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Crise financiere et gouvernance des banques

Bertrand Richard, Inès Masmoudi


Dans Vie & sciences de l'entreprise 2010/3 (N° 185-186), pages 172 à 186
Éditions ANDESE
ISSN 2262-5321
DOI 10.3917/vse.185.0172
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TRIBUNE LIBRE
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172 VSE : VIE & SCIENCES ECONOMIQUES
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CRISE FINANCIERE ET GOUVERNANCE DES BANQUES82


Par Bertrand RICHARD
Associé, Spencer Stuart – Paris
et Inès MASMOUDI
Institut Européen des Affaires - Paris

Résumé :

La crise financière a provoqué, dans les conseils d’administration des banques,


une prise de conscience d’un nouvel enjeu de gouvernance :
• Comment concilier l’intérêt immédiat des dirigeants et des opérateurs
financiers avec l’intérêt à long terme de la banque et de ses actionnaires ?
• Comment rendre cohérent le devoir citoyen de la banque et son intérêt à
profiter de toutes les distorsions de marché ?
• Comment maîtriser les risques engendrés par le développement d’activités
financières de plus en plus complexes lorsque l’on est un administrateur non
spécialiste ?

Tel est l’objet de cet article qui plaide pour un engagement plus fort des conseils
d’administration en analysant les conséquences et les exigences.

Mots clés : Marché financier, crise financière, Conseil d’administration,


banque, gouvernance, intérêt court terme, intérêt long terme

Abstract:
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Due to the last financial crisis, boards of directors of banks are now facing a new
paradigm which could be described by the following questions:
• How to make convergent the short term interest of the management and
their team with the long term interest of the bank and its shareholders?
• How to make compatible the duties of the banks with their opportunistic
interest to take advantage of any financial market opportunities?
• How to manage and master risks incurred by more and more sophisticated
financial products, when board members are not financial experts?

This is the subject of this paper which advocates for a more voluntarist role to be
played by boards.

Keywords : Financial markets, financial crisis, Board of directors, banks,


corporate governance, ST interest, LT interest

82
Cet article est publié avec l’aimable autorisation de la revue Banque.
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INTRODUCTION
L’objet de cet article est d’analyser l’impact de la crise financière sur la
gouvernance bancaire. Nous commencerons par une présentation théorique de la
notion de la gouvernance et de la crise bancaire suivie d’une analyse de l’effet de
la crise financière de 2008 sur la gouvernance des banques aussi bien à court
terme qu’à long terme.

1. LA SPECIFICITE DE LA GOUVERNANCE BANCAIRE


La gouvernance d’entreprise se définit comme tout système par lequel une
entreprise est dirigée et contrôlée et elle traite des mécanismes nécessaires à la
régulation des différents intérêts qui s’expriment au sein de la firme. La
gouvernance d’entreprise contribue à l’instauration de relations équilibrées entre
l’investisseur et l’entreprise en protégeant ainsi l’épargne publique, un des
principaux facteurs de la prospérité de l’entreprise.

La banque est une entreprise. Les caractéristiques de la firme bancaire consistent


en son activité, en l’existence de coûts de transactions, en l’importance de la
diversification des risques, au degré d’importance de l’innovation au niveau du
secteur bancaire ainsi qu’à la réglementation au niveau de la structure de ce
secteur :
• Son activité, que cela soit en banque de dépôt ou de banque
d’investissement, implique l’utilisation de son capital pour sécuriser les
transactions qu’elle fait en multiple de celle-ci. La banque a un devoir
fiduciaire vis-à-vis de ses clients et un devoir de sécurité vis-à-vis de ses
actionnaires, ses clients et du marché.
• L’existence des coûts de transactions : dans l’analyse industrielle, Coase
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affirme que l’internalisation des activités de production, au sein d’une firme,
permet de réduire les coûts de transactions qu’elles génèrent. Nous
pouvons appliquer cette théorie au secteur bancaire. Les banques auront
besoin de ressources traditionnelles, comme par exemple les bâtiments, les
moyens informatiques, et également d’actifs intangibles qui peuvent se
résumer en « capital connaissance ». Le coût de ce capital est accumulé au
cours du temps suite aux relations durables entre la banque et ses clients.
L’existence de ces coûts ainsi que le coût de la collecte d’information
permettent donc d’expliquer l’importance de la firme bancaire.
• L’importance de la diversification des risques : plus les services que la
banque offre à ses clients sont diversifiés, plus sa gamme de clientèle sera
large, plus elle diversifiera ses risques. Cette diversification des risques peut
prendre plusieurs formes : géographique, clients, activités.
• L’importance de l’innovation bancaire, qui permet de créer des produits à
marge ou de tenter de réduire les risques. L’arbitrage est alors de trouver un
équilibre entre l’innovation avec des produits plus rentables et plus risqués
et des produits plus classiques et moins risqués.
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• La réglementation bancaire : dans le secteur industriel, la structure


