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© Caisse nationale d'assurance vieillesse | Téléchargé le 17/03/2023 sur www.cairn.info (IP: 41.224.56.74)
n o t e s
de lecture
A N A LYS E S CRI T I Q U ES coordonnées par Sabrina Aouici, Cnav
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Vieillir en Tunisie
Sofiane Bouhdiba, Paris, L’Harmattan, 2017, 203 p.
Le livre Vieillir en Tunisie de l’auteur Sofiane Bouhdiba, paru en 2017 aux éditions
L’Harmattan, se termine par cette phrase : « En Tunisie, les Vieux ont gagné. » Étonnant
constat, qui ne semble pas résulter directement de l’analyse, en particulier statistique,
faite par l’auteur tout au long de cet ouvrage grand public, composé de quatre parties :
Le vieillissement ; Vieillir, et après ; Vivre et mourir vieux ; Perspectives.
Le viellisement
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Sur les personnes âgées en Tunisie, Sofiane Bouhdiba nous apprend qu’elles habitent
en majorité dans les régions le plus déshéritées, qu’elles souffrent dans une très grande
proportion (44,2 %) d’analphabétisme, et que la moitié d’entre elles seulement béné-
ficient d’une couverture sociale (49,9 %). Force est de constater que « si les vieux ont
ainsi gagné » (p. 191), c’est toute la société qui a perdu.
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Vieillir, et après ?
La deuxième partie de l’ouvrage (chapitres V à VII) aborde différents aspects de la vie
des personnes âgées en Tunisie aujourd’hui. L’auteur met l’accent sur les bouleverse-
ments des rapports intergénérationnels. L’hypothèse forte est celle de l’effritement des
solidarités familiales et des écarts de trajectoire entre les ascendants et les descendants.
Du fait de la crise tunisienne d’abord, les « seniors d’aujourd’hui (…) ne reçoivent pas
l’équivalent de ce qu’ils avaient apporté à leurs enfants ». Selon l’auteur, qui adopte
ici un raisonnement fondé sur le don et le contre-don, les dettes entre générations ne
sont pas facilement honorées. Les bouleversements des rapports entre générations pro-
cèdent également des changements démographiques, en particulier de la diminution de
la natalité et de l’augmentation de l’espérance de vie. Cette idée d’un relâchement des
liens intergénérationnels n’est toutefois pas pleinement démontrée par la suite : l’auteur
lui-même signale l’apparition du phénomène de « nid doré », des jeunes dont l’âge du
mariage avoisine désormais les 30 ans, vivant encore chez les parents et grands-parents.
Ou encore, ces marques de respect envers les personnes âgées, toujours visibles selon
l’auteur, mais en déclin.
Le carré familial, construit à partir de la maison paternelle, et les revenus (salaires, patri-
moine, retraites et pensions) sont traités dans les chapitres VI et VII, en lien avec la ques-
tion de la retraite. En Tunisie, l’âge légal de départ à la retraite est de 60 ans ; le taux de
couverture, c’est-à-dire la part de la population salariée cotisante, est de 80 %. On com-
prend qu’environ 50 % de la population âgée bénéficie d’une retraite ou d’une pension.
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Notes de lecture / Analyses critiques
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Les 944 092 pensions et retraites sont financées par un peu moins de 3 millions de tra-
vailleurs. Le lecteur regrettera ici le manque d’informations concernant la répartition
hommes/femmes (l’auteur signale que « les Tunisiennes ont été moins souvent officiel-
lement actives » [p. 118], mais sans en préciser davantage) et de chiffres concernant les
montants de retraite.
Une place importante est faite aux chibani, les travailleurs tunisiens migrants (chapitre VII).
L’auteur convoque les travaux de sociologues des migrations pour formuler l’idée du
déracinement, d’une vie dure, de l’impossible retour pour des raisons de santé ou de
famille. Il évoque la législation française aussi, en particulier le dispositif d’aide à la ré-
insertion sociale et familiale des anciens migrants dans leur pays d’origine (ARFS), et les
conséquences sociales de l’acceptation de celle-ci. Ici encore, nous regrettons le manque
de données quantitatives concernant l’ampleur de ces phénomènes. Ce d’autant plus
que la question des transferts monétaires est trop rapidement évoquée dans le chapitre
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concernant la solidarité intergénérationnelle (partie II).
