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LE COMMERCE ELECTRONIQUE ET LA CONTINUITE DE LA CHAINE

LOGISTIQUE
De l'approvisionnement des sites à la livraison aux consommateurs

Emmanuel Kessous

Lavoisier | « Réseaux »

2001/2 no 106 | pages 103 à 133


ISSN 0751-7971
Article disponible en ligne à l'adresse :
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https://www.cairn.info/revue-reseaux1-2001-2-page-103.htm
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LE COMMERCE ELECTRONIQUE
ET LA CONTINUITE DE LA CHAINE
LOGISTIQUE

De l’approvisionnement des sites à la livraison


aux consommateurs

Emmanuel KESSOUS
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© Réseaux n° 106 – FT R&D / Hermès Science Publications – 2001


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A
vec le développement de l’internet et du commerce électronique, la
logistique, pour les biens matériels tout au moins, devient un enjeu
essentiel. Bien des prophètes de la « nouvelle économie » voyaient
il y a encore un an dans le commerce électronique un média permettant par
la juxtaposition d’une relation directe aux consommateurs et une exploitation
fine des bases de données, une source inexplorée de création de valeur par
un marketing ajusté « one to one1 ». Aujourd’hui, le contexte a changé. Les
valeurs boursières des sociétés internet ont subi de sévères corrections que
chacun s’accorde à qualifier de nécessaires et les consultants qui hier encore
montaient le segment B to C sur piédestal conseillent aujourd’hui d’investir
dans des sociétés positionnées sur le B to B, certains d’entre eux allant
même jusqu’à prédire dès à présent la mort probable d’un nombre important
d’entreprises positionnées sur le segment fragile de la vente directe aux
consommateurs par l’internet2. Les praticiens de l’économie (ancienne et
nouvelle) ne sont d’ailleurs pas en reste dans l’élaboration et la diffusion de
ce nouveau discours. Pour ne prendre qu’un exemple, SAP, entreprise leader
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sur le segment des ERP, a bâti sa dernière campagne de communication sur
le thème de la profitabilité, qualifiant le secteur des entreprises qui s’y
emploient de « nouvelle nouvelle économie3 ».

Est-ce à dire que la médiation électronique des échanges ne modifie qu’à la


marge le secteur de la vente à distance, renvoyant aux calanques grecques
l’émergence de ce « nouveau monde industriel » tant de fois annoncée dans

1. ROGERS, PEPPERS, 1997.


2. Voir, par exemple, le cabinet de consultant Merber Management qui vient de publier une
étude portant sur 270 entreprises. Les auteurs estiment que 57 % d’entre elles ont une
capitalisation boursière inférieure à leur introduction en bourse, que de « nombreuses
entreprises » ont un business model peu robuste privilégiant les revenus indirects et sans
aucun seuil de rentabilité. http://www.01net.com/printerArticle/0,5112,1645+125509,00.html.
3. « L’e-business tient ses promesses : il n’a rien perdu de son importance stratégique avec
l’émergence de la nouvelle économie. Bien au contraire, des notions telles que la
planification, l’infrastructure technologique et la profitabilité que l’on a un temps considéré
comme dépassé, sont de retour. Bienvenue dans la nouvelle « nouvelle économie ». (…) », Le
Monde, samedi 28 octobre 2000, p. 21.
106 Réseaux n° 106

la littérature économique4 ? Nous n’irons pas jusque-là. Mais sa spécificité,


si spécificité il y a, s’exerce moins, tout au moins aujourd’hui, sur le
caractère dématérialisé de la transaction que sur les transformations
organisationnelles qu’engendreront à terme l’utilisation de l’internet et la
diffusion des croyances sur ces potentialités5. Pour le dire en utilisant un
vocabulaire qu’apprécient les praticiens de la « nouvelle économie », les
transformations de l’internet porteront dans un premier temps moins sur le
« front office » que sur le « back office ». Il apparaît donc clairement dès ses
prémisses6 que le développement du commerce électronique dépend en
premier lieu de la maîtrise de l’épreuve logistique sur laquelle se déclinent
les contraintes coûts/productivité (donc en partie de rentabilité) et également,
bien que cela soit moins intuitif, de marketing relationnel (par l’impact
d’engagement sur les délais de livraison essentiellement).

Le commerce électronique ne constitue pas une rupture radicale avec la vente


à distance traditionnelle, mais procède par microdéplacements. Ceux-ci,
notamment dans les caractéristiques de l’offre, provoquent des tensions tant
sur la partie « chaîne d’approvisionnement » que sur la partie « relation
client ». Des deux pôles de tensions, seules les premiers sont véritablement
critiques et impliquent nécessairement à court terme des innovations
organisationnelles. Vu sous cet angle, les investissements massifs dans les
entreprises non rentables du commerce électronique B to C ne sont pas
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forcement irrationnels. Ils constituent les étapes nécessaires à l’acquisition,
par processus d’essais/erreurs, du savoir nécessaire au développement d’un
modèle de vente à distance capable de s’inscrire dans un régime
d’économies d’envergure. Ce que nous nous proposons de faire dans cet
article, c’est de prolonger le diagnostic en regardant à quel niveau s’exercent
les tensions sur la chaîne d’approvisionnement/livraison et comment les
acteurs s’efforcent de les résoudre.

4. Pierre VELTZ, 2000, met en perspective un nouveau modèle économique associant des
principes tayloriens de rationalisation avec un ajustement des produits à la demande que l’on
qualifiera pour simplifier de marchand. Mais, outre l’analyse d’Internet, cette évolution
s’inscrit également dans les écrits antérieurs d’auteurs institutionnalistes (PIORE et SABEL,
1984) et régulationnistes (BOYER et DURAND, 1993).
5. Sur l’importance des croyances dans les activités économiques et de la spéculation
autoréférentielle comme mécanisme de leur réalisation, on se reportera aux travaux d’André
Orléan, par exemple, ORLEAN 2000.
6. Voir notamment les conclusions du rapport LORENZ, 1998.
La continuité de la chaîne logistique 107

Pour mener à bien notre analyse, nous nous sommes appuyés sur des
exemples recueillis lors d’entretiens avec des acteurs du commerce
électronique. Plus que le caractère représentatif d’un corpus, nous avons
cherché à différencier quelques cas sensiblement différents, mais aussi
suffisamment représentatifs pour en tirer des conclusions généralisables7.
Bien que notre objet d’étude soit la distribution des produits au
consommateur final, nous devons, pour bien saisir les enjeux logistique du e-
commerce, regarder l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement des
produits (supply chain) lors d’une vente en ligne. Cette perspective nous
conduira à refuser la séparation consacrée par la presse spécialisée entre le B
to B et le B to C parce que cette segmentation, si elle est pertinente pour
l’offreur de technologie, l’est beaucoup moins pour l’analyste des
déplacements engendrés. Il en est de même de la distinction faussement
intuitive entre biens matériels et immatériels qui laisserait à penser que les
seconds ne posent aucun problème techniques de médiation et de
distribution. Dans cette acception, la définition du commerce électronique
prend un sens plus large ne se limitant pas à la transaction, mais incorporant
également les artefacts techniques (par exemple les automates dans les gares
sur lesquels les internautes viennent chercher leur billet).

Notre démarche analytique consiste à prendre au sérieux le discours et les


pratiques des intervenants de l’économie, que ces derniers soient des
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théoriciens, des chercheurs, des journalistes ou des entrepreneurs. En effet,
et comme l’énonce très clairement Michel Callon, Cécile Meadel et
Vololona Rabeharisoa dans un article récent8 : « Les marchés économiques
sont pris dans une activité réflexive : les acteurs concernés se posent
explicitement les questions de leur organisation et, à partir de l’analyse de
leur fonctionnement, s’efforcent de concevoir et d’établir de nouvelles règles
du jeu. » Cette transformation s’effectue, selon les auteurs, grâce à la
constitution de « forums hybrides » dans lesquelles intervient à tour de rôle
l’ensemble des acteurs que ceux-ci soient praticiens, chercheurs ou
représentants d’institutions de régulation. Dans cette conception, l’économie

7. Ce travail exploratoire sera prolongé en 2001 par une recherche comparative sur trois
filières d’approvisionnement (les produits gris, le textile et l’alimentaire) réalisée en
collaboration avec Eric Brousseau (Université de Paris-X-Nanterre), Christian Licoppe et
Adelaïde Melain (France Télécom R&D) dans le cadre d’un appel d’offre du Prédit
(Ministère de l’Equipement).
8. CALLON, MEADEL et RABEHARISOA, 2000.
108 Réseaux n° 106

redevient politique et les prises de parole des économistes formatent la


réalité autant qu’elles l’expliquent.

