l’homme ayant atteint la libération serait qualifié pour
devenir un Dieu et connaître ainsi les joies de l’unité et la
souffrance de la multiplicité. Cependant, cette souffrance de
l’Un serait amour, compassion, miséricorde, car elle
permettrait à des hommes d’atteindre la divinité à son image.
20 21

20Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu

Claude Tresmontant :
page 438 et suivantes : « Mais dira-t-on, pourquoi Dieu produit-il ces
êtres hors de lui ? Pour quoi faire ? - C’est la question de la création... Mais
quel est le sens dernier, ultime de la création ? Quel est son avenir ? Quelle
est la destination de l’homme ? À cette question, le savant en tant que tel ne
peut répondre, car le savant n’est pas prophète. Seul celui qui reçoit
communication de la connaissance du dessein créateur de Dieu peut nous
dire quel est ce dessein « Le Seigneur l’Éternel, ne fait rien sans dévoiler
son secret à ses serviteurs les prophètes » (Amos 3 : 7) ». Mais alors
commence une science nouvelle, qui s’appelle théologie, et qui est fondée
sur la communication au prophète de la pensée de Dieu. On sait, mais
parfois on ne sait pas que la réponse de la théologie à cette question :
« Pourquoi la création ? », c’est la doctrine de la divinisation : la création a
pour but, pour fin, pour terme, de susciter des êtres capables de participer
réellement et sans métaphore à la vie divine, sans confusion des natures ni
des personnes (contre le panthéisme)....
74
LE MAÎTRE : Je dois reconnaître que ton raisonnement est
logique et répond à certaines questions.
CANDIDE : Si je ne crois qu’à la réincarnation de l’homme,
puis-je dire que je crois en la réincarnation ?
LE MAÎTRE : Tout à fait, Candide. Croire en la
réincarnation uniquement dans le plan humain vient de ta
mentalité d’Occidental. Cette croyance s’adapte à chaque
peuple. On peut dire à chaque individu. Dans la perspective
orientale qui est une perspective à la fois pessimiste et
réaliste de la vie, la réincarnation est considérée comme un
fardeau dont il faut se libérer au plus tôt. La perspective

La création n’est pas, si l’on ose dire, centrifuge. Les êtres créés ne
« sortent » pas de Dieu : ils ne sont pas issus de la substance divine. Bien
plutôt il faut dire que la création est « centripète » : Dieu crée des êtres afin
de les élever progressivement jusqu’à la participation plénière à sa propre
vie. Le terme de la création, c’est l’union, sans confusion (répétons-le) des
natures ni des personnes.
Mais il y a d’autres difficultés : comment comprendre que Dieu crée
réellement des êtres, c’est-à-dire des libertés capables d’actions autonomes,
capables d’agir en propre, et non pas seulement des choses ? Comment
comprendre la relation entre la liberté créatrice de Dieu et la liberté créée de
l’homme ? Comment est-il possible que Dieu crée des êtres qui soient
réellement, et non métaphoriquement, « à son image et à sa ressemblance »,
c’est-à-dire capables d’agir, capables de devenir causes à leur tour ? »
21Olga Kozak, Bouddha, le Christ... Quelle voie ?

« Tous, nous avons cette étincelle divine qui est notre Ego, notre esprit
individuel. Mais cet ego-germe divin doit croître pour devenir l’homme
divin. L’axiome d’Hermès : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en
bas » nous permet de mieux comprendre notre relation à Dieu : le gland, le
pignon, l’amande sont de même nature que l’arbre dont ils proviennent.
Mais ils ne sont ni le chêne, ni le pin, ni l’amandier. Ils ont seulement la
pleine potentialité de le devenir. Ainsi, nous sommes EN Dieu, nous faisons
partie de lui comme le fruit appartient à l’arbre dont il est issu, mais a été
séparé, avec pour destin de reproduire l’arbre à son tour, par ses propres
moyens. Mais nous ne sommes pas plus des dieux, pour le moment que le
gland, le pignon ou l’amande ne sont arbres. Séparés de Dieu, Notre Père,
notre destin est aussi de révéler notre divinité par nous-mêmes. Lentement,
nous amenons cette potentialité à réalisation, vie après vie, où chaque fois,
que nous faisons un petit progrès. L’esprit humain en nous est presque aussi
inconscient de lui-même qu’il l’était en Dieu avant notre projection dans la
matière. »

75
occidentale est résolument optimiste, le cycle des
renaissances, n’est pas ressenti, comme une malédiction dont
il faut s’affranchir, mais comme un moyen de perfection. La
terre n’est pas un enfer ou un lieu de souffrance, mais celui
d’expérience et de progression.
CANDIDE : Maître, si l’Orient à une perspective pessimiste
de la réincarnation et l’Occident optimiste, laquelle est la
vraie ? Je vois là beaucoup de confusion. Quelle peut être
l’origine de cette tour de Babel ? Supposons que Dieu
aujourd’hui révèle au monde ses Lois permettant à l’homme
d’accomplir sa destinée divine et repart espérant que sa
créature suivra enfin ses conseils. Au début, l’humanité
travaille en vue de réaliser le plan de Dieu. Pourtant,
rapidement certains commandements contraignants sont
rejetés. D'autres, amendés pour être plus supportables. La
Vérité est interprétée, transformée, vidée de sa substance
spirituelle. En une seule génération, les enseignements de
Dieu ont perdu leur pureté originelle. Il n’existe plus d’unité
religieuse. Chacun rejoint selon leurs tendances certaines
formes de vérité, devenues religions, partis, sectes, églises.
Ne parlons plus pour les générations suivantes. On se
trouverait tout à fait dans notre situation actuelle avec des
multitudes de religions chacune ayant leur credo. Ne serait-
ce pas cela qui est arrivé au commencement jusqu’à nos
jours ? Quelqu’un a dit : « C’est pourquoi on assiste au
développement d’une nouvelle religiosité à la carte : chacun
prend un chariot et fait librement son choix dans un
supermarché du religieux devenu planétaire. »
LE MAÎTRE : Chaque grande religion diffère quand il s’agit
de donner des réponses aux questions clé de la vie. Mais
toutes ont un point commun, celui d’affirmer que pour
atteindre, le paradis, le nirvana, la libération ou le salut, il
faut pratiquer le bien et avant tout l’amour de son prochain.
C’est le message commun et celui qui importe vraiment.
CANDIDE : Oui, maître. Cependant, cette sage conclusion
ne me console pas. Une autre réflexion me vient à l’esprit au
sujet de la réincarnation. Je pense à ma femme. Si la
76
réincarnation était un fait, elle aurait pu être dans d’autres
vies, un animal, un homme, ma fille, ma mère, mon père, ma
sœur, mon frère, mon ami peut être même mon pire ennemi ?
LE MAÎTRE : Oui, pourquoi pas ? C’est une des raisons qui
font que nous devons pratiquer l’amour pour tout être et
toute chose.
CANDIDE : Lorsque nos âmes se rencontrent entre deux
renaissances et se souviennent de leurs nombreuses vies, il
doit s’installer un certain malaise entre nous ?
LE MAÎTRE : Pourquoi donc ?
CANDIDE : Si ma femme a été un animal, un homme, ma
mère, ma fille, ma sœur, mon frère, mon père, sans le savoir,
combien avons-nous commis de relations contre nature,
homosexuelle, incestueuses ? Cette supposition est peut-être
idiote, mais pourquoi au cours de la vie sur terre, l’inceste
serait un crime et dans l’ensemble des existences, ne le serait
pas ? Que la morale d’en haut soit supérieure à celle d’en bas
paraît logique. Qu’elle soit en dessous, c’est impossible ! Par
conséquent, raisonnablement et moralement, ce type de
relations ne devrait pas être permis dans le processus de la
réincarnation.
LE MAÎTRE : Mais où vas-tu chercher ces questions ? Tout
ce que je sais c’est que la croyance en la réincarnation
devrait engendrer l’amour universel et bannir tout racisme,
car nous avons tous été au cours de nos innombrables
existences : parents, enfants, frères, sœurs, amis, blancs,
noirs, jaunes, juifs, chrétiens, bouddhistes, hindouistes…
CANDIDE : Oui Maître. Encore une question. Tu m’as
enseigné, lors du troisième jour, que certains grands yogis
pouvaient animer plusieurs corps, dans le but d’épuiser au
plus vite leur karma, tout comme une lampe, peut alimenter
plusieurs mèches. Je pensais qu’au cours d’une vie à une
âme correspondait un corps seulement ? Dire que l’âme peut
utiliser plusieurs corps à la fois pour épuiser plus rapidement
son karma est-ce un concept d’homme ou un fait ?

77
LE MAÎTRE : Je ne peux dire qu’une chose : beaucoup de
sages hindous le croient.
CANDIDE : Maître, la réincarnation revient à rejeter un
vieux vêtement pour se revêtir d’un neuf, n'est-ce pas ?
Pourtant, certains sages hindous affirment pouvoir en revêtir
plusieurs par leur pouvoir ?
LE MAÎTRE : Oui, tout à fait !
CANDIDE : Imaginons que je sois fatigué de porter mon
vieux costume et que je veuille m'en acheter plusieurs. Je
vais dans un magasin et en achète plusieurs. Arrivé à la
maison, je me débarrasse de mon vieux complet. Supposons
que je veuille tous les porter à la fois et les faire « marcher »
en même temps. Comment ferais-je, puisque je n’ai qu’un
corps ? Ce serait impossible ! Il faudra que je les essaie un
par un. Si mon corps ne peut pas porter plusieurs costumes
en même temps, comment mon âme, pourrait-elle animer
plusieurs corps en même temps ? Pourrait-elle faire marcher
plusieurs cerveaux totalement dissemblables avec des
pensées complètement différentes ? Pourrait-elle assumer
plusieurs individus indépendants, l’un vivant en Europe par
exemple, l’autre aux fins fonds de l’Afrique ? Supposons que
l’un devienne un saint et l’autre un bandit. Ils ne mourront
pas au même instant. Faudra-t-il donc attendre la mort des
deux pour faire les comptes ? Comment se fera la
rétribution ? Quel serait l’avantage de faire marcher plusieurs
corps à partir d’une seule âme ? Dans mon exemple, je ne
parle que de deux corps, mais s’il s’agit de trois, quatre, dix,
les choses deviennent encore plus embrouillées. Je trouve
qu’une telle théorie est confuse, contre nature,
invraisemblable. Maître, dans cette vie, ne m’as-tu pas appris
que nous devons acquérir la patience ?
LE MAITRE : Oui ! C’est une qualité primordiale pour
atteindre la libération.
CANDIDE : Alors, vouloir utiliser plusieurs corps pour
arriver plus rapidement à la libération, n’est-ce pas faire
preuve d’impatience qui est cause de renaissance et non de
78
libération ?
LE MAÎTRE : Vue sous cet angle, c’est vrai.
CANDIDE : Maintenant, je voudrais te parler de ce qui m’a
énormément choqué. C’est l’histoire de cet homme que l’on
dit grand parce qu’il avait acquis le pouvoir de rentrer dans
le corps du roi pour connaître les joies de l’amour avec les
cent femmes du harem royal. Comment peut-on appeler
« grand », un homme qui aurait développé une grande
spiritualité et de grands pouvoirs pour les employer
finalement d’une manière aussi immorale ? Dans cet homme,
je ne vois rien de grand sinon un tartufe qui commet
l’adultère sous un déguisement.
Les Avatars
LE MAÎTRE : Tu auras un jour tes réponses. Persévère et
fait confiance à ton Maître intérieur. Maintenant,
poursuivons notre étude sur l’hindouisme. Je vais te parler
des avatars. Les dieux, même les plus grands et en particulier
Vishnou descendent sur terre pour venir au secours de
l’humanité rétablir l’ordre moral et s’incarnent comme tout
humain, naissant d’un père et d’une mère. Cet avatar est
toujours le même Dieu, s’incarnant sous différents noms
comme Rama, Krishna, Jésus, Bouddha. 22Tous les avatars
ne manifestent pas Dieu dans la même mesure, ou, pourrait-
on dire, dans la même proportion. Celui en qui l’on accorde
pour reconnaître la descente la plus totale est Krishna, au
point même que certaines sectes hindoues voient en lui non
pas un avatar de Vishnou, mais Vishnou lui-même plus
encore que Vishnou en personne. Dans le cas de Râma, on
considère souvent que l’incarnation de Vishnu était
quadruple, en ce sens que la moitié du Divin (Vishnu) serait
descendue en Râma lui-même, un quart en son frère Bharata
et un huitième en chacun de ses autres frères, Lakshmana et
Shatrudhma. Selon Shri Râmakrishna, au contraire,
l’incarnation était descendue en Râma dans la proportion de

22 Spiritualité hindoue Jean Herbert page 307 et suivantes


79
douze seizièmes. On attribue à Vishnou 10 descentes sous
différentes manifestations :
1- Matsya : Le poisson. Cette représentation semble avoir un
rapport avec le déluge. Il sauve Manu (Noé) et restitue à
Brahma les Védas.
2-Kürma : La tortue. Cette représentation est rattachée
encore au déluge. Kürma ramène du fond de l’océan, les
bijoux perdus lors du déluge. Kürma aida également Indra à
vaincre les démons Asuras.
3- Varâha : Le Sanglier. Un des mythes de la création.
Vishnu sous la forme d'un sanglier plonge dans l’océan et
sort la terre des eaux pour l'étendre sur une feuille de Lotus.
4- Narasimba : L’homme-lion. Il abat un démon.
5- Vâmana : le nain. C’est la transition entre les incarnations
animales et humaines. Sous l’aspect d’un nain, Vishnu
mystifie le démon Bali, qui lui promet le ciel et la terre à
condition de les parcourir en trois foulées. Alors, Vishnou
dans sa forme de nain se transforme en un géant qui parcourt
en trois enjambées le ciel, la terre et le monde souterrain.
Dans ce dernier royaume, Vishnou précipitera Bali qui y
régnera.
6-- Râma à la hache. Il décima les castes princières en
révolte contre l'autorité des Brâhmanes. Les vainquit et
distribua les terres aux prêtres.
7- Râma : Le héros du Ramayana. Il tue le démon Ravana. Il
incarne la perfection et le devoir. Demi-dieu dans le
Ramayana, il sera identifié, plus tard à Vishnu.
8- Krishna : La Bhagavad-Gîta, le désigne comme le Dieu
suprême. C’est la plus célèbre incarnation de Vishnu. Celui
qui détruit le mal et restaure le bien, le savoir, la vertu.
9- Bouddha. 23L’Inde brahmanique a toujours eu tendance à
accueillir favorablement les saints personnages d’origines les
plus diverses. C’est ainsi que beaucoup de listes citent le

23 Encyclopaedia universalis p 932


80
Bouddha comme neuvième avatara. La raison donnée à cette
descente du dieu est particulière : on dit qu’elle a lieu « pour
tromper les méchants par de fausses doctrines ».
10- Kalki. L’homme à la tête de cheval. Il apparaîtra lors de
la fin de la période cosmique, monté sur un cheval blanc et
tenant une épée dans la main. Il rétablira l'âge d'or, punira les
méchants, justifiera les justes. Ensuite, il détruira le monde.
CANDIDE : Comment peut-on affirmer que Vishnu est
descendu en Rama de moitié, un quart sur un des frères et un
huitième sur les quatre autres. Affirmation d’ailleurs
contestée par un autre maître qui assure que Rama fût
constitué de douze seizième de Vishnu. Quand on fait rentrer
des mathématiques dans un enseignement spirituel autant
être sûr de ses calculs. Que croire dans tout cela ?
LE MAÎTRE : Il faut croire à la réalité des choses et à leur
relativité symbolique et cosmique.
CANDIDE : Est-il concevable qu’un Dieu apparaisse à
l’homme dans toutes ses formes « bizarres » ? N’est-ce pas
finalement le tromper ? Pourquoi n’apparaît-il pas dans sa
forme véritable ? Ce serait tellement plus simple !
LE MAÎTRE : Les hindous croient que les dieux peuvent
prendre à volonté les formes qui leur plaisent et qui
correspondent le mieux à leurs attributs multiples ainsi qu’à
l’enseignement qu’ils veulent donner à celui à qui il apparaît.
CANDIDE : Maître, permets-moi de résumer l’enseignement
de ce jour. L’Un détient trois aspects et trois fonctions : celui
de créateur représenté par Brahmâ, celui de conservateur
représenté par Vishnu, celui de destructeur représenté par
Shiva. L’aspect et les fonctions de ces trois dieux Brahmâ,
Vishnu et Shiva constituent la trinité hindoue. Les avatars
sont surtout concernés par Vishnu, le dieu conservateur, qui
descend sur terre avec une apparence appropriée à sa
mission. Vishnu sous différents noms dont le plus glorieux
est Krishna, fait son apparition dans le monde, chaque fois
que la justice, la morale, la spiritualité sont en danger. Son

81
action est d’aider l’homme à retrouver la voie de la
délivrance et de la paix.
LE MAÎTRE : Tu as bien résumé Candide. Maintenant, il est
tard. Médite l’enseignement du quatrième jour et prépare-toi
à celui du cinquième.

