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La cytométrie de flux représente une étape essentielle dans le diagnostic et le suivi de la plupart des
hémopathies malignes. Les cytomètres de flux actuellement disponibles permettent l’obtention de
résultats rapides et fiables, avec d’une part des paramètres de taille et de structure des cellules, et d’autre
part des paramètres de fluorescence spécifiques grâce à l’utilisation d’anticorps monoclonaux couplés à
des fluorochromes. Le diagnostic de leucémie aiguë lymphoblastique ou myéloblastique repose sur
l’analyse morphologique et l’immunophénotypage des cellules leucémiques dont certains marqueurs,
seuls ou associés à des anomalies cytogénétiques, sont capables d’influencer le pronostic. L’intérêt de la
cytométrie de flux est majeur dans le diagnostic des syndromes lymphoprolifératifs chroniques à
dissémination sanguine, où l’immunophénotypage permet l’identification de la lignée en cause, B ou T, et
très souvent une approche très précise du diagnostic. Cette technologie a été plus récemment appliquée à
la classification des gammapathies monoclonales, en particulier le myélome multiple, où elle apporte des
arguments intéressants pour le différencier des gammapathies monoclonales isolées ou de la maladie de
Waldenström. Si elle reste encore facultative dans les myélodysplasies en dehors d’études protocolisées,
elle représente en revanche, dans l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, la seule technique qui
permette aujourd’hui le diagnostic biologique. Enfin, dans la plupart des hémopathies qui peuvent
bénéficier d’un traitement éradicateur, elle permet la quantification de la maladie résiduelle minimale et
apporte ainsi aux cliniciens des arguments prédictifs de la rechute ou d’une longue survie. De plus, grâce
aux avancées technologiques qu’elle continue à développer, elle représente un outil de choix pour mieux
comprendre la physiopathologie des hémopathies malignes.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Hématologie 1
13-000-L-10 ¶ Immunophénotypage des hémopathies malignes par cytométrie de flux
Polynucléaires
Right angle scatter neutrophiles
(granularité de la cellule)
Lymphocytes
A B
Figure 1. Informations « morphologiques » apportées par la CMF. La CMF permet d’analyser deux paramètres indépendants des anticorps monoclonaux :
le forward angle scatter (FAS) proportionnel à la taille de la cellule, qui correspond à la lumière mesurée dans l’axe de la cellule et le right angle scatter (RAS)
proportionnel à la granularité de la cellule, qui correspond à la lumière mesurée à 90° de l’axe de la cellule (A). Ils permettent de réaliser un fenêtrage sur la
population leucocytaire à étudier : les lymphocytes, monocytes ou polynucléaires neutrophiles (B).
660 nm
Flux liquidien
d’intérêt puis d’analyser les paramètres de fluorescence spécifi- Adelaïde en décembre 2004 (http://www.hlda8.org). Ces ateliers
ques de chacun des fluorochromes (« couleurs ») couplés aux permettent d’assigner aux différents Acm l’appartenance à un
Acm utilisés. Les fluorochromes sont en effet capables d’absor- cluster ou classe de différenciation (CD), 350 CD étant
ber l’énergie lumineuse provenant du laser puis de libérer cette actuellement référencés.
énergie, appelée fluorescence, par émission de photons de La CMF permet ainsi de caractériser les cellules pathologiques
longueur d’onde supérieure (Fig. 2). Les fluorochromes les plus sur des prélèvements sanguins, médullaires ou dans des liquides
utilisés sont décrits dans le Tableau 1. Pour le diagnostic des de ponction avec la possibilité de marquer directement les cellules
hémopathies malignes, la plupart des laboratoires d’hématologie sans nécessité de réaliser au préalable une séparation cellulaire.
utilisent actuellement des appareils à 4 ou 6 couleurs. À côté de Ceci est particulièrement intéressant pour le diagnostic et le suivi
ces analyseurs utilisés en routine, il existe des cytomètres trieurs des hémopathies malignes, la rapidité de cette technique
permettant de séparer des populations cellulaires et des cytomè- permettant d’avoir un résultat fiable en moins d’une
tres pouvant analyser jusqu’à 17 paramètres de fluorescence [1], demi-journée.