L’un des domaines souvent en discussion par les praticiens ainsi que par les
théoriciens économiques depuis une trentaine d’année concerne
l’appréhension de la qualité des biens sur le marché9. Or, il apparaît de plus
en plus clairement grâce aux nombreux travaux sur la question que
l’objectivité de ces qualités dépend d’opérations de qualification prenant en
compte les caractéristiques de production (le temps, le lieu de
consommation, les propriétés intrinsèques du bien…), mais également des
opérations conventionnelles de normalisation10, l’usure du produit, les
réseaux de connaissances qui permettent d’y accéder, etc.

Transposée au commerce électronique, la question de la qualité se focalise


sur la prestation logistique. C’est en effet dans une réponse adaptée à la
singularité du client que l’entreprise de e-commerce pourra valoriser son
service, la qualité émergeant d’un processus de coproduction dans lequel
intervient l’offreur, mais également le demandeur. L’argument principal de
cet article est que la logistique est le chaînon central permettant de
transformer un bien standard en un produit personnalisé par cette dynamique
de requalification des termes de l’échange. Il convient donc de s’interroger
sur les qualités échangées sur les sites sans considérer celles-ci comme
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naturalisées dans les caractéristiques des biens. Cette démarche mise à profit
de manière féconde depuis quelques années par le courant
conventionnaliste11 rejoint les préoccupations de Jean Gadrey12 qui suggère
d’introduire la relation de service dans les modes d’évaluation des modèles
économiques.

9. L’article précurseur en la matière est sans contexte celui d’AKERLOF, 1970. Mais les
débats sur la qualité ont depuis toujours droit de cité dans l’arène politique et ont connu une
intensification avec les nouvelles armes que la révolution industrielle fournissait aux
fraudeurs. Sur ce dernier point voir KESSOUS (1997, chapitre 1).
10. KESSOUS 1997, 2000. MALLARD 2000.
11. Voir par exemple EYMARD-DUVERNAY, 1989 ; THEVENOT 1989. Ainsi que les
nombreux travaux réalisés au centre d’études de l’emploi et à l’université de Paris-
X-Nanterre.
12. GADREY, 2000. Gadrey utilise cet argument pour critiquer l’utilisation comme
indicateurs de croissance de la « nouvelle économie » des outils de la comptabilité Nationale
adaptés à un contexte de croissance fordiste tourné vers l’accumulation de biens.
La continuité de la chaîne logistique 109

Ce texte est donc organisé en trois parties. Dans une première et une
deuxième partie, nous analyserons les déplacements engendrés par la vente
en ligne à travers deux exemples. Le premier sera celui d’un vépéciste dont
l’évolution vers le commerce électronique s’inscrit dans une politique
multicanaux d’adressage du client. Le second, celui d’un nouvel entrant qui
externalise sa prestation en faisant appel à un logisticien spécialisé. Pour ces
deux entreprises type, nous nous interrogerons sur les mises à l’épreuve de
leurs modèles de distribution produits par l’internet. Puis, dans une dernière
partie, nous nous focaliserons sur la nature proprement originale de la
logistique du e-commerce, en regardant les innovations organisationnelles
émergeantes et les tensions entre modes de coordination qu’elles engendrent.

DES DEPLACEMENTS DANS LE MODELE INDUSTRIEL


DE LA VENTE A DISTANCE

Un marché de masse évoluant vers une interface client multicanaux

L’internet est une extension naturelle pour les entreprises de la vente par la
correspondance. Bien que la part la plus importante des commandes passe
encore par la voie postale (environ 53 % du chiffre d’affaires), ces
entreprises ont, depuis une quinzaine d’année, développé d’autres canaux de
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vente comme le téléphone (35 %), le Minitel/l’Audiotel (9 %) et l’internet13
(0,5 %).

Cette évolution dans les canaux de prises de commande, si elle s’effectue en


douceur, n’est pas sans conséquences sur leur modèle de distribution. Les
entreprises de vente à distance sont confrontées à une diminution chronique
de leurs parts de marché14. Dans un tel contexte, l’enjeu des call centers et
de l’internet est de leur permettre d’étendre leur clientèle à de nouvelles
cibles (notamment les jeunes et les hommes). Ces outils sont également un
moyen pour les groupes multi-enseignes de mutualiser l’offre des différents
catalogues et leurs bases de données clients. C’est donc le regroupement de
petit flux venant des différents canaux (dont l’internet) et leur transformation
en flux massifs et industrialisés qui est au cœur de leur développement. Une

13. Source FEVAD (Fédération des entreprises de vente à distance), 1999.


14. La part de marché de la vente à distance dans le commerce détails, déjà faible, ne cesse de
s’effriter. Elle est passée de 2,43 % en 1993 à 2, 34 % en 1999 (4,12 % à 4,01 %
réciproquement dans le commerce de détail non alimentaire.
110 Réseaux n° 106

fois la commande effectuée et quel que soit le canal initial, celle-ci est
injectée dans un processus de production homogénéisé. La commande
courrier (ou l’internet) est traitée de manière indifférenciée par les opérateurs
du colisage et de la supply chain.

« Il y a des axes de communication bien spécifiques, mais qui sont quelque


part convergents, notamment vers la connaissance des clients qui est
centralisée15. »

Cinq à six fois par jour, ces commandes sont injectées dans une chaîne de
traitement, la facturation s’effectuant parfois sur le lieu même de la
préparation de colis.

« Les factures sont éditées sur place. On va dans les stocks – c’est industriel,
c’est high tech. Une usine de confection de colis, il ne faut pas croire que
c’est des gens en ruche. Il n’y a pas beaucoup de personnes, même s’il y en a
quand même quelques-unes. Mais c’est hyper automatisé et donc la
fabrication des colis, le regroupement par zone d’expédition, ça se met dans
des trucs, ça se jette dans des camions de 17 h à 20 h et le matin, il y a toute
une navette de camions qui part pour assurer les livraisons. » (Responsable
de site, vépéciste.)

Evolution des modes de commande pour la vente de produits


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moyenne générale (en % du CA VAD TTC)

1995 1996 1997 1998 1999


Courrier 59,6 58,2 54,8 53,6 53,2
Téléphone 24,8 27,7 30,4 32,8 34,4
Minitel / Audiotel 12,7 11,2 11,6 10,4 9,1
Autres modes (*) 2,9 2,9 3,2 3,2 3,3
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0

(*) Autres modes : fax, bureaux de prise de commande, relais, groupeurs, l’internet (0,5 %).
Source FEVAD.

15. Les parties en italiques sont extraits d’entretiens avec les acteurs de terrain. Ce dernier a
porté sur plusieurs sites de commerce électronique comportant des responsables de sites, des
DSI et des responsables logistiques.
La continuité de la chaîne logistique 111

L’irruption de la figure du client sur la chaîne logistique de traitement


des flux

Si pour certains responsables de l’entreprise industrielle, les interactions


commerciales sur l’internet relèvent de la « mises en scène16 », il n’en
demeure pas moins que l’arrivée de ce nouveau média bouscule la structure
du système d’information. Ce dernier, construit pour gérer une organisation
de travail basée sur des flux papier doit évoluer pour répondre à des
modalités de vente dont l’échelle de temps des interactions n’est plus du
même ordre. Cette refonte du système d’information s’accompagne d’une
imprégnation de la représentation du client dont les comportements
erratiques deviennent désormais des sujets de questionnement commercial.

« Quelqu’un qui va être en train de regarder la 5e page ou la 6e page de


chaussures de jogging par exemple, on peut se dire ‘Tiens, au bout de la 6e,
c’est qu’il est vraiment en train de chercher et il n’arrive pas à choisir’, donc
on peut faire apparaître un bouton où en cliquant en face, on aura accès à
l’expert des chaussures de sport. »

Cette émergence de la figure du client qui sacralise au sein de la firme


industrielle la construction des qualités en interaction se répercute jusqu’au
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bout de la chaîne logistique, au sein même des lieux physiques de la
livraison. Ces derniers doivent dans le nouveau schéma acquérir un nouveau
statut, celui de boutique.