Dans le chapitre XI intitulé « Autour de la mort du vieux », l’auteur souligne qu’il était
impensable, il y a quelques années, de mourir à l’hôpital, alors qu’aujourd’hui le vieillard
meurt le plus souvent en salle de réanimation ou dans un service de gériatrie. Le lecteur
regrettera là encore le manque de données quantitatives pour appuyer ce propos et
l’ampleur de ce phénomène, mais aussi l’absence d’analyse en termes d’inégalité terri-
toriale ou de catégories sociales. Ces lacunes sont aussi visibles dans la partie sur le veu-
vage (p. 164-168). Nous pouvons concevoir que les veuves sont plus nombreuses que
les veufs, mais il conviendrait de le montrer. Outre le facteur démographique, l’auteur
dit que « la société tunisienne voit d’un très mauvais œil, voire exclut, une femme qui
refait sa vie après la perte de son époux ». L’auteur cite une phrase sur la pratique du
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« lévirat1 », sans que l’on sache quelle est cette « société » dont il parle et qui pratique
le lévirat en Tunisie. Ces généralités et imprécisions se doublent malheureusement de
données parfois très anciennes : l’enquête nationale médicosociale sur l’état de santé
et les conditions de vie des personnes âgées de 65 ans et plus vivant à domicile, mobili-
sée ici pour décrire un différentiel d’intégration selon les genres à travers les visites des
proches, date par exemple de 1996.
Perspectives
La dernière partie de l’ouvrage propose dans le premier de ses deux chapitres des pro-
jections démographiques annonçant « un gonflement rapide des tranches d’âges éle-
vées » (p. 170). La crise du Covid-19 a fait officiellement neuf mille morts et a remis hélas
en cause ces exercices prévisionnels, nous invitant au passage à une plus grande prudence
concernant ces approches prédictives. Le dernier chapitre traite des réponses aux ques-
tions du vieillissement. Outre la partie sur les « attitudes » du bien ou mal-vieillir, l’auteur
évoque les dispositifs politiques des différents gouvernements sur la population de plus
de 60 ans, en particulier la loi de 1994 relative à la protection des personnes âgées et les
différents programmes du gouvernement, comme la promotion de la santé mentale, la
création des structures de soin à domicile et l’introduction de programmes d’étude des
facultés de médecine. D’après l’auteur, ces mesures s’essoufflent depuis les années 2000,
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créant néanmoins une catégorie d’âge et un marché en direction des personnes âgées.
La conclusion, très brève, revient sur une hypothèse avancée par l’auteur – mais non
démontrée – d’une société en transformation, où les jeunes connaissent la pauvreté alors
que les vieux vivent une « amélioration spectaculaire ». Si l’ouvrage propose une vision
vulgarisée et accessible à tous du vieillissement en Tunisie, en fin de compte, nous ne
savons pas grand-chose sur le profil de ces vieux qui ont gagné, ni même s’ils ont gagné...
Par Roxana Eleta de Filippis
Maîtresse de conférences-HDR en sociologie à l’université Le Havre Normandie
UMR IDEES 6266
L’ouvrage écrit par Kevin Charras s’inscrit dans une réflexion au long cours, engagée
depuis plusieurs années par l’auteur dans le cadre de son doctorat en psychologie envi-
ronnementale et à travers ses différentes expériences professionnelles. Il nous livre ses
observations et remarques sur l’accompagnement des personnes atteintes de la maladie
d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée à travers la mise en place des interventions
psychosociales et environnementales. Ces solutions non médicamenteuses visent à amé-
liorer la qualité de vie, le fonctionnement psychologique et social des personnes avec
une démence ainsi qu’à préserver leurs capacités. Elles mettent en œuvre le travail de
différents professionnels du soin tels que des psychologues, des psychomotriciens,
des kinésithérapeutes, des orthophonistes, etc. La réflexion de Kevin Charras est ainsi
1. Le lévirat est un type particulier de mariage où le frère d’un défunt épouse la veuve de celui-ci, afin
de poursuivre la lignée.