financière des entreprises est régie par des règles simples et universelles.
Pour les banques, la réglementation de leur activité est régie par plusieurs
principes :
- Limiter les risques de l’activité de transformation qu’elles exercent.
- Assurer la liquidité et la solvabilité du système bancaire.
- Protéger l’épargne.
Par ailleurs, cette réglementation s’insère dans le cadre de la politique
prioritaire des banques centrales et s’impose aux dirigeants de banque
avec, cependant, des différences (voire des contradictions) d’une zone
monétaire à une autre.

La gouvernance bancaire a ainsi une double dimension :

1.1. UNE DIMENSION EXTERNE

La réglementation prudentielle, qui est l’ensemble des règles visant à mesurer et


maîtriser les risques générés par l’activité bancaire, permet :
• d’harmoniser les conditions d’exercice de la concurrence bancaire, afin
de préserver la stabilité et la solidité du système.
• de renforcer la sécurité bancaire en instaurant des normes de fonds
propres et d’utilisation de ceux-ci.
• d’adapter le fonctionnement des banques aux évolutions des marchés.

Face à la montée des risques bancaires, les normes de supervision bancaire se


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sont accrues et les dernières sont mises en place par le comité de Bâle. Les
banques sont tenues de respecter ces normes afin de garantir leur liquidité et leur
solvabilité au regard de leur client.
L’accord de Bâle I : le ratio Cooke, adopté en 1988, définit le montant des fonds
propres minimum que doit respecter une banque.
L’accord de Bâle II : le ratio Mc Donough, qui a succédé au ratio Cooke, permet de
réconcilier le capital réglementaire avec le capital économique.

Et aujourd’hui se mettent en place les règles de Bâle III.

1.2. UNE DIMENSION INTERNE

Comme pour toute société, le caractère prédominant de la gouvernance d’une


banque est le mode d’administration choisi et son efficacité. Comme le conseil
d’administration est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes
circonstances au nom de la société, dans la limite de l’objet social et sous réserve
de ceux expressément dévolus à l’Assemblée Générale, il convient que celui-ci soit
à même de :
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• clairement définir sa mission, qui devra être motivée par l’intérêt social de
l’entreprise et l’intérêt de ses actionnaires en ne se limitant pas à la définition
restrictive de la gouvernance que donnait La Porta et al en stipulant :
« La gouvernance des entreprises comme l’ensemble des dispositions, des
institutions et des règles de droit conçues pour empêcher l’éviction des
investisseurs ». Selon Fama, le conseil d’administration est souvent suggéré
comme mécanisme d’incitation et de discipline des dirigeants, ce qui devrait
l’amener à agir de manière à maximiser la valeur de la firme.
• être composé de membres compétents et capables de challenger la
direction générale, car ce sont eux qui sont comptables de la protection
finale des actionnaires et des autres parties prenantes et d’exercer sa
mission de contrôle et sa mission fiduciaire vis-à-vis de ces derniers.

2. CRISE FINANCIERE

Les crises se multiplient depuis plus la crise de 1973. On cite, à ce niveau, la crise
de la dette à partir de 1982, le choc boursier de 1987, la crise du SME en 1992-
1993, la crise du peso mexicain en 1994-1995, la crise asiatique en 1997, la crise
russe de 1998 et la crise brésilienne en 1999.

La crise financière actuelle, qui est l’une des plus violentes que l’on ait connues, a
débuté en juillet 2007 aux des Etats-Unis.

Depuis 2002, la banque centrale américaine, qui encourageait le crédit facile pour
relancer l'économie, a permis à des millions de foyers modestes de devenir
propriétaires, moyennant des prêts dits "subprimes" en 2007. La hausse des taux
américains et l'effondrement du marché immobilier américain depuis le début ont
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rendu insolvables un nombre croissant d’emprunteurs. Cette défaillance a
provoqué la faillite de certains établissements prêteurs, dont les garanties prises
sur les actifs se sont avérées trop faibles pour éviter la dépréciation des actifs.

Ainsi, la crise s’est propagée de l’emprunteur au prêteur.

Fin 2007, certaines grandes institutions financières ont constaté l’illiquidité des
titres structurés adossés à des prêts hypothécaires et les premiers cas de défauts
ont commencé à apparaître.

