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tat général et endodontie ? Il est normal, il est déonto- décrite à partir des corrélations retrouvées entre la flore
logique, il est professionnel de se poser la question. Les endodontique et les bactéries prélevées sur les valves conta-
relations entre les thérapeutiques endodontiques et un minées. L’utilisation de techniques de biologie moléculaire,
certain nombre de pathologies sont connues, mais sont-elles telles que la transcription inverse de la réaction en chaîne par
réellement démontrées scientifiquement ? Par exemple, l’in- polymérase (RT-PCR, reverse transcription polymerase chain
fection focale sur une valve cardiaque ou une prothèse arti- reaction) ou la PCR quantitative (q-PCR, quantitative PCR), a
culaire reste théoriquement possible mais peu de preuves permis d’affiner les connaissances sur la microbiologie endo-
médicales et scientifiques permettent de la confirmer. Le dontique et, notamment, sur les biofilms.
plus souvent, et dans le meilleur des cas, des conférences de
consensus sont établies aux dires d’experts qui se fondent sur À ce jour, les répercussions cardiaques des procédures
la littérature scientifique disponible. Pour la cardiologie, ces endodontiques ne sont toujours pas scientifiquement
consensus sont de plus en plus nombreux et parfois contra- démontrées et de nouvelles recherches cliniques restent
dictoires. Quant aux prothèses articulaires, il n’y a actuelle- nécessaires pour confirmer ou infirmer cette hypothèse.
ment aucun consensus à propos de la conduite à tenir.
Dans le doute, seul le principe de précaution impose des Au quotidien, le patient considéré comme à risque, pour un
recommandations, dont les conséquences sont un grand acte réputé lui aussi à risque, est au cœur d’une décision
nombre d’avulsions et des prescriptions antibioprophylac- médicale partagée entre le chirurgien-dentiste et le cardio-
tiques préventives probablement excessives et sans preuve logue, l’un ne maîtrisant que très peu les pathologies car-
d’une réelle efficacité. Cette attitude préventive doit diaques, l’autre ne connaissant que très peu les actes
constamment être révisée. Les objectifs de ce chapitre bucco-dentaires et leurs complications éventuelles.
sont de rappeler les recommandations actuelles concer-
nant l’endodontie et de décrire leurs fondements afin de
guider le praticien dans ses décisions thérapeutiques. Cette rencontre entre deux « ignorances » conduit à une
antibioprophylaxie presque systématique et des décisions
draconiennes du type avulsion.
I - Endodontie et endocardite À titre d’exemple, dans le cas d’un patient avec un prolapsus
infectieuse valvulaire mitral, le chirurgien-dentiste ne maîtrise peut-être
pas totalement l’importance de cette pathologie en fonction
de l’existence ou non d’un souffle, avec ou sans épaississe-
A - Théories, principe de précaution ment, caractérisé à l’échographie ou non. A contrario, le
et recommandations médecin généraliste ou le cardiologue auront du mal à éva-
luer le risque infectieux d’un retraitement endodontique.
La cavité buccale est considérée comme la porte d’entrée Dans ces conditions, le praticien doit se fonder sur les recom-
principale de nombreuses infections dites focales, notam- mandations en vigueur dans son pays d’exercice même si,
ment cardiaques, depuis de nombreuses années. À défaut parfois, celles-ci peuvent se révéler être contradictoires
de trouver l’origine de la pathologie, la bouche est sou- (Horstkotte et al., 2004 ; Danchin et al., 2005 ; Gould et al.,
vent incriminée. 2006 ; Naber et al., 2007 ; Wilson et al., 2007 ; Bonow et al.,
2008 ; Nishimura et al., 2008 ; Richey et al., 2008). Ces recom-
mandations sont régulièrement révisées, en fonction de
Des générations de praticiens ont été formées à partir de ce l’évolution des connaissances en microbiologie, des
modèle d’infection focale, considérant que des bactéries recherches en santé publique, du vieillissement de la popula-
essentiellement d’origine endodontique pouvaient coloniser tion et de l’accroissement de la population vieillissante et
les valves cardiaques à l’issue d’une bactériémie peropéra- fragilisée par les pathologies cardiaques. En revanche, une
toire. L’origine de cette endocardite infectieuse (EI) a été meilleure prise en charge des pathologies infantiles influence
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considérablement le nombre de patients ayant souffert d’un - addiction à des substances illicites par voie intraveineuse ou
rhumatisme articulaire aigu (RAA) et justifiant une prise en nasale (Friedman et al., 2002).
