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La Rochelle Université
17031, La Rochelle
avril-juin 2022
Salomé Martin-Marin
1
Mots clés :
Résumé
2
Abstract
Today, little is known about the distribution, abundance, social structure and population
dynamics of bottlenose dolphins that frequent the French Mediterranean Sea. Ecological
monitoring provides objective data to calculate indicators that contribute to the implementation
of regulations and the creation and management of protected areas. The objective was to
estimate ecological indicators such as abundance and social structure by analyzing ecological
monitoring data collected in the framework of different bottlenose dolphin monitoring projects
in the Gulf of Lion and Provencal waters. During the 194 sightings carried out between 2013
and 2021, 1217 Bottlenose dolphins were identified in groups of an average of 12.5±9.6
individuals. 23% of the identified individuals were recaptured at least once in the area.
According to the sightings, Bottlenose dolphins seem to frequent a large part of the French
Mediterranean continental shelf. The social structure obtained allowed us to estimate that the
studied population is divided into 6 spatially distributed social groups supported by the
presence of 41 key individuals. The abundance of bottlenose dolphins in the Gulf of Lion and
Provençal waters was estimated at 128.5±143.9 individuals on average. The information
obtained on the distribution of the species, the social structure as well as the abundance of the
population frequenting the continental shelf of the Gulf of Lion and Provence, provide
additional data to follow the evolution of the population in this area through a long-term
monitoring.
3
Présentation de la structure d’accueil
MIRACETI, dirigée par Hélène Labach, est une jeune association issue de la fusion, en juin
2020, de 3 associations œuvrant pour la protection des cétacés en Méditerranée : Le Groupe
d'Etude des Cétacés de Méditerranée (GECEM), Souffleurs d'Ecume et le Groupement
d’Intérêt des Mammifères Marins de Méditerranée (GIS3M). Bénéficiant de l’expérience et
des compétences de chacune, MIRACETI a pour objectif d’améliorer la connaissance des
cétacés et de favoriser leur préservation. Ainsi, en plus de réaliser des études de terrain sur les
différentes espèces de cétacés de Méditerranée, l’association forme également certains usagers
de la mer au code de bonne conduite pour une approche respectueuse des cétacés afin de
délivrer le label “High Quality Whale Watching”. Parallèlement, l’association forme du
personnel navigant à l'utilisation du logiciel REPCET, qui permet d’indiquer la présence d’un
cétacé à proximité pour prévenir les autres navires afin d’éviter un maximum les collisions. Ce
stage a été réalisé sous la responsabilité de Céline Tardy, docteure en génétique des grands
mammifères marins en Méditerranée et chargée de mission connaissance des populations de
cétacés pour MIRACETI.
4
Remerciements :
Je remercie du fond du cœur Céline Tardy, pour sa patience, sa gentillesse et son accueil
chaleureux mais surtout pour m’avoir donné la chance de travailler à ses côtés sur ce sujet
passionnant. J’espère avoir de nouveau cette chance un jour.
Je voudrais tout particulièrement remercier toutes les stagiaires, Claire, Maïlys, Juliette et
Cathy, les volontaires service-civique, Cécile, Camille et Laurette, et les permanents Tom,
Louis, Laurène et Andrea pour leur accueil et leur bonne humeur, qui ont fait de cette
association une véritable famille. J’espère tous vous revoir bientôt.
Merci également à Hélène Labach, pour m’avoir permis de travailler dans son association et
pour avoir partagé ses incroyables connaissances.