La globalisation financière et l’effet de contagion ont entraîné la diffusion de cette


crise dans d’autres pays à travers le monde. L’effet de la crise était différent selon
les pays. Les économies qui étaient en relation étroite avec l’économie américaine
ont eu des répercussions immédiates sur leurs économies, les conditions de
l’octroi du crédit ont été durcies et les primes de risque relevées à partir de 2008.
L’effet était différent pour les pays émergents. En effet, au cours de ces dernières
années, certains pays émergents ont épargné des devises découlant, soit des
recettes pétrolières, soit d’exportations propres. Cet excédent d’épargne leur a
permis de créer des fonds souverains apporteurs de capitaux et de liquidité à
l’économie mondiale. Certains pays émergents sont en relation indirecte avec
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l’économie américaine. L’impact de cette crise était ainsi moins violent et plus
échelonné sur ces pays.

Cette crise a souligné :


• La faiblesse de régulateurs trop lents à réguler la liquidité internationale et
trop timorés dans le contrôle des opérateurs (faillite de Lehman et d’AIG par
exemple).
• La faiblesse de la gouvernance de certaines banques.

La crise a entraîné la déroute de certains établissements financiers devant faire


face à deux crises :
• Une de liquidité pour les banques d’investissements entraînant la chute de
Bear Stearns, et surtout de Lehman Brothers.
• Une de solvabilité de certaines banques et établissements de crédits
immobiliers, dont les débiteurs ont fait défaut et dont les actifs en garantie
ont vu leur valeur fondre.

Depuis des décennies, la crise financière actuelle est la plus importante et grave
qui ait frappé les marchés financiers.

Les crises des institutions bancaires ne sont pas seulement le résultat de la


dimension externe de la gouvernance (réglementation prudentielle) mais aussi de
la dimension interne (conseil d’administration, structure de propriété, endettement).
En effet, l’environnement institutionnel, et plus précisément la gouvernance
bancaire, joue un rôle remarquable dans la naissance des crises bancaires.

Ces événements amènent à s’interroger sur les limites de la gouvernance


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d’entreprise ainsi que sur la capacité des actionnaires à exercer une surveillance
efficace de la gestion des dirigeants.

3. LA GOUVERNANCE BANCAIRE A L’EPREUVE DE LA CRISE ?

Les conseils d’administration des banques ont du affronter, sans y être préparés,
une crise sans précédent depuis 1929. Cette crise a remis en cause, tout du moins
dans l’instant, les canons de la bonne gouvernance, comme l’a souligné l’étude de
Nestor Advisors “ Bank Boards and the Financial crisis ”, publiée en mai 2009.
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Ce n’est pas parce qu’un conseil d’administration :


• est de taille limitée (Cf. ABN AMRO ou UBS),
• a une forte proportion d’indépendants (RBS, Merrill Lynch),
• a des fonctions de Chairman et de CEO séparées (UBS ou ABN AMRO),
qu’il est plus efficace comme l’a démontré l’impact de la crise sur les banques
indiquées entre parenthèses.

A l’inverse, des banques critiquées par les ayatollahs de la gouvernance, parce


que leur président est l’ancien directeur général ou parce que certains
administrateurs sont en place depuis plus de dix ans, ont montré qu’elles avaient
mieux anticipé la crise que d’autres qui respectaient facilement les canons de la
bonne gouvernance (JP Morgan, BNP Paribas, HSBC).

Face à cette perte de repères et sur la base de l’étude que Spencer Stuart a
menée auprès des présidents et des directeurs généraux des 18 plus grandes
banques européennes, l’objet de cet article est de réfléchir sur les conséquences
de la crise financière sur le fonctionnement de leurs conseils d’administration.

Comme dans tout développement d’une bulle spéculative, certains dirigeants


poussés par la nécessité de présenter des résultats trimestriels en hausse
constante, se sont laissés aller à prendre des risques de plus en plus grands, car
générateurs de résultats immédiats.

La bulle spéculative, qui a éclaté à l’automne 2008, avait été alimentée par le
développement excessif des opérations de crédits en tout genre, rendues
possibles par l’utilisation intensive de deux mécanismes, dont l’utilisation excessive
a, depuis, été abondamment décrite et décriée :
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• La titrisation de ces mêmes crédits qui, en sortant du bilan, dégageait de
nouvelles opportunités de prêter.
• Les dérivés de crédit, qui ont, par une déviation de leur finalité, laissé croire
que le banquier n’avait plus à se soucier du risque sur son débiteur puisqu’il
le couvrait.