« Aujourd’hui, on ne leur offre que : ‘Prenez votre ticket, attendez, on vous


sert’. Et tout ce qu’on est en train de bâtir aujourd’hui, c’est une évolution de
ces points qui ne font quasiment que de la logistique, comment arriver à les
transformer, que ce soit dans l’architecture, dans le design et dans ce qu’on y

16. L’une des personnes interrogées dénonce ainsi le design d’un site d’une banque en ligne
installé sur une borne interactive dans une galerie marchande : « Vous avez des personnes qui
arrêtent le chaland dans la galerie marchande. En fait il y a un petit espace pas plus grand que
ça, ils l’invitent à rentrer, ils expliquent ce qu’on peut y faire ici et puis ils les amènent. Il y a
deux coins un peu plus intimes derrière les paravents où vous rentrez en visioconférence avec
quelqu’un qui est – alors, là, il y a toute une mise en scène – dans une salle des marchés, et le
côté intéressant, c’est qu’il y a des écrans type REUTER derrière la personne qui montrent
qu’au bout du fil, on a un expert, on n’ai pas un rigolo dans sa salle de bains, mais il y a
quelqu’un qui est dans une salle de marchés, donc ça crédibilise l’histoire. (Q. : Et il n’est pas
réellement dans une salle des marchés ?) Non, il est dans un bureau, dans un centre d’appels
de banque ! »
112 Réseaux n° 106

propose en termes de bornes, de présence d’individus, comment on peut


amener ces points logistiques en des points de ventes qui vont permettre de
faire plus de chiffre. » (Responsable de site vépéciste.)

La montée en puissance du processus de flux tendus dans la chaîne


logistique sur laquelle nombre d’enseignes jouent leur image et leur
notoriété ne se fait pas sans un certain nombre de tension. Par exemple, le
client qui intervient après la transaction pour modifier son choix perturbe
une gestion industrielle reposant sur une exigence de planification
prévisionnelle. En effet, la plupart des firmes ont développé des créneaux
temps garantis sur l’ensemble du territoire formatant une équivalence entre
l’ensemble des produits de la marque. Ces investissements de forme17 sont
particulièrement incompatibles avec les impulsions décisionnelles de
dernière minute. Seule la défaillance de l’épreuve industrielle permet un
ajustement ultime.

« On sait bien qu’à partir du moment où vous avez dit à 10 h. et demie sur le
Minitel ‘OK, je suis d’accord, livrez moi à tel endroit’, c’est difficile
d’intervenir parce qu’il y a entre 70 et 100 000 colis qui sont faits tous les
jours, quand ce n’est pas plus, donc ça part dans des flux gigantesques. Alors
si vous voulez changer : ‘Oh, tiens, je veux plutôt être livré à domicile !’
C’est un truc qui va tellement vite, qui est tellement court dans le temps, que
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vous ne pouvez pas. Par contre si c’est, par exemple, un article qui n’est pas
disponible, comme il n’est pas encore en facturation, qu’on attend la
marchandise, là, vous pouvez très bien téléphonez en me disant : ‘je
change’. » (Responsable de site vépéciste.)

De l’écoulement des stocks à l’approvisionnement en continu

Par rapport aux canaux traditionnels, l’internet apparaît généralement


comme porteur d’économies d’envergure. Pourtant, les premières tentatives
en la matière, comme celle des portails d’enseigne appartenant à un même
groupe, mettent en lumière les tensions qu’exerce cette extension sur le
modèle industriel. Encore une fois, l’épreuve logistique est au cœur de la
problématique de généralisation : comment faire pour réintroduire dans le
circuit des flux les commandes éparses réalisées sur plusieurs enseignes ?
Comment résoudre les problèmes de temporalité ? Le portail doit permettre
de proposer aux consommateurs une interface graphique unique lui

17. THEVENOT, 1985.


La continuité de la chaîne logistique 113

permettant de piocher dans les catalogues des différentes enseignes


physiques qu’ils ont l’habitude de fréquenter. Le moment critique de ce
nouveau service résulte de la consolidation de la commande sur les plates-
formes de fabrication de colis. Le logisticien entre alors dans un espace
d’incertitude. Il doit interfacer de nouveaux process pour que cette opération
ne s’effectue pas dans une remise en cause totale des anciens paramètres.

« S’il y avait des millions de colis, il n’y aurait pas de problèmes. En fait,
tout tourne autour de l’industrialisation. Si on avait un flux suffisant,
massifié, finalement d’un point à un autre, on minimiserait la difficulté. Là,
on rentrerait dans des mécaniques rodées. Celles qu’on évoquait tout à
l’heure de transport quotidien d’un point à un autre. » (Logisticien,
vépéciste.)

Une difficulté majeure rencontrée lors des premières expériences réside dans
la différence de timing dans les processus de supply chain des différentes
enseignes.

« Les délais de fabrication et d’acheminement n’étaient pas identiques pour


chaque enseigne. Donc, en fait, c’est la partie qu’on a dû gérer nous, attendre
que tous les colis soient arrivés dans la bonne agence, avant d’effectuer la
livraison. »
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Un autre problème provenait de l’extrême volatilité des commandes ne
permettant pas la mise en place de liaisons régulières entre les usines et les
agences.

« Un jour, il y avait un colis à prendre sur O., le lendemain 100, le


surlendemain, il n’y en avait pas. ».

Ces difficultés, qui pointent une véritable redéfinition de l’épreuve


logistique, plaide en faveur d’un modèle de distribution propre au commerce
électronique.

Le dernier kilomètre, épreuve critique du modèle


de distribution industriel

Dans ce processus fortement industriel, la livraison au client final résume en


elle-même un certain nombre d’épreuves du modèle. Un logicien d’un grand
114 Réseaux n° 106

groupe de ventes par correspondance définie ainsi son activité comme un


processus orienté vers le résultat.

« Si on ne trouve pas la cliente lors du premier passage, on se représente une


deuxième fois après avoir laissé un avis de passage indiquant, ‘on reviendra
dans deux jours vous livrer votre colis.’ »

Pourtant, on aurait tort de voir dans cet enjeu, répertorié dans la littérature de
gestion comme la « problématique du dernier kilomètre », qu’un point
d’extension difficile de la chaîne de distribution. Ce dernier kilomètre
délimite les contours d’un régime propre de régulation qui explique en partie
que les gestionnaires soient plus préoccupés par le turn-over de leur
chauffeur que par l’adjonction d’outillages, aussi innovants soient-ils, dans
le but de maintenir la continuité de la chaîne d’information. Lors de notre
enquête, les chauffeurs ont été comparés par certains protagonistes à des
facteurs organisant leur tournée. Ils sont les détenteurs d’un certain nombre
de plis du terrain qu’il est difficile de maîtriser de l’extérieur. Bien entendu
tout ce savoir pourrait être entré dans la boîte noire du système
d’information mais à un coût et avec un degré de flexibilité si faible que cela
rend les ajustements par le savoir-faire humain nettement plus adaptés.

« Je crois que l’une des composantes fortes de notre métier, c’est que le
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know-how, il est dans la main du chauffeur. C’est lui qui a l’expertise réelle.
Je ne crois pas, en fait, notamment à des systèmes d’aide à la livraison, qui
prépareraient la tournée de manière mécanique. Ça, ça ne marche pas.
Régulièrement, en fait, on me sollicite pour mettre en œuvre ce type de
produit, mais après discussion, on s’aperçoit que le gain qu’on peut attendre,
il est nul parce qu’en fait, qui a la connaissance du terrain ? C’est le
chauffeur. C’est le chauffeur qui sait que le mercredi, il y a le marché dans la
commune. Et donc, toute cette richesse-là, elle est modélisable, mais sans
grand intérêt. » (Gestionnaire de flotte.)

C’est notamment aux chauffeurs qu’il revient de gérer les impondérables tels
qu’une crevaison. C’est à eux qu’il revient d’alerter le gestionnaire de flotte
afin de dépêcher sur place un nouvel équipier. Alors que le second va
remettre dans le circuit les colis au délai garanti, la premier va gérer les
interactions liées à la remise en état de son véhicule. Les périodes de
vacances d’été, où les chauffeurs sont remplacés par de jeunes intérimaires,
agissent comme une épreuve de réalité mettant sur le devant de la scène leur
savoir-gérer. C’est pourquoi des tentatives sont faîtes par les chefs d’équipes
La continuité de la chaîne logistique 115

pour que ces chauffeurs rendent transférables dans des livres de route les
grandes lignes de leurs tournées. Mais des tentatives d’expérimentation
similaires à la Poste ont montré que beaucoup du savoir implicite était perdu
dans ces opérations de généralisation18.

