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19

Nombres complexes et géométrie


euclidienne

Le corps C des nombres complexes est supposé construit (voir le chapitre 7).
On rappelle que C est un corps commutatif et un R-espace vectoriel de dimension 2, de base
canonique (1, i) où i est une solution complexe de l’équation x2 + 1 = 0.

19.1 Le plan affine euclidien


On suppose connu le plan affine euclidien que l’on note P et que l’on munit d’un repère


orthonormé R = (O, → −
e1 , −

e2 ) , en désignant par P le plan vectoriel associé à P.
Nous rappelons rapidement quelques notions utiles pour la suite.
Un point M ∈ P est repéré par ses coordonnées (x, y) ∈ R2 , ce qui signifie qu’on a l’égalité
−−→ −

OM = x− →
e1 + y → −
e2 dans P .
On notera :


– −

v1 · −

v2 = x1 x2 + y1 y2 : le produit scalaire des vecteurs − →
v1 et −

v2 de P ;
– detB (−
→v1 , −

v2 ) = xq −
→ − → −
→ − →
1 y2 − x2 y1 : le déterminant de ( v1 , v2 ) dans la base B = ( e1 , e2 ) ;
°−→ °
° °
– AB = °AB ° = (xB − xA )2 + (yB − yA )2 : la distance de A à B dans P.
³− −0 ´
→0 → →

0
On rappelle que si B = e1 , e2 est une autre base de P , on a :

detB (−

v1 , −

v2 ) = detB (B 0 ) detB0 (→

v1 , −

v2 )

Dans le cas où B 0 est orthonormée comme B, on a detB (B 0 ) = ±1.




On rappelle aussi que la base B 0 définit la même orientation de P que B si, et seulement si,
detB (B 0 ) > 0.
En se fixant une base B, on écrira det pour detB .

19.2 Le plan d’Argand-Cauchy


Le plan P est muni d’un repère orthonormé R = (O, −

e1 , −

e2 ) .

Théorème 19.1 L’application ϕ [resp. → −ϕ ] qui associe à tout nombre complexe z = x + iy le



→ −

point ϕ (z) ∈ P [resp. le vecteur ϕ (z) ∈ P ] de coordonnées (x, y) dans le repère R [resp. dans


la base (−

e1 , →

e2 )] réalise une bijection de C sur P [resp. sur P ].

325
326 Nombres complexes et géométrie euclidienne

Démonstration. Résulte du fait que tout nombre complexe [resp. tout point de P ou tout


vecteur de P ] est uniquement déterminé par sa partie réelle et sa partie imaginaire [resp. par
ses coordonnées dans le repère R ou dans la base (−

e1 , −

e2 )].


Tout point M du plan affine P [resp. tout vecteur − →v du plan vectoriel P ] s’écrit donc de
manière unique M = ϕ (z) [resp. →−
v =− →
ϕ (z)] et peut ainsi être identifié au nombre complexe
z.

Remarque 19.1 Les bijections ϕ et −



ϕ dépendent du repère orthonormé R choisi.

Remarque 19.2 L’application → −


ϕ est linéaire et donc réalise un isomorphisme d’espace vecto-


riel de C sur P , puisqu’elle est bijective.

Le plan P muni de cette identification est appelé plan complexe ou plan d’Argand-Cauchy.


Si M ∈ P [resp. → −v ∈ P ] s’écrit M = ϕ (z) [resp. −→
v =→ −
ϕ (z)], on dit que z est l’affixe de M

→ −

[resp. l’affixe de v ] et M [resp. v ] le point [resp. vecteur] image de z.
−−→ −−→
On a ϕ (0) = O, le vecteur OM est le vecteur image de z et z est l’affixe de OM . Précisément
si z = x + iy, on a :
−−−−−−→ −−→
ϕ (0) ϕ (z) = OM = x− →e1 + y −

e2 = −

ϕ (z)
ce qui peut s’écrire dans P :
ϕ (z) = ϕ (0) + −

ϕ (z)
et s’interprète en disant que ϕ est une application affine de C dans P d’application linéaire
associée −→
ϕ (le plan vectoriel C est naturellement muni d’une structure d’espace affine).
En utilisant cette identification entre P et C, on peut donner les interprétations géométriques
suivantes où a, b, z, z 0 désignent des nombres complexes et A, B, M, M 0 leurs images respectives
dans P.
1. L’axe O = R→
x

e est identifié à l’ensemble des nombres réels.
1

2. L’axe Oy = R− →
e2 est identifié à l’ensemble des imaginaires purs.
−→ −→ −−→ −→ −−→ −→
3. a + b est l’affixe du vecteur OC = OA + OB et b − a l’affixe du vecteur AB = OB − OA
(résulte de la linéarité de →−
ϕ ).

¡ ¢ −−→ −−→
4. < zz 0 = < (zz 0 ) = xx0 + yy 0 = OM · OM 0 .
³−−→ −−→´
5. = (zz ) = xy − x y = det OM , OM 0 .
0 0 0
Équations complexes des droites et cercles du plan 327

−−→ −−→ ³−−→ −−→´


6. zz 0 = < (zz 0 ) + i= (zz 0 ) = OM · OM 0 + i det OM , OM 0 .
7. Si A, B, C sont deux à deux distincts, alors ces points sont alignés si, et seulement si, il
−→ −→ b−a
existe un réel λ tel que AB = λAC, ce qui équivaut à dire que est réel.
c−a
On peut aussi dire que A, B, C sont alignés si, et seulement si :
³−→ −→´
det AC, AB = = ((b − a) (c − a)) = 0

ce qui équivaut à dire que (b − a) (c − a) est réel.


8. Si les points A, B, C, D sont deux à deux distincts, alors les droites (AB) et (CD) sont
orthogonales si, et seulement si :
−→ −−→ ¡ ¡ ¢¢
AB · CD = < (b − a) d − c = 0
¡ ¢
ce qui équivaut à dire que (b − a) d − c est imaginaire pur.

