Trop endetté, EDF n’a plus La nouvelle

géopolitique
de la filière
les moyens d’investir seul textile
▶ Dans une interview au « Monde », Jean-Bernard Lévy, PDG de l’électricien, reconnaît une « équation financière difficile »

E DF n’est plus le puissant mono-

pole d’antan, encore moins cet
Etat dans l’Etat qui dictait en par-
tie la politique énergétique de la France.
currence. Et sans doute le premier à en-
gager une mutation aussi profonde de
l’opérateur historique, né du grand pro-
gramme de nationalisations qui a suivi la
lué leur publication : le titre a gagné 7 %
en début de séance. L’entreprise doit
pourtant résoudre « une équation finan-
cière difficile », reconnaît M. Lévy dans un
gies fossiles (charbon, gaz) en Italie, en
Pologne et au Royaume-Uni, et par une
provision supplémentaire pour Cigeo, le
centre d’enfouissement de déchets nu-
R arement la cartographie
mondiale de l’approvi-
sionnement dans la mode
n’a autant évolué qu’au cours de
l’année 2015. De nombreux fac-
Jean-Bernard Lévy, nommé à la tête du seconde guerre mondiale. entretien accordé au Monde. Le bénéfice cléaires, en chantier à Bure (Meuse), dont teurs, comme l’appréciation du
groupe en novembre 2014, est le premier Les résultats de 2015, publiés mardi d’EDF a été divisé par trois en 2015, pas- le coût fixé par le ministère de l’énergie dollar par rapport à l’euro, la
PDG a avoir pris la pleine mesure de ce 16 février, demeurent positifs et mon- sant de 3,7 milliards en 2014 à 1,2 milliard. est très supérieur aux estimations. chute des prix de pétrole, la con-
changement d’époque, marqué par la fin trent qu’EDF n’est pas aux abois. La Cette chute s’explique par d’importan- jean-michel bezat clusion de nouveaux accords
du monopole et l’exacerbation de la con- Bourse, très sévère depuis des mois, a sa- tes dépréciations d’actifs dans les éner- → LIR E L A S U IT E PAGE 3 douaniers ou encore l’évolution
des salaires, ont modifié en pro-
fondeur la géopolitique du prêt-
à-porter. Si la Chine reste de loin
Agriculture : la France repart de Bruxelles les mains vides le premier exportateur de vête-
ments en Europe, elle n’est plus
aussi attractive pour les don-
▶ La Commission neurs d’ordre occidentaux, qui se
reportent vers des pays d’Asie du
européenne n’a Sud-Est, et notamment le Viet-
débloqué aucune nam, le Cambodge et la Birmanie.
L’un des bouleversements ma-
aide supplémen- jeurs est venu, en 2015, du cours
taire pour du dollar, qui s’est apprécié de
les agriculteurs plus de 20 % par rapport à l’euro.
Cela s’est traduit par « une tension
français sur les prix des approvisionne-
▶ L’Europe réfléchit ments en Asie », affirme Gildas
Minvielle, directeur de l’observa-
à de « nouveaux toire économique de l’Institut
mécanismes » français de la mode (IFM), dans
pour enrayer une étude réalisée pour le Salon
mondial du textile, Première Vi-
la surproduction sion, qui a démarré à Villepinte,
▶ En Bretagne, la mardi 16 février. En effet, « pres-
que tout ce qui est acheté en
colère ne faiblit pas Chine, au Bangladesh ou au Cam-
bodge est payé en dollars », expli-
→ LIR E PAGE 5 que-t-il.
nicole vulser
→ LIR E L A S U IT E PAGE 6

4
LES SALAIRES CHINOIS ONT ÉTÉ
MULTIPLIÉS PAR QUATRE
A Vannes, EN DIX ANS, SELON L’INSTITUT
lundi 15 février. FRANÇAIS DE LA MODE
JEAN-SEBASTEIN EVRARD/AFP

COMMERCE PERTES & PROFITS | AGRICULTURE-ÉLECTRICITÉ

BILAN MITIGÉ POUR
LES SOLDES D’HIVER Sortir de la spirale des prix bas HORS-SÉRIE

→ LIR E PAGE 6 UNe vie, UNe ŒUvRe

L
es uns montent sur leur tracteur et
partent en groupe bloquer l’autoroute.
MÉDIAS Les autres filent discrètement en ber-
line plaider leur cause dans les minis-
GRÈVE À « L’ÉQUIPE » tères. Pas le même style, mais le même pro-
voir avec la violence des mouvements que con-
naissent les matières premières minérales avec
des cours divisés par deux en l’espace d’un an.
Bien sûr, la situation du mastodonte EDF
semble bien loin de la précarité des éleveurs

APRÈS L’ANNONCE blème : le prix n’est pas le bon. Celui du lait ou

du porc ne paie plus les charges d’exploitation,
DE LICENCIEMENTS celui de l’électricité ne rentabilise plus l’inves-
tissement dans les centrales nucléaires. C’est la
dure loi du marché qui s’impose à tous les pro-
→ LIR E PAGE 8 ducteurs de matières premières. Avec toujours
les mêmes montrés du doigt : les concurrents,
les clients, les fournisseurs, l’Etat…
Le cas du lait est exemplaire. L’année 2014 a
connu des prix de vente à des plus hauts histori-
ques. Les producteurs normands, bretons, mais
aussi allemands, polonais ou irlandais, en ont
profité pour investir, développer la production.
Un mouvement encouragé par la fin des quotas
laitiers intervenue un an plus tard, en avril 2015.
Ne manquait plus que quelques étincelles,
une baisse de consommation en Chine, un em-
bargo décrété par les Russes fin 2014, pour que
la spirale des prix s’inverse. Dans le cas de l’élec-
tricité, c’est l’afflux de nouvelles capacités de
bretons. Jean-Bernard Lévy, le PDG de l’électri-
cien, n’a pas besoin de placer sa voiture en tra-
vers d’une voie rapide du Finistère pour se faire
entendre. Ses engagements financiers sont tels
qu’ils se confondent avec les intérêts de la puis-
sance publique. Le sauvetage d’EDF coûtera
bien plus cher que celui de la filière porcine.
François
Plus gastronomique, plus écologique
Au fond, après la difficile gestion de la transi- Mitterrand
tion qui va occuper Paris et Bruxelles ces pro- Le pouvoir
chaines semaines, la sortie de crise ne peut et la séduction
passer que par trois ingrédients. D’abord, la
contractualisation de prix sur le long terme, ÉdItIOn
entre producteurs, transformateurs et distri- 2016
buteurs pour l’agriculture, par l’établissement
de prix garantissant les investissements dans Le centenaire de la naissance de l’ancien président
l’électricité, comme c’est le cas pour les renou-
velables ou le nucléaire d’EDF en Grande-Bre-
tagne. Ensuite, la multiplication des débou-

j CAC 40 | 4 139 PTS + 0,59 %

j DOW JONES | 15 973 PTS + 2 %
J EURO-DOLLAR | 1,1166
j PÉTROLE | 35,33 $ LE BARIL
J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,64 %
VALEURS AU 16/02 À 9H30
production, notamment en provenance d’Alle-
magne, avec le développement à marche forcée
des énergies renouvelables, qui a fait plonger
l’Europe de l’électricité dans le même cercle vi-
cieux.
Pourtant, dans les deux cas, l’évolution de la
demande est faible. La consommation de lait ou
de porc ne varie pas considérablement d’une
année sur l’autre, ni celle de l’électricité. Rien à
chés, notamment à l’export. La France reste
une grande puissance agricole exportatrice. FRANÇOIS MITTERRAND
Et, enfin, par la montée en gamme qui seule LE POUVOIR ET LA SÉDUCTION
permet de s’extraire de la dictature des prix Un hors-série du « Monde »
bas. Plus gastronomique, plus écologique. Plus
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intelligente aussi dans le cas de l’énergie. Dans
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les deux cas, la tentation du repli n’est pas vrai-
ment une option. p et sur Lemonde.fr/boutique
philippe escande