5
Table des matières
Introduction .............................................................................................................................. 1
Matériel et Méthodes ............................................................................................................... 2
Le Grand Dauphin : ............................................................................................................................ 2
Zone d’étude : ..................................................................................................................................... 3
Capture-recapture :.............................................................................................................................. 3
Abondance : ........................................................................................................................................ 5
Structure sociale : ................................................................................................................................ 5
Résultats .................................................................................................................................... 7
Données d’observation et caractérisation de la population : ............................................................... 7
Structure sociale : ................................................................................................................................ 9
Abondance : ...................................................................................................................................... 12
Discussion................................................................................................................................ 14
Caractérisation de la population :...................................................................................................... 14
Unités sociales à considérer pour le suivi et la mise en œuvre de mesures de conservation du Grand
Dauphin sur la façade Méditerranéenne française : .......................................................................... 14
Etat de la population de Grands Dauphins sur la façade Méditerranéenne française : ..................... 15
Conclusion : ............................................................................................................................ 15
Références :............................................................................................................................. 16
Annexe : ................................................................................................................................. 20
6
Introduction
L’impact des activités humaines sur la biodiversité est mis en évidence au cours du XXème
siècle grâce à l’accumulation progressive de données naturalistes (Dirzo et al., 2014). C'est au
cours des années 1980 que les connaissances écologiques et les résultats scientifiques
commencent à être utilisés à des fins de préservation pour donner naissance aux sciences de la
conservation (Sutherland et al., 2004 ; Godet & Devictor, 2018). Le suivi des espèces, visant à
détecter les changements à long terme dans les populations, est une composante essentielle des
pratiques et politiques de conservation et permet notamment d’identifier les espèces aux enjeux
prioritaires (Moussy et al., 2021). Les indicateurs écologiques, mesurés ou estimés, à partir de
données récoltées lors des suivis écologiques, fournissent des indications objectives pouvant
contribuer à la mise en place de réglementations ainsi qu’à la création et la gestion d’aires
protégées (Besnard, 2013 ; Nichols & Williams, 2006). L’abondance et son évolution dans le
temps est, par exemple, un paramètre clé permettant d’estimer la croissance ou à contrario la
réduction d'une population (Buckland et al., 2005). C’est notamment ce paramètre qui a permis
la création en 1946 de la Commission Baleinière Internationale (CBI) pour pallier une baisse
massive des populations de baleines franches, baleines boréales et baleines grises en raison de
la chasse (Reeves, 2018). En effet, tout comme pour les grands mammifères terrestres, les
menacés liées à l'activité humaine (captures accidentelles, ingestion de déchets, diminution des
ressources, pollution chimique et biologique, collisions, bruit, perte ou dégradation d’habitat
(Notabartolo di Sciara et al., 2016)) sont responsables d’une baisse importante des populations
de mammifères marins à travers le globe (McCauley et al., 2015). Sur 120 espèces de
mammifères marins, 36% des populations évaluées sont considérées comme « Vulnérables »,
« En danger » ou « En danger critique » (Schipper et al., 2008). En Méditerranée, deux accords
internationaux tendent à les préserver : l’Accord sur la Conservation des Cétacés de la Mer
Noire, de la Méditerranée et de la zone Atlantique adjacente (ACCOBAMS, 2001) et l’Accord
Pelagos (2002). Le Grand Dauphin, dont l’habitat préférentiel en Méditerranée se situe sur le
plateau continental, (Labach et al, 2021, Gannier, 2005 ; Gnone et al., 2011 ; Notarbartolo Di
Sciara et al., 1993) est tout particulièrement exposé aux pressions anthropiques croissantes
(Bearzi et al., 2009). Le Grand Dauphin est l’une des seules espèces de cétacés apparaissant
dans l'Annexe II de la Directive Habitats du 21 mai 1992, qui liste les espèces d'intérêt
communautaire dont la protection nécessite la création de Zones Spéciales de Conservation.
Parallèlement la Directive européenne Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM)
comprend un programme de surveillance des populations résidentes côtières de Grand
1
Dauphin, notamment en Méditerranée (Labach et al., 2021). Malgré ces directives, on possède
aujourd’hui peu de connaissances sur la distribution, la structure et la dynamique de la
population de Grands Dauphins qui fréquentent les eaux de Méditerranée française.
L’objectif de ce stage est par conséquent d’estimer des indices écologiques tels que
l’abondance et la structure sociale permettant la mise en place de mesures de conservation du
Grand Dauphin sur la façade Méditerranéenne française. Pour cela les données de suivi
écologique récoltées dans le cadre de différents projets : Suivi du Grand Dauphin dans le Parc
Naturel Régional de Camargue, Suivi du Grand Dauphin dans le Parc National des Calanques,
Suivi du Grand Dauphin dans la baie de Marseille et ses iles, TURSMED, et GDEGeM, ont
été analysées. Dans ce cadre, ce travail s’axe autour de deux questions scientifiques : 1) Quels
sont les unités sociales à considérer pour le suivi et la mise en œuvre de mesures de
conservation du Grand Dauphin sur la façade Méditerranéenne française ? Pour cela la structure
sociale de la population a été estimée en évaluant les liens entre les individus identifiés par
photo-identification. 2) Quel est l’état de la population Grand Dauphin sur la façade
Méditerranéenne française ? Afin de répondre à cette question, la distribution des observations
de Grands Dauphin sur le plateau continental de Méditerranée française a été étudiée et
l’abondance de la population a été estimée par capture-recapture à partir des données de photo-
identification.