Remarque 19.3 Si u, v sont deux nombres complexes avec v non nul, on a les équivalences :
µ ¶
u 1
= 2 uv est réel ⇔ (uv est réel)
v |v|
et : µ ¶
u 1
= 2 uv est imaginaire pur ⇔ (uv est imaginaire pur)
v |v|
En utilisant les propriétés 7. et 8. précédentes, on en déduit que si A, B, C, D sont des points
deux à deux distincts, alors :
µ ¶
b−a
(A, B, C sont alignés) ⇔ ((b − a) (c − a) ∈ R) ⇔ ∈R
c−a
et :
µ ¶
¡ ¡ ¢ ¢ b−a
((AB) et (CD) sont orthogonales) ⇔ (b − a) d − c ∈ iR ⇔ ∈ iR
d−c

Dans ce qui suit, on identifie le plan d’Argand-Cauchy P à C.


Si A, B, M, M 0 , Ω, · · · sont des points de P, nous noterons a, b, z, z 0 , ω, · · · (noter que les
affixes de points variables M, M 0 , · · · sont notées z, z 0 , · · · ).

19.3 Équations complexes des droites et cercles du plan


19.3.1 Droites dans le plan complexe
Soit D une droite passant par deux points distincts A, B. Dire que M appartient à D
¡ équivaut
¢
à dire que les points A, M, B sont alignés, ce qui équivaut encore à dire que (z − a) z − b est
réel, soit : ¡ ¢
(z − a) z − b = (z − a) (z − b)
ce qui s’écrit : ¡ ¢ ¡ ¢
b − a z − (b − a) z − ab − ab = 0
328 Nombres complexes et géométrie euclidienne
¡ ¢
le nombre complexe ab − ab = 2i= ab étant imaginaire pur. En multipliant par i, une équation
complexe de la droite D est alors :

βz + βz + γ = 0 (19.1)

où β = i (a − b) ∈ C∗ et γ est réel.
Le nombre complexe β = i (a − b) est l’affixe d’un vecteur −
→v qui est orthogonal à D. En
effet, on a :

− −→ ¡ ¢ ¡ ¢
v · AB = < β (b − a) = < i |b − a|2 = 0.
On peut aussi aboutir à ce résultat en utilisant une équation cartésienne de D :

ux + vy + w = 0
1 1
avec (u, v) ∈ R2 \ {(0, 0)} et w ∈ R. En écrivant que x = (z + z) et y = (z − z) pour M
2 2i
d’affixe z, cette équation devient :

u (z + z) − vi (z − z) + 2w = 0

soit :
(u − iv) z + (u + iv) z + 2w = 0
avec β = u + iv affixe du vecteur −
→v = u− →
e1 + v −

e2 orthogonal à D.
Réciproquement une équation du type (19.1) définit une droite. En effet, en écrivant z =
x + iy, β = u + iv, cette équation devient :

(u − iv) (x + iy) + (u + iv) (x − iy) + γ = 0

soit :
γ
ux + vy + =0
2
et c’est une droite dirigée par le vecteur d’affixe −v + iu = iβ (ou orthogonale au vecteur
d’affixe β = u + iv).

19.3.2 Cercles dans le plan complexe


Soit C un cercle de centre Ω et de rayon R > 0 dans le plan P.
Dire que M ∈ C équivaut à dire que :

(x − xΩ )2 + (y − yΩ )2 = R2

ce qui se traduit dans le plan complexe par :

|z − ω|2 = R2

et peut aussi s’écrire :

(z − ω) (z − ω) = zz − ωz − ωz + |ω|2 − R2 = 0

Une équation complexe de ce cercle C est donc :

zz − ωz − ωz + γ = 0 (19.2)

où γ = |ω|2 − R2 est réel avec |ω|2 − γ = R2 > 0.


Interprétation géométrique du module d’un nombre complexe 329

Réciproquement une telle équation définit un cercle. En effet, en écrivant z = x + iy, ω =


u + iv, cette équation devient :

x2 + y 2 − 2ux − 2vy + γ = 0

soit :
(x − u)2 + (y − v)2 + γ − u2 − v 2 = 0
+ v 2 − γ = |ω|2 − γ (ce réel est positif), on constate qu’on a le cercle de
et en posant R2 = u2q
centre ω et de rayon |ω|2 − γ.
On a donc montré le résultat suivant.

Théorème 19.2 Toute équation de la forme :

αzz + βz + βz + γ = 0

où α, γ sont des réels et β un nombre complexe représente :


– l’ensemble C tout entier si α = β = γ = 0 ;
– l’ensemble vide si α = β = 0 et γ 6= 0 ;
– une droite dirigée par le vecteur d’affixe iβ (ou orthogonale vecteur d’affixe β) si α = 0 et
β 6= 0 ;
|β|2 γ
– l’ensemble vide si α 6= 0 et 2 − < 0 ;
α α r 2
β |β| γ |β|2 γ
– le cercle de centre ω = − et de rayon − si α 6= 0 et 2 − ≥ 0.
α α2 a α α

19.4 Interprétation géométrique du module d’un nombre


complexe
A priori, a, b, z, z 0 , ω désignent des nombres complexes et A, B, M, M 0 , Ω leurs images res-
pectives dans P relativement à un repère orthonormé R = (O, − →
e1 , −

e2 ) .

19.4.1 Module et distance euclidienne


Théorème 19.3
p
1. |z| = OM = x2 + y 2 est la distance de O à M ;
2. |b − a| = AB est la distance de A à B ;
3. l’ensemble des nombres complexes z tels que |z − ω| = ρ est identifié au cercle de centre
Ω et de rayon ρ ≥ 0 ;
4. l’ensemble des nombres complexes z tels que |z − ω| < ρ [resp. |z − ω| ≤ ρ] est identifié
au disque ouvert [resp. fermé] de centre Ω et de rayon ρ ≥ 0 ;
5. pour A 6= B, le point M est sur la médiatrice du segment [AB] si, et seulement si,
|z − a| = |z − b| .