82
LE CINQUIÈME JOUR
Drame de l’Inde et de l’Occident
CANDIDE : Maître, je voudrais avoir ton avis sur cette
citation : 24« Dans une civilisation, on ne peut privilégier le
développement d’un seul aspect de la triade art, science et
religion, sans créer un déséquilibre générateur de destruction.
Ainsi, l’Inde a développé l’aspect religieux et ses
populations, profondément sous-développées, subsistent en
dessous du seuil de pauvreté tolérable. Elles finissent par
vivre et mourir dans la rue, n’ayant plus qu’une seule pensée,
un seul moteur d’activité : manger pour survivre, comme des
animaux sauvages, ce qui est la misère extrême. Notre
civilisation qui a privilégié la science, c’est-à-dire le progrès
matériel, est en pleine décadence parce que le progrès moral
n’a pas suivi. Il est resté comme vide prescription humaine
au lieu d’être reconnu comme loi divine. Tout ramène à
Dieu, car tout converge vers lui en qui tout a la Vie, le
mouvement et l’être. L’évolution fera découvrir à l’homme
cette identité à triple aspect, dans la mesure où il parviendra
à les développer dans son être. » Cela voudrait-il dire que
l’Occident en développant la science et la technique à
outrance tout en ignorant la religion s’est trompé tout comme
l’Inde qui développa la religion, mais ignora la science ?
LE MAÎTRE : Oui, il faut reconnaître que c’est globalement
un constat d’échec pour l’une et l’autre civilisation.
L’hindouisme, c’est le refus du monde matériel, dans le seul
but de se fondre dans l’âme universelle et d’éviter les
renaissances pénibles dans ce monde d’illusion et de douleur.
On y parvient par la voie du renoncement, par le
dépouillement de nos désirs, de nos enthousiasmes, de nos
attachements afin que nos actes bons ou mauvais ne portent
pas de fruits. Un grand sage a dit, dans le Mahabarata :
« Renonce à faire le bien et le mal ». La croyance à la

24 Olga Kozak Bouddha, le Christ.... Quelle voie ? page 155


83
réincarnation stipulant que nous sommes dans cette vie, ce
que nous avons mérité, peut rendre l’homme indifférent à
son propre malheur, comme à celui à son prochain pour
l’entraîner dans une inaction totale. C’est en cela que réside
en grande partie le malheur de l’Inde. Dans l’hindouisme,
seuls les brahmanes mâles peuvent prétendre à la libération
en parcourant les 4 étapes de la vie à laquelle il est voué par
sa naissance :
- 1 Le brâhmâchârya : Le jeune brahmane suit
l’enseignement spirituel et séculier d’un gourou. Il doit
développer savoir et vertu.
- 2 Le grihastha : Après l’adolescence, il entre dans la vie
mondaine, tout en se conformant à son devoir religieux. Pour
cela, il se marie, fonde une famille, jouit de la vie tout en se
maîtrisant.
- 3 Le vânaprastha : Après la vie mondaine et
l’accomplissement de son devoir social et familial, il quitte
sa famille. Il la laisse à l’abri du besoin pour se consacrer
pendant une certaine période à l’étude des écritures sacrées.
Il choisit comme lieu la forêt ou tout lieu retiré pour
pratiquer la méditation, le jeûne et le yoga.
4- Le sannyâsa : La dernière étape est l’état de renoncement
et désintéressement du monde. Il devient véritablement un
Samnyasin. Vivant uniquement d’aumônes, il pourra faire
profiter son entourage de son expérience et de son savoir.
Aujourd’hui, les deux dernières étapes restent peu
pratiquées. Elles sont remplacées par le bakti yoga (le Yoga
de la dévotion au Divin). Moyen qui serait plus simple et
plus sûr de se libérer du monde par une dévotion totale à son
Dieu personnel. Il faut dire que l'augmentation du nombre
d'âshrams en Inde, ne signifie pas une augmentation de
candidats à la vie de « Samnyasin », mais plutôt à la création
de centres de vacances pour Occidentaux en mal d'exotisme
dépourvu de réelles valeurs spirituelles, mais très lucratifs.
Ainsi, le Brahmane, lorsqu’il arrive au dernier stade de sa
vie, se retire du monde et devient un « Samnyasin », c’est-à-
84
dire un prétendant à la libération. Il est bien évident que les
castes inférieures n’ont pas ces possibilités et privilèges.
C'est pourquoi certains n’appartenant pas à la caste des
brahmanes, contestant leur autorité et prétendant à la
libération deviennent des Sâdhus, c’est-à-dire des « purs ».
Ils espèrent ainsi trouver un raccourci qui leur évitera
d’attendre de nombreuses renaissances avant de renaître
brahmane. Ces Sâdhus s’isolent dans les forêts, s’adonnent
au Yoga, à la méditation, à la recherche d’une ascèse faite de
véritables tortures corporelles et vivent d’aumônes. Le
brahmane ne reconnaît pas le « Sâdhu », car pour lui, ils
court-circuitent la voie de la libération, ils violent la Loi des
castes, courant le risque de réincarnations régressives, ils ne
respectent pas selon la tradition védique les 4 étapes de la
vie de celui qui naissant brahmane est voué à la libération. Ils
existeraient en Inde près de 5 millions de Sâdhus. Ces sages
bizarres, appelés souvent « fakirs », prétendent disposer de
connaissances et de pouvoirs extraordinaires. Si certains sont
authentiques parmi eux se cachent beaucoup de charlatans.
L’enseignement de la sagesse et de la connaissance est
primordial, mais la dignité de chacun doit être préservée et
assurée. La théorie est bonne, mais la pratique reste ce qui
importe vraiment. L’une et l’autre doivent assurer la dignité
de l’homme sur terre. Le peuple, sachant qu’il ne peut
prétendre à la libération qu’en ayant une réincarnation dans
la caste des brahmanes, accomplit ses devoirs de son mieux
dans celle qui lui est impartie par sa naissance. Ses
obligations se bornent à supporter les vicissitudes de
l’existence avec un maximum de détachement et accomplir
le culte à son dieu et donner des aumônes aux sages. Tout
cela en vue de s’accumuler des mérites qui lui permettront
une renaissance plus heureuse. Cette mentalité a pour
conséquence de détacher le peuple de cette vie, d’étouffer en
lui tout esprit créatif qui pourrait améliorer son bien-être
quotidien. Il vit dans un fatalisme à toute épreuve comme
son père et le père de son père. La mort des enfants, des
adultes par la maladie, la faim et autres plaies sont acceptées
avec impassibilité et aucun projet organisé pour lutter n’est
85
mis en œuvre. L’Oriental reste persuadé par sa religion qu’il
est responsable du mal qui lui arrive et ne fait que payer une
dette contractée au cours de ses vies précédentes. Cet état
d’esprit, cultivé depuis des millénaires, entraîne une sorte de
démission face à la vie. Trop préoccupée par le monde à
venir, cette spiritualité n’apporte pas à l’homme une vie
décente sur terre. Elle lui apporte une résignation
consternante, mais pas cette foi lumineuse qui pousse à
l’action capable de faire bouger les montagnes. Une vie en
orient n’a pas la même valeur qu’en occident où en sauver,
une, font mobiliser organisations, compétences, solidarité de
chacun dans tous les domaines. 25« Ce non-souci ingénu
d’autrui, qui apparaît être le comble de l’égoïsme, est
caractéristique des religions de l’Inde ancienne, comme
conséquence logique du non-agir pour parvenir soit à la
fusion hindouiste dans le Brahman, soit à la sérénité du
nirvana Bouddhiste. On se garde de faire du mal, mais on ne
fait pas de bien non plus, le bien restant à l’état de vœu pieux
pour garder son esprit dans des dispositions favorables au
but final. Pendant des siècles, ce non-agir sera un frein à la
compassion active, naturelle au cœur de l’homme. En fait,
aucun sage ou brahmane ne songe à consacrer son temps à
soulager la misère qu’il rencontre, ni à œuvrer en vue de
procurer de meilleures conditions de vie aux miséreux. Au
contraire, en leur tendant son bol à aumônes pour son repas
quotidien, il vit aux dépens de cette misère, avec la
satisfaction paradoxalement cynique de leur faire acquérir
du mérite. Or, l’amour est bienfaisant. Il aide, soulage,
console et donne. Ce sont nos actes d’amour gratuits et
désintéressés qui nous font enfants de Dieu. » Si ces sages et
ces brahmanes ont tous un cœur bien disposé, peu passent à
l’action. Leur compassion, faite d’intention et d’attitude
uniquement, est théorique. Au début du 19 ième siècle cette
mentalité du non-agir commença à bouger avec Ram Moham
Roy, brahmane érudit qui étudia les Évangiles et publia
« The Precepts of Jésus ». Il mit en place la charité active et

25 Olga Kozak Bouddha, le Christ... Quelle voie ?


86
fraternelle. Ce livre fut très mal ressenti par ses pairs. Il
combattit âprement pour que la coutume barbare qui
obligeait les veuves à s’immoler au bûcher de leur mari
défunt soit abolie. Il réussit en 1829 à faire promulguer une
loi par le gouvernement britannique. Cette loi n’étant pas
appliquée, il fallut attendre 1987, pour condamner à mort
quiconque inciterait une telle pratique. Ramakrishna et son
disciple Vivekananda emboîtèrent le pas de Ram Moham
Roy pour une véritable compassion agissante. Ils créèrent
une mission qui, non seulement, fit connaître au monde la
sagesse millénaire de l’Inde, mais ils secoururent les
hommes affligés de toutes misères. Gandhi, l’apôtre de la
non-violence entra en scène en réhabilitant le travail manuel,
l’abolition des castes et l’indépendance de son pays. Voilà,
pour l’Hindouisme et l’Inde, la patrie des dieux. L’Occident
a mis l’accent dans la science accomplissant d’énormes
progrès dans la médecine, la science, la technique apportant
un bien-être fabuleux. Mais ce bien-être matériel créé par la
pure intelligence de l’homme repose principalement sur la loi
du profit et non sur l’amour de l’humanité. Le spirituel,
pendant des siècles, fut ignoré et la moralité d’année en
année diminua. Ce qui paraissait mal, il n’y a pas si
longtemps devient normal aujourd'hui. S’en trouver
offusquer c’est un manque de tolérance, la marque d’un
esprit rétrograde. Ce qui a fait la force de l’Occident fait
aujourd’hui, sa faiblesse. La société est malade moralement,
spirituellement : crimes, viols, drogue, prostitution, vols,
divorces, chômage. L’Occident s’interroge sur le véritable
sens de la vie. Aujourd’hui, plus que jamais il reconnaît son
erreur et se remet en cause. Ceci est de bon augure, car
l’Occidental quand il décide de faire quelque chose, il le fait
à fond, y met toutes ses forces, tout son savoir et savoir-faire.
Que se soit par sentiment religieux, ou par amour de
l’humanité, il se donne à fond. Mère Thérésa et le docteur
Schweitzer ne sont que deux exemples connus et souvent
cités. Mais il y en a d'autres, aussi fameux. Surtout, des
milliers d’anonymes qui méritent les mêmes éloges et la
même reconnaissance. Nos deux cultures ont beaucoup à
87
apprendre l’une de l’autre et la bonne voie serait
certainement un mi-chemin entre les deux, ou une voie du
milieu.
CANDIDE : Oui, Maître. Je suis tout à fait d’accord.
Les enfers et paradis hindous
LE MAÎTRE : Bien. Parlons aujourd’hui des enfers et des
paradis de l’hindouisme. Cette notion est présente dans
toutes les religions. Voyons la conception hindoue de l’enfer.
Il faut savoir que l’homme peut hériter d’incarnations
divines, humaines, démoniaques, animales, végétales et
séjourner entre la mort et la prochaine naissance dans de
nombreux enfers ou paradis. On compte énormément plus
d’enfers que de paradis. Les enfers sont beaucoup plus prisés
que les paradis, car ces derniers représentent des pertes de
temps et les sages refusent d’y séjourner. Plus vite, on purge
douloureusement son karma, plus vite on peut prétendre à
une renaissance humaine qui sera la dernière. D’après un
Upanishad : « Les sots récoltent au paradis le fruit de leur
bon karma ; après quoi ils retombent dans ce monde ou
même plus bas encore. » Ainsi, les paradis sont de simples
auberges spirituelles sur le chemin de la libération offrant un
peu de repos en récompense des bonnes actions accomplies
dans la vie précédente. Les enfers des lieux de purification
sont terrifiants, mais plus efficaces pour obtenir la libération.
Les principaux paradis sont ceux de Brahmâ, Shiva,
Vishnou, Krishna, Indra. Il y a aussi ceux des chrétiens, des
musulmans, etc. D’ailleurs, chaque dieu du panthéon hindou
détient un paradis où il règne et accueille ses fidèles. Seule
une incarnation humaine peut conduire à la libération, même
les dieux à part, les principaux doivent se réincarner pour
l’atteindre.
CANDIDE : Dieu est unité, de lui tout provient, il est
matière et énergie. Il a trois fonctions : celle de Créateur,
Conservateur et Destructeur. Le sage personnalise ces trois
aspects en appelant le premier Brahmâ, le second Vishnu, le
troisième Shiva. Pour comprendre la divinité, représenter
88
Dieu par trois dieux, ce n’est pas suffisant. Alors, l’homme
va imaginer une infinité de dieux personnels auxquels il va
apporter toute sa dévotion. Comment ? Pourquoi ? On ne sait
pas, mais ces dieux vont être créés dans les cieux avec leurs
paradis respectifs. Ainsi, l’homme qui meurt ayant adoré un
dieu de son choix ira dans son paradis. Autrement dit,
supposons que je sois hindouiste. Je m’imagine, puis me
fabrique un dieu avec une tête de lion, un corps de cheval, et
des ailes d’aigles. J’adore et je voue à ce dieu, qui a été
automatiquement créé dans les cieux, un culte fervent toute
ma vie. Alors, à ma mort j’aurais la félicité de retrouver dans
son paradis ce dieu bizarre qui n'a été que le fruit de mon
imagination. Encore plus fort, si je comprends bien, j’aurais
la possibilité de me réincarner en lui. Tout s’embrouille dans
mon esprit, tu m’as enseigné qu’une âme pouvait habiter
plusieurs corps successifs, maintenant, j’apprends que ce
dieu créé par mon imagination et réel dans les cieux pourrait
recevoir mon âme et me servir d’habitacle. Cependant, si je
veux un jour aspirer à la libération, il faudra que je me
réincarne obligatoirement dans un corps humain. Par
conséquent, je devrai quitter le corps de mon dieu pour que
d’autres après moi l’habitent. Cela n’a pas de sens, ce n’est
que pure conception et philosophie humaine !
LE MAÎTRE : Telle est la conception des hindous sur les
dieux, les paradis et les enfers. Mais il n’en demeure pas
moins comme le Vishnou-Purana déclare : « Ce qui donne
joie à l’âme, est paradis et ce qui est cause de souffrance, est
enfer. C’est pourquoi le vice est appelé enfer et la vertu
paradis. »
CANDIDE : Cela je le comprends parfaitement. Alors,
pourquoi se créer tant de dieux, de paradis et d’enfers ? J’ai
lu des choses étranges au sujet des libérés vivants : « 26 En un
sens, de tels hommes sont même supérieurs aux dieux, car ils
sont arrivés au terme final de l’évolution, tandis que le dieu
(à l’exception de Brahmâ, Shiva, Vishnou et quelques autres)