charge préventive. Un certain nombre d’études reflète l’accroissement des
En France, nous nous référons toujours à la conférence de infections à staphylocoque au détriment des infections à
2002, elle-même évolution du consensus de 1992. Or, depuis streptocoques buccaux (Moreillon et Que, 2004). Cela est
quelques années, de nombreuses conférences de consensus notamment le cas aux États-Unis d’Amérique et c’est proba-
sont publiées : il s’agit de recommandations établies aux dires blement lié à la forte prévalence des hémodialyses (par le fait
d’experts, s’appuyant sur la littérature scientifique ; tous ces d’une voie veineuse), du diabète sucré et du fort nombre de
travaux insistent sur le fait que le niveau de preuve dans le patients porteurs d’un dispositif intracardiaque (Cabell et al.,
domaine est faible. 2002 ; Fowler et al., 2005). Dans d’autres pays, la prévalence
Récemment (en 2007), s’appuyant notamment sur le fait que de l’endocardite infectieuse à Staphylococcus aureus (sta-
depuis les premières recommandations la prévalence de l’en- phylocoque doré) dépend davantage du nombre de consom-
docardite infectieuse n’avait pas été modifiée, l’American mateurs de stupéfiants par injection intraveineuse (Ribera
Heart Association (American Heart Association, 2007) a et al., 1998).
bousculé les principes érigés depuis des années en se focali-
sant sur une définition de patients à risque beaucoup plus L’endocardite infectieuse touche majoritairement le cœur
restreinte qu’auparavant. gauche, mais le cœur droit est atteint dans 5 à 10 % des cas
En 2008, la publication du National Institute for Health and (Frontera et Gradon 2000 ; Hoen et al., 2002 ; Wilson
Clinical Excellence (Richey et al., 2008) abonde en ce sens, en et al., 2002).
remettant grandement en cause nos protocoles.
En 2009 enfin, l’European Society of Cardiology (ESC) (Habib
et al., 2009) publie des recommandations. Cette pathologie peut concerner, d’une part, les patients
En 2011, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits porteurs d’un stimulateur cardiaque (pacemaker) permanent,
de santé (ANSM) publie des recommandations sur la pres- d’un défibrillateur implantable, d’une maladie cardiaque
cription des antibiotiques en pratique buccodentaire et congénitale et, d’autre part, les consommateurs de stupé-
reprend les recommandations de l’ESC. fiants par injection intraveineuse (Wilson et al., 2002 ; Gebo
et al., 2006). Pour ces derniers, les particules de drogue injec-
Important ! L’endocardite infectieuse est une maladie qui tée bombardent la valve tricuspide (cœur droit) et peuvent
présente les particularités suivantes : en altérer la surface. Dans de mauvaises conditions d’hygiène,
- ni l’incidence ni la mortalité n’ont baissé depuis 30 ans qui plus est en cas de déficit immunitaire, une endocardite
(Moreillon et Que, 2004) ; infectieuse peut apparaître, dans laquelle le staphylocoque
- les formes cliniques sont diverses, en fonction de la lésion
doré est le plus souvent impliqué (Moss et Munt, 2003)
cardiaque sous-jacente, des micro-organismes impliqués,
de l’existence ou non de complications… ; (fig. 6.1).
- les recommandations préventives sont établies aux dires
d’experts compte tenu d’un niveau de preuves scienti-
fiques faible.
Valve mitrale
Thrombus
B - Épidémiologie de l’endocardite
infectieuse
Il y a plusieurs années, l’endocardite infectieuse concernait
essentiellement des adultes jeunes présentant des lésions
valvulaires identifiées, notamment associées à des antécé-
dents de rhumatisme articulaire aigu. Aujourd’hui, l’endocar- Végétations
dite infectieuse affecte principalement des patients âgés,
sans antécédents cardiaques connus ou porteurs d’une valve
prothétique.
Une étude récente conduite dans des pays industrialisés
montre une augmentation des endocardites infectieuses
chez les patients porteurs d’une valve prothétique ou souf-
frant d’un prolapsus valvulaire mitral (Tleyjeh et al., 2007). De
nouveaux facteurs de prédisposition se détachent désor- Figure 6.1 Valve mitrale présentant des végétations consécu-
mais : tives à une endocardite infectieuse. Noter la présence d’un
- valve prothétique ; thrombus proche d’un feston vestibulaire altéré. Photographie
- dégénérescence valvulaire sclérotique ; peropératoire sans préparation (Pr J.F. Godin, CHU de Nantes).