dont l’intérêt est actuellement réservé à la recherche. Les Acm
sont le plus souvent d’origine murine et sont dirigés contre des
Ag membranaires ou intracellulaires. Depuis 1982 [2], ils sont
■ Leucémies aiguës
regroupés dans une classification régulièrement mise à jour à Les leucémies aiguës (LA) sont des hémopathies malignes
l’occasion de Workshops dont le dernier s’est tenu à définies par la présence dans la moelle osseuse de plus de 20 %
2 Hématologie
Immunophénotypage des hémopathies malignes par cytométrie de flux ¶ 13-000-L-10
Tableau 1. Phénotypes
Caractéristiques des fluorochromes les plus utilisés.
Leucémie aiguë myéloïde peu différenciée (FAB : LAM-0)
Fluorochrome Laser (nm) Émission maximale (nm)
La caractérisation immunologique des blastes prend ici un
Alexa Fluor® 405 360, 405, 407 421 intérêt majeur, puisqu’il s’agit de cellules indifférenciées,
Pacific Blue® 360, 405, 407 455 myéloperoxydases (MPO) négatives en intracytoplasmique, et
AmCyan 405, 407 491 pour lesquelles l’étude cytologique et cytochimique ne permet
Alexa Fluor® 488 488 519 pas de faire la distinction entre une LAM-0 et une LAL. La mise
en évidence à la surface des blastes, de molécules appartenant à
FITC 488 519
la lignée myéloïde (CD33, CD13, CD117) associées au marqueur
PE 488, 532 578
des cellules souches CD34, à l’absence de marqueurs des cellules
PE-Texas Red® (ECD®) 488, 532 615 matures (CD15, CD16) et surtout à l’absence de marqueurs de
Texas Red® 595 615 la lignée lymphoïde, aboutit au diagnostic de LAM-0. Il est
APC 595, 633, 635, 647 660 également indispensable de vérifier l’absence de marqueurs
Alexa Fluor® 647 595, 633, 635, 647 668 érythrocytaires (glycophorine A), plaquettaires (CD41, CD42b et
PE-Cy5 488, 532 667 CD61), et monocytaires (CD14, CD64, CD11b), pour exclure les
PerCP 488, 532 678
autres LAM négatives pour les MPO.
PerCP-Cy5.5 488, 532 695 Leucémie aiguë myéloïde sans maturation (FAB : LAM-1)
Alexa Fluor® 700 633, 635 719 et leucémie aiguë myéloïde avec maturation (FAB : LAM-2)
PE- Cy7 488, 532 785 Le phénotype des LAM-1 est comparable à celui des LAM-0,
APC-Cy7 595, 633, 635, 647 785 avec en outre la positivité des MPO. Les LAM-1 diffèrent des
LAM-2 par la présence de marqueurs d’immaturité (forte
FITC : isothiocyanate de fluorescéine ; PE : R-phycoérythrine ; APC :
allophycocyanine ; PE-Cy5 : PE-cyanine 5 ; PerCP : peridinine chlorophylle- expression des molécules CD34, HLA-DR et CD117) et l’absence
protéine ; PerCP-Cy5.5 : PerCP- cyanine 5.5 ; PE-Cy7 : PE-cyanine 7 ; APC-Cy7 : de marqueurs retrouvés sur les formes plus matures (CD16,
APC-cyanine 7 (d’après http://bdbiosciences.com). CD15).