Si les petits flux des différentes enseignes mettent sous tension le modèle de
supply chain de la VPC traditionnelle. L’internet apparaît comme un moteur
de développement de nouveaux entrants qui sous-traitent la partie logistique
à des prestataires spécialisés, ces derniers apparaissant mieux armés que les
web-marchands pour opérer une consolidation efficace des petits flux et pour
mieux centrer leur compétence sur l’adaptabilité de l’offre au client.

L’EMERGENCE D’UN MODELE FOCALISE SUR LA RELATION


CLIENT

Le web, porteur d’innovations de service dans la relation client ?

Le développement de l’internet a vu émerger un nombre considérable de


jeunes entreprises dont le « business model » reposait sur l’exploitation
originale d’une personnalisation de la relation au client. A la différence des
entreprises de vente par correspondance traditionnelles, la finalité
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économique n’était pas d’étendre la cible des consommateurs habituels pour
écouler davantage de biens. Elle consistait à tirer profit des nouvelles
technologies pour établir une relation privilégiée avec le client et rechercher
le produit susceptible de le satisfaire. L’internet devait donc en premier lieu
être porteur d’innovations dans la capacité des sites à identifier un besoin
singulier et à aller le rechercher chez un ensemble de fournisseurs. Les sites
apportaient une compétence spécifique permettant une adéquation rapide et
ajustée d’une offre à une demande. Leur valeur ajoutée reposait sur l’apport
de services (recherche, comparaison de prix, biens insolites ou
personnalisés...). Une concurrence bienfaisante allait inciter aux innovations
organisationnelles permettant de proposer à domicile les produits aux
meilleurs prix.

Il fait dire que le discours ambiant était à l’émerveillement dogmatique (sous


l’influence des cabinets de consultants, il est vrai) des possibilités offertes par
le nouveau média. En apportant une information quasi gratuite et très

18. BRAS, 1995.


116 Réseaux n° 106

largement diffusée, l’internet devait apporter de la fluidité dans les échanges.


La transparence dans les prix devait conduire à leur homogénéité et le marché
se rapprocher du cadre de concurrence parfaite promu par les théoriciens de
l’équilibre général. Un consensus s’est ensuite fait jour pour considérer la
vente en ligne particulièrement adaptée aux biens standards, aux
caractéristiques relativement homogènes. Pour le dire dans des termes plus
économiques, elle devrait davantage porter sur des « biens de recherche » que
sur des « biens d’expérience19 ». Dans la catégorie des biens vendables on
trouve en premier lieu les livres, les disques, la billetterie, les fleurs, etc. l’un
des enjeux des cyber-commerçants étant de basculer l’acte d’achats vers des
biens davantage rémunérateurs (logiciels, voyages, micro-, etc.).

Certes, les économistes avaient bien conscience des limites offertes par le
nouveau média (compétences cognitives pour maîtriser l’outil, limites de la
vente à distance, préférences des acteurs pour d’autres types de relations…)
constituant de nombreuses restrictions à la venue du marché parfait. Mais de
leur point de vue, l’incertitude qualitative portait sur la sécurité des
transactions, qu’elle concerne la sécurité du protocole ou l’honnêteté du
marchand, et non sur le produit. Ce dernier obstacle, s’il était de taille,
pouvait ainsi être facilement levé. Il suffisait que les gouvernements des
principales puissances s’accordent sur la mise en place d’une police de
l’internet et sur un moyen de garantir l’authenticité de la vente pour voir
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enfin exploser le commerce électronique aux particuliers. Pourtant, il est
apparu assez vite qu’avant même de tenter de mettre en place des processus
de Consumer Relationship Management (CRM) par l’exploitation des
mégabases de données générées par les internautes, les sites devaient mettre
en place des innovations d’interfaces permettant aux internautes de simuler
des interactions avec un vendeur et de qualifier leurs demandes sur le site.
Ainsi, s’il n’est pas encore possible de trouver sur le web un morceau de
musique en le sifflotant, c’est bien dans cette voie que c’est engagée la
FNAC avec son moteur fonctionnant « en cascade ». Ce dernier permet
aujourd’hui de faire des recherches avec une orthographe approximative puis
des saisies en phonétique20.

19. Sur ces notions classiques en économie industrielle, voir TIROLE, 1988.
20. Le journal du Net, 12 octobre 2000.
La continuité de la chaîne logistique 117

La singularisation par la livraison

C’est ainsi que sous l’influence des « forums hybrides », le discours sur la
net-économie a évolué. Il est maintenant acquis que l’internet ne conduira
pas à la transparence tant attendue. Devant la résistance des canaux de
distribution physiques générateurs de chiffres d’affaires, certaines enseignes
(Levi-Strauss, C&A) se sont vus contraintes de fermer leur site de commerce
en ligne. Les stratégies de moteurs de comparaison ainsi que les sites
d’achats groupés, toutes deux prometteuses d’innovations d’interfaces sont
en voie d’échec21. Les entreprises concernées ont modifié leurs modèles en
conséquence en ne référençant plus que les sites ayant signé un contrat de
partenariat avec eux. Ce repositionnement s’est accompagné d’un
changement dans les modèles de rémunération, celle-ci ne s’effectuant plus à
partir de ressources externes (la publicité en fonction du nombre de visiteurs)
mais à partir d’une commission directe sur les ventes22. Enfin, les premiers
résultats sérieux sur les usages de l’internet montrent que les internautes
fréquentent un nombre limité de sites, ceux qui ont la plus forte audience
étant également ceux qui ont une forte prégnance dans l’économie réelle23,
ce qui renforce l’hypothèse d’un impact indirect de l’internet sur les chiffres
d’affaires des sociétés proprement dites24. De manière récurrente, il apparaît
qu’un nombre important de transactions en ligne échoue avant leur terme
pour des raisons liées à la perception du consommateur cette dernière ne
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pouvant se réduire à son aversion pour le risque25.

21. Voir les difficultés actuelles de LetsBuyIt, site pionnier dans les achats groupés.
Le Figaro économie, 30/12/00.
22. 01 Informatique, 29/10/1999, p. 22.
23. La FNAC avec un taux de pénétration de 9 % (413 000 visiteurs/mois) et la SNCF (8,2 %,
379 000) sont les deux sites les plus fréquentés suivi des « entrants » Alapage (6,9 %
316 000) Lastminute (4,5 %, 207 000), degriftour (4 %, 184 000) et Houra (3,2 %, 146 000).
Les 3 Suisses (2,7 %, 126 000) qui bénéficient d’autres canaux de distribution et nouvelles
frontières (2,5 % 114 000) sont respectivement 9 et 10e. Source : Consodata, suivi d’un
échantillon d’internantes représentatif, août 2000.
24. Sans compter l’impact des sites non marchands sur le CA généré par les sites
commerciaux, sur ce point, voir GENSOLLEN, 1999.
25. Selon une étude récente du cabinet AT Kearney auprès de 1 264 consommateurs issus de
6 pays (Etats-Unis, Japon, Royaume-Uni, Suède, France, Allemagne) 4 tentatives d’achat sur
5 sur Internet échouent en raisons de la répétition des informations à fournir avant de conclure
la vente (52 %), la crainte de communiquer ses numéros de carte de crédit (46 %), le mauvais
fonctionnement du site web (42 %) et l’incapacité de trouver le produit (40 %). En France,
83 % des consommateurs qui ont essayé d’acheter sur un site marchand ont abandonné en
cours de route.
118 Réseaux n° 106

Dans le processus d’ordonnancement de l’espace marchand, on a beaucoup


insisté sur les qualités exigées des sites : ces derniers doivent avoir un bon
design, attractif, des temps de réponses courts et des processus de transaction
sécurisée. On voit apparaître de plus en plus aujourd’hui dans le langage des
experts et de la presse spécialisée les délais de livraison comme un élément
substantiel de cette qualité. Ce qui est moins souvent mis en avant, mais qui
est pourtant également primordial, est la détermination et la mise en avant
des critères permettant aux consommateurs de juger de la qualité d’un web-
marchand. Comme l’explique l’un de nos interlocuteurs, il faut faire entrer le
consommateur dans une posture compréhensive pour permettre à une offre
d’exister. Il convient de mettre en place un environnement contextuel
permettant à l’offre et à la demande de s’exprimer.