Cahier du « Monde » No 22111 daté Mercredi 17 février 2016 - Ne peut être vendu séparément
2 | plein cadre
Les nouvelles cartouches
des majors du tabac
P
our les fabricants de cigarettes,
le compte à rebours a com-
mencé. Ils n’ont plus que quel-
ques semaines pour faire la
promotion de leur cigarette
électronique et recruter de
nouveaux adeptes. Après le 20 mai, une di-
rective européenne sur les produits du tabac
renforçant les normes de fabrication et res-
treignant la communication s’appliquera à
tous les industriels. Elle doit être transposée
dans le cadre d’une ordonnance dans les pro-
chaines semaines, notamment l’article 20
relatif à la cigarette électronique. C’est ce
qu’indique la « loi de modernisation de notre
système de santé » du 26 janvier, qui a par
ailleurs durci les règles régissant la publicité
et l’usage de l’e-cigarette.
Les grands groupes espèrent capter une
partie du marché qui leur a jusqu’à présent
échappé. La cigarette électronique a été adop-
tée par 3 millions de personnes en France
(6 % des 15-75 ans), dont la moitié vapotent
quotidiennement, selon les derniers chiffres
du baromètre Santé de l’Institut national de
prévention et d’éducation pour la santé.
UN MARCHÉ FRAGMENTÉ
En 2015, les trois principaux cigarettiers ont
lancé leur modèle de cigarette électronique
en France, en utilisant leur circuit de distribu-
tion habituel, à savoir les débitants de tabac
(plus de 26 000 buralistes en France). Imperial
Tobacco, au travers de la société Fontem Ven-
tures, a lancé JAI en février 2015, qu’elle a
prévu de remplacer par la marque internatio-
nale Blu – récemment acquise – et qui a une
plus forte présence sur le marché américain
et britannique. Japan Tobacco International a
sorti Logic Pro à la fin du mois de novembre
après avoir racheté début 2015 la société amé-
ricaine Logic et son e-cigarette. Enfin, British
American Tobacco (BAT) a commercialisé
Vype fin novembre, après avoir lancé son pre-
mier modèle en 2013 au Royaume-Uni, où il
revendique 7 % de parts de marché fin 2015. Le
tout à grand renfort de communication :
1 million d’euros a été investi chez BAT pour
faire connaître la marque en France sur Inter-
net et par affichage numérique entre le 19 dé-
cembre et le 24 janvier.
La promesse des fabricants : une cigarette
électronique – baptisée Cigalike – plus sécuri-
sée car on ne peut pas la remplir, comme pour
la plupart des articles existant sur le marché,
avec n’importe quel liquide. Les recharges
Les grands industriels du tabac
n’ont plus que quelques semaines
pour rattraper leur retard sur
le marché de la cigarette
électronique. La promotion
de ce produit sera bientôt restreinte
s’utilisent comme les cartouches d’encre des
stylos plume, avec ou sans nicotine, prérem-
plies, jetables, faciles à installer et plus hygié-
niques. Le revers pour les consommateurs :
devoir utiliser uniquement des cartouches de
recharge d’une même marque, à la façon
dont s’est lancée la marque Nespresso, pour
rendre les utilisateurs captifs.
Le marché de la cigarette électronique est
aujourd’hui fragmenté. Autour d’une tech-
nologie chinoise conçue par les fabricants
d’électronique grand public, diffusée dans le
monde par des importateurs et des start-up,
le marché s’est structuré en quelques années
en un vaste écosystème sur lequel il existe
très peu de données.
« Il est très difficile d’estimer la taille du
marché, car il n’y a pas de panel [de distribu-
teurs] Nielsen, ou IRI, comme cela peut exis-
ter dans d’autres secteurs, explique Stéphane
Munnier, responsable du projet Vype chez
BAT. Et il y a très peu de données chiffrées vu
la multiplicité de sources et de circuits de dis-
tribution. Donc chacun se fait son estima-
Une directive européenne qui n’en finit pas de faire débat
alternative au tabac pour les uns,
mais avec des effets potentiellement
toxiques pour les autres, la cigarette
électronique suscite de vifs débats.
Demandé par le gouvernement, un
rapport sur les bénéfices et les risques
de l’e-cigarette devrait être remis par
le Haut Conseil de la santé publique
(HCSP) prochainement. Les débats
sont également vifs à Bruxelles. Les
utilisateurs de cigarettes électroni-
ques estiment que la directive euro-
péenne sur les produits du tabac vise
à mettre à mal l’e-cigarette. « La rédac-
tion de la directive a été très largement
influencée par l’industrie du tabac »,
constate le docteur Philippe Presles,
0123
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016
Au Salon
Vapexpo consacré
à l’e-cigarette,
à Bordeaux,
en 2014.
BERNARD PATRICK/ABACA
Difficile d’évaluer l’accueil des nouveaux en-
trants auprès des consommateurs, habitués à
leur circuit d’achat, d’autant que les cigaret-
tiers sont assez secrets sur leurs ventes. Tout
au plus qualifie-t-on d’excellent, chez BAT,
l’accueil des buralistes : « Au bout d’un mois et
demi, plus de 1 000 buralistes détiennent nos
produits, et nous voulons rapidement monter
jusqu’à 3 000, essentiellement des points de
vente urbains qui sont déjà revendeurs de la ca-
tégorie cigarette électronique », indique
tion, mais aucun acteur n’atteint 10 % du M. Munnier. De cette manière, les industriels
marché. » du tabac espèrent aussi compenser la baisse
Il y a ainsi plusieurs catégories d’acteurs : anticipée des ventes de cigarettes avec la mise
« Des spécialistes de l’appareil, qui sont plutôt en place du paquet neutre. « Aujourd’hui, c’est
des importateurs ou des sociétés qui font pro- un produit grand public que les buralistes peu-
duire à leur marque ; des experts de l’e-liquide vent travailler comme la confiserie ou les bois-
où l’on retrouve beaucoup de start-up ; des so- sons », ajoute sans états d’âme M. Munnier.
ciétés qui essaient d’être généralistes en fai- Et chez BAT, on ne compte pas s’arrêter là :
sant les deux ; des réseaux de revendeurs, un département sur les produits de nouvelle
comme Clopinette, Yes store, J Well, Vapos- génération a été créé il y a trois ans, où tra-
tore… ; et des acteurs de l’Internet qui reven- vaillent près de 200 personnes en recherche
dent sous multimarques à des boutiques ou et développement, marketing et commercial,
des particuliers », poursuit cet ancien de et des lancements ces dernières semaines
Danone et de Monster Energy, qui a lancé la dans plusieurs pays après le Royaume-Uni
boisson énergisante Monster en France. Une (Italie, France, Pologne, Allemagne).
étude de Xerfi réalisée en 2015 estimait le « Il y a une dynamique dans tous les pays
LES marché à 395 millions d’euros en 2014, trois mais elle est variable. Nous avons choisi ces
PROFESSIONNELS fois plus qu’en 2012. cinq pays européens pour nous développer
dans un premier temps, car nous avons la visi-
ESPÈRENT « UNE DYNAMIQUE DANS TOUS LES PAYS » bilité sur le marché du tabac et nous avons re-
Alors que Xerfi tablait sur 355 millions d’euros gardé la maturité du marché de la cigarette
COMPENSER en 2015, la Fédération interprofessionnelle de électronique, explique M. Munnier. Nous nous
LA BAISSE ANTICIPÉE la vape (Fivape) pense au contraire que le mar-
ché poursuivra sa progression malgré une
lancerons là où il y a un mouvement des con-
sommateurs vers la cigarette électronique. En
DES VENTES baisse du nombre de boutiques spécialisées, Belgique ou en Suisse, ils n’autorisent pas les e-
passées de 2 500 en 2014 à 2 000 fin 2015. Les liquides avec nicotine, donc cela réduit l’impor-
DE CIGARETTES AVEC anciens fumeurs privilégient les enseignes tance de ce marché. » Au Royaume-Uni, son in-
spécialisées et n’ont pas forcément envie de halateur de nicotine, appelé Voke, a reçu
LA MISE EN PLACE retourner chez le buraliste. l’agrément des autorités de santé pour pou-
DU PAQUET Pour Brice Lepoutre, président de l’associa- voir être prescrit et pris en charge.
tion indépendante des utilisateurs de la ci- Cinq ans après son arrivée sur le marché
NEUTRE garette électronique, « la loi de santé publi- français, la cigarette électronique ne cesse de
que et la directive européenne risquent faire débat. C’est une alternative au tabac pour
d’avoir des effets pervers, puisque la seule e-ci- les uns, qui possède des effets potentielle-
garette homologuée risque d’être celle pro- ment toxiques pour les autres. Le marché
duite par l’industrie du tabac, à terme, alors reste en tout cas dominé par les produits re-
que les cigarettes électroniques qui répondent chargeables (97 % en volume), préférés des
le mieux aux attentes des usagers sont d’un utilisateurs. p
tout autre type ». cécile prudhomme et pascale santi
membre du conseil scientifique de l’année. Les vapoteurs, par la voix de 20 mg/ml, le produit est considéré
l’Association indépendante des utili- l’Aiduce, envisagent d’ores et déjà de comme un médicament.
sateurs de cigarette électronique contester juridiquement cet article 20. « Les restrictions techniques imposées
(Aiduce). Ce qui ne pourra être fait qu’une fois la par cette réglementation ne servent
Les utilisateurs de la cigarette élec- directive transposée en droit national. qu’à protéger les produits peu efficaces
tronique, ou vapoteurs, dénoncent Cette directive avait déjà suscité de des filiales de l’industrie du tabac », con-
l’opacité des lobbys. Lundi 8 février, la longs débats sur le statut de la cigarette teste l’Aiduce. Si cette directive « tend
Commission européenne a refusé de électronique fin 2013. Ni produit du ta- vers plus de transparence et plus de sé-
rendre transparentes ses relations bac ni médicament, la cigarette élec- curité, explique Clémentine Lequille-
avec l’industrie du tabac. tronique est un produit de consom- rier, maître de conférences à la faculté
mation courant. L’article 20 instaure de droit de Malakoff (université Paris-
Ni produit du tabac ni médicament des règles sur le conditionnement et Descartes), le fait d’avoir introduit la ci-
La directive européenne sur les pro- l’emballage, interdit certains additifs, garette électronique dans la directive
duits du tabac, et notamment son ar- limite à 20 milligrammes par millilitre sur les produits du tabac entretient la
ticle 20 sur la cigarette électronique, le contenu de nicotine dans le liquide confusion dans l’esprit du consomma-
devrait être transposée par ordon- de recharge et à 2 millilitres les cartou- teur ». p
nance en droit français avant la fin de ches de recharge. Au-delà de ce seuil de p. sa.
0123
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016 économie & entreprise | 3

« L’équation
financière d’EDF
est difficile »
Pour Jean-Bernard Lévy, PDG du groupe,
la chute des prix de l’électricité affecte la
capacité de modernisation de l’énergéticien