26 Spiritualité hindoue Jean Herbert page 137


89
doit encore peiner et s’efforcer pour y arriver. » J’avais cru
comprendre que ces dieux, imaginés au départ par l’homme,
servaient aux âmes des hommes à se réincarner
momentanément en dieux. Mais non ! Les dieux eux aussi (à
part les plus grands) doivent peiner et travailler à leur
libération. C’est la réincarnation à l’envers. Pour l’homme, la
réincarnation signifie qu’une âme habite plusieurs corps.
Pour les dieux (au départ imaginé par l’homme), c’est un
corps ou une enveloppe habitée successivement par plusieurs
âmes. Cependant, les deux types de réincarnations ont pour
but commun d’atteindre la libération. Mais dans le cas de
mon dieu (à tête de lion, à corps de cheval et ailes d’aigle)
qui va obtenir la libération ? Lui ? Tous ceux qui l’ont
habité ? Ou simplement cet aspect, cette image de tête de
lion, corps de cheval et ailes d’aigles qui n’aurait pas de
contenu ? Si on approfondit toutes ces doctrines, il y a de
quoi perdre son latin ou plutôt son sanskrit ! Jusqu’à présent,
nous avons traité le cas courant où l’homme invente, conçoit,
imagine des dieux dans son esprit et Dieu ou le Brahman, les
fabrique dans les cieux. Supposons qu’un dieu, jadis adoré
par une multitude de fidèles, tombe en disgrâce et pendant
des siècles ne soit plus honoré. Dieu, va-t-il le supprimer
dans les cieux ? Où va-t-il le garder en réserve en attendant
de meilleurs jours pour lui ? Le cas a dû se produire puisque
lors du passage du védisme au brahmanisme des dieux
védiques ont été complètement remplacés par des dieux
hindous ? Autre paradoxe que j’aimerais qu’on m’explique :
« 27En effet, les hommes vertueux désireux d’aboutir le plus
vite possible à la libération, n’acceptent pas de perdre du
temps dans un paradis de jouissance, mais sont anxieux de
liquider le plus rapidement possible leur mauvais karma, et
les enfers leur en offrent le moyen. Au contraire, ceux qui se
complaisent dans le monde inférieur des dualités et en
recherchent les jouissances s’efforcent sans cesse de faire
des actions qui leur procurent l’entrée au paradis et ne sont
nullement pressés d’aller expier aux enfers leurs mauvaises

27 Spiritualité hindoue Jean Herbert


90
actions. » Si sur terre, j’accomplis le bien en pratiquant
l’amour envers mon prochain, cela signifie que je me
complais dans le monde inférieur des dualités et que j’en
recherche les jouissances futures dans le paradis ! Alors, le
gourou me dit que je suis dans l’erreur, ce n’est pas le
paradis que je dois rechercher, mais l’enfer, le lieu privilégié
où je peux régler au plus vite mon Karma. Passer par le
paradis et recueillir les fruits des bonnes actions sur terre est
puéril et inutile. Alors, pourquoi ne pas supprimer les
paradis ! Ainsi, on ne perdra pas notre temps et laissons
uniquement subsister les enfers. Soyons logiques jusqu’au
bout ! Je comprends mieux maintenant pourquoi,
l’hindouisme dit qu’il faut accomplir, sur terre des actions
qui ne produisent pas de fruits bons ou mauvais : « Renonce
à faire le bien ou le mal.. Seule l’action consacrée à Dieu est
une action vraie. Tout le reste est inutile ; donc pas d’action
du tout. »28 Tout est clair. Pour avoir la libération, je ne dois
agir ni en bien ni en mal. Ainsi, lors de ma mort n’ayant à
mon actif ni de bons fruits, ni de mauvais, je ne perdrais pas
mon temps au paradis parce que je n’aurais aucune raison
d’y séjourner. De même, pour la même raison, je n’aurais
pas besoin de passer par l’enfer. Je me souviens d’une
parabole, c’est la parabole du bon Samaritain :
29 «
Un docteur de la loi se leva, et dit à Jésus, pour
l’éprouver :
- Maître, que dois-je faire pour hériter la vie éternelle ?
Jésus lui dit :
- Qu’est-il écrit dans la loi ? Qu’y lis-tu ?
Il répondit :
- Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute
ton âme, de toute ta force, et de toute ta pensée ; et ton
prochain comme toi-même.

28 Olga Kozak Bouddha, le Christ... Quelle voie ?


29 Bible NT Luc 10 : 25 à 37
91
- Tu as bien répondu, lui dit Jésus ; fais cela, et tu vivras.
Mais lui, voulant se justifier, dit à Jésus :
- Et qui est mon prochain ?
Jésus reprit la parole et dit :
- Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho. Il tomba au
milieu des brigands, qui le dépouillèrent, le chargèrent de
coups, et s’en allèrent, le laissant à demi mort. Un
sacrificateur, qui par hasard descendait par le même chemin,
ayant vu cet homme, passa outre. Un Lévite, qui arriva aussi
dans ce lieu, l’ayant vu, passa outre. Mais un Samaritain qui
voyageait, étant venu là, fut ému de compassion lorsqu’il le
vit. Il s’approcha, et banda ses plaies, en y versant de l’huile
et du vin ; puis il le mit sur sa propre monture, le conduisit à
une hôtellerie, et prit soin de lui.
Le lendemain, il tira deux deniers, les donna à l’hôte, et dit :
- Aie soin de lui, et ce que tu dépenseras de plus, je te le
rendrai à mon retour. Lequel de ces trois te semble avoir été
le prochain de celui qui était tombé au milieu des brigands ?
- C’est celui qui a exercé la miséricorde envers lui, répondit
le docteur de la loi.
Et Jésus lui dit :
- Va et toi, fais de même. »
Maître, ce « Va et toi fais de même », ne vaut-il pas plus que
toutes les théories de l’homme concernant la libération ou
vie éternelle ? Pour obtenir la libération, ne faut-il pas être
ému de compassion et agir ? Ne faut-il pas réaliser les
œuvres du bon samaritain et non celles du Lévite ou du
sacrificateur qui consiste à ne rien faire et pourtant à garder
la conscience en paix ?
LE MAÎTRE : L’hindouisme n’est pas oui ou non. Il
comporte une infinité de facettes qui à la fin doivent se
rejoindre dans une compréhension universelle dans laquelle
ta manière de voir et de comprendre pourrait être incluse.

92
Les livres sacrés de l’Hindouisme : Les Védas,
Upanishads, Bhagavad-Gita
LE MAÎTRE : Nous allons aborder maintenant les écrits
sacrés. Ils ont pour origine les Védas ou « Savoir ». Pour
l’hindou, ils sont plus qu’Écriture : « Ils existaient avant
toute chose, avant l’homme et avant la terre. » À chaque
nouveau cycle, le Brahman crée Brahma, Vishnou, Shiva. Il
donne à Brahma la connaissance des Védas. À partir de ce
savoir Brahma, crée les mondes et de temps à autre envoient
des sages ou rishis capables de les recevoir et de les
comprendre. Les Védas sont aussi vrais qu’éternels. Les
textes védiques ne peuvent être rapprochés aux événements
historiques connus. Il est impossible de dater les évènements
décrits et de déterminer s’il s’agit de légendes ou de faits
historiques. Est hindou uniquement celui qui accepte
totalement l’autorité des Védas. Pourtant vers le septième et
sixième siècle av. J.-C., aux Védas succédèrent d’autres
livres sacrés la Bhagavad-Gita, les Upanishads qui les
supplantèrent. Dans ces nouveaux textes sacrés apparaîtront
la doctrine de la transmigration et le yoga complètement
absents des écrits védiques. Les dieux changeront aussi de
position alors que Vishnou et Shiva sont des dieux mineurs
dans le Védisme, ils revêtiront l’importance primordiale
qu’on leur connaît aujourd’hui. Les sacrifices sanglants
d’animaux et même d’humains se voient remplacés par des
rites d’offrandes et la prière. Aux cérémonies védiques
célébrées au profit du clan ou de la nation, succédera une
relation personnelle avec la divinité de son choix.
CANDIDE : Les hindous ne se laisseraient-ils pas aller à un
enthousiasme débordant pour leur livre sacré, lorsqu’ils
disent qu’il contient toute vérité et que Dieu n’est que le
récitant à travers les inaugurations des cycles passés, présent
et à venir ? Il paraît indéniable que les Védas ne répondent
pas à toutes les questions. Au cours des derniers
enseignements, nous en avons eu la preuve. Ensuite, les
brahmanes eux-mêmes n’ont pas hésité à apporter des
réformes par des changements de dieux, la suppression des
93
sacrifices sanglants, de l’ajout de la théorie de la
transmigration des âmes, de l’atman et du Brahman.
Le yoga
LE MAÎTRE : Nous avons vu que les nouveaux textes sacrés
s'ajoutèrent à la doctrine de la réincarnation et à la pratique
du Yoga. Nous avons parlé de la transmigration de l’âme.
Étudions maintenant le Yoga. Très à la mode en l’occident, il
est considéré comme une technique de relaxation à la fois
mentale et physique. En Orient, il s’agit d’une ascèse qui
peut varier d’un Sadhu à un autre, mais qui garde comme
objectif suprême celui d’unir le corps, l’âme et esprit à
l’Absolu. D’ailleurs en sanscrit « Yoga » signifie « unir »,
« joindre », « relier » l’homme à Dieu. Le yogi à la base
recherche la maîtrise du corps et de la respiration ainsi que le
développement de l’attention et de la concentration
intellectuelle. Cette puissance de contemplation acquise, il
peut l’appliquer sur un objet, quel qu’il soit, sur une idée ou
sur rien du tout. Il ne vise pas essentiellement à s’unir à un
Dieu personnel, mais à se rattacher au principe du Grand
Tout et à se confondre en Lui. C’est à partir de son corps
devenu champ d’observation, en cherchant à le connaître
physiquement dans ses moindres cellules, en sondant son
intellect et son esprit qu’il acquiert la connaissance de
l’Univers. De là découle les pouvoirs extraordinaires que
l’on prête à ces hommes tels que la lévitation, la perception
de l’infiniment grand et petit, le déplacement d’objets à
distance, marcher sur l’eau, peser tour à tour une plume ou
une tonne, dominer les consciences, influencer les
évènements, commander aux éléments.
CANDIDE : Maître, cela doit être excitant de posséder de
tels pouvoirs, mais personnellement, j'y vois que poursuite
du vent quand on néglige l’essentiel qui est l’amour du
prochain avec les sacrifices personnels qu’il comporte. Plutôt
que de voler dans les airs ou marcher sur les eaux, je
préférerais être capable d’accomplir l’œuvre de mère Thérésa
ou du docteur Schweitzer.
94
LE MAÎTRE : Je suis tout à fait d’accord avec toi. Cette
histoire pourrait illustrer ce que tu viens de dire et le côté
superficiel, de l’idéal du yogin qui se donne comme but
l’acquisition de pouvoirs extraordinaires et pour lequel il va
consacrer son existence. Écoute cette parabole. Un disciple
après avoir reçu l’enseignement d’un sage le quitta, décidé à
trouver davantage de sagesse et surtout davantage de
pouvoirs sur son corps et la nature. De nombreuses années,
plus tard, il revint voir son ancien maître qui était au chevet
d’un malade, tout près d’une rivière. Ce dernier lui demanda
avec bienveillance et intérêt :
- Qu’as-tu appris durant toutes ces années ?
- Maître, j’ai appris à marcher sur l’eau et maintenant, je
marche sur l’eau.
- Tu es satisfait, de marcher sur l’eau ?
- Oui Maître, ça valait le coup.
- Qu’as-tu fait d’autre durant toutes ces années ?
- Maître, rien d’autre ! Pour y arriver, j’ai consacré nuit et
jour tout mon temps.
- Mon ami, tu vois pour traverser cette rivière, je prends cette
barque qui a été faite dans ce but. Je ne marche pas sur l’eau,
il est vrai, mais reconnais que j’obtiens le même résultat.
Mais dis-moi, combien d’hommes as-tu secourus ? Combien
de misère as-tu soulagée ? Combien de petits enfants as-tu
embrassés et consolés quand ils pleuraient ? Combien de
plaies as-tu pansées ? Combien de malheureux as-tu visités
en prison ou dans les hôpitaux ? Combien d’aveugles as-tu
accompagnés ? Combien d’affamés, as-tu nourris ? Combien
d’assoiffés d’eau et d’esprit, as-tu abreuvés ?
- Maître, où voulais-tu que je trouve le temps, je te l’ai dit :
nuit et jour, j’ai peiné pour obtenir ce pouvoir.
- C’est par ces choses que tu aurais dû commencer. Car c’est
en faisant ces choses que résident la sagesse et le véritable
pouvoir, car aucun pouvoir n’est plus grand que celui de
95
l’amour. Et celui qui le possède est le plus grand aux yeux de
Dieu.
CANDIDE : C’est une histoire très édifiante !
LE MAÎTRE : Bien, Candide, il est très tard, médite
l’enseignement du cinquième jour et prépare-toi à recevoir
l’enseignement du sixième et dernier jour.

96
LE SIXIÈME JOUR
Le Védanta
LE MAÎTRE : As-tu des questions concernant,
l’enseignement du cinquième jour ?
CANDIDE : Non, Maître !
LE MAÎTRE : Nous allons aujourd’hui, parler de deux
enseignements qui furent donnés dans l’Inde. Même s’ils
paraissent contradictoires, ils sont contenus dans le Védanta
et forment un tout. Pour l’Occidental, ils semblent s’opposer,
mais, pour l’hindou, ils ne sont qu’un point de vue différent
ou une vision distincte de la même réalité finale. Védanta
signifie « fin ». C’est-à-dire : accomplissement,
couronnement du Véda. Le Vedânta désigne l’un des plus
importants courants de pensées de l’hindouisme classique. À
ce titre, il constitue l’un des grands systèmes philosophiques
ou comme dirait l’hindou « darsana ». Ce darsana fut illustré
par des maîtres tels que Shankara, Râmânuja, Madhva.
Rappelons que « darsana » dans la pensée hindoue signifie :
visions, points de vue de la vérité perçus sous des angles
différents. Ces trois grandes époques sont dues aux
conceptions différentes concernant :
Le monde : A-t-il été créé ? Si oui, par qui ? Ou bien est-il
co-éternel au Brahman ? Est-il pure illusion ou non ou à quel
degré l’est-il ?
La personnalité de Dieu est-elle immanente ou bien
transcendante. Ou les deux à la fois ?
L’âme. Qu’est-elle réellement ? Est-elle éternelle ou non ?
Garde-t-elle son individualité ?
Etc.
On peut comprendre que ces différents points de vue aient
alimenté la controverse. L’histoire du Védanta connaît, pour
la résumer, trois époques :

