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Mémoire
Richard Hudon
Québec, Canada
iii
Abstract
v
Table des matières
Introduction: ........................................................................................................................................ 1
0.1 Objectif général du projet.......................................................................................................... 1
0.2 Définitions et concepts : ............................................................................................................ 2
0.2.1 Direction des sources sonores ............................................................................................ 3
0.2.2 Audition binaurale.............................................................................................................. 3
0.3 État des lieux : ........................................................................................................................... 4
0.3.1 Stéréophonie et microphones ............................................................................................. 4
0.3.2 Méthode M/S...................................................................................................................... 7
0.3.3 Constats .............................................................................................................................. 9
0.3.4 Applications récentes du M/S ............................................................................................ 9
0.4 Problématique ......................................................................................................................... 11
vii
1.3 Méthodologie de recherche ..................................................................................................... 25
1.3.1 Essais préliminaires réalisés en avant-projet .................................................................... 25
1.3.2 Sélection des ensembles musicaux pour les enregistrements ........................................... 32
1.3.3 Poursuite de la recherche .................................................................................................. 34
1.3.4 Les équipements d’enregistrement utilisés au LARC ...................................................... 35
1.3.5 Le microphone Josephson et le multiplexage du M/S en stéréophonie ............................ 36
1.3.6 Les microphones de proximité et le système d'enregistrement ........................................ 39
1.4 Sommaire ................................................................................................................................ 41
Conclusion......................................................................................................................................... 79
Bibliographie ..................................................................................................................................... 83
Annexe 1 : Message envoyé le 28 octobre 2013 sur le site web: http://www.robinmillar.org.uk ..... 86
Annexe 2 : Réponse reçue de Robin Millar le 30 octobre 2013 ........................................................ 87
viii
Tableaux et figures
ix
Contenu des médias d’accompagnement
Disque 1 (CD) :
Disque 2 (CD) :
xi
Ensemble : 1er Quintette de cuivres Pièce : La Péri
Piste-8 Référence captation M/S multiplexée stéréo
Piste-9 Mixage stéréo par couches M/S superposées
Piste-10 Couche stéréophonique Cor
Piste-11 Couche stéréophonique Trombone
Piste-12 Couche stéréophonique Tuba
Piste-13 Couche stéréophonique Trompette 2
Piste-14 Couche stéréophonique Trompette 1
Disque 3 (DVD) :
01 Doux chagrin
02 Quand ça balance
06 La soirée du hockey
Disque 4 (DVD) :
03 Die Bankersangerlieder
04 LaPéri
05 Pink Panther
xii
Avant-propos et remerciements
Introduction
L’idée de la méthode d’enregistrement et de mixage par couches M/S superposées m'a été
proposée par M. Serge Lacasse comme sujet de recherche et j'ai tout de suite été emballé de
participer, par la réalisation d'une recherche-création, à l'étude des particularités de cette nouvelle
procédure de production en studio et contribuer à en concrétiser la mise en œuvre. C'est pour cette
raison que nous avons décidé, en accord avec M. Lacasse, mon directeur de maîtrise, d'en faire
mon projet pour la rédaction du présent mémoire. Je m'emploierai dans les pages qui suivent à
faire état de l'expérimentation que j'ai menée pour mettre en œuvre cette méthode innovatrice
d'enregistrement et de mixage en collaboration avec ses concepteurs.
Mon parcours
Étant de la génération de la Beatlemania, j’ai pris, dès l’âge de 13 ans, les moyens pour avoir un
petit travail en vue de m’acheter une guitare électrique. Plus tard, les rencontres d’autres
musiciens pour former des groupes m’ont plutôt converti à la guitare basse, instrument que je
pratique encore en amateur à 58 ans. C’est aussi à cette époque et pour la même raison que j’ai
commencé à m’intéresser à l’électronique. J’ai donc poursuivi des études en génie électrique,
avec quelques incursions en informatique à l’Université Laval et obtenu mon baccalauréat en
1985. Avant la fin de mes études universitaires de premier cycle, s’est présentée une occasion
d’enseigner au cégep de Limoilou aux cours aux adultes, dans mon domaine du génie électrique.
Ma carrière d’enseignant aux Technologies du génie électrique au cégep de Limoilou se
poursuit depuis ce temps et plus particulièrement dans le domaine de l’audiovisuel depuis les
années 1990. Ma formation et mon expérience d’enseignement m’ont amené à bien maitriser les
équipements et techniques audio aussi bien analogiques que numériques, mais j’ai toujours désiré
compléter mon bagage avec des notions d’acoustique, de psycho-acoustique et d’esthétique
musicale, ainsi qu’une expérience de travail dans un studio d’enregistrement. Au fil des années,
j’ai tenté à quelques reprises, d’abord au génie électrique, puis au génie physique de l’Université
Laval, de me trouver un directeur de maîtrise qui pourrait m’aider à entreprendre une démarche
de perfectionnement dans cette direction.
C’est finalement en 2008-2009 que des démarches d’achat d’équipement pour les
installations du nouveau programme de Technologie de l’électronique en audiovisuel du cégep
m’ont fait croiser la route de M. Lacasse; lui-même faisant le même type de démarche pour le
programme de Certificat en réalisation audionumérique et pour le Laboratoire audionumérique de
recherche et de création. Au fil de nos rencontres dans diverses démonstrations d’équipement
chez des fournisseurs, nous avons sympathisé et c’est lors d’un de ces rencontres que je lui ai
demandé s’il voulait bien devenir mon directeur pour entreprendre ce programme de Maîtrise sur
mesure en production audionumérique.
Au cours de ma carrière d'enseignant en technologie du génie électrique (bientôt 30 ans),
et particulièrement dans les nombreux cours d'audio que j'ai eu à développer, j'ai consulté de
nombreux ouvrages portant sur l'acoustique et sur les équipements audio. J'ai également eu
l'occasion d'expérimenter directement une multitude de phénomènes reliés au son, au signal audio
xiii
et à leur traitement par des appareils électroniques ou leur équivalent informatique (les
plugiciels), et ce, autant dans le cadre de mon travail, que dans la pratique de mon instrument sur
scène et en studio. Dans ce contexte, une multitude de connaissances techniques, pratiques et
esthétiques mentionnées dans ce mémoire m’ont probablement semblé de notoriété publique,
alors que pour la plupart des gens, ce sont plutôt des notions spécialisées. Il pourrait donc arriver
que quelques passages et certaines notions techniques couvertes dans ce mémoire soient
similaires au contenu d’ouvrages que j'aurais eu l'occasion de consulter au cours de ma carrière,
sans que j'aie cru bon de citer des sources formelles. Les lecteurs de mon travail comprendront
que je n'ai pas pu relever pour la rédaction de ce mémoire la totalité des documents qui ont
contribué à mon expérience des domaines de l'audio et de la musique depuis plus de 40 ans.
xiv
Remerciements
Mes premiers remerciements vont évidemment à M. Serge Lacasse. Dès le début du processus, il
a su encadrer et guider mon cheminement, d’abord pour monter un programme de formation sur
mesure adapté à mes besoins, m’aider à préparer les diverses demandes d’inscription à la maîtrise
et de libération à mon emploi, m’encourager à faire un peu plus dans les cours où j’ai eu le
privilège de suivre son enseignement, et enfin me soutenir et m’encourager tout au long de mes
recherches et à m’apporter une aide incommensurable dans la révision de mon mémoire. Je dois
aussi remercier sincèrement M. Serges Samson, directeur technique du LARC, pour son aide, sa
grande disponibilité à m’accompagner dans mes expérimentations dans le studio et ce, même les
fins de semaine, et pour l’exemple de sa grande compétence en studio que je pourrai désormais
tenter d’imiter. Je veux adresser un merci spécial à M. Claude Gagnon, enseignant en musique du
cégep de Ste-Foy, arrangeur pour l’ensemble la Virevolte, compositeur et chef d’orchestre qui
nous a fourni une de ses compositions, Tai Chi, et un ensemble d’une trentaine de musiciens pour
expérimenter notre méthode de travail avec un ensemble de grande envergure. Je remercie
également mes collègues du département de Technologie du génie électrique du cégep de
Limoilou qui m’ont permis d’utiliser certains locaux et équipements pour poursuivre mes projets
d’étude. Je remercie la direction du cégep de Limoilou et le syndicat des enseignants pour
m’avoir donné accès à un programme de libération en vue de l’obtention d’une maîtrise. Je
remercie tous les jeunes collègues étudiants avec qui j’ai fait équipe dans le cadre des cours de
ma scolarité de maîtrise et autres projets préparatoires à la présente recherche. Merci à tous les
musiciens des ensembles qui ont participé directement aux enregistrements qui accompagnent ce
mémoire. Enfin, non les moindres, je veux remercier mon épouse, Francine Bélanger ainsi que
nos enfants qui ont accepté que j’utilise beaucoup du temps que j’aurais plutôt dû leur consacrer
dans les trois dernières années, pour réaliser ce projet de maîtrise.
xv
Introduction:
1
Mark Lewisohn, The Complete Beatles Recording Sessions, 2e éd. (Londres: Octopus Publishing Group,
2005).
2 Francis Rumsey et Tim McCormick, Sound and Recording: an Introduction, 4e éd. Music Technology,
1
musicale soient: (1) la représentation réaliste d'une prestation musicale en direct par la
captation stéréophonique, (2) la séparation des instruments et la possibilité de traitement
individuel des sources que permet la technique du réenregistrement multipiste. Il s'agit
d'enregistrer chaque voix ou instrument, placé à sa position habituelle dans le lieu de
prestation et plongé dans son environnement sonore, sur une paire de pistes
stéréophoniques, à l'aide d'un ensemble de microphones fixes à une position d’écoute
normalisée. Leur concept se base sur un arrangement stéréophonique middle-side, que
nous identifierons M/S pour la suite. La prise de son M/S est la méthode qui s'est imposée
aux concepteurs comme la plus stable au point de vue de la compatibilité monophonique3
et la plus flexible en termes des possibilités de modification et d'ajustement a posteriori
de l'équilibre sonore et des caractéristiques sonores de la source enregistrée4.
3
Westley L. Dooley et Ronald D. Streicher, « M-S Stereo: A Powerful Technique for Working in Stereo »,
Journal of the Audio Engineering Society 30, 10 (October 1982): 707—718.
4 Tom Lubin, Getting Great Sounds: The Microphone Book,
2
0.2.1 Direction des sources sonores
Lorsque nous assistons à un concert dans une salle de spectacle, nous sommes exposés à
une multitude de sources sonores, provenant de toutes les directions possibles. On peut se
représenter visuellement cette situation comme une sphère dont nous occuperions le point
central, avec des composantes sonores présentes sur 360 degrés, et ce, dans les trois
dimensions. Parmi ces sources, celles qui nous parviennent en premier parcourent le trajet
direct qui sépare chaque instrument de notre oreille, les plus rapprochés d’abord, puis les
autres, retardés en fonction du surplus de distance que les ondes sonores doivent
parcourir. Pour chaque instrument, la forme du patron de radiation diffère; certains
contenus, et même certaines bandes de fréquences, sont émis directement dans notre
direction alors que d’autres composantes sont envoyées vers les parois de la pièce et nous
reviennent avec un retard, ce qui modifie et enrichit la sonorité que nous percevons5. Ces
« premières réflexions » définissent l’ambiance sonore du lieu, et leur retour rapide fait
qu’elles sont habituellement fusionnées avec le contenu qui nous parvient en lien direct 6.
Toutes ces réflexions poursuivent ensuite leur trajet d’une paroi à l’autre, sont brisées et
déviées de façon diffuse par toutes sortes d’obstacles, et la totalité de ces composantes
sonores continuent de vivre dans le lieu et de repasser par notre position d’écoute pendant
un certain temps. Ce temps est fonction des dimensions du lieu et de l’absorption réalisée
par la rencontre des parois et par leur trajet dans l’air ambiant. Ces réflexions définissent
ce qu’on appelle la « queue de réverbération », laquelle a pour effet d'allonger et de lier
les notes issues des différents instruments de l'ensemble.
5 K. Blair Benson, dir., Audio Engineering Handbook, (New York: McGraw-Hill, 1988), 1.21-1.24.
6 Francis Rumsey et Tim McCormick, op. cit., 35.
3
système binaural7. La forme de nos pavillons détermine un certain patron de directivité;
par exemple, l’orientation de ceux-ci vers l’avant nous permet de distinguer le son qui
provient de l’avant, amené directement dans le conduit auditif de celui de l’arrière, qui est
légèrement modifié lorsqu’il doit contourner les pavillons. De plus, c’est la présence de
deux oreilles qui nous permet de très bien interpréter la direction d’où nous provient une
source sonore. Des analyses réalisées par des chercheurs du début du XXe siècle,
notamment Fletcher, des Laboratoires Bell8 et surtout Blumlein, ingénieur chez Columbia
Gramophone et chez EMI9, ont démontré que trois facteurs nous permettent d’interpréter
la direction de la provenance d'un son, soit, dans l’ordre d’importance: (1) le délai
interaural ou différence de temps d'arrivée (ITD, interaural time difference), qui peut
s’apparenter, lorsqu’on considère la bande des fréquences inférieures à 700 hertz , à un
déphasage de l’onde sonore, (2) l’atténuation interaurale ou différence de niveau, une
légère variation du niveau sonore (ILD, interaural level difference), (3) le filtrage
interaural, une variation du spectre de fréquences (ISD, interaural spectral difference) 10.
7
R. Condamines, Stéréophonie: Cours de relief sonore théorique et appliqué, Collection technique et
scientifique des télécommunications, (Paris : Masson, 1978), 44-47.
8 David Moulton, Total Recording: the complete guide to audio production and engineering, (Sherman
4
deux pistes11.
Différentes dispositions de microphones ont été expérimentées pour la captation
en stéréophonie et deux grandes classes ont émergé: la stéréophonie de phase basée sur le
ITD et la stéréophonie de niveau basée sur le ILD. La stéréophonie de phase, qui nous
semble à première vue la plus naturelle, est celle dans laquelle la séparation des côtés
gauche et droit est assurée par des signaux captés par des microphones distancés l'un de
l'autre. Cet arrangement de microphones est souvent appelé le couple stéréophonique AB
et on spécifie que la distance entre les micros doit couvrir entre le tiers et la moitié de
l’étendue de l’ensemble que l’on veut capter12. Dans ce cas, les sources sonores qui sont
décalées du centre sont d’abord captées par le micro le plus rapproché, puis par l’autre
micro, après un certain délai; on observe alors un déphasage entre les deux signaux. Or,
le déphasage, lié à une différence de distance parcourue par l'onde sonore, varie en
fonction des différentes fréquences composant le message sonore. En stéréophonie cela
contribue probablement à la « bonne séparation »13 qui fait la réputation de la méthode
AB; en revanche, cela contribue aussi à son incompatibilité monophonique. En effet, la
sommation du signal des microphones de gauche et de droite génère alors un type de
réponse en fréquence appelée « filtrage en peigne »14. Le tracé de ce spectre fréquentiel
démontre, en alternance, des accentuations de l’amplitude pour les fréquences où les
ondes sont en phase, et des atténuations pour les fréquences où les ondes sont hors phase.
Pour les fréquences intermédiaires, la réponse parcoure le chemin qui relie ces minimums
et ces maximums. Blumlein a aussi mis en lumière une autre difficulté de la stéréophonie
de phase qui apparaît lorsqu'on reproduit l'enregistrement sur une paire de haut-parleurs
dans un autre lieu d'écoute. La stéréophonie de phase, étant basée principalement sur une
différence de temps d'arrivée des éléments sonores aux deux oreilles de l'auditeur, une
différence de temps d'arrivée additionnelle, introduite par la position des haut-parleurs
eux-mêmes par rapport aux parois du nouveau lieu d'écoute, vient s’ajouter à celle déjà
11
John Eargle, Handbook of Recording Engineering. 2e éd., (New York: Van Nostrand Reinhold, 1992),
116.
12 Ronald D. Streicher et Westley L. Dooley « Basic Stereo Microphone Perspectives – A Review »,
(communication présentée à la 2ième convention internationale de l’AES, Anaheim, CA, 11-14 mai 1984).
13
Bruce Bartlett et Jenny Bartlett, Practical Recording Techniques: The step-by-step Approach to
Professional Audio Recording. 4e éd.., (Boston: Focal Press, 2005), 121.
14
K. Blair Benson, op. cit., 17-18.
5
enregistrée dans le lieu de prestation; ainsi elle apporte des modifications à l'image
stéréophonique et la déstabilise15.
15
Hugh Robjohns, « Stereo Lab », Sound on Sound 26, 1(November 2010): 128-137.
16
Francis Rumsey et Tim McCormick, op. cit., 35.
17
Hugh Robjohns, op. cit.
6
qui sont utilisés, l’arrangement porte justement le nom de Blumlein. Des méthodes de
compromis entre la pure stéréophonie de phase et la stéréophonie de niveau ont aussi été
développées, dans lesquelles les microphones sont légèrement distancés, entre 15 et 30
centimètres et où on les écarte d’un angle compris entre 90 et 120 degrés, on parle alors
de microphones semi-coïncidents; les exemples les plus connus sont la méthode de
l’Office de Radio-Télévision de France (ORTF) et la variante néerlandaise, le NOS
(Nederlandsche Omroep Stichting)18.
18
Ronald D. Streicher et Westley L. Dooley, « Basic Stereo Microphone Perspectives – A Review », op.
cit.
