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NEXSON TD5

Royanshy
42006358

Sociologie des classes sociales :


Compte rendu

16/12/2022
L’entretien retranscrit

Pour réaliser cet entretien, j’ai fait appel à ma mère, NEXSON Mary, à qui j’ai adressé
diverses questions permettant de retracer sa vie, des moments les plus difficiles à la femme
qu’elle est aujourd’hui. A travers cet entretien, nous étudierons donc de quelle manière le
déplacement migratoire lui a permis de « sauver » son destin.

Royanshy : « Bonjour maman ! Tu es ici avec moi aujourd’hui dans un cadre scolaire, où je
vais devoir te poser plusieurs questions, sur ta vie, ta famille, ton parcours scolaire, ton milieu
professionnel, je te demande seulement d’y répondre à cœur ouvert. On peut se tutoyer, mais
lorsque je vais te poser les questions, réponds-y comme si je ne savais rien de toi. »

Mary : « Très bien. Juste une question… Je vais devoir parler entièrement en français ? Parce
que je sens que cela va être un peu compliqué » Rires.

Royanshy : « Rires. Non non, je te pose les questions en tamoul, tu y réponds également en
tamoul, je traduirais tout lors de ma mise en page. C’est bon, on peut commencer ? »

Mary : « Alors c’est bon, on peut y aller. »

Royanshy : « Tout d’abord, tu peux me donner ton âge et ce que tu fais dans la vie ? »

Mary : « Bien, j’ai 48 ans et je suis agent de restauration collectif dans une école primaire. »

Royanshy : « As-tu toujours été dans le monde de la restauration ? »

Mary : « Oh non, du tout. J’ai commencé à travailler deux ans après la naissance de ma
première fille, en 2006, pour subvenir aux besoins de ma fille, car les revenus de mon mari ne
suffisaient plus pour nous trois. Alors via un ami, je suis allé dans une agence de nettoyage
pas loin de chez nous, et j’y travaillais deux fois par semaine, les lundis et jeudis matin. Mais
j’ai dû m’arrêter lorsque j’étais enceinte de ma deuxième fille. J’ai repris deux ans après, en
2011, en m’inscrivant à l’association CBL Réagir, où ils nous trouvent des boulots. Pendant
près de 10 ans, je faisais du ménage chez des personnes plutôt âgées, seules, qui ne pouvaient
donc pas s’occuper de leurs domiciles. C’est en juillet 2020 que j’ai reçu une demande afin de
travailler en tant qu’agent de restauration collectif, dans l’ancienne école de mes filles. J’ai
immédiatement accepté, et j’y travaille donc depuis août 2020. »
Royanshy : « Tu as donc pu acquérir de beaucoup d’expériences, je me trompe ? »

Mary « Rires. Ça, c’est certain ! »

Royanshy : « Comment tu faisais au début, pour pouvoir communiquer avec les gens chez qui
tu allais travailler ? La barrière linguistique ne t’a jamais posé un problème ?»

Mary : « Oh que si, et combien de fois même ! Encore aujourd’hui, mon français n’est pas
toujours correct, j’essaie de m’améliorer comme je peux, mais il est vrai qu’au tout début, je
ne me faisais pas toujours comprendre par les autres. Je suis allée dans des écoles où d’autres
étrangers comme moi venaient pour apprendre le français. C’est initialement grâce à ces cours
qu’aujourd’hui, mon français est à peu près compréhensible. Mes collègues m’aident
également en me reprenant si je commets des erreurs, en me corrigeant. Mes enfants aussi
sont d’un grand soutien quotidiennement, ils me mettent des dessins animés pour que je
puisse apprendre des expressions françaises. Rires. Par exemple, j’aime énormément la
conjugaison et l’orthographe de la langue française, elle est différente de l’anglais, et encore
plus différente du tamoul ! Regarder des films et séries dans la langue dans laquelle on veut
s’améliorer est plus amusant que de devoir des tonnes de livres je trouve. »

Royanshy : « Il est vrai que c’est mieux. Par rapport à vous maintenant, quand est-ce que vous
êtes venus en France ? Dans quel contexte ? »