Démonstration. Il suffit de vérifier.


330 Nombres complexes et géométrie euclidienne
³ − → →−´
Remarque 19.4 Si R0 = O0 , e01 , e02 est un autre repère orthonormé de P, en désignant par
M 0 = ϕ0 (z) l’image dans P du nombre complexe z = x + iy relativement à R0 , on a :
°−−−→°2 ° → −0 ° °−−→°2
° 0 0° ° −0 → °2 2 2 2 ° °
°O M ° = °x e1 + y e2 ° = x + y = |z| = °OM °

et |z| = OM est bien indépendant du repère orthonormé choisi. On peut donc aussi définir le
module de z comme la distance de O à M où M = ϕ (z) et O = ϕ (0) , ϕ étant la bijection de
C sur P relative à un repère quelconque R.

Remarque 19.5 L’équation complexe |z − a| = |z − b| de la médiatrice du segment [AB]


s’écrit aussi |z − a|2 − |z − b|2 = 0, soit :
¡ ¢ ¡ ¢
a − b z + (a − b) z + |b|2 − |a|2 = 0

et c’est une droite dirigée par le vecteur →



u d’affixe iβ = i (a − b) (ou orthogonale au vecteur

→ a+b
v d’affixe β = b − a). On constate que le point I d’affixe z = , c’est-à-dire le milieu de
2
[A, B] , est bien sur cette médiatrice.
Une équation complexe de cette médiatrice est donc :
a+b
z= + iλ (b − a)
2
où λ décrit R.

19.4.2 L’égalité du parallélogramme


L’égalité suivante valable pour tous nombres complexes z et z 0 :
2 ¡ ¢ 2
|z + z 0 | = |z|2 + 2< zz 0 + |z 0 |

se traduit géométriquement par :

k−
→u +− →v k = k→ −
u k + 2− →
u ·−
→v + k→ −
2 2 2
vk (19.3)


pour tous vecteurs −

u ,−
→v du plan euclidien P .
De cette identité, on déduit que :
³ ´
2 2 2
|z + z 0 | + |z − z 0 | = 2 |z|2 + |z 0 |

qui se traduit géométriquement par :


³ ´
k−

u +→

v k + k−

u −−

v k = 2 k−

u k + k−

2 2 2 2
vk

et s’interprète en disant que la somme des carrés des diagonales d’un parallélogramme est égale
à la somme des carrés des cotés. En effet, en notant M 00 le point d’affixe z + z 0 , OM M 00 M 0 est
un parallélogramme avec :
−−−−→ −−−→ −−→
– |z| = OM = M 0 M 00 puisque l’affixe de M 0 M 00 = OM 00 − OM 0 est z + z 0 − z 0 = z ;
−−−→ −−−→ −−→
– |z 0 | = OM 0 = M M 00 , puisque l’affixe de M M 00 = OM 00 − OM est z + z 0 − z = z 0 ;
– |z + z 0 | = OM 00 (une diagonale) et |z 0 − z| = M M 0 (l’autre diagonale).
Cette identité du parallélogramme est caractéristiques des normes qui se déduisent d’un
produit scalaire.
Nous reviendrons sur cette identité du parallélogramme au paragraphe sur le triangle.
Interprétation géométrique du module d’un nombre complexe 331

M M 00

O M0

Fig. 19.1 – OM 002 + M M 02 = 2 (OM 2 + OM 02 )

19.4.3 L’inégalité de Cauchy-Schwarz


L’inégalité de Cauchy-Schwarz dans C :
¯ ¡ ¢¯
¯< zz 0 ¯ ≤ |z| |z 0 |

l’égalité étant réalisée si, et seulement si, z et z 0 sont liés sur R (théorème 7.5), nous permet de


retrouver la même inégalité dans le plan euclidien P :
|→
−u ·−→v | ≤ k− →
u k k−
→vk
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, les vecteurs −

u et →

v sont liés.
De cette inégalité, on déduit l’inégalité triangulaire dans C :
|z + z 0 | ≤ |z| + |z 0 |
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, z et z 0 sont positivement liés sur R (théorème 7.6),


qui nous permet de retrouver la même inégalité dans le plan euclidien P :
k−

u +− →v k ≤ k− →
u k + k→
−vk
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, les vecteurs −

u et →

v sont positivement liés.
Cette inégalité triangulaire s’interprète en disant que dans un vrai triangle ABC la longueur
d’un coté est strictement inférieure à la somme des longueurs des deux autres cotés :
°−−→° °−→ −→°
° ° ° °
°BC ° = °AC − AB ° = |z − z 0 |
°−→° °−→°
0 ° ° ° °
< |z| + |z | = °AC ° + °AB °
−→ −→
en notant z l’affixe de AC et z 0 celle de AB.
De manière plus générale, on a vu que pour toute suite finie z1 , · · · , zn de nombres complexes
non nuls avec n ≥ 2, on a : ¯ n ¯
¯X ¯ X n
¯ ¯
¯ zk ¯ ≤ |zk |
¯ ¯
k=1 k=1
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, il existe des réels λ2 , · · · , λn tels que zk = λk z1 pour
k = 2, · · · , n (exercice 7.7). Du point° de vue °géométrique, en désignant par Mk les points
°P n −−−→° Pn °− °
° −−→°
d’affixe zk , on en déduit que l’égalité °° OM °
k° = ° OM k ° équivaut à dire que les points
k=1 k=1
O, M1 , · · · , Mn sont alignés sur la demi-droite [OM1 ) .
332 Nombres complexes et géométrie euclidienne

19.5 Lignes de niveau associées aux module


Si X est une partie non vide de C et f une application de C dans R, on appelle lignes de
niveau associées a f les sous-ensembles Eλ de C définis par :