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Tableau 6.1 Classification des endocardites infectieuses à visée prothétique (d’après les recommandations de la Société européenne
de cardiologie, 2009).
En fonction de la localisation de l’infection Cœur gauche sur valve native
et de la présence ou non de matériel
Cœur gauche sur valve prothétique :
intracardiaque
❒ précoce (< 1 an après chirurgie)
❒ tardive (> 1 an après chirurgie)
Cœur droit
Dispositif médical (pacemaker ou défibrillateur)
En fonction du mode de contamination Endocardite infectieuse liée à un soin (nosocomiale ou non)
Communautaire (symptômes d’endocardite infectieuse < 48 heures après une admission d’un
malade ne présentant pas tous les signes d’endocardite infectieuse liée aux soins)
Drogue par voie intraveineuse
Endocardite Infectieuse active Avec fièvre persistante et culture positive
Ou morphologie inflammatoire observée en chirurgie
Ou patients toujours sous antibiothérapie
Ou résultats histopathologiques d’endocardite infectieuse
Récidive Rechute
Réinfection
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théliale et à la fibronectine circulante, facilitant ainsi le dépôt et donc très fréquentes. Cela expliquerait pourquoi la plu-
de S. aureus et autres pathogènes de l’endocardite infec- part des endocardites infectieuses ne seraient pas en rap-
tieuse sur la valve concernée. port avec des procédures invasives (Van der Meer et al.,
Il y aurait de la sorte deux grandes situations d’infection pri- 1992 ; Strom et al., 1998 ; Roberts et al., 1999 ; Duval et al.,
maire d’une valve : 2006 ; Forner et al., 2006) ;
- sur un endothélium physiquement modifié, favorisant l’in-
fection par la plupart des micro-organismes ; Il est ainsi établi que le risque de bactériémie serait de
- sur un endothélium indemne, propice à l’endocardite infec- 1 000 à 8 000 fois plus important dans la vie quotidienne
tieuse à S. aureus. qu’à la suite d’une procédure thérapeutique dentaire (Pal-
lasch et Wahl, 2003). Cela met l’accent sur l’importance du
maintien d’une bonne hygiène orale et d’un suivi régulier.
G - Diagnostic de l’endocardite infectieuse
L’endocardite infectieuse peut être suspectée cliniquement
- le risque de choc anaphylactique lié à l’emploi d’antibiotiques
dans les situations suivantes :
ne peut être écarté, bien qu’aucun cas fatal n’ait été rapporté
• apparition d’un nouveau souffle cardiaque ;
dans la littérature médicale à ce jour (Shanson, 2008) ;
• événement embolique de cause inconnue ;
- cette antibioprophylaxie systématique pourrait favoriser
• bactériémie de cause inconnue ;
l’apparition de résistances aux antibiotiques ;
• fièvre, notamment en cas :
- les preuves scientifiques montrant l’intérêt de l’antibiopro-
- de présence de matériel prothétique intracardiaque (valve
phylaxie sont inexistantes. En effet, les différentes études
prothétique, pacemaker, défibrillateur implanté),
concernant ce sujet sont souvent contradictoires (Hall et al.,
- d’antécédents d’endocardite infectieuse,
1993 ; Lockhart et al., 2008). À ce jour, aucune étude au
- d’antécédent de maladie valvulaire ou de maladie car-
niveau de preuve suffisant (prospective, randomisée, en
diaque congénitale.
double aveugle ) n’a permis de justifier une attitude théra-
peutique par rapport à une autre.
Essentiel : le diagnostic d’endocardite infectieuse sera C’est ainsi que plusieurs recommandations ont été proposées
fondé sur l’observation clinique, l’échocardiographie trans- par les sociétés cardio-vasculaires à travers le monde afin de
thoracique ou transœsophagienne et le prélèvement
microbiologique (avec PCR, polymerase chain reaction).
définir des protocoles (Danchin et al., 2002 ; Wilson et al.,
2007 ; Naber et al., 2007).
