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Mémoires du comte de

Rambuteau publiés par son


petit-fils, avec une
introduction et des notes par
M. Georges Lequin,...

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Rambuteau, Claude-Philibert Barthelot, cte de. Mémoires du
comte de Rambuteau publiés par son petit-fils, avec une
introduction et des notes par M. Georges Lequin,.... 1905.

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;
colonel, et je la conduisis dans la cour du Château. Le
Roi descendit, tenant par la main le Comte de Paris il
fut acclamé avec autant d'allégresse que douze ans aupa-
et
vant; le lendemain, les sixième septièmelégions me
demandèrent de leur permettre la même manifestation,
et, si j'avais été autorisé à le faire, nul doute qu'elles

: !
n'eussent témoigné les mêmes transports Quelques
mois après, tout cela était oublié la garde nationale
faisait la révolution de Février.
Les obsèques des victimes de Fieschi furent magni-
fiques, dix-sept corbillards se suivaient,depuis celui
d'un maréchal de France jusqu'à celui d'une jeune fille
de dix-huit ans, tendu de blanc, entouré de vingt-quatre
de ses compagnes, et ce spectacle impressionna vive-

:
ment la population. Telle est l'horreur des haines
civiles elles frappent en aveugles, sans regarder ni à
l'âge, ni au sexe, ni au rang. Quand le Roi vint jeter de
l'eau bénite sur tous ces cercueils sans distinction, un
;
long frémissement passa dans la foule bien des yeux
se mouillèrent;puis, ces dernières dépouilles d'innocents
unis par la mort furent unies par la tombe, et ensevelies
aux Invalides dans un même caveau.

;
J'avais, en entrant à l'Hôtel de Ville, gardé quelque
temps contact avec la Chambre et la politique la vie
parlementaire a ceci de particulier qu'elle prend
l'homme tout entier, et lui fait comme un besoin de ses-
agitations, de ses fièvres, de ses intrigues. Mais bientôt,
mes fonctions
d'administrateur m'absorbèrent au point
de rompre tous ces liens. J'avais mieux à faire de me
consacrer à ce Paris dont le nom seul est une gloire.
Tout le reste, peu à peu, me devint indifférent,sinon
étranger, et les heures eussent été doubles qu'elles n'au-
raient point suffi à ma tâche. Je ne me suis guère occupé
des faits et gestes des ministres. Je ne leur demandais
que de me laisser accomplir mon œuvre, mais j'étais
intraitable dès que je la leur voyais entraver.
J'eus, par exemple, vers 1838, une prise sérieuse avec
M. Humann, ministre des Finances,quand il voulut
remanier l'impôt sur les patentes afin d'en accroître le
produit. Il avait adressé une circulaire aux préfets et
aux directeurs des Contributions pour appeler leur atten-
tion sur le grand nombre des omissions existant dans
les rôles, et leur prescrire d'y faire figurer désormais
tous ceux qui se livraient à une industrie quelconque
sans être aux gages de personne, ni salariés d'autrui.
Cette question avait une importance capitale à Paris où
tant d'ouvriers en chambre, tant de petites industries
vivent si modiquement à force de travail et d'ingénio-

;
sité. Jusqu'alors on les avait exceptés de la matière
imposable le Conseil municipal, mû par le même sen-
timent d'intérêt envers les classes indigentes, exemptait

;
de l'impôt mobilier et même de la cote personnelle tous
les loyers au-dessous de deux cents francs et, pour en
tenir lieu dans le contingent du département, il préle-
vait trois millions deux cent mille francs sur les pro-
duits de l'octroi.
La circulaire et les prétentions ministérielles cau-
sèrent une viveagitation au sein du Conseil municipal,
alors réuni en session ordinaire pour la discussion du
budget. Il prit à l'encontre une délibération très ferme
et très fortement motivée, sous la rédaction de
M. Lafaulotte, un des membres les plus considérables
et les plus modérés. J'obtins sans difficulté un ajourne-
ment à l'effet d'intervenir auprès du ministre. — « Mon
« cher ami, lui dis-je, vos bureaux vous ont mis en
« mauvaise position, au moins à l'égard de Paris. Rien