Leucémie aiguë promyélocytaire (FAB : LAM-3)
Tableau 2. Le diagnostic de LAM-3, qui implique une attitude thérapeu-
Classification OMS des leucémies aiguës myéloïdes [3].
tique spécifique, est possible grâce à un phénotype le plus
Leucémie aiguë myéloïde avec des anomalies génétiques récurrentes souvent typique : positivité des marqueurs myéloïdes (CD33,
Leucémie aiguë myéloïde avec t(8;21)(q22; q22); (AML1(CBFa)/ETO) CD13 et intense positivité des MPO intracytoplasmiques)
associée à la négativité du CD34 et de la molécule HLA-DR,
Leucémie aiguë myéloïde avec éosinophilie inv(16)(p13q22) ou
présente dans tous les autres types de LAM.
t(16;16)(p13; q22); (CBFb/MYH11)
Leucémie aiguë promyélocytaire : LAM avec t(15;17)(q22; q12); Leucémie aiguë myélomonocytaire (FAB : LAM-4) et leucémie
(PML/RARa) et variants aiguë monoblastique ou monocytaire (FAB : LAM-5)
Leucémie aiguë myéloïde avec11q23 (MLL) Le diagnostic est porté sur la présence de marqueurs mono-
Leucémies aiguës myéloïdes avec dysplasie de plusieurs lignées cytaires (CD14, CD64, CD11b) associés aux marqueurs myéloï-
Leucémies aiguës myéloïdes et syndromes myélodysplasiques des (CD33, CD13). De plus, le CD36 non spécifique de la lignée
secondaires à la thérapeutique monocytaire, est aussi fréquemment exprimé. La différence
Leucémies aiguës myéloïdes non classées précédemment entre les LAM-4 et les LAM-5 est fondée, comme pour la
Leucémie aiguë myéloïde peu différenciée cytologie, sur la proportion de blastes monocytaires par rapport
Leucémie aiguë myéloïde sans maturation
aux blastes myéloïdes.
Leucémie aiguë myéloïde avec maturation Érythroleucémie (FAB : LAM-6)
Leucémie aiguë myélomonocytaire À côté de la population blastique de type granuleux expri-
Leucémie aiguë monoblastique/monocytaire mant faiblement les marqueurs myéloïdes, on observe la
Érythroleucémie présence d’une population érythroblastique représentant plus de
Leucémie aiguë mégacaryoblastique 30 % des éléments analysés et qui est positive pour des mar-
Leucémie aiguë à basophiles queurs des érythroblastes comme le CD235a (glycophorine A,
AGA). Deux marqueurs présents sur les érythroblastes, mais de
Myélofibrose aiguë
façon non spécifique, sont également très utiles pour évoquer ce
Sarcome myéloïde diagnostic : le CD36, également présent sur les monocytes et les
plaquettes et le CD71, récepteur pour la transferrine, présent sur
toute la lignée érythroblastique mais pouvant être retrouvé sur
(classification Organisation mondiale de la Santé [OMS]) [3] ou tout type cellulaire qui prolifère.
de 30 % (classification franco-américano-britannique ou FAB) de Dans la forme LAM-6 variante [7], de diagnostic difficile, les
blastes [4] . Pour repérer les cellules blastiques au sein d’un blastes peuvent n’exprimer aucun Ag myéloïde et être CD235a
échantillon, il existe un consensus pour effectuer un « fenêtrage négatifs. Le diagnostic repose alors sur le CD36 et doit souvent
immunologique » sur les cellules de phénotype « CD45 fai- être confirmé par des cultures in vitro ou une étude en micros-
ble » [5, 6], marqueur panleucocytaire plus faiblement exprimé copie électronique.
sur les blastes que sur les autres leucocytes. La CMF permet de
distinguer les leucémies aiguës myéloïdes (LAM lignées granu- Leucémie aiguë mégacaryoblastique (FAB : LAM-7)
leuse, myélomonocytaire, mégacaryocytaire ou érythroïde) et les Identifiée plus tardivement que les précédentes grâce à
leucémies aiguës lymphoblastiques (LAL-B ou T). l’application des Acm dans la caractérisation des leucémies [8], la
LAM-7 est définie par la présence d’au moins deux molécules
Leucémies aiguës myéloïdes spécifiques de la lignée plaquettaire (CD41, CD42b ou CD61)
sur des blastes MPO négatifs.