Eλ = {z ∈ X | f (z) = λ}

où λ décrit R.
À chaque ligne de niveau Eλ , on associe la partie Eλ de P formée des points d’affixes z ∈ Eλ .
On identifiera les ensembles Eλ et Eλ .
Précisément, on a : © ª
Eλ = M ∈ P | f ◦ ϕ−1 (M ) = λ
Par exemple pour ω ∈ C donné, les lignes de niveau de :

f : z 7→ |z − ω|

sont définies par :



 ∅ si λ < 0,
Eλ = {Ω} si λ = 0,

le cercle de centre Ω et de rayon λ si λ > 0.
Du cours sur les coniques, on déduit les résultats suivants.
Pour a 6= b donnés C, les lignes de niveau de :

f : z 7→ |z − a| + |z − b|

sont définies par :



 ∅ si λ < |a − b| ,
Eλ = le segment [AB] si λ = |a − b| ,

l’ellipse de foyers A, B et de grand axe λ si λ > |a − b| .
Pour a 6= b donnés C, les lignes de niveau de :

f : z 7→ ||z − a| − |z − b||

sont définies par :



 ∅ si λ > |a − b| ,
Eλ = la droite (AB) privée du segment ouvert ]AB[ si λ = |a − b| ,

l’hyperbole de foyers A, B et de grand axe λ si λ < |a − b| .

En utilisant la représentation complexe des droites et cercles (théorème 19.2), on peut étudier
les lignes de niveau de la fonction :
|z − b|
f : z ∈ C \ {a} 7→
|z − a|
Pour tout réel λ, on a :
½ ¾
|z − b|
Eλ = z ∈ C \ {a} | = λ = {z ∈ C | |z − b| = λ |z − a|}
|z − a|
Pour λ < 0, cet ensemble est vide et pour λ = 0, il est réduit à {b} .
Lignes de niveau associées aux module 333

Théorème 19.4 (Appolonius) Soient a, b deux nombres complexes distincts et λ un réel


strictement positif. La ligne de niveau :
Eλ = {z ∈ C | |z − b| = λ |z − a|}
est identifiée dans P à la médiatrice du segment [AB] si λ = 1 ou au cercle de centre Ω d’affixe
b − λ2 a λ |a − b|
2
et de rayon R = si λ 6= 1.
1−λ |1 − λ2 |
Démonstration. L’ensemble Eλ a pour équation :
|z − b|2 = λ2 |z − a|2
soit : ¡ ¢
(z − b) z − b = λ2 (z − a) (z − a)
c’est-à-dire :
αzz + βz + βz + γ = 0
où on a posé : 
 α = 1 − λ2
β = λ2 a − b

γ = |b|2 − λ2 |a|2
C’est donc une droite ou un cercle quand il n’est pas vide ou C tout entier.
Pour λ = 1, on a :
Eλ = {z ∈ C | |z − b| = |z − a|}
c’est donc l’ensemble des points équidistants de A et B, c’est-à-dire la médiatrice du segment
[AB] . Cette médiatrice ayant pour équation complexe :
¡ ¢ ¡ ¢
a − b z + (a − b) z + |b|2 − |a|2 = 0
(ce qui a été déjà vu avec la remarque 19.5).
Pour λ 6= 1, on a :
|β|2 γ |β|2 − αγ
− =
α2 α α2
avec :
¡ ¢¡ ¢ ¡ ¢¡ ¢
|β|2 − αγ = λ2 a − b λ2 a − b − 1 − λ2 |b|2 − λ2 |a|2
¡ ¢
= λ2 |a|2 + |b|2 − ab − ab = λ2 |a − b|2 > 0
β b − λ2 a λ |a − b|
et Eλ est le cercle de centre Ω ayant pour affixe ω = − = et de rayon R = .
α 1 − λ2 |1 − λ2 |

Remarque 19.6 Pour λ = 1, la médiatrice du segment [A, B] coupe le plan affine en deux
demi-plans respectivement définis par les inéquations complexes |z − b| < |z − a| (c’est le demi-
plan qui contient b) et |z − b| > |z − a| (c’est le demi-plan qui contient a).
Remarque 19.7 Pour λ 6= 1, on a :
1 λ2
ω =a+ (b − a) = b + (b − a)
1 − λ2 1 − λ2
et le centre Ω du cercle Eλ est sur la droite (AB) privée du segment [AB] (pour |λ| > 1, on a
1 λ2
< 0, donc Ω est sur la demi-droite ]−∞, A] , et pour |λ| < 1, on a > 0, donc Ω
1 − λ2 1 − λ2
est sur la demi-droite [B, +∞[).
334 Nombres complexes et géométrie euclidienne

Remarque 19.8 Pour λ 6= 1, l’égalité (1 − λ2 ) ω = b − λ2 a, se traduit par :


¡ ¢ −→ −−→ −→
1 − λ2 OΩ = OB − λ2 OA

et signifie que le centre Ω est le barycentre de (A, −λ2 ) et (B, 1) . On retrouve le fait que ce
centre est sur la droite (AB) .

Remarque 19.9 Pour λ 6= 1, les points de Eλ ∩ (AB) sont ceux dont l’affixe z est telle que :
½
|z − ω| = R
z = ω + t (b − a)

où t est un réel. Pour de tels points, on a :

λ |a − b|
|z − ω| = |t| |b − a| = R =
|1 − λ2 |
et :
λ
t=±
|1 − λ2 |
Pour λ > 1, on a les deux solutions :
λ 1 λ
c=ω+ (b − a) = a + (b − a) + (b − a)
λ2 − 1 1 − λ2 λ2 − 1
λ−1 1 λ 1
=a+ 2 (b − a) = a + (b − a) = a+ b
λ −1 λ+1 λ+1 λ+1
et :
λ 1 λ
d=ω− (b − a) = a + (b − a) − (b − a)
λ2 − 1 1 − λ2 λ2 − 1
λ+1 1 λ 1
=a− 2 (b − a) = a − (b − a) = a− b
λ −1 λ−1 λ−1 λ−1
ou encore : ½
(λ + 1) c = λa + b
(λ − 1) c = λa − b
ce qui signifie que Eλ ∩ (AB) = {C, D} où C est le barycentre de (A, λ) et (B, 1) et D le
barycentre de (A, λ) et (B, −1) .
On procède de manière analogue pour 0 < λ < 1.