Matériel et Méthodes
Le Grand Dauphin :
Le Grand Dauphin (Montagu, 1821), petit cétacé odontocète (i.e. cétacé à dents), de la famille
des delphinidés, est présent dans tous les océans du monde. Il s’agit d’une espèce cosmopolite
qui fréquente aussi bien les zones côtières que les estuaires et les zones pélagiques (Wells &
Scott, 1999). Les Grands Dauphins ont une durée de vie d'environ 50 ans pour les femelles et
40 ans pour les mâles, avec une maturité sexuelle atteinte entre 5 et 13 ans (Wells & Scott,
1999). La gestation dure environ 1 an et les femelles donnent naissance à un petit tous les 2 à
6 ans (Connor et al., 2000). On observe des différences génétiques entre la population de Grand
Dauphin de l’Est de la Méditerranée et celle de l’Ouest (Bearzi et al., 2012). Il s’agit de la seule
espèce de cétacé présente toute l’année en Méditerranée française. Dans cette zone, on la
retrouve principalement sur le plateau continental près des côtes au niveau de la Provence et/ou
plus au large dans le Golfe du Lion (Labach et al., 2021 ; Gannier, 2005 ; Gnone et al., 2011 ;
2
Notarbartolo Di Sciara et al., 1993). La sous-population de Grand Dauphin de Méditerranée est
listée comme "vulnérable" sur la liste rouge de l'UICN (Bearzi et al., 2012).
Zone d’étude :
Un effort d'échantillonnage est caractérisé par une vitesse constante (5 à 6 nœuds), une météo
adéquate (mer calme et sans moutons) ainsi qu’une observation qui couvre les 180° avant du
bateau (un observateur à l’avant du bateau, un à tribord et un à bâbord). La méthode de photo-
identification est largement utilisée pour le Grand Dauphin, elle consiste à identifier les
individus à l’aide de photographies des marques distinctives de leur nageoire dorsale telles que
griffures, encoches et dépigmentation (Würsig & Würsig, 1977). Lorsqu’un groupe est aperçu,
l’observation commence, les individus (nouveaux nés/jeunes et adultes) sont dénombrés, une
position géographique est enregistrée et les comportements sont notés. En plus de ces
informations, des photographies sont prises du côté gauche et droit, de l’aileron dorsal de
chaque individu adulte à l’aide d’appareils photos CANON 7D avec un objectif 70-300 série
L. Les photos exploitables sont triées par individus puis recadrées et retouchées à l’aide du
logiciel Lightroom Classic 9.0 afin de faire ressortir au mieux les marques présentes sur les
individus. Pour finir, seules les deux meilleures photos (une gauche et une droite) sont
sélectionnées. Un « matching » de chaque individu est alors réalisé. Les encoches, marques,
griffures, dépigmentation et autres signes distinctifs sont utilisés afin de déterminer si
l’individu observé se trouve dans le catalogue. Un individu vu une première fois est « capturé »,
3
si le même individu est vu et identifié lors d’une seconde observation il est alors « recapturé ».
Si l'individu est recapturé et que la nouvelle photo est de meilleure qualité que celle du
catalogue, alors cette dernière est remplacée. Il existe des faux-négatifs et des faux-positifs en
photo-identification. Ces derniers sont dus au fait que l’observateur croit reconnaître l’individu
dans le catalogue mais qu’il s’agit en réalité d’un nouvel individu. Les faux-négatifs, quant à
eux, arrivent lorsque l’observateur ne parvient pas à retrouver l’individu dans le catalogue alors
qu’il y est présent. Afin de limiter ce biais, pour chaque observation, les photographies sont
annotées selon un critère de qualité (exposition, angle, distance, netteté) et selon un critère de
« distinctiveness », c'est-à-dire la quantité de marques distinctives de l'individu. Les
photographies sont alors notées de 1 à 3 pour chaque critère, 1 étant la meilleure et 3 la moins
bonne note (Berrow et al., 2012 ; Tableau 1).
Seules les photos droites et gauches avec une note de qualité et les individus avec une note de
« distinctiveness » de 1 ou 2 sont conservées pour les analyses. Les 3 tableaux de notes sont
ensuite fusionnés afin d’obtenir une note globale allant de 2 à 6. Seules les notes inférieures ou
égales à 5 sont prises en compte. Il ne reste alors que les individus très distinctifs avec de bonne
photographie, on peut donc supposer que le biais lié à un mauvais « matching » est faible voir
4
absent pour ces individus. La matrice d’observation est ensuite créée en remplaçant les notes
par des « 1 » et les absences d’observation par des « 0 ».