« L’innovation dans les services, elle a un aspect fondamental, c’est la


perception de l’utilisateur final. Sinon, il n’y a pas d’innovation. […] Quand
on change la façon de penser le service, on change le niveau de service, on
crée une valeur ajoutée par rapport à ce qui existait déjà jusqu’à présent. Mais
il faut encore quelqu’un pour le comprendre. Vous pouvez faire ce que vous
voulez en termes de création d’offres, ce n’est pas parce que vous allez créer
une offre que vous allez générer de la demande. Il faut d’abord créer le
contexte et l’environnement qui permettent à la demande d’apprécier
l’offre. » (e-logisticien.)
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De manière générale, il faut considérer la commande comme formant
l’ensemble d’une transaction et non les biens qui la composent pris
individuellement. En effet, les situations à éviter, outre celles qui découlent
de la frustration d’être obligé de substituer un bien à un autre pour cause de
rupture de stocks, sont celles où les consommateurs découvrent en ouvrant
leurs cartons qu’il manque tel ou tel bien. Deux causes, aux conséquences
différentes, peuvent en être responsables. La première est une erreur
humaine au moment de la fabrication des colis. Les secondes découlent
d’une gestion trop tendue des stocks (les sites proposent un choix important
dans les jours de livraison, ce qui entraîne une marge d’incertitude dans la
disponibilité des produits). Dans le premier cas, le client devra activer une
procédure de réclamation pour régler les problèmes de surfacturation. Dans
le second, l’absence d’un produit se traduira « uniquement » par une
insatisfaction partielle du client. Le problème de l’ajustement de la
commande et des biens livrés a été une des premières préoccupations des
nouveaux commerçants. Il est considéré en effet comme étant un des
éléments déterminants du jugement sur la qualité du service de la part des
La continuité de la chaîne logistique 119

internautes. C’est pourquoi les entreprises les plus avancées comme


Télémarket ont investi massivement dans des chaînes automatisées
permettant de détecter automatiquement la moindre défaillance. Chez
Télémarket, à partir d’une commande, le système informatique détermine la
taille optimale et le nombre de colis qui devra être utilisé et les traduit
automatiquement en kilos. C’est en bout de chaîne, lorsque sera confronté le
poids théorique et le poids réel que pourra être détecté s’il manque un article,
aussi léger soit-il26.

Le délai garanti est également important pour s’attacher le consommateur.


C’est en effet dans les moments difficiles, lorsque l’environnement extérieur
change ou lorsque survient un événement imprévu, que les contraintes de
l’épreuve se durcissent et que le logisticien singularise sa prestation.

« Un jour de grève, non seulement on n’est pas livré par la centrale d’achats,
mais un jour de grève, on a un accroissement de plus de 100 % des volumes
par rapport à la normale. Et c’est là où on acquiert notre notoriété, c’est dans
les situations un peu critiques comme cela où on a une vraie valeur ajoutée. »
(e-logisticien.)

L’épreuve sort encore renforcée par le fait qu’à la différence d’une entreprise
où une hôtesse accueille les coursiers, le consommateur demeure incertain
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quant à sa disponibilité effective. L’entreprise cherche donc à assurer sa
livraison en proposant des créneaux plus étroits même s’ils sortent de la
prouesse affichée en premier lieu. La livraison « sous quatre heures »
proposée par certains sites agît ainsi davantage comme un signe de qualité
que comme une attente à satisfaire chez le consommateur.

« Rester chez soi pendant quatre heures, ça a beau être excellent comme
niveau de services, quand on est un particulier, c’est aberrant. Parce que vous
n’allez pas rester chez vous pendant quatre heures pour attendre votre
produit. En revanche, si on vous dit : ‘On peut vous livrer dans les quatre
heures’, et en fait, vous pouvez préférer être livré plus tard mais dans une
plage de rendez-vous de deux heures, à ce moment-là on a beaucoup plus de
chances d’arriver à un résultat. » (e-logisticien.)

26. Libération, 21/03/01, Catherine Maussion « Les hypermarchés en ligne décollent mais qui
fait les courses pour nous ? ».
120 Réseaux n° 106

La convergence des flux par des prestataires spécialisés

Pour offrir ce niveau de prestation, le web-marchand a deux solutions. Soit,


il s’en remet à sa logistique interne (et on retourne sur un model intégré qui
ressemble à celui des vépécistes traditionnels), soit il fait appel à un
prestataire externe. Dans les deux cas, l’ajustement sur la plage horaire
nécessite un système technique très développé permettant de modéliser
l’ensemble des contraintes de la préparation de commande à la livraison.
Dans le premier cas, ses capacités de plages horaires seront finies et le
système devra gérer le rationnement en fonction des commandes. La seconde
solution est généralement choisie par les sites de commerce électronique qui
ne sont pas agencées à un groupe existant. Cela leur permet de transférer les
coûts de développement et les risques à de jeunes start-up spécialisées, tout
en affichant un bon niveau de service, l’ensemble de ces prestations ayant
pour but de faire coïncider « la qualité perçue avec la qualité attendue ». Plus
question comme pour le cas du vépéciste « d’arrêter les commandes à
16 heures pour livrer le lendemain ». La démonstration que le web-marchand
doit effectuer pour affiner son image le contraint à des prouesses techniques
qui, même avec un faible nombre de commandes, pousse le modèle aux
limites de ses capacités.

La grande difficulté est alors de transformer ces transactions éparses en une


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gestion industrielle des flux.

« Ça veut dire qu’il faut moins de fournisseurs. Moins de fournisseurs, ça


veut dire moins de produits. Alors, il faut faire un équilibre, il faut
sélectionner correctement les fournisseurs. Quand on ne peut pas attirer vingt
fournisseurs, ça veut dire qu’il faut en tirer cinq avec lesquels on est en temps
réel, avec lesquels on peut faire de l’approvisionnement directement sur la
plate-forme pour faire de la préparation de colis, et puis les autres, il faut les
avoir sur des références qu’on va stocker. Mais la meilleure solution, c’est le
fait de ne pas avoir de stock du tout nécessaire; c’est de fabriquer à la
demande. » (e-logisticien.)

Ce rêve éveillé de convergence vers un modèle de supply chain industrielle


se heurte néanmoins à la faible activité des sites. N’ayant pas les quantités,
ces derniers adoptent une politique d’approvisionnent au cas par cas
incompatible en termes de régularité avec un modèle en flux tendus. C’est
donc souvent à partir de stocks établis que les professionnels de la logistique
doivent opérer. Un processus d’apprentissage doit permettre aux sites de
La continuité de la chaîne logistique 121

connaître leur marché de manière à dégager une « expertise


d’approvisionnement » afin de la transformer en « règle logistique ».
Il ne reste plus qu’un créneau à court terme sur lequel il est possible d’agir
pour industrialiser le processus, c’est celui de la mutualisation sur un même
lieu des activités de plusieurs e-marchands. Si les sites ne peuvent leur
apporter du volume, les e-logisticiens peuvent essayer d’en créer par une
agrégation de transactions adressées à plusieurs sites. A l’inverse des portails
d’enseignes présentés plus haut, ce n’est plus la partie amont du processus
qui pose problème (ils fonctionnent sur stocks), ni la partie colisage (les sites
partagent un même entrepôt27), mais la partie aval de la livraison aux clients.
Pour tenter d’être performant sur ce dernier aspect (le dernier kilomètre), les
logisticiens du web investissent fortement. Ils élaborent de complexes
modèles spatiaux permettant de placer les entrepôts « à moins d’une heure
du client potentiel ». Ils équipent les camionnettes en outils de
communication afin de permettre la traduction en routines par le circuit
d’information des séquences de la fabrication/livraison. Enfin, ils mettent en
place des solutions modernes de fabrication de colis, afin que le système
d’information puisse composer, ordonner et étiqueter une commande, des
rayons de l’entrepôt à son emplacement dans la camionnette de livraison28.