ENTRETIEN
« EDF veut

D
ans une interview au un rattrapage sur les
Monde, Jean-Bernard
Lévy, PDG d’EDF, pré- tarifs réglementés
vient que la chute des des particuliers »
prix sur le marché de l’électricité
prive son groupe des moyens
d’investir pour moderniser et re- tés du secteur d’investir dans de
nouveler son outil industriel. nouvelles capacités, en dehors
d’une intervention des Etats pour
EDF est-il « au bord de la rup- garantir leur rentabilité. Le mo-
ture », comme le disent cer- dèle de marché, conçu pour inves-
tains syndicats, en raison de la tir dans le renouvellement et la
difficulté à financer ses inves- création de nouvelles capacités,
tissements ? ne fonctionne pas. Il n’y a plus un
Restons sereins ! Notre perfor- seul investissement en Europe
mance a été très bonne en 2015, dans la production d’électricité
avec un résultat brut d’exploita- qui soit fondé sur le prix de mar-
tion (Ebitda) supérieur à l’objectif ché. Seuls demeurent les projets
fixé – il progresse de 3,9 % à basés sur un prix de vente garanti,
17,6 milliards d’euros – et qui res- comme pour le solaire, l’éolien, la
tera solide en 2016. Sur la produc- biomasse ou le nucléaire au
tion nucléaire, nous obtenons la Royaume-Uni, où nous allons in-
meilleure performance en France vestir dans les deux EPR d’Hin-
depuis quatre ans, et au Royaume- kley Point, parce que nous avons
Uni depuis dix ans. Les charges obtenu un prix garanti de l’électri-
d’exploitation ont baissé (– 1,4 %) cité sur trente-cinq ans. Bruxelles
et nous poursuivrons cet effort doit publier des lignes directrices
pour réaliser 1 milliard d’écono- sur l’évolution du modèle de mar-
mies sur 2014-2018, ce qui com- ché fin 2016, mais n’est-ce pas déjà
pensera en partie la chute des prix tard ? Ce nouveau modèle, com-
sur le marché de l’électricité. Mais biné à un prix du carbone favori-
la question du maintien des capa- sant réellement les énergies dé-
cités, à moyen terme, d’endette- carbonées, est très attendu.
ment et d’investissement se pose
dans un contexte cumulant baisse Pourrez-vous réaliser tous les
violente des prix sur notre princi- investissements que vous ju-
pal marché, le marché de gros (– gez nécessaires ?
30 % en un an), endettement im- Oui, car nous nous transfor-
portant et nécessité d’investisse- mons pour nous adapter et je con-
ments importants. C’est une situa- nais la détermination des salariés.
tion exceptionnelle et inattendue. Tous les investissements sont in-
dispensables : la maintenance de CORENTIN FOHLEN/DIVERGENCE POUR « LE MONDE »
Quelle est la principale diffi- notre patrimoine, notamment le
culté d’EDF ? « grand carénage » du parc nu-
Notre marché se caractérise par cléaire pour prolonger sa durée de
une forte surcapacité. La consom- vie et améliorer sa sûreté, qui coû-
mation d’électricité stagne du fait tera 51 milliards sur 2015-2025 ; la quide et non en actions. De notre nistre de l’économie, Emmanuel matière de prix de l’électricité. Il y industrielle sur RTE, qui doit être
de la désindustrialisation et des ef- transition énergétique avec plus côté, nous avons notre plan de ré- Macron, estime – comme EDF – a un enjeu de pouvoir d’achat : si indépendant. De nouveaux ac-
forts d’efficacité énergétique, alors d’énergies renouvelables et de duction des coûts et des investisse- que c’est un bon projet, même s’il les Français payaient le même tionnaires, eux, pourraient exer-
que l’offre augmente de l’ordre de services d’efficacité énergétique ; ments. Nous passons en revue nos arrive à un moment difficile. Ma prix que leurs voisins, ils débour- cer pleinement leurs responsabili-
2 % par an avec le déploiement des le « nouveau nucléaire » regrou- actifs pour faire le tri entre ceux responsabilité est que l’entreprise seraient chaque année 10 mil- tés. Cette évolution me semble de
énergies renouvelables. Comme pant les EPR de Flamanville [Man- qui sont stratégiques et ceux qui puisse vite procéder au lance- liards de plus ! La bonne santé de bonne gouvernance.
tous les énergéticiens européens, che] et d’Hinkley Point, et l’« EPR ne le sont pas, comme les centrales ment définitif d’Hinkley Point. la filière nucléaire est donc un
nous sommes face à une forte optimisé » qui sera déployé à par- électriques à combustibles fossiles atout pour poursuivre dans ce Avec la généralisation de la
baisse du prix de l’électricité. Nous tir des années 2020 ; le réseau hors de France, et nous regardons Dans ce contexte tendu, est-il choix du nucléaire civil qui a concurrence, quelles parts de
n’avons plus qu’une part minori- d’ERDF et le compteur communi- nos participations minoritaires, raisonnable d’investir plus de réussi à la France. marché EDF a-t-il perdues ?
taire de nos revenus fixée par des cant Linky. Nous nous concen- comme celle que nous avons dans 1 milliard pour contrôler l’acti- Sur le marché des très gros con-
tarifs régulés. Le manque à gagner trons sur ces investissements, ce l’américain Constellation. Il y aura vité réacteurs d’Areva ? Que réclamez-vous à l’Etat, en sommateurs industriels et tertiai-
est gérable en 2015 et 2016, mais il qui nous permettra de passer de de nouvelles cessions pour finan- La bonne santé d’Areva est es- matière tarifaire, pour moder- res, ouvert en 1999, nous en con-
sera de plus en plus pénalisant. 12-13 milliards d’euros à 10,5 mil- cer nos projets stratégiques. sentielle à la compétitivité d’EDF. niser et renouveler votre outil servons quelque 50 %. Sur celui des
Cette situation durera le temps de liards en 2018. Mais, même avec J’ai proposé au gouvernement de industriel ? professionnels et des collectivités,
purger cet excédent de capacités des investissements optimisés, La construction de deux réac- reprendre Areva NP pour dégager EDF veut un rattrapage sur les ta- nous avons bien résisté à la fin des
en Europe. Le rééquilibrage a com- l’équation financière est difficile. teurs EPR au Royaume-Uni en des synergies et gagner des pro- rifs réglementés des particuliers, tarifs réglementés. Nous estimons
mencé, mais il doit s’accélérer, no- est un. Pourquoi repoussez- jets internationaux. Dès lors qui soit au plus haut niveau accep- conserver plus de 70 % de nos
tamment par une politique euro- Quelles sont vos pistes ? On vous de mois en mois la déci- qu’elle ne se fourvoie pas dans de table par ceux qui le décident. clients, grâce à la mobilisation de
péenne résolue en faveur d’un vé- parle d’une augmentation de sion finale d’investissement ? grands projets hâtivement signés C’est la commission de régulation nos équipes et à la qualité du ser-
ritable prix du carbone. capital de 5 milliards ? Nous n’avons pas terminé les et mal gérés comme par le passé, de l’énergie [CRE] qui propose leur vice. Nous pensons détenir envi-
Nous discutons avec l’Etat, et il négociations avec nos partenaires cette activité récurrente de main- évolution pour les particuliers, et ron 90 % du marché des particu-
Vous n’avez plus les moyens comprend nos enjeux. Il a décidé chinois. Cet investissement en- tenance et de services est rentable le gouvernement qui entérine, ou liers, même si notre position
d’investir ? de laisser 1,8 milliard d’euros dans gage l’avenir pour près d’un siècle et justifie ce montant d’un peu pas, sa proposition. En 2015, il a dé- s’érode du fait de la concurrence
Le marché donne un signal de l’entreprise, alors qu’il aurait pu entre la construction, l’exploita- plus de 1 milliard. EDF a une res- cidé une hausse de 2,5 %, qu’il a ju- d’autres fournisseurs qui achètent
prix qui ne permet pas aux socié- percevoir le dividende 2015 en li- tion et le démantèlement. Le mi- ponsabilité de service public en gée acceptable, alors que le rattra- sur le marché de gros à des prix
page immédiat de tout le manque très compétitifs.
à gagner était chiffré à 8 % par la Nous ne sommes plus seuls sur
L’ex-puissant monopole n’a plus les moyens de ses ambitions CRE, un niveau que le gouverne-
ment n’était pas prêt à accepter.
le plan technologique, et nous ne
sommes plus protégés de la con-
currence. Dans le cadre du plan
suite de la première page européen « ne permet pas à EDF d’investir General Nuclear. La facture est si lourde que Vous êtes prêt à ouvrir le capi- stratégique CAP 2030, je conduis
dans de nouvelles capacités, en dehors d’une des cadres et les syndicats ont mis en garde tal de Réseau de transport une transformation majeure, celle
Dans un marché européen de l’électricité en intervention des Etats pour garantir leur ren- contre un investissement qui risque de d’électricité [RTE] ? de la transition énergétique, après
surcapacité, EDF a bien dégagé un excédent tabilité », comme pour l’éolien et le solaire, pousser le groupe « au bord de la rupture ». J’ai fait savoir à l’Etat que je ne des décennies de domination
brut d’exploitation de 17,6 milliards d’euros prévient M. Lévy. EDF n’a plus, pour l’heure, M. Lévy reconnaît que, même quand le suis pas opposé à une ouverture d’EDF sur son marché. D’ici à
(+ 3,9 %), dû en partie à la bonne perfor- les moyens de ses ambitions, alors qu’il doit marché aura été purgé de ses surcapacités partielle. M. Macron n’en a pas re- quinze ans, le groupe sera plus
mance de ses 73 réacteurs nucléaires en investir 51 milliards d’euros pour moderni- et qu’EDF dégagera une trésorerie positive, poussé l’idée. Elle serait utile à EDF, centré sur ses clients, plus décar-
France et au Royaume-Uni. Son chiffre d’af- ser ses centrales françaises et jouer un rôle le groupe n’aura plus les moyens d’investir qui devrait conserver au moins boné et avec des relais de crois-
faires a aussi progressé (+ 2,2 %), pour attein- clé dans la transition énergétique. seul, surtout dans la construction de cen- 50 % du capital, protégés dans les sance forts à l’international. Réus-
dre 75 milliards. M. Lévy compte faire 1 mil- trales destinées, selon lui, à remplacer les actifs provisionnés par EDF pour la sir cette mutation est essentiel
liard d’économies sur 2014-2018 et confirme Lourde facture britannique 58 réacteurs actuels. Il devra partager l’ef- fin de vie des installations nucléai- pour qu’EDF reste un des grands
sa priorité financière : dégager un flux de Signe de la difficulté des temps : EDF re- fort avec d’autres – y compris des indus- res actuelles. Je crois qu’elle serait énergéticiens du monde. Notre
trésorerie positif en 2018, après versement pousse de mois en mois sa décision finale triels et des financiers étrangers – comme il aussi utile à RTE. Bien que déte- groupe fait la fierté des Français, et
du dividende et hors déploiement du comp- d’investissement dans les deux EPR britan- le fait au Royaume-Uni. Une perspective nant 100 % des actions, EDF ne je sais que nous avons tous les
teur « intelligent » Linky, qui mobilisera au niques. Leur coût est estimé à 24,5 milliards inimaginable quand le monopole EDF ré- peut être un actionnaire de plein atouts pour que cela continue ! p
moins 5 milliards d’euros. d’euros, plus que sa capitalisation bour- gnait en maître sur l’industrie nucléaire. exercice puisque, en tant que pro- propos recueillis par
Mais l’horizon est plus incertain à long sière, et le groupe devra en supporter les Une autre époque. p ducteur d’électricité, la loi nous in- jean-michel bezat
terme. Le prix de l’électricité sur le marché deux tiers au côté de son partenaire, China j.-m. b. terdit d’avoir la moindre influence et philippe escande
4 | économie & entreprise 0123
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016

Fièvre de patriotisme économique en Pologne

Les mesures prises par Varsovie inquiètent les investisseurs étrangers, et particulièrement français

varsovie - correspondance Le nouveau parti

T
rois mois après son arri-
vée au pouvoir en Polo-
gne, le gouvernement ul-
traconservateur du PiS
(Droit et Justice) doit faire face
à une équation économique com-
plexe : comment financer ses coû-
teuses promesses électorales, sans
augmenter drastiquement les im-
pôts et sans dommage pour les fi-
nances publiques. Les mesures
phares de son programme pré-
voient un vaste plan d’allocations
familiales et la baisse de l’âge de
départ à la retraite.
Pendant la campagne, le ton
avait été donné : ces mesures se-
raient financées par un impôt sur
les institutions financières et sur
les grandes surfaces « à capital
étranger ». Une politique qui
n’était pas sans rappeler celle me-
née par le premier ministre Viktor
Orban en Hongrie.
Depuis début février, les ban-
ques, assurances et sociétés de cré-
dit, doivent s’acquitter d’un impôt
annuel qui correspond à 0,44 % de
la valeur de leurs actifs. Concer-
nant celui sur les grandes surfaces,
la tonalité a changé : conscient
que Bruxelles n’acceptera aucune
mesure discriminatoire, Varsovie
prévoit une taxe sur le commerce
qui englobe aussi les sociétés polo-
naises, ce qui provoque une forte
levée de boucliers de la part des en-
treprises intéressées.
Les détails du projet de loi, en
cours de consultation, n’ont pas
été rendus publics. Les grandes li-
gnes sont cependant connues : il
s’agirait de taxer les commerces
qui affichent plus de 1,5 million
de zlotys (350 000 euros) de chif-
fre d’affaires mensuel et d’intro-
duire une taxe progressive sur
celui-ci (0,7 %, 1,3 %, et 1,9 % pour
les ventes du week-end). Cet as-
pect progressif a alarmé la Com-
mission européenne, qui a fait
Des commerçants manifestent à Varsovie contre les augmentations d’impôts, le 11 février. JANET SKARZYNSKI/AFP
part de ses doutes dans un cour-
rier adressé à Pawel Szalamacha,
le ministre polonais des finan-
ces.
Lors de la réunion du groupe
parlementaire pour le soutien
à l’entrepreunariat et au patrio-
tisme économique, le 10 février,
M. Szalamacha a manifesté son
désaccord avec les critiques de
Bruxelles. « Nous avons construit
cet impôt de telle manière qu’il ne
répète pas l’erreur hongroise, a-t-il
souligné [La Hongrie a aussi mul-
tiplié les taxes dans des secteurs
où les étrangers sont très pré-
sents]. Je pense qu’il s’agit d’une
certaine hyperactivité de la Com-
mission européenne, qui tente
d’élargir son domaine d’influence,
et décider de ce qui devrait être du
ressort des Etats membres. »
« Rhétorique populiste »
Ce climat de patriotisme économi-
que suscite d’importantes craintes
de la part des investisseurs étran-
gers, au premier rang desquels les
entreprises françaises, troisièmes
investisseurs dans le pays. Alors
qu’elles avaient signalé en 2014
une volonté de maintenir – voire
d’augmenter – leurs investisse-
ments en Pologne, elles sont dé-
sormais sceptiques. « Les investis-
seurs traversent une période d’in-
certitude, souligne Monika Cons-
tant, directrice de la Chambre de
commerce et d’industrie franco-
polonaise. Les investissements sont
retenus dans l’attente que la straté-
gie du gouvernement et sa politi-
que économique soient clarifiées. »
Les banques BNP Paribas ou Cré-
dit agricole, les distributeurs Car-
refour et Auchan, largement im-
plantés dans le pays, seront parti-
culièrement touchés par les nou-
velles mesures. « Le processus de
consultation de la politique fiscale
du gouvernement manque de
transparence. De fait, nous
n’avons pas été invités à participer
aux négociations », ajoute
Mme Constant.
« Nous voulons récupérer une
partie des bénéfices produits en
Pologne et qui partent massive-
ment à l’étranger, alors que les
multinationales ne payent que très
au pouvoir
a fait campagne
sur la
volonté de
« repolonisation »
du pays
peu d’impôts ici », explique l’éco-
nomiste Jan Szewczak, député du
PiS. Son parti a fait campagne sur
la volonté de « repolonisation » de
l’économie. Au ministère du Tré-
sor, certains parlent même de re-
nationalisation. « Une stratégie
pour racheter certaines institu-
tions financières, ou d’autres en-
treprises qui ont été bradées aux
étrangers n’est pas à exclure »,
ajoute-t-il. Aujourd’hui, 70 % des
banques polonaises ont leur centre
de décision à l’étranger. C’est un
problème pour notre souveraineté
économique. » Une politique de
rachat d’institutions financières
avait d’ailleurs été amorcée par la
précédente équipe libérale.
Cette atmosphère hostile pour-
rait-elle inciter les investisseurs à
se retirer du pays ? « Je ne pense
pas qu’il faille exagérer la portée de
ces mesures, souligne l’écono-
miste Witold Orlowski. Derrière la
rhétorique de campagne quelque
peu populiste et antilibérale se ca-
chera une politique économique
plus pragmatique. Le gouverne-
ment est conscient qu’une politi-
que de dissuasion vis-à-vis du capi-
tal étranger finira par être contre-
productive. »
Le déficit et la dette publique
étant proches des limites autori-
sées, la plupart des économistes
s’accordent à dire que dans la pra-
tique, la marge de manœuvre du
gouvernement est réduite. p
jakub iwaniuk