19
Helmutt Wittek, « M/S techniques for stereo and surround », (communication présentée à la 14ième
convention régionale de l’AES, Tokyo, 23-25 juillet 2009).
7
micro, dont le signal électrique est en polarité inverse par rapport au lobe avant. Le
microphone S produit un signal composé de la différence entre la gauche et la droite (G-
D); on nomme d'ailleurs les microphones à patron en huit des « capteurs de gradient ou
de différence de pression »20. Quand on mélange le signal M et le signal S, dans des
proportions égales, tout se passe comme si, à la composante commune M, on additionnait
le contenu de la gauche et on en soustrayait le contenu de la droite, formant un lobe de
forme ovale et orienté à un peu plus de 60 degrés vers la gauche. Inversement, si on
mélange le signal M avec le signal S inversé de polarité, c'est comme si, de la
composante commune M, on soustrayait le contenu de la gauche et on y additionnait le
contenu de la droite, formant un lobe orienté cette fois-ci dans le même angle, mais vers
la droite21.
En fait, Blumlein a démontré qu’il est possible de créer une stéréophonie
équivalente, soit en utilisant un message composé des éléments situés dans les directions
de la gauche et de la droite, comme dans une paire XY, et des éléments représentant le
centre monophonique et les différences des côtés par rapport à celui-ci. L’utilisation
d’une représentation vectorielle composée des directions M dans l’axe zéro degré et S à
90 degrés, nous permet de vérifier cette affirmation et aussi de prévoir quel sera le
résultat d’une variation de la proportion relative de M et S : un résultat purement
monophonique lorsque le signal S est très atténué et un élargissement de l'image
stéréophonique, au fur et à mesure de l’augmentation du niveau de la contribution du
micro S. La théorie de Blumlein l’a amené très tôt à concevoir un petit circuit
électronique, le shuffler22, qui permet de passer d’un système de coordonnées à l’autre,
convertir un espace XY en espace M/S; le même circuit permet aussi la conversion d’un
espace M/S en XY; les mathématiciens pourraient nous dire que c’est une simple rotation
de vecteurs d’un angle déterminé par une tangente égale au rapport de S (G-D) sur M
(G+D)23.
20
Ronald D. Streicher et Westley L. Dooley, « The Bidirectional Microphone: A Forgotten Patriarch »,
Journal of the Audio Engineering Society 51, 3 (mars 2003): 213-214.
21
Westley L. Dooley et Ronald D. Streicher, « M-S Stereo: A Powerful Technique for Working in
Stereo », op. cit., 707—718.
22
David Moulton, op. cit., 267.
23 Francis Rumsey et Tim McCormick, op. cit., 346.
8
0.3.3 Constats
Toute cette théorie ne semble pas avoir eu un impact pratique marquant sur le monde de
la prise de son en studio dans les décennies suivant les travaux de Blumlein et ce même
jusqu'à la fin du XXe siècle. Un survol d'un grand nombre d'ouvrages traitant de prise de
son permet de constater que la plupart des auteurs mentionnent la méthode M/S
simplement comme une méthode stéréophonique parmi tant d'autres, la classant parmi les
méthodes de microphones coïncidents, puisque les deux microphones se situent très
proches l'un de l'autre, ne démontrant pas d'erreur de phase, donc compatible avec la
monophonie. Les paragraphes qui en traitent dans la plupart des ouvrages sur les
techniques de prise de son sont assez courts et il ne semble pas que cette technique ait été
beaucoup exploitée, ni jugée à sa juste valeur pendant plusieurs décennies, même par
ceux qui, de nos jours, la préconisent24. Elle semble avoir été seulement vue comme une
espèce de curiosité qui utilise trois entrées d'une console pour deux microphones,
obligeant ainsi l'ingénieur du son à une gymnastique inhabituelle pour générer le signal
stéréo G et D; il semble que peu de praticiens ont vu l’intérêt d’utiliser cette technique.
On doit admettre, pour avoir éprouvé certaines difficultés lors des premiers essais de
celle-ci, que l'application de la méthode M/S oblige à faire preuve d’une grande rigueur et
de précision dans nos installations et nécessite des microphones d'une qualité supérieure
et très bien calibrés, si on veut être en mesure d'en apprécier les bienfaits25.
9
dos et d’en extraire les multiples canaux requis26. En réalité, il s’agit simplement
d’ajouter à la paire M/S utilisée pour générer les canaux avant, un microphone cardioïde
pointé vers l'arrière et de combiner son signal par matriçage avec le microphone S déjà
prévu pour l'avant, afin de générer les signaux arrière gauche et arrière droite 27. La
technique M/S a d'ailleurs été intégrée dans certaines consoles audio de production
télévisuelle supportant le surround pour permettre de commander l’équilibre que l'on
veut obtenir entre un contenu qui se retrouve dans le haut-parleur de centre seulement, le
centre réel et une portion du même contenu qui pourra également être reproduit par les
canaux gauche et droite, pour former un centre virtuel28.
Les techniques de prématriçage (mastering) de musique du XXIe siècle, aussi bien
dans le monde numérique que dans le monde analogique, profitent aussi des techniques
M/S pour nous permettre de peaufiner l'équilibre sonore des mixages qui y sont soumis29.
Plusieurs appareils et plugiciels destinés à effectuer un ajustement fin de la sonorité
générale d'un enregistrement après l'étape du mixage, sont en fait basés sur une
reconversion du message stéréophonique en ses composantes centrale monophonique (le
middle) et celle des côtés (le side) qui définissent l'étendue stéréophonique du mixage.
Après conversion en M/S, des processeurs audio (égalisateurs, compresseurs et limiteurs)
sont appliqués soit au M, pour traiter le contenu du centre, soit au S, pour appliquer les
traitements aux composantes des côtés, notamment la réverbération. Enfin les deux
composantes M et S modifiées sont reconverties en une paire stéréo gauche et droite,
dont la dynamique, le spectre fréquentiel et l'étendue panoramique peuvent présenter un
nouvel équilibre. Tous ces dispositifs sont basés sur l'utilisation, avant le traitement et
après le traitement, de versions adaptées à la technologie d'aujourd'hui du shuffler, le petit
circuit électronique décrit dès les années 1930 par Alan Blumlein. En résumé, on constate
que les techniques basées sur le concept M/S sont utilisées dans l’industrie pour combler
des besoins très précis, la prise de son surround et le prématriçage, mais que peu
d’applications ont été mises au point pour en faire bénéficier le monde de la prise de son
26
Helmutt Wittek, op. cit.
27
Jong Kun Kim, « Design of a Coincident Microphone Array for 5.1-Channel Audio Recording Using the
Mid-Side Recording Technique » (communication présentée à la School of Information and
Communications du Gwangju Institute of Science and Technology, Gwangju, Corée, 2009).
28
Voir la documentation du manufacturier Studer pour la console Vista 5.
29
Bob Katz, Mastering Audio: The Art and the Science, 2e éd. (Burlington, MA: Focal Press, 2007), 210-
212.
10
musicale en stéréophonie. Le présent projet a pour but de tenter de combler cette lacune
en explorant une variante de méthode créative et novatrice, un nouvel outil que les
ingénieurs du son pourront ajouter à leur palette.
0.4 Problématique
Lorsqu'on veut enregistrer un ensemble musical acoustique, qu'il soit de style classique,
jazz ou autre, notre premier réflexe est de placer une paire de microphones
stéréophoniques pour capter et conserver dans l'enregistrement, l'aspect naturel de la
prestation. Cette façon de faire que l'on pourrait appeler « l'esthétique naturaliste
traditionnelle » est une méthode qui nous permet d’effectuer un enregistrement
transparent qui, comme l’écrit Moylan30: « cherche à assurer que le son sera dans la
même relation spatiale que la prestation directe, l’équilibre des éléments musicaux ne
sera pas modifié par l’enregistrement, et la qualité de chaque source sonore sera captée de
façon cohérente ». Le principal problème relié à ce type de production est que tous les
instruments sont mixés dans les pistes enregistrées. Si des erreurs d'exécution doivent être
corrigées, il n'est pas possible d'avoir un accès individuel au son de l'instrument fautif,
sans risquer d'influencer les autres éléments. De plus, il est possible que l'équilibre entre
les différents instruments captés dans l'enregistrement ne soit pas idéal; encore une fois
cette situation ne pourra pas être corrigée facilement puisque l'ensemble est mixé à
l'enregistrement.
En musique populaire, et en présence d’instruments électriques, on aura plutôt
tendance à profiter au maximum de la technologie pour réaliser des enregistrements
multipistes où les sources sonores seront conservées sur des pistes séparées. Souvent on
isolera chaque musicien dans une cabine insonorisée et on captera son instrument à l’aide
d'un microphone placé assez près de l'instrument, ce qu'on appellera pour la suite du
présent mémoire, une prise de son de « proximité ». Tous les éléments des pièces
musicales étant enregistrés sur des pistes séparées, il est nécessaire de procéder à un
mixage sur une console ou sur une station audionumérique pour recréer artificiellement
l’équivalent d’une prestation d'ensemble. L'avantage de cette méthode réside dans la
30
William Moylan, Understanding and Crafting the Mix: The Art of Recording, 2e éd. (Amsterdam ;
Boston : Focal Press, 2007), 267. “…seeks to ensure that the sounds will be in the same spatial
relationships as the live performance, the balance of the musical parts will not be altered by the recording
process, and the quality of each sound source will be captured in a consistent manner”.
11
possibilité de corriger les erreurs d'exécution de chaque instrument en réenregistrant des
extraits et en éditant à volonté la piste enregistrée. On peut aussi ajuster la sonorité de
chaque instrument et ajuster le niveau de sa contribution à l’ensemble en utilisant la
panoplie des traitements audio et des plugiciels que la technologie nous rend accessible.
Par contre, la prise de son de proximité ne permet pas de conserver l'information de
position de l'instrument dans l'ensemble ni l'ambiance sonore qui règnerait dans un lieu
de prestation typique, salle de concert ou autre. Pour ce type de production, basée sur une
esthétique « technologique », le panorama représentant la disposition de l'ensemble et
l'acoustique spécifique d'un lieu de prestation devront alors être simulés par des moyens
artificiels et par des traitements électroniques.
Aucune de ces deux méthodes, situées aux extrêmes des pratiques de studio, ne
permet de parvenir à réaliser facilement l’enregistrement idéal d’un ensemble acoustique.
La prise de son stéréophonique d'ensemble ne permet pas de modifier et de corriger les
erreurs, la prise de son multipiste en isolation ne permet pas de représenter correctement
l'ambiance sonore de la prestation. Nous devrions trouver une façon de profiter de la
cohérence de l'ambiance sonore stéréophonique présente dans le lieu de prestation et être
capables de l’ajuster au besoin. En même temps, il est extrêmement utile de pouvoir
isoler les instruments les uns des autres afin de pouvoir modifier à volonté leur sonorité et
leur équilibre dans le mixage. Le chapitre suivant présente la méthode de prise de son,
d’enregistrement et de mixage M/S par couches superposées, ainsi que son application
pratique en studio; en particulier des détails techniques nécessaires à sa mise en œuvre et
à son optimisation. Suivront, au chapitre 2, quatre études de cas portant sur des
enregistrements réalisés avec différents ensembles musicaux, pour vérifier la validité de
la méthode et en approfondir les particularités.
12
1. Démarche de réalisation de la recherche-création :
Le présent projet peut très bien être appelé une recherche-création; bien qu’il ne mène pas
à la production d’une nouvelle œuvre musicale, il devrait apporter, je l’espère, une
contribution pertinente au monde de l’enregistrement musical en studio. C’est la
création d’une nouvelle méthode de travail qui donnera aux ensembles d’instruments
acoustiques un accès privilégié à la technologie d’enregistrement actuelle et aux facilités
d’édition et de traitement des stations audionumériques modernes. Puisque le projet en
lui-même porte sur le développement d’une méthode de travail innovatrice, il est normal
que la section traitant de la méthodologie de recherche occupe une place aussi importante
dans la rédaction du mémoire.
13
La correction de défauts a donc été, de tous temps, le gagne-pain de générations
de « professionnels du son ». Si on enregistre sur un support à deux pistes la captation
d'un concert par deux microphones en stéréophonie, est-ce que le résultat sera en tout
point semblable à ce que l’auditeur aura entendu et ressenti lors de la prestation de
l’ensemble? Lui sera-t-il possible de ressentir à nouveau les mêmes émotions avec la
même intensité, lors de l'écoute de cet enregistrement? Ne sera-t-il pas plus critique à
l'écoute de ce document? Voici quelques exemples d’irritants dont notre auditeur fictif
aurait pu faire abstraction lors du concert et qui pourraient le décevoir à l'écoute de
l'enregistrement: (1) alors qu'au concert, il suivait parfaitement la présentation des pièces
par le chef d'orchestre, il sera surpris de constater que le niveau sonore de la voix dans
l’enregistrement lui semble beaucoup trop faible pour être en mesure de bien saisir tout le
discours; (2) un voisin « fatiguant » n'arrête pas de tousser pendant un passage musical
particulièrement intimiste et introspectif; (3) une note précise de la contrebasse démontre
une forte résonance au point précis où ont été placés les microphones, par malheur,
l’œuvre est justement dans cette tonalité; (4) le piano est orienté dans une direction mal
couverte par le couple de microphones, mais ceux-ci captent très clairement un écho du
piano provenant d'une toute autre direction; etc. Tout cela devrait être corrigé de façon à
favoriser ce qui est bien enregistré et à minimiser les événements sonores nuisibles.
Le problème avec cet enregistrement est que tous ces défauts sont imbriqués
ensemble dans une paire de pistes stéréo et si on tente d'en éliminer un élément
perturbateur, on abimera par le fait même l'ensemble du message sonore, bruit nuisible et
signal utile combinés. Comment pourrions-nous modifier l'équilibre des différents
éléments et corriger les défauts enregistrés? Le mixage de tous les éléments a été fait par
les microphones dès la captation, il ne nous reste que la possibilité d'effectuer un travail
de prématriçage (mastering) sur la bande stéréo31. Si certaines corrections peuvent être
possibles et relativement simples à réaliser, la plupart de ces interventions devront être le
résultat d’un compromis entre l'élimination du défaut et la conservation des éléments
corrects qui ont été captés en même temps; d'autres problèmes, enfin, devront carrément
31
Avec les possibilités de montage disponibles dans les stations audionumériques, il est pensable, si on
dispose de plusieurs captations du même événement, de remplacer les passages fautifs par des éditions
provenant d’un autre enregistrement, mais il faudra alors faire le montage avec une très grande minutie.
14
être tolérés, sous peine de « briser » l'intégrité de l'enregistrement. Ce type de captation
en direct et en stéréophonie, effectuée sur le plateau d'enregistrement (studio proper) d'un
studio professionnel, permettrait au moins de contrôler une partie de ces difficultés,
particulièrement les problèmes liés à la présence d'un public; par contre le résultat
demeurera toujours fondamentalement « mixé lors de la captation » et difficilement
remixable32 pour en modifier l'équilibre.
32
Des logiciels professionnels de démixage sont maintenant disponibles pour séparer les différentes
sources d’un mixage, par exemple le système d’Audionamix. Par contre, leur coût est assez élevé et ils
impliquent une étape supplémentaire, donc des délais, dans un processus de production déjà lourd. En
outre, le démixage n’est jamais efficace à 100%, du moins pas encore.
33
La haute densité en audionumérique fait référence à du matériel permettant l’échantillonnage sur 24 bits
et à des fréquences pouvant s’échelonner de 44.1 kHz jusqu’à 192 kHz (certains même jusqu’à 384 kHz).
34
Digital Signal Processor
15
abondamment employée pour produire les innombrables disques DVD-Vidéo de
concerts, de spectacles et d'événements musicaux de toute sortes enregistrés en direct lors
de leur représentation publique. Comment s'assurer que chaque piste contiendra
seulement le message sonore de l'instrument auquel elle est assignée?
16
captation multipiste en direct ne nous assurera pas de la meilleure sonorité des
instruments et éliminera systématiquement l'ambiance sonore qui les entoure, tout en ne
nous garantissant pas une absence totale de coulage entre les sources; dans chaque piste,
les enregistrements seront entachés d’une certaine forme de « prémixage » d'une portion
de l’ensemble.
17
Comment peut-on assurer que chaque instrument d’un ensemble sera enregistré de
façon optimale, tel qu’il serait entendu en concert? Cela implique que l’enregistrement
inclut les composantes qui sont projetées dans toutes les directions de l’espace et qui
parviennent à la position d’écoute en partie en direct et en partie après une ou plusieurs
réflexions. Est-ce que chacun de ces enregistrements représentera la sonorité de
l’instrument dans un lieu de prestation? Il y a peu de chance, étant donné que ces cabines
d'isolation sont habituellement de petites tailles et que leur sonorité est très amortie pour
éviter les difficultés acoustiques et résonances justement reliées à l'utilisation de petites
pièces38. Comment pourrions-nous alors représenter la direction et la profondeur de
chaque instrument de l’ensemble ainsi que l’ambiance sonore dues aux réflexions d’un
lieu de prestation, alors que ce que nous enregistrons dans les cabines en est
fondamentalement dépourvu? Une seule réponse nous apparaît à cette étape-ci : nous
devrons effectuer un mixage dans lequel nous simulerons la position relative des
différentes sources par la panoramisation ou en mettant à profit l'effet de Haas et nous
devrons ajouter de l’ambiance et de la réverbération artificielle pour tenter de placer notre
mélange d'ensemble dans un lieu pourvu d'une sonorité représentant artificiellement une
ambiance plus ou moins « réaliste ».