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Notes de lecture / Analyses critiques
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Loin d’un simple recensement des possibles interventions, l’auteur interroge les pra-
tiques et les modalités actuelles d’accompagnement des personnes malades. S’il qua-
lifie son propre style « d’arrogant » (p. 15), les questions posées en préambule de son
ouvrage illustrent la démarche réflexive qui l’anime et qu’il souhaite transmettre à son lec-
teur. Comme il le résume, « les opinions émises dans cet ouvrage ne sont pas forcément
à prendre au pied de la lettre. Il appartient au lecteur de se faire son propre avis, en
confrontant sa réalité avec les idées, les principes et les faits exposés tout au long de
son travail » (p. 16). L’objectif est donc bien de présenter l’intérêt que les approches
psychosociales et environnementales peuvent avoir dans l’accompagnement des per-
sonnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparentés, mais aussi – et
c’est l’un des points forts de ce travail – de mettre en discussion les conditions néces-
saires à leurs mises en œuvre.
Cinq chapitres organisent l’ouvrage, et après lecture, trois points peuvent retenir par-
ticulièrement l’attention du lecteur : le rapport de nos sociétés à la « démence » et la
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réalité des personnes qui vivent avec ; la complémentarité entre les interventions psy-
chosociales et l’accompagnement médicamenteux de la maladie ; les conditions de leur
mise en œuvre, de leur prescription à leur évaluation.
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et la sémiologie [qui] ont également leur importance dans l’accompagnement des per-
sonnes vivant avec une démence » (p. 61). Il cherche ainsi à ne pas opposer l’approche
psychosociale et l’approche clinique et scientifique de la maladie, mais bien à souligner
leur complémentarité.
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tive générale d’« amélioration de la qualité de vie, du fonctionnement psychologique et
social, ainsi que la maximisation des capacités préservées dans le cadre de déficits détec-
tés » (p. 122), reprenant la définition proposée par l’American Psychiatric Association.
Kevin Charras nous alerte aussi sur la nécessité de ne pas penser l’intervention psycho-
sociale comme étant sans conséquence sur la personne et rappelle qu’elle doit être mise
en œuvre par des professionnels et prescrite en fonction des particularités de chaque per-
sonne, nécessitant la définition d’indications et de contre-indications. Elle doit répondre
aux besoins de chacun, dans une perspective de personnalisation de la prise en charge.
L’auteur souligne également la dimension multifactorielle des interventions psychoso-
ciales et environnementales, qui ne se limitent pas au temps de l’action mais dont les
retombées peuvent être plus importantes pour les personnes malades et leur entourage.
Surtout, il alerte sur l’importance des conditions de réalisation de ce type d’interven-
tion et les prérequis tant sociaux, physiques, qu’organisationnels nécessaires à leur bon
déroulement. Ce n’est qu’après avoir cadré ces différents éléments que Kevin Charras
détaille les différents types d’interventions disponibles pour les personnes souffrant
d’une démence et en effectue une classification rigoureuse : ne se limitant pas à une
liste, il s’évertue pour chacune à en expliquer les fondements historiques et à présen-
ter les différentes études sur le sujet, à rappeler l’intérêt pour les personnes malades et
les conditions de leur mise en œuvre. Les « interventions psychosociales à visée envi-
ronnementale » (p. 201) décrites par l’auteur paraissent particulièrement intéressantes
à discuter ici. À partir de travaux menés en psychologie environnementale, en socio-
logie ou encore en architecture, Kevin Charras démontre l’importance de l’espace et de
sa conception dans l’amélioration de la qualité de vie des personnes malades. Mettre
l’accent sur ce type d’intervention permet de souligner qu’une intervention psycho-
sociale ne se limite pas nécessairement à la durée d’un atelier, dans un lieu contraint, mais
peut prendre forme dans l’ensemble des éléments du quotidien.