Les deux cas rapidement décrits nous conduisent dans l’expectative. D’un
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côté l’internet remet en cause le modèle de la vente pas correspondance en
ne lui permettant plus de gérer avec la même efficacité l’écoulement des
produits. De l’autre, les « jeunes pousses » ont du mal à gérer l’amont de
leur process parce qu’elles n’ont pas le volume nécessaire à la mise en place
d’une politique d’approvisionnement en flux tendus. Où se situe donc dans
ces conditions l’originalité de la distribution du commerce en ligne ? Est-ce
dans sa capacité à rendre compatible la gestion des volumes de flux amont
(celles de la supply chain traditionnelle) avec une distribution des colis à
l’unité ? Il n’est malheureusement pas possible de répondre positivement à
cette question. En effet, il existe dans la distribution « ordinaire » des
modèles dont l’objectif est de concilier ce type de contraintes. Ce sont par
exemple des magasins situés dans les zones aéroportuaires où les rayons
doivent être faits et défaits en fonction de la provenance des avions

27. Néanmoins, dans un tel modèle, lorsqu’un des sites voit ses commandes s’accroître
fortement, cela a des répercussions sur l’ensemble des clients du prestataire.
28. Ce qui peut s’avérer complexe. Les sites de commerce alimentaire par exemple
bénéficiant de compartiments à trois niveaux de température différents correspondant aux
produits sec, frais et surgelés.
122 Réseaux n° 106

attendus29 et où les logisticiens reçoivent les commandes contenant des


toutes petites quantités, souvent de l’ordre de l’unité. Existe-t-il alors une
autre spécificité ? Il y a en a une en effet. Mais elle ne situe pas forcement là
où on a la place généralement. Elle s’inscrit dans la dynamique de ces
entreprises émergentes à rechercher et à intégrer des processus logistiques
novateurs, qu’ils soient techniques ou non techniques.

DES LIENS FAMILIERS A LA GENERALISATION INDUSTRIELLE


DU SERVICE

La coproduction de la prestation comme processus d’ajustement

Beaucoup d’auteurs ont écrit sur l’impossibilité pour la théorie standard de


relâcher l’hypothèse d’information unique par les prix sans remettre en cause
de manière plus globale les fondements du cadre d’analyse30. Comme l’écrit
Kirman31 « dans les modèles, la communication n’est faite qu’à travers les
prix alors que, dans l’économie réelle, les agents communiquent les uns avec
les autres, s’observent mutuellement et sont influencés par le comportement
d’autres individus ». Si dans la théorie économique standard, les agents
peuvent considérer le marché comme un modèle transparent (c’est-à-dire
fonctionnant comme un système), c’est qu’ils disposent dans les prix d’une
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information élémentaire et unique permettant de sélectionner des
comportements optimaux. Ce que nous suggérons, c’est que le commerce
électronique, justement parce qu’il implique pour fonctionner d’autres
acteurs dont la fonction est précisément de démonter les rouages du système
technique, agit comme un révélateur. Il oblige pour son analyse et son
fonctionnement à faire ce que les économistes se refusent à faire :
s’intéresser au processus de construction d’une offre et d’une demande. La
première différence entre le commerce électronique et les marchés physiques
est donc méthodologique, elle porte sur la mise au premier plan de la
fonction d’intermédiation32.

29. Car c’est bien connu, les attentes culturelles des Japonais, des Américains ou des Français
ne sont pas les mêmes.
30. On renverra le lecteur intéressé à l’article qui fait référence en la matière, tout au moins en
France, celui d’Olivier FAVEREAU, 1989. Voir également le livre de SAPIR, 2000.
31. KIRMAN, 1998.
32. Sur ce point voir BROUSSEAU, 1999 ; DANG NGUYEN, 1999.
La continuité de la chaîne logistique 123

C’est une idée voisine que suggère Callon, Meadel et Rabeharisoa lorsqu’ils
proposent d’analyser le produit comme « le processus de luttes et de
négociations autour de la qualification d’un bien ». Ces auteurs distinguent
« le produit » qui renvoi au processus de qualification et de fabrication, du
« bien », état stabilisé des caractéristiques à moment précis. La notion
d’épreuve qui est au cœur du modèle des économies de la grandeur33 permet
de relier les deux concepts. En effet, comme l’expriment les auteurs, les
propriétés qui fondent les qualités des biens « ne se constatent pas ; elles se
« dévoilent » au cours de tests et d’épreuves qui supposent des interactions
entre les agents (équipés) et les biens à qualifier ». Cette distinction est très
intéressante pour caractériser les transactions à distance. Nous laisserons de
côté les considérations sur la carrière des produits et leur requalification au
long de leur existence. Mais si on prend au sérieux la distinction entre bien et
produit, ainsi que la notion de la qualité qui en découle34, et même si on
considère des biens neufs, alors deux biens strictement identiques sur la
chaîne de production pourront être qualifiés de manière différente selon
l’acheteur, le vendeur, les prestations associées et pour finir les conditions de
livraison. L’hypothèse de nomenclature35 du modèle de l’Equilibre Général
ne peut donc être vérifiée. La qualité est une construction conventionnelle
dans laquelle interviennent les offreurs (de biens mais également de
technologie) et les acheteurs. Comme le remarque Callon et al., l’économie
des qualités ainsi définie répond exactement aux caractéristiques de ce que
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Gadrey appelle les relations de services36.

Le déplacement de l’espace de qualification, de la transaction


vers la livraison

Ainsi, les spécialistes de l’internet n’ont pas tort de voir dans les contraintes
logistiques l’une des variables-clé du commerce électronique (la seconde
étant la sécurité des transactions). Mais elle l’est moins parce qu’elle

33. BOLTANSKI, THEVENOT, 1991. Dans les économies de la grandeur, l’épreuve est le
moment permettant la qualification (ou la requalification) d’une personne ou d’un objet dans
un ordre déterminé.
34. La qualité définie le processus de production, mais elle est aussi le moyen de définir a
priori les caractéristiques d’un bien économique. Cette tautologie met bien en évidence la
difficulté de penser dans un même mouvement les deux logiques.
35. BENETTI et CARTELIER, 1980. Pour fonctionner le modèle de l’équilibre général
suppose connu l’ensemble des états de la nature (caractéristiques, lieux, temps...).
36. GADREY, 1994.
124 Réseaux n° 106

constituerait des contraintes organisationnelles insurmontables à court terme


que parce qu’elle conditionne de manière importante la singularité des biens
proposés à la vente. Si les économistes, en raison de leur présupposé
épistémologique font rarement un tel raisonnement, les acteurs de terrain,
eux, ont parfaitement conscience de l’importance des interactions entre
offreurs et acheteurs pour définir les caractéristiques échangées. Cela les
éloigne d’une définition a priori des états de la nature où le lieu de livraison
est une propriété parmi d’autres. C’est pourquoi, d’une démarche guidée par
les coûts qui a conduit à proposer des sites purement graphiques, la tendance
actuelle est plutôt à une évolution vers des sites hybrides proposant
également une interaction vocale ou écrite avec un commercial37, l’enjeu
étant de redéfinir en commun la nature de la prestation qui sera réalisée.

S’il est plus accentué chez les nouveaux entrants visant des marchés de niche,
ce régime de requalification des prestations au moment de la livraison n’est
pas absent des entreprises de VPC historiques. C’est également par le biais des
chauffeurs-livreurs que ces grandes enseignes se construisent une clientèle
satisfaite. Ces derniers interviennent dans la définition de la prestation
proposée. La gestion de proximité leur autorise en effet certains arrangements
au bénéfice de la fidélité.

« En zones un peu difficiles, en début de mois, les allocations familiales ne


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sont pas arrivées. Soit le chauffeur sait déjà que ce n’est pas la peine qu’il se
présente, soit s’il se présente, la cliente lui demandera de garder le colis et de
revenir dans dix jours. Parce qu’elle ne pourra pas payer le contre-
remboursement. » (Logisticien, vépéciste.)