97
1- Le Védanta du VI au VII ième siècle apr. J.-C. : Le plus
ancien comme le plus radical est personnifié par le sage
Gaudapâda. Dans les Upanishads, il affirme que le monde
n’a pas plus de réalité que le cercle rouge qui se dessine
lorsque nous faisons tourner une torche enflammée. Ce
maître eut comme disciple Govinda qui, lui-même enseigna
la doctrine du fameux Sankara. Ce dernier, vers le VIII siècle
écrivit, plusieurs ouvrages qui restituèrent au monde une
certaine réalité en montrant qu’il est issu du Brahmam et que
c’est au-delà des apparences multiples des objets, des
idéations et des dieux, qu’il faut retrouver le Dieu-Brahmam.
2- Après Sankara, le Védanta va prendre une nouvelle
position diamétralement opposée par l’entrée en scène de
Madhva vers le XII ième siècle. Sankara parlait du Brahmam
en termes négatifs : il n’est pas ceci ou cela. Madhva parlera
en termes positifs. Le Seigneur est lumière, joie, amour,
connaissance, puissance, intelligence. Le but de Sankara est
de se fondre dans le Brahmam impersonnel tandis que celui
de Madhva consiste à vivre avec le Seigneur de goûter à sa
présence dans une communion totale et pourtant distincte,
individuelle, autonome et séparée de sa Personne. Comme
l’enfant auprès de ses parents. Madhva accusait Sankara
d’avoir faussé l’enseignement des brama-sutras et ses
croyances se rapprochaient de celles du christianisme. Le
Brahman n’est rien d’autre que Vishnu. Les âmes ont une
existence réelle et individuelle. La délivrance n’est pas
seulement une affaire d’effort spirituel, mais de grâce divine
pour participer au salut. La Création est distincte du
Seigneur, il y a le monde des âmes et celui de la matière. Il
adorait les deux avatars Krishna et Rama, mais à travers eux
la Personne suprême, le Dieu Unique : Vishnou.
3- La troisième époque du XIII ième siècle, à nos jours, verra
progressivement le retour en force du védânta de Sankara,
tandis que les fidèles de Madhva deviendront les dévots de
Vishnu-Krishna.
C’est pourquoi, lorsqu'au XIX ième, les Européens entrent en
contact avec la sagesse hindoue, ils ont surtout affaire au
98
Védanta de Sankara qui devient la « métaphysique
universelle ». La force de cette métaphysique est de se placer
au-dessus de tous les Dieux de toutes les religions et
confessions, un Dieu qui englobe tout et qui est « CELA ».
Ce CELA, chaque être humain le possède et peut le
développer par la vraie connaissance, la sagesse et le yoga.
La reconnaissance de CELA en soi, permet de dépasser la
condition humaine, de devenir « un délivré vivant », c’est-à-
dire un être supérieur aux dieux, doué de pouvoirs quasi
illimités et assuré d’atteindre la libération dans cette vie
même.
Personnalistes et impersonnalistes
Dualisme et non-dualisme

Transcendance et immanence
CANDIDE : Maître, d’après ton enseignement et ce que j’ai
dernièrement étudié, on pourrait dire que Sankara est un
Impersonnalistes tandis que Madhva est un personnaliste.
LE MAÎTRE : Oui, les Impersonnalistes refusent l’existence
de Dieu en tant que Personne Suprême. Ils croient au
Brahmam impersonnel. En ce « CELA » au-dessus de tout et
de tout dieu. Les personnalistes croient par conséquent en
l’existence de Dieu en tant que Personne Suprême et
Créateur de toute chose et de tout être. Les personnalistes
sont aussi des dualistes. Ils affirment que Dieu et l’univers
sont deux réalités différentes. Dieu, Personne Suprême, crée
le monde extérieurement à partir de la matière et de
l’énergie. Il crée les âmes distinctes, à partir d’une parcelle
de Lui-même en leur incluant matière et énergie. Ils sont
également transcendantalistes puisqu’ils situent Dieu au-delà
de la matière, tant grossière que subtile. Les impersonnalités
sont non-dualistes ou monistes et immanentistes. Pour eux,
Dieu, le monde et les êtres vivants sont la même substance.
Tout provient de Lui, par une création intérieure.
CANDIDE : Maître, ces deux écoles opposées cohabitent
99
dans le Védanta ? Comment est-ce possible ?
LE MAÎTRE : 30« Il faut admettre que l’homme ne peut
avoir de la Vérité totale que des visions partielles,
incomplètes, déformées en apparence, bien que toutes soient
des visions de la Vérité et comme telles participent à sa
nature. Les vérités différentes en apparence, dit Gandhi, sont
comme d’innombrables feuilles, qui paraissent différentes, et
qui sont sur un même arbre. L’hindou n’opposera donc pas
une erreur à une vérité, il verra un certain nombre de vérités
fragmentaires, les unes plus complètes ou plus profondes que
les autres, mais toutes complémentaires les unes des autres. »
CANDIDE : Le Védanta de Sankara impersonnaliste,
moniste et immanentiste a prévalu de nos jours au point
d’être assimilé à la pensée hindoue et devenir une
métaphysique universelle. Pourtant en ce qui me concerne,
les théories des personnalistes répondent mieux à certaines
de mes questions.
LE MAÎTRE : Pour ma part, Candide, je suis
impersonnaliste, mais exprime ta pensée !
CANDIDE : Voici, maître, quelques questions et les
réponses qu’apportent les impersonnalistes :
- Le monde est-il une illusion ? : Les personnalistes
répondent catégoriquement : non ! « 31 Certains philosophes
considèrent la manifestation de la nature matérielle comme
« illusion », mais la Bhagavad-gita rejette cette hypothèse.
La manifestation de l’Univers matériel n’est pas un simple
rêve ; elle appartient au contraire à l’ordre du réel, mais elle
est éphémère, comme un nuage qui traverse le ciel, ou encore
comme la saison des pluies qui vient nourrir les graines ;
lorsque le nuage s’éloigne, ou que la saison s’achève, les
moissons se dessèchent. La nature matérielle suit un cours
semblable, et se manifeste que par intervalles : elle apparaît,

30 Spiritualité hindoue Jean Herbert


31 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami
Prabhupada
100
demeure un certain temps, puis disparaît. Mais comme ce
cycle se poursuit sans fin, la prakti (matière) est éternelle, et
bien réelle. » Ceci me paraît cohérent.
- L’évolution jusqu’à l’homme commence-t-elle à partir du
règne minéral ? : Leur réponse est non ! La matière réelle et
éternelle ne se réincarne pas dans les règnes supérieurs. Elle
sert de support permettant à Dieu de créer toutes choses aussi
bien les êtres vivants que l’univers. Tel est son rôle. Cela me
paraît plus logique et me conforte dans mes idées.
- L’évolution est-elle possible du règne végétal vers le règne
animal ? : Je n’ai pas trouvé dans mes lectures,
d’affirmations ou de conceptions de la transmigration du
règne végétal vers le règne animal.
- La transmigration des animaux vers l’homme est-elle
possible ? La réponse serait : oui. Car d’après les
personnalistes, l’âme distincte est constituée par l’homme et
l’animal. Tous deux sont pourvus de conscience, ce qui les
distingue de la nature matérielle : « 32 Le Seigneur enseigne
que les âmes distinctes sont d’infimes parcelles de son Être.
La Bhagavad-Gita nous explique, d’autre part, ce qu’est la
nature matérielle et dit que c’est la « prakti » inférieure ou
nature inférieure. Les êtres animés constituant la nature
supérieure ou « prakti » supérieure. Qu'elle soit inférieure
ou supérieure, la « prakti » est toujours placée sous la
direction du Seigneur. Ainsi, le Seigneur appelle cette nature
matérielle : « Ma prakti », car elle constitue l’une de ses
énergies, de même que l’être vivant ; mais contrairement à
ce dernier, qu’un lien éternel unit au Seigneur, elle en est
séparée. L’âme distincte se distingue encore de la nature
matérielle par le phénomène de la conscience : les deux sont
prakti, mais l’être vivant (ou prakti inférieure) en est
dépourvu. » Ainsi, seuls les êtres doués de conscience
peuvent transmigrer d’un corps à l’autre et atteindre la
libération.

32 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami


Prabhupada
101
- La création est-elle transcendante ou immanente ? La
réponse est : transcendante. Ainsi, la conception des
personnalistes hindous se rapproche de celle de la Bible. On
imagine un maçon qui fabrique les briques à partir de l’argile
et ensuite brique après briques construire une maison. On
imagine mal, ce maçon sortir de lui-même (de sa bouche par
exemple), les briques nécessaires à l’édification de la
maison. Ceci est pour moi, un peu l’image de ce qu’est
l’immanence ou la transcendance.
- L’âme possède-t-elle une individualité ? La réponse est oui.
- Cette personnalité est-elle acquise de tout temps à toute
éternité ? La réponse est toujours oui. Pour preuve, ce
passage : « 33Tous les êtres, y compris le Seigneur, possèdent
une individualité éternelle. Ils étaient distincts dans le passé,
le demeurent dans le présent, et le seront à l’avenir. Nous
sommes éternellement des âmes distinctes, et changeons
simplement d’enveloppe charnelle en passant d’un corps à
l’autre. Même libérés de la prison des corps, nous gardons
notre individualité. » Si cette conception est vraie, elle me
réconforte et m’aide à m’améliorer.
- Quel est le devenir des âmes qui à la fin d’un cycle
n’auraient pas atteint la libération ? La réponse me paraît
claire. Elles seront plongées dans une sorte d’attente pour
réapparaître avec leur acquit précédent dans un nouveau
cycle. 34« Les Jivas (âmes distinctes) de moindre intelligence
s‘efforcent de demeurer dans l’Univers matériel, et c’est
ainsi qu’ils errent d’un système planétaire à l’autre, tantôt
s‘élevant, tantôt se dégradant. Durant le jour de Brahma, ils
sont actifs, dans les divers corps qui leur sont accordés pour
agir matériellement. Mais quand vient la nuit de Brahma,
tous ces corps périssent, et les Jivas immergent alors le
Corps de Vishnu. Ils seront de nouveau manifestés qu’à

33 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami


Prabhupada
34 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami
Prabhupada
102
l’aube d’un autre jour de Brahma. Et ce cycle se répète
jusqu’à la fin de la vie de Brahma, où ils sont anéantis et
demeurent non manifestés pour plusieurs millions d’années.
Lorsqu’enfin naît le Brahma suivant, dans un nouvel âge, ils
réapparaissent. Tel est le destin des Jivas ou âmes distinctes
qui se laissent ensorceler par le monde de la matière. »
- Quel est le devenir des âmes qui à la fin d’un cycle auraient
atteint la libération ? Où iront-elles ? La réponse est claire :
Elles vivront auprès de leur Seigneur à tout jamais dans sa
planète spirituelle et elles ne se réincarneront plus jamais à
travers l’inauguration infinie des cycles de créations et
destructions. « 35 Toutefois, les êtres d’intelligence qui
adoptent la conscience de Krishna et chante « Hare
Krishna, Hare ? Rama », en pratiquant le service de
dévotion, vivront, et cela déjà dans l’existence présente, sur
la planète spirituelle de Krishna, où ils connaîtront
l’éternelle félicité, sans que le cycle des morts et des
renaissances n’ait désormais sur eux aucune prise ». Cela
répond à mes questions sur ce sujet et me réconforte dans
mes intuitions.
- Quel est le but des processions infinies des cycles ou
kalpas ? Dans la conception impersonnaliste, il n’y a pas de
réponse. Au contraire dans celle des personnalistes, ces
cycles permettent à celui qui aura atteint la libération d’être à
tout jamais auprès de Lui dans sa planète spirituelle. Par
contre, l’âme qui n’aurait pas atteint sa libération dans le
cycle en cours serait en quelque sorte mise en état
d’hibernation et repêchée dans le prochain cycle. Dans cette
conception, il y a une justice totale de la part du karma qui
agit dans le cycle en cours, mais également à travers tous les
cycles.
- Quelle est la personnalité de Dieu ? A-t-il une forme ? Pour
les Impersonnalistes, il n’y a pas de réponse claire : Dieu est
Inconnaissable et inaccessible à la compréhension de

35 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami


Prabhupada
103
l’homme. Les personnalistes, à toutes ces questions,
répondent par l'affirmative. « 36Tous les êtres, y compris le
Seigneur, possèdent une individualité éternelle. Croire
impersonnelle la Vérité absolue, c’est avoir une intelligence
limitée ; car Dieu est bien une personne, la Personne
suprême, Absolue ainsi que le confirment toutes les Écritures
védiques. Tout comme nous, qui sommes des individus, dotés
d’une personnalité propre, la Vérité absolue est une
personne : c’est la plus haute réalisation qu’on puisse en
avoir, car elle englobe tous ses aspects. Le Tout parfait ne
peut être sans forme, car Il serait incomplet, donc inférieur à
certaines de ses créations. Pour être véritablement le Tout, il
doit s’étendre aussi bien à ce qui dépasse notre entendement
qu’à ce qui relève de notre expérience. »
D’après les personnalistes, le Seigneur est supérieur au
Brahmam : « 37Selon la Bhagavad-gita, même le Brahmam
impersonnel est subordonné au Tout. Le Brahmam est
comparable aux rayons du soleil, car il est constitué par la
lumière irradiant de la Personne suprême. Connaître le
Brahmam n’est donc qu’une étape incomplète, dans la
réalisation de la Vérité absolue. » Toujours selon les
personnalistes, le Seigneur vit dans une planète spirituelle
qui est le royaume suprême où tout est irradié, illuminé de la
lumière de son corps. Dieu aurait-il un corps ? « 38Lui seul
doit être adoré, puisque le but ultime de l’existence est de
retourner auprès de Lui, en Sa Demeure, décrite par la
Bhagavad-gita. » «39 Mon Royaume suprême, ni le soleil, ni
la lune, ni la force électrique ne l’éclaire. Pour qui l’atteint
point de retour en ce monde. » Tout naturellement, nous
imaginons le monde spirituel en fonctions de l’univers que
nous connaissons, avec son soleil, sa lune, ses étoiles. Or,

36 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami


Prabhupada
37 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami
Prabhupada
38 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami
Prabhupada
39
(B. g ; XV.6).
104
dans ce verset, Krishna précise que le monde spirituel n’a
besoin, pour l’éclairer, ni du soleil, ni de la lune, ni de feu, ni
quelque autre énergie lumineuse ; c’est qu’il est lumineux
par lui-même, baignant dans l’éclatante lumière irradiée par
le Corps du Seigneur. J’ai trouvé que la doctrine des
personnalistes concernant le Dieu Suprême, en la personne
de Krishna, rejoint la doctrine des chrétiens. En effet,
Krishna pourrait être à la fois le Dieu créateur de l’Ancien
Testament et le Dieu Sauveur en la personne de Jésus-Christ.
« 40 Tu es le Brahmam Suprême, l’ultime demeure, le
Purificateur souverain, la Vérité absolue et l’éternelle
Personne Divine. Tu es Dieu, l’Être primordial, originel et
absolu. Tu es le Non-né, la Beauté qui tout pénètre... »
« Dans la Bhagavad-gita, Krishna, s’énonce comme le Père
de tous les êtres. Il existe une très grande variété d'êtres,
puisque chacun de nous, par le fait de son karma, acquiert un
corps différent, mais de tous, Krishna est le Père commun, et
à tous, Il montre une bonté infinie. C'est pourquoi Il descend
en ce monde, pour rappeler à Lui les âmes déchues, les âmes
conditionnées par la matière, et pour les ramener dans leur
demeure éternelle où de nouveau ils vivront éternellement
auprès de Lui. Pour sauver ces âmes, Krishna, donc, vient
parfois Lui-même, dans sa Forme originelle ou en diverses
formes. » Voici, c’est pourquoi si j’avais à choisir entre
Personnalistes et Impersonnalistes, je choisirais sans hésiter
les premiers. Maître, peux-tu m’éclairer ?
LE MAÎTRE : Candide, je te l’ai dit, par conviction, je suis
impersonnaliste. Je n’ai pas le droit de t’influencer. Je suis
persuadé que les deux chemins différemment mènent au
même but. Tu dois choisir le tien. Tu dois acquérir ta propre
conviction et aller de l’avant. Même si pour le moment tu
n’en as pas conscience, cette lumière pointe dans ton cœur
comme l’aurore au lever du jour. Avec patience et
détermination, tu dois persévérer jusqu’à ce qu’elle devienne
la lumière du soleil en plein midi.