Croissance insolente pour l’Europe centrale L’HISTOIRE DU JOUR

Le ministre italien de la justice
Pologne, Roumanie ou République tchèque profitent des fonds européens pour se relancer se mue en « VRP »

L a République tchèque a
connu une année 2015 par-
ticulièrement faste, sur
fond de plein-emploi et de dyna-
ÉVOLUTION DU PIB ET DE LA PRODUCTION MANUFACTURIÈRE DES PECO*

misme, avec une progression de
4,3 % de son produit intérieur
brut (PIB), du jamais-vu depuis
2007. C’est l’un des meilleurs ré-
sultats des pays d’Europe centrale
et orientale (PECO), une des rares
régions en transition qui se porte
bien sur le plan économique.
Dans ses perspectives du 19 jan-
vier, le Fonds monétaire interna-
tional (FMI) avait révisé à la
hausse sa prévision de croissance
pour les pays émergents d’Eu-
rope, à + 3,4 % en 2015 (au lieu de
3 %) et à + 3,1 % en 2016 (au lieu de
3 %). Soit, grosso modo, le double
de la zone euro. En quelques an-
nées, les sept PECO – Pologne, Ré-
publique tchèque, Hongrie, Slova-
quie, Slovénie, Bulgarie, Rouma-
nie – ont réussi un redressement
spectaculaire, qui doit beaucoup à
l’aide du FMI et à celle de l’Union
européenne, mais aussi à leurs
choix économiques.
En 2008-2009, analyse Ariel
Emirian, économiste à la Société
générale, les PECO étaient pour-
tant dans « une situation proche
de celle des pays d’Asie avant la
crise de 1997 » : leur déficit public
se creusait, leur balance des paie-
ments était dans le rouge, leur
endettement s’envolait et le
boom du crédit conduisait à la
formation de bulles immobiliè-
res. La plupart d’entre eux
avaient demandé l’assistance du
FMI, qui conditionna l’octroi de
15
PIB
EN %
Production manufacturière
10
5 « De ce point de vue, 2015 fut une
0
–5
*Pologne, République tchèque,
– 10
Hongrie, Slovaquie, Slovénie,
– 15 Bulgarie, Roumanie.
– 20
2002 03 04 05 06 07 08 09 10 11 12 13 14 15 16
ses prêts à des efforts d’ajuste-
ments importants.
Des politiques d’austérité furent
mises en place, qui ont fortement
comprimé la demande intérieure
(consommation des ménages et
investissement des entreprises)
entre 2010 et 2013. Avec le recul de
la croissance dans la zone euro et
les dépréciations des taux de
change des PECO, qui furent re-
doutables pour les pays endettés
en devises, elles ont donné un
coup d’arrêt à l’économie d’Europe
centrale et orientale en 2012-2013.
Des pays qui se désendettent
Depuis deux ans, toutefois, à
l’image de la République tchèque,
la région affiche une bonne santé
et une stabilité économiques
presque insolentes. Comment ex-
pliquer ce retournement ? Par une
conjonction d’éléments favora-
bles : la reprise dans la zone euro,
SOURCES : DATASTREAM, NATIXIS
dont plusieurs PECO, la Républi-
que tchèque en tête, constituent
« l’arrière-cour industrielle » ; la
progression rapide de la producti-
vité et la montée en gamme de
l’économie de ces pays, qui résis-
tent à la stabilisation des taux de
change ; une forte compétitivité-
coût, ajoute Natixis, qui incite à
investir ; un environnement favo-
rable (taux bas et inflation très fai-
ble, baisse des prix du pétrole,
etc.).
A la vulnérabilité des années de
crise a succédé une solidité macro-
économique qui ne se dément pas.
Pour ces pays, qui se désendettent,
les fonds européens (128 milliards
d’euros alloués en 2014) ont cons-
titué une manne, qui a eu sur leur
croissance les effets d’une politi-
que de relance. Si la Pologne de-
meure la championne des fonds
structurels (elle en a reçu 17,4 mil-
liards d’euros en 2014), les autres
Etats de la région ont mis en place
des structures ad hoc pour pou-
voir accroître leur capacité d’ab-
sorption des fonds. En Roumanie,
par exemple, un ministère a été
créé à cet effet.
année exceptionnelle, explique
Anna Dorbec, économiste chez
BNP Paribas. Les PECO ont reçu les
fonds alloués pour la pé-
riode 2014-2020 et les reliquats de
2007-2013. Ces sommes ont repré-
senté pas moins de 5 % des PIB
hongrois et slovaque, 3 % du PIB
polonais et 2,5 % du PIB tchèque. La
meilleure consommation des
fonds européens est à l’origine de
l’accélération un peu inattendue
de la croissance en 2015. »
Le désendettement va bon train.
« Le surcroît de recettes budgétai-
res dégagé par l’environnement
macroéconomique favorable
(taux bas, croissance, déficits pu-
blics en baisse, excédents courants)
a permis notamment à la Hongrie
d’emprunter davantage en forints
tout en se désendettant en devi-
ses », observe Mme Dorbec. En Ré-
publique tchèque, qui dispose
d’un tissu de PME exportatrices
très productives, l’économie a
aussi bénéficié d’une politique
monétaire expansionniste.
En 2013, la couronne tchèque a été
dévaluée de 8 %-9 % et la banque
centrale a défini un plancher
(27 couronnes pour 1 euro) au-delà
duquel elle intervient pour soute-
nir les exportations et assurer le
désendettement courant. p
claire guélaud
R oad show. » En général, ce terme est utilisé par les entre-
prises se lançant dans une tournée internationale vi-
sant à séduire les investisseurs étrangers. C’est aussi ce-
lui qu’emploie Andrea Orlando, le ministre italien de la justice,
pour décrire la série de séminaires qu’il donne depuis quelques
semaines dans les grandes capitales financières. Après Franc-
fort, Londres et New York, il est intervenu à Paris, lundi 15 fé-
vrier, devant un parterre de financiers, en compagnie de Lu-
ciano Panzani, le président de la cour d’appel de Rome.
Objectif ? « Les convaincre que les réformes de la justice civile
font de l’Italie un territoire bien plus attractif pour les investisse-
ments », explique le garde des sceaux. Un défi de taille. Car le
pays souffre, à juste titre, d’une terrible réputation en la ma-
tière. « Trop lents, trop imprévisibles, offrant des verdicts radica-
lement différents d’une région à l’autre,
les tribunaux transalpins ont long-
APRÈS FRANCFORT, temps découragé les entreprises étran-
gères tentées de s’implanter dans le
LONDRES ET pays », résume Wolfango Piccoli, spé-
NEW YORK, ANDREA cialiste de l’Italie chez Teneo Intelli-
gence.
ORLANDO EST INTER- Un piètre état des lieux que le prési-
dent du conseil, Matteo Renzi, arrivé
VENU À PARIS DEVANT au pouvoir en février 2014, a promis de
DES FINANCIERS changer en entamant une série de ré-
formes de la justice civile. Et à en croire
les « slides » préparées par M. Orlando
pour les investisseurs, les résultats sont là.
Le nombre de tribunaux a été réduit de 1 398 à 650. Les procé-
dures civiles ont été en grande partie informatisées, permet-
tant de dégager 48 millions d’euros d’économie et de réduire la
part de discrétionnaire dans les décisions. De plus, le tribunal
des entreprises a vu ses pouvoirs renforcés. « Notre justice est
désormais plus efficace et prévisible », se félicite le ministre, qui
va poursuivre son road show vers Berlin, Washington et peut-
être même Shanghaï.
Cela semble payer : « Même s’il reste beaucoup à faire, l’image
de l’Italie s’est sensiblement améliorée aux yeux de nos clients »,
confirme Tommaso Foco, avocat conseiller auprès d’investis-
seurs étrangers au cabinet Portolano Cavallo, à Milan. « C’est en-
courageant », juge de son côté le responsable parisien d’un
fonds d’investissement. Avant de conclure : « Un VRP des réfor-
mes – un vrai –, c’est ce qu’il manque à la France ! » p
marie charrel
0123
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016
Crise agricole : pas d’aides nouvelles de Bruxelles
La Commission annonce vouloir trouver de « nouveaux mécanismes » pour réguler le marché du lait
bruxelles - bureau européen
L
es agriculteurs français
devront patienter. Leur
ministre, Stéphane Le
Foll, reviendra sans ar-
gent supplémentaire de Bruxel-
les, sans nouveau « plan d’ur-
gence » pour les filières lait et
porc pourtant complètement dé-
primées. Mais le Français assure
avoir obtenu de la Commission,
lors du conseil des ministres de
l’agriculture européens, lundi
15 février, qu’elle planche sur de
« nouveaux mécanismes » pour
réguler le marché du lait, afin de
« sortir de la spirale infernale » de
la surproduction. « Les choses ont
bougé lors de ce conseil, a juré
M. Le Foll, lundi soir à Bruxelles.
Paris défend le principe d’incita-
tions, de bonus versés aux pro-
ducteurs de lait qui accepteraient
de baisser leur production. Le
commissaire européen à l’agri-
culture, l’Irlandais Phil Hogan,
jusqu’à présent peu réceptif aux
En Bretagne,
la colère ne faiblit pas
Très mobilisés, les agriculteurs attendent
des mesures concrètes du gouvernement
rennes - correspondance
A la procession des trac-
teurs succèdent le déver-
sement de fumier sur
l’asphalte et le face-à-face avec les
forces de l’ordre. En Bretagne, de-
puis que le volcan agricole est à
nouveau entré en éruption, cou-
rant janvier, ce spectacle devient
un lot quotidien. Dernier épisode
en date : le blocage de plusieurs
accès routiers menant à Vannes,
lundi 15 février. Les abords de la
préfecture du Morbihan ont été
occupés de l’aube jusqu’à la fin
d’après-midi, en préambule à une
semaine que d’aucuns prédisent
« cruciale ».
Mercredi, le gouvernement doit
annoncer une série de mesures
dont une baisse de cotisations so-
ciales pour les agriculteurs, an-
noncée par François Hollande
jeudi 11 février. Le même jour, une
manifestation interrégionale est
prévue à Rennes, la capitale bre-
tonne, vers laquelle des dizaines
de tracteurs devraient converger.
Samedi, un autre rassemblement
est annoncé à Loudéac (Cô-
tes-d’Armor), en présence d’élus
de la région, d’agriculteurs et de
citoyens. « On veut démontrer que
c’est l’affaire de tous nos territoires,
explique Marc Le Fur, député (LR)
des Côtes-d’Armor. Si l’agriculture
et l’agroalimentaire disparaissent,
nous n’avons pas d’alternative. Les
moteurs de Rafale ne vont pas être
fabriqués à Guingamp ou à Saint-
Brieuc. »
Dans le même temps (à la fin de
cette semaine ou au début de la
suivante), le conseil régional em-
mené par le ministre de la dé-
fense, Jean-Yves Le Drian (PS), doit
présenter un plan en faveur de la
profession.
Crise « inédite »
Autour des barrages routiers et
dans les campagnes, la tension,
attisée par les difficultés écono-
miques, est vive. Différents chif-
fres circulent concernant le nom-
bre d’exploitations qui pourraient
ne pas survivre à la crise actuelle.
Selon certains syndicalistes, 30 %
à 40 % d’entre elles seraient con-
cernées à moyen terme. Un élu
breton, sous couvert d’anonymat,
évoque, quant à lui, « une hypo-
thèse de 10 % à 15 % ».
« Des crises, il y en a eu, précise
Olivier Allain, président de la
revendications françaises, devrait
se rendre à Paris le 25 février et
rencontrer le premier ministre,
Manuel Valls. M. Le Foll espère
des propositions concrètes pour
le prochain conseil européen de
l’agriculture, le 14 mars.
Bruxelles invite Paris, mais
aussi les autres Etats de l’Union, à
faire des propositions « innovan-
tes » de sortie de crise. L’Espagne,
l’Italie, la Pologne ou les pays bal-
tes… tous font face à des difficul-
tés dans le lait, les fruits et légu-
mes, et le porc.
M. Hogan a aussi confirmé qu’il
allait étudier une autre proposi-
tion française : les crédits à l’ex-
portation pour les exploitants lai-
tiers. Dix Etats membres s’en
sont déjà dotés, mais Paris vou-
drait un mécanisme européen,
standardisé, pour que les produc-
teurs puissent proposer des facili-
tés de paiement à leurs clients
étrangers. Comme pour les inci-
tations à réduire les volumes de
lait, l’obsession française est que
« Si l’agriculture et
l’agroalimentaire
disparaissent,
nous n’avons pas
d’alternative »
MARC LE FUR
député (LR)
des Côtes-d’Armor
Chambre d’agriculture des Cô-
tes-d’Armor et vice-président du
conseil régional chargé de l’agri-
culture. Mais celle-ci est inédite de-
puis le début de l’agriculture mo-
derne, il y a cinquante ou soixante
ans. » Thierry Merret, président
de la Fédération départementale
des syndicats d’exploitants agri-
coles (FDSEA) du Finistère,
abonde : « Dans mon départe-
ment, on estime à 2 000 le nombre
d’agriculteurs qui gagnent moins
de 300 euros par mois. »
Comme M. Merret, de nom-
breux interlocuteurs évoquent
des paysans « au bout du rouleau »
et qui « n’ont plus rien à perdre ».
Dans ce contexte, élus et respon-
sables syndicaux affirment crain-
dre des débordements. A Quim-
per, vendredi, des manifestants
ne se réclamant d’aucun syndicat
ont déversé, de nuit, de la paille,
des pneus et des déchets devant
les locaux de la chambre d’agricul-
ture. Le feu allumé dans la foulée a
« bien dégradé » l’entrée de l’éta-
blissement, selon la préfecture.
Cinq agriculteurs ont été placés en
garde à vue et cinq tracteurs saisis.
« On essaie de canaliser les gens,
mais ça ne suffit plus, explique
Jean-Paul Riault, président régio-
nal des Jeunes Agriculteurs, syn-
dicat proche de la FNSEA. On ne
peut pas avoir les yeux partout. »
Du côté de la Confédération pay-
sanne, syndicat minoritaire qui
n’appelle pas à des actions coup
de poing, on se démarque tout en
partageant le constat : « Les bloca-
ges et les brûlages ne sont pas dans
nos habitudes, indique Domini-
que Raulo, porte-parole régional.
Il ne faut pas se tromper de cible.
Mais on sent beaucoup de désarroi
et de solitude, notamment chez les
jeunes. » Ces mêmes jeunes qui af-
firment, devant leur tracteur sta-
tionné sur une voie express bre-
tonne : « On ne lâchera pas. » p
nicolas legendre
tous les Etats adoptent les mêmes volumes, de compenser l’effon-
mesures en même temps, afin drement des prix. Et aussi, pour
d’éviter que les uns réduisent la certains exploitants très endet-
production, tandis que d’autres tés, la nécessité de produire plus
continuent à l’augmenter et ra- pour rembourser les banques.
flent des parts de marché. La Commission s’est en partie
rangée aux arguments des Fran-
Une crise « profonde » çais. « La crise est plus grave, plus
« Il n’est pas question d’en revenir profonde, que nous le pensions il y
aux quotas laitiers, mais nous a six mois », a admis Phil Hogan,
n’avons pas aujourd’hui les instru- lundi. L’institution communau-
ments de contrôle adéquats pour taire reconnaît aussi que les
éviter un marché de surproduc- 500 millions d’euros débloqués
tion qui s’emballe », a expliqué en urgence en septembre 2015,
M. Le Foll, lundi. De fait, la pro- pour tenter d’aider les produc-
duction mondiale de lait a encore teurs de lait et les éleveurs de
progressé en 2015, alors que la de- porc (touchés, eux, de plein fouet
mande, notamment chinoise, fai- par l’embargo sanitaire russe),
blit. Selon les derniers chiffres ont déjà été entièrement dépen-
disponibles, la collecte de lait de sés et sans grand effet.
vache européenne avait aug- La Commission a ainsi ouvert
menté de 5,5 % en novembre 2015, début janvier 2016 une aide au
comparé à novembre 2014. stockage privé du porc pour trois
Le problème est que, malgré l’of- semaines (la viande est achetée