Cette négociation de proximité s’effectue également dans l’autre sens, au


profit de l’entreprise. Une des directives que reçoivent les agences de
logistique est d’éviter les retours de marchandises dont les coûts sont à la
charge du vépéciste. Un cas classique est la commande passée par un enfant à
l’insu de ses parents. La réaction spontanée de ces derniers est de refuser la
marchandise qu’ils n’ont pas commandée. Toute la compétence déployée par
les hôtesses téléphoniques de l’agence locale repose sur leur capacité à

37. La qualité du site change donc également. Et cette évolution a des répercussions sur les
outils de relations clients comme les call centers. Traditionnellement considérés à juste titre
comme le lieu le plus taylorisé de la nouvelle économie (VELTZ, 2000, p. 124), en devenant
web, ils contraignent leurs personnels à acquérir d’autres compétences de manière à tenir
ensemble les usages des nouveaux outils (la voix sur IP, le chat...) et l’ancien dispositif
technique.
La continuité de la chaîne logistique 125

sensibiliser leur interlocuteur en leur faisant porter la responsabilité familiale


de la transaction manquée et in fine de créer un nouveau besoin.

« Dans ce cas particulier, on essaierait de relancer la cliente pour lui


demander ‘Madame, êtes-vous bien sûre de ne pas vouloir ce colis-là ?’ Et
dans un bon pourcentage des cas, on arrive à replacer le colis. » (Logisticien,
vépéciste.)

Le picking: idéal type de la construction des qualités en interaction

A la différence des grandes enseignes, les nouveaux entrants agissant sur un


marché de niche commencent généralement leur activité avec un nombre de
commandes modestes. L’un des principaux problèmes qu’ils rencontrent est
la montée en charge de leurs carnets de commandes afin de rentabiliser les
investissements conséquents dans l’automatisation du processus de
fabrication de colis. Pour palier ces difficultés, elles ont parfois recours lors
du lancement de leur activité à un modèle qui a cours depuis longtemps dans
la distribution alimentaire et qui permet de gérer à faible coût de petits flux.
Cette technique, qualifiée de picking dans la presse spécialisée, consiste à
s’approvisionner directement dans les rayons de la grande surface de
proximité. A première vue, l’internet agit ici davantage comme un catalyseur
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(il distribue les commandes en fonction des lieux d’habitation) que comme
un transformateur de process. Pourtant, ce modèle de distribution est moins
anodin qu’il y paraît. Rien ne ressemble plus à un hypermarché qu’un autre
hypermarché d’une même enseigne. Et l’internaute qui s’adresse à l’un
d’eux sous son format électronique recherche un équivalent de prestation
auquel il est habitué. Or le modèle du picking par la continuité de la relation
qu’il engendre fait basculer offreurs et demandeurs dans un tout autre régime
de coordination.

Le picking dans les rayons s’accommode difficilement d’une gestion des


stocks et des commandes instrumentée par l’informatique. La prévision est
déterminante pour programmer des commandes internet qui peuvent
connaître un décalage de plusieurs jours entre le moment de la transaction et
le jour de livraison prévue. C’est le rôle des logiciels d’ERP de tenir une
correspondance entre la balance des flux entrants et sortants et le stock
physique. Parfois, les équipements à la périphérie du réseau informatique
comme les caisses enregistreuses des magasins interviennent dans ce
processus d’inscription en le rendant quasi automatique, une marge
126 Réseaux n° 106

d’incertitude résultant des erreurs de classement dans les rayons, de la casse


et des vols. Mais dans le modèle hybride du magasin physique connecté à
l’internet, il demeure un intrus volatile qui échappe au dispositif
d’inscription industrielle. Il s’agit du client qui arrive sans crier garde et
pioche malencontreusement dans les stocks du magasin virtuel, rendant la
planification du cybercommerce inopérante.

« Le délai de 24 heures fait que j’avais quatre chaises. La machine a vu que


j’en avais quatre, elle a fait la commande. Dans la journée, je vends les quatre
chaises. Moi j’arrive le lendemain matin, je viens chercher mes quatre
chaises. ‘Où qu’elles sont mes chaises ?’ Je vais voir dans le système et je
m’aperçois ‘Ah ! J’ai fais une vente à 8 heures hier38.’ » (Responsable d’un
magasin de meubles.)

Une organisation adaptée aux relations de proximité

Mais les frictions entre le format de vente sur l’internet et le fonctionnement


d’un magasin n’agissent pas uniquement au niveau du système
d’information. La relation de proximité qui accompagne la livraison à
domicile de la supérette fait basculer le consommateur dans un registre plus
familier. Il n’est plus ce consommateur anonyme circulant entre les rayons
dont les outils du marketing tentent de décrypter les comportements39, il
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devient un proche dont le livreur connaît les habitudes, jusque parfois dans
ses retranchements les plus intimes.

« On sait comment ils vivent, car souvent on entre dans la cuisine, on voit
l’arrière cour. »

Pourtant le processus de commande électronique maintient une distance


entre le client et son magasin. Les commandes en face en face ou par
téléphone, en permettant une interaction non différée, autorise un processus
de correction au bénéfice du client impossible par l’internet, comme dans cet
exemple de commande téléphonique ou une consommatrice dicte ses
références à son magasinier :

38. Les données empiriques de cette section et de la suivante relèvent d’une étude en cours
sur le commerce électronique aux particuliers menée par Christian Licoppe dont les résultats
sont publiés par ailleurs. (Voir C. LICOPPE, 2001, et la contribution de l’auteur à ce numéro).
Je remercie l’auteur pour les avoir mis à ma disposition.
39. COCHOY, 1999.
La continuité de la chaîne logistique 127

« Elle m’avait dit 7715, ce qui est une brosse à dent enfant et donc, comme je
sais que c’est une dame qui n’a pas d’enfant, j’ai tout de suite dit que cela
n’allait pas. »

Cette interaction permet au magasinier de mettre en scène sa connivence


avec la personne et de singulariser fortement sa prestation.

« Je sais que c’est une personne qu’il faut livrer toujours le matin, toujours
après 10 heures, parce qu’elles promène son chien à 9 heures et demies, donc
je peux lui proposer tout de suite ce qu’elle demande. »

Par ce renforcement des liens, il s’assure de sa fidélité.

La distanciation entre acheteurs et vendeurs, au cœur du dispositif de marché


électronique, vient se heurter à la continuité de la relation du modèle de
picking. Certains acheteurs de l’enseigne de proximité se satisferaient
pleinement de la figure du consommateur anonyme promu par l’internet. Ils
expriment par des comportements quasi pathologiques des résistances à
l’imbrication du marché et de leur sphère privée.

« On a une cliente comme çà qui nous envoie les commandes par courrier
parce qu’elle ne veut pas qu’on repère son numéro de téléphone. Quand on va
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chez elle, on sonne, elle descend, elle bloque carrément la porte d’entrée de
l’immeuble, on balance tout par terre et on ne sait même pas où elle habite
dans l’immeuble. » (Responsable magasin.)

Le livreur doit montrer des compétences psychosociologiques pour concilier


les contraintes de la tournée avec les manies singulières de ses clients. Ces
ajustements s’effectuent difficilement par voie électronique. Ils ont plus de
réussite par le téléphone qui permet, outre une relation familière, une
intervention immédiate.

« On en a une autre où il faut être exactement à l’heure. Si on a dit qu’on


arrive à 19 h 07, il faut être là à 19 h 07, pas 6 ni 8, parce qu’elle n’ouvre pas
la porte. Il faut vraiment téléphoner et lui dire ‘on arrive à telle heure
exactement’ parce qu’elle a peur d’ouvrir la porte. » (Livreur magasin.)

En résumé, le picking est adapté à de petites commandes ne venant pas trop


perturber l’organisation et le fonctionnement ordinaire des magasins. Par les
interactions qu’il permet entre le vendeur, le livreur et le client, il définit un
modèle idéal de coproduction de la prestation allant bien au-delà du produit
128 Réseaux n° 106

industriel. Lorsque les transactions augmentent, les tensions dans les modes
de coordination sont plus fortes et au bout d’un certain seuil, elles conduisent
l’entreprise à basculer vers un autre type d’organisation. C’est là que sont
mises en place les solutions plus techniques, susceptibles d’accompagner
une évolution industrielle du modèle de livraison.

Une kyrielle d’innovations et des effets d’apprentissage

Nous l’avons dit, les marchands en ligne cherchent tant bien que mal à
échapper au dilemme des coûts logistiques qui menace la pérennité de leurs
activités. C’est pourquoi, l’internet et ses sites de transactions électroniques
constituent un véritable laboratoire permettant de tester la fiabilité et le
caractère transférable d’un certain nombre d’innovations. Certains
s’appuyant sur les réticences évoquées dans la section précédente de voir
l’activité de distribution se prolonger jusque dans l’espace privé ont opté
pour des solutions de distribution intermédiaires, où une partie du
cheminement est effectuée par l’acheteur40. Cette solution de compromis a
également pour avantage de réduire de manière drastique les coûts en
éliminant les problèmes de livraison sur le dernier kilomètre.