40 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami


Prabhupada
105
CANDIDE : Merci, Maître, tes paroles me donnent beaucoup
de courage et m’apportent une grande paix. Cependant, dans
les doctrines des personnalistes certaines conceptions restent
pour moi confuses ou insuffisantes.
LE MAÎTRE : Parle, Candide, je t’écoute.
CANDIDE : Voici, Maître. Dans la conception
Personnaliste, je comprends mieux le but de Dieu qui est
celui de ramener à Lui, les êtres distincts qu’il a créés. La
raison de la répétition des cycles s’explique. Ceux qui n’ont
pas réussi dans le cycle présent garderont leur individualité
en ayant la possibilité d’avoir une nouvelle chance. Tandis
que ceux qui auront réussi seront libérés des renaissances
goûtant la présence de Krishna dans son royaume à tout
jamais, et cela, malgré le renouvellement des cycles. Ce qui
me gêne dans ce plan, c’est que Dieu, la personne suprême,
fait tout cela pour que les âmes contribuent finalement à sa
joie et à sa dévotion. 41« L’être distinct n’est qu’un fragment
du Seigneur, créé par Lui, pour contribuer à Sa joie. […] Le
Seigneur a jouissance de tout et nous sommes ses Serviteurs.
Nous existons pour son seul plaisir et nous participons ainsi
à sa félicité éternelle et nous y trouvons notre propre
bonheur. Le Jiva (l’âme individuelle) ne peut atteindre à la
conscience suprême, c’est-à-dire égaler le Seigneur, et ne
doit pas se laisser abuser par des théories prétendant le
contraire. » Chaque être distinct n’aurait à la fin aucune
autonomie véritable et créative. C’est un plan à mon avis
assez égoïste. Sur terre, un bon père de famille ferait mieux
que Dieu. En effet, un père peine pour que son fils devienne
meilleur que lui. Il est impossible de devenir meilleur que
Dieu. Mais étant Notre Père, son but ne serait-il pas de nous
aider à parvenir à sa perfection ? Krishna est pour moi une
véritable énigme. Pour les impersonnalistes, le Brahmam
impersonnel crée les trois Dieux principaux (Brahma, Vishnu
et Shiva). Vishnu est le Dieu conservateur et sauveur. Pour
sauver les hommes, il se réincarne en avatar dont le plus

41 La Bhagavad-Gita telle qu’elle est


106
glorieux est Krishna apparu il y a 5 000 ans à l’âge du Kali-
yuga. Pour les personnalistes, leur Dieu est Vishnu, Vishnu-
Krishna ou Krishna. Ce dernier devient (tout au moins pour
certaines sectes ou écoles personnalistes), le seul Dieu
unique ayant suprématie sur tout. Krishna est même
supérieur au Brahman impersonnel, tout comme le soleil est
supérieur aux rayons issus de lui. Maître, qui est réellement
Krishna ?
LE MAITRE : Tu as ta question, cherche ta réponse !
CANDIDE : Ensuite, Dieu possède une individualité, une
personnalité, une forme, un corps. Tout en ayant ces
caractéristiques personnelles, il peut également apparaître
sous toutes les formes qu’il désire. « 42 Pour sauver ces
âmes, Krishna donc vient parfois lui-même, dans sa Forme
originelle ou en diverses Formes... » « 43Le Seigneur,
Krishna, se trouve dans le cœur de chaque être, mais par sa
puissance interne, Il apparaît également dans sa Forme
originelle. Et dans cette Forme, Il se tient maintenant assis
devant Bihismadeva (pur dévot de Krishna), qui connaissant
ses gloires, fait comme il convient, acte d’adoration envers
Lui. » Pourquoi le Seigneur, n’apparaît-il pas dans sa forme
unique, originelle aux hommes qu’il a choisis ? Ces hommes
ayant la même vision du Seigneur pourraient en parler d’une
même voix. De ce fait, le monde le connaîtrait tel qu'il est.
Apparaître sous diverses formes n’est-ce pas induire en
erreur les hommes, en les trompant sous divers
déguisements ? Ou alors quelle en est la raison profonde, car
Dieu ne peut induire en erreur, encore moins tromper !
Dernièrement, dans la Bible, j’ai lu dans un chapitre de
Jean : « Or la vie éternelle c’est qu’il te connaisse toi le seul
vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ. » La vie
éternelle pour le chrétien peut être assimilée à la libération.
Or il est bien dit dans cette Écriture que la vie éternelle ne
peut s’obtenir qu’en connaissant le seul vrai Dieu. S’il y a un

42 La Bahgavad-Gita Sa Divine Grâce A.C. Bhaktivedanta Swami


Prabhupada
43 SRÏMAD BHAGAVATAM
107
seul vrai Dieu, cela veut dire qu’il y en a beaucoup de faux.
Pourtant, obtenir la vie éternelle dépend de la connaissance
que nous aurons du seul vrai Dieu. Comment reconnaître le
seul vrai Dieu dans toute cette confusion de dieux et de
doctrines ?
LE MAÎTRE : Candide, toutes tes questions montrent que
ma mission est terminée. C’est à toi à découvrir ta voie, à
trouver tes réponses. Voilà le septième jour. Médite et
acquiers une conviction personnelle. Que Dieu t’aide et soit
avec toi. Adieu !
CANDIDE : Merci, Maître, merci pour tout. Je ne t’oublierai
jamais.

108
LE SEPTIÈME JOUR
Le septième jour, Candide médita
Le septième jour, Candide médita. Son cher Maître l’avait
exhorté à acquérir une conviction personnelle. La
connaissance de la Vérité à laquelle il aspire tant est loin
d’être acquise, mais les choses s’éclaircissent. Il discerne,
tout au moins pour lui-même, l’acceptable de l’inacceptable.
Il sait une chose : ce qui est en bas est à l’image de ce qui
est en haut. Il ne peut croire que Dieu ait laissé les hommes
sans des signes sur terre leur permettant de retrouver le
chemin d’en haut. Tout ici-bas doit rappeler
symboliquement, d’où nous venons, quel est notre but sur
terre et où nous allons après cette vie. Candide médita sur
l’enseignement du maître sur 17 points principaux afin de
tirer ses propres conclusions sur l’Hindouisme.
1- Les Védas
L’hindouisme tient pour sacrés les Védas. Pour eux, ils
furent écrits dans la langue des dieux qui est le sanskrit : «
44
Ils existaient avant toute chose, avant l’homme et avant la
terre. Dieu omniscient ne fait que les prononcer au début de
chaque cycle. Il les répète exactement sous la forme sous
laquelle ils ont existé dans le cycle précédent. Ainsi, il n’est
pas leur auteur, il n’est que le « récitant ». Les Védas sont
ainsi vrais aussi bien qu’éternels. L’Hindouisme, qui repose
sur les Védas, est ainsi vrai aussi bien qu’éternel ».
Si les Védas sont la parole de Dieu, écrit dans une langue
parfaite, répétée lors de l’inauguration de chaque cycle et si
tout ce qui concerne l’homme y est contenu, comment les
sages osèrent-ils en changer ne serait-ce qu’un seul iota ? Ce
serait pur sacrilège de leur part ! Pourtant, ils réformèrent les
dieux, supprimèrent les sacrifices sanglants, remanièrent le
culte. Ils les complétèrent en concevant de nouvelles

44 Spiritualité hindoue Jean Herbert


109
doctrines : celle de l’atman et du Brahmam impersonnel,
celle de la réincarnation, celui du karma et de la libération.
Ces doctrines manquantes prouvent que les Védas ne
répondaient pas à toutes les questions-clés de la vie. Ils
écrivirent, à partir d’eux, d’autres livres qui les remplacèrent
en importance. Comme les Upanishads et la Bhagavad-gita.
Bien sûr, on dira d’eux qu’ils furent le fruit d’une
interprétation approfondie, intellectuelle plutôt que littérale.
Comme si la parole de Dieu pouvait être interprétée par les
hommes au risque de la dénaturer. Le docteur Albert
Schweitzer écrivait : « Ce que le Nouveau Testament subit,
en fait de violences de la part de ses commentateurs, n’égale
pas ce que les hymnes védiques et les Upanishads ont à
souffrir des leurs ».
Premier point : Le contenu des Védas et le traitement que
les hommes lui firent subir montrent qu’ils ne sont pas ce
que l’Hindouisme prétend. Les mentions de sacrifices
humains, ne prouveraient-ils pas que la religion védique
n’était pas la religion originelle, mais plutôt une religion
ayant dégénéré ?
2- L’histoire politique, sociale et religieuse de l’Inde
L’histoire de l’Inde démontre encore la mainmise de
l’homme dans sa religion. On s’aperçoit que le politique, le
social, le religieux sont intimement liés. L’exercice et la
conservation du pouvoir exigent des compromissions. On ne
peut servir Dieu et Mammon.
L’histoire de l’Hindouisme montre une entente intelligente
qui fut forcée car nécessaire entre les prêtres et les guerriers
au détriment du peuple. Les prêtres védiques, pour conserver
leur autorité, abondèrent habilement dans le sens des
croyances du peuple. La réincarnation absente des Védas
devint un concept pratique et efficace pour répondre à toutes
les questions concernant la vie, discipliner les individus dans
leurs castes respectives et rendre chacun responsable et apte
à tout accepter de l’existence : « On imagine l’extraordinaire

110
stabilité d’une société où chacun sait qu’il lui faut attendre
la mort pour améliorer sa situation. »
Deuxième point : L’histoire politique, sociale et religieuse
de l’Inde démontre des concepts et des intérêts humains au
cœur de sa religion.
3- Mysticisme syncrétique
Nous avons vu à partir de l’histoire de l’Inde que
contrairement aux religions révélées (Judaïsme,
Christianisme, Islam) la religion de l’Inde est une religion
mystique.
Bien que les livres sacrés soient primordiaux,
paradoxalement, l’expérience personnelle l’est encore
davantage, car ce serait par elle que le sage intègre en lui la
substance même des livres sacrés, devenant une expression
vivante des Védas.
De ce fait, la religion hindoue, repose principalement sur
l’expérience des sages et dispose de multiples facettes
propres à chaque maître. Les expérimentations des gourous
sont intégrées pouvant se compléter, mais aussi se contredire.
C’est le risque du syncrétisme qui considère que tout concept
religieux ou philosophique est bon à incorporer, car chacun
peut y trouver sa voie.
À chaque homme, sa religion. Telle est l’idée-force. Cette
conception séduit, car elle donne à l’homme l’impression de
disposer d’une grande liberté. Cependant, n’est-elle pas
trompeuse et dangereuse ? Ne démontre-t-elle pas finalement
une grande faiblesse ? Ne va-t-elle pas à l’encontre de la
destinée divine de l’homme et en définitive le leurrer en le
détournant définitivement ?
Les lois physiques sont les mêmes pour tout le monde, elles
ne s’adaptent pas à chacun selon nos désirs. La Vérité n’est-
elle pas la Loi universelle par excellence ? L’homme détient
l’intellect qui le fait penser et créer. Il est également une
étincelle divine. Le sage recherche une ascèse pour avoir
accès au divin qui est en lui, par lequel il cherche à connaître
111
l’infiniment petit comme l’infiniment grand.
Alors, la vraie question se pose. La doctrine du sage,
provient-elle du divin en lui ou de son intellect ? Comment
faire la différence ? Le sage enseigne-t-il de son propre chef
ou comme le prophète des religions révélées, annonce-t-il la
parole de Dieu, en déclarant avec autorité : « Ainsi parle
l’Éternel… ? »
Toute la crédibilité des religions mystiques est là ! Et nous,
lorsque nous jugeons l’enseignement d’un Maître, le faisons-
nous par notre intellect ou par l’esprit de Dieu qui est en
nous ? Comment être sûr de juger par l’Esprit ? Ce qui est
certain, c’est que lorsque deux concepts se contredisent, ils
ne peuvent pas être vrais tous les deux à la fois. Si l’un est
vrai, l’autre est faux, ou les deux sont faux. Pourtant, les
hindous diraient que l’un peut glisser vers l’autre.
Troisième point : La religion hindoue est un mysticisme
syncrétique souvent contradictoire démontrant qu’elle
professe à la fois des vérités et des contrevérités.
4- Le Védanta
L’Hindouisme considère le Vedânta comme le
couronnement des Védas. Il devint le système philosophique
de référence des grands-maîtres de l’Inde avec les
Upanishad, Bhagavad-gita et autres livres reléguant au
second rôle les Védas. Il connut, comme nous l’avons vu
dans les pages précédentes, trois grandes époques : la
première impersonnaliste, la seconde personnaliste et la
troisième de nouveau impersonnaliste.
Ainsi, à partir des mêmes textes sacrés deux doctrines
complètement différentes se conçurent à travers les siècles.
C’est la preuve flagrante que chacun des deux maîtres
principaux Sankara et Madhva utilisèrent en grande partie
leur intellect pour construire leur doctrine sur Dieu, le
monde, les âmes, le but de la vie et autres concepts
doctrinaux. Quelle est la doctrine qui se rapproche le plus de
la Vérité ? Difficile à savoir. S’ils avaient reçu tous les deux

112
l’illumination du divin en eux, n’auraient-ils pas émis les
mêmes théories ? Si l’un détient la vérité, l’autre est dans
l’erreur. Ou alors les deux se trompent. Ou encore, chacun
possède à la fois, intimement confondues, vérités et erreurs.
Il est vrai que l’hindou, par principe, n’accepte pas cette
logique.
Cependant la vie de tous les jours, approuve ce
raisonnement. Si on dispose d’eau pure à 100 % et que l’on
ajoute une infime quantité d’impureté, cette eau bien que
semblant aussi limpide qu’auparavant, n’est plus inaltérée.
Une analyse poussée le prouverait et déterminerait son degré
exact d’impureté. Il en est de même pour la vérité, dès que
l’on apporte un soupçon d’erreur volontairement ou non la
vérité n’est plus la vérité. Elle n’a plus sa blancheur
immaculée, mais un ton de gris plus ou moins accentué.
Dans les doctrines des personnalistes et impersonnalistes, qui
des deux tons de gris, se rapprochent le plus de la
blancheur parfaite ? C'est aussi sans compter les différences
qui existent entre les écoles ou sectes appartenant à ces deux
grands groupes principaux de la pensée hindoue.
Quatrième point : Le Védanta est une interprétation
intellectuelle des Védas, auquel les maîtres ont ajouté des
doctrines nouvelles, changé le statut des dieux existants,
supprimé ou créé d’autres théories. Dans ce système
philosophique cohabitent des doctrines opposées démontrant
l’intellect au détriment du divin.
5- De l’unité à la multiplicité et de la multiplicité à l’unité
Tout, le règne minéral, végétal, animal et humain provient de
l'Un. Tout est une expression, une représentation, une
étincelle, un germe, une infime partie de Lui.
L'Un s’exprime à travers toutes les créations, dans le ciel, la
terre et les océans. À travers tout ce qui se voit et tout ce qui
ne se voit pas. Ce qui ne se voit pas est plus réel que ce qui
se voit. Ce qui ne se voit pas est l’essence de l'Un qui est en
toutes choses et les fait vivre. L’accomplissement le plus