Dans quelques groupes financiers, une alliance objective s’est, consciemment ou


inconsciemment, nouée entre un management qui ne pouvait que se satisfaire de
ROE entre 15 et 20 %, qu’il annonçait comme durable, et des équipes de banque
d’investissement qui avaient trouvé la pierre philosophale permettant de créer du
PNB, donc du bonus, sans pour autant alourdir le bilan et à faible coût supposé du
risque.
Ceci a duré jusqu’au jour où le marché a rendu sa sanction en faisant revenir dans
le bilan des banques tous les actifs toxiques, toutes les digues censées le
protéger, ayant été rompues.

Et tout cela à la surprise générale de la majorité des conseils d’administration (et


aussi de certaines directions générales) qui pensaient avoir servi les intérêts de
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l’entreprise et des actionnaires en laissant leur établissement s’impliquer


massivement sur ces nouveaux marchés.

Derrière cette histoire racontée volontairement de façon simplificatrice et rapide, se


posent trois questions fondamentales, qui sous-tendent tout le débat sur la
gouvernance d’entreprise :
1. Y-a-t-il convergence permanente entre l’intérêt à court terme de certains
actionnaires et l’intérêt à long terme de la société ?
2. Les directions générales arbitrent-elles l’une contre l’autre ? Et si oui,
comment ?
3. Les conseils d’administration ont-ils fait preuve de suffisamment
d’indépendance de jugement par rapport à leur direction générale ?

A la première question, la réponse ne peut pas être positive, car l’intérêt social des
banques, comme l’ont compris certains groupes, aurait du inciter les directions
générales, mais aussi les conseils d’administration, à analyser si l’effet bénéfique à
très court terme du développement exponentiel de certaines activités sur le cours
de bourse, ne risquait pas de mettre en risque la solvabilité et la liquidité, et donc
l’intérêt à long terme des actionnaires.

A la deuxième question, l’histoire récente nous montre que certaines directions


générales ont privilégié la croissance du résultat immédiat, qui avait un effet
bénéfique sur le cours de la bourse et aussi sur les systèmes de rémunération, tout
en occultant les risques pris à l’encontre de l’intérêt long terme des actionnaires ou
de la banque.

A la troisième question, on a envie de conseiller à tous les administrateurs de


banque de se replonger dans la lecture de la “ belle histoire de l’illusion financière ”
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dans laquelle JK Galbraith montrait qu’avant chaque éclosion d’une bulle
spéculative, les gourous du moment expliquent que le paradigme ayant changé,
les anciens indicateurs de prise de décision devaient être abandonnés, car plus
valides. Rappelons-nous la bulle internet qui avait substitué au classique P/E
ration, le scintillant nombre de clics ou bien la dernière crise où les spécialistes des
dérivés de crédit expliquaient que, grâce à la titrisation et aux dérivés de crédit,
l’émetteur de crédit n’avait plus à se préoccuper de la qualité de la signature de
l’emprunteur. Et on a vu comment tout cela finit.

Face à ce constat, certains conseils d’administration ont fait porter leurs analyses
critiques sur les points suivants :
• S’était-on posé les bonnes questions sur le business model de la banque
et en avait-on une bonne compréhension ? Même si le conseil ne doit pas
s’immiscer dans la gestion quotidienne, il faut bien constater qu’en restant
au niveau global, aucun conseil de banque n’a anticipé ce qui se passait et
n’a fait preuve d’esprit critique vis-à-vis des managements. Les résultats
étaient excellents, la rentabilité exceptionnelle et les risques étaient
supposés être sous contrôle ; alors pourquoi remettre en cause le modèle.
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• Comment s’assurer que le conseil garde sa capacité à le faire dans le futur


en protégeant son indépendance et sa lucidité. L’histoire récente ayant
montré que ni les régulateurs, ni les sommités académiques n’ont rien vu
venir de la crise de 2009, le conseil d’administration se retrouve bien seul
pour faire face à cette responsabilité.
• L’organisation matricielle ne fragilise-t-elle pas le management dans sa
fonction de surveillance, et la complexité croissante des produits ne rend-
elle pas les activités inintelligibles pour la direction générale et le conseil ?
N’y a-t-il pas un risque que la sophistication croissante des produits ne
produise une cassure dans la chaîne de compréhension des activités entre
les spécialistes et les dirigeants.

Face à une crise sans précédent, les conseils d’administration des banques ou des
établissements financiers ont été soumis à une pression sans précédent. Sur un
échantillon de 18 établissements (hors Italie et Espagne), 9 ont changé de
dirigeant en l’espace de 6 mois, ce qui est une situation unique dans un aussi
faible espace de temps.