Le phénotypage immunologique des cellules blastiques est un
des paramètres de la nouvelle classification de l’OMS de 2002 Caractérisation de sous-groupes de LAM
(Tableau 2) [3], classification qui intègre dans sa dernière partie Certains phénotypes de LAM présentent une forte corrélation
l’ancienne classification cytologique et cytochimique du FAB avec des anomalies cytogénétiques ou moléculaires et peuvent
(M0 à M7). Les expressions des marqueurs les plus souvent orienter le diagnostic vers une LAM du groupe 1 de la classifi-
utilisés sont décrites dans le Tableau 3. cation de l’OMS (groupe LAM avec des anomalies génétiques
Hématologie 3
13-000-L-10 ¶ Immunophénotypage des hémopathies malignes par cytométrie de flux
Tableau 3.
Caractéristiques phénotypiques des leucémies aiguës myéloïdes.
CD LAM-0 LAM-1 LAM-2 LAM-3 LAM-4 LAM-5 LAM-6 LAM-7
Cellules Myéloblastes Myéloblastes Promyélocytes Myéloblastes/ Monoblastes Érythroblastes Mégacaryoblastes
souches monoblastes
myéloïdes
Marqueurs d’immaturité
CD34 +++ +++ ++ +/- + - -/+ -/+ +/-
CD117 +++ +++ ++ +/- + -/+ -/+ -/+ +/-
HLA DR +++ +++ +++ - ++ ++ +++ +/- +/-
Marqueurs myéloïdes
CD13 +++ +++ +++ +++ ++ ++ ++ +/- +/-
CD33 +++ +++ +++ ++ ++ ++ ++ +/- +/-
MPO cy - + ++ +++ ++ +/- +/- - -
Marqueurs de granuleux matures
CD15 et - - +/- + - + + - -
CD16
Marqueurs monocytaires
CD14 - - - - - + + - -
CD64 - - - - - + + - -
CD11a, b, c - - - - - ++ ++ - -
Marqueurs érythroïdes
CD235a - - - - - - - + -
(AGA)
Marqueurs plaquettaires
CD41a et - - - - - +/- +/- - +
CD42b
CD61 - - - - - +/- +/- - +
Marqueurs non spécifiques
CD36 - - - - - + + + +
CD71 - - - - - - - ++ -
LAM-0 : leucémie aiguë myéloïde peu différenciée ; LAM-1 : leucémie aiguë myéloïde sans maturation ; LAM-2 : leucémie aiguë myéloïde avec maturation ; LAM-3 : leucémie
aiguë promyélocytaire ; LAM-4 : leucémie aiguë myélomonocytaire ; LAM-5 : leucémie aiguë monoblastique/monocytaire ; LAM-6 : érythroleucémie ; LAM-7 : leucémie aiguë
mégacaryoblastique ; CD : classe ou « cluster » de différenciation ; MPO cy : myéloperoxydases intracytoplasmiques ; AGA : glycophorine A.
récurrentes, Tableau 2) [9]. Ainsi la coexpression du CD19 et du également impliquées dans les phénomènes de chimiorésis-
CD34 (et parfois du CD56) est retrouvée dans les LAM avec tance, mais l’intérêt clinique de leur détection reste
t(8;21) [10]. La présence du marqueur CD2 est très fréquente controversé [25].
dans les LAM avec participation éosinophile et anomalies du
chromosome 16q [11]. Les LA promyélocytaires avec transloca- Leucémies aiguës lymphoblastiques
tion t(15;17) sont caractérisées par l’absence d’expression des
La classification actuelle de l’OMS [27] distingue deux entités
molécules HLA-DR et CD34 [12]. Enfin, les anomalies inv(16) ou
diagnostiques : la LAL à précurseur B et la LAL à précurseur T,
t(16;16) sont souvent associées à des leucémies à différenciation
chacune d’entre elles comprenant un large spectre de formes
myélomonocytaire avec expression du CD14 ou du CD64 [13].
cliniques, morphologiques, immunophénotypiques, cytogénéti-
ques et moléculaires. Le diagnostic de LAL-B et LAL-T se fait par
Signification pronostique le phénotypage.