Abondance :
Certaines observations sont réalisées de manière opportuniste, sur signalement ou par des
personnes ou organismes extérieurs à l’association et ne suivent donc pas un effort
d'échantillonnage rigoureux. Ces observations pouvant ainsi apporter un biais, elles ont été
préalablement retirées pour l’estimation d’abondance, mais ont été gardées pour l’analyse de
la structure sociale. Les sorties en mer n’étant pas toujours réalisées de manière régulière dans
le temps, les observations doivent préalablement être regroupées par une occasion de capture
la plus homogène possible. Des tests de qualité de l'ajustement des données ont été réalisés afin
d’estimer si la transience (i.e. l'impermanence des individus dans la zone) et la trap-dépendance
(i.e. l’effet de la première capture sur les individus : attraction ou répulsion) ont un effet
significatif sur les données (Gimenez et al., 2018 ; R 4.2.0 ; package R2ucare 1.0.0). Le modèle
de Cormack-Jolly-Seber est un modèle ouvert c'est-à-dire avec un flux d'entrée (naissance et
immigration) et de sortie (décès et émigration) des individus au sein de la population (Cormack,
1964 ; Jolly, 1965 ; Seber, 1965). Ce modèle permet ainsi d'estimer l'abondance tout en prenant
compte de la probabilité de survie des individus, la probabilité de capture, la taille de la
population, et le nombre de nouveaux individus. 10 modèles différents ont été testés (R 4.2.0,
RMark) en faisant varier les paramètres précédents. Les valeurs d’AIC (Critère d'information
d'Akaike) de chaque modèle sont comparées, afin de déterminer celui qui correspondra le
mieux aux données, ainsi, le modèle à l’AIC le plus faible sera sélectionné (Cubaynes et al.,
2012). Le modèle sélectionné tourne en boucle 500 fois afin d’obtenir une estimation de
l’abondance ainsi que de sa marge d’erreur (Gimenez, 2016 ; R 4.2.0).
Structure sociale :
Pour l’estimation de la structure sociale, les observations opportunistes ont été prises en compte
en plus des données récoltées avec effort. La robustesse du réseau social se base sur le nombre
de fois où des individus ont été recapturés ensembles. Au vu des données à disposition et de la
littérature, seuls les individus vus au moins 3 fois sont sélectionnés pour une meilleure
robustesse de l’analyse (Labach, 2021). Le Half Weighted Index (HWI) est un indice
d’association (Cairns & Schwager, 1987) permettant de calculer la fréquence d’associations
entre deux individus ayant été observés plusieurs fois ensembles (Whitehead, 2008). La
5
présence d’associations préférentielles au sein de la population a été étudiée à l’aide d’un test
de permutation réalisant 1000 permutations aléatoires. Si la moyenne des indices de la matrice
d’associations observés est plus grande que la moyenne des indices obtenus à partir des 1000
permutations, il y a alors présence d’associations préférentielles. Le réseau social est créé et
visualisé via R 4.2.0, à l’aide des packages igraph 1.3.0 et asnipe 1.1.16. Les individus sont
ensuite ré-associés au lieu où ils ont été observés afin d’estimer si les groupes sociaux sont
distribués spatialement :
- GDL : l'individu a uniquement été observé dans le Golfe du Lion.
- P : l’individu a uniquement été observé en Provence.
- GDL_P : l’individu a été observé de manière égale en Provence et dans le Golfe du
Lion.
- GDL+_P : l’individu a été observé dans les deux zones mais majoritairement dans le
Golfe du Lion.
- GDL_P+ : l’individu a été observé dans les deux zones mais majoritairement en
Provence.