38
David Moulton, op. cit., 115-116.
18
directionnelles des instruments, leur position dans l'ensemble. La grande dimension des
lieux permet d'éloigner les micros par rapport aux sources, ce qui nous assure une
meilleure captation de la totalité de leur contenu fréquentiel et de son évolution dans le
temps et l'espace, ce qui définira le timbre que nous percevrons de ces instruments. Cette
disposition permet aussi de capter la sonorité propre du lieu créée par les premières
réflexions et son ampleur représentée par la queue de réverbération. Un autre avantage est
lié au fait que tous les musiciens jouent en même temps dans le même lieu, c'est l'unité
que cette proximité insufflera à l'exécution de l'œuvre musicale.
Lors d'un enregistrement en direct en multipiste (DM), on conserve aussi
l'avantage de cette unité et ce synchronisme d'exécution sur des différentes sources, les
musiciens ayant exécuté l'œuvre tous ensemble et en profitant en plus du surplus
d'énergie engendré habituellement par la présence d'un public. À cela s'ajoute une
séparation des sources, qui, si elle n'est pas parfaite, permet en postproduction, de
nettoyer les pistes de chaque instrument individuellement sans trop modifier la captation
des instruments adjacents. On peut aussi tenter de reconstituer, à l'aide de traitements
audio, les contenus fréquentiels et dynamiques qui ont été un peu rejetés par l'utilisation
des micros en proximité des sources sans risquer de voir la sonorité d'un instrument
voisin en souffrir.
Lors de réenregistrements faits en isolation dans une seule cabine (RMD), en
captant successivement les différents instruments, l'avantage le plus évident est la
parfaite séparation de ceux-ci. En effet le seul risque de coulage provient de la référence
fournie dans les casques d’écoute, problème qui est habituellement assez facile à
contrôler. De plus, si on dispose de cabines d'une certaine taille, il est même pensable
d'éloigner un peu les microphones des instruments pour capter une plus grande part de
leur projection dans l'espace les entourant et pourquoi pas, augmenter encore l'étendue en
utilisant une paire stéréophonique pour enregistrer certains des instruments ayant une
directivité plus complexe. Toutefois, cette façon de faire conduirait à la superposition
d’environnements sonores différents, ce qui risque de nous donner un résultat
incompatible avec le but recherché.
19
direct et quand même continuer à bénéficier de la parfaite isolation des sources. Les
instruments étant très bien isolés, les erreurs d'exécution ou les petites maladresses
causant des bruits, dues à un seul musicien peuvent être reprises seulement par celui-ci en
réenregistrement, il n'est alors pas nécessaire que l'ensemble complet rejoue le passage
fautif.
20
Lors d'un enregistrement multipiste en isolation (IMD ou RDM), les micros
utilisés seront la plupart du temps passablement rapprochés des sources; ils peuvent ainsi
rejeter certaines fréquences issues de l'instrument, projetés hors de l'axe de captation du
microphone. De plus, les réflexions et réverbérations captées dans une cabine insonorisée
ne sont pas valables pour représenter un lieu de prestation, étant donné son habituelle
petite dimension, sans compter l’effet de la superposition d’espaces différents mentionné
précédemment. Cette différence d'ampleur dans la sonorité d'un instrument pourra aussi
gêner l'instrumentiste qui est habitué à entendre ses exécutions dans des lieux plus
ouverts. Les informations de direction de la source ne peuvent pas être captées, étant
donné la taille réduite du lieu et l'orientation du microphone vers celle-ci. Enfin,
l'absence éventuelle de contact visuel avec les autres musiciens pourra un peu nuire à
l'unité de la prestation rendue par les musiciens.
21
d'un défaut d'exécution ou d'une difficulté acoustique sur une piste séparée contenant
exclusivement un seul instrument .
Comment pouvons-nous maintenant déterminer une méthode de travail permettant
de maximiser les avantages sur la sonorité des instruments dans leur environnement et la
possibilité d'effectuer facilement un mixage cohérent? En même temps, sommes-nous en
mesure de minimiser les inconvénients de l'un ou l'autre de ces trois méthodes de
captation? Un petit tableau résumé nous aidera à y voir plus clair. Comme il ne s’agit que
d’un instrument utilisé à des fins indicatives, pour l'instant, nous n'appliquerons pas de
pondération à nos différents critères; chacun des sept avantages que nous avons dégagés
précédemment donnera un point à la méthode en cause et chaque inconvénient lui
enlèvera un point. Nous utiliserons les codes suivants, identifiés par une lettre majuscule:
S pour la séparation des pistes, B pour l'absence de bruit extérieurs, T pour la totalité du
contenu sonore des instruments, P pour le positionnement de chacune des sources, A pour
l'ambiance sonore, les réflexions et réverbérations, U pour l'unité d'exécution musicale et
finalement C pour la possibilité d'effectuer des corrections sur les pistes individuelles.
22
Tableau 1 : Comparaison des méthodes d’enregistrement en studio
39
Dans ce cas, le facteur unité d’exécution dépendra de la configuration des isoloirs de sorte que les
musiciens puissent ou non avoir un bon contact visuel et auditif.
23
Tableau 2 : Ajout au tableau comparatif pour le M/S par couches superposées
40
Voir le courriel du réalisateur Robin Millar en annexe 2.
24
fait que c’est le même ensemble de microphones M/S qui capte le contenu de chacun des
éléments de l’ensemble dans une couche stéréophonique et que celle-ci contient la totalité
de l’information reliée à cette source telle qu’elle serait entendue d’une distance d’écoute
typique : (1) le son direct avec son comportement fréquentiel et sa dynamique, (2)
l’information de direction de la source dans le panorama, enfin (3) l’enrobage dû aux
réflexions, les premières formant l’ambiance sonore de la pièce et les plus tardives et
diffuses formant la queue de réverbération. De plus, et c’est là le cœur de la méthode,
l’utilisation de la technique des microphones M/S permet d’ajuster le niveau, la position
et l’ambiance de chaque instrument en modifiant le ratio existant entre la composante
monophonique middle et la composante stéréophonique side, ce qui permet d’ajuster
l’image (si nécessaire) afin qu’elle coïncide avec celle qu’aurait donnée une prise
stéréophonique en direct.
41
Richard Hudon, « Méthodes stéréophoniques », (Rapport synthèse de projet dirigé, Université Laval,
2011), inédit.
25
enregistrements ont été réalisés avec différentes configurations d'instruments : d'abord un
piano à queue solo, ensuite un ensemble de onze guitares acoustiques classiques à cordes
de nylon, et enfin un orchestre à vents et percussions. Lors de chacun des
enregistrements, quatre couples de microphones étaient installés pour capter avec tous les
couples stéréophoniques la même exécution de chacune des pièces interprétées. Après
transfert, montage et matriçage du couple M/S en stéréo gauche et droite, j'ai procédé à
une écoute critique42 d'extraits de chacun des ensembles en me concentrant
principalement sur (1) la répartition des instruments dans l'image stéréophonique et (2) la
sonorité d'ambiance du lieu captée sur les enregistrements.
42
William Moylan, op.cit. , 90-91.
26
Lors de la session d'hiver 2012, j'ai décidé de me concentrer uniquement sur la
méthode des micros coïncidents M/S pour vérifier la faisabilité de l'enregistrement et du
mixage par couches M/S superposées43. Dans cet avant-projet, j'ai procédé à des
enregistrements de petits ensembles de jazz en appliquant la méthode d'enregistrement en
M/S sur l’ensemble complet, puis sur les éléments qui le composent pour pouvoir
comparer le mixage par superposition avec la captation stéréophonique originale. J'ai
aussi, avec l'aide d'un collègue guitariste de la faculté, enregistré un ensemble virtuel
composé de cinq parties de guitare classique à cordes de nylon jouées par le même
instrumentiste dans un lieu réverbérant, pour vérifier l'effet de l'ambiance sonore sur le
mixage par couches M/S superposées. J'ai enfin fait des enregistrements avec des signaux
de test, sinusoïdes et bruit rose, et de la voix parlée pour faire une étude acoustique de la
méthode stéréophonique M/S en fonction de la distance de la source et de la direction
dans laquelle elle se trouve. De ce projet, j’ai constaté un certain nombre de contraintes
techniques qui sont critiques afin d’assurer la qualité des enregistrements et du mixage
réalisés par couches M/S superposées. Certaines concernent l'acoustique du lieu de
prestation dans lequel performe l'ensemble, d'autres touchent à l'utilisation optimale de
l'équipement de prise de son : microphones, préamplificateurs et enregistreur. Finalement
les dernières sont d'ordre humain et concernent le confort des artistes lors de leurs
prestations et les relations qui doivent exister entre eux et l'ingénieur du son.
43
Richard Hudon, « Faisabilité du mixage par M/S superposé », (Rapport synthèse de projet dirigé,
Université Laval, 2011), inédit.
27
couches M/S mixées. Cette contrainte aura donc une incidence sur la taille des ensembles
pour lesquels la méthode sera applicable. De plus, on doit veiller, comme dans tout
enregistrement en studio, à minimiser et même éliminer toute source de bruit
perturbateur, bruits mécaniques des instruments, coulage des casques d’écoute, bruit de
manipulation de papier, chocs sur le plancher ou sur les instruments, murmures,
respirations exagérées et grondements, sauf peut-être pour les instrumentistes qui
« chantent » ce qu’ils jouent dans les moments de grande inspiration, à la Oscar Peterson
ou Glenn Gould. Quelques autres particularités acoustiques du plateau d'enregistrement
auront aussi de l’importance : celui-ci ne doit pas démontrer d'effet d'échos flottants ou
d'ondes stationnaires importants sous peine de déformer les directions perçues dans le
lieu et de colorer les spectres de fréquences (par du filtrage en peigne). Enfin,
l'environnement sonore du plateau d'enregistrement devrait présenter une réponse en
fréquence et une réverbération naturelle très bien équilibrées, car la méthode compte sur
ces facteurs pour représenter le positionnement des différents instruments dans
l'ensemble et leur enrobage dans la réverbération d'ambiance du lieu de prestation. Au
début du projet, nous ne connaissions pas encore les propriétés du plateau
d'enregistrement du LARC; par contre le fait que le design du studio a été confié à Martin
Pilchner (de chez Pilchner/Schoustal International), une sommité dans l'aménagement de
studios d'enregistrement professionnels, nous assurait que ces facteurs acoustiques
seraient optimisés et n’allaient pas nous causer de difficulté particulière.
Concernant les équipements de prise de son, on doit aussi porter attention à un
certain nombre de facteurs. Les deux microphones composant le couple M/S doivent être
choisis et vérifiés avec soin; même si leur patron polaire est complètement différent, leurs
autres caractéristiques doivent être aussi semblables que possible : leur sensibilité, leur
comportement dynamique et leur réponse en fréquence ne doivent pas montrer d'écarts
appréciables44. La meilleure façon de s'en assurer est d'utiliser de très bons microphones
électrostatiques à multiples patrons polaires, le micro M et le micro S étant tous les deux
du même modèle et formant idéalement un ensemble appairé par un manufacturier
réputé, ou encore un microphone spécialisé contenant les deux ensembles de capsules
dans le même boîtier. Le microphone qui a été utilisé pour les enregistrements du présent
44
Trevor Owen DeClercq, op. cit.
28
projet est un Josephson C700S, un microphone de grande qualité muni de trois capsules
indépendantes regroupées dans un même boîtier, dont les différentes combinaisons
permettent de réaliser toutes les méthodes stéréophoniques basées sur des capsules
coïncidentes et aussi de la prise de son surround sur 360 degrés (nous reviendrons sur les
particularités d’utilisation de ce type de microphone). Évidemment, un système
d’enregistrement est une chaîne, et la qualité de son point d’entrée, le microphone, ne
peut être mis à profit que si les éléments qui le suivent offrent des performances
équivalentes. Le microphone devra donc piloter un préamplificateur de grande qualité, et
ici cela s’exprime principalement par une caractéristique de bruit de fond minimale, étant
donné qu’une accumulation de bruit provenant des réenregistrements multiples
superposés ne peut être tolérée. Enfin, le convertisseur analogique à numérique qui
transformera le tout en donnée pour l’enregistrement sur une station audionumérique
devra aussi démontrer une linéarité et une transparence optimales.
Même avec ce type d'équipement, nous ne devons rien prendre pour acquis et
revérifier le bon fonctionnement et la bonne calibration des microphones de façon
rigoureuse. Nous devons donc, lors de l'installation du couple M/S dans le plateau
d'enregistrement, mesurer le comportement cardioïde du micro M avec une source test à
un niveau sonore normalisé que nous déplacerons autour du micro sur 360 degrés pour
détecter tout problème de sensibilité ou de déformation du patron polaire 45. Étant encore
plus critique, puisque la réponse équilibrée sur ses deux lobes est la base même du
principe du couple stéréophonique M/S, nous effectuerons encore plus rigoureusement la
vérification du micro à figure en huit qui occupe la fonction S. Il va sans dire que
l'orientation des deux microphones pour former un angle parfait de 90 degrés est
également primordial à une application réussie de la méthode. L'ajustement du gain des
préamplificateurs et des niveaux d'enregistrement des deux pistes M et S doit aussi être
fait très rigoureusement : on utilisera encore notre source de référence qu'on placera à
1 m. de la capsule M, et on ajustera les gains pour avoir une déviation de 0 VU sur le
45
Le choix du niveau de test n’est pas particulièrement critique, il doit cependant être assez élevé pour bien
masquer le bruit de fond présent dans le lieu et être représentatif du niveau sonore des sources à enregistrer,
de plus il faudra bien prendre soin de ne pas le modifier au cours de la calibration. La valeur 94 dB SPL
pourrait être une bonne suggestion, étant donné que c’est par rapport à cette valeur de référence que les
manufacturiers spécifient la sensibilité de leurs microphones.
29
préamplificateur analogique et de -20 dBFS sur un enregistreur multipiste numérique ou
une station audionumérique. Par la suite, on placera la source de référence à 90 degrés du
couple stéréo du côté gauche à la distance de 1 m., soit en face du lobe positif du micro S,
et on calibrera aussi le gain pour ce micro de façon à obtenir 0 VU sur le préamplificateur
analogique et de -20 dBFS sur l'enregistreur multipiste numérique; on vérifiera par la
suite le lobe droit du micro S en amenant la source de référence à 90 degrés du couple
stéréo du côté droit, la lecture des niveaux de préamplificateur et d'enregistreur pour le
micro S devraient être en tous points semblables à ceux du côté gauche, sinon une
déformation du panorama sera enregistrée dans les couches stéréophoniques. Enfin, une
vérification auditive globale du couple M/S devrait être effectuée, en faisant le tour de
celui-ci à égale distance, et cela pour plusieurs distances différentes, en écoutant le
résultat en direct dans un casque d’écoute; on peut utiliser la voix, un petit instrument de
musique ou la source de référence et s'assurer ainsi que les directions sont conformes à la
réalité et qu'il n'y a pas d'inversion spatiale ou de déformation importante dans les
directions perçues. Toute autre modification des ajustements de gain, par exemple pour
enregistrer des instruments ayant des niveaux sonores assez faibles ou au contraire très
élevés, devrait être au moins appliquée de façon strictement égale sur les différents
canaux de préamplificateur, et idéalement la symétrie devrait être revérifiée au complet
comme je viens de le décrire.
Le facteur humain prend plusieurs formes, ne serait-ce que de convaincre les
musiciens de passer de longues heures en studio pour reprendre et raffiner
l'enregistrement de leur prestation à de multiples reprises. Un autre aspect important à
considérer : le temps de studio, ressource précieuse et potentiellement dispendieuse dans
un contexte commercial, ne devrait pas être utilisé comme une période de répétition pour
parfaire et même pour apprendre une pièce : les musiciens devraient avoir réglé cela
avant de se présenter en studio et être prêts à exécuter leur pièce après juste un léger
réchauffement. L'ingénieur qui procèdera aux enregistrements devra de son côté avoir
très bien préparé sa session de travail, de façon à pouvoir la mener avec autorité : (1) les
installations techniques devraient être prêtes, bien fonctionnelles dès l'arrivée des
musiciens et ne nécessiter que de légers ajustements de niveau en présence de l'ensemble
musical; (2) l'ingénieur devra s'assurer de bien connaître l'instrumentation et les
30
différentes parties des pièces interprétées; (3) il devra avoir préparé une liste séquentielle
des différentes prises qu'il entend réaliser avec l'ensemble complet et avec les musiciens
individuellement, de façon à pouvoir imposer sa méthode de travail et à guider les
prestations, en plus de pouvoir prendre au fur et à mesure des notes pertinentes sur
l'avancement de la séance d’enregistrement; (4) il devra avoir créé d'avance les sessions
logicielles sur station audionumérique ou sur enregistreur multipiste, pour éviter de
perdre du temps entre les prises successives.