113
intégral de Dieu s’exprime dans l’homme : « Le Brahman
suprême, l’âme de tout, le principe de l’univers, plus ténu
que la chose la plus ténue, tu les, tu l’es. » « Je me prosterne,
devant toi, je me prosterne devant moi, je me prosterne
devant toi et moi. Car en vérité je suis toi et tu es moi. »
L’homme est donc l’expression de Dieu la plus belle, la
seule qui peut parvenir à la libération. Dieu procède de l’Un
au multiple et du multiple vers l’Un par cycles (ou Kalpa)
qui dure 4 310 millions d’années (il faut dire que cette durée
varie en fonction des écoles).
Au début d’un cycle, il est seul dans son unité. On pourrait
dire dans un super nirvana. Puis l'Un passe au multiple et va
créer toutes les formes de vies animées ou inanimées dans
tous les univers comme sur notre terre.
Puis à la fin du cycle, il y a destruction de la multiplicité et
Dieu réintègre son unité originelle. Le but de Dieu est de
faire évoluer toute la multiplicité vers un stade supérieur du
minéral vers l’humain et pour finir de l’humain vers la
libération qui est la cessation des renaissances par le retour à
l’unité originelle.
Il existe l’évolution ascendante vers l’homme et l’évolution
descendante du règne humain jusqu’au règne minéral. Tout
ce que voyons, touchons, sentons, goûtons, entendons est
illusion, douleur et appartient au multiple. Par conséquent, le
but de l’homme va être d’œuvrer pour retourner à l’unité
originelle. Comment ? Cette évolution procède par la
réincarnation qui est le cycle des renaissances, qui est lui-
même conditionné, par le karma, loi de causes à effets.
Dans le cadre de l’homme, lorsqu’il meurt, son corps reste
dans la terre. Son âme séjourne dans des paradis et des enfers
où ils récoltent les bons et mauvais fruits. Après ces séjours,
le karma de chaque être vivant, qui est le solde du bien et du
mal accompli durant ses précédentes existences, décide
automatiquement de sa prochaine renaissance. L’âme par son
karma individuel renaît sur terre avec un nouveau corps.
Dans ce nouveau véhicule, l’âme progresse jusqu’à atteindre
114
la libération ou régresse dans les règnes inférieurs. Il est à
noter qu’il y a le karma individuel, familial, national,
terrestre et universel. Donc, nous ne sommes pas
responsables uniquement de nous-mêmes, mais également de
notre famille, de notre pays, de la terre et du cosmos.
Cette conception de la vie et de son but à première vue,
paraît fabuleuse, car cohérente. Par la réincarnation et loi du
karma, on peut répondre à toutes les questions de la vie :
d’où l’on vient ? Quel est le but de notre vie sur terre ? Où
allons-nous après la mort ? Pourquoi les injustices, la
souffrance, le malheur ?
Beaucoup de religions, d’Églises n’ont pas le mérite
d’apporter des réponses aussi claires et acceptables à ces
questions primordiales. D’une part, donner des réponses
logiques à toutes questions, est-ce donner les vraies
réponses ? Non, certainement pas !
D’autre part, l’Hindouisme répond-il à toutes les questions ?
Non, loin de là ! Quelques questions fondamentales restent
sans réponses. Pourquoi Dieu est-il passé de l’Un au
Multiple ? Cette tragédie, cette vallée de larmes qu’est la
vie pour les religions mystiques, qui l’a voulue sinon Dieu ?
Par conséquent, cette Chute ne lui est-elle pas imputable
puisque Lui seul existe ? Si Dieu était bien dans son unité et
Nirvana, alors, pourquoi tout ce gâchis ? Pourquoi se
multiplier à l’infini, prendre toutes les formes et souffrir à
travers elles ? Pourquoi et dans quel but, créer tant de
souffrances, tant de malheurs, tant d’injustices ?
Voici une manière de répondre ou plutôt de ne pas répondre
à ces questions :
« Pour un occidental, l’une des premières questions qui se
posent est évidemment la suivante : pour quelles raisons,
« Dieu », dans sa perfection et sa pureté originelle et
nouménale, peut-il avoir voulu descendre dans la relativité
phénoménale, ou accepté d’y descendre ? Se plaçant sur un
terrain purement logique, les hindous répondent : la question
« pourquoi ? » ne peut se soulever que dans le domaine où
115
règne la causalité, c’est-à-dire dans l’état de conscience de la
multiplicité nécessaire à cette causalité. Hors des dualités,
elle ne peut se poser. C’est donc un non-sens, une lourde
faute de logique, que de demander : « Pourquoi les dualités
ont-elles pris naissance ».
Voici maintenant deux réponses. La première vient des
Upanishads qui disent que Dieu s’ennuyait. Ne prenant plus
plaisir en lui-même, alors il créa la multiplicité. La deuxième
provient de la Bhagavad-Gita où Krishna expose que le
monde est un jeu que Dieu s’offre pour son propre
divertissement et qui est confirmé par des maîtres de l’Inde :
« 45C’est la joie d’un Dieu amoureux de lui-même, le jeu
d’un enfant, l’inépuisable multiplication de soi d’un poète
enivré par l’extase de son propre pouvoir de création sans
fin ».
« Dieu sort d’une forme seulement pour entrer dans une
autre. Après tout, qu’est ce Dieu ? Un enfant éternel jouant à
un jeu éternel dans un éternel jardin ».
La première réponse est une absence de réponse. Les deux
autres entraînent encore plus de questions restant sans
réponses.
En voici quelques-unes.
Comment Dieu peut-il s’ennuyer et ne pas prendre plaisir en
lui-même ?
Si tel était le cas, cela veut dire que cet état que l’on appelle
la libération est ennuyeux ou à la longue le devient.
Alors, pourquoi rechercher dans cette vie la libération qui
mutera finalement en ennui ?
Comment Dieu peut-il s’ennuyer ?
Comment peut-on concevoir un Dieu qui s’ennuie ?
Si Dieu quitta son unité par ennui pour aller au multiple, ce
serait par intérêt personnel. Donc Dieu serait égoïste ! Est-ce
45 Aurobindo
116
concevable ?
L'Un pour échapper à l’ennui en lui-même aurait plongé
l’homme dans la conscience des dualités, l’aurait chassé du
« Paradis de la vérité absolue » pour le précipiter dans cette
vallée de larmes où il doit rechercher par la souffrance, de
nouveau la voie de l’unité ? Quand on considère l’histoire du
monde avec son long cortège de guerres, injustices, iniquités,
malheurs, chagrins, détresses, cela paraît absurde et
irresponsable !
Comment Dieu peut-il être un enfant éternel, amoureux de
lui-même jouant à un jeu éternel dans un jardin éternel ?
Dieu dans un état de paix, de bonheur et de béatitude, ne
prenant plus de plaisir s’ennuya. Il décida donc de jouer à un
jeu éternel consistant à souffrir le cauchemar de l’illusion, à
prendre une enveloppe minérale, végétale, animale, humaine,
à subir toutes les douleurs, physiques, mentales spirituelles.
Ainsi, Dieu se chasse d’un état de béatitude pour une
condition de souffrance et dans sa nouvelle situation doit
retourner à son premier état. Dieu aime-t-il sa propre
souffrance pour agir de la sorte ? Dans un tel but, il n’y a pas
de finalité, pas de progression, ni pour Dieu, ni pour nous qui
sommes une individualité temporaire destinée à retourner à
l’unité originelle.
Comment peut-on appeler « jeu éternel » un tel
aboutissement ? Dieu est un Être parfait, un Père qui nous
aime et veille sur nous ! Il ne peut nous préparer qu’un
merveilleux avenir.
Mais quel est ce plan divin ?
Un Dieu immanent, peut-il être un Dieu d’amour ? Selon la
doctrine hindoue, nous sommes tous une parcelle de Dieu,
individualisés, fragmentés, prisonniers de notre corps et
aliénée dans un monde d’illusions. Mais lorsque nous
souffrons, c’est Dieu qui souffre puisque nous sommes une
partie de lui-même. Pour nous libérer de notre corps et
retrouver l’unité, nous devons l’oublier en pratiquant la

117
compassion. Par conséquent si Dieu nous demande par
l’enseignement des maîtres de pratiquer l’amour, ce n’est pas
pour nous, c’est pour Lui puisque tout est lui et tout retourne
à lui. Ce n’est donc pas un Dieu compatissant, mais c’est un
Dieu égoïste et narcissique. Un tel Dieu ne peut pas être un
Dieu. Si Dieu n’est pas distinct de sa création et notamment
de l’homme, il ne peut être un Dieu d’amour et il ne peut que
s’aimer lui-même. S’il souffre, il ne peut souffrir que pour
lui-même.
Nous ne pouvons pas parler de justice de l'Un non plus ; car
c’est lui qui voulut la multiplicité, le schisme de son unité
originelle. C’est lui par conséquent le responsable de cette
vie d’illusion et de souffrance et c’est nous, ses propres
enfants ou prolongements qui sommes ses victimes !
Cinquième point : Le passage de l’Un au multiple et du
Multiple est un concept fondamental de l’Hindouisme.
Pourtant il n’y a pas de véritables réponses quant à son but.
Pourquoi une telle mise en œuvre pour aboutir à une absence
d’aboutissement ?
6- Justice
À chaque fin de cycle, toute la création est détruite et
retourne à l’unité. Tout sans exception. À la fin d’un cycle,
quoique nous ayons fait pendant nos innombrables vies nous
serions tous rétribués de la même manière. Ce qui restera
minéral, qui n’aura pas progressé d’un iota, méritera aussi à
la fin du kalpa la libération autant que le sage le plus
vertueux ! Est-ce cela la justice de Dieu ?
La loi du karma qui est une loi de juste rétribution ne
voudrait rien dire si elle s’accomplissait dans un cycle
uniquement. Elle devrait se perpétrer à travers tous les cycles
en gardant le souvenir de nos vies cycle après cycle. Mais tel
n’est pas le cas, puisque nous perdrions toute individualité
lors du retour à l’unité originelle qui serait une complète
absorption en l'Un.
Pourquoi s’escrimer à obtenir la libération si de toute

118
manière à la fin du cycle tout sera résorbé dans le Brahman
impersonnel ?
Sixième point : Dans le cycle des kappas, il n’y a pas de
justice divine. Que nous fassions le bien ou le mal, nous
sommes tous « condamnés » à retourner à l’unité originelle
en Brahman.
7- Progression
Dieu possède en lui trois fonctions : Créateur, Conservateur
et Destructeur. Ainsi Dieu par sa fonction créatrice, crée la
multiplicité de sa personne et sa propre souffrance à travers
toute sa création, par son aspect conservateur se guérit de sa
souffrance et par son aspect destructeur, détruit sa création
qui est la multiplicité en retournant au point de départ. Ceci
est un cycle ou kalpa. Puis Dieu se repose en lui-même.
Après une période de repos, il inaugure un nouveau cycle et
ceci depuis toujours et à jamais.
Quel est le projet de Dieu pour sa création ? Pourquoi cette
succession de cycles infinis et identiques sans véritable but
ni progression ?
Septième point : Cette incroyable mise en œuvre de cycles
infinis n’aboutit à aucun résultat, à aucune progression, ni
pour Dieu, ni pour ses créatures. La montagne qui accouche
d’une souris fait de loin beaucoup mieux.
8- La multiplicité est illusion
La découverte de la structure de l’atome serait conforme à ce
concept des religions d’Orient comme quoi tout est illusion.
Là où nos yeux voient le plein, il y a le vide.
Tout le monde sait aujourd’hui que chaque atome est rempli
de vide, semblable aux distances considérables qui séparent
les univers. Là encore, nous constatons cette vérité : ce qui
est en bas est à l’image de ce qui est en haut, ce qui est petit
est à l’image de ce qui est grand, l’atome étant la réplique de
l’univers. Alors que nous donnons l’impression d’être du
plein, nous sommes finalement du vide. Nous serions donc
une illusion et la doctrine orientale vieille de milliers
119
d’années serait pleinement justifiée.
Mais ce n’est pas parce que nous sommes surtout du vide
que nous sommes illusion ! Il est dit que s’il était possible de
rassembler uniquement les noyaux d’atome constituant
chaque être, l’humanité entière représenterait le volume de
quelques grains de riz. Même si aujourd’hui, l’humanité tout
entière se réduit à quelques grains de riz complètement
pleins, elle est une réalité ! Dieu nous a donné la réalité qui
convient le mieux à notre réalisation divine. Par conséquent,
nous sommes une réalité. Tout est réalité, le matériel comme
le spirituel. Tout détient en soi, un but, une consistance, car
rien n’est l’objet du hasard et rien n’est illusion. Le vide
n'existe pas, car c'est du plein rempli de Dieu avec sa
puissance et sa lumière qui imprègne et vivifie tout.
Huitième point : Comment peut-on affirmer que tout ce qui
n’est pas l’unité originelle est illusion ? Quelles preuves
apporte l’Hindouisme ?
9- Dieu est inconnaissable
Les sages disent en substance que Dieu est inconnaissable :
du Brahman on ne peut rien dire. N’est-ce pas avouer leur
ignorance ?
Aucun sage d’Orient ne connaît véritablement son but,
puisqu’aucun ne donne une explication suffisamment
compréhensible de son passage de l’un au multiple, puis du
multiple vers l’un. Personne ne sait ce qu’est la libération,
car tous les sages en parlent en termes élogieux, mais aucun
ne connaît exactement. Combien ce passage me paraît clair
par contre : « 46Pourquoi la Divinité nous laisserait-elle
commettre de nombreuses erreurs, et plus encore de fautes,
qui nous condamnent à renaître encore et encore, pour en
subir les conséquences ? Et pourquoi, après avoir souffert
ces dures existences, les hommes devraient-ils disparaître
dans le Brahman -autrement dit Dieu - aussitôt qu’ils
auraient perçu expérimentalement leur nature divine ? Quel

46 Olga Kozak Bouddha, le Christ... Quelle voie ? page 118


120
en serait l’intérêt pour la Divinité ? Celui d’observer
comment nous allons faire, au cours de multiples et pénibles
incarnations, pour nous dépêtrer de cette matière qui nous
masque notre nature divine et nous empêche de réintégrer au
plus vite le sein du Père ? Jeu pervers, expérience de
laboratoire, inconcevable chez un Être, par essence,
infiniment supérieur à l’homme ! »
Neuvième point : Dire que Dieu est inconnaissable, n’est-ce
pas reconnaître ouvertement ne pas connaître Dieu ? Le
Christ n’a-t-il pas dit : Or la vie éternelle c’est qu’ils Te
connaissent Toi le seul vrai Dieu et celui que tu as envoyé
Jésus-Christ ?
10- Conception des dieux
L’hindouisme aurait une conception de la religion à plusieurs
vitesses :
Pour l’hindou avancé spirituellement :
Il n’y a qu’un seul Dieu, c’est le Brahman impersonnel.
Chaque humain en possède une partie. L’idéal suprême est
de se fondre en Lui. Ce Brahman impersonnel manifeste trois
fonctions : celle de créateur, de conservateur et de
destructeur.
Pour l’hindou moins avancé spirituellement :
Pour rendre plus compréhensible cet enseignement à
l’hindou moins éclairé, le sage l’explique d’une manière plus
personnelle et surtout moins abstraite. Le Brahman
impersonnel, lorsqu’il inaugure un nouveau cycle, crée
d’abord Brahma le dieu créateur, puis Vishnu le dieu
conservateur, puis Shiva le dieu destructeur. Mais ces dieux
ne sont pas suffisants. Pour rendre plus proche le seul vrai
Dieu et l’adorer, une multitude d’autres dieux vont être
créés. Alors quelle est la réalité de ces dieux innombrables ?
- Premièrement : sont-ils des inventions purement
humaines ?
- Deuxièmement : sont-ils des dieux réels ?
121
- Ou alors, troisièmement : l’homme pense à un dieu, et
Dieu, de bonne grâce le crée dans les cieux et le rend
disponible à l’adoration de ses fidèles ?
Apparemment, d’après les diverses théories, ce serait la
troisième supposition qu’il faudrait retenir. Mais est-elle
vraie ? Essayons de la résumer. L’homme crée par son
imagination une infinité de dieux personnels auxquels il
apporte toute sa dévotion. Ces dieux sont créés dans les
cieux avec leurs paradis respectifs. Ainsi, l’homme qui meurt
ayant adoré un dieu de son choix ira dans son paradis
respectif. Cette théorie va encore plus loin. L’adorateur de ce
dieu imaginé au départ peut se réincarner en lui. Cependant,
cet adorateur, s’il veut obtenir la libération devra abandonner
son statut de dieu et se réincarner en homme ! Un dieu
inventé peut devenir le véhicule de ses adorateurs !
Dixième point : Si les maîtres au départ ont voulu rendre
plus accessible et compréhensible le Brahman, c’est
complètement raté ! Dans cette masse de théories, et de
dieux, tout se mélange et souvent tout se contredit. La
conception des dieux hindous ne peut être qu’imagination
humaine.
11— Ce qui transmigre
Il y a différentes doctrines dans ce qui transmigre réellement
d’une vie à l’autre. Pour les Impersonnalistes, c’est le « soi »
(atman) principe impersonnel de la personnalité. Cet atman
est reconnu identique au Brahman universel. Pour d’autres
écoles brahmaniques, il s’agit d’un élément désigné sous des
noms divers « homme » (purusa), « principe vital » (jiva),
etc. Cet élément est conçu également de façon variée
comme pourvu de connaissance, de volition et même de
sensation, parfois aussi sous l’aspect d’un homuncule
invisible en raison de sa taille exiguë.
Pour les personnalistes, c’est l’âme partie individuelle et
distincte ayant sa personnalité.
En ce qui concerne l’état de libération, il y a différentes