4. LES EFFETS DE LA CRISE SUR LA GOUVERNANCE


BANCAIRE
Une étude des premiers effets ainsi que des effets à plus long terme de la crise sur
la gouvernance bancaire sera réalisée.

4.1. LES PREMIERS EFFETS DE LA CRISE SUR LA GOUVERNANCE

Les premiers effets visibles de la crise ont été assez brutaux :


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• La moitié des dirigeants des grands établissements financiers européens ont
été débarqués, à l’occasion de cette crise, qui n’a fait que confirmer l’une
des tendances récentes du management : “ Etre un dirigeant couronné de
succès est un état de plus en plus précaire ”.
Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à repenser aux éloges que les marchés
financiers réservaient au chairman de Royal Bank of Scotland en 2006-2007
avant de le jeter aux gémonies en 2008. Les survivants de la crise doivent
rester prudents et modestes, car rien n’assure que les vainqueurs
d’aujourd’hui ne seront pas les victimes de demain.
• Par contre, la structure duale de direction générale (que cela soit sous forme
du président distinct du directeur général ou conseil de surveillance et
directoire) n’a pas été remise en cause et sur notre échantillon de 18
établissements. Pour tous, sauf la Société Générale qui vient de
l’abandonner, c’est la structure la plus adaptée pour assurer un meilleur
équilibre entre représentation de l’actionnariat et de l’intérêt de la société et
direction générale.
• Les conseils ont été extrêmement sollicités au cours des 18 derniers mois
par un accroissement sensible du nombre de réunions, de leur durée et de
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l’implication demandée à chaque administrateur. Ceci s’est accompagné par


une mise à contribution encore plus forte des comités d’audit et des comités
de rémunération et dans certains cas par la mise en place de comités ad
hoc en sus de ceux qui existaient déjà.

Cette activité accrue des conseils, qui sont sollicités sur une variété de plus
en plus grande de sujets, soulève quelques interrogations :
- Les conseils d’administration ont-ils apporté une réelle valeur
ajoutée à leur direction générale dans la gestion de la crise ?
- Comment éviter le mélange des genres entre les rôles respectifs du
conseil et de la direction générale ?
- Comment le conseil s’assure-t-il qu’il garde bien la hauteur de vue
qui doit être la sienne ?
- La compétence des administrateurs étant de plus en plus
challengée par des questions de plus en plus techniques et leur
disponibilité étant de plus en plus sollicitée, se pose alors un clair
problème de recrutement et de taille du vivier. Ceci s’est traduit aux
USA par une réduction par deux du nombre moyen de mandats
détenus par un administrateur et par l’ouverture des conseils à de
nouveaux profils, ayant principalement un fort bagage en
identification et gestion des risques.
• Certaines places financières ont réagi très vite pour publier des
recommandations en espérant que celles-ci s’imposeront à tous. Le rapport
Walker publié au printemps 2009 recommande, pour les banques,
l’obligation d’avoir un comité des risques, d’accroître la proportion de « non
executive directors / administrateurs non exécutifs » ayant une expérience
financière et d’améliorer leur connaissance de la société et leur relation avec
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les actionnaires institutionnels et, enfin, de mettre sous contrôle les bonus.
• Néanmoins, il faut constater que les conseils d’administration ont beaucoup
de mal à gérer la question de la politique de rémunération des dirigeants et
des opérateurs de marchés pour les raisons suivantes :
- La nécessité de protéger des activités très rentables et de ne pas se
faire piller ses équipes.
- Les distorsions de concurrence qui font que les places anglo-
saxonnes sont beaucoup plus agressives en termes de
rémunération que les autres, et moins scrupuleuses dans
l’application des règles de limitation des bonus.
• Leur implication et la prise de conscience de leur responsabilité en matière
de risques amènent certains conseils à créer de nouveaux comités dédiés
ou à revoir le rôle et les moyens de ceux déjà en place (Audit), avec deux
préoccupations sous-jacentes :
- Ce n’est pas au conseil ou à ses comités de gérer la fonction
contrôle des risques. Mais, par contre, c’est de leur responsabilité
de déterminer quel appétit le Conseil a-t-il en matière de risque et
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quelle est sa tolérance au risque et de s’assurer que l’organisation