D’autres font confiance au système d’informations pour résoudre les


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problèmes d’organisation optimale des entrepôts. Et comme, dans le bruit
ambiant autour de l’internet et de ses start-up, la fiabilité du modèle
logistique est un moyen efficace de se faire entendre, les entreprises
saisissent chaque occasion de mettre en avant le caractère innovant de ses
solutions. Par exemple, le libraire en ligne Amazon, lors de son arrivée en
France a beaucoup communiqué sur le caractère révolutionnaire de son
système de classement41. Dans son modèle, la règle devient le désordre,
l’ordonnancement étant effectué par un logiciel. Chaque ouvrage est classé
de manière aléatoire en fonction des emplacements disponibles en prenant
bien soin d’inscrire dans le système d’informations le numéro de l’étagère où
il se situe. Ce type de classement est sensé procurer une optimisation de
l’espace et des gains de temps lors du rangement de la marchandise entrante.
D’autres entreprises ont elles opté pour des solutions originales de

40. L’enseigne de commerce AUCHAN a mis en place une expérimentation de ce type où le


consommateur se rend à l’hypermarché, ses courses lui étant livrées une demi-heure après sur
le parking.
41. LSA n° 1689, p. 76-77.
La continuité de la chaîne logistique 129

distribution et de stockage de logiciel particulièrement adapté aux produits


que l’on ne vend pas souvent. C’est le cas par exemple de la société Black
Orange qui se propose de graver à la demande des CD comprenant un certain
nombre de logiciels. Il ne reste plus au client qu’à insérer une clé
informatique pour déverrouiller les logiciels dont il a acquis la licence.

La gestion des stocks constitue, en effet, l’un des points de friction de la


généralisation du modèle. Par rapport au modèle de la supply chain de la
distribution ordinaire (qui revendique de travailler en flux tendu) ils sont
indispensables pour répondre aux contraintes extrêmes (météo, grèves, etc.)
dont nous avons vu qu’elles faisaient partie des facteurs d’objectivation de la
qualité des cyberdistributeurs. Ces stocks sont coûteux, mais outre leur coût
leur centralisation dans un entrepôt unique ne permet plus d’intervenir dans
des délais très serrés. C’est donc vers une nouvelle gestion du territoire que
s’engagent d’ores et déjà certains sites en installant des points relais à des
endroits stratégiques de la ville. Il est à noter que cette innovation, non
technique, n’est pas exclusive au commerce électronique. C’est un
mécanisme assez proche finalement que décrit Gadrey42 lorsqu’il évoque les
gains de productivité permis par certaines innovations dans la distribution
postale. Au milieu des années 1980, l’accroissement du volume de courrier
était contraint par le poids de la sacoche du facteur qui avait atteint sa taille
critique tant du point de vue social qu’humain. Pour répondre à une demande
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toujours plus forte, la direction de la Poste a eu l’idée de séparer la tournée
en plusieurs segments où, à la fin de chacun d’eux, le facteur trouve dans des
coffres sécurisés le courrier à distribuer dans la section suivante. Cette
innovation de terrain dont Gadrey s’amuse à rappeler qu’elle ne comporte
pas de nouvelle technologie a permis à la Poste de bénéficier de gains de
productivité substantiels permettant de suivre un accroissement du courrier
de l’ordre de 2,6 % par an. Mais, comme le rappelle l’auteur, elle a nécessité
également la mise en place d’une logistique de camionnettes adéquate.

CONCLUSION

Au terme de ce parcours, il est difficile de répondre de manière tranchée à


notre interrogation première. L’internet engendre-t-elle des modifications
dans l’acte de la livraison aux particuliers ? Nous venons de monter que ce
segment de la vente à distance fait appel à des ressources et des compétences

42. GADREY, 2000, p. 73.


130 Réseaux n° 106

très particulières. La complexité du terrain et l’ensemble des contraintes


qu’il faut résoudre impose-t-il de faire tenir ensemble des types de relations
qui font appel à des modes de coordination différents. Nous avons montré
également qu’il n’y avait pas de modèle unique de distribution à partir de
l’internet, alors qu’un vrai clivage apparaît entre la prise de commandes par
une interface web et par téléphone. Cette distinction va-t-elle perdurer à
l’heure où l’on voit pointer la convergence des médias ?

Les modèles de distribution rapidement décrits et les régimes d’actions


auxquels ils font appels existaient bien avant la venu de l’internet. Alors
qu’est-ce qui a changé ? Si l’internet a un impact certain, c’est sur la
familiarisation du consommateur avec la vente à distance dans son ensemble.
Il apparaît beaucoup plus naturel aujourd’hui, surtout aux jeunes générations
citadines, d’utiliser l’outil pour passer une commande en ligne. Mais, on
l’oublie un peu trop souvent, c’est le téléphone qui bénéfice surtout de cette
croissance d’activité. Or la prise de commande par téléphone peut être
déployée sur deux types de modèles. Le premier est fortement rationalisé et
la relation y est dépersonnalisée, c’est le call center traditionnel du
vépéciste. Le second, nettement moins déshumanisé, permet une relation de
proximité entre le marchand-livreur et ses clients familiers. Si dans le cas du
premier modèle, l’internet peut s’avérer un substituable quasi parfait (il reste
que l’interaction avec le vendeur permet nous l’avons vu de corriger une
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commande a priori défectueuse), il l’est nettement moins dans le second.
Une distinction doit cependant être faite entre différentes sortes d’activités.
Cette proximité est un atout indéniable pour les relations de services qui
appellent une certaine périodicité (des courses alimentaires, un service à
domicile, etc.). Elle l’est beaucoup moins pour les achats one shot ou les
achats impulsifs, ces derniers s’accommodant beaucoup plus facilement d’un
cadre de transactions anonyme.

C’est pourtant sur le second modèle (celui de l’entreprise artisanale ouverte


sur le monde) que s’est focalisé l’imaginaire de l’internet 43. Si dans les
années à venir la vente à distance prend une part plus importante
qu’aujourd’hui et si, comme il est probable, la convergence des médias
téléphonique et électronique connaît effectivement une extension, alors il est
possible que le commerce électronique se scinde en deux strates, l’une

43. Ces utopies ne se limitent d’ailleurs pas au monde de l’entreprise. Sur l’imaginaire de la
communauté scientifique concernant Internet, voir FLICHY, 1999. Sur celles véhiculées par
les hackers, voir AURAY, 2000.
La continuité de la chaîne logistique 131

fortement rationalisée, l’autre régie par des principes beaucoup plus


domestiques. Dans cette évolution, les magasins de proximité auront une
carte à jouer. Mais elle sera davantage procurée par la connaissance fine et la
gestion de leur territoire que par des rêves d’expansion planétaire. C’est par
le service que ces entreprises arriveront à véhiculer au consommateur les
signes qualitatifs leur permettant de se singulariser.

Dans l’autre segment, on trouvera des entreprises en forte compétition sur


les prix. Ces dernières mettent en place des outils pour garder leurs clients
captifs qui peuvent également s’apparenter à du service (comme les
mémoires sur le site d’achats répétitifs). L’industrialisation de la chaîne de
production-livraison est une épreuve déterminante pour ces entreprises et la
plupart d’entre elles s’y est déjà attelée. Pour la réussir, les vépécistes
s’appuient sur l’existant, leur problématique étant de réussir la traduction des
commandes internet dans leur chaîne de production. Les jeunes start-up elles
doivent créer un système de toute pièce et leur viabilité restera incertaine
tant qu’un volume n’aura pas été dépassé. Dans la mesure où ils ne
bénéficient pas des liens de familiarité des magasins de proximité, leur
réussite découlera d’un bon fonctionnement de leur chaîne d’information,
tâche qui est souvent sous-traitée à un partenaire. Quoi qu’il en soit, et
indépendamment du « business plan » initial de ces entreprises, beaucoup
d’essais/erreurs seront nécessaires pour voir émerger le modèle logistique
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assurant leur viabilité économique.
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