Dans les LAM, ce sont surtout les caractéristiques cytogénéti-
ques qui ont une valeur pronostique. Cependant, les LAM de
LAL-B
phénotype rare, telles que les LAM-0, LAM-6 et LAM-7 (en Pour la lignée B (Tableau 4), les marqueurs pan-B sont CD19,
dehors des LAM-7 observées au cours de la trisomie 21 consti- cCD22, cCD79a. Les marqueurs de stade de la lignée B étant
tutionnelle) sont associées à un mauvais pronostic aussi bien en CD10, cµ (chaîne µ d’immunoglobuline [Ig] cytoplasmique) et
termes d’obtention que de durée de la rémission complète [14]. sIgM (IgM de surface), le CD20 et le marqueur de maturité
Les LAM-5 sont également associées à un pronostic plus FMC7. La molécule HLA-DR et l’Ag nucléaire TdT (désoxynu-
défavorable. cléotidyl transférase terminale), non spécifiques de la lignée B
La valeur pronostique de l’expression isolée de marqueurs sont présents dans presque tous les cas de LAL-B [28] . Les
myéloïdes reste encore très controversée. On a ainsi attribué un précurseurs B très immatures sont caractérisés par l’absence d’Ig,
critère péjoratif à l’expression du CD34 [15-17] et du CD56 [18]. que ce soit en surface (sIgM) ou en intracytoplasmique (cµ) et
De plus, le CD11b serait associé à un mauvais pronostic [19, 20] se divisent en deux catégories, les lymphoblastes pro-B (LAL
et le CD15 à un bon pronostic [20, 21] . Le CD7, marqueur pro-B ou de type I) n’exprimant pas l’Ag CD10 et les blastes pré-
précoce de la lignée T, peut être présent et sa signification pré B (LAL pré-pré B ou de type II) qui l’expriment (Fig. 3). Les
pronostique est discutée [22]. Enfin, les patients dont les blastes lymphoblastes pré-B (LAL pré B ou de type III) restent
expriment un large panel de marqueurs myéloïdes (CD13, CD10 positifs et acquièrent l’expression de la chaîne lourde µ
CD33, CD117, CD65, et les MPO) auraient une meilleure intracytoplasmique. Enfin, les cellules B matures (LAL-B matures
survie [23, 24]. L’ensemble de ces données a été repris par l’équipe ou de type IV) sont définies par l’expression en surface d’une Ig
de Szer [24]. complète. La LAL-3 de type Burkitt (classification FAB) [4] (ou
La molécule de résistance aux chimiothérapies codée par le lymphome/leucémie de Burkitt selon la classification OMS [27])
gène MDR1, très préférentiellement exprimée dans les LAM est une entité particulière où le phénotypage ne correspond à
secondaires ou les LAM du sujet âgé, est associée à un pronostic aucun stade physiologique de la maturation d’une cellule B,
défavorable [25, 26]. D’autres protéines (MRP, LRP, BCRP) sont co-exprimant le CD10 et l’IgM de surface.
4 Hématologie
Immunophénotypage des hémopathies malignes par cytométrie de flux ¶ 13-000-L-10
Tableau 4.
Caractéristiques phénotypiques des leucémies aiguës lymphoïdes B.
CD LAL-pro B LAL pré-pré B LAL pré B LAL-B LAL3
commune mature de type
LAL-B I LAL-B II LAL-B III LAL-B IV Burkitt
Marqueurs d’immaturité
CD34 + + -/+ - -
Marqueurs pan-B
CD19 + + + + +
CD22 + + + + +
(cytoplasme)
cCD79a + + + + +
Marqueurs de stade de différenciation
CD10 - + + - +
Cµ / sIgM - - cµ+ sIgM+ sIgM+++
CD20 - +/- +/- + +
CD79b +/- + + + +
FMC7 - - - -/+ -/+
Marqueurs non spécifiques
HLA DR + + + + +
cCD79a : CD79a intracytoplasmique ; cµ : chaîne µ intracytoplasmique ; sIgM :
immunoglobuline M exprimée en surface.