fre en excès, beaucoup ont conti- par les abattoirs qui sont subven-
nué à augmenter leur production. tionnés pour la stocker, et l’écou-
En cause, une course à la taille des ler quand les prix remontent). Elle
exploitations pour tenter, par les a aussi financé des aides au stoc-
FO R M U L E
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ces données pourraient êtres communiquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre.
économie & entreprise | 5
bonnes solutions prend un peu de
La France temps. » Or, pour l’instant, tous
veut éviter que les pays ne suivent pas la France
sur ses réponses à apporter à la
certains Etats crise du lait. Douze pays seule-
ne réduisent leur ment partageraient l’avis de Paris
(Portugal, Irlande, Roumanie, Po-
production tandis logne, Belgique, Italie, Espagne,
que d’autres Lettonie, Bulgarie, Slovaquie, Slo-
vénie et Chypre). Mais des poids
continueraient lourds – Allemagne, Danemark –
à l’augmenter manquent à l’appel.
Pour ce qui est du financement,
il ne faut pas non plus trop comp-
kage privé pour le lait en poudre ter, prévient Bruxelles, sur les
et le beurre, mais dont, pour l’ins- « poches profondes » de l’Europe.
tant, l’efficacité n’est pas flagrante. Trouver les 500 millions d’euros
Pour autant, Bruxelles met en d’aide d’urgence a déjà eu un coût
garde. D’accord pour des solu- politique certain, alors que de
tions innovantes, mais elle ne plus en plus de pays, dont l’Alle-
mettra pas sur la table du Conseil magne, estiment qu’une trop
européen, le 14 mars, des proposi- grande part du budget de l’UE va
tions « qui ne soient pas finança- à la politique agricole commune
bles, pas légales ou qui ne font pas (38 %), au moment même où l’Eu-
consensus à vingt-huit », explique rope fait face à des crises bien
une source européenne. « On ne plus graves, telle que celle des mi-
va pas laisser les agriculteurs fran- grants. p
çais comme cela, mais trouver les cécile ducourtieux
€
152EMQA6M
Nom :
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Localité :
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6 | économie & entreprise
Soldes : bilan décevant pour les commerçants
Les professionnels souhaitent un retour à cinq voire quatre semaines de réclame au lieu de six cette année
L
a période des six semai-
nes de soldes d’hiver, qui
devait s’achever mardi
16 février, ne laissera pas
un souvenir impérissable aux
commerçants. Les ventes ont à
peine été meilleures que l’an
passé, qui affichait un bilan déjà
très moyen après les attentats de
janvier 2015.
Plus de la moitié des commer-
çants (51 %) interrogés par la
chambre de commerce et d’indus-
trie de Paris-Ile-de-France entre le
1er au 5 février déclarent avoir fait
moins de 10 % de chiffre d’affaires
supplémentaire durant les soldes
par rapport à un mois normal.
Pour 27 % d’entre eux, les soldes
n’ont même généré aucune acti-
vité supplémentaire. In fine, 57 %
des commerçants franciliens ju-
gent ce résultat insatisfaisant et
53 % estiment qu’il est inférieur à
celui de 2015. Parmi les raisons in-
voquées par les commerçants : la
peur des attentats, les difficultés
persistantes de pouvoir d’achat et
la météo trop clémente, qui n’a
pas favorisé les ventes des grosses
pièces traditionnelles d’hiver.
« Le bilan est vraiment moyen »,
estime Didier Simon de Bessac, di-
recteur général adjoint de la Fédé-
ration des enseignes de l’habille-
ment (FEH). Selon lui, « il n’y a pas
réellement eu de problématique de
sécurité, car beaucoup d’enseignes
avaient investi dans des caméras et
des vigiles. Mais il y a une très nette
baisse de la présence touristique,
en particulier asiatique. On pou-
vait espérer qu’avec le Nouvel An
chinois en pleine saison des soldes,
il y aurait eu plus de monde, et des
montants d’achat plus importants.
Globalement, les ventes dans le
secteur de l’habillement ont fait un
peu mieux que l’année dernière,
mais ce n’est pas suffisant ».
Depuis le début des soldes, les
ventes dans le secteur de l’habille-
ment ont progressé entre 1,5 % et
3 % en volume par rapport à la
même période de 2015, là où le
secteur avait enregistré une
baisse de 5 % à 8 % l’an dernier.
Nouvelle donne pour l’approvisionnement textile
Les parités monétaires et l’évolution des coûts de main-d’œuvre bouleversent la géopolitique du prêt-à-porter
suite de la première page
L’évolution des importations de
produits chinois en Europe mon-
tre donc une hausse en trom-
pe-l’œil. La progression a été de
6,9 % l’an dernier en valeur, mais,
en volume, ces importations ont
en fait baissé de 12,2 % en raison
des taux de change.
Dans l’enquête réalisée par l’IFM,
64 % des entreprises de distribu-
tion estimaient fin 2015 que ces
fluctuations monétaires de-
vraient se traduire, partiellement
ou totalement, par une hausse des
prix des vêtements en boutiques
en 2016. De même, 49 % des son-
dés prévoyaient, pour des raisons
de change, de diminuer leurs ap-
provisionnements en Chine cette
année.
Dans une autre étude signée par
l’experte en approvisionnement
de tissus et de vêtements Anne-
Laure Linget pour le Salon Apparel
Sourcing qui se tient au Bourget
depuis lundi 15 février, l’auteure af-
firme que la Chine confirme mal-
gré tout son hégémonie et reste,
de très loin, le premier pays expor-
tateur d’habillement en Europe
(avec 24 milliards d’euros pour les
dix premiers mois de 2015), très
loin devant le Bangladesh
(9,47 milliards), la Turquie (7,7 mil-
liards), l’Inde et le Cambodge.
L’effet dollar n’a en revanche eu,
en toute logique, aucune inci-
dence aux Etats-Unis, seul pays
0123
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016
« Il y a une très
nette baisse
de la présence
touristique,
en particulier
asiatique »
DIDIER SIMON DE BESSAC
Fédération des enseignes
de l’habillement
« La clientèle locale est plutôt reve-
nue mais cela n’a pas compensé,
ajoute M. De Bessac. Les ventes pri-
vées ont également joué un rôle. Il
y a eu beaucoup de promotions à
Noël et les consommateurs avaient
anticipé leurs achats. »
Internet résiste
Même constat sur Internet, où la
Fédération du e-commerce et de la
vente à distance (Fevad) constate
une hausse de 15 % du chiffre d’af-
faires des sites sur les quatre pre-
mières semaines de soldes. Soit à
peine plus qu’en 2015 à la même
période, qui était déjà un mauvais Le 6 janvier, premier jour des soldes, à Nantes. LOIC VENANCE/AFP
cru pour les soldes d’hiver.
En 2015, les ventes sur Internet
n’avaient progressé que de 10 % avec une croissance à deux chiffres, mières semaines de soldes, avec même période de 2014, et de 24 % passant de cinq à six semaines, en
sur les quatre premières semaines mais le e-commerce n’est pas insen- des volumes d’achats « tirés par les par rapport à 2013. Nos meilleures contrepartie de la suppression des
de soldes, par rapport à l’année sible à la crise économique. » biens d’équipement de la maison », soldes historiquement. » Le site In- « soldes flottants », qui avaient
précédente. « C’est un peu mieux Pour preuve, le montant du pa- précise M. Lolivier, contre ternet Brandalley a, de son côté, lieu deux semaines par an au
mais pas exceptionnel, juge Marc nier moyen des achats sur Inter- 124 euros à la même période de enregistré une croissance de ses choix des commerçants.
Lolivier, délégué général de la Fe- net a baissé. Il a atteint 114 euros 2015. Une diminution qui s’expli- ventes de 11 % pendant les soldes « Six semaines c’est trop long »,
vad. Cette année, Internet résiste en moyenne sur les quatre pre- que aussi par les forts rabais rapi- par rapport à l’année dernière, juge également Daniel Wertel,
dement appliqués par les com- avec un panier moyen de trois ar- président de la Fédération fran-
merçants pour liquider les stocks. ticles pour 100 euros. çaise du prêt-à-porter féminin, qui
Une concertation à venir « Nous n’avons jamais été aussi Mais pour tous, magasins suggère de raccourcir la période
agressifs en termes de prix, avec comme sites Internet, l’essentiel de moitié, à trois semaines pour
La question de la date et de la durée des soldes figurera au menu trois fois plus de produits démar- des ventes a été réalisé au cours les soldes d’été et d’hiver, et de re-
de la future « commission de concertation du commerce ». L’ins- qués à 40 %, 50 % ou 60 %, indique des premières semaines. « Les ven- pousser l’ensemble d’un mois
tance voulue par le Conseil du commerce de France (CDCF) depuis Stéphane Treppoz, président de tes en France ont en effet large- pour mieux correspondre aux dé-
2012 « va être installée dans les prochaines semaines, le temps d’ar- Sarenza.com, un site de vente de ment ralenti après les deux premiè- calages météorologiques des sai-
rêter avec le gouvernement les personnalités qui vont y siéger », in- chaussures. C’était une année de res semaines de soldes, constate M. sons. « On pourrait également ra-
dique Gérard Atlan, président du CDCF, qui réunit les fédérations soldes pour les consommateurs, Treppoz. C’est probablement trop jouter deux semaines fixes de dés-
et les acteurs du commerce. Mise en place par un décret du car nous avons considérablement long : quatre semaines de soldes, tockage, l’une mi-novembre,
21 octobre 2015, cette commission devait être initialement instal- rogné sur nos marges. » Le diri- au lieu de six, seraient probable- l’autre mi-avril », ajoute-t-il, préci-
lée le 20 janvier mais avait été décalée en raison du remaniement. geant précise avoir enregistré ment le bon compromis. » sant que les marques conçoivent
Commission interministérielle rassemblant des entreprises, des « une croissance de 12 % de son chif- Depuis un décret du 11 mai 2015, aujourd’hui plus de deux collec-
salariés et des personnalités qualifiées, elle devra conseiller les fre d’affaires en France depuis le dé- la période des soldes, qui se tient tions par an. p
pouvoirs publics sur la situation du commerce en France. but des soldes par rapport à la deux fois par an, a été rallongée, cécile prudhomme
POLI T I QU E MON ÉTAI R E
La BCE est prête à agir
si besoin
Auditionné par le Parlement
européen lundi 15 février, Ma-
rio Draghi, le président de la
Banque centrale européenne,
a de nouveau déclaré que son
C’est la raison qui explique le glis- importants d’ici trois ou quatre institution « n’hésitera pas »
Les salaires du textile face au modèle chinois sement progressif des comman- ans, grâce aux accords douaniers à agir lors de sa réunion le
SALAIRES (OU FOURCHETTES DE SALAIRES) MINIMUMS des des donneurs d’ordre – les avantageux qui leur ont été oc- 10 mars, en cas d’augmenta-
EN DOLLARS/MOIS Zara, H&M, Gap, Uniqlo – vers troyés. Le Vietnam (déjà tion des risques pour la stabi-
454 d’autres pays asiatiques, le Cam- deuxième fournisseur de vête- lité des prix au sein de la
Turquie Liban
bodge, le Vietnam ou le Bangla- ments des Etats-Unis et sixième zone euro.
desh. Cette politique de dumping de l’Europe) a conclu un accord de
Guatemala social leur permet de maximiser libre-échange avec l’Union euro- AU TOMOBI LE
Bosnie
les marges. Au Cambodge, allé- péenne en décembre 2015. Les im- Le marché européen
Colombie chés par une main-d’œuvre très portations de tissus au Vietnam croit de 6,2 % en janvier
Philippines
Afrique du Sud Chine bon marché, des industriels chi- ne sont plus taxées et Hanoï Le marché automobile euro-
321 nois, hongkongais ou taiwanais pourra exporter sans droit de péen a marqué en janvier son
Île
possèdent désormais la majorité douane dans le marché européen 29e mois de croissance consé-
Pérou Roumanie Maurice Thaïlande Malaisie
Fourchette des salaires
Laos des usines textile. Ces groupes dans six ans. Le Cambodge et la cutive, a annoncé, mardi
minimums chinois
Kenya chinois, qui ont pratiqué la même Birmanie bénéficient d’un statut 16 février, l’Association des
Maroc politique en Afrique, ont investi douanier encore plus avantageux, constructeurs automobiles
El Salvador
en pariant sur une « verticalisa- baptisé « Tout sauf les armes » et européens. Sur le premier
tion du secteur » pour proposer peuvent exporter à droits nuls mois de l’année, le nombre
Swaziland Inde une offre alternative aux mar- vers l’Union européenne, quelle d’immatriculation a aug-
Tunisie ques de mode occidentales qui que soit l’origine des tissus utili- menté de 6,2 %, à 1,061 mil-
Vietnam
155 ont tendance à bouder, en raison sés. lion d’unités, par rapport à
Nicaragua Egypte des prix, les usines de la côte Est janvier 2015.
Cambodge
Mexique de la Chine. L’Euromed en difficulté La Tuni-
Lesotho
Pakistan
Indonésie sie souffre davantage que le Ma- PHAR MAC I E
Sri Lanka Bangladesh
Birmanie Les accords douaniers rebattent roc et a encore perdu l’an dernier – Ipsen en quête
Madagascar
61 les cartes Jean-François Liman- au profit des pays d’Asie du Sud Est d’un nouveau patron
SOURCE : EMERGINGTEXTILES.COM
tour, président du Centre euro- – des parts de marché à l’exporta- Le laboratoire pharmaceuti-
méditérranée des dirigeants tex- tion vers l’Union européenne. que Ipsen, qui souhaite « ac-
où les importations chinoises ne prix des fibres synthétiques, qui tile-habillement (Cedith), parie Pour des raisons politiques, la célérer son développement
se sont pas contractées en volume représentent désormais 60 % de sur l’émergence rapide de trois Turquie est également en mau- international », a annoncé,
l’an dernier. Mais l’évolution du la production mondiale. Par un « dragons, aux dents longues, à vaise posture puisque les princi- mardi 16 février, avoir disso-
billet vert n’est pas le seul élé- effet de domino, la chute de l’or l’appétit féroce et qui montrent pales zones industrielles du tex- cié dans son organisation les
ment à avoir provoqué des chan- noir a limité la demande de coton une très grande vitalité dans leurs tile longent la frontière syrienne. fonctions de président et de
gements profonds dans la chaîne et donc la tension sur les cours de exportations sur le marché euro- Plus largement, au niveau euro- directeur général et s’être
d’approvisionnement textile. cette fibre. péen » : le Vietnam, le Cambodge péen, Anne-Laure Linget note en mis à la recherche d’un nou-
et la Birmanie. En cinq ans, ils ont revanche l’émergence de la Serbie veau directeur général. A l’ar-
L’effondrement des prix du pé- Les salaires Ces dix dernières an- vu leurs exportations mondiales ou encore de la Lituanie, même si rivée de ce dernier, l’actuel
trole Dans les matières premiè- nées, le coût de la main-d’œuvre croître respectivement de 222 %, les volumes de produits confec- PDG, Marc de Garidel, de-
res, la baisse du prix du pétrole a dans le textile a été multiplié par 226 % et 435 %… Ces pays pour- tionnés y restent encore faibles. p viendra président non exé-
contribué à rendre plus attractif le plus de 3,5 voire par 4 en Chine. raient rapidement devenir très nicole vulser cutif.
0123
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016 idées | 7