Par exemple, pour a = 0, b = −3 et λ = 2, l’ensemble :

Eλ = {z ∈ C | |z + 3| = 2 |z|}

est le cercle de centre 1 et de rayon 2.

Exercice 19.1 Déterminer l’ensemble E des nombres complexes z tels que |z − i| = |z − iz| =
|z − 1| .

Lignes de niveau associées aux module

0
A

z1
M

Fig. 19.2 – |z + 3| = 2 |z|

2
335

−3 −2 −1 0 1 2
−1
z2
−2

−3

Fig. 19.3 – |z − i| = |z − iz| = |z − 1|

Solution 19.1 L’ensemble :


n √ o
E1 = z ∈ C | |z − i| = |z − iz| = 2 |z|

est le cercle de centre −i et de rayon 2 et l’ensemble :
E2 = {z ∈ C | |z − i| = |z − 1|}
est la médiatrice du segment [1, i] . L’ensemble E est l’intersection de ces ensembles, soit :
( √ √ )
1+ 3 3−1
E= − (1 + i) , (1 + i)
2 2

(figure 19.3).
Exercice 19.2
1. Montrer que pour tous nombres complexes a, b, z, on a :
¯ ¯2
2 2
¯
¯ a + b ¯¯ |b − a|2
|z − a| + |z − b| = 2 ¯z − +
2 ¯ 2
336 Nombres complexes et géométrie euclidienne

2. Déterminer l’ensemble C des points M de P tels que :

M A2 + M B 2 = λ

où λ est un réel donné (lignes de niveau de f : z 7→ |z − a|2 + |z − b|2 ).

Solution 19.2
a+b a+b
1. En posant z = + t (ce qui revient à placer l’origine en I d’affixe , c’est-à-dire
2 2
au milieu du segment [A, B]), on a :
¯ ¯2 ¯ ¯2
¯ b − a ¯¯ ¯ b − a ¯¯
2 2 ¯
|z − a| + |z − b| = ¯t + ¯
+ ¯t −
2 ¯ 2 ¯
à ¯ ¯2 !
¯ b − a ¯
= 2 |t|2 + ¯¯ ¯
2 ¯
¯ ¯2
¯
¯ a + b ¯
¯ |b − a|2
= 2 ¯z − +
2 ¯ 2

2. Désignant par I le milieu de [A, B] , l’identité précédente s’écrit :

|b − a|2
M A2 + M B 2 = 2M I 2 +
2
et l’égalité M A2 + M B 2 = λ se traduit par :

2λ − |b − a|2
M I2 =
4
Il en résulte que :
|b − a|2
– C = ∅ pour λ < ;
2
|b − a|2
– C = {I} pour λ = ;
2 q
2λ − |b − a|2 |b − a|2
– C est le cercle de centre I et de rayon pour λ > .
2 2

19.6 Interprétation géométrique de l’argument d’un nombre


complexe
On rappelle que pour tout nombre complexe non nul z, il existe un réel θ tel que :
z
= cos (θ) + i sin (θ) = eiθ
|z|

et un tel réel est unique s’il est pris dans ]−π, π] .


On dit que le réel θ est un argument de z et on dit que c’est l’argument principal s’il est pris
dans ]−π, π] .
Par abus de langage, on écrira θ = arg (z) quand il n’y a pas d’ambiguïté.
On suppose toujours P muni d’un repère orthonormé R = (O, − →
e1 , −

e2 ) .
Interprétation géométrique de l’argument d’un nombre complexe 337

En utilisant la forme polaire des nombres complexes et l’identité :

z1 z2 = < (z2 z2 ) + i= (z2 z2 ) = −



v1 · −

v2 + i det (−

v1 , →

v2 )

on peut définir les mesures d’un angle orienté de deux vecteurs non nuls − →v1 et − →
v2 .
iθ →
− −

Pour ce faire on écrit que z1 z2 = ρe où ρ = |z1 z2 | > 0 ( v1 et v2 sont non nuls) et θ ∈ R est
un argument de z1 z2 .
On dit alors que θ est une mesure de l’angle orienté de vecteurs (− →v1 , →

v2 ) , relativement au
repère orthonormé R = (O, − →
e1 , →

e2 ) . ³ −
0 0
−0 ´
→0 →
Si les affixes sont considérées relativement à un autre repère orthonormé R = O , e1 , e2 ,
en notant z 0 l’affixe du vecteur → −
v relativement à R0 , on a :

z10 z20 = −

v1 · −

v2 + i detB0 (−

v1 , →

v2 )

avec :
detB0 (→
− v2 ) = detB0 (B) detB (−
v1 , −
→ →
v1 , −

v2 ) = ± detB (−

v1 , −

v2 )
(le calcul du produit scalaire →−
v1 · →

v2 ne dépend pas du choix d’une base orthonormée). Dans le
cas où R définit la même orientation que R, on aura detB0 (B) = 1 et z10 z20 = z1 z2 .
0

Cette définition d’une mesure d’angle orienté de vecteur est donc indépendante du choix
d’un repère orthonormé orienté.
On suppose donc ici que P est orienté par le choix d’un repère orthonormé R = (O, − →
e1 , −

e2 ) .
Tout repère orthonormé définissant la même orientation que R est dit direct.