Le traitement consiste en une administration d’amoxicilline Important ! Même si des divergences subsistent, toutes ces
(de 100 à 200 mg/kg/j) par voie intraveineuse en 4 à 6 doses recommandations se rejoignent sur trois points :
pendant 4 semaines. Environ 50 % des patients hospitalisés - la large prescription antibioprophylactique n’est plus d’ac-
seront opérés (Castillo et al., 2000 ; Hoen et al., 2002 ; Wal- tualité ;
- l’antibioprophylaxie doit être limitée au haut risque d’en-
lace et al., 2002).
docardite infectieuse ;
La mortalité des patients hospitalisés varie entre 9,6 et 26 % - une bonne hygiène bucco-dentaire et un suivi régulier des
(Hoen et al., 2002 ; Thuny et al., 2005 ; Delahaye et al., 2007 ; patients sont des éléments déterminants dans la préven-
San Román et al., 2007). Ce taux variable s’explique par diffé- tion de l’endocardite infectieuse.
rents facteurs : le patient lui-même, la présence ou non de
complications cardiaques et la nature du germe impliqué.
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Antibioprophylaxie
À l’exception des groupes à risque, les prescriptions antibio-
prophylactiques sont de plus en plus limitées et les précau-
Asepsie stricte Séance Endodonte totalement tions d’asepsie locale, notamment la pose du champ
(digue étanche obligatoire) unique accessible (monoradiculées) opératoire, restent les moyens les plus appropriés pour
En tout temps : avis du cardiologue, information et consentement du patient,
prévenir tout risque de dissémination bactérienne. Afin de
praticien compétent, instauration d’un suivi préciser la ou les pathologies (tableau 6.1), le contact systé-
*RTE : retraitement endodontique.
matique avec le médecin traitant et/ou le cardiologue est
indispensable. Dans l’exemple de gauche (tableau 6.3), le
Figure 6.2 Résumé de la conduite à tenir chez un patient pré- courrier conduira probablement le cardiologue à prescrire
sentant un risque d’endocardite infectieuse. une antibioprophylaxie, le plus souvent parce qu’il ne connaît
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pas la nature du risque lié à l’acte dentaire à venir. L’exemple A - Risque d’infection
de droite, quant à lui, permet au chirurgien-dentiste de
prendre une décision thérapeutique en toute connaissance
sur prothèse articulaire
de cause. Le risque est multifactoriel et complexe à analyser. En résumé,
il dépend de quatre facteurs : la bactériémie, le statut général
du patient, la prothèse en elle-même et la nature des micro-
organismes impliqués.
III - Patients porteurs de prothèse Les traitements endodontiques génèrent une bactériémie
articulaire faible, notamment par rapport aux extractions et aux soins
Le remplacement d’une prothèse articulaire (hanche et genou parodontaux. En revanche, les activités courantes (brossage,
principalement) est devenu une intervention courante en mastication) ont une probabilité plus élevée de déclencher
chirurgie orthopédique (fig. 6.3). Si le risque de contamina- une bactériémie, d’intensité plus importante (Olsen, 2008).
tion préopératoire a diminué grâce à l’amélioration des Souvent comparé à l’endocardite infectieuse, le sepsis d’un
conditions d’asepsie et à l’utilisation des antibiotiques, le implant articulaire se différencie par ses mécanismes physio-
risque d’infection secondaire persiste et s’élève en raison du pathologiques et sa bactériologie. Les travaux de Gristina et
nombre croissant d’arthroplasties et de l’augmentation de la Costerton (1985) ont montré que la présence d’un corps
durée de vie des patients (Bauer et al., 2007). L’infection étranger favorisait le développement d’un germe habituelle-
d’une arthroplastie constitue une complication dévastatrice, ment anodin. Ces auteurs décrivent une zone d’immuno-
notamment en termes de fonctionnalité, dont les évolutions incompétence autour de l’implant. Certaines particules de
les plus dramatiques sont l’amputation du membre concerné dégradation des matériaux de l’implant (métal, polyéthylène)
et le décès du patient. saturent les macrophages et diminuent leurs capacités de
Les soins bucco-dentaires représentent une cause poten- phagocytose. De la même manière, les débris de ciment de
tielle d’infection de prothèse articulaire par contamination méthacrylate réduisent le chimiotactisme et les fonctions
secondaire après les foyers cutanés et urinaires (Jacobson des macrophages. La prothèse en elle-même constitue un
et al., 1986 ; Maderazo et al., 1988). Les infections d’origine substrat favorable pour la formation de biofilm.