Du côté des musiciens, une contrainte majeure sera la différence qui existe entre
la prestation dans une salle de concert et celle en studio, autant au point de vue de la
sonorité que de l'interaction entre les musiciens. En effet, la réverbération que la salle
renvoie vers les musiciens a un effet liant sur les diverses sources et le son plus mat en
studio peut parfois gêner certains instrumentistes. De plus, on devra déterminer de quelle
façon les prestations des différents exécutants seront synchronisées par rapport à
l'ensemble. L'utilisation de casques d’écoute pendant la prise de son des pistes
individuelles des musiciens est incontournable pour fournir une piste de référence par
rapport à laquelle ils se synchroniseront. Ils sont même utiles pour la captation d'un
enregistrement d'ensemble au cas où on voudrait synchroniser tout l'ensemble sur un
même métronome, sans toutefois que celui-ci soit audible dans l'enregistrement. La
méthode utilisée pour la synchronisation variera en fonction des goûts, des désirs et des
capacités de chaque participant aux enregistrements. Certains musiciens ne jurent que par
l'utilisation d'un métronome, un click en tout temps dans leur casque d’écoute lors de leur
prestation, alors que d'autres ne sont absolument pas capables de suivre une référence
aussi rigide et ne seront jamais en mesure de demeurer synchro avec celle-ci. Certains
musiciens sont capables de rejouer en parfaite synchro avec une référence contenant déjà
une copie de la partie de leur instrument enregistrée précédemment, pour d'autres la
présence de leur instrument dans la bande de référence les emmêle complètement et les
empêche de bien performer. Il sera important de connaître les particularités de chaque
participant de l'ensemble avant la session d'enregistrement, de façon à préparer pour
chacun la méthode de synchronisation qui lui conviendra le mieux. Évidemment, on
exigera de tous une rigueur et une discipline exemplaires pour ce qui est des bruits
indésirables sur le plateau d'enregistrement, mais on devra aussi favoriser une atmosphère
31
de plaisir et de sérénité en laissant à l'occasion passer des petites incartades avec humour
et en communiquant toujours nos instructions et remarques avec le plus grand respect,
l’objectif étant, comme toujours, de favoriser une prestation artistique optimale.
32
Comment la position et le contenu sonore de ses différents éléments sera-t-il rendu? La
grosse caisse, point critique dans plusieurs styles musicaux, sera-t-elle assez dynamique?
Il en est de même des instruments électriques; leur son provient, non pas de l’instrument
lui-même, mais de l’amplificateur qui le reproduit, bien que nombre de réalisateurs
prennent soin d'enregistrer le son acoustique de la guitare électrique pour être en mesure
d'accentuer le picking lors d’un mixage. Qu’en serait-il également d’un orgue
électronique amplifié par un haut-parleur tournant Leslie? Cet effet étant très relié à la
répartition spatiale, est-ce que cela sera bien reproduit par une de nos couches M/S? Nous
devrions effectuer des essais de l’enregistrement M/S par couches superposées avec la
plus grande diversité d'instruments possible pour pouvoir conclure à son applicabilité
dans divers styles musicaux et avec différentes combinaisons quant à l'instrumentation
des ensembles. Au départ, la méthode semblait réservée à des ensembles acoustiques,
sinon même classiques, mais peut-être pourrait-elle convenir à beaucoup d'autres
situations.
33
6- Quintette de cornemuses;
7- Quintette de cuivres: 2 trompettes, cor, trombone, tuba;
8- Quatuor de jazz: saxophone, guitare, contrebasse, batterie;
9- Quatuor de percussions contemporain EP4;
10- Deuxième quintette de cuivres: 2 trompettes, cor, trombone, tuba;
11- Ensemble chansonnier francophone: guitare, violon, violoncelle, voix féminine;
12- Ensembles de musique de chambre sous la direction du Quatuor Arthur-Leblanc;
13- Quatuor de jazz acoustique et électrique : trompette, saxophone, batterie, piano
électrique amplifié avec clavier de basse amplifié.
34
établir la position idéale de chaque instrument, une information dont nous devrons
soigneusement prendre note pour être en mesure de la reproduire pour toutes les étapes
qui suivront. Ces premiers enregistrements ont été réalisés entre le début de février et le
milieu de mars de 2013 pour les deux premiers ensembles.
La deuxième étape consiste à réenregistrer des couches M/S individuelles avec
chaque instrument en replaçant celui-ci strictement au même endroit que lors des
enregistrements d’ensemble que nous utiliserons maintenant comme référence de
synchronisation. La captation individuelle de chaque instrument que j’ai, au départ,
réalisée avec des micros de proximité nous permet, à cette étape, de fournir au musicien
un mélange contenant tous les instruments de l'ensemble (sauf le sien) et d’en effectuer
lui-même un mixage d'écoute selon ses goûts. Pour le second quintette de cuivres, les
enregistrements de ces deux premières étapes ont eu lieu consécutivement le même jour,
un dimanche du début avril 2013.
Par la suite, des sessions d’écoute critique et d’analyse se sont échelonnées au
cours d’avril et de mai pour finaliser le choix des prises qui constitueront des pistes
optimales pour chaque instrument. Le montage de ces différentes prises et le mixage des
pièces retenues complètent la troisième étape. La quatrième et dernière étape, qui
constitue le contenu des chapitres suivants, consiste en la rédaction de trois études de cas
portant sur la réalisation des enregistrements et des mixages, ainsi que sur le
comportement et les commentaires des musiciens des divers ensembles. C’est aussi
l’occasion de faire part de ce que tous ces essais m'ont appris des possibilités de la
méthode M/S par couches superposées, et de ses particularités, limites et contraintes.
46
Voir la documentation du manufacturier Josephson pour le microphone C700S.
36
combiner le tout en une stéréophonie G/D. Lors de l'étape des enregistrements, un seul et
même ensemble de groupes de multiplexage M/S peut être partagé pour toutes les prises
réalisées avec tous les instruments, puisqu’on enregistre un seul couple M/S à la fois.
Lors du mixage, il est plus pratique de refaire un ensemble de multiplexage
stéréophonique M/S individuel pour chaque instrument de l'ensemble; cela nous donne un
meilleur contrôle sur les paramètres qui commandent le positionnement et la sonorité
d'ambiance entourant chaque instrument. Il est à noter qu’une différence de 3 dB peut
apparaître selon qu’on distribue le signal M sur deux pistes monophoniques associées
respectivement au côté gauche et au côté droit de l’écoute stéréophonique, ou que l’on
applique le signal M à une piste stéréophonique avec contrôle de panoramique (pan).
Dans ce dernier cas, le positionnement du panoramique au centre pour équilibrer sa
contribution à gauche et à droite enlève 3 dB au signal M. Dans la figure 1 qui suit, issue
des sessions d’enregistrement, le signal M est appliqué sur des pistes monophoniques,
sans atténuation de sa contribution, tous les niveaux sont égaux. La figure 2 démontre
l’autre méthode, soit d’envoyer le signal M dans une piste stéréophonique via un contrôle
panoramique et c’est celle que j’ai utilisée dans les sessions de mixage, dans ce cas les
côtés gauche et droite reçoivent un signal M atténué de 3 dB.
37
Figure 1 : Multiplexage des cartouches W-X et Y pour l’enregistrement
38
Figure 2 : Multiplexage de chaque source pour le mixage
39
instruments. Leur signal était aussi enregistré sur des pistes séparées de façon à pouvoir
être remixé à volonté pour constituer la piste de synchronisation utilisée pour la reprise
des pistes M/S individuelles de chaque musicien. L'utilisation de la captation de
proximité permet aux musiciens de disposer d'une référence beaucoup plus serrée au
point de vue du tempo que si on utilise les pistes M/S plus ambiantes. Par contre, comme
nous le verrons plus loin, pour les musiciens habitués à jouer dans de grands ensembles
en salle de concert très réverbérante, cette sonorité leur est inhabituelle et les musiciens
ont tendance à devenir très (trop?) critiques par rapport à leur jeu.
La console analogique Studer, un modèle des années 1980, devait surtout fournir
les préamplificateurs pour tous les microphones de captation, les trois capsules de
l'ensemble M/S et les cinq micros de proximité; les préamplificateurs de chez Studer sont
réputés pour leur habituelle neutralité. Bien que d'une technologie peu flexible, on a pu
aussi mettre à profit le micro d'ordre (talkback) de la console et son système de retour de
son (foldback) de la régie vers les musiciens. La console étant un peu usée et non munie
d'indicateurs de niveau sur les modules de préamplificateur, j'ai dû porter une attention
particulière à la calibration de leur sensibilité (en anglais le terme gain est utilisé), en
particulier pour obtenir une amplification équilibrée des trois capsules du micro
Josephson. De plus, du bruit de fond issu de certaines pistes m'a causé certains
problèmes : nous avons dû ainsi éviter d'utiliser certains préamplificateurs trop bruyants.
Le module de convertisseurs Apogee de la série Symphony I/O était pourvu de
huit entrées de niveau ligne pour la conversion analogique à numérique et celles-ci
étaient pilotées par les sorties directes des préamplificateurs de la console Studer pour
numériser le signal des microphones. Le Symphony est aussi pourvu de huit sorties de
conversion numérique à analogique; les deux canaux de sortie principaux ont été utilisées
pour piloter les haut-parleurs de référence Adam S6X à partir de la station
audionumérique et les six autres sorties fournissaient les pistes de retour de son vers les
musiciens. Le module a été opéré pour tous les enregistrements à une fréquence
d'échantillonnage de 48kHz et avec une résolution de 24 bits. C'est aussi son logiciel, le
pilote Apogee Maestro, qui fournissait les « mètres » (meters) pour la calibration de tous
les niveaux des préamplificateurs, étant donné que la console ne permettait pas cette
fonction. Le module Symphony a été raccordé par lien USB 2.0 à une station Mac Pro
40
munies de deux écrans 23 pouces et exécutant le pilote Maestro et le logiciel
audionumérique bien connu Avid Pro Tools dans sa version 9.
Pour le retour de son vers les musiciens, nous avons eu recours à un module de
transmission par câble réseau ethernet de marque Hear Back avec 8 entrées vers
lesquelles on injectait le signal foldback de la console et les 6 pistes provenant de la
station audionumérique, contenant les enregistrements de proximité de chacun des
instruments. Du côté du studio, ce module transmet les 8 pistes par lien réseau et pilote
des petits mélangeurs du même manufacturier qui récupèrent tous ces signaux. Ce
système permet à chaque musicien, lorsqu'il reprend sa partie, de doser son mixage
personnel pour les pistes de synchronisation et pour son instrument en direct. Cette façon
de faire permettait notamment à chaque musicien de faire un mélange semblable, de son
point de vue (ou plutôt son point d'écoute), à l'exécution d'ensemble originale, mais dans
lequel la piste originale de son instrument pouvait être éliminée pour laisser la place à la
reprise qu'il était en train d'exécuter.
1.4 Sommaire
Les méthodes d’enregistrements d’ensembles musicaux en studio sont multiples et
chaque production utilise l’une ou l’autre de ces méthodes, parfois même une
combinaison de plusieurs d’entre elles. Il est possible d’enregistrer tout l’ensemble en
direct ou chaque musicien isolément; on peut utiliser juste une paire de microphones
stéréophonique ou une grande quantité de microphones répartis à proximité de chaque
source; on peut enregistrer le résultat directement en stéréophonie ou conserver tous les
éléments séparés dans une station audionumérique multipiste.
La première partie du chapitre est une réflexion sur les quatre méthodes les plus
« classiques » de captation utilisées par les studios : la prise de son stéréophonique
d’ensemble en direct, la prise de son multipiste d’ensemble en direct, la prise de son
multipiste individuelle en isolation et le réenregistrement multipiste individuel en différé.
J’ai tenté d’en dégager tous les avantages et inconvénients, et de les comparer pour leur
donner un classement relatif, une note « objective ». J’ai également employé la même
grille d’évaluation pour établir les avantages et inconvénients de notre méthode M/S par
couches superposées (un réenregistrement multipiste stéréophonique en différé dans le
lieu de prestation) et constater qu’elle comportait des bénéfices prometteurs par rapport
aux méthodes plus conventionnelles.
De plus, outre la disposition en studio et le processus d’enregistrement multipiste
utilisant un ensemble stéréophonique, le choix de l’ensemble stéréophonique M/S est un
aspect important du procédé que nous voulons développer. Sa stabilité, autant
monophonique que stéréophonique, et le complet contrôle qu’elle devrait nous donner sur
l’ampleur et la position de chaque source dans le mixage sont à la base même du concept
imaginé par Serge Lacasse et Serges Samson.
41
Avant d’entreprendre le projet d’enregistrement et de mixage lui-même, il
convenait de commencer par apprivoiser les aspects techniques qui le composent. Dans le
cadre d’un projet préliminaire, j’ai d’abord entrepris une étude comparative des pricipales
méthodes de prise de son stéréophoniques dans le but de vérifier si la technique M/S était
bien la plus appropriée pour obtenir le résultat que nous recherchions. En utilisant
d’abord un piano à queue solo, puis un petit ensemble de onze guitares classiques, et
enfin un orchestre de vents et percussions de près de 60 musiciens, j’ai pu comparer le
rendu spatial offert par la prise de son AB avec des micros omnidirectionnels, par la prise
de son ORTF et par la prise XY avec des micros cardioïdes. J’ai enfin étudié la prise
M/S avec un microphone stéréophonique contenant deux capsules perpendiculaires de
patron polaire ajustable; j’ai utilisé un cardioïde comme M et un figure en huit pour S.
Alors que les trois autres méthodes déformaient la représentation de l’espace dans
l’enregistrement, la prise de son avec le microphone M/S m’a semblé la plus conforme à
la réalité de la prestation, et ce pour chacun des ensembles étudiés.
Une fois convaincu de la pertinence d’utiliser la méthode M/S, je me suis
concentré sur celle-ci dans un deuxième projet préliminaire ayant pour objectifs : (1)
d’approfondir la mise en œuvre de la technique de prise de son M/S et d’en découvrir les
contraintes pratiques, (2) vérifier la faisabilité du mixage utilisant la superposition des
couches stéréophoniques enregistrées individuellement, (3) vérifier les propriétés
acoustiques requises dans le lieux de prestation pour l’enregistrement des ensembles
musicaux, (4) enfin mettre au point le processus de travail en studio, la séquence des
enregistrements et des réenregistrements. Les installations du LARC étant alors en
construction, j’ai dû réaliser tous ces essais dans divers lieux : un petit studio de
télévision et la salle Sylvain-Lelièvre du cégep de Limoilou, la salle Henri-Gagnon du
pavillon Casault de l’Université Laval. Chacun de ces lieux m’a démontré, par ses
problèmes acoustiques, les lacunes qui doivent être évitées pour la bonne réussite d’un
enregistrement en M/S par couches superposées.
Pour les enregistrements du projet, nous désirions utiliser la plus grande variété
possible d’instruments, c’est pourquoi nous avons lancé un appel à tous les étudiants de
la faculté pour leur offrir de venir faire des enregistrements. Bien que des délais de
construction du studio nous aient fait perdre un peu de momentum dans cette recherche
de participants, nous avons quand même pu recruter des ensembles musicaux très
intéressants pour le projet. Avec chaque ensemble recruté, nous avons procédé à
l’enregistrement de pistes de référence dans un premier temps; par la suite, une deuxième
session était prévue avec chaque musicien pour effectuer leur réenregistrement
individuel; enfin un mixage par superposition des couches stéréophoniques M/S permet
d’obtenir le produit prêt à passer au mastering, une étape qui ne faisait pas partie du
présent projet.
J’ai complété ce chapitre sur la méthodologie de recherche en décrivant le
système d’enregistrement que nous avons utilisé pour monter le « studio de projet »
temporaire qui nous a permis de progresser dans le projet sans avoir à attendre les
installations permanentes du LARC. J’ai aussi rapporté comment j’entendais tirer parti de
chacun des éléments de ce système pour faciliter l’expérimentation de notre méthode de
travail dans le studio. Le chapitre suivant présente quatre études de cas, soit l’application
de la méthode M/S par couches superposées à l’enregistrement de quatre ensembles
acoustiques différents.
42
2. Études de cas des ensembles enregistrés :
Quatre ensembles, tous composés d’instruments acoustiques, sont venus enregistrer au
studio du LARC pour nous aider à développer la méthode M/S par couches
stéréophoniques superposées. Le premier ensemble interprète un répertoire chansonnier
francophone, et pour les besoins de mon projet de maîtrise ont performé en trio pour une
pièce et en quatuor pour la seconde. La voix féminine soliste de ce groupe est
accompagnée d’une guitare et d’instruments à cordes, un violon et un violoncelle.
Lorsqu’il performe en direct, cet ensemble a de la difficulté à équilibrer les niveaux, la
chanteuse soliste est souvent masquée par l’accompagnement. Le deuxième ensemble est
un quintette de cuivres interprétant principalement un répertoire classique, mais aussi
capable de petites incursions dans le jazz. Une des particularités de ce groupe est la
disposition que les musiciens adoptent pour leur prestation : les instruments plus graves,
cor et trombone, se placent du côté gauche du tuba et les deux trompettes se regroupent
ensemble à la droite de celui-ci. Le troisième ensemble à participer au projet est un
second quintette de cuivre composé de la même instrumentation que le premier, mais
dont la disposition diffère un peu; en effet le cor et le trombone encadrent le tuba et les
deux trompettes se placent aux extrêmes de chaque côté. Le répertoire de cet ensemble
est un peu moins classique, du moins la pièce qu’ils ont enregistrée pour nous : La soirée
du hockey. Enfin, nous avons eu l’occasion d’appliquer notre méthode à un grand
ensemble composé de 20 guitares acoustiques, une guitare électrique, une basse
acoustiques, un sitar, deux violoncelles, un hautbois et des percussions. Cet ensemble,
sous la direction de M. Claude Gagnon a enregistré une composition de celui-ci intitulée
« Tai Chi ».