LETTRE DE WALL STREET | par st ép hane l auer

Arrête-moi si tu peux !

C
oincer un trader pour délit d’initié
est un travail de longue haleine.
Pour l’agent spécial du FBI David
Chaves, c’est devenu presque un
travail de routine. En tout cas, sur le papier. A
l’écouter, la méthode est plutôt bien rodée,
au point qu’il n’hésite pas à multiplier les
conférences dans des cénacles plus ou moins
spécialisés pour expliquer comment il tend
ses filets.
Il y a quelques jours, M. Chaves était invité à
parler devant un auditoire qui lui était forcé-
ment attentif : le New York Hedge Fund
Roundtable, « une association à but non lucra-
tif, dont le but est de promouvoir les bonnes
pratiques au sein du secteur des fonds spécula-
tifs », indique l’organisme sur son site Inter-
net. La réunion avait lieu au prestigieux Penn
Club of New York, sur la 44e rue, dans le cœur
de Manhattan.
L’agent spécial Chaves a connu son heure de
gloire en 2011, lorsqu’il a accroché, à son ta-
bleau de chasse, l’ancien gestionnaire du
fonds spéculatif Galleon Raj Rajaratnam, puis,
en 2014, Rajat Gupta, un ancien associé du ca-
binet de conseil McKinsey et ancien adminis-
trateur de Goldman Sachs dans le cadre de la
même affaire.
Il a aujourd’hui une centaine d’enquêtes à
son actif. Son inspiration, il l’a trouvée dans
les techniques de lutte contre le crime orga-
nisé. Comme la mafia sicilienne Cosa Nostra,
le petit monde des fonds spéculatifs est très
fermé et communique très peu avec l’exté-
rieur. Il faut donc trouver un cheval de Troie
pour arriver à faire sauter les verrous et dé-
lier les langues.
La première étape consiste à repérer des té-
moins du délit d’initié, qui vont aider, contre
allégement de leur peine, à remonter le fil
jusqu’aux responsables. Pour cela, il faut les
traquer pendant des mois pour tout savoir de
leur vie. David Chaves explique qu’ils doivent
faire l’objet d’une surveillance de tous les ins-
tants : Savoir « à quelle heure ils mettent leurs
enfants dans le bus pour aller à l’école, com-
ment ils se rendent au bureau, monter avec
eux dans le métro, s’entraîner à quelques mè-
tres d’eux dans leur club de gym, les épier alors
qu’ils achètent une dose de cocaïne ou qu’ils
ont recours à une escort girl, connaître dans
quelles circonstances ils sortent dîner avec
leur petite amie ».
Tous les moyens sont bons : filatures, écou-
tes, enquêtes de voisinage. Une fois que le FBI
en sait assez, tout est dans l’instant où l’on
ferre le poisson. La méthode préférée de
l’agent Chaves consiste à faire la queue dans
un café ou dans un fast-food quelconque et
de se glisser derrière le suspect à qui on va de-
mander de coopérer. Au moment où il s’ap-
prête à commander, l’homme du FBI s’inter-
pose en disant au serveur d’un air assuré : « Il
va prendre un café avec un peu de crème et
trois sucres. » Généralement, le coup est im-
parable. Le témoin potentiel comprend im-
médiatement que le FBI sait tout de sa vie, de
ses habitudes, de ses tocs, de ses petits et de
ses grands secrets.
L’agent fédéral l’invite ensuite à s’asseoir
tranquillement, en lui faisant comprendre
que, à cet instant, il a encore la possibilité de
quitter le café sur-le-champ, tout en lui sug-
gérant que ce ne serait pas la meilleure idée,
la prochaine rencontre peut en effet se pas-
ser à la porte de son domicile sur les coups de
6 heures, avec un mandat d’arrêt. Et, à ce mo-
ment-là, il faudra oublier l’idée de pouvoir
coopérer avec la police et de demander clé-
mence.
« L’APPEL DU DEVOIR »
Les méthodes du FBI dans les cas de délits
d’initié ont été grandement facilitées depuis
2008, quand, en collaboration avec la Securi-
ties Exchange Commission, le gendarme de
la Bourse américain, les écoutes ont été auto-
risées pour ce genre d’affaires.
Celles-ci n’étaient, auparavant, utilisées lé-
galement que dans le cadre de manipula-
tions de marché ou d’enquêtes de corrup-
tion. En ce qui concerne les délits d’initié, les
écoutes font gagner un temps précieux. Pour
ceux qui se font prendre la main dans le sac,
fini les petits jeux de rôle, les mensonges inu-
tiles et, surtout, le recours systématique à un
avocat, qui risque d’annihiler toute chance
de coopération.
Pour faire condamner Raj Rajaratnam à
onze ans de prison, il a fallu produire plus de
2 400 écoutes. Rajat Gupta, lui, avait été con-
damné à deux ans ferme, grâce aux mêmes
stratagèmes. Evidemment, au fil du temps, les
méthodes pour passer entre les mailles du fi-
let tendu par le FBI se diversifient de plus en
plus. Certains auteurs de délits d’initié utili-
sent les réseaux sociaux comme Twitter, TOUS LES MOYENS
grâce auxquels ils envoient des messages
cryptés une fois que la transaction illicite sur
SONT BONS
une valeur a eu lieu. POUR REPÉRER
Dernier subterfuge à la mode : jouer à Call of
Duty, un jeu vidéo de guerre qui fait fureur LES TÉMOINS DE
chez les jeunes et les moins jeunes. Grâce à
une console branchée sur le téléviseur et à un
DÉLIT D’INITIÉ :
casque muni d’un micro, on peut converser à FILATURES,
l’abri des oreilles indiscrètes avec un adver-
saire situé à distance. « L’appel du devoir », ÉCOUTES,
dans ce cas, consiste à échanger illégalement
des informations sur des opérations de fu- ENQUÊTES
sion-acquisition en cours ou sur des résultats DE VOISINAGE
financiers avant qu’elles ne soient rendues
publiques. p
lauer@lemonde.fr

L’ÉCLAIRAGE Jusqu’où peut-on « libérer » l’entreprise ?