Mary : « La fin des années 1990 et le début des années 2000 ont été marqué par cette guerre
civile au Sri Lanka, où la population tamoule subissait violences et atrocités sous le silence
mondial. Tout d’abord, il faut savoir que j’avais vécu en Inde de 1992 à 1997 avec ma grande
sœur, je voulais absolument y aller avec elle, et j’avais réussi. Dès que je suis revenue, ma
mère et mon grand frère me faisait allusion à un potentiel mariage. Chez nous, les mariages
arrangés n’étaient pas atypiques, j’avais alors 23 ans, ma mère m’expliquait donc qu’elle
connaissait le fils d’un ami, il était en Allemagne à cette époque. Elle me disait de lui parler
au téléphone, et de voir si je suis d’accord. J’avais donc compris que dans les années qui
allaient suivre, j’allais quitter ma famille, ma terre natale, pour l’étranger. Et donc c’est là que
j’ai commencé à parler avec ton père. Entre 1997 et 2001, il a eu le temps de s’installer en
banlieue parisienne avec ses amis, et dès que mon passeport et ma pièce d’identité étaient
prêts, je quitte ma famille et j’arrive en France en 2002, dans un hiver plus que glacial. Cela
fait maintenant 20 ans que je suis en France, et je remercie tous les jours ma mère de
m’envoyer ici parce qu’en vivant et en travaillant ici, j’ai de nombreuses fois pu aider ma
famille là-bas, notamment pendant la crise économique de cette année. »

Royanshy : « Par rapport au cadre scolaire, jusqu’où as-tu poursuivi tes études ? »

Mary : « Eh bah vu que je suis partie en Inde avec ma grande sœur à l’âge de 17 ans, je n’ai
pas pu obtenir mon bac. Là-bas, j’ai obtenu un diplôme que l’on obtient à la fin de la CM2, et
le brevet. »

Royanshy : « Est-ce que t’as déjà regretté d’être venue ici, vivre dans un pays inconnu, avec
un mari qui, sans te mentir, tu ne le connaissais pas tellement venant ici, cette barrière de la
langue qui a pu t’empêcher de t’exprimer… ? »

Mary : Il est vrai qu’au départ, je n’avais pas de repères, alors je me refermais sur moi-même,
ma mère me manquait beaucoup, mes frères, mes sœurs, ma maison. Mais j’ai eu de la chance
d’avoir un mari qui m’a toujours aidé, malgré le fait que lui aussi il rencontre des difficultés
avec la langue française. Mais aujourd’hui, je le regrette encore moins, avec deux filles
incroyables Rires. Mon objectif maintenant, c’est qu’elles réussissent à leur tour, ce que mon
mari et moi n'avons pas pu accomplir, qu’elles le fassent. Et je sais qu’elles font tout pour
nous rendre fiers, elles ont une pression supplémentaire comparé aux autres enfants de leur
âge, avec des parents et un héritage français. Il y a une fois où ma fille ainée, en CE2 il me
semble, voulait que je l’aide avec son devoir de vocabulaire. Je regardais, je lisais encore et
encore mais je ne parvenais pas à comprendre. Je me sentais alors comme une mauvaise mère,
à peine capable d’aider son enfant pour un devoir d’un tel niveau. Pause. J’aurais voulu être
davantage plus présente dans leur parcours scolaire, mais je ne pouvais pas. Je faisais mon
maximum, et après le collège, elle s’occupait elle-même de son devoir. Elle est par exemple la
première à avoir obtenu le bac dans la famille car ni mon mari, ni moi l’avons. Et pour moi,
c’est ça ma plus grande réussite. »

Royanshy : « Cela n’est jamais facile pour enfants d’immigrés, mais tu t’es toujours souciée
de bien faire et de nous aider comme il fallait, alors merci pour tout. Pour terminer, il y’a-t-il
un évènement qui t’a marqué dans ta vie ? »

Mary : « Je pense que c’est la non-présence d’un père dans la vie, que ce soit l’éducation,
mon mariage, par rapport à mes enfants. J’ai perdu mon père à l’âge de 6 ans. Je n’ai donc pas
tant de souvenirs que ça avec lui, mais j’aurais aimé qu’il soit là, à mes côtés pour les
moments importants de ma vie. Je pense que ce sont surtout les conséquences de son départ
qui m’a marqué : ma mère est blessée au genou, elle ne peut pas se déplacer, donc elle n’a pas
pu travailler pour subvenir à nos besoins. Mon plus grand frère s’est occupé de prendre le
relai de mon père en tant que pêcheur, et c’est cela qui nous a en quelque sorte nourri et logé.
Ma grande sœur, elle, faisait de la couture dans la ville, alors avec l’argent qu’elle rapportait,
on soignait ma mère. Aujourd’hui, je m’occupe de ma famille en leur envoyant
mensuellement une somme d’argent pour pouvoir les aider au maximum, malgré cette longue
distance. »

Royanshy : « Eh bien, je te remercie de m’avoir répondu à ces questions, j’ai adoré pouvoir
parler avec toi de tout cela, il est vrai que je ne pense pas toujours à te parler de ton passé ou
quoi, alors l’avoir fait ici m’a permis d’en connaitre encore plus sur toi, alors merci encore ! »

Mary : « En espérant que tu auras un bon résultat grâce à moi ! Rires. »


Analyse de l’arbre généalogique

Dans ma famille, nous sommes donc au total 16. Mes grands-parents maternels, Johnson
(1939-1981) ET Margaret (1942-) ont eu 3 enfants : Mon oncle Bruno (1962), Lalitha (1966),
et Mary (1974), ma mère. Quant à mon côté paternel, mes grands-parents Veera (1947) et
Malar (1951) ont eu deux enfants : Nexson (1971) et Prince (1980). Nous verrons donc de
quelle manière ma famille présente des dynamiques de mobilités sociales.