Dans ce chapitre, pour chaque ensemble, je rapporterai d’abord la démarche de
travail en studio avec les musiciens, le déroulement de tous les enregistrements et
réenregistrements, les problèmes que nous avons rencontrés et les solutions pratiques que
nous y avons apportées. Dans un deuxième temps, je procéderai à une analyse des
résultats obtenus, des questionnements qui me sont venus au fil de la réalisation des
enregistrements et des mixages. Enfin, une troisième section apportera une conclusion à
chacune de ces études de cas, tentant de dégager, à partir des réponses que j’ai trouvées
aux diverses questions, des principes applicables aux situations rencontrées, et des
43
connaissances que j’ai acquises pour me permettre de poursuivre le projet en améliorant
progressivement la procédure de travail.
2.1.1 Démarche
Lors de la seconde séance le 10 février 2013, l'ensemble a effectué pour mon projet les
enregistrements de référence de deux pièces : « Quand ça balance », une chanson jazz du
compositeur français Michel Legrand, et « Doux Chagrin », une balade du chansonnier
québécois Gilles Vigneault. La pièce de Legrand était un quatuor : voix, guitare, violon et
violoncelle en pizzicato, dans un rôle de contrebasse; la pièce de Vigneault, un trio :
voix, guitare et violoncelle à l'archet. C'est l'écoute de la pièce jazz qui a servi à analyser
la disposition de ces musiciens par rapport au microphone M/S. Au départ, il faut préciser
que l'instrumentation de cet ensemble n'est pas naturellement équilibrée en termes de
niveau sonore; en effet le son de la guitare est passablement plus dynamique que la voix
de la chanteuse, le violon est, lui-aussi, très perçant; quant au violoncelle, en pizzicato,
son niveau est très en retrait par rapport aux trois autres sources. J'ai tenté de compenser
ces écarts de dynamique en plaçant la chanteuse un peu à gauche (cinq degrés) du centre
à l'avant plan à 2m du micro M/S, une position logique étant donné son rôle de soliste
dans l'ensemble; le violon, autre soliste à certains moments, a été placé 8 degrés vers la
44
droite et je l'ai fait reculer à 2,5m pour diminuer au peu sa captation; la guitare, très
dynamique dans son rôle rythmique, a été beaucoup reculée, à 3m du côté gauche, à 23
degrés; enfin le violoncelle a été placé à droite à environ 23 degrés aussi, mais à une
distance de 2m. C'est le résultat de cette disposition que l'on entend sur les références
M/S des deux pièces enregistrées, sauf que la chanteuse s'est un peu recentrée pour
interpréter « Doux chagrin » puisque le violon ne participait pas à cette pièce. L'écoute de
la référence de cette dernière pièce nous permet de constater que le son du violoncelle
devient beaucoup plus puissant lorsqu'il est joué à l'archet. J'aurais eu avantage à le
reculer à la même distance que la guitare, mais j’ai négligé de le faire dans le feu de
l'action. À la fin de cette session, les musiciens de l'ensemble sont venus en régie écouter
les multiples prises des deux pièces pour que nous déterminions ensemble sur quelle prise
de chaque pièce ils souhaiteraient effectuer les réenregistrements. Nous avons alors
convenu, à la demande du guitariste, que « Quand ça balance » serait découpée en trois
sections dont nous utiliserions la seconde prise pour les deux premières et la troisième
prise pour la fin. Pour la pièce « Doux chagrin », c'est un découpage en quatre parties qui
a été retenu et les prises que nous avons utilisées pour les quatre parties sont, dans
l'ordre : la deuxième, la première, la troisième et la deuxième. Par la suite, nous avons
convenu que le guitariste viendrait d'abord faire ses réenregistrements le 15 février, la
chanteuse le 20 février et les cordes le 21. À ce moment, les musiciens ont aussi demandé
que les références évoluent au fil des sessions d'enregistrement, c'est-à-dire que je
remplace au fur et à mesure dans la référence, les pistes enregistrées au départ par les
nouvelles pistes réenregistrées. J'ai accepté de tenter l'expérience de cette façon, étant
donné que nous en étions aux premiers essais de la méthode M/S dans l'environnement
du LARC.
Pour le réenregistrement de la guitare, j'avais préalablement procédé au montage
des pistes de référence selon les discussions que nous avions eues, tout en conservant le
découpage que nous avions déterminé. J'ai aussi effectué les branchements pour envoyer
dans le système de retour de son les pistes des microphones de proximité issues des
montages de référence pour la voix, le violon et le violoncelle, ainsi que la capsule W du
micro Josephson en direct pour le son de la guitare pendant le réenregistrement. Tous les
réenregistrements de La Virevolte ont été faits selon cette configuration, laquelle, si elle
45
n'a pas autant plu à tous les membres de cet ensemble, a semblé très bien convenir au
guitariste. Celui-ci a procédé, avec un talent et une rigueur admirables, à l'enregistrement
d'en moyenne trois prises sur chaque partie des deux pièces. Une seule petite portion a été
remise à plus tard : l'intro de « Doux chagrin », où le guitariste doit répondre par un
accord à chaque phrase de violoncelle; il a été convenu que celui-ci reviendrait les
compléter juste après les réenregistrements de la violoncelliste. À mon oreille, toutes les
prises de réenregistrement de la guitare étaient aussi valables les unes que les autres, mais
le musicien lui-même a choisi les prises de chaque partie où il a le mieux performé et j'ai
tout de suite fait le montage de ces pistes de guitare, en réparant, dans une des prises, une
seule petite hésitation sur le début d'une phrase, que j'ai dû un peu anticiper. Les
nouvelles pistes de guitare réenregistrées et éditées sont ainsi devenues parties intégrantes
des pistes de référence pour la suite du travail avec les autres musiciens. Avec cet
ensemble, cette façon de faire a donné de bons résultats; nous verrons plus tard que ce ne
fut pas le cas pour le deuxième ensemble.
Lors du réenregistrement de la voix, quelques jours plus tard, la chanteuse a
préféré commencer par la pièce lente de Vigneault et par la suite travailler sur la pièce
rapide, où elle avait éprouvé certaines difficultés de tempo lors de l'enregistrement des
références, sur la deuxième reprise de chaque refrain, qui présente une petite syncope.
Nous avons convenu ensemble que les prises des réenregistrements seraient réalisées en
pièces complètes, sans les interruptions entre les parties, comme nous l'avions fait avec le
guitariste. Très rapidement, la chanteuse s'est rendu compte qu'elle avait l'habitude de
conduire l'ensemble et que les autres musiciens la suivaient lors des prestations en direct;
c'est aussi cette situation qui avait prévalu lors des enregistrements de référence. Par
contre, pour les réenregistrements, le processus était maintenant complètement inversé :
c'est la chanteuse qui se devait de suivre le tempo, imposé par les pistes des autres
musiciens. Après une période d'acclimatation à cette nouvelle façon de travailler, elle
s'est quand même habituée assez rapidement et a pu procéder à quatre prises de « Doux
chagrin », la troisième étant la mieux réussie, à son avis; c'est celle que j’allais garder
pour le mixage. Nous nous sommes ensuite attaqués à la pièce de jazz, avec ses reprises
de refrain allongées d'un demi-temps. Pour ce réenregistrement, la chanteuse s'est aidée,
tout au long des différentes prises, de claquement de doigts pour conserver le tempo, et
46
j'ai enregistré les pistes M/S de sa voix accompagnée du claquement de doigt. Encore une
fois, nous avons procédé à quatre prises et c'est l'avant-dernière qui a été retenue.
D'ailleurs, tous au long des enregistrements, j'ai souvent remarqué qu'on arrivait
habituellement à une très bonne prise après quelques passages, deux ou trois, et que le
fait de s'obstiner à essayer encore donnait de moins bonnes prises; nous nous sommes
donc retrouvés très souvent à choisir l'avant-dernière prise. Ce sont d’ailleurs les prises
que la chanteuse m’a indiqué d’utiliser pour le mixage des deux pièces. À cause de la
longueur de cette session de réenregistrement, nous avons dû remettre à plus tard l’écoute
systématique de toutes les prises. Si nous l'avions fait, peut-être aurions-nous pris
conscience d'une difficulté que je n'ai compris que seulement plus tard (il en sera
question plus loin au moment de décrire l'étape de l'analyse et du mixage).
47
le violoncelle y est joué avec l'archet et que l'instrumentiste joue avec une très bonne
attaque. Nous avons fait trois prises et c'est la deuxième qui a été le mieux réussie.
Encore une fois, j'aurais été content avec n'importe quelle des trois prises, mais c'est la
musicienne elle-même qui m'a indiqué la prise dont elle était la plus satisfaite. À la fin de
cette session, le guitariste est revenu compléter les accords de l'introduction de « Doux
Chagrin ». Le tout a été bouclé en moins de 15 minutes, après seulement deux prises.
Une fois toutes ces pistes récoltées dans des sessions de travail Pro Tools, celles-
ci se retrouvent truffées de petits fichiers correspondant à des essais, à des faux départs, à
toutes sortes de découpes d'édition. Il convient de générer une session de mixage
« propre », c'est-à-dire une session contenant seulement les pistes qui ont été retenues
pour composer ce mixage et d'exclure toutes les autres pistes et éditions. Ces pistes sont
le résultat du montage effectué à partir des différentes sections retenues parmi les
différentes prises des réenregistrements; tous les points de coupure ont été traités avec
des fondus-enchaînés (cross-fade) de façon à éviter les bruits et clics de coupure; par la
suite, toutes les éditions ont été consolidées pour former des pistes continues occupant la
durée totale de la pièce; finalement des fichiers de rendus (bounce) ont été générés dans
des nouveaux répertoires bien identifiés pour chaque pièce, ne contenant seulement que
le matériel audio conservé pour le mixage. Après ces opérations, il a suffi de recréer avec
ces répertoires de nouvelles sessions Pro Tools : chaque instrument de l'ensemble y étant
représenté par trois pistes résultants des capsules W, X et Y du microphone Josephson, il
ne restait donc qu’à générer, pour chaque instrument, la couche stéréophonique G/D
multiplexée à partir de la captation M/S. Pour chaque instrument, les pistes W et X sont
additionnées dans un bus pour former un groupe cardioïde M; pour un M pur omni, il
suffit de régler W à 0dB et X au minimum; pour un cardioïde, W et X sont réglés à -6dB
(1/2 de l'amplitude); le groupe M est toujours panoramisé à la position centrale dans le
groupe de l'instrument. Il y a aussi la piste Y, polarité positive du signal S, dont le
panoramique est à l'extrême gauche : on le duplique et on inverse la polarité de la piste
copiée pour en faire la composante négative du signal S qu'on panoramise à l'extrême
droite. Ces deux pistes sont liées ensemble en un groupe de contrôle pour que leurs
potentiomètres soient toujours ajustés solidairement au même niveau. Enfin, les signaux
M et S sont additionnés dans un bus stéréophonique pour former un groupe permettant de
48
doser le niveau global de l'instrument et d'effectuer sur celui-ci (si nécessaire) des
traitements d'égalisation, de limitation ou de compression. Pour chaque instrument, la
session contient six pistes dont les potentiomètres permettront d'ajuster tous ses
paramètres. Par contre une bonne façon de travailler lors du mixage est de doser le niveau
sonore général de l'instrument avec le groupe M et de calibrer par la suite sa position et
son ambiance à l'aide du potentiomètre du groupe S (les autres potentiomètres étant
laissés à un niveau fixe). Il est à noter que l'ajout du signal S, une fois M ajusté, ne varie
pas le niveau sonore général de l'instrument; il agit seulement sur sa position, sa largeur
apparente (son « extensité »47) et son ambiance.
Une fois que les sessions ont été nettoyées et consolidées en vue du mixage, et ce
pour les deux pièces, je suis allé travailler au mixage à la régie du LARC où j'ai fait jouer
les pistes sur la station MAC pilotant les convertisseurs Apogee Symphony, le tout
reproduit par les haut-parleurs Adam S6X. Première constatation que me permet la très
large réponse en fréquence de ces haut-parleurs : les pistes enregistrées au LARC
contiennent un peu de bruit de ventilation et de ronflement; en effet je n'ai pas toujours
pensé à fermer celle-ci dans le studio. De plus, le micro Josephson est très sensible aux
très basses fréquences et le LARC est situé près des salles de mécanique du pavillon
Casault et des corridors souterrains où circulent des véhicules de service. Le remède pour
minimiser ces problèmes : dans tous les instruments, j'ai placé un filtre coupe-basse avec
une pente de -24dB par octave à des fréquences de 72Hz pour la guitare, 140Hz pour la
voix féminine et le violon, et 100Hz pour le violoncelle.
Le premier mixage a été assez simple à réaliser, soit celui du trio interprétant
« Doux Chagrin ». Première opération : j'ai dosé les niveaux relatifs des instruments avec
leur potentiomètre M, la voix en avant à +7,1 dB, accompagnée à des niveaux corrects
par la guitare à -5,2 dB et le violoncelle à -2,8 dB. Deuxième opération : j’ai gardé
seulement la guitare en solo et ai élevé le potentiomètre S jusqu'à ce que l’instrument
prenne dans le mixage la place qu'il occupait dans l'ensemble, soit 23 degrés vers la
49
gauche; le potentiomètre est alors rendu à -15,8 dB. J’ai repris l'opération avec le
violoncelle et ai ajusté le niveau S à -13,2 dB pour entendre l’instrument prendre sa place
dans l'ensemble. Pour la voix, étant donné qu'elle était centrée, je n’ai pu me fier à un
repère de position; j’ai donc décidé d'appliquer le même ratio que pour les instruments,
soit environ 10dB de moins sur le S que sur le M, de manière à obtenir un ensemble bien
positionné avec une ambiance sonore correspondant à ce que nous avions dans le studio
lors des enregistrements des références. Cette méthode allait-elle constituer une recette
pour mixer facilement un ensemble acoustique en appliquant tout simplement la méthode
d'enregistrement des couches M/S, puis en mixant ces couches par simple superposition
en appliquant à toutes, le même ratio M sur S? Lorsque j’ai fait écouter le résultat à
Serges Samson, qui avait mixé les premières pièces enregistrées de cet ensemble en
janvier et qui a une longue expérience du travail de studio, il a constaté avec moi que le
mixage correspondait bien à la sonorité de l'ensemble en direct en studio et qu'il suffirait
seulement d’un peu de travail de prématriçage (mastering) pour en faire un document
quasi diffusable.
Pour la pièce « Quand ça balance », j'ai appliqué le même procédé: (1) équilibrage
des niveaux avec les M de chaque source; (2) reprise de chaque instrument en solo pour
ajouter du niveau au signal S et ainsi les repositionner dans leur environnement (comme
précédemment le chiffre magique semble tourner autour de 10dB). Pour ce qui est du
mixage de la partie instrumentale, tout se passe très bien comme pour « Doux chagrin »;
malheureusement lorsqu'on ajoute la voix, tout ne prend pas place aussi facilement que
précédemment. En effet, comme je l'ai mentionné plus haut, le claquement de doigts fait
partie intégrante de la piste de voix. Or, ce qui devait être seulement une légère
percussion pour soutenir le tempo, devient dans ce mixage une pièce pour claquement
solo, toutes les autres sources, la voix comprise, devenant un accompagnement. Si on
atténue suffisamment la piste pour que le claquement reprenne des proportions
raisonnables, la voix devient alors beaucoup trop faible. Je tente alors de compresser la
piste pour amortir seulement les impulsions du claquement de doigt : un seuil assez haut
pour ne pas agir sur la voix, un ratio musclé pour beaucoup diminuer ces impulsions, une
attaque courte pour agir dès que le claquement déclenche la compression et une relâche
rapide pour ne pas compresser la voix qui suit. Le problème est malheureusement trop
50
sérieux pour pouvoir y remédier avec un appareil automatique. Il ne reste qu'une
solution : faire revenir la chanteuse en studio pour faire de nouveaux réenregistrements :
une série de pistes avec seulement la partie chantée et une série de pistes avec le fameux
claquement de doigts « bionique » (que je pourrai enfin contrôler au même titre que
toutes les autres sources). Le rendez-vous est pris pour une session vendredi le 19 avril, et
ce jour-là, le cas est réglé en deux prises pour chacune des parties; il est maintenant
possible de terminer le mixage correctement.
2.1.2 Discussion
Il est temps de faire une certaine réflexion sur le travail de production fait avec ce
premier ensemble. Étant donné justement que ce sont les premiers enregistrements faits
au LARC en utilisant la méthode M/S par couches superposées, l'analyse des résultats et
les réflexions sur le processus de travail ont suscité principalement des questionnements.
Par contre, quelques conclusions positives ont pu également en être tirées, étant donné les
résultats assez réussis sur ces premiers mixages, sans avoir eu à y mettre une somme de
travail colossale. En effet, la technique M/S par couches superposées semble donner de
bons résultats assez facilement, pour peu qu'on l'applique avec rigueur lors des
enregistrements.