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La nécessaire évaluation
Le dernier point fort de l’ouvrage de Kevin Charras tient dans l’intérêt porté par l’au-
teur à l’évaluation des interventions psychosociales. À partir d’une revue de la littéra-
ture pluridisciplinaire, l’auteur met en évidence les enjeux liés à l’évaluation. S’il pointe
un certain nombre de difficultés, il ouvre aussi plusieurs pistes de réflexions et d’amé-
liorations, ne se contentant pas d’affirmer que les interventions psychosociales doivent
être évaluées. Il alerte notamment sur la nécessité de définir et d’adopter une métho-
dologie d’investigation plus adaptée à la spécificité des interventions psychosociales et
environnementales que ce qui est fait à l’heure actuelle. En particulier, les essais contrô-
lés randomisés généralement utilisés en recherche clinique et fondés sur la comparai-
son de deux groupes d’individus, l’un testant une nouvelle thérapie et l’autre pas, sont
largement remis en cause car ils présentent de nombreux biais dans le cas des interven-
tions psychosociales et environnementales. Afin de les rendre plus efficients et de mieux
connaître les mécanismes comportementaux, psychologiques et sociaux mobilisés lors
de l’intervention et leurs effets sur les personnes concernées, il serait nécessaire de les
associer à d’autres méthodes (études de cas, études observationnelles ou de faisabilité,
enquêtes de satisfaction, etc.). Dans cette partie de l’ouvrage, le vocabulaire utilisé est
parfois assez technique, complexifiant la compréhension des lecteurs les moins initiés
et pouvant parfois rendre difficilement lisible le discours sous-jacent. Une posture par-
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faitement assumée par Kevin Charras, qui considère son « ouvrage utile pour tout cli-
nicien ». Il semble en effet que les détails et éléments présentés par l’auteur devraient
satisfaire à l’exigence des professionnels du secteur.
Conclusion
L’ouvrage écrit par Kevin Charras est particulièrement intéressant car il aborde un sujet
souvent mal défini et identifié, qui est pourtant de plus en plus préconisé dans l’accom-
pagnement des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparen-
tés. Il donne des bases solides sur la compréhension des interventions psychosociales,
mais aussi sur le vécu de ces personnes. S’il cherche avant tout à pousser le lecteur le
plus avisé à s’interroger sur sa propre pratique et sur la manière d’accompagner les per-
sonnes malades dans le cadre de son exercice professionnel, il est accessible à un public
plus large, notamment dans les trois premiers chapitres qui permettent de mieux com-
prendre ce qu’est la démence et les enjeux relatifs à sa prise en charge. Bien que l’ou-
vrage comporte une dimension très pratique, il ouvre aussi une réflexion plus générale
sur la place des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ou de troubles apparen-
tés dans notre société, à travers l’accompagnement qui leur est proposé.
Par Manon Labarchède
Architecte DE, postdoctorante en sociologie
Université du Québec à Rimouski (UQAR)
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entre conflit et coopération, entre guerre et paix, constitue la trame de fond de cet essai
engagé et éclectique qui emprunte à l’anthropologie, la philosophie du droit et l’éco-
nomie. Assumant une posture idéologique, A. Masson livre sa vision de la manière dont
une solidarité « bien comprise » peut structurer et donner sens aux relations entre les
générations pour assurer la paix sociale. L’ambition de l’ouvrage est double : il s’agit à
la fois d’offrir un regard critique et problématisé sur le débat concernant la réforme
des retraites, mais aussi d’asseoir ses propres propositions de réformes et de mesures.
L’ouvrage est structuré en quatre parties.