La variable sociale « Strength » est égale à la somme des indices d’associations (HWI) qu'un
individu possède. Ainsi un individu ayant de fortes associations avec les autres aura une valeur
de « Strength » élevée (Whitehead, 2008). La variable « Eigenvector centrality » traduit la
force d’association globale d’un individu, cela comprend non seulement la force d’association
de l’individu lui-même (« Strength ») mais également les forces d’associations des individus
avec lesquels il interagit. Lorsque l’« Eigenvector centrality » est élevé, on estime que
l’individu a une position centrale dans le réseau (Whitehead, 2008). La variable
« Betweenness » correspond au nombre de fois où l’individu se trouve sur le chemin le plus
court permettant de relier deux autres individus du réseau. Les individus avec une
« Betweenness » élevée sont responsables de la cohésion de la population car ils font le lien
entre les autres individus du réseau (Whitehead, 2008). On sélectionne ensuite les individus
ayant les variables les plus élevées afin d’identifier les individus clés de la population. Ici seuls
les individus aux valeurs supérieures à 97,5% (définit arbitrairement) de la distribution de
chaque variable sociale ont été sélectionnés.
6
Résultats
Les sorties réalisées de 2013 à Figure 2: Nombre d’observations de Grand Dauphin par saisons dans le Golfe du Lion
2021 ont permis de photo- et les côtes Provençales entre l'Hiver 2013 et le Printemps 2021 (n = 194).
identifier 1217 individus au cours de 194 observations. Des groupes allant de 1 à une
cinquantaine d’individus ont été observés sur tout le plateau continental méditerranéen français
(hors Corse) avec une plus forte densité d’individus vers les côtes des Pyrénées orientales
(Figure 3).
Figure 3: Distribution des groupes de Grands Dauphins observés entre 2013 et 2021 dans le Golfe du Lion et les côtes
Provençales.
7
La taille moyenne des groupes observés est de 12,5 ± 9,6 individus comprenant en moyenne
2,5 ± 2,9 jeunes et/ou nouveaux nés. Le détail des observations par années est présenté dans le
Tableau 2 :
Tableau 2: Nombre et caractéristiques des observations de groupes de Grands Dauphins entre 2013 et 2021 dans le Golfe
du Lion et les côtes Provençales.
Taille moyenne des groupes 11,9 14,9 13,3 9,3 ± 13,8 10,1 ± 8,6 ±
± ± ± 7,5 ± 7,1 7,1
8,7 11,1 11,5 8,2
Nombre moyen de nouveaux née/ 3,1 ± 3,1 ± 2,1 ± 1,2 ± 1,6 ± 1,9 ± 1,5
jeunes 3,6 3,5 2,2 1,2 1,1 1,2 0,6
Pourcentage d’individus éliminés 6,3% 8,1% 4,4% 7,9% 4,8% 1,1% 2,0%
Les données de 2016 et 2017 sont manquantes car aucun projet sur le Grand Dauphin n’a été
mené pour ces années-là.
Sur les 1 217 individus, 91 sont éliminés des analyses d’abondances car ils ont uniquement été
observés de manière opportuniste, et 297 individus sont éliminés par le filtrage de qualité et
8
« distinctiveness ». C’est
au total 388 individus qui
sont retirés des analyses.
Soit 31% du total des
individus.
La courbe de découverte,
qui cumule les nouvelles
identifications, (Figure 4)
montre un ralentissement
du nombre de découvertes Figure 4: Courbe de découverte de la population de Grands Dauphins entre 2013 et 2021 dans le
Golfe du Lion et les côtes Provençales.
mais pas encore de
véritable plateau qui pourrait indiquer que la
totalité, ou presque, de la population a été
identifiée.
9
sociale disponible en Annexe 1). On observe ainsi que la population de Grands Dauphins
étudiée semble divisée en 6 groupes sociaux.
Figure 7: Structure sociale de la population de Grands Dauphins entre 2013 et 2021 dans le Golfe du Lion et les côtes Provençales (n = 214).
Les groupes sociaux sont constitués d’en moyenne 42,8 ± 45,1 individus (Tableau 3). On
remarque que les groupes semblent répartis en fonction de leur localisation, comme pour les
individus du groupe n°4 qui ont principalement été observés en Provence contrairement aux
autres groupes dont la majorité des individus ont été observés dans le Golfe du Lion. Ces
groupes ne sont cependant pas isolés les uns des autres (à l’exception du groupe n°6) et
semblent avoir de fortes interactions.
Tableau 3: Compositions et localisation des groupes sociaux de Grand Dauphins observés entre 2013 et 2021 dans le Golfe
du Lion et les côtes Provençales (n = 214).
10
Un individu avec une « Strength » élevée, possède un nombre
important de liens (Figure 8). Une forte « Betweenness »,
illustre que l’individu à une grande capacité à maintenir la
cohésion dans la population (Figure 9) et une position centrale
dans le réseau est caractérisée par un fort « Eigenvector
centrality » (Figure 10). Les individus présentant des valeurs
de variables supérieurs à 97,5% de la distribution, sont
considérés comme des individus clés dans la structuration
sociale de la population.