Les questions qui nous sont apparues concernent principalement l'utilisation des
pistes de référence pour la synchronisation des réenregistrements, mais aussi les
difficultés reliées à la disposition originale de l'ensemble pour l'enregistrement de la
référence. D'entrée de jeu, j'ai laissé l'ensemble décider de sa disposition pour les
enregistrements, comme il le ferait lors d'un concert; à l'instar de plusieurs ensembles
acoustiques, ils ont pris la forme d'un arc de cercle avec les instrumentistes à égale
distance d'un point central. Pour le présent ensemble, bien que j'aie respecté cette façon
de faire, j'ai fait se rapprocher ou s'éloigner les instruments en fonction de leur intensité
d’exécution et du niveau sonore respectif que je voulais obtenir sur la couche M/S de
référence de l'ensemble, soit une forme de mixage naturel en jouant sur la distance par
rapport au microphone. Était-ce une bonne façon de procéder, puisque de toute façon la
méthode stipule que chaque instrument sera réenregistré individuellement et que cela
nous permettra de faire tous les ajustements lors du mixage? Un autre questionnement
concerne la largeur apparente de l'ensemble par rapport au microphone M/S; en effet, la
51
prise de son M/S est capable de représenter un panorama qui s'étend sur presque 180
degrés, de l'extrême gauche à l'extrême droite. Lors de l’écoute à l’aide d’un casque, cette
étendue peut être reproduite; par contre la reproduction sur des haut-parleurs limite
l'étendue du panorama, ceux-ci étant disposés dans un angle de -30 et +30 degrés. Au vu
de cette contrainte, devrions-nous restreindre l'étendue de l'ensemble enregistré dans ce
cône de 60 degrés devant le micro M/S, ou pouvons-nous nous permettre de placer
l'ensemble dans un espace plus large que ce cône de captation? La poursuite du projet
devrait nous apporter plus de réponses à ce sujet.
Pour ce qui est des pistes de référence utilisées dans les casques d'écoute pour les
réenregistrements, plusieurs options pourraient s'offrir à nous : (1) utiliser tout
simplement la piste M/S originale contenant l'enregistrement de tout l'ensemble; (2)
effectuer un mixage de base de tous les instruments à partir des pistes captées par les
microphones placés à proximité et fournir celui-ci dans le casque d'écoute de chaque
musicien qui fait des réenregistrements; (3) fournir au musicien les pistes séparées de ces
captations de proximité et le laisser doser son propre mixage de retour de son; enfin, une
dernière méthode qui ne pouvait pas être mise en œuvre ici, mais que nous avions utilisé
avec l'ensemble virtuel de guitares, lors des travaux préliminaires, soit (4) utiliser un
enregistrement de concert qui aurait été fait précédemment et dans un autre lieu. Avec
l'ensemble la Virevolte, c'est la troisième méthode que nous avons utilisée, laissant à
chacun le loisir de faire son propre mixage de référence à partir des micros de proximité.
Le résultat a été assez réussi avec cet ensemble, mais était-ce la meilleure méthode de
synchronisation possible et cela conviendra-t-il à tous les ensembles? Un autre aspect de
l'étape des réenregistrements qui pose problème : l'écoute de son instrument en direct par
le musicien en même temps qu'il se synchronise sur les pistes de référence. Étant donné
que le musicien entend la référence par le biais d’un casque d'écoute, il semble que la
meilleure méthode est de placer son instrument en direct dans ce même casque d'écoute;
mais le son de son instrument doit-il lui parvenir d'un micro de proximité ou directement
du micro M/S qui fait les enregistrements? Avec les musiciens de la Virevolte, c'est la
capsule omnidirectionnelle W du micro M/S qui envoyait le son direct de l'instrument, et
cela a semblé leur convenir. Toutefois, dû aux limitations du système d’enregistrement au
moment de cette expérience (version native de Pro Tools), le son de leur instrument leur
52
était retourné avec un léger délai. De plus, la distance de l’instrument par rapport au
microphone Josephson a fait en sorte que le son de celui-ci est très ambiant alors que le
son des références était plutôt direct et assez mat. Est-ce que cela aurait pu avoir créé des
difficultés de synchronisation ?
2.1.3 Conclusions
Pas mal de question restent à étudier, mais j'ai aussi obtenu certaines réponses et
certitudes qui m’ont permis de poursuivre le projet avec confiance. Il semble être une
bonne pratique d'impliquer les musiciens de l’ensemble dans l'évaluation de la qualité de
l'exécution musicale. J’ai ainsi pu me fier à leur jugement pour choisir les prises qui
devaient être utilisées. Si j'avais moi-même choisi les pistes, j'aurais surement été moins
critique qu'eux face à leur performance et peut-être choisi des exécutions moins bien
réussies, étant donné que je devais beaucoup me concentrer sur les aspects audio et sur
l'opération du système d'enregistrement (peut-être moins sur la musique, étant donné que
ce n'est pas ma compétence première). Il est toujours important d'avoir avec soi quelqu'un
capable de juger des aspects musicaux des enregistrements pour jouer le rôle de directeur
musical. Il me semble qu’une autre méthode de travail à conserver pour la suite consiste
en le découpage des pièces en plusieurs sections sur lesquelles le musicien peut se
concentrer et les reprendre plusieurs fois de suite, plutôt que de tenter de faire des prises
complètes sans erreur (one take). C'est ce que Mike Senior préconise pour les chanteurs
en musique populaire, quand il discute la pratique du « compositage » (comping)48. Peut-
être cette procédure pourrait-elle être mise à profit avec les solistes pour les
enregistrements de musique de répertoire.
J’ai aussi appris qu'il est très important de toujours faire au moins une vérification
rapide du contenu des pistes enregistrées et cela avant que les musiciens ne quittent le
studio; si j'avais toujours appliqué ce principe, je me serais probablement aperçu du très
fort niveau des claquements de doigt et nous aurions pu remédier immédiatement à la
situation.
48
Mike Senior, Mixing Secrets for the Small Studio, (Boston : Focal Press, 2011), 107.
53
Nous avons aussi pu constater des résultats fondamentaux quant à la méthode M/S
par couches superposées. Lorsque les préamplificateurs des microphones sont très bien
calibrés avec chacune des différentes sources en cours de réenregistrement, la captation
M/S est très conforme à leur disposition dans le studio. Les niveaux M seuls sont
suffisants pour équilibrer dans un premier temps, le volume sonore relatif des éléments de
l'ensemble à l'intérieur d'un mixage fondamentalement monophonique. Par la suite, l'ajout
de niveau S sur chaque source permet de la disposer dans le panorama sonore sans pour
autant faire varier son niveau général. Il existe d’ailleurs un niveau S idéal qui permet de
recréer la configuration spatiale de l'ensemble. De plus, ce niveau occupe toujours à peu
près le même rapport avec le niveau M pour chaque instrument; avec la calibration et la
technique de multiplexage utilisées, j’ai trouvé qu’une différence de 10 dB (S à 10 dB de
moins que M) convenait pour tous les instruments de l’ensemble, soit en valeur absolue,
une amplitude de S au de celle de M. Cette valeur est liée aux caractéristiques de
sensibilité du microphone utilisé, à la méthode de calibration que j’ai choisie, et à la
méthode de multiplexage que j’ai réalisé dans la station audionumérique. Une autre
combinaison de paramètres techniques pourrait apporter une différence appréciable dans
l’émergence de ce chiffre magique, par exemple le fait de multiplexer le M avec des
pistes monophoniques comme je l’ai fait pour l’écoute en régie lors des enregistrements
ou avec une piste stéréophonique et une commande panoramique comme celle utilisée
dans les mixages49. C’est donc toujours à l’écoute et en se remémorant bien la disposition
originale de l’ensemble en studio que le réalisateur d’un mixage déterminera la
proportion idéale pour une production donnée.
54
mais par la suite, ils ont rencontré un nouveau musicien et se sont dit prêts à venir en
studio dès le 25 février.
2.2.1 Démarche
La première session d’enregistrement a eu lieu le 4 mars 2013. Lors de cette journée,
nous avons été capables de faire des références pour trois pièces et de compléter tous les
réenregistrements avec le cor et le tuba, en plus de commencer ceux du trombone pour
une pièce. J’avais déjà vu une disposition conventionnelle de quintette de cuivres lors
d’enregistrements qu’un collègue étudiant et moi avions réalisés de l’orchestre à vents et
percussions de la Faculté sous la direction de M. René Joly lors d’un concert au
printemps 2012. J’ai donc préparé le studio en disposant cinq chaises en un arc de cercle
centré par rapport au microphone M/S et prévu la répartition des microphones de
proximité selon cette disposition. J’ai placé l’arc de cercle un peu plus serré que l’espace
situé dans le cône de 60 degrés conventionnel qui fait face au microphone
stéréophonique : la chaise centrale se trouvait à environ 3m de distance, les deux chaises
qui l’entouraient à environ 2.5m, et finalement les chaises situées aux deux extrêmes à
environ 2m du microphone. Lorsque l’ensemble est arrivé en studio, les musiciens m’ont
étonné en me disant qu’ils se plaçaient de manière très différente de ce que j’avais prévu :
le cor français se place à l’extrême gauche, suivi du trombone; vient ensuite au centre le
tuba, et enfin les deux trompettes, qui prennent place ensemble du côté droit; la première
trompette (rôle que les deux musiciennes s’échangent en fonction des pièces jouées) se
place toujours à l’extrême droite en avant plan. J’ai donc dû très rapidement reconfigurer
la place des différents microphones pour qu’elle corresponde à l’identification des pistes
qui était préparée dans la session Pro Tools. Avec quelques ajustements en fonction de
l’espace occupé par les instruments et par les lutrins, les musiciens se sont disposés
sensiblement dans l’arc de cercle que j’avais prévu : l’ensemble tient dans un panorama
qui va d’environ -25 à +25 degrés devant le microphone M/S.
55
la troisième est une sonate intitulée Die Bankersangerlieder, un arrangement classique
pour les ensembles de cuivres à partir d’une composition anonyme du 17 e siècle50. Nous
avons fait trois prises de référence de chacune de ces pièces et, après écoute en régie avec
les musiciens de l’ensemble, c’était toujours la troisième prise qui était identifiée comme
étant la meilleure interprétation pour constituer une référence. Par la suite, nous avons
discuté de l’ordre dans lequel se feraient les réenregistrements. Pour cet ensemble, c’est
la disponibilité des musiciens qui a primé dans ce choix; en effet certains étaient prêts à y
travailler tout de suite dans la même journée et ne voulaient pas être obligés de revenir en
studio, alors que d’autres ne pouvaient pas rester plus longtemps en studio, à cause de la
fatigue due à cette session d’enregistrement ou à d’autres obligations qu’ils avaient pour
le reste de la journée.
Nous avons donc procédé au début des réenregistrements avec le cor français,
après une bonne pause pour permettre aux musiciens de se détendre et effectuer un peu
de travail pour adapter les sessions Pro Tools pour le repiquage. La musicienne a repris sa
place exacte en studio. Nous avons procédé à quelques essais pour le niveau des
préamplificateurs : il n’y a rien eu à y retoucher et nous avons commencé avec la session
de « Pink Panther ». Pour cette prise, pas de difficultés particulières; en deux prises, nous
tenions une exécution (la seconde) qui satisfaisait tout le monde (à noter que quelques
musiciens de l’ensemble assistaient à ce réenregistrement à partir de la régie). Par la
suite, nous sommes passés à la pièce de fanfare, La Péri, et avec celle-ci nous avons
commencé à éprouver un peu de difficulté avec la synchronisation de départ des
différentes sections de la pièce. En effet, puisque tous les musiciens débutent la pièce en
même temps, la corniste a éprouvé beaucoup de difficulté à anticiper le départ des autres
instruments en se basant sur les pistes de référence. Après discussion avec elle et les
musiciens en régie, ils m’ont appris que lors de concerts en direct, ce sont les prises de
respiration avant l’entrée de la première note qui leur permet de se synchroniser les uns
avec les autres. J’ai donc trouvé la plus forte de ces respirations enregistrée parmi les
pistes de références captées par les micros de proximité (c’était celle du tromboniste) et
j’en ai créé une copie dans la session Pro Tools. Par la suite, j’ai effacé tout l’audio de
50
Wikipédia
56
cette piste, sauf la première respiration, et y ai rajouté beaucoup de gain de façon à la
rendre très audible; enfin, j’ai placé cette piste dans le retour de son, de façon à ce que ce
point de départ soit utilisable pour tous les réenregistrements à venir pour cette pièce.
Une fois ces opérations réalisées, nous avons pu reprendre les réenregistrements du cor
sans autres problèmes, puisque maintenant la référence entendue contenait un beau gros
souffle pour indiquer d’avance le début de la pièce51.
51
Je me suis d’ailleurs fait une réflexion au passage qui ne m’était pas venu dans le feu de l’action : j’aurais
pu préparer une piste contenant toutes les prises de respiration du tromboniste à chaque début des parties de
la pièce, cela aurait sans doute aidé à la synchronisation de tous au fil des réenregistrements.
57
tromboniste a tenté de jouer avec un casque d’écoute; les circonvolutions du trombone
passent très près de l’oreille droite du musicien, ce qui fait que le casque d’écoute est
toujours encombrant et nuit au confort du musicien. C’est le tromboniste lui-même qui a
trouvé la solution à ce problème : il lui suffisait d’enlever l’écouteur droit de son oreille
et de le placer derrière sa tête. En outre, nous nous sommes rendus compte que c’était une
bonne façon de faire, permettant au musicien de très bien entendre son instrument en
direct, mieux en fait que par le retour de son à partir du micro M/S, car sans aucun délai.
C’est d’ailleurs une pratique qui a été reprise par la suite par plusieurs des musiciens qui
ont participé au projet. Nous avons alors pu commencer les réenregistrements du
trombone, et c’est à ce moment que nous avons découvert que la façon de procéder aux
réenregistrements que nous avions adoptée avec le premier ensemble ne convenait pas
tout à fait dans le cas du quintette de cuivres.
58
suite des réenregistrements du trombone, soit le même jour que ceux des deux trompettes
(7 mars 2013).
Lorsque venu le temps de continuer avec les réenregistrements d’une des deux
trompettes le même jour, j’ai aussi créé une session Pro Tools seulement pour les
trompettes de façon à éviter la surcharge de traitement à la station audionumérique et
nous avons procédé avec une des deux trompettistes, celle-ci était première trompette
dans la fanfare de La Péri et seconde trompette dans les deux autres pièces. Nous avons
débuté ses réenregistrements avec le « Pink Panther » dont l’exécution a été satisfaisante
dès la deuxième prise, puis nous avons fait trois prises de la plus complexe fanfare qu’est
La Péri. C’est cette troisième prise qui sera utilisée pour le mixage. En terminant avec la
59
sonate Die Bankersangerleider, la trompettiste m’a expliqué que son rôle en tant que
seconde trompette dans cette pièce était de soutenir la première trompette et donc de
s’ajuster dynamiquement au niveau sonore de celle-ci, et qu’ainsi, notre méthode
d’enregistrement ne lui permettait pas de performer de la même façon qu’en concert. Ce
sont quand même des informations pertinentes et je devrais en tenir compte lors du
mixage; c’est-à-dire, ajuster le niveau des deux trompettes pour que la seconde vienne en
soutien à la première. Pour cette pièce, c’est à la deuxième prise que la musicienne s’est
dite satisfaite de son interprétation.
60
trompettiste, du studio et la mienne puissent se coordonner; en fait j’ai eu le temps de
procéder à tous les enregistrements d’un troisième ensemble avant que nous puissions
compléter les réenregistrements de la première trompette pour la pièce « Pink Panther ».
Le rendez-vous a finalement été pris pour une session de réenregistrement de trompette
jeudi le 18 avril 2013.
52
J’ai utilisé l’échelle Time Code qui a la structure suivante : heure : minute : secondes : trame vidéo
61
désynchronisations de quelques dizaines de millisecondes, mais assez cependant pour
être perceptibles dans une pièce aussi serrée rythmiquement que cette fanfare. Au fil de la
pièce, j’ai eu à ajuster environ une trentaine de notes et bouts de phrases musicales pour
la totalité des cinq instruments. À chaque fois, la technique est la même : on sélectionne
une portion de temps englobant exclusivement les notes fautives sur les trois pistes
composant l’instrument, puis on sépare ces notes (cmd E dans Pro Tools) du reste de la
piste; ensuite, on déplace vers la gauche ou la droite la découpe en prenant bien soin de
garder ensemble les trois pistes de l’instrument, pour anticiper ou retarder les notes en
question. Cette opération s’effectue à l’aide de la fonction nudge de Pro Tools et elle
permet ainsi de resynchroniser les instruments fautifs. Finalement, on doit appliquer des
fondus enchaînés à chaque début et à chaque fin de découpe, et ce, sur les trois pistes de
façon à éviter tout bruit de commutation. J’aurais pu avoir utilisé les fonctions de
quantification automatisée de Pro Tools, le beat detective et le elastic audio, pour
resynchroniser toute les pistes de toute la pièce, mais je préférais procéder manuellement
à chaque édition de façon à pouvoir juger de l’importance des écarts et réparer seulement
les plus audibles tout en laissant un certain facteur humain à la pièce, quelques petites
imperfections mineures et tolérables.
62
comme piste centrale M : la différence n’est pas très audible dans le mixage et le bruit en
est ainsi exclu.
Une fois les deux pièces mises en forme et toutes les pistes consolidées en session
Pro Tools pour le mixage, nous n’avons eu qu’à appliquer l’habituelle séquence que
semble indiquer notre méthode M/S de superposition des pistes; le dosage des M permet
de faire le mixage monophonique équilibrant les instruments les uns par rapport aux
autres et l’ajout des S de conduire chaque instrument à sa position originale dans le
panorama, d’élargir un peu son extensité spatiale53, ainsi que de lier et d’allonger les
notes par sa réverbération d’ambiance. À chaque fois, nous avons retrouvé toutes les
caractéristiques sonores de l’exécution d’origine lorsque les commandes des S étaient
placées à environ 10dB de moins que les niveaux M pour chaque source, tout en ayant pu
corriger individuellement certains petits défauts et optimiser le mixage d’ensemble.