du contrôle de ceux-ci est efficace et adaptée.
- La multiplication des organisations matricielles complexes rend plus
complexe le suivi des risques et dilue les responsabilités en la
matière. Chaque axe de la matrice se renvoyant la balle, il convient
que le conseil garde une vision claire de qui doit faire quoi.
• Les conseils d’administration s’impliquent beaucoup plus dans la forme et
dans la gestion de la communication à destination des actionnaires. Tous
les conseils d’établissements financiers ont du, brutalement, faire face à une
détérioration de l’image de marque de la profession en général et pour
certains de la leur propre. Il est permis de se demander, à la lumière de
certains exemples de communication de crise ratée, si le conseil n’aurait pas
dû s’investir plus en la matière, éventuellement en créant un Comité
exceptionnel, afin d’éviter une telle dégradation de leur réputation. Cela
devient un enjeu majeur pour les conseils d’autant plus que les banques
sont facilement jetées par les politiques à la vindicte populaire. L’ensemble
des banques et institutions financières ont été confrontées depuis 2008 à
une remise en cause violente de leur image citoyenne et ce, d’autant plus
qu’une fois sauvées du désastre en 2008-2009, leurs résultats se sont
violemment redressés. Les conseils d’administration ne peuvent pas faire
l’impasse sur la dégradation très forte de l’image de marque de la profession
auprès du public.
• L’intervention de l’Etat dans la vie des établissements financiers, qui ont
recours à son aide, a des effets visibles sur la façon dont le conseil aborde
le sujet des rémunérations. Le rôle des comités de rémunération s’est trouvé
placé, de façon très brutale, sous les projecteurs, car il n’est plus suffisant
d’avoir pris une décision économiquement justifiée ou légalement conforme
pour que celle-ci n’ait pas des effets médiatiques dommageables pour la
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société. Il est, par ailleurs, devenu impératif de repenser les systèmes de
rémunération afin de ne plus générer, à court terme, des bonus fondés in
fine sur des engagements et des risques à long terme pour l’employeur. Les
conseils ne peuvent plus accepter d’utiliser des consultants extérieurs qui
travaillent à la fois pour eux et pour la direction générale, ce qui peut être
source de conflit d’intérêt.
• En cas d’intervention de l’Etat, le conseil doit veiller à la convergence des
intérêts de ce nouvel actionnaire avec celui des autres actionnaires, et aussi
savoir comment gérer les relations avec ce nouveau partenaire, qui peut être
absent du conseil.

Pour conclure sur cette première partie, les effets immédiats de la crise imposent
aux conseils d’administration des banques de se poser une série de questions
clés :
• Quel est le rôle du conseil et jusqu’où doit aller son implication par rapport à
la direction générale, en particulier en matière de stratégie et de contrôle du
suivi des risques, afin d’éviter qu’il n’interfère avec les responsabilités de
cette dernière ?
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• Comment s’assurer de la disponibilité, mais aussi de la compétence de ses


membres pour faire face à une implication plus grande et une technicité de
plus en plus complexe ?
• Quel rôle et quels moyens pour les comités ?
• Comment faire en sorte que ceux-ci aillent à l’essentiel et évitent de se
perdre dans les détails ?

4.2. LES EFFETS A PLUS LONG TERME

Soit parce que les conseils sont encore dans le combat du feu de la crise, soit
parce que, à l’inverse, ils pensent que le pire est derrière nous, certains sujets de
fonds ne sont pas devenus d’actualité, car ils induisent des changements plus
profonds et requièrent le temps de la réflexion :
• Les administrateurs de banque vont être soumis à une pression accrue de la
part des actionnaires et de la Société en général pour les voir mieux jouer
leur rôle de défenseur de l’intérêt social et de l’intérêt du porteur de parts.
Trop souvent, les conseils d’administration de banque, en particulier dans le
monde anglo-saxon, ont fait preuve d’une indépendance très relative vis-à-
vis de l’intérêt des managers, en ne s’imposant pas assez. Et ainsi en
privilégiant l’intérêt court terme, ils ont mis en danger l’intérêt long terme de
la banque.
• Le conseil doit être un organe actif et conscient de sa mission vis-à-vis des
actionnaires.
Le conseil doit avoir les moyens d’exercer sa mission en totale indépendance de la
pression des marchés et de l’influence du management.
Cela doit être un véritable organe de direction, comme la loi le prévoit, et pour qu’il
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ait une véritable existence entre les actionnaires et le management, il est quand
même plus efficace qu’il soit animé et présidé par un homme, qui ne soit pas juge
et partie, mais dont le seul rôle est de s’assurer de son bon fonctionnement au
service des actionnaires.