dentaire sont cependant difficiles à incriminer de manière
précise : pour confirmer le diagnostic étiologique, il faut Important ! Les prothèses de grande taille (caractérisées
retrouver le même micro-organisme au niveau de la prothèse par une grande cavité articulaire), les prothèses contraintes
et de la cavité buccale ainsi que dans les hémocultures, avec (entraînant une synovite) et les prothèses descellées pré-
sentent un risque accru d’infection par contamination
une relation chronologique entre les soins dentaires et la sur-
secondaire.
venue de l’infection. Les infections d’origine dentaire sont
donc rarement individualisées et on peut supposer qu’elles
restent sous-estimées (Bauer et al., 2007). La fréquence de Blomgren et Lindgren (1981) ont démontré que la présence
survenue d’une infection de prothèse articulaire à point de d’une prothèse articulaire provoquait une diminution des
départ bucco-dentaire serait de l’ordre de 0,04 à 0,2 % et défenses locales antibactériennes et que le risque d’infection
représenterait de 6 à 11 % des infections tardives survenant était plus important en postopératoire immédiat (première
sur arthroplasties (Waldman et al., 1997 ; La Porte et al., 1999). semaine) que tardif. Le délai pendant lequel les prothèses
restent sensibles aux infections diffère selon les auteurs,
allant de 3 semaines à 2 ans (Hanssen et al., 1997).
Les streptocoques sont retrouvés dans 37 à 78 % des cas lors
des hémocultures après infection sur prothèse associée à des
soins dentaires. Les staphylocoques sont responsables de
plus de 25 % des infections des prothèses articulaires après
des soins dentaires alors qu’ils ne représentent que 0,05 % de
la flore buccale. Leur pouvoir pathogène dans le risque de
contamination d’une prothèse articulaire est donc certaine-
ment plus important que celui du streptocoque. (Kim et
Weiss, 1993).
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B - Suggestions
pour la pratique endodontique
Le dépistage et le traitement des foyers infectieux à dis-
tance, chez un patient porteur d’un implant articulaire, se
font tout au long de la vie. Avant la pose d’une prothèse,
l’ensemble des soins nécessaires à la remise en état de la
cavité buccale doit être réalisé.
Dans la mesure où, dans la plupart des cas, la pose d’une pro- Figure 6.4 Fracture au niveau du
thèse n’est pas une chirurgie urgente, il est préférable de réa- fémur sur une prothèse orthopé-
liser les soins au moins 3 mois avant l’intervention. Si le dique.
patient est considéré comme « sain », tous les traitements
peuvent être envisagés dans les conditions d’asepsie clas-
sique (champ opératoire étanche). En revanche, s’il présente
un risque lié à son état général, les dents peu stratégiques ou C - Controverses
ayant un pronostic incertain seront extraites sous antibiopro- L’antibioprophylaxie chez le sujet porteur de prothèse arti-
phylaxie (Cottreel et al., 2006 ; Académie nationale de culaire reste cependant très controversée (indication, délai
chirurgie dentaire, 2007). de l’intervention, choix de l’antibiotique).
Après la pose de la prothèse, les recommandations par
accord professionnel entre l’Association dentaire américaine Les soins dentaires et notamment les traitements endo-
et l’Académie américaine de chirurgiens de 2003 retiennent dontiques entraînent théoriquement moins de bactérié-
le délai de 2 ans comme période à risque. Les traitements mie qu’un brossage de dents ou la mastication de
endodontiques sur des dents stratégiques pourront être chewing-gum mais ils sont soumis à une antibioprophy-
envisagés sous antibioprophylaxie tandis que pendant cette laxie.
période, toute dent suspecte ou à pronostic réservé sera L’amoxicilline reste la référence dans quasiment toutes les
extraite avec les mêmes précautions. recommandations pour la prévention de l’infection de la
Au-delà de cette période « critique » de 2 ans, les traitements prothèse articulaire car son spectre est large mais, d’après
Cioffi et al. (1988), la céphalosporine serait plus adaptée.
endodontiques pourront être envisagés ; se pose alors la
question de la nécessité de l’antibioprophylaxie.