Remarque 19.10 Le choix d’une orientation de P nous permet de définir sans ambiguïté la
mesure principale dans ]−π, π] d’un angle de vecteurs. Ce choix d’une orientation correspond
au choix d’une racine carrée i de −1 dans C.

Par abus de langage, on notera (−→


v1 , −

v2 ) une mesure de l’angle orienté de vecteurs. (−

v1 , −

v2 ) .
On peut remarquer que :
µ ¶

→ →
− z2
θ = ( v1 , v2 ) = arg (z1 z2 ) = arg .
z1

Une telle mesure d’angle orienté est donc définie par :


½ →−
v1 · −

v2 = ρ cos (θ) = k− →
v1 k k →

v2 k cos (θ)
det ( v1 , v2 ) = ρ sin (θ) = k v1 k k−

→ →
− −
→ →
v2 k sin (θ)

On vérifie facilement que pour tout réel non nul λ, on a (λ− →


v1 , λ−
→v2 ) = (−

v1 , −

v2 ) . En particulier,

→ −
→ →
− −

(− v1 , − v2 ) = ( v1 , v2 ) .
Les vecteurs − →
v1 et → −v2 sont orthogonaux si, et seulement si, −→
v1 · −→
v2 = 0, ce qui équivaut à
π
cos (θ) ou encore à θ = modulo π.
2
De l’identité (19.3) , on déduit que :

k−

u +−

v k = k−

u k + 2 k−

u k k−

v k cos (θ) + k−

2 2 2
vk
π
Pour θ = modulo π, on retrouve le théorème de Pythagore.
2
Les vecteurs −→
v1 et −

v2 sont colinéaires si, et seulement si, det (→

v1 , −

v2 ) = 0, ce qui équivaut à
sin (θ) ou encore à θ = 0 modulo π, soit θ ∈ {0, π} pour la détermination principale.
338

³−→

−→ −→
−→

−→ −→ °

°
°°
°−→° °−→°
°°
°





³−→ −→´

(AB · AC = − °AB ° °AC ° < 0) (figure 19.4).

C
−−

−

→ −→

→ −→
Nombres complexes et géométrie euclidienne

On en ´déduit que les points deux à deux distincts A, B, C sont alignés si, et seulement si,
AB, AC ≡ 0 modulo π. Précisément, en utilisant la détermination principale de la mesure
³−→ −→´

AB, AC ≡ 0 (2π)

AB, AC ≡ π (2π)

Fig. 19.4 – Points alignés


C

B
−→
−→

Si les points A, B, C sont deux à deux distincts alors un argument de


c−a
−→
d’angle (ou de l’argument), on aura AB, AC = 0 si, et seulement si, AC = λAB avec λ > 0
−→
(AB · AC = °AB ° °AC ° > 0) et AB, AC = π si, et seulement si, AC = λAB avec λ < 0
°−→° °−→°

¡ ¢
(ou de b − a (c − a))
³−→ −→´ b−a
est une mesure de l’angle orienté θA = AB, AC et on a :
 −→ −→

 AB · AC

 cos (θA ) = AB · AC
³−→ −→´ (19.4)

 det AB, AC

 sin (θ ) =
A
AB · AC
En utilisant les propriétés de l’argument, on obtient les résultat suivants.
– Si A, B, C dans P sont deux à deux distincts, alors ces points sont alignés si, et seulement
si, arg (b − a) ≡ arg (c − a) modulo π. µ ¶
b−a
En effet dire que A, B, C sont alignés équivaut à dire que arg ≡ 0 (π) et avec
µ ¶ c−a
b−a
arg ≡ arg (b − a) − arg (c − a) (2π) , on a le résultat annoncé.
c−a
– µ ¶ µ ¶

− −
→ z1 z2
( v2 , v1 ) ≡ arg ≡ − arg ≡ − (−→v1 , −

v2 ) (2π)
z2 z1
– La relation de Chasles sur les mesures d’angle :

(−

v1 , −

v2 ) + ( →

v2 , −

v3 ) ≡≡ (→

v1 , −

v3 ) (2π)
Lignes de niveau associées à l’argument 339

En effet, on a :
µ ¶ µ ¶

→ −
→ →
− −
→ z2 z3
( v1 , v2 ) + ( v2 , v3 ) ≡ arg + arg
z z2
µ ¶1
z3
≡ arg ≡ (→

v1 , −

v3 ) (2π)
z1

19.7 Lignes de niveau associées à l’argument


Le plan P est muni d’un repère orthonormé direct R = (O, − →
e1 , −

e2 )
On s’intéresse tout d’abord à l’étude des lignes de niveau de la fonction :

f : z ∈ C \ {ω} 7→ arg (z − ω)

où ω est un nombre complexe donné, cette fonction étant a priori à valeurs dans le groupe
R
quotient .
2πZ
Pour tout nombre réel θ, on note :

Eθ = {z ∈ C \ {ω} | arg (z − ω) ≡ θ (2π)}

et Eθ est la partie de P correspondante, c’est l’ensemble :


n ³ −−→´ o


Eθ = M ∈ P \ {Ω} | e1 , ΩM ≡ θ (2π)

Théorème 19.5 Si θ est un nombre réel, alors l’ensemble Eθ est identifié à la demi-droite
passant par le point Ω d’affixe ω et d’angle polaire θ privée du point Ω, soit :
n −−→ o
Eθ = M ∈ P | ΩM = ρ (cos (θ) − →
e1 + sin (θ) −

e2 ) avec ρ > 0

(figure 19.5).

λ

Fig. 19.5 –
340 Nombres complexes et géométrie euclidienne

Démonstration. Un nombre complexe z est dans Eθ si, et seulement si, il s’écrit z = ω+ρeiθ
−−→
avec ρ > 0, ce qui se traduit dans le plan P par ΩM = ρ− →v avec ρ > 0, où → −v = cos (θ) −

e1 +
sin (θ) →

e2 est le vecteur d’affixe eiθ . L’ensemble Eθ est donc la demi droite d’origine Ω et dirigée
par −→
v.