Les faiblesses de la forme moniste restent que :


- Le PDG, qui est d’abord le président de la direction générale, est
juge et partie quand il anime le débat stratégique au sein du conseil.
Naturellement, il doit défendre la stratégie qu’il propose en tant que
directeur général et aura plus de difficultés, à soit la challenger, soit
proposer au conseil des options alternatives.
- Son rôle de directeur général l’amènera à sur-intervenir au sein du
conseil (en lieu et place de ses bras droits, qui ne seront
généralement pas administrateurs).
• La formule de la dissociation des fonctions de président et de directeur
général semble avoir montré une meilleure efficacité permettant au conseil
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d’être plus libre par rapport à la direction générale, même s’il y a plusieurs
contre-exemples comme RBS ou UBS.
Le rôle du président sortira certainement renforcé de cette crise, car il devra
être le garant, du bon fonctionnement, de l’indépendance et de la
contribution du conseil et, à ce titre, devra mieux rendre compte aux
actionnaires de la spécificité de son action. Il devra aussi s’assurer que le
conseil reste dans son rôle en évitant la tentation d’interférence dans la
gestion.
Au cas où il y aura maintien de l’unicité de direction, l’exemple de Lafarge ou
de la Société Générale, qui ont instauré le concept du lead director en la
personne d’un vice président, devrait faire des émules. Reste, néanmoins, à
savoir quel est le rôle exact de ce dernier et les attentes du conseil à son
égard, ce qui n’est pas encore très clair.
Le profil du président est une des garanties du dispositif de gouvernance.
Une compétence financière certaine, mais pas forcément purement bancaire
est indispensable pour asseoir son autorité auprès du directeur général et sa
reconnaissance dans le monde des affaires doit être telle qu’elle lui permette
de s’imposer légitimement auprès des administrateurs.
• Il ne pourra pas être fait l’économie d’une réflexion sur le rôle du conseil
d’administration en matière de stratégie. Le conseil est-il seulement là pour
approuver la stratégie présentée par la direction générale ou doit-il
demander à ce qu’on lui propose un choix de stratégies avec une analyse
comparée des enjeux, des risques et des résultats attendus. Nous pensons
que le conseil doit conduire une vraie discussion sur plusieurs options
stratégiques et challenger la direction générale sur ces options avant de les
approuver ; or, c’est ce qui a fait défaut avant la crise, souvent par
méconnaissance d’une majorité des administrateurs des spécificités
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d’activité bancaire et financière.
• Le conseil doit rester un organe collectif, qui tire sa légitimité de cette
caractéristique. Son président doit bien s’assurer qu’il ne se transforme pas
en un groupe d’individualités, jouant chacun sa partition. Si l’un ou plusieurs
des administrateurs ne jouent pas son ou leur rôle, c’est au président
d’intervenir.
Mais il faut se garder de toute évolution vers l’évaluation formelle de la
contribution individuelle des administrateurs, car celle-ci risque de briser le
sens du collectif.
• D’où une nouvelle question qui découle de la précédente : si le conseil
d’administration doit voir son rôle se renforcer en matière de décision
stratégique, il doit être sûr des compétences qu’il a en son sein. La
décennie, qui vient de s’écouler, a vu les gourous de la gouvernance prôner
le dogme de l’indépendance de l’administrateur, au risque de faire rentrer
dans des conseils des profils totalement exotiques, et finalement inadaptés
par manque de compétence. La crise ramène à la raison, car les trois
qualités fondamentales de l’administrateur doivent être :
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- La compétence,
- L’indépendance d’esprit et de caractère, qui ne se confond pas
forcément avec l’indépendance au sens juridique,
- L’expérience de la gestion des situations complexes.
Les conseils devront vraisemblablement repenser leur composition afin de
permettre aux managers d’avoir à leurs côtés des conseils d’administration
plus contributifs et plus à même de challenger leurs propositions, et ceci
dans un environnement où il est aujourd’hui plus difficile de recruter des
administrateurs pour les banques pour des raisons d’adéquation de
compétence, de disponibilité et d’appréhension du risque.
Il ressort de nos études que les administrateurs les plus contributifs et les
plus efficaces pendant la crise qu’ont du affronter les conseils des banques,
ont été, sans contexte, les présidents de grands groupes industriels ou
commerciaux, et que le recours exclusif à des spécialistes de la Finance est
réducteur et pose un problème de potentiel conflit d’intérêt.
Il est intéressant de constater cependant que les nominations qui sont
intervenues dans les conseils d’administration de banques en 2009 et 2010
ne traduisent pas une inflexion en ce sens.
- Cela passera peut-être aussi par une réduction de la taille pour
arriver à une moyenne de 10 à 12 membres avec un renforcement
de la proportion de dirigeants expérimentés. Mais aujourd’hui, la
tentative de féminisation des conseils induit un phénomène inverse.
- L’avis du comité des nominations, dans le choix et la sélection des
dirigeants en provenance de l’interne ou de l’externe, se renforcera
d’autant plus qu’il y aura dissociation entre les fonctions de
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président et de directeur général et que le président de ce comité
aura une réelle stature et légitimité. Il est intéressant de se
demander s’il ne revient pas au conseil d’administration de
challenger la direction générale sur sa capacité à maîtriser une
organisation matricielle devenue de plus en plus complexe.
- La crise a aussi montré que les conseils d’administration, composés
en majorité d’administrateurs retraités (la moyenne d’âge des
Boards de Lehman Brothers, de Citigroup et de Bear Stearns était
voisine de 68 ans contre 60 ans en moyenne pour les banques
européennes) étaient moins réactifs et moins à même de mettre à
l’épreuve la direction générale.
- Le conseil d’administration et son président ont peut-être besoin
d’accroître leur moyen propre d’action. Deux pistes de réflexion sont
ouvertes : pourquoi ne pas rattacher l’audit central et le secrétariat
du conseil au président ?
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CONCLUSION
Il est aujourd’hui trop tôt pour savoir si finalement la crise aura eu des effets
durables sur le fonctionnement des conseils d’administration des banques, soit
parce qu’ils sont encore absorbés par la gestion des effets immédiats de celle-ci,
soit, parce qu’au contraire, ils ont commencé à l’oublier du fait du redressement de
l’activité et des marchés.