Les patients porteurs de prothèse articulaire doivent-ils sys- Le délai de 2 ans après chirurgie comme période à risque est
tématiquement recevoir une antibioprophylaxie ? À l’heure également un sujet à controverse et certains auteurs
actuelle, les données scientifiques sont insuffisantes pour réduisent ce délai à plusieurs mois après l’intervention
répondre de manière précise et péremptoire. Il existe en (Sandhu et al., 1997 ; Seymour et al., 2003 ; Scott et al., 2005).
revanche des recommandations par accord professionnel
entre l’Association dentaire américaine et l’Académie améri-
caine de chirurgiens orthopédistes datées de 1997 et mises à
jour en 2003. En l’absence de plus d’éléments scientifiques IV - Diabète et endodontie
nous les retiendrons (American Dental Association, American
Academy of Orthopedic Surgeons, 2003). Le diabète est la première cause non seulement de cécité
avant 65 ans mais aussi d’amputations non traumatiques,
une des principales causes de dialyse et une source impor-
Important ! L’antibioprophylaxie n’est pas indiquée pour les tante de complications cardio-vasculaires.
soins de routine, mais elle est recommandée dans toutes
les situations où il existe un risque important de contamina-
tion des prothèses, c’est-à-dire lors de soins dentaires à À ce jour, en France, plus de 2 millions de personnes sont
haut risque de bactériémie réalisés chez certains patients
dits à haut risque d’infection hématogène (fig. 6.4). traitées pour cette pathologie. Ce chiffre est en constante
augmentation et est corrélé avec l’accroissement de la préva-
99
lence de l’obésité. La prévalence du diabète augmente d’envi- En revanche, peu de données relatives à la pathogenèse, à la
ron 3 % par an (www.diabete.fr). progression et à la cicatrisation des lésions péri-apicales en
Le diabète se caractérise par un taux de sucre dans le sang relation directe avec le diabète sont disponibles.
(glycémie) trop élevé survenant lorsque l’organisme ne Les auteurs d’une étude rétrospective sur des cas traités non
fabrique plus d’insuline ou qu’il ne l’utilise pas correctement. chirurgicalement (Fouad et Burleson, 2003) ont noté que le
En l’absence d’insuline, le sucre entre mal dans le muscle et pronostic des dents atteintes de lésions endo-parodontales
s’accumule dans le sang. était inférieur, chez les patients diabétiques, à celui des non-
Il existe deux types de diabètes (tableau 6.4) : celui de type 1 diabétiques. Ils ont également remarqué que le pourcentage
touche les sujets jeunes alors que celui de type 2 touche les de réussite des traitements endodontiques était inférieur
personnes âgées de plus de 50 ans, souvent en situation de chez eux lorsqu’une lésion était décelable radiologiquement
surpoids. au début du traitement.
Le dépistage du diabète se fait en mesurant le taux de sucre Les lésions péri-apicales chez les patients diabétiques anciens
dans le sang. On parle de diabète lorsque la glycémie à jeun sont, en moyenne, plus importantes en taille que celles des
(le matin) est supérieure à 1,26 g/l lors de deux dosages sujets diabétiques récents ou non diabétiques (Falk et al.,
consécutifs ou lorsque la glycémie est supérieure à 2 g/l, 1989).
quel que soit le moment de la journée.
En revanche, le suivi d’un patient diabétique se fait en mesu-
rant un autre paramètre : l’hémoglobine glyquée (HBA1c).
C - Conduite à tenir
Celle-ci est réalisée tous les 3 ou 4 mois et reflète, l’équilibre chez le patient diabétique
des glycémies pendant une plus longue période que la glycé- Les patients diabétiques sont généralement suivis par leur
mie à jeun (jusqu’à 6,5 %, le contrôle est optimal ; en dessous médecin traitant en partenariat avec un diabétologue.
de 7 %, il est acceptable ; au-dessus de 8 % il est mauvais et il
faut revoir le traitement).
Important ! Il est important de prendre contact avec l’un de
ces deux médecins afin de connaître :
A - Implications orales - précisément le statut du patient (équilibré/non équili-
bré) ;
Le diabète peut entraîner différentes complications orales : - les éventuelles complications de la maladie (cardiaques,
- une xérostomie ; ophtalmologiques, nerveuses…).
- des infections ;
- un retard de cicatrisation ;
- une augmentation de la fréquence et de la sévérité des Le patient équilibré est considéré comme un sujet sain. Les
lésions carieuses ; traitements endodontiques initiaux et les retraitements
- une augmentation des risques de candidose ; endodontiques peuvent être réalisés en respectant les pré-
- une gingivite ; cautions d’usage, notamment la mise en place du champ
- une parodontite. opératoire étanche. Il n’y a pas non plus de contre-indication
à un traitement chirurgical (fig. 6.5 et 6.6).