Pour ce qui est du mixage de cette pièce, comme pour la sonate, aucune difficulté
particulière et une application sans complication de la méthode a mené à un mixage
parfaitement représentatif de l’enregistrement de référence. Tout au plus, j’ai constaté
que bien que l’arrangement utilisé pour la pièce est déjà assez lent, une fin de phrase à la
fin du premier thème a encore été ralentie encore davantage; peut-être pourrais-je
remédier à la situation avec un peu d’édition avant de refaire un autre mixage.
2.2.2 Discussion
Résumons maintenant les questionnements qu’ont suscités les sessions en studio avec ce
quintette de cuivres à propos de l’application de la méthode M/S par couches superposées
et tentons d’en tirer certaines conclusions sur ce qu’elles m’ont appris, en commençant
par la disposition. En se fiant aux propos des musiciens, il semble qu’il soit possible de
63
disposer cet ensemble de diverses façons (je ne connais toutefois pas assez d’exemples
pour pouvoir les contredire). Par contre, il semble y avoir une certaine logique quant à la
place que doit occuper l’instrument dont la tessiture est dans le plus grave, c’est-à-dire le
tuba. Comme il se pratique dans plusieurs genres musicaux, et comme il est recommandé
par plusieurs experts du mixage (par exemple Tishmeyer54), la place des sources émettant
dans le grave est au centre du panorama, les autres instruments se répartissant autour
allant du plus grave au centre aux plus aigus vers les extrémités. Existe-t-il des
dispositions standardisées pour les ensembles classiques ou sommes-nous libres
d’exercer notre créativité à l’infini en ce qui concerne la disposition des musiciens? La
question de l’étendue du panorama se pose encore d’une autre manière : doit-on
nécessairement placer l’ensemble dans un cône de 60 degrés comme on positionne des
haut-parleurs pour l’écoute, ou peut-on se permettre de dépasser ces limites pour tenter
d’élargir le panorama du mixage? J’aurais tendance à pencher vers cette seconde
possibilité puisque le couple M/S est capable de reproduire correctement presque tout
l’espace qui lui fait face.
Sur le plan rythmique, cet ensemble nous a démontré que la synchronisation, que
ce soit des débuts de pièces ou de toutes les reprises de phrases au fil d’une pièce
musicale, constitue un enjeu important dans le contexte d’une méthode basée sur des
réenregistrements individuels. Pour le quintette de cuivres, c’est la respiration initiale des
musiciens qui donne le départ de la pièce aux autres musiciens, cela impliquant qu’ils
reconnaissent un leader parmi eux, du moins en ce qui concerne cet aspect. Probablement
que cela dépend de l’instrument ou des instruments de l’ensemble qui démarrent la pièce,
et cela doit varier d’une pièce à l’autre. Dans le cas de l’ensemble précédent, les
musiciens utilisaient une forme de décompte. Serait-il approprié de préparer une
introduction standardisée comptée par un métronome? Plus rigoureux encore, serait-il
pensable que les musiciens soient cadencés tout au long de la pièce par ce même
métronome? Lorsque j’ai posé la question à Serges Samson qui enregistre les musiciens
de la faculté à tous les ans, il m’a répondu que c’était impensable avec les musiciens
classiques, réponse qui m’a beaucoup étonnée : j’aurais justement cru que la formation
54
Friedemann Tishmeyer, Internal Mixing: How to create a professional mix on your computer-a
systematic approach, 2e éd. Traduit par Brian Smith, (Allemagne : Tishmeyer Publishing, 2008), 127
64
rigoureuse de ces musiciens les préparerait à travailler avec ce type de discipline. En
allant encore plus loin, serait-il pensable d’utiliser une référence basée sur une pièce
complètement montée en MIDI à partir des partitions, puis remplacer les instruments un à
un par réenregistrement, en utilisant notre méthode de superposition des couches M/S?
Cette façon de procéder pourrait probablement resserrer la rythmique et aussi minimiser
un autre problème qu’on a vécu avec le quintette, soit une dérive de l’accordement des
instruments au fil des réenregistrements. En effet, on peut croire que la justesse d’une
piste MIDI serait parfaite et constituerait un bon guide pour les instrumentistes lors de la
création des pistes réelles. On peut imaginer qu’une référence composée d’une session de
pistes MIDI pourrait constituer une bonne source de synchronisation, autant au point de
vue rythmique que mélodique. Cette réflexion à propos de l’écoute des pistes de
référence mène à un dernier constat : lorsque le musicien effectue son réenregistrement,
la présence du casque d’écoute peut entraver sa performance, en particulier dans le cas de
certains instruments. Comme on l’a vécu avec le trombone, la méthode qui consiste à
placer un écouteur sur une oreille et l’autre derrière la tête peut créer des difficultés de
coulage du son vers les microphones, et même ne pas régler du tout la nuisance pour
certains types d’instruments55. Est-ce que l’utilisation de petits écouteurs de retour intra-
auriculaires (in ear), très populaires de nos jours sur scène, pourrait être mise à profit
aussi en studio dans ce contexte particulier?
2.2.3 Conclusions
Malgré tous les questionnements que ces travaux ont suscités et qui devront faire l’objet
de futures recherches, il est tout de même possible de tirer un certain nombre de
conclusions et de réponses à une partie des interrogations soulevées. Pour ce qui est des
problèmes de puissance de calcul de l’ordinateur, une vérification m’a permis de
constater que, comme je le pensais, la station Mac Pro que j’utilisais avait amplement de
puissance de calcul et de marge de manœuvre pour gérer un très grand nombre de pistes à
48kHz en 24 bits, d’autant plus qu’habituellement aucun plugiciel n’est appliqué aux
pistes au moment des enregistrements. L’apparition de messages d’erreur et le
55
Il semble aussi que les violoncellistes aient certaines difficultés à performer en portant des casques
d’écoute, c’est du moins ce qui nous a été rapporté par Albin Zak lors du colloque ARP de juillet 2013 tenu
à la faculté.
65
ralentissement général du poste de travail n’était pas dû à un manque de ressources. J’ai
appris en questionnant Serges Samson et aussi un technicien du département de
technologies du génie électrique du cégep où j’enseigne que les stations Mac
maintiennent un grand nombre de caches et une gestion des permissions qui encombrent
progressivement les unités d’exécution, la mémoire et les unités de sauvegarde : il est bon
de nettoyer régulièrement ces machines pour leur assurer un bon rendement. Les deux
personnes consultées m’ont l’une et l’autre parlé du logiciel Onyx, un utilitaire qui
permet d’entretenir le bon fonctionnement et la propreté des stations de travail sous Mac
OS X. Ce logiciel répare toutes les permissions et nettoie toutes les unités du poste de
travail des surplus de fichiers et de caches inutiles. À partir du moment où j’ai pris
l’habitude de faire exécuter cet utilitaire sur les postes Pro Tools que j’utilise avant un
travail important, je n’ai plus jamais eu de problèmes d’exécution avortée et de
ralentissement lors de mes séances d’enregistrement ou de mixage.
Pour ce qui est de la procédure de travail de notre méthode M/S superposée, il est
apparu évident que l’utilisation d’une référence solide et qui ne change pas au fil des
réenregistrements favorise grandement la synchronisation rythmique et la justesse. En
effet, lorsque la référence varie en cours de route (par exemple en remplaçant les pistes
originales par les pistes réenregistrées), on observe des écarts cumulatifs. Ces écarts,
apparaissant aussi bien sur le plan du tempo que de l’accordement (la hauteur), font que
le musicien qui réenregistre en premier réussit à se coller assez bien à la référence mais
en introduisant de petits écarts, et donc que ceux qui réenregistrent par la suite risquent, si
on leur fournit les nouvelles pistes, d’ajouter d’autres écarts et ainsi s’éloigner de plus en
plus du tempo ou de la justesse de l’enregistrement d’origine.
Pour ce qui est de faciliter le montage et le mixage, c’est une bonne pratique de
générer toutes les pistes des références et des réenregistrements à partir du code temporel
00 : 00 : 00 : 00 et que ces pistes soient consolidées du début à la fin de la pièce
musicale; cela nous évite d’avoir des découpes d’édition qui risquent de décaler par
rapport au tempo de la pièce.
66
Une dernière conclusion que nous pouvons tirer du travail avec cet ensemble
musical concerne le besoin de formation et d’entrainement des jeunes musiciens aux
techniques d’enregistrement en studio. Cette assertion a été corroborée par les
commentaires de plusieurs des musiciens qui ont participé à ce projet pendant la session
d’hiver 2013. Par exemple, une trompettiste qui nous a dit que c’était la première fois
depuis qu’elle étudiait la musique qu’elle était confronté à l’obligation de se concentrer
rigoureusement sur la sonorité produite par son instrument pour l’intégrer avec le reste de
l’ensemble, elle ne pouvait supporter aucune note faible et voulait rendre parfaite son
exécution, comme le démontre son commentaire : « J’ai l’impression que c’est la
première fois que je fais vraiment de la musique ». D’ailleurs, de façon générale, lors des
réenregistrements, cela a été une préoccupation de la plupart des jeunes musiciens qui ont
participé au projet : enregistrer une prise « plus parfaite que parfaite »; souvent, après
trois prises, je devais leur dire qu’on avait toutes les sections suffisantes pour effectuer le
montage d’une piste proche de la perfection et qu’on pouvait ainsi passer à autre chose :
sinon, ils auraient voulu encore reprendre pour corriger les derniers petits défauts.
2.3.1 Démarche
Le dimanche 10 mars 2013, nous avons donc pris rendez-vous au LARC, Serges Samson,
les membres du quintette et moi, pour effectuer la captation de la référence et de tous les
réenregistrements de la pièce sur laquelle s’étaient entendus les musiciens. Fort des
expériences précédentes, j’avais pris la peine d’appliquer une session d’entretien sur la
station Macpro avec le logiciel Onyx de façon à disposer d’un poste de travail le plus
stable et le plus performant possible. Il faut dire que ces enregistrements ont eu lieu juste
après la session de réenregistrements avec le tromboniste et les deux trompettistes du
premier quintette de cuivres, donc après avoir vécu et solutionné de nombreux problèmes
liés à l’enregistrement des instruments composant ce type d’ensemble. Lors de leur
67
arrivée, j’ai pu rapidement confirmer avec eux que leur disposition correspondait à ce que
j’avais vu lors du concert de l’orchestre à vents du 9 avril 2012; d’ailleurs trois des
membres du quintette avait alors participé à ce concert. J’ai donc conservé la disposition
que j’avais préparé : les musiciens placés en arc de cercle, le tuba occupant la position
centrale, encadré du cor à gauche, du trombone à droite et finalement les deux trompettes
aux extrémités de chaque côté. Comme pour le premier ensemble de cuivres, j’ai resserré
un peu la forme de l’arc de cercle, de façon à occuper un cône de captation un peu plus
étroit et rapprocher un peu les trompettes du microphone M/S. Une fois installés, les
musiciens ont commencé à se réchauffer avec des passages du thème de la soirée du
hockey. Quand ils ont pris une pause, je suis allé leur demander quelle pièce ils voulaient
enregistrer, ils m’ont répondu que c’était celle-là; j’ai alors vu que le titre sur leurs
partitions était effectivement Hockey Night in Canada (un très bel arrangement de cette
pièce d’ailleurs).
68
même le mixage présent dans son casque d’écoute à l’aide du système Hear Back. La
piste de réenregistrement du tuba a été jugée satisfaisante dès la deuxième prise.
Pour ce qui est de la deuxième trompette, nous avons réalisé trois prises de
réenregistrement de ses pistes. Dès la première prise, son exécution avait été presque
parfaite, sauf pour la finale de la pièce; nous avons refait une deuxième et une troisième
prise de toute la partie. Après écoute, il a été décidé que j’utiliserais la première prise en
y remplaçant la finale par celle de la troisième prise. Finalement, nous avons complété les
réenregistrements avec la première trompette. L’instrumentiste a presque réussi un sans-
faute du premier jet, sauf un seul petit passage de quelques notes au milieu de la prise.
Pour éviter de reprendre toute la pièce pour une seule petite erreur, nous avons seulement
réenregistré quelques mesures de part et d’autre du segment à corriger; j’ai pu ainsi
effectuer le montage sur place pour éliminer les notes fautives et les remplacer
immédiatement par la nouvelle performance. Évidemment j’ai pris la peine d’appliquer
des fondus-enchainés afin de lier de manière fluide la prise originale et les notes
provenant de la nouvelle prise afin d’éviter tout bruit de commutation entre les découpes.
69
Après la session d’enregistrement, j’ai fait un archivage de toutes les pistes sur un
disque externe pour transférer le tout sur une station de montage à l’extérieur du LARC.
C’est dans la semaine suivante que j’ai effectué tous les montages que nous avions
déterminés et que j’ai préparé les pistes consolidées pour le mixage. Comme pour les
pièces des deux autres ensembles, j’ai préparé une session de travail nettoyée pour le
mixage, contenant donc seulement les pistes provenant des trois capsules du microphone
M/S, montées et consolidées pour les cinq instruments. J’y ai ensuite construit les
groupes de multiplexage permettant de commander facilement les niveaux de la portion
M et de la portion S pour chaque instrument et d’en convertir le contenu en un panorama
stéréophonique gauche/droite. Muni de ce contrôle absolu sur tous les différents niveaux,
l’étape suivante du mixage a consisté à équilibrer le niveau sonore des cinq instruments
pour représenter des proportions réalistes de ceux-ci à l’intérieur de l’ensemble. Pour ce
faire, on utilise seulement la partie monophonique, le M des enregistrements. Par la suite,
on envoie chacun des instruments à sa place dans le panorama en élevant son niveau S, ce
qui a l’effet à la fois de faire migrer le son perçu de chaque source vers sa position dans
l’ensemble, et d’augmenter son extensité (c’est-à-dire sa dimension dans le mixage) en
l’enrobant dans son ambiance sonore et sa réverbération dans le lieu. Comme je l’ai
souvent constaté lors de mes autres mixages dans le présent projet, le niveau de S pour
lequel chaque instrument prend sa place correctement dans le panorama se situe aux
environs de 10 dB en dessous de son niveau M. Si on continue d’élever le niveau de S au-
delà de ce seuil, le panorama s’élargit un peu trop par rapport à la réalité, ce qui n’est pas
en soi une mauvaise chose car cela pourrait permettre, par exemple, de donner plus
d’ampleur à un petit ensemble. Par contre, très rapidement, lorsqu’on continue à élever
le niveau S, des effets de filtrage en peigne apparaissent et viennent dénaturer la sonorité
de l’instrument, on ne devrait donc pas abuser de cette particularité des couches M/S.
2.3.2 Discussion
70
résultat, ou encore se demander si cette disposition ne serait pas modifiable pour
s’adapter au style musical de la pièce que l’on veut enregistrer.
Bien que je n’aie pas retiré beaucoup de nouvelles connaissances de ces
enregistrements avec un quintette de cuivres, l’intérêt de cette session réside surtout dans
la rapidité avec laquelle nous avons pu parvenir à un résultat valable. Depuis que je
travaillais avec cette méthode, les sessions d’enregistrement (d’abord des références, puis
tous les réenregistrements) demandaient de longues préparations et une concentration
élevée sur la précision des opérations. Les sessions d’enregistrement en studio elles-
mêmes devaient s’étendre sur plusieurs jours avec des reprises multiples de tous les
instruments. De plus, certaines erreurs dues à l’inexpérience face aux contraintes de cette
technique et à d’autres particularités de l’enregistrement des ensembles m’ont parfois
obligé à rappeler des musiciens en studio et recommencer l’enregistrement de certaines
pistes.
2.3.3 Conclusions
Pour cet ensemble, tout a été bouclé en un avant-midi, ce qui démontre qu’une fois bien
au fait des particularités et des contraintes de cette façon de faire, tous les intervenants
(musiciens et ingénieurs du son) peuvent parvenir rapidement à un mixage représentatif
de la prestation en studio et dont l’exécution est virtuellement sans défaut, pour peu que
la méthode M/S par couches superposées soit appliquée avec rigueur.
Je remarque en outre que d’enregistrer au moment où les activités environnantes à
proximité du studio sont à leur plus bas, comme dans ce cas-ci le dimanche matin, est un
avantage important pour éviter de capter des bruits et vibrations perturbatrices dans nos
enregistrements. Bien que la construction du LARC soit de haute qualité au point de vue
du rendu sonore et que, de façon générale, l’insonorisation soit très efficace, il demeure
une petite proportion du bruit externe (principalement des basses fréquences) qui est
transmis dans le plateau d’enregistrement (provenant par exemple des locaux de
percussion, immédiatement attenants au LARC). La circulation des petits véhicules de
71
service de l’université dans les corridors situés tout autour de l’emplacement du LARC
cause aussi des difficultés sur ce plan : les enregistrements les plus critiques doivent donc
être prévus en dehors des heures normales d’activités quotidiennes aux abords du studio.