Tout d’abord, il faut savoir que dans ma famille, seuls mon père, ma mère et
le frère de mon père, mon oncle sont venus à l’étranger. Ils habitent tous en banlieue
parisienne. Le reste de ma famille habite au Sri Lanka. Mon oncle s’est marié en France, tout
comme mes parents, et ont eu leur enfant en France. Malgré le fait que les conditions de vie
soient meilleures en Europe, il y a des jours où il est difficile pour eux. Leur famille leur
manque, leur métier n’est pas toujours facile, la maitrise de la langue n’est pas encore
parfaite, mais ils le font pour leurs enfants. C’est exactement ce qu’explique NEXSON Mary
dans son entretien : « il y a des jours difficiles, mais je ne regrette rien de tout cela. » Tout
comme pour les enfants d’immigrés, les adultes peuvent eux aussi faire face à des moqueries,
des remarques dénigrantes et discriminantes sur leur pays, leur passé.
Cependant, le contexte d’immigration est différent pour mon père et pour ma
mère. Mon père a arrêté l’école après le « niveau 10 », équivalent de la 3e en France.
Passionné d’aventures, il se décide de découvrir le continent asiatique dès l’âge de 18 ans
avec son ami. Au fur et à mesure, il explore l’Europe et vit même en Allemagne pendant un
certain temps, avant d’aller définitivement s’installer en France, avec l’arrivée de ma mère.
Tandis que pour ma mère, la raison est financière, c’était d’abord pour la fuite de la guerre, et
ensuite pour pouvoir avoir une vie meilleure tout en aidant sa famille. Prince, le frère de mon
père, est venu en France en 2007, il avait ici comme repère son frère, qui l’a aidé au
maximum pour l’installation.
En étant la fille ainée de deux parents immigrés, je peux comprendre et je
vois par mes propres yeux à quel point il est difficile pour eux de toujours être là pour nous.
C’est-à-dire qu’ils veulent toujours donner leur maximum pour que nous puissions ne
manquer de rien. Pour cela, je sais même que mon père travaillait à des heures tardives afin de
pouvoir gagner plus et de mettre fin à des dettes qu’il avait à l’époque. C’est en partie pour
cette raison là que ma mère a commencé à travailler. De plus, il y avait également quelques
soucis dans la famille, des tensions entre ma mère et la famille de mon père, mais tout s’est
arrangé entre temps. Toutes ces informations, je les ai seulement apprises en partie grâce à cet
entretien avec ma mère, mais également lorsque j’ai appelé mes grands-parents pour m’aider
à faire mon arbre généalogique.
Pour conclure, à travers cet exercice, j’ai davantage appris sur ma famille,
les difficultés rencontrées par chacun d’entre eux tout au long de leur vie, et leur situation
actuelle. Afin de réaliser cet arbre généalogique, j’ai d’abord contacté ma grand-mère
maternelle, à qui j’ai demandé quelques anecdotes sur ma mère lorsqu’elle était plus jeune,
des informations sur mon grand-père lorsqu’il était vivant, sur son enfance. Ensuite, j’ai
appelé mes grands-parents paternels, et leur ai expliqué ce projet. Ils ont dès lors acceptés, et
m’ont à leur tour raconté des anecdotes sur leur famille, quand ils étaient tous au Sri Lanka.
Enfin, j’ai visité mon oncle pendant les dernières vacances scolaires, et je lui ai demandé par
rapport à son déplacement de son pays natal jusqu’ici. J’ai appris énormément d’éléments par
rapport à chaque membre de ma famille.

ANNEXE
Schéma de l’arbre généalogique

Johnson Margaret Veera Malar

26/10/1939 14/06/1942 23/03/1947 17/10/1951

Bruno Lalitha Mary Nexson Prince


Sira
Theepa
30/09/1962 15/10/1966 09/10/1974 23/04/1971 15/10/1980 28/07/1985

Royanshy Rinushy Prishon

Srien Diviniya
24/05 23/05/1999
1990
21/10/2004 20/04/2008 02/10/2017

Légende:

: Femmes

: Hommes

: Enfants de

: Union
Tableau synthétique

Pour information : je n’ai pas pu classer les autres membres de ma famille, je n’avais pas leur
accord.
Bibliographie :

-Appels téléphoniques avec la famille au Sri Lanka

-Entretien d’une heure avec ma mère

-Visite chez mon oncle

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