«
de plus juste que de vouloir augmenter les produits
« d'un impôt, mais encore faut-il le faire avec prudence.
« Depuis cinq ans, j'ai porté le nombre des patentes de
à
a cinquante-deux mille soixante-dix mille, et les
« produits de quatre millions et demi à sept millions.
«
Là où j'ai trouvé un déficit de soixante-cinq mille
«
francs, j'ai mis un bénéfice de près de quatre cent
« mille. C'est cette bonification que vos bureaux veulent
« s'approprier en me forçant de porter sur les rôles des
« cotes irrecouvrables, comme celle de vingt-cinq mille
« ouvriers qui ne payent même pas de cote personnelle,
a et six ou sept cents portiers qui travaillent en vieux
« dans la chaussure et
le vêtement, atteints désormais
« par votre
circulaire. Vous faites fausse route. Si j'ai
« amélioré les
finances de la ville par un accroissement
« de 60 ° 0 dans le revenu des patentes,
c'est parce que
« j'ai instamment
recommandé à la Commission des
« contributions de
rechercher partout la matière impo-
« sable
susceptible de payer, et de rayer des rôles, avec
« autant de
« la délibération du Conseil :
soin, tous ceux reconnus insolvables. Voici
si elle est votée, comme
«
« et
cinq cents communes suivront Paris ;
cela ne fait aucun doute, elle aura du retentissement,
si au con-
traire vous me laissez faire, je persisterai dans ma
«
« conduite, avec
l'approbation du Conseil, et je vous
«
ferai une petite guerre dont mon intérêt vous garantit
« la
modération. Au surplus, vous pourrez me briser,
«
mais j'aurai rendu au Roi et au Gouvernement le
«
service de prévenir des troubles. » Il me montra assez
d'humeur, voire de mécontentement, toutefois sans
insister; notre amitié en fut ébranlée, mais la Ville et
l'Etat s'en trouvèrent bien.
C'est aussi au nom des intérêts de la Ville que j'eus,
en 1840, une conversation avec le Roi relative à la
question d'Orient. Je prenais quelques jours de vacances
à Champgrenon quand des bruits fort belliqueux qui
m'arrivaient de Parisprécipitèrent mon retour. J'allai
aussitôt voir le Roi à Saint-Cloud. Il me parla avec

tions présentes pouvaient imposer à la France :


beaucoup de chaleur des nécessités que les complica-

esprits étaient très surexcités, le traité de Londres


les

soufflait la guerre; peut-être faudrait-illafaire.


— « Sire, lui dis-j e, permettez-moi de rester dans
« mon métier. Pour moi, le plus clair résultat de
« cette situation, c'est que depuis six mois elle enraye
« les affaires. Le 17Février, l'octroi présentait un
« accroissement considérable sur le précédent exercice ;
« tion de dix-huit cent mille francs;
« il offre maintenant, au i5 Septembre, une diminu-
c'est plus de deux
« millions et demi en moins pour la moitié de l'année,
« ce qui fait que la consommation de Paris a diminué
« de quarante-quatre millions dans ce laps de temps.
« Si la crainte seule de la guerre a de tels effets, Votre
«
«
«
;
Majesté peut juger de ce qu'y ajoutera la réalité. Il
faudra envoyer la garnison aux frontières la garde
nationale restera seule chargée de défendre la Cou-
« ronne et la société; or, elle est composée en totalité
« de rentiers, commerçants, industriels. Paris exporte
« pour cent millions de produits à l'étranger, ce qui
« donne du pain à cent soixante mille ouvriers. D'autre
«
« vivre autant de
« uns et
Parisiens :
part, il y a plus de cinquante mille étrangers qui font
la guerre paralysera les
chassera les autres, affolant les rentiers et les
« déposants des
Caisses d'épargne. Sire, je ferai mon
« devoir comme en
1814 et en 1815, mais pour faire
« partager mon zèle au Conseil
municipal et aux
«
habitants, il faut que je- puisse leur garantir que je
«
n'ai rien épargné en vue de vous éclairer sur leurs
«
sacrifices, et que l'heure a vraiment sonné où com-
« mandent l'honneur et la nécessité. »
Le Roi prit en bonne part mes observations, et la fin
de l'entretien fut moins belliqueuse que le début.
Je veux rapporter encore une autre conversation avec
Louis-Philippe, celle-là toute politique. C'était lorsque
M. de Salvandy remplaça M. Villemain1auministère
de l'Instructionpublique. Le Roi me dit peu après
des séides
:
« Eh bien, mon cher Préfet, voilà encore un