Remarque 19.11 De manière analogue, on vérifie que l’ensemble :

Eθ = {z ∈ C \ {ω} | arg (z − ω) ≡ θ (π)}

est identifié à la droite passant par le point Ω d’affixe ω et d’angle polaire θ privée du point Ω.

L’étude des lignes de niveau de la fonction :


µ ¶
z−a
f : z ∈ C \ {a, b} 7→ arg
z−b

où a, b sont deux nombres complexes distincts, nous fournira un critère de cocyclicité de 4 points
du plan.
On s’intéresse tout d’abord aux lignes de niveau :
½ µ ¶ ¾
z−a
Eθ = z ∈ C \ {a, b} | arg ≡ θ (π)
z−b

R
où θ est un réel donné. La fonction f est dans ce cas à valeurs dans le groupe quotient .
πZ
On note Eθ la partie de P correspondante, c’est l’ensemble :
n ³−−→ −−→´ o
Eθ = M ∈ P \ {A, B} | M A, M B ≡ θ (π)

Lemme 19.1 Soient z ∈ C∗ et θ ∈ R. On a :


¡ ¢
(arg (z) ≡ θ (π)) ⇔ z = ze2iθ

Démonstration. On désigne par α un argument de z. On a donc z = |z| eiα et :


¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
(arg (z) ≡ θ (π)) ⇒ z = ± |z| eiθ ⇒ z 2 = |z|2 e2iθ = zze2iθ ⇒ z = ze2iθ

Réciproquement, supposons que z = ze2iθ . On a alors :

z = |z| eiα = ze2iθ = |z| ei(2θ−α)

et α ≡ 2θ − α (2π) , soit α ≡ θ (π) .


Dans le cas où θ ≡ 0 (π) , on retrouve :
¡ ¢
(z ∈ R) ⇔ z = z = ze2iθ ⇔ (arg (z) ≡ 0 (π))

Théorème 19.6 Si a, b sont deux nombres complexes distincts et θ un réel, alors l’ensemble :
½ µ ¶ ¾
z−a
Eθ = z ∈ C \ {a, b} | arg ≡ θ (π)
z−b

est identifié à :
– la droite (AB) privée des points A et B si θ est congru à 0 modulo π ;
Lignes de niveau associées à l’argument 341

M
N

A Ω

Fig. 19.6 –

a+b b−a
– au cercle de centre Ω ayant pour affixe ω = − i cotan (θ) et de rayon R =
¯ ¯ 2 2
1 ¯b − a¯
¯ ¯ privé des points A et B si θ n’est pas congru à 0 modulo π. (figure 19.6).
|sin (θ)| ¯ 2 ¯

Démonstration.
µ ¶ On a déjà vu que les points M, A, B sont alignés si, et seulement si,
z−a
arg ≡ 0 (π) , donc pour θ ≡ 0 (π) , Eθ est la droite (AB) privée des points A et B.
z−b
z−a
En désignant par α un argument de , pour z ∈ C \ {a, b} , en utilisant le lemme
z−b
précédent, on a :
µ µ ¶ ¶ µ ¶
z−a z−a z − a 2iθ
arg ≡ θ (π) ⇔ = e
z−b z−b z−b
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
⇔ 1 − e2iθ zz + ae2iθ − b z + be2iθ − a z + ab − abe2iθ = 0

Pour θ ≡ 0 (π) , on a e2iθ = 1 et la condition :


¡ ¢ ¡ ¢
b − a z − (b − a) z − ab − ab = 0

avec z ∈ C \ {a, b} , qui est bien l’équation de la droite (AB) privée de A et B.


Pour θ non congru à 0 modulo π, on peut diviser par 1 − e2iθ et on obtient l’équation :

ae2iθ − b be2iθ − a ab − abe2iθ


zz + z + z + =0
1 − e2iθ 1 − e2iθ 1 − e2iθ
342 Nombres complexes et géométrie euclidienne

En écrivant que 1 − e2iθ = −2i sin (θ) eiθ , cette équation s’écrit :

ae2iθ − b be2iθ − a ab − abe2iθ


zz − z − z − =0
2i sin (θ) eiθ 2i sin (θ) eiθ 2i sin (θ) eiθ
soit :
aeiθ − be−iθ beiθ − ae−iθ abe−iθ − abeiθ
zz − z− z− =0
2i sin (θ) 2i sin (θ) 2i sin (θ)
ou encore :
zz − ωz − ωz + γ = 0 (19.5)
en posant :
beiθ − ae−iθ
ω=
2i sin (θ)
et : ¡ ¢ ¡ ¢
abeiθ − abe−iθ 2i= abeiθ = abeiθ
γ= = = ∈ R.
2i sin (θ) 2i sin (θ) sin (θ)
Le nombre complexe ω peut s’écrire sous la forme :

(b − a) cos (θ) + i (b + a) sin (θ)


ω=
2i sin (θ)
a+b b−a
= − i cotan (θ) .
2 2
ab − abe2iθ a − be2iθ
En écrivant que γ = et ω = , on a :
1 − e2iθ 1 − e2iθ
¯ ¯ ¡ ¢¡ ¢
¯a − be2iθ ¯2 − ab − abe2iθ 1 − e−2iθ
2
|ω| − γ =
|1 − e2iθ |2
¡ ¢
|a|2 + |b|2 − 2< abe2iθ − ab + abe2iθ + abe−2iθ − ab
=
|1 − e2iθ |2
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
|a|2 + |b|2 − 2< abe2iθ − 2< ab + 2< abe2iθ
=
|1 − e2iθ |2
¡ ¢
|a|2 + |b|2 − 2< ab |b − a|2 |b − a|2
= = =
|1 − e2iθ |2 |1 − e2iθ |2 4 sin2 (θ)

a+b b−a
L’équation (19.5) est donc celle du cercle de centre ω = − i cotan (θ) et de rayon
2 2
|b − a|
R= .
2 |sin (θ)|
L’ensemble Eθ est donc le cercle de centre ω et de rayon R privé des points A et B.