2.4.1 Démarche
Il s’agissait d’une session d’enregistrement au LARC organisée par Serges Samson avec
la collaboration du guitariste et compositeur Claude Gagnon, professeur au cégep de Ste-
Foy. Celui-ci désirait faire enregistrer une de ses compositions, intitulée « Tai Chi », par
une de ses classes pour un cours de Grands Ensembles. L’instrumentation de l’ensemble
comprenait 20 guitares acoustiques, une basse acoustique, une guitare électrique, deux
violoncelles, un hautbois, un sitar et des percussions. Il a été décidé que cette production
serait enregistrée en utilisant entre autres la méthode M/S par couches superposées et que
la piste de référence ne contiendrait pas nécessairement tous les instruments. On a aussi
statué que les réenregistrements des vingt guitares se feraient par sections correspondant
aux cinq voix principales de la pièce. Certains instruments seraient ajoutés par la suite,
notamment la guitare électrique, les violoncelles, le sitar et les percussions, seulement
dans les réenregistrements. Certains microphones d’appoint ont été ajoutés parmi
56
Association for the Study of the Art of Record Production: une communauté Internationale constituée de
représentants des universités impliquées dans la recherche ainsi que d’intervenants de l’industrie de la
production phonographique, producteurs, réalisateurs, ingénieurs du son.
72
l’ensemble lors de l’enregistrement de la référence, mais leur disposition n’étant pas
suffisamment à proximité des instruments, ils ne pouvaient pas être utilisés pour effectuer
des mixages de retour de son excluant complètement les autres sections, comme je l’avais
fait avec mes trois ensembles précédents. C’est donc la même référence, issue des pistes
M/S, qui a été utilisée pour le réenregistrement de tous les instruments au lieu de refaire
différents mixages de retour de son pour chaque réenregistrement. Dans ce cas-ci, cela
n’allait probablement pas gêner les guitaristes puisqu’ils sont habitués de jouer leur
partie dans des sections de quatre ou cinq guitares; pour eux l’expérience du
réenregistrement en studio n’est quand même pas trop déroutante, car ils l’abordent en
sous-groupes. Les instruments supplémentaires ont aussi été enregistrés avec la méthode
M/S par couches superposées et, pour leur part, la référence ne contenait évidemment pas
de version précédente de leur prestation.
73
en interagissant d’autre part avec l’ingénieur du son Serges Samson pour gérer le
déroulement des enregistrements et le marquage de la ligne temporelle pour monter la
piste de référence au fur et à mesure. J’ai aussi apprécié la compétence de Serges Samson
à opérer la console pour router les communications de la régie au studio et faire la prise
de son de toutes les sources musicales, ainsi que sa rapidité à faire le montage de la
référence, presque en temps réel, selon les instructions du réalisateur. Pendant la phase
des réenregistrements, je suis plutôt allé du côté du studio pour m’occuper des appareils
de retour de son et pour effectuer la captation vidéo des sections de musiciens. C’est le
lundi 27 mai qu’a eu lieu la suite des réenregistrements pour les violoncelles et pour les
instruments supplémentaires; malheureusement, des obligations personnelles m’ont
empêché d’assister à cette partie des enregistrements. Par la suite, M. Samson m’a fourni
les pistes M/S des deux journées d’enregistrement de « Tai Chi », incluant la référence
complètement montée et toutes les pistes des réenregistrements pour les utiliser lors du
montage des médias de notre présentation au colloque. En vue de cette présentation, j’ai
préparé des extraits vidéo de mes travaux avec l’ensemble La Virevolte et les deux
quintettes de cuivres, en plus d’une série de photos et quelques extraits vidéo des
enregistrements de la pièce de Claude Gagnon. Pour les vidéos de « Tai Chi », j’ai
remplacé les bandes sonores originales de l’extrait vidéo par les enregistrements de la
référence et un mixage M/S par couches superposées des réenregistrements
correspondant. Cela allait nous permettre de démontrer à l’auditoire présent lors de notre
présentation que le mixage par superposition des couches M/S offre une sonorité et un
panorama très similaires à ceux de la piste de référence. Nous n’avons finalement utilisé
que les documents qui concernaient la production de « Tai Chi » pour illustrer notre
présentation.
75
nôtre pour enregistrer un album dont il avait oublié le titre et l’artiste, mais se rappelait
vaguement qu’il était de style blues ou jazz57.
76
piste de référence, un certain nombre d’instruments qui n’en faisaient pas partie au
départ : les violoncelles, une guitare basse acoustique, une guitare électrique, un sitar et
enfin quelques pistes de percussions. Cette façon de procéder aurait été difficile à mettre
en œuvre avec les trois petits ensembles précédents car l’absence d’une des voix de
l’arrangement lors de l’enregistrement de la piste de référence aurait probablement
déstabilisé les autres (peu nombreux) musiciens. Ici le grand nombre d’instrumentistes a
fait que, en autant que toutes les voix de l’arrangement étaient présentes dans la
référence originale, celle-ci serait bien en mesure de synchroniser tous les
réenregistrements, même si l’ensemble y était incomplet. Cela ouvre donc des possibilités
à la méthode de travail par couches M/S superposées : on pourrait par exemple procéder à
l’enregistrement d’une section rythmique utilisable comme piste de référence, puis y
ajouter ensuite les solistes, puis reprendre des voix de l’arrangement avec d’autres
instruments : des ensembles à cordes, des cuivres, des chœurs, pour enrichir la sonorité
et ainsi construire une production de plus grande envergure.
2.5 Sommaire
Dans ce chapitre, j'ai fait un compte-rendu des enregistrements réalisés avec les divers
ensembles que j’ai réussi à recruter, souvent avec l'aide de Serge Lacasse ou de Serges
Samson. Concernant les trois premiers ensembles qui ont accepté de participer à mon
projet et sont venus faire des enregistrements au LARC, j'ai été en mesure de rédiger une
étude de cas complète puisque c'est moi qui étais alors maître d'œuvre de la session de
travail. J’ai donc réalisé toutes les étapes de la production; j’ai pu compiler tous les
résultats et rédiger une discussion et des conclusions appropriées.
Dans les trois études de cas portant sur ces ensembles, j'ai d'abord décrit la
démarche de travail avec les musiciens en studio : les sessions d'enregistrement des
références, puis chacun des réenregistrements individuels, la phase du montage lorsque
cela s'appliquait et enfin le mixage réalisé par superposition des couches stéréophoniques
M/S. Dans une deuxième section, j'ai rédigé une discussion portant sur les points de
questionnement et les réflexions qui me sont apparus au fil de la production. Bien
entendu, à mesure que je prenais de l'expérience dans l'application de la méthode et
réussissais de plus en plus à tenir compte des contraintes techniques reliées à la mise en
œuvre de la prise de son M/S, la plupart des questionnements obtenaient réponse et cela
me permettait d’être encore plus fonctionnel lors de la production suivante. La troisième
section des études de cas fait justement état de ces réponses, de ce que m’ont appris les
sessions de travail avec les trois groupes de musiciens et des conclusions que l'on peut
tirer sur les particularités d’application de la méthode au type d’ensemble à l’étude.
Le travail avec le premier ensemble, de style chansonnier, m’a principalement
éclairé sur les proportions entre la piste M et la piste S qui étaient le plus à même de
représenter la répartition spatiale originale de l’ensemble. Il semble bien que la meilleure
77
façon d’effectuer le mixage par superposition des couches M/S est d’équilibrer les
niveaux de tous les instruments avec la composante M, et ensuite de faire migrer les
instruments à leur position respective dans le panorama en élevant progressivement le
niveau de la composante S. Lors de cette opération, il est plus facile de procéder à partir
des instruments placés aux extrêmes en revenant vers le centre. Pour la méthode de
multiplexage utilisée, on découvre rapidement le chiffre magique à appliquer entre le
niveau de M et celui de S, et on peut alors utiliser le même écart à tous les instruments,
par contre, un réalisateur pourrait vouloir un panorama plus large ou plus étroit et aurait
toute la latitude pour le faire.
Le deuxième ensemble, un quintette de cuivres m’a permis d’approfondir la
réflexion sur la façon de présenter les pistes de référence au musicien qui procède à ses
réenregistrements versus le son direct de son instrument. La pratique semble indiquer
qu’une référence constante et préférable à une pièce qui évolue, c’est-à-dire où les
réenregistrements sont intégrés au fur et à mesure. La distance qui existe entre
l’instrument et le microphone M/S peut causer des délais et des imprécisions de tempo
lors des réenregistrements, par contre l’utilisation du casque d’écoute semble favorable à
une concentration accrue des musiciens sur leur performance et sur la sonorité de leur
instrument. Cet aspect nous amène à penser qu’une formation des musiciens à la
prestation en studio autant qu’en concert pourrait leur être bénéfique.
Enfin le troisième ensemble, un second quintette de cuivres m’a permis de
consolider mes méthodes de travail en studio et de constater qu’une fois maîtrisée, la
méthode d’enregistrement et de mixage M/S par couches superposées permet de produire
rapidement un mixage équilibré et réaliste.
Le cas du quatrième ensemble est un peu différent des trois précédents, puisqu'il
s'agit d'une production planifiée par Serge Lacasse et Serge Samson, avec la participation
de M. Claude Gagnon. Ils ont donc pris la plupart des décisions de production et ont
réalisé tous les enregistrements ainsi que le mixage de la pièce « Tai Chi ». Pour ma part,
j'ai été invité à agir comme technicien-assistant et participer à l'installation technique de
l'ensemble en studio, mais surtout à observer le travail de l'équipe de production en régie
et sur le plateau d'enregistrement. J'ai assisté à la première journée d’enregistrement en
studio, où nous avons fait la captation de la référence et les réenregistrements principaux
des cinq voix de la pièce, mais je n'ai pas été présent pour l'ajout des instruments
supplémentaires le deuxième jour. Par la suite, on m’a fourni toutes les pistes
enregistrées : la référence et les réenregistrements pour que je puisse préparer des médias
aptes à démontrer la validité de notre méthode lors du colloque de l’ASARP. En faisant
ce mixage, je me suis rendu compte qu’un ensemble pouvait être disposé sur un large
espace devant le microphone M/S et être reproduit correctement.
78
Conclusion
Depuis le début ma scolarité en 2010, ayant déjà choisi le sujet de ce projet, nous posions
au départ la question : dans quelle mesure le mixage par superposition des couches
stéréophoniques enregistrées individuellement en M/S peut-il nous permettre d’obtenir
une image stéréophonique équivalente à celle de l'ensemble complet enregistré en direct
lors d’une performance en temps réel dans le même lieu? Après trois ans
d’expérimentation, dans les domaines de l’acoustique, des techniques audio, autant
analogiques que numériques, et surtout en n’oubliant jamais que le tout devait être mis au
service de la musique, je pense qu’on peut affirmer que le résultat a bien comblé nos
attentes. L’idée d’utiliser une paire stéréophonique M/S pour enregistrer les instruments
d’un ensemble, tentée d’abord dans un lieu de prestation de concert, s’est avérée très
valable, étant donné la cohérence et la conformité de l’enregistrement obtenu avec
l’original. En effet, nous avons constaté que cette technique microphonique représente
très bien la répartition spatiale d’un ensemble sur scène et l’ambiance sonore du lieu de la
performance, sans déformation importante. De plus, la subdivision du message sonore en
ses composantes monophonique et stéréophonique offre un parfait contrôle sur l’étendue
spatiale que l’on peut donner à la production tout en maintenant sa stabilité dynamique et
fréquentielle. Il est donc pertinent de songer à utiliser aussi cette méthode stéréophonique
pour capter séparément chaque instrument plongé dans son environnement sonore sur le
plateau d’enregistrement du studio.
79
méthodes technologiques, mettant à profit tous les procédés audionumériques actuels de
l’enregistrement multipiste, du montage et du traitement par plugiciels pratiqués par le
monde de la musique populaire.
C’est cette procédure de travail basé sur des réenregistrements en différé dans des
couches stéréophoniques M/S que je me suis employé à étudier tout au long de ma
scolarité, d’abord pour en justifier le choix, puis que j’ai pu mettre en pratique, pour
développer la procédure de travail, avec divers ensembles musicaux à l’hiver 2013,
disposant enfin du studio du LARC. Les différents ensembles m’ont donné l’occasion
d’étudier l’application de la méthode avec une voix; avec une guitare seule; avec des
ensembles de guitares; des cordes, violon et violoncelle; beaucoup de cuivres, trompettes,
trombones, cor et tuba. Les mixages résultants ont toujours démontré un panorama
conforme à la prestation originale et un équilibre des niveaux même supérieur à l’original
puisque modifiable à volonté. L’augmentation de durée de la phase des enregistrements,
due aux multiples reprises faites avec chaque instrument, semble bien pouvoir être
compensée par la diminution du temps d’édition et de mixage requis pour obtenir un
document prêt au prématriçage.
59
Je suis fan d’orgue Hammond avec haut-parleur tournant Leslie
80
de percussion, parfois même deux. On peut bien se douter que la sonorité obtenue avec
une paire M/S ne conviendrait pas pour du heavy metal, mais conviendrait peut-être pour
le jazz ou pour d’autres styles pas trop « violents ». Le temps nous a un peu manqué, la
construction du LARC ayant vécu des délais a fait que le temps de réalisation du projet
proprement dit a été un peu comprimé vers la fin de la période prévue. Si le projet en était
à ses débuts aujourd’hui, nous pourrions planifier la répartition des ensembles enregistrés
sur plusieurs sessions; donc prendre le temps d’analyser en profondeur les résultats de
chaque production, compléter la rédaction de chaque étude de cas et des réflexions dès la
fin de chaque mixage, avant d’entreprendre la prochaine production. Bref cela nous aurait
permis de prendre le temps de réfléchir et de discuter de chacun des cas, plutôt que de
télescoper ensemble toutes les étapes et surtout tous les ensembles musicaux. De plus, en
utilisant les équipements neufs ou nouvellement rénovés du LARC60, la qualité sonore
des enregistrements n’aurait pu qu’être meilleure et les possibilités de la console nous
auraient sans doute grandement facilité le travail et l’interaction avec les musiciens en
studio. Par contre, les résultats que nous avons obtenus sont quand même très concluants;
la qualité sonore ainsi que la cohérence des mixages que l’utilisation de la méthode des
couches superposées nous a permis d’atteindre est très élevée, et nous avons tout le
contrôle désiré pour rééquilibrer un ensemble dont les éléments sont naturellement
inégaux.
60
La totalité des condensateurs électrolytiques de tous les modules de la console Solid State Logic 4500 du
LARC ont été changé pour des neufs; cette opération aurait aussi dû être appliquée à la petite console
Studer que j’ai utilisée.
81
en plus, ceux-ci pourraient donner leur avis sur les qualités de la méthode de travail après
avoir eux-mêmes expérimenté le M/S en studio.
Nous avons pu lire dans la littérature spécialisée que la prise de son M/S est une
technique appréciée pour l’enregistrement de documents en surround; peut-être que
l’application d’une méthode « ambiophonique par couches 5.1 superposées » pourrait
donner une impulsion au monde de l’enregistrement musical qui ne sait pas encore trop
quoi faire de cette technologie, et dont l’utilisation dans la production d’enregistrements
sonores en est encore à ses balbutiements.
82
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Zaza, Tony. Audio Design: Sound Recording Techniques for Film and Video. Englewood
Cliffs, NJ: Prentice-Hall, 1991.
85
Annexe 1 : Message envoyé le 28 octobre 2013 sur le site web:
http://www.robinmillar.org.uk
My master’s degree director and I were presenting a paper at the 8th Conference Art of
Record Production this summer and one of the attendees to our presentation, Mr. Mike
Howlett mentioned your name, cause he recalled of an album you made using a technique
similar to the one we were presenting.
Mr. Howlett didn’t remember which of your album did utilise this kind of stereo layering,
but said it was jazz or blues. In the writing of my master’s degree memoir, I’d like to cite
your work on this subject, so is it possible to give me some clues if some writings exist
on that matter and the title of the album (or may be albums) in which you tried such a
technique.
86
Annexe 2 : Réponse reçue de Robin Millar le 30 octobre 2013
your webmail
Arts Media [contact@art.myzen.co.uk]
Vous avez répondu le 2013-10-30 17:01.
30 octobre 2013 12:53
Date d'envoi :
Richard Hudon
À:
Richard I think the album Mike was referring to would have been Diamond Life by Sade.
It was recorded in studios 1 and 2 at Power Plant in London and I did indeed have a pair
of Neumann U87 microphones at a fixed level which were up at around 2.5m from the
floor and in opposite corners of each studio.
I actually just blended each close mic with these mics and recorded a stereo track
I didn’t play around with panning or change width but I was careful to make a plan of the
studio and position each player in their own spot, even though recordings were separate.
So in theory that would have been the sound had they all been together with screens,
playing at the same time – minus the extra spill of course.
The album was only 24 track so we did quite a lot of submixing e.g. recording drums
over 10 tracks and bass amp and DI then bouncing drums to stereo pair with snare
separated on 3rd track, bass bounced to mono blend of amp and DI. Stereo piano, stereo
fender Rhodes piano and stereo Hammond organ with leslie bounced to a stereo keyboard
pair, and so on.
Anything recorded elsewhere or out of a box was then relayed to the live room monitors
and the Neumann 87 pair were then fed in to a bounce of that relayed track and the
original wiped.
We were only using dolby A at that time [SR and high level tape had not arrived on the
scene] so we added HF on the repro of the tape machine when bouncing and then
compensated by taking off hf on the bounce track. This helped keep hiss down to a
minimum.
I don’t have anything else written down. I hope this is of some help.
Cheers
Robin
87