Février 1845. Villemain, très fatigué par un ministère de


1. 1er
quatre années, avait donné sa démission le 30 Décembre.
de votre ami Molé que je rallie à mon ministère.
«
»
«
«
«
Vous devez être content!
:
— « Ma foi non, Sire,
Votre Majesté connaît mon opinion un roi constitu-
tionnel doit avoir un ministère en cas, comme on a
« une voiture
de rechange. Quand un accident survient
« à l'une, on monte
dans l'autre et l'on fait réparer la
«
première qui peut resservir plus tard. Il en est ainsi
« d'un ministère en
partie double. Or, en enlevant à
« M. Molé tous ses
amis un à un, on le réduit à l'im-
« puissance, et, pour
faire durer le ministère actuel
« quelques jours de plus, on se
prive d'un utile secours
« dans l'avenir. Le jour où vous appellerez M. Molé
« pour former un
ministère, il sera forcé de demander
« à MM. Thiers et Barrot de lui
céder une partie de

« répondre:
« leurs lieutenants. Ceux-ci ne manqueront pas de lui
« Puisque vous voulez jouer notre jeu,
«

« J'ai bien entendu dire à Votre Majesté


«
:
c'est à vous de tenir les cartes. » Qu'adviendra-t-il?
« Mon petit
risque-tout de Thiersmetirera de ce mauvais pas. »

« Duc de Nemours et les ;


« Et c'est ce qui a eu lieu pour la régence de Mgr le
fortifications de Paris mais
Votre Majesté est trop avisée pour ne pas distinguer
«
« les exigences d'un ministèrequ'onchoisit et celles
« d'un ministère que la nécessité impose. »
Cette même conversation, je l'eus quelque temps plus
tard, aux environs du 1er Août 1847, avec Madame
Adélaïde. Elle était déjà fort malade, maisnonalitée,
et m'avait fait appeler pour causer des affaires avec moi,
car elle ne les trouvait pas aussi sûres que son frère. Je
:
m'exprimai avec une liberté qu'elle ne manquait jamais
d'encourager je lui dis combien il était imprudent de
la part du Roi de placer tous ses amis dans le même
ministère sans se réserver personne pour les circons-

;
tances difficiles, et de s'exposer ainsi à recevoir la loi
d'un ministère d'opposition combien il avait eu tort de
perdre la ressource de Molé; combien cette omnipotence
de la majorité mettait les préfets à la discrétion des
députés ministériels et non du Roi, si bien qu'il n'y
avait plus de préfet, à proprement parler, que dans les
départements d'opposition; que Parisétaithostile, non
pas seulement dans les classes dites libérales avancées,
mais encore dans la classe bourgeoise, commerçante et

le IIe arrondissement;
ouvrière;jecitai à l'appui l'élection de M. Berger dans
je lui racontai que diverses
notabilités conservatrices étaient venues m'avouer avoir

M. Berger afin d'avertir le gouvernement ;


voté, elles et plus de trois cents de leurs amis, pour

; que le colo-
nel Talabot en avait fait autant que la garde nationale
n'était pas sûre, et que du reste, depuis cinq ans, on
n'avait pas osé passer une revue générale des légions ;
;
que l'union entre Guizot et Duchâtel n'était pas autre-
ment solide qu'il serait habile de donner quelques
satisfactions à l'opinion, de faire certains sacrifices
comme en 1840, de dissoudre des alliances menaçantes,
et de se ménager des hommes en vue des événements.
Madame Adélaïde m'écouta avec beaucoup d'attention
et m'objecta que Guizot offrait une sérieuse garantie.
Je repris : « Votre Altesse Royale me permettra de lui

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