122
thèses. Pour les Impersonnalistes, la libération, c’est : l’union
du « soi » (atman) avec le Brahman universel. Pour les
personnalistes, l’âme ou atman garde toujours et à tout
jamais sa personnalité et vit en communion avec Dieu ou le
Seigneur Vishnu-Krishna.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les avis restent
partagés et aucune réponse précise n’est donnée. Il faut dire
que ces conceptions représentent seulement deux tendances,
mais il y en a d’autres à l’intérieur des nombreuses
subdivisions.
Onzième point : Qu’est-ce qui transmigre réellement ? Que
devient l’âme ou l’atman lorsque la libération est atteinte ?
Encore des questions sans réponses.
12— Le bien et le mal
« Les hindous font tout remonter à Dieu, aussi bien ce qui du
point de vue humain nous paraît redoutable, destructeur,
funeste, que ce qui du même point de vue nous semble
désirable, constructeur, bon. En effet, ils refusent que cette
dualité du bien et du mal, de la création et de la destruction,
ait une valeur autre qu’humaine et subjective. D’un point de
vue divin, ce ne sont que des forces semblables et
complémentaires dont le déséquilibre et le jeu donnent
naissance à la multiplicité du nom et de la forme. » Comment
croire que le mal puisse venir de Dieu ? De Lui, ne peut
venir que ce qui est bon et juste. La lumière et les ténèbres ne
peuvent coexister ensemble. Une source ne peut donner de
l’eau pure et douce et en même temps amère et corrompue.
Si le bien comme le mal remonte à Dieu, cela voudrait dire
que le mal vient de Lui ! Alors, comment le karma pourrait-il
accomplir sa fonction de justice ? Le karma serait-il
supérieur à Dieu pour juger ce qui vient de Dieu ? Si le bien
et le mal proviennent de Dieu, alors Il est divisé contre lui-
même et tout ce qui est divisé s’autodétruit. Dieu par
définition est éternel, indestructible. Par conséquent, Dieu ne
peut être que le bien et le mal ne peut pas venir de Lui ou
subsister en Lui.
123
Douzième point : Comment peut-on oser attribuer le mal à
Dieu ?
13— Augmentation de la population
Le but de l’Hindouisme est de permettre à l’homme
d’atteindre la libération et donc ne plus renaître sur terre. On
peut penser qu’au cours d’un Kalpa, qui durerait 4 310
millions d’années, des millions, voire des milliards
d’individus l’auraient atteinte. On peut imaginer plusieurs
possibilités en fonction des différents concepts
réincarnationnistes. Selon certaines conceptions
occidentales qui affirment que seul l’homme peut se
réincarner pour atteindre la perfection ou libération on
devrait observer une diminution constante de la population
mondiale au cours des millénaires. Or nous constatons que
c’est le contraire qui se produit.
Maintenant, si l’on considère que la majorité des conceptions
orientales croient à la réincarnation ascendante, on pourrait
penser que si la population augmente ce serait grâce à la
réincarnation d’animaux en humains. Il y aurait par
conséquent beaucoup plus d’animaux qui passent au stade
humain que d’humains qui passent au stade de la Libération.
On pourrait même dire que la disparition des espèces tant
végétales qu’animales serait l’explication d’une telle
augmentation de la population humaine mondiale !
Autrement dit, la disparition des espèces et la décroissance
de la population animale seraient davantage dues à la
réincarnation ascendante de l’animal vers l’homme bien plus
qu’au rôle prédateur des hommes envers son environnement.
À la question, « Pourquoi la population sur terre augmente-t-
elle exponentiellement alors que logiquement la
réincarnation devrait la faire décroître ? », un lama répondit
que c’est parce que davantage d’humains choisissent la
planète Terre pour renaître plutôt qu’une autre. Il faut croire
que notre planète bleue est très appréciée dans l’univers
cosmique.
Treizième point : Le fait de l’augmentation considérable de
124
la population contredit la doctrine de la réincarnation (ou
tout au moins, démontre son inefficacité).
14- Transmigration du minéral à l’humain
Au commencement régnait le minéral. Le karma agissait tout
comme aujourd’hui et détenait le même rôle de justice
aveugle à l’égard du bien et du mal. Si le rôle du Karma est
concevable pour l’homme, peut-il l’être pour le règne
minéral ? Quelle notion du bien ou du mal un caillou peut-il
avoir ? Une plante détient la vie et possède une individualité.
On pourrait imaginer possible la réincarnation d’une plante
en animal. Mais la plante, pense-t-elle ? Qu’est le bien ou le
mal pour elle ? L’animal, encore plus que la plante possède
individualité et vie, mais possède-t-il un libre-arbitre
suffisant pour distinguer le bien du mal et le rendre
responsable de ses pensées, paroles et actes ? Un chien peut
mordre ou lécher la main de l’homme, mais ce n’est pas cela
qui le condamnera à devenir arbre ou homme. Certains
chiens sont plus intelligents que d'autres, c’est vrai ; mais
cette intelligence reste toujours enfermée dans un certain
cadre dont l’animal ne peut en sortir.
Quatorzième point : Par quels critères, le karma a-t-il
décidé du passage d’un caillou à un pissenlit ? D’un pissenlit
à un lapin ? D’un lapin à un homme ?
15— Finalement Création instantanée ou par évolution ?
Selon les théories des Impersonnalistes, le passage de l'Un au
multiple se ferait par évolution progressive du règne minéral
vers le règne humain. Rappelons que les personnalistes
rejettent le passage du minéral vers les règnes supérieurs.
Personnalistes et Impersonnalistes seraient donc en accord
dans les grandes lignes avec les théories évolutionnistes des
espèces. Pour Darwin, l’homme d’aujourd’hui aurait comme
ancêtre celui de Cro-Magnon, qui descendrait du singe. Ce
dernier selon certains savants proviendrait d’un petit rongeur
ayant comme ancêtre une cellule commune, la matrice de
tout ce qui vit qui aurait été créée par la matière, le temps et

125
le hasard.
Pourtant, cette théorie décrivant les cycles de chaque Kalpa
ou période cosmique du brahmanisme contredit toutes ces
théories : « La durée de l’univers matériel est limitée. Elle se
manifeste par cycles de kappas. Chaque kalpa constitue un
jour de la vie de Brahma et compte mille cycles de quatre
âges, ou yugas : le satya-yuga, le treta-yuga, le dvapara-
yuga et le kali-yuga. La Satya-yugae, création parfaite où les
hommes vivent longtemps et où règnent la vertu, la sagesse
et la spiritualité, sans la moindre trace d’ignorance ou vice,
dure 1 728 000 ans. Le Treta-yuga, où commence
d’apparaître le vice, dure 1 296 000 ans et où la vie des
hommes est raccourcie. Le Dvapara-yuga, durant lequel la
vertu et la spiritualité déclinent encore tandis que le vice
grandit, dure 864 000 ans. Et le Kali-yuga (commencé
depuis 5 000 ans), qui voit abonder les conflits, l’ignorance,
l’irréligion et le vice, où la vraie vertu est pratiquement
disparue, dure 432 000 ans. En cet âge, l’immoralité
s’accroît à tel point qu’à sa fin, le Seigneur Suprême
apparaît en Personne, sous la forme de l’avatar Kalki, pour
vaincre les asuras, sauver ses dévots et inaugurer un
nouveau satya-yuga. Puis le cycle reprend. Ces quatre yugas
répétés mille fois forment une journée de la vie de Brahma,
Premier être crée dans l’univers, qui reçoit du Seigneur
suprême le pouvoir de tout créer dans l’univers, dont il est le
régent principal. Chacune de ses nuits dure autant. Brahma
vit cent ans ce qui correspond à 311 040 000 000 000 de nos
années terrestres, puis meurt. Toutefois, cette longévité
formidable pour nous presque infinie ne représente qu’un
bref éclair dans le flot de l’éternité. L’Océan Causal contient
d’innombrables Brahmas qui disparaissent et apparaissent
comme des bulles dans l’Atlantique. Appartenant à l’Univers
matériel, comme leur monde respectif, ils sont en incessant
devenir. »
Cette description des cycles montre qu’à l’inauguration d’un
nouveau cycle, la création était parfaite. C’est l’âge d’or où
règne la vertu, la sagesse, la spiritualité sans la moindre trace
126
d’ignorance et où les hommes vivent longtemps. Ce cycle
dure 1 728 000 ans. On pourrait penser à une création
instantanée, avec l’apparition d’hommes parfaits et par
conséquent chaque règne mis en place séparément dès le
départ.
Le deuxième cycle où commence d’apparaître le vice dure
1 296 000 ans et où la vie des hommes est raccourcie.
Le troisième cycle durant lequel la vertu et la spiritualité
déclinent encore tandis que le vice grandit dure 864 000 ans.
Le quatrième cycle : le Kali-yuga (commencé depuis 5 000
ans), qui voit abonder les conflits, l’ignorance, l’irréligion et
le vice, où la vraie vertu est pratiquement disparue, dure
432 000 ans.
Ainsi, on assiste progressivement, depuis le début qui est une
création parfaite, jusqu’au moment où tout doit à nouveau
disparaître à une régression du monde et des êtres.
Cette théorie rappelle la Création de la Bible avec le Paradis,
Adam et Ève. Puis la corruption du genre humain. C’est en
totale contradiction avec l’évolution du règne minéral
jusqu’au règne humain par le processus de la réincarnation
qui est au contraire une progression constante et générale (si
on exclue les cas de régression par réincarnation dans les
règnes inférieurs).
Alors que penser ? Quoi et qui croire ?
Quinzième point : Il est impossible d’étudier tous les textes
de l’Hindouisme, car plusieurs vies se révèleraient
insuffisantes. Pourtant plus on les étudie, plus les
contradictions sont flagrantes.
16— La réincarnation sur mesure
La réincarnation est le dénominateur commun auquel se
rattache les religions ou philosophies orientales. Il y a la
réincarnation hindouiste, mais aussi bouddhiste et dans
chacune de ces religions des sectes ou écoles différentes avec
des concepts encore différents.
127
Cette croyance a conquis l’Occident qui l’a adaptée à sa
culture. Cette citation pourrait résumer le concept occidental
(bien qu’il y en ait d’autres). Il a la particularité de concilier
la réincarnation avec l’évolution des espèces de Darwin : « 47
La réincarnation est la théorie selon laquelle l’âme humaine
évolue lentement à travers une longue succession de vies. À
ceux qui estiment raisonnable la théorie de l’Évolution, la
réincarnation n’apparaît pas non plus comme
déraisonnable. Cette théorie reprend l’idée évolutionniste et
l’enrichit énormément, à deux points de vue. En premier lieu,
elle affirme que l’évolution se fait non seulement par la
forme physique, mais aussi par la conscience du vivant. En
second lieu, elle estime que chaque vie, non seulement,
contribue à l’amélioration de l’espèce en général, mais
encore à sa propre évolution. Il ne s’agit plus seulement
d’un progrès structurel, physique, mais encore d’un
épanouissement spirituel.
La réincarnation n’a d’intérêt que dans la mesure où elle
décrit une série de cycles évolutifs, dont la spirale ascendante
monterait vers le haut. L’idée d’une sempiternelle répétition
mécanique, sans aucun progrès, est un cauchemar. Et à mon
sens, elle ne tient pas debout ; elle peut même dégoûter ceux
qui seraient prêts à accepter comme utile et plausible l’idée
d’un retour sur la Terre. Il est donc clair qu’il ne faut pas
confondre la réincarnation avec la métempsycose à
l’Indienne par exemple. Il s’agit d’une théorie logique,
cohérente, qu’il faut accepter avec une confiance raisonnée.
Elle doit être utilisée sans obsession et avec bon sens. Elle
obéit à des lois précises qu’il importe d’étudier. »
La réincarnation pour les religions orientales représente une
triste situation dont il faut se libérer alors que, pour
l’Occidental, elle indique le chemin obligé de l’évolution
spirituelle et physique. Pour l’Oriental, l’âme est la réalité
ultime. Elle n’est ni augmentée, ni diminuée au cours de ses
pérégrinations par les actes bons ou mauvais accomplis dans

47 André Couture La réincarnation


128
les corps qu’elle habite.
Pour l’Occidental en général l’âme évolue d’une manière
ascendante jusqu’au stade divin. Ainsi, chaque peuple ou
individu peut choisir la réincarnation qui lui convient le
mieux.
Toutes à la fois ne peuvent être vraies. Cette facilité
d’adaptation paradoxalement fait sa faiblesse : « 48Une des
raisons souvent invoquées pour persuader de la réincarnation
est la valeur explicative de la loi des actes ou du karma. La
réincarnation devient l’explication la plus économique de
toutes les difficultés de l’existence. On exalte à longueur de
pages la logique de la loi du karma, la rigueur des
conséquences qu’on peut en déduire et la puissance
thérapeutique de l’identification des maux des vies passées.
Dans l’enthousiasme de la découverte, il arrive cependant
aux auteurs réincarnationnistes d’abuser de la crédibilité des
lecteurs. À vouloir trop prouver, on ne se rend pas toujours
compte que l’on affaiblit sa propre position. Quand la
réincarnation sert à tout expliquer, de la pauvreté au suicide
en passant par l’homosexualité et les infirmités de naissance,
elle manifeste paradoxalement une grande faiblesse. »
Au nom de la réincarnation, on peut arriver à des extrémités
quelquefois dangereuses et malhonnêtes :
« 49Léonard Francœur, qui ,dix ans plus tô,t expérimentait la
régression dans les vies antérieures pour satisfaire la
curiosité des gens, s’est recyclé depuis dans la transe
thérapeutique : « Ce que je soigne, c’est la mémoire des
gens. J’efface les expériences négatives qu’ils ont pu vivre
dans d’autres vies et je les remplace par d’autres,
imaginaires, mais avec un dénouement heureux. Lorsque les
sujets se réveillent de leurs transes hypnotiques, ils sont
« guéris » de leurs peurs inexplicables. » Un exemple comme
celui-ci fait peut-être davantage comprendre pourquoi
certains praticiens de ces techniques nouvelles prêchent la

48 André Couture La réincarnation


49 André Couture La réincarnation
129
prudence. »
C’est pourquoi, lorsqu’on lit tous les livres sur la régression
dans les vies antérieures, la raison commande d’être prudent
et objectif :
« 50 Selon lui (Jonathan Venn), les publications souffriraient
des défauts suivants : Leurs auteurs ne sont jamais soumis à
la critique de leurs pairs dans les revues spécialisées ; s’ils
l’avaient fait, ils auraient probablement dû revoir des
affirmations trop rapides ou des analyses trop simples. Ces
auteurs semblent souvent bien ignorants des théories et des
recherches contemporaines sur l’hypnose. Dans leurs
explications, ils négligent des éléments importants comme la
suggestibilité, la dissociation, le jeu de rôle, la perte
d’inhibition, le désir de plaire à l’hypnotiseur. Ils supposent
également sans vérification historique adéquate que ces
régressions rendent compte de faits réels. Plusieurs de ces
auteurs sont des thérapeutes qui cherchent tout simplement la
guérison de leurs patients. Ils utilisent à cet effet les vies
antérieures de leurs clients, mais devraient savoir que des
facteurs comme la relaxation physique, le rapport avec
l’hypnotiseur, l’expression d‘émotions fortes, l’effet placebo
que constitue le simple fait d’avoir enfin une explication à
ses difficultés sont autant d’éléments puissants qui peuvent
contribuer à soulager. Des auteurs sérieux soutiennent en
effet que la régression dans les vies antérieures a un effet
salutaire justement parce qu’elle est de l’ordre de la fantaisie.
Elle permet alors au patient de prendre une distance
suffisante vis-à-vis de lui-même pour vaincre ses propres
tabous. Même quand ces auteurs essaient de vérifier
l’identité d’un personnage du passé, ils se limitent à quelques
données qui confirment leur hypothèse, et laissent tomber
tous les éléments qui s’y opposent. Depuis les travaux de R.
A.Baker, de Ernest Hilgard, on sait l’importance du
composant de suggestion dans la découverte des vies
antérieures. L’hypnotiseur habile arrive facilement à

50 Andre Couture La réincarnation


130
présenter de façon positive la découverte des vies antérieures
et à suggérer des images propices au travail de l’imagination.
Le poids de la suggestion est particulièrement évident... »
Un article : « Les 144 vies de Shirley Maclaine », paru dans
l’Express (30/01/97) est très édifiantes et montre combien
que lorsqu’on en fait trop, on dessert la cause que l’on veut
servir :
« Shirley MacLaine profite gaillardement de sa 144 ième
existence. Son destin d’artiste est finalement pâlichon
comparé à son passé de moine bouddhiste, de nomade
mongol immolé dans le désert, d’enfant inca ou de soldat
romain... L’une de ses meilleures vies demeure celle qu‘elle
a passée en Atlantide, cette civilisation ébouriffante où l’on
allait à la pêche en vaisseau spatial, entre deux parties de
cartes avec des copains saturniens. La star américaine
s’adonne depuis quinze ans à l’ésotérisme le plus débridé,
faisant appel à des médiums qui lui révèlent les derniers
potins de la vie d’outre-tombe. Ces hommes ou ces femmes
se mettent en transe sur commande et prêtent leur corps à des
entités astrales bigrement pipelettes : un copain de Jésus-
Christ, un général atlante (encore un !) un archange
extraterrestre ou Merlin l’enchanteur réincarné en... Paco
Rabanne. Shirley MacLaine a raconté ses expériences
spirituelles dans une demi-douzaine de livres, qui se sont
réincarnés en milliers de dollars... »
Seizième point : Si la réincarnation est une Loi spirituelle,
elle ne peut être qu’unique et valable pour toute l’humanité.
Il est déraisonnable de croire que chacun en fonction de sa
religion, pays, aspirations puisse disposer de plusieurs types
de réincarnations et choisir celui qui lui convienne le mieux.
17— Pourquoi la réincarnation a-t-elle un tel succès ?
Il y a beaucoup de raisons ! En voici quelques-unes :
Raisons humaines
- L’homme détient au fond de son cœur, comme une
espérance, une intuition qu’après la mort il y a un au-delà et
131
que par conséquent tout n’est pas fini.
- Devant tant de malheurs, d’injustices, d’atrocités, il est
difficile de croire à un Dieu tout puissant aimant et
miséricordieux. Il se trouve que la réincarnation donne des
réponses logiques à cet état de fait.51

51POURQUOI DIEU PERMET-IL TANT DE MISÈRE ?