LAL-T
Pour les LAL-T (Tableau 5), les marqueurs pan-T utilisés sont
les CD2, CD5, CD7 et le CD3 intracytoplasmique. Les molécules
rigoureusement spécifiques de la lignée T, le récepteur T (TCR)
et le CD3, dont l’apparition à la surface des cellules est assez Figure 3. Diagnostic d’un cas de leucémie aiguë lymphoblastique
tardive dans la différenciation, ne sont le plus souvent pas (LAL). Les cellules blastiques (flèche rouge), représentant 37 % des cellules
retrouvés à la surface des cellules leucémiques. L’Ag cortical totales, sont repérées par leur faible expression du CD45 (A). Ces blastes
thymique, CD1a, et les Ag des sous-populations T, CD4 et sont positifs pour le marqueur d’immaturité CD34 (45 %) (B). Il s’agit de
CD8 peuvent être utilisés pour classer les différents précurseurs lymphoblastes de la lignée B, CD19+ (80 %)(B), CD79a intracytoplasmi-
des LAL-T : les cellules blastiques T très immatures CD34+, que + (C), CD10+ (D) et n’exprimant pas encore la chaîne µ intracyto-
CD1a–, sCD3–, CD4– et CD8– (LAL pro-T ou de type I) ; les plasmique (E). Ce phénotype permet de porter le diagnostic de LAL
cellules immatures de même phénotype mais CD34– (LAL pré-T pré-pré B.
ou de type II) ; les thymocytes communs CD1a+, sCD3–,
CD4+ et CD8+ (LAL-T commune ou de type III) ; et les cellules
T matures CD1a–, CD3+, CD4+ ou CD8+ (LAL-T mature ou de
Leucémies aiguës biphénotypiques
type IV). Il est important de bien identifier cette catégorie particulière
de leucémies aiguës, de pronostic très défavorable et plus
Signification pronostique particulièrement retrouvées dans les formes dites secondaires.
Elles présentent également souvent des anomalies cytogénéti-
Les LAL-B et T très immatures sont associées à un pronostic ques, la très grande majorité des LAM biphénotypiques étant,
moins favorable, tout particulièrement les LAL-B avec t(4;11) [31, par exemple, associée soit à la présence du chromosome
33-37] . De plus, les LAL-T ont un meilleur pronostic que les
Philadelphie, soit à l’expression du gène MLL [41].
LAL-B chez l’adulte alors que l’inverse est observé chez l’enfant La définition des LA biphénotypiques est strictement immu-
de plus de 1 an. Les LAL-T pédiatriques corticales (CD1a+) nologique. On exige la présence d’un certain nombre de
semblent se caractériser par une meilleure réponse au traitement marqueurs spécifiques de deux lignées différentes sur les mêmes
et une augmentation significative de la durée de survie [38-40]. cellules blastiques. La classification européenne de l’European
L’analyse du cycle cellulaire, avec en particulier la quantification group for the immunologic classification of leukaemias
de l’ADN total par cellule (mesure de la ploïdie), peut être (EGIL) [42] ou le système de score du Groupe pour l’étude
appliquée en CMF aux LA. Celle-ci a une valeur pronostique, en immunologique des leucémies (GEIL) sont fondés sur la pré-
particulier dans les LAL de l’enfant où les formes hypodiploïdes sence d’un certain nombre d’Ag ayant différents niveaux de
sont associées à un pronostic péjoratif et les formes hyperdi- pondération (Tableau 6). L’assignation à une lignée nécessite un
ploïdes au phénotype pré-pré B à un meilleur pronostic. La score strictement supérieur à 2. L’assignation à deux lignées sur
ploïdie est ainsi déterminée de façon systématique dans un les mêmes cellules blastiques permet ainsi de caractériser les
certain nombre de protocoles thérapeutiques. leucémies aiguës biphénotypiques.