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tion de solidarité, cette « coopération intergénérationnelle » représente un idéal fragile
à mettre en œuvre, du fait notamment de la forte asymétrie de ces rapports. En particu-
lier, la concentration du pouvoir aux mains des seniors représente un enjeu central, qui
nourrit le terreau d’une « lutte des générations ». A. Masson semble adhérer à cette thèse
tout en critiquant une forme de cécité qui conduirait à n’envisager les rapports inter-
générationnels qu’à travers le prisme du conflit, en négligeant la dimension de coopéra-
tion. Pour l’auteur, seul le concept de solidarité est à même de caractériser les rapports
intergénérationnels dans toute leur ambivalence : « dans une perspective dynamique,
la solidarité entre générations se mesure à la solidité de la chaîne transgénérationnelle
et à sa capacité à surmonter les épreuves rencontrées. Jamais acquise définitivement, sa
quête continuelle peut s’apparenter (pour paraphraser Bourdieu à propos de la socio-
logie) à un véritable “sport de combat” » (p. 50-51). Cette citation donne sens au sous-
titre de l’ouvrage « Plaidoyer pour une solidarité de combat » : il s’agira de défendre
une conception solidaire des rapports intergénérationnels et de mettre en garde contre
les mésusages de ce concept.
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Réflexion critique autour des sources de financement du modèle social
Dans un troisième temps, A. Masson analyse deux sources de financement possibles de
notre modèle social, à savoir le travail et le patrimoine des ménages. Ces deux solutions
n’ont pas les mêmes conséquences pour toutes les générations. En effet, financer par le
patrimoine touche en priorité les retraités puisque ce sont eux qui le détiennent massive-
ment, tandis que financer par le travail se répercute directement sur les actifs. Voie privi-
légiée par le gouvernement Macron, le financement par le travail (qui se traduit par une
incitation à travailler plus longtemps) relève d’un schéma libéral qui fait appel à la res-
ponsabilité individuelle. L’auteur dénonce une « dérive individualiste » qui aura plusieurs
conséquences néfastes, en particulier l’augmentation des inégalités entre les catégories
sociales et le déclin des solidarités professionnelles. La deuxième source potentielle de
financement est constituée par le patrimoine des ménages. Si Thomas Piketty et André
Masson s’accordent sur l’importance du phénomène de patrimonialisation, A. Masson
considère que la question du vieillissement est tout aussi centrale, là où T. Piketty n’en
fait qu’un élément secondaire. La création d’une assurance-dépendance financée par
les seniors aisés doit également s’assortir d’autres mesures les incitant à libérer leur patri-
moine. L’augmentation des droits de succession est notamment envisagée par A. Masson
comme « un puissant mécanisme d’incitation fiscale contre la “thésaurisation” passive
des seniors aisés » (p. 112). Cette mesure, nommée Impher pour Imposition des héri-
tages, est conçue comme le « bâton » pénalisant les retraités qui ne souhaiteraient pas
transmettre leur patrimoine plus tôt. En outre, le développement de produits viagers,
encouragé par l’auteur en tant que « carotte » (le viager et le prêt-viager-dépendance),
a pour fonction de « convertir le logement en liquidités tout en restant à demeure » (p.
129) et ainsi d’investir ces liquidités dans des placements bénéficiant à l’ensemble social
tout en profitant aux retraités eux-mêmes.
Un triptyque de mesures
La quatrième et dernière partie, d’abord plus technique, vise à détailler le triptyque de
mesures ayant vocation à constituer un programme de réformes. Déjà introduit dans les
précédents chapitres, cet appareil est composé de trois éléments centraux : en premier
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Autre élément discutable, le prisme de lecture générationnelle tend à attribuer abusive-
ment des problématiques spécifiques à chaque génération. Si A. Masson évoque volon-
tiers les « jeunes pauvres », les « vieux pauvres » sont quant à eux relativement absents
du débat, de la même manière que les « jeunes en perte d’autonomie » ne sont pas
identifiés. Ces problématiques sociales telles que la pauvreté et la perte d’autonomie
traversent pourtant l’ensemble des générations.
L’apport principal de l’ouvrage réside toutefois dans l’originalité des propositions énon-
cées. André Masson dessine d’autres voies de réforme, qui tranchent avec l’acception
commune et peu questionnée selon laquelle l’allongement de la durée de cotisation
serait la seule solution pour assurer la pérennité du système de retraite et résoudre la
problématique du financement de l’assurance-dépendance.
Par Pauline Mesnard
Docteure en sciences sociales, chargée de recherche à l’Institut des sciences sociales
de l’université de Lausanne
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