Dans une émission télévisée aux États-Unis, la fille d'un prédicateur réputé fut
interviewée. L'animatrice parlant des événements du 11septembre lui demanda :
- Comment Dieu a-t-il pu laisser une telle horreur se produire ?
Cette jeune fille donna une réponse aussi profonde que sage :
- Je crois que Dieu a dû être profondément attristé, bien plus que nous ; mais
depuis des années, nous lui disons de sortir de nos écoles, de sortir de nos
gouvernements, de sortir de nos vies. En tant que « gentleman », Il s'est discrètement
retiré. Comment pouvons-nous espérer que Dieu nous donnera sa bénédiction et sa
protection si nous insistons pour qu'Il se retire de nos vies ?
Concernant les récents événements, attaques terroristes, tuerie dans les écoles,
guerres, etc. Je crois que cela commença avec Madeleine Murray O'Hare qui ne
voulait plus la prière dans les écoles. Et nous avons dit : OUI.
Puis un autre a dit que nous ne devrions pas lire la Bible à l'école ; la même
Bible qui enseigne : Tu ne tueras point ; tu ne voleras point ; tu aimeras ton
prochain comme toi-même. Et nous avons dit : OUI.
Ensuite, le Dr Benjamin Spock disait que nous ne devrions pas taper nos enfants
quand ils agissaient mal, car leur petite personnalité serait faussée et nous pourrions
altérer leur estime personnelle (Le fils du même docteur s'est suicidé). Nous croyons
qu’un expert sait de quoi il parle ; alors, nous avons dit : OUI.
Maintenant, nous nous demandons : pourquoi nos enfants n'ont pas de
conscience ? Pourquoi, ne font-ils pas la différence entre le bien et le mal ? Pourquoi
peuvent-ils sans émotion tuer un étranger, un des leurs ou eux-mêmes ? En y
réfléchissant profondément, peut-être en viendrons-nous à la conclusion que nous ne
faisons que récolter ce que nous avons depuis longtemps semé.
C'est drôle de voir à quel point il est simple pour les gens de rejeter Dieu et se
demander ensuite pourquoi le monde devient un enfer !
C’est drôle de voir à quel point nous croyons tout ce que les journaux disent et
remettons en question tout ce que la Bible dit.
C'est drôle de voir que nous pouvons envoyer des messages internet qui se
répandent comme un feu de paille, mais lorsqu'il s’agit d’envoyer un message à
propos de Dieu, les gens réfléchissent à deux fois avant de le partager.
C'est drôle de voir que des articles impudiques, grossiers, vulgaires et obscènes
se propagent si facilement et librement, mais des discussions publiques sur Dieu sont
supprimées des écoles et des entreprises.
C'est drôle de voir que lorsque vous lirez cette histoire, vous ne la partagerez pas
probablement avec beaucoup de personnes parce que vous ne savez pas en quoi ils
croient ou ce qu'ils penseront de vous.
C'est drôle de voir que nous nous préoccupons davantage de ce que les gens
pensent de nous que de ce que Dieu pense de nous.
Partagez cette histoire si vous croyez qu'elle en vaut la peine, sinon jetez-la.
Personne ne le saura ! Mais si vous vous la jetez, sans la partager, ne vous plaignez
pas du mauvais état du monde dans lequel nous vivons !
132
- Une vie est trop courte, plusieurs vies seraient nécessaires
pour accomplir nos aspirations.
- La réincarnation enseignant que nous récoltons dans cette
vie ce que nous avons semé nous rend responsables de nous-
mêmes, de notre prochain et du monde en général.
- La croyance dans la réincarnation devrait engendrer
l’amour universel, car tous les êtres vivants actuels amis ou
ennemis, au cours de leurs existences passées ont été nos
parents, enfants, frères, sœurs, amis…
- La croyance en la réincarnation devrait supprimer tout
racisme, toute guerre de religion, car nous aurions tous été :
blancs, noirs, rouges, jaunes, juifs, arabes, chrétiens,
bouddhistes, hindouistes…
- On peut être scientifique et ne pas avoir à rougir en se
proclamant réincarnationnistes.
La réincarnation est aussi « vieille » que le monde
On croit non seulement que la réincarnation était à l’origine
du monde, mais qu’elle fut détrônée par les religions
monothéistes et qu’à notre époque, elle reprend de bon droit
la place qui fut la sienne. Qu’en est-il exactement ? Il n’en
est pas fait mention dans l’Antiquité égyptienne, assyrienne,
chaldéenne, grecque. Elle apparaît en Grèce seulement vers
le VI ième siècle avant notre ère après la conquête de l’Inde
par Alexandre le Grand. Nous avons vu qu’il n’en est pas fait
mention dans les Védas. Elle en deviendra un concept
incontournable dans les Upanishad entre VIII et VII ième
siècle avant notre ère, puis dans la Bhagavad-Gîta bien plus
tard vers le II ième siècle avant notre ère.
Si la croyance en la réincarnation est ancienne, elle ne l’est
pas autant qu’on a tendance à le croire. Ensuite, un critère
d’ancienneté n’est pas forcément une preuve de vérité
absolue.
Observations troublantes

133
- Le sentiment du déjà-vu ou vécu ou entendu : Visiter un
pays pour la première fois et reconnaître des endroits jamais
vus auparavant ; lire un poème et avoir l’impression de le
connaître ; mieux fermer le livre et réciter les strophes qui
suivent…
- Dons des langues : Parler soudainement une langue sans
l’avoir apprise.
- Enfants prodigues : Comme Mozart par exemple qui
composait et jouait des œuvres dès son enfance.
- Régression dans les vies antérieures sous hypnose : C’est
un des points d’appui le plus évoqué pour prouver la
réincarnation. Faits amusants. Certains hypnotiseurs
pratiquant cette technique reconnaissent avoir eu affaire sur
le même divan à plusieurs Christ, Napoléon, Jeanne d‘Arc,
etc. En général, des personnages importants ou
extraordinaires comme des moines, des sorcières, des prêtres
égyptiens, des atlantes, des templiers. Mais rarement des
plombiers, employés de bureau, boucher, ménagères…
Autres croyances pouvant expliquer ces observations
troublantes
- Réincarnation à « l’africaine » : Les ancêtres défunts dans
l’au-delà, restent en communication avec les vivants. Il
arrive qu’un enfant soit pris en charge par l’esprit du grand-
père décédé qui lui insuffle son énergie, son esprit, ses
pouvoirs. Cette relation peut aller de la simple influence
jusqu’à la possession du corps par l’esprit du mort.
- Spiritisme : Les morts pourraient entrer en communication
avec les vivants par des techniques diverses, mais en
particulier par l’intermédiaire de personnes ayant des
qualités médiumniques. Ils pourraient alors leur « parler »,
« donner des révélations », « utiliser leur voix », « posséder
leur corps » et donc s’exprimer à travers elles.
- Télépathie et télé-empathie : Non seulement la
communication à distance par la transmission de pensée ;
mais communication avec le passé, les objets vivants ou
134
inanimés (arbres, maisons, églises, pierres) qui nous
entourent témoins impassibles dans le temps de tant
d’évènements.
- 52Une théorie sans réincarnation, sans Dieu, sans âme :
On pourrait dire « scientifique » donnerait une réponse à
toutes ces observations troublantes. Lorsque nous mourrons,
notre corps se transforme en « poussière » d’atomes qui se
répand dans l’atmosphère. Ces « poussières » sont remplies
des potentialités, souvenirs, énergies, esprit des morts. Ainsi
dans l’espace tout autour de nous circulent des poussières de
Napoléon, César, Einstein, Louis XIV, Jeanne d’Arc, Victor
Hugo… que nous respirons à chaque instant. Nous sommes
plus ou moins réceptifs à leurs influences. Certaines
personnes le sont à un point tel qu’elles peuvent (sous
certaines conditions : états paranormaux, médiumniques,
hypnose…), voir, ressentir, entendre, exprimer, vivre ce que
les morts célèbres ou anonymes ont vu ressenti, entendu,
exprimé, vécu.
Dix-septième point : D’une part, la croyance en la
réincarnation est souvent fondée par des idées fausses et l’on
constate que d’autres croyances répondent logiquement aux
questions existentielles de l’être, de Dieu et du monde.
D’autre part, donner une réponse logique ou satisfaisante en
aucun cas ne signifie donner obligatoirement la vraie
réponse.

52 Je n’ai pas retrouvé les références de cette théorie qui s’assimile


d’une certaine manière à la réincarnation bouddhiste.
135
CONCLUSION
Ce passage de la vie du Bouddha, pourrait servir de
conclusion à l’Hindouisme :
« 53Le Bouddha passait une fois par une petite ville appelée
Kesaputta, dans le royaume de Kosala. Ses habitants étaient
connus sous le nom de Kalama. Lorsqu’ils apprirent que le
Bouddha se trouvait chez eux, les Kalama lui rendirent visite
et lui dirent : « Seigneur, des solitaires et des brahmanes qui
passent par Kesaputta, exposent et exaltent leurs propres
doctrines, et ils condamnent et méprisent les doctrines des
autres. Puis viennent d’autres solitaires et brahmanes qui eux
aussi, à leur tour, exposent et exaltent leurs propres doctrines
et ils condamnent et méprisent les doctrines des autres. Mais
pour nous, Seigneur nous restons toujours dans le doute et la
perplexité quant à celui de ces vénérables solitaires et
brahmanes qui a exprimé la vérité et quant à celui qui a
menti. »
Le Bouddha leur donna alors cet avis, unique dans l’histoire
des religions :
« Oui, Kalama, il est juste que vous soyez dans le doute et la
perplexité, car le doute s’est élevé en une matière qui est
douteuse. Maintenant, écoutez, Kalama, ne vous laissez pas
guider par des rapports, par la tradition ou par ce que vous
avez entendu dire. Ne vous laissez pas guider par l’autorité
de textes religieux, ni par la simple logique ou l’inférence, ni
par les apparences, ni par le plaisir de spéculer sur des
opinions, ni par des vraisemblances possibles, ni par la
pensée, « il est notre Maître ». Mais Kalama, lorsque vous
savez par vous-même que certaines choses sont défavorables,
fausses et mauvaises, alors, renoncez-y... Et lorsque par
vous-même vous savez que certaines choses sont favorables
et bonnes, acceptez-les et suivez-les. »

53 L'enseignement du Bouddha par Wapola Rahula


137
Le Bouddha dit aux bhikkhus (moine de l’ordre ou Sangha)
qu’un disciple devrait même examiner le Tathâgata
(Bouddha) lui-même, de manière qu’il (le disciple) pût être
entièrement convaincu de la valeur véritable du Maître qu’il
suit.
Les religions de l’Inde comportent de belles théories, de
magnifiques conceptions, certainement des trésors de vérités,
mais englués dans des doctrines d’homme. Trop de questions
essentielles dans l’Hindouisme restent sans réponses. Sans
compter ses contradictions nombreuses sur les points de
doctrines fondamentaux. Ces concepts approfondis tout
comme pour les Kalama nous laissent dans le doute et la
confusion. Le Bouddha nous renvoie à nous-mêmes pour
discerner le vrai du faux et nous conseille d’éprouver non
seulement les enseignements, mais également le Maître qui
les dispense. Merveilleux conseil ! Mais est-ce suffisant pour
connaître la Vérité ; cette Vérité qui est la connaissance des
choses telles qu’elles étaient, sont et seront ? Je ne le crois
pas ! Cette recherche de la Vérité absolue nous tourne vers
Jésus et ses sublimes paroles :
Actes 4 : 12 Il n’y a de salut en aucun autre ; car il n'y a
sous le ciel aucun autre nom qui ait été donné parmi les
hommes, par lequel nous devions être sauvés.
Jean 11 : 25 Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie.
Celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort…
Jean 3 : 16 Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné
son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse
point, mais qu'il ait la vie éternelle.
Jean 5 : 26 Car, comme le Père a la vie en lui-même,
ainsi il a donné au Fils d'avoir la vie en lui-même.
Jean 6 : 47 En vérité, en vérité, je vous le dis, celui qui
croit en moi a la vie éternelle.
Jean 17 : 3 Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent,
toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ.
Jean 8:32 Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous
138
affranchira.
Jean 14 : 6 Jésus lui dit : Je suis le chemin, la vérité, et la
vie. Nul ne vient au Père que par moi.
Dans le Nouveau Testament, Jésus prononce une centaine de
fois son impressionnante formule : « Je vous le dis en
vérité… » ou « En vérité, en vérité je vous le dis… » Cela à
ma connaissance, aucun Maître n’a osé le dire. Pourquoi ?
Parce que Jésus est le seul qui ait parlé avec l’autorité divine
venant du Père :
Matthieu 7 : 28 à 29 Après que Jésus eut achevé ces
discours, la foule fut frappée de sa doctrine ; Car il
enseignait comme ayant autorité, et non pas comme leurs
scribes.
C’est pourquoi, j’ai le témoignage54 que tout maître spirituel,
peut élever l’homme dans sa condition humaine et l’aider à
atteindre des hauts sommets ; Mais seul le Christ, après avoir
grandi l’homme dans son humanité, peut grâce à son
sacrifice expiatoire, l’élever à la divinité, car littéralement,
« Jésus-Christ est le Dieu qui s’est fait Homme pour que les
hommes puissent devenir des dieux ».
1 Jean 3:2 Bien-aimés, nous sommes maintenant enfants
de Dieu, et ce que nous serons n'a pas encore été manifesté ;
mais nous savons que, lorsque cela sera manifesté, nous
serons semblables à lui, parce que nous le verrons tel qu'il
est.

54 Voir de l’auteur « Jésus-Christ, le Dieu qui s’est fait homme… »


139
Bibliographie
Spiritualité hindoue, Jean Herbert
Bouddha en son temps, Louis Frédéric
Les religions de l’humanité, Michel Malherbe
La réincarnation Oui ou Non ? Pascal Thomas
Comment se pose aujourd’hui le problème
de l’existence de Dieu, Claude Trémontant
La force du bouddhisme, Sa Sainteté Le Dalaï- Lama et JC
Carrière
La Bhagavad-Gita telle qu’elle est, Sa Divine Grâce A.C.
Blaktivedanta Swami Prabhupada
Les Religions Orientales, René Girault
Bouddha, le Christ... Quelle voie ? Olga Kozak
Réincarnation Des Preuves Aux Certitudes, J.L Siemons
La Réincarnation Théorie, Science Ou Croyance, André
Couture
Pour en finir avec le darwinisme, Rosine Chandebois
La théorie de l’évolution, C.Devillers et J.Chaline
L’évolution : hypothèses et problème, Rémy Collin
La Bible
Encyclopédie Universalis
L’enseignement du Bouddha, Walpola Rahula

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