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Figure 4. Présence d’une maladie résiduelle dans le sang d’un patient atteint de leucémie lymphoïde chronique (LLC) après autogreffe. Les lymphocytes
totaux (flèche verte) sont quantifiés par rapport aux cellules totales (20 %) grâce à leur positivité en CD45 et leur structure peu complexe (A). Les lymphocytes
B sont quantifiés par rapport aux lymphocytes totaux (4 %) par leur expression du CD19 (B). Les cellules de LLC, représentant 25 % des lymphocytes B et 1 %
des cellules totales (flèche rouge) présentent ici des caractéristiques typiques : monotypie kappa de faible intensité (C), CD5+ (D), CD23+ (E), CD79b faible
(D) et FMC7 négatif (E) (score 5 de Matutes). Elles sont également CD20 de faible intensité (F). En comparaison, la population B normale est visualisée en vert.
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Figure 5. Exemple de diagnostic de myélome. Comme tous les plasmocytes, les cellules myélomateuses sont CD138+ et CD38+ de très forte intensité (A).
Contrairement aux quelques plasmocytes normaux résiduels (en vert), les plasmocytes myélomateux (en rouge) sont CD19– et CD56+ (B). Les cellules
myélomateuses peuvent parfois être repérées sur leur absence d’expression du CD45. Dans ce cas précis, elles ont également une structure particulièrement
complexe (C). Population CD138/CD38+, CD19– et CD56+ correspondant aux plasmocytes myélomateux : 15 % des cellules totales (flèche rouge).
qui lui-même sert d’ancrage à de nombreuses protéines mem- n’aient pas reçu de transfusion récente, associés pour les
branaires dont deux, le CD55 et le CD59, sont indispensables à monocytes avec l’anti-CD14 et pour les polynucléaires neutro-
la protection des cellules sanguines vis-à-vis de la lyse par le philes avec l’anti-CD16 et l’anti-CD66b (Fig. 6). Un des intérêts
complément. Il existe dans l’HPN un déficit partiel ou total en de la CMF pour les leucocytes de l’HPN est que l’évaluation des
CD55 et en CD59 à la surface des globules blancs, des plaquet- molécules ancrées par le GPI n’est pas modifiée par les transfu-
tes et des globules rouges. sions ni par la lyse cellulaire, leur durée de vie restant normale,
La méthode historique biochimique de diagnostic de l’HPN contrairement aux globules rouges. De plus, le risque des
par la mesure de l’activité lytique du complément sur les manifestations cliniques majeures inhérentes à cette maladie
globules rouges en milieu acide a été abandonnée du fait de son pourrait être corrélé avec l’importance du clone des
manque de spécificité et de son intérêt limité. La CMF est granuleux [94].
actuellement la seule méthode de référence car elle est la plus
sensible et la plus spécifique. Elle utilise des anticorps recon-
naissant des Ag ancrés à l’état normal par le GPI à la surface des
cellules hématopoïétiques : globules rouges, polynucléaires
■ Myélodysplasies et syndromes
neutrophiles et monocytes. Le diagnostic est basé sur la détec- myéloprolifératifs
tion d’une population de cellules sanguines déficitaires en au
moins deux molécules ancrées par le GPI. La mesure du pour- La CMF reste encore d’un intérêt limité dans ces hémopa-
centage de cellules anormales permet de définir la taille du thies. Toutefois, ce sont des affections dont la frontière avec les
clone. Il faut que le pourcentage de cellules négatives soit LAM est difficile à déterminer. C’est l’expression du CD34,
supérieur à 5 % pour évoquer le diagnostic [92, 93]. marqueur des cellules souches, associé aux marqueurs myéloïdes
Les anticorps utilisés sont ceux qui reconnaissent des molé- qui permet d’estimer le plus précisément le nombre de myélo-
cules ancrées par le GPI : anticorps anti-CD55 et anti- blastes et d’aider au diagnostic. De plus, le CD34 peut avoir une
CD59 pour les globules rouges, à condition que les patients valeur pronostique [95].
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