11
Abondance :
Les tests réalisés montrent un effet significatif de la transience ainsi que de la trap-dépendance
sur les données (Tableau 4). Ces paramètres sont donc à prendre en compte lors du choix du
modèle d’estimation d’abondance (Tableau 5).
L’AIC le plus faible correspond à un modèle prenant en compte l'effet de transience, avec une
probabilité de survie constante et une probabilité de détection variable avec le temps (Tableau
5).
Avec effet de Probabilité de survie (phi) : Variable avec le temps 2214,2 10,9
transience 4 Probabilité de détection (p) : Constant
Avec effet de Probabilité de survie (phi) : Variable avec le temps 2448,7 245,5
transience 3 Probabilité de détection (p) : Variable avec le temps
12
Seber 3 Probabilité de détection (p) : Constant
L’abondance moyenne estimée à l’aide du modèle précédemment défini est de 128,5 ± 143,9
individus (Figure 12). Sachant que près de 31% des individus de départ ont été éliminés (par
filtrage ou du fait qu’ils avaient été identifiés de manière opportuniste), on peut éventuellement
corriger cette précédente estimation à 168,3 ± 188,5 individus en moyenne. On observe que les
variations d’abondance obtenue grâce au modèle suivent parfaitement les variations du nombre
d’individus observés. Pour rappel, aucunes données n’étaient disponibles pour 2016 et 2017.
Figure 12: Nombre d’individus observés et estimés de Grand Dauphin entre été 2013 et printemps 2021 dans le Golfe du Lion
et les côtes Provençales (les lignes rouge et bleu correspondent respectivement à la moyenne du nombre d’individus observé
et estimé).
13
Discussion
Caractérisation de la population :
1217 Grands Dauphins ont été identifiés entre 2013 et 2021 avec un taux de recapture de 23%.
Les Grands Dauphins fréquentent une grande partie du plateau continental méditerranéen
français. La région biogéographique, la disponibilité des proies et l’activité humaine sont des
paramètres susceptibles de faire varier la taille des groupes de Grands Dauphins. Ici, les
groupes étudiés sont en moyenne de 12,5 ± 9,6 individus ce qui concorde avec les observations
de Bearzi et ses collaborateurs (2009) qui estiment qu’en Méditerranée les groupes observés
sont en moyenne composés d’une dizaine d’individus. Les groupes observés comprenait en
moyenne 2,5 ± 2,9 jeunes et/ou nouveaux nés. La proportion en jeunes dans les groupes pourrait
être un facteur influençant la taille, la structure ou encore la localisation de ces derniers chez le
Grand Dauphin (Cockcroft, 1989). Pour le moment aucune étude n’a été réalisée sur le sujet
sur les populations de Méditerranée. La courbe de découverte obtenue indique qu'une part
importante de la population de Grands Dauphins en Méditerranée française n’a pas encore été
identifiée. Cette proportion toujours croissante de nouveaux individus suggère la présence
d’individus “transients”, pour qui la Méditerranée française ne serait qu’une zone de passage.
14
soudée notamment grâce à la présence de 41 individus clés. Ces individus sont caractérisés par
de fortes interactions sociales avec les autres, une position centrale dans le réseau et une
responsabilité dans la cohésion de la population. Il existe cependant probablement de nombreux
individus clés pour la structure sociale qui n'ont pas encore été photo-identifiés. Afin d’estimer
la nécessité d’une gestion spécifique de ces communautés sociales, il serait intéressant de
connaître leur degré d’isolement ainsi que leur dynamique via la collecte de nouvelles données
de photo-identification, ainsi que des biopsies.
Conclusion :
Les informations obtenues sur la distribution de l’espèce, la structure sociale ainsi que
l’abondance de la population fréquentant le plateau continental du Golfe du Lion et de
Provence, fournissent des données complémentaires permettant de suivre l’évolution de la
population dans cette zone à travers un suivi à long-terme. Afin de poursuivre ce suivi, et ainsi
permettre la mise en place de mesures de gestion pour l’espèce, l'effort de photo-identification
doit être maintenu voire, si possible, augmenté et des analyses complémentaires doivent être
réalisées notamment sur le degré d’isolement (génétique et écologique) et la dynamique de la
population.
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Annexe 1 :
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