Les vertus du commerce collaboratif
Affranchir les cadres du « reporting » direct avec la production ? Quant à la
ments qui retrouvent les grandes ver- créativité provoquée par la « libéra-
par armand hatchuel
tus traditionnelles comme la justice,
et les salariés du stress en jouant tion », comment éviter qu’elle ne s’as-
la réciprocité, l’intégrité ou encore le la confiance et l’autonomie, qui n’en a pas rêvé ? sèche avec le temps ? Quelle organisa-

N
ous sommes si accoutu-
més à l’idée que le com-
merce se réduit à un calcul
d’intérêts que l’on en vient
à oublier qu’il requiert aussi la capa-
cité à susciter des comportements de
coopération et de collaboration. Cette
courage, la courtoisie et la retenue. En tion trouver pour empêcher d’autres
outre, la relation client-fournisseur of-
Mais l’exercice a ses limites routines de prendre le dessus ?
fre de multiples occasions simples de La planification stratégique reste
mettre à l’épreuve la réalité de ces particulièrement difficile à déléguer.
principes, ce qui permet à chacun de en comble. L’entreprise aujourd’hui On l’a vu chez Poult, où les salariés, in-
par patrice roussel
se faire rapidement un jugement sur se porte bien, comme les fonderies vités à réfléchir ensemble à d’éven-
l’état de la relation, qu’il soit lui-même Favi ou la PME nantaise Chrono Flex, tuelles diversifications de l’activité,