Mais, l’objet de cet article est modestement de dresser quelques pistes de réflexion
avec une conviction forte que c’est :

• par la reconnaissance de l’existence d’un intérêt long terme qui peut être
distinct de l’intérêt court terme que l’on permettra de mieux définir le rôle du
conseil d’administration vis-à-vis du management. Le conseil
d’administration doit pouvoir protéger le management contre les pressions
externes visant à rechercher un ROE parfois absurde.
• par le renforcement du rôle du conseil et de son président que les directions
générales des banques auront à leurs côtés une instance légitime et
compétente pour les épauler et les contrôler dans l’exercice de leurs
missions, sans pour autant interférer avec celles-ci. C’est au bon sens du
conseil qu’il revient de challenger les fameux nouveaux paradigmes.
• plus que les systèmes de gouvernance, c’est la qualité des hommes qui
compte et que ce constat devrait être le catalyseur de la montée en
puissance des comités des nominations, tant dans l’évaluation des
performances des dirigeants que dans la sélection des administrateurs et
l’évaluation des travaux du conseil.
• par la capacité des conseils d’administration à penser l’impensable.
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• Maintenant que les institutions financières doivent spontanément faire
évoluer leur gouvernance avant que les autorités de tutelle bancaire
n’accroissent fortement le carcan de réglementation en la matière et que les
Etats tentent de jouer un rôle d’actionnaire pour lequel ils n’ont jamais
beaucoup montré de talent.
• L’ancienne formule du Glass Steagle Act, qui visait à séparer les rôles de
banques de dépôt et des banques d’investissement, qui est peut-être l’une
des réponses à la maîtrise globale des risques.

Enfin, il ne faudrait pas tomber dans le piège habituel, à la suite de chaque crise,
qui est de croire que c’est seulement par l’alourdissement de la réglementation que
l’on évitera les errements passés. La crise d’ENRON a engendré Sarbannes
Oxley, qui devait éviter les dérivés du passé. Il n’en a rien été ; les fameux Special
Purpose Vehicles d’ENRON vilipendés en 2002 sont réapparus et ont plus que
prospéré à partir de 2004. C’est plus par la responsabilité et l’équilibre des
pouvoirs que l’on progressera, que par des textes législatifs.
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Cet article écrit durant la crise a pour limite :


• Un recul encore limité sur la perception des effets de la crise.
• Une difficulté à mesurer concrètement les changements profonds qui sont
ou ne sont pas apparus dans l’intimité des conseils.
• Un souhait d’analyse sur le plan pratique de la gouvernance et non pas de
s’immerger dans un débat théorique sur ce sujet, car il est pour nous
illusoire et inefficace.

Le développement ultérieur de nos travaux pourra toucher à la difficile question de


la maîtrise de la compréhension de la complexité de l’activité financière par des
conseils d’administration qui ne sont pas composés de spécialistes.

BIBLIOGRAPHIE

Cadbury A., « Rapport sur le Corporate Governance », 1992.


Huveneers C. et Steinherr A., 1993, « Economie industrielle des institutions
bancaires réglementation, structure, performance », Revue d’économie
financière N° 27.
La Porta R., Lopez de Silanes, Shleifer A. and Vishny R., “Investor protection and
corporate governance”, Journal of Financial Intermediation, Vol 58, P 3-27,
2000.
Fama, “Agency problems and the theory of the firm”, Journal of Political Economy,
1980.
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