Pour le patient non équilibré chez lequel un traitement endo-
B - Implications en endodontie dontique d’urgence est nécessaire, deux cas de figure sont
possibles :
Les patients diabétiques présentent une augmentation de la - s’il s’agit d’un traitement initial sur une dent pulpée, le trai-
prévalence des parodontites apicales par rapport aux patients tement peut être envisagé ;
non diabétiques (Britto et al., 2003 ; Fouad, 2003). Les flam- - s’il s’agit d’un traitement initial ou d’un retraitement sur une
bées infectieuses (flare-up) après traitement endodontique dent infectée présentant une lésion osseuse péri-apicale,
sont plus fréquentes chez les premiers (Fouad, 2003).
l’antibioprophylaxie fondée sur le protocole de l’endocar-
100
a b
101
a b
102
600
A - Données acquises sur l’infection 500 104
400
par le VIH 300
103
Le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est un rétrovi- 200
rus infectant l’homme et qui est responsable du syndrome 100
d’immunodéficience acquise (sida). Celui-ci est défini par 0 102
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme une « défi- 0 3 6 9 12 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
cience acquise de l’immunité cellulaire par l’infection au VIH, Semaines Années
caractérisée par une numération des lymphocytes T CD4+
inférieure à 200/mm3 ou à 15 % des lymphocytes totaux, et Figure 6.7 Les différentes phases de la maladie en fonction de
une sensibilité accrue aux infections opportunistes et aux la charge virale et du taux de lymphocytes.
néoplasmes malins » (www.oms.org).
103
Important ! Il n’existe pas de complications spécifiques Du point de vue des effets secondaires, on peut noter la clas-
directement liées au sida en rapport avec un acte endo- sique hyperplasie gingivale sous traitement par cyclosporine
dontique (Suchina et al., 2006). Le pronostic des traite- associée à un inhibiteur calcique (Nifédipine®).
ments endodontiques n’est pas affecté chez les patients Qu’en est-il exactement des complications endodontiques
porteurs du virus (Shetty et al., 2006, Alley et al., 2008). chez ces patients ? Actuellement, aucune étude ne montre
Il n’existe donc pas de contre-indication aux traitements
endodontiques initiaux et aux retraitements endo- de corrélation certaine entre ce type de traitement et des
dontiques, ni à l’anesthésie locale ou locorégionale (Pour- complications endodontiques inflammatoires ou infec-
riat et al., 2001). tieuses (Dodds et al., 1989 ; Teixeira et al., 2000).
Dans ces conditions, quelle peut être la meilleure conduite à
tenir avec ces patients ?
La première démarche consiste à prendre contact avec le
médecin traitant, afin de connaître les pathologies dont
C - Conduite à tenir souffrent le patient et la nature de son traitement.
Le contact avec le médecin traitant est important afin de En cas de greffe, il est recommandé d’effectuer les soins,
préciser : notamment endodontiques, à distance de la greffe.
- le taux sanguin de lymphocytes CD4+ (< 200/mm3 = risque
infectieux majeur) ; Important ! Le principe de précaution faisant souvent loi,
- la charge virale ; lorsqu’il y a allogreffe d’organe, le patient doit dès lors être
- la numération des plaquettes ; placé sous antibioprophylaxie pour tout acte endodontique
- la numération des polynucléaires neutrophiles (< 800/mm3 (Little et al., 1997).
= risque infectieux majeur) ;
- la nature du traitement médicamenteux en cours. En dehors de ces allogreffes, le traitement initial et le retraite-
ment n’imposeront pas de précautions particulières. En revanche,
Remarque : lorsque le risque infectieux est réel, notamment en cas de chirurgie endodontique, notamment si le patient est
en cas de neutropénie sévère, il faudra envisager de réaliser sous glucocorticoïdes, une prescription antibiotique s’impose.
les soins endodontiques sous antibioprophylaxie. Une attention particulière sera portée aux greffés rénaux, pour
lesquels certains médicaments pourraient être néphrotoxiques
(Bots et al., 2006 ; Grassi et al., 2006). Plus généralement, il faut
En cas de bilan d’hémostase perturbé et/ou de fonctions être très vigilant sur les interactions médicamenteuses entre
immunitaires perturbées, la chirurgie endodontique est traitement immunosuppresseur et traitement à visée odontos-
contre-indiquée. tomatologique (tableau 6.5).
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