observation, qui peut s’appliquer à la client ou fournisseur. Les chercheurs
vente la plus ordinaire, prend une im- ont pu construire une enquête par
portance décuplée lorsqu’il s’agit des questionnaire, qui a été testée auprès
relations de type clients-fournisseurs d’un grand réseau d’entreprises du do-
que peuvent nouer des entreprises. maine de la mécatronique et de la pro-
Ces relations concernent souvent ductique, où les liens clients-fournis-
des biens ou des services, qui pèsent seurs sont vitaux pour les développe-
lourd dans la valeur ajoutée créée par ments innovants.
chacune d’entre elles. Elles incluent
aussi des démarches communes d’in- RELATION ÉQUILIBRÉE ET SOLIDAIRE
novation lorsque les acheteurs et les Cette enquête a confirmé que les com-
vendeurs doivent concevoir ensemble portements collaboratifs étaient bien
les biens qui feront, ensuite, l’objet de associés à deux grands groupes de
la transaction. Si la relation client- vertus. D’une part – et de façon domi-
fournisseur est indéniablement de na- nante –, aux vertus qui traduisent l’en-
ture marchande, peut-elle fonction- gagement authentique dans une rela-
ner sur le seul principe du gain positif tion équilibrée et solidaire : progrès
pour chacun des protagonistes ? Ne partagé, développement des compé-
faut-il pas que s’installe aussi un esprit tences, honnêteté intellectuelle, sou-
« collaboratif », pour que cette relation tien lors des dysfonctionnements et
non seulement puisse perdurer, mais des « coups durs ».
surtout se développe au-delà d’une D’autre part, aux vertus de civilité
vente ordinaire ? comme la courtoisie et la retenue, qui
se dégagent nettement et qui tradui-
JUSTICE, RÉCIPROCITÉ, INTÉGRITÉ sent, respectivement, la marque de
Des chercheurs en science de gestion considération accordée à autrui et la
ont récemment repris les études por- pondération que l’on maintient dans
tant sur les comportements qui favo- les échanges. On pourrait, comme le
risent cette collaboration. Ils ont aussi suggèrent les chercheurs, suivre l’évo-
proposé un indice permettant d’en ap- lution d’un indice de la qualité de la
précier la qualité (« Un indice de me- collaboration dans un secteur, un ter-
sure du collaboratif client-fournis- ritoire, ou un réseau d’entreprises.
seur », Jean-Jacques Nillès, Carole Do- Ce travail apporte un nouveau ren-
nada, François Lenglet, Caroline Mo- fort à la tradition des sciences de ges-
the, Revue française de gestion, tion, qui rejette l’idée, puissante dans
volume 41, n° 251, août-septembre). notre vision de l’économie, que toutes
Premier constat : toutes les études les relations marchandes se rappor-
mettent en évidence des comporte- tent à un accord sommaire entre une
offre et une demande.
Car, si tous les échanges commer-
ciaux étaient aussi lapidaires, cela si-
gnalerait qu’il n’y a ni innovation, ni
transferts de technologies, ni activité
de conseil. Bref, qu’il n’y a pas de véri-
table développement. Il importe d’en-
seigner plus largement que les vertus
de justice, de réciprocité, de solidarité
et de civilité favorisent le type de com-
merce le plus créateur de richesses, le
commerce nécessaire aux dynami-
ques d’innovation et de progrès collec-
tif. En 1675, Jacques Savary, rédacteur
du code du commerce, rappelait déjà,
¶ contre les chantres de l’appât du gain,
Armand Hatchuel qu’« il n’y a point de profession où l’es-
est professeur prit et le bon sens soient plus nécessai-
à Mines ParisTech res que dans celle du commerce ». p
R
esponsable R.H. (Rendre heu-
reux), poste basé à proximité
de Quimper. Le RRH devra
contribuer au développe-
ment d’une culture d’entreprise colla-
borative où confiance et liberté sont
les maîtres mots. Au travers de ses
missions, il sera essentiel que le souci
d’épanouissement et le bien-être des
salariés soient au cœur de ses préoccu-
pations… »
L’offre d’emploi est improbable.
Pourtant, en l’espace de quelques
jours, l’annonce publiée par les bis-
cuiteries Poult a reçu plus de 200 ré-
ponses de cadres de haut niveau, que
ne rebutaient ni la localisation pour
le moins excentrée de l’usine ni l’of-
fre de rémunération pas vraiment
mirobolante. Deux fois plus qu’une
annonce similaire, avec des candidats
prêts à quitter des grands groupes, à
perdre 20 % de leur salaire. De nom-
breux responsables de ressources hu-
maines ont par ailleurs adressé à l’en-
treprise des lettres spontanées de
félicitations pour cette annonce, re-
grettant de ne pouvoir déménager et
venir travailler du côté de Quimper…
Réinventer l’entreprise, raccourcir
les lignes hiérarchiques, arrêter la fo-
lie du reporting, le management par
le stress, donner aux salariés plus de
liberté… le projet séduit de plus en
plus, y compris au plus haut niveau,
dans un contexte de crise de con-
fiance, où faire travailler les gens en-
semble de manière détendue et effi-
cace semble devenu un Graal
inatteignable.
Plusieurs entreprises ont effective-
ment été « sauvées » ces dernières an-
nées en se « libérant » des pratiques
managériales habituelles. Poult était
à deux doigts de la fermeture lors-
qu’un financier belge, Carlos Verkae-
ren, décida de libérer les énergies en
transformant l’organisation de fond
LES SYNDICALISTES
DE LA VIEILLE ÉCOLE
N’ONT PAS FORCÉMENT
INTÉRÊT AU CHANGEMENT
qui ont suivi le même chemin.
De jolies histoires, liées à des per-
sonnalités particulières, à des contex-
tes spécifiques, non transposables
dans d’autres cadres ? Des grands
groupes comme Auchan étudient de
très près le sort de ces entreprises
qui, en réalité, mettent en œuvre de
manière très aboutie des théories
managériales testées dès les années
1970 par Volvo, Harley Davidson ou
Gore (le producteur du Goretex) et
qui avaient permis alors à ces socié-
tés de trouver une nouvelle dynami-
que.
OBSTACLES PSYCHOLOGIQUES
Réussir mieux avec moins d’encadre-
ment. Oui, parce que la motivation
des salariés, comme l’ont montré les
chercheurs américains Richard Deci et
Edward Ryan, est d’autant plus forte
qu’ils se sentent autonomes. On le sait
aujourd’hui, une personne qui se per-
çoit contrôlée s’engage moins dans
son travail, fait moins preuve de créa-
tivité que celle à qui on laisse les cou-
dées franches pour s’organiser.
A la fin des années 1990, deux autres
spécialistes des comportements hu-
mains au travail, Charles Carver et Mi-
chael Scheier, avaient également mon-
tré que les salariés étaient beaucoup
plus capables de s’autoréguler que l’on
ne le croit généralement. Leurs tra-
vaux ont contribué à la conception
des procédures qualité, aujourd’hui
banalisées.
Mais si l’allégement du contrôle per-
met aux équipes de se sentir dans un
premier temps plus responsables, dé-
barrassées d’une tutelle perçue
comme sclérosante, si l’organisation
de la production bénéficie de leur
nouvelle motivation, la « libération »
pose de multiples problèmes dans les
entreprises qui l’ont testée.
Sans manager, les équipes doivent
réussir à se coordonner, à gérer
d’éventuels conflits internes. Une tâ-
che exigeante, voire stressante. Pas de
rapport à envoyer au chef, mais il faut
malgré tout fixer des objectifs, et à
échéance plus ou moins longue, les
contrôler. Comment s’y prendre ?
Comment se protéger de la pression
des clients, désormais en contact plus
peinaient à tracer de nouvelles voies.
Comment, sans leader, s’engager sur
des projets de changement radicaux,
voire déstabilisants ?
La « libération » se heurte aussi à
des obstacles psychologiques impor-
tants. Les syndicalistes de la vieille
école n’ont pas forcément intérêt au
changement. Renoncer à leur pou-
voir n’a rien d’évident non plus pour
les cadres qui restent en place, som-
més de valoriser et faire monter en
compétences les collaborateurs, plu-
tôt que de piloter et contrôler comme
avant.
Même si des gourous du manage-
ment profitent de la vague, le modèle
de l’entreprise libérée n’est en réalité
pas stabilisé. Ce sont toujours les mê-
mes entreprises qui sont citées en
exemple depuis plusieurs années,
une « avant-garde » qui ne grossit
guère. Le modèle est très exigeant et
une partie de sa réussite tient sans
aucun doute à l’autosélection qui
s’opère : les salariés, les manageurs,
les syndicalistes qui n’y adhèrent pas
sont plus ou moins rapidement
poussés vers la porte de sortie, rem-
placés par de nouveaux arrivants
prêts à se dévouer corps et âme, avec
un niveau d’engagement parfois inte-
nable sur le long terme.
Pour conforter une démarche très
séduisante mais fragile, il s’agit
aujourd’hui de réfléchir en profon-
deur aux conditions possibles d’un
leadership adapté à notre temps.
Dans un contexte mouvant, où le sa-
larié ne peut plus espérer la sécurité
en échange de sa soumission, com-
ment asseoir la légitimité de ceux qui
encadrent ? Les recherches en psy-
chologie sociale et en management
peuvent aider à trouver de nouvelles
solutions. p
¶
Patrice Roussel est directeur
du Centre de recherche en management
de Toulouse (université Toulouse
Capitole, CNRS)
8 | MÉDIAS&PIXELS
Tout ce qu’il
faut savoir
sur l’application
vidéo Periscope
La séquence mettant en cause un
joueur du PSG pose la question de
la confidentialité du réseau social
D
ans la nuit du sa-
medi 13 au dimanche
14 février, le défenseur
du Paris-Saint-Ger-
main a insulté son entraîneur et
plusieurs coéquipiers sur une ap-
plication de chat vidéo, Periscope.
Pendant 45 minutes, on le voit aux
côtés de son ami Mamadou Dou-
couré, qui fume la chicha, répon-
dre aux questions des internautes
avec désinvolture, traitant Laurent
Blanc de « fiotte », Salvatore Sirigu
de « guez » (nul), et comparant Gre-
gory van der Wiel à « de l’eau ».
Une grande confusion a entouré
la réception de ces propos : les dé-
clarations de Serge Aurier étaient-
elles publiques ou privées ? En di-
rect ou enregistrées ? Qu’est-ce au
juste que cette application, Peris-
cope ? Eléments de réponse.
A quoi sert cette application ? Pe-
riscope, c’est un peu la version mi-
croscopique de l’Eurovision : la
possibilité de devenir, à petite
échelle, le centre d’une retrans-
mission en direct. Grâce à un
smartphone et une connexion In-
ternet, avec son cercle d’abonnés
comme principaux téléspecta-
teurs, cette application, propriété
de Twitter depuis janvier 2015, per-
met de diffuser un événement au
moment où il se déroule. Il peut
s’agir de n’importe quoi, et le plus
souvent, de soi. Cette application
sert principalement à se mettre en
scène dans des selfies vidéo en di-
rect, ou pour les célébrités lors de
sessions de questions-réponses
filmées au smartphone, sorte de
conférences de presse informelles,
à la manière de la conversation de
Serge Aurier avec ses fans.
Un plan social à L’Equipe 21 déclenche
une grève au sein du quotidien sportif
Les syndicats contestent la stratégie du nouveau directeur général
A vec le match du Paris-
Saint-Germain contre
Chelsea, le mardi 16 fé-
vrier promettait d’être chaud pour
L’Equipe. La journée sera finale-
ment intense pour des raisons so-
ciales, pas sportives : le journal
n’est diffusé ni en kiosques ni en
ligne, en raison d’une grève déci-
dée lundi par son intersyndicale.
Une nouvelle assemblée générale
était prévue mardi à 16 h, pour
étudier la suite du mouvement.
Les salariés ont voté l’arrêt du
travail pour exposer leurs reven-
dications sur deux sujets : le plan
social annoncé lundi à tacle et non du tout-info, comme la
L’Equipe 21, la chaîne de télévision
du groupe, et les restructurations
du pôle « édition » du quotidien.
Les syndicats demandent le re-
trait d’un plan qui selon un res-
ponsable SNJ-CGT pourrait con-
cerner jusqu’à 60 « équivalent
temps plein » à la chaîne, sur un
total de 150. Selon Le Figaro, jus-
qu’à 100 postes sont concernés
d’ici l’été, sur un total de 200 envi-
ron. Il s’agit d’intermittents et de
pigistes, selon la direction, qui as-
sure que le nombre de CDI va pas-
ser de 68 à 75.
Quel est l’intérêt ? Comme Meer-
kat, application concurrente
étouffée par le rachat de Periscope
par Twitter, l’idée est de faire de
chaque personne équipée d’un
smartphone une source de vidéo
en direct. « Explorez le monde en
temps réel » est le slogan de l’appli-
cation, qui s’est adaptée aux usa-
ges de l’époque, initiés en 2010 par
ChatRoulette, un site proposant
de voir aléatoirement d’autres
utilisateurs via leur webcams
(usage qui a largement été dé-
tourné). Et récemment, Facebook
a offert à son tour la possibilité de
diffuser des vidéos en direct à ses
amis, même si ce service est en-
core restreint à certains utilisa-
teurs ou pages.
Comment ça marche ? Pour com-
mencer, il suffit d’associer son
compte Twitter à l’application,
puis de lancer son premier
« stream ». En général, l’ouverture
d’un stream envoie un tweet – pu-
blic par défaut – signalant à ses
abonnés que l’on diffuse une vi-
déo en direct dont on choisit le ti-
tre. En cliquant sur le lien généré,
l’utilisateur peut interagir avec Pe-
riscope, en commentant ou en
Il est
simple
d’enregistrer
une vidéo depuis
un ordinateur
en utilisant
un logiciel tiers
Pour les syndicats, la direction
veut faire peser sur l’emploi la
charge de la réorientation straté-
gique de la chaîne. Cyril Linette, le
directeur général, assume, lui, de
réformer profondément L’Equipe
21 : celle-ci « accuse de lourdes per-
tes, de l’ordre de 20 millions d’euros
par an », sur un budget « autour de
35 millions », dit-il dans Le Figaro.
L’Equipe, désormais au format ta-
bloïd, et le Web sont eux « à l’équi-
libre », souligne M. Linette.
Coup de semonce
« La chaîne doit être le lieu du spec-
chaîne avait été conçue à l’origine »,
explique le directeur général au Fi-
garo. Le Web serait, lui, lieu de l’in-
formation en continu et le journal
celui de la mise en perspective.
Pour L’Equipe 21, cela veut dire
moins d’émissions et de plateaux,
et davantage de retransmissions
de compétitions sportives. La
chaîne a ainsi commencé en dé-
cembre à diffuser du volley-ball,
du biathlon, du basket, de la boxe…
des sports jugés mineurs, moins
coûteux que le football ou le rugby
de haut niveau, confisqués par les
0123
MERCREDI 17 FÉVRIER 2016
Serge Aurier
a été mis à pied
par le PSG
à la suite
de la diffusion
d’une vidéo
sur Periscope
dans laquelle
il insultait
son entraîneur
et certains de
ses coéquipiers.
LIONEL
BONAVENTURE/AFP
« aimant » la vidéo. Les réglages de lectionner les personnes à qui le registrer une vidéo depuis un ordi- Cette opération-là, réalisée dans
base de l’application laissent les flux vidéo sera accessible. nateur en utilisant un logiciel l’heure qui a suivi les propos de
commentaires ouverts à tout le tiers, ce qu’ont fait des internautes Serge Aurier par un internaute de
monde, mais il est possible de ne Est-ce enregistrable ? En théorie, avant sa disparition. Jeuxvideo.com, laisse place à la
les ouvrir qu’à ses abonnés Twit- pas de l’extérieur, le principe de possibilité d’éditer la vidéo. Inser-
ter. A noter qu’aucune modération l’appli reposant sur le flux en di- Peut-on éditer une vidéo Peris- tion de commentaires ou d’ima-
de ces commentaires n’est possi- rect. Periscope permet à un utilisa- cope pour la falsifier ? A priori ges, altération du son, découpage
ble, ce qui a généré quelques mo- teur d’enregistrer la vidéo pro- non. C’est la raison pour laquelle de la séquence ou même monta-
ments gênants pour certains duite sur son téléphone, et de lais- de nombreux internautes ont in- ges trompeurs pour réassocier
hommes politiques ayant tenté les ser son « stream » accessible pen- vectivé le journaliste sportif question et réponse, tout est
questions-réponses en direct. dant 24 heures une fois la Pierre Ménès lorsqu’il a relayé sa théoriquement possible. Mais
diffusion achevée, mais un autre première réaction : la vidéo aurait dans le cas de Serge Aurier, l’exis-
Est-ce privé ? Par défaut, non. Un utilisateur n’a pas la possibilité – été truquée. Periscope se dérou- tence de plusieurs vidéos diffé-
stream Periscope est une diffusion au sein de l’application – de télé- lant en direct, il offre un flux vi- rentes au contenu identique
publique, à l’image de n’importe charger cette vidéo. Immédiate- déo brut. En revanche, pour le ren- porte à croire que ses propos
quel tweet. Elle apparaît prioritai- ment après la diffusion du stream, dre disponible à la consultation le n’ont pas été modifiés, ce qu’a
rement dans le flux des personnes celui-ci avait été supprimé ma- lendemain, le flux a dû être enre- d’ailleurs convenu le joueur di-
abonnées à un compte (Serge nuellement. Mais comme pour gistré par un logiciel de capture vi- manche lors de ses excuses. p
Aurier en compte 75 000 sur Twit- Snapchat, l’application de messa- déo, converti, puis hébergé sur william audureau
ter), mais quiconque dispose du ges éphémères, il est simple d’en- YouTube. et clément martel
lien peut théoriquement rejoindre
la diffusion pour la suivre en di-
rect. De ce fait, les propos de Serge
Aurier ne relevaient pas de la
sphère privée, d’autant qu’ils
étaient tenus dans le cadre d’une
séance de questions-réponses
avec les abonnés de son ami. Mais
le stream étant nommé « Avec
Serge Aurier », le contenu du flux
vidéo était clairement identifié. A
noter que Periscope réserve égale-
ment la possibilité, via une option,
de restreindre la diffusion d’une
vidéo à un cercle privé, que Serge
Aurier et son ami Mamadou Dou-
couré n’ont semble-t-il pas jugé
bon d’activer. Dans ce cadre-là,
l’utilisateur a la possibilité de sé-
220 PAGES
12 €
télévisions payantes comme Ca-
nal+ ou BeIN. L’Equipe 21 vise ainsi
1 % de part d’audience d’ici
deux ans, contre 0,5 aujourd’hui,
un score très faible.
Plus largement, la grève est un
coup de semonce adressé à Cyril
Linette, le directeur général arrivé
en février 2015 de Canal+ pour diri-
ger L’Equipe, désormais principal
actif média du groupe Amaury, qui
a vendu Le Parisien-Aujourd’hui en
France. Les syndicats dénoncent la
future « suppression du secrétariat UN ATLAS EXHAUSTIF Pour chacun des 198 pays du ENTREPRISES Scandale Volkswagen, crise sociale à
de rédaction » au pôle édition du monde, les chiffres-clés (population, PIB, émissions Air France, déboires de la filière nucléaire française, les
quotidien, qui concernerait de CO2...), une carte et une analyse politique et feuilletons « business » de l’année 2015.
26 postes, en partie redéployés. Ils économique de l’année par les correspondants du Monde.
FRANCE Du pacte de compétitivité au pacte de sécurité,
rappellent les plans sociaux pas-
INTERNATIONAL Le monde face à Daech. L’organisation François Hollande change de priorité tandis que le Front
sés et dénoncent « une dégrada- Etat islamique déploie ses tentacules jusque dans les rues national impose ses thèmes dans les urnes et dans le
tion des conditions de travail », de Paris ; les grandes puissances se coalisent, mais débat public.
ainsi que « des méthodes déplora- peinent à surmonter leurs divergences d’intérêts.
bles de management » vis-à-vis des IDÉES Olivier Roy, Michel Onfray, Louis Maurin... les textes
salariés visés par les restructura- PLANÈTE L’accord mondial de la COP21 pour lutter contre publiés dans Le Monde qui ont marqué l’année 2015.
tions. Une façon d’instaurer un le réchauffement climatique et l’entente internationale
rapport de force avec M. Linette, pour stopper l’épidémie d’Ebola en Afrique, meilleures
qui est actuellement en train de nouvelles de l’année.
réorganiser la direction : l’histori-
que Fabrice Jouhaud vient d’être
remplacé à la tête du pôle TV par
Arnaud de Courcelles, venu lui
aussi de Canal+. p En partenariat avec
alexandre piquard