Remarque 19.12 Les points A et B sont bien sur le cercle de centre ω et de rayon R puisque :
¯ ¯
¯b − a¯
¯
|a − ω| = |b − ω| = ¯ ¯ |1 + i cotan (θ)| = R
2 ¯
Lignes de niveau associées à l’argument 343

Remarque 19.13 Le centre du cercle Eθ , pour θ non congru à 0 modulo π, ayant une affixe de
a+b
la forme ω = +iλ0 (b − a) est sur la droite passant par le milieu de [AB] et perpendiculaire
2
à la droite (AB) , c’est-à-dire sur la médiatrice du segment [AB] .
π |b − a| a+b
En particulier, pour θ = , on a R = et ω = est l’affixe du milieu de [A, B] .
2 2 2
L’ensemble : n ³−−→ −−→´ π o
E π2 = M ∈ P \ {A, B} | M A, M B ≡ (π)
2
est donc le cercle de diamètre [A, B] privé des points A et B.

Remarque³19.14 Au´ vu du résultat obtenu, il eut été judicieux d’utiliser le repère orthonormé
→ →
− − →

direct R0 = O, e01 , e02 , où O est le milieu de [AB] et e01 dirige la droite (AB) (ce repère est-il,
a priori, si naturel que ça ?). Avec ce choix les affixes de A et B sont respectivement a0 et −a0
avec a0 réel non nul et le lieu géométrique :
n ³−−→ −−→´ o
Eθ = M ∈ P \ {A, B} | M A, M B ≡ θ (π)

correspond à la ligne di niveau :


½ µ ¶ ¾
0 0 z − a0
Eθ = z ∈ C \ {−a , a } | arg ≡ θ (π)
z + a0

On a alors :
µ µ ¶ ¶ µ ¶
z − a0 z − a0 z − a0 2iθ
arg ≡ θ (π) ⇔ = e
z + a0 z + a0 z + a0
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
⇔ 1 − e2iθ zz + a0 e2iθ + 1 z − a0 e2iθ + 1 z − a02 1 − e2iθ = 0
1 + e2iθ 01 + e
2iθ
⇔ zz + a0 z − a z − a02 = 0
1 − e2iθ 1 − e2iθ
⇔ zz + ia0 cotan (θ) z − ia0 cotan (θ) z − a02 = 0
⇔ zz − ωz − ωz + γ = 0

avec ω = ia0 cotan (θ) et γ = −a02 . Et comme :


¡ ¢ a02
|ω|2 − γ = a02 cotan2 (θ) + 1 =
sin2 (θ)

|a0 |
on reconnaît là le cercle centré en Ω d’affixe ω et de rayon R = avec |a0 | = OA =
¯ ¯ |sin (θ)|
AB ¯¯ b − a ¯¯
=¯ .
2 2 ¯

Remarque 19.15 Quand le point M sur le cercle Eθ tend vers B, la droite (BM ) devient
tangente au cercle et cette tangente TB fait un angle géométrique θ avec la droite (AB) .

On peut déduire du théorème 19.6 le critère de cocyclicité suivant.

Corollaire 19.1 Soient A, B, C, D des points deux à deux distincts. Ces points sont alignés ou
c−bd−a
cocycliques si, et seulement si, est réel.
c−ad−b
344 Nombres complexes et géométrie euclidienne

Démonstration. On a :
µ ¶ µ µ ¶ ¶
c−bd−a c−bd−a
∈ R ⇔ arg ≡ 0 (π)
c−ad−b c−ad−b
µ µ ¶ µ ¶ ¶
d−b c−b
⇔ arg ≡ arg (π)
d−a c−a
On distingue alors deux cas. µ ¶
c−b
Soit A, B, C sont alignés et dans ce cas arg ≡ 0 (π) , de sorte que :
c−a
µ ¶ µ µ ¶ ¶
c−bd−a d−b
∈ R ⇔ arg ≡ 0 (π) ⇔ (A, B, C, D alignés) .
c−ad−b d−a
µ ¶
c−b
Soit A, B, C ne sont pas alignés et dans ce cas arg ≡ θ (π) avec θ non congru à 0
c−a
modulo π, de sorte que :
µ ¶ µ µ ¶ ¶
c−bd−a d−b
∈ R ⇔ arg ≡ θ (π) ⇔ (A, B, C, D cocycliques) .
c−ad−b d−a

Théorème 19.7 Soient a, b deux nombres complexes distincts et θ un nombre réel. L’ensemble :
½ µ ¶ ¾
z−a
z ∈ C \ {a, b} | arg ≡ θ (2π)
z−b

est la droite (AB) privée du segment [AB] si θ ≡ 0 modulo 2π, le segment [AB] privé de A et
B si θ ≡ π modulo 2π, ou un arc de cercle d’extrémités A, B privé de ces points (arc capable),
si θ n’est pas congru à 0 modulo π.

En utilisant l’inégalité triangulaire avec son cas d’égalité dans C, on a le résultat suivant.

Théorème 19.8 (Ptolémée) Soient A, B, C, D des points deux à deux distincts. Le quadri-
latère convexe ABCD est inscriptible dans un cercle si, et seulement si, AC · BD = AB · CD +
AD · BC (le produit des diagonales est égal à la somme des produits des cotés opposés).

Démonstration. Dans tous les cas, on a :

AC · BD = |(c − a) (d − b)|
= |(b − a) (d − c) + (d − a) (c − b)|
≤ |(b − a) (d − c)| + |(d − a) (c − b)| = AB · CD + AD · BC

(inégalité de Ptolémée) l’égalité étant réalisée si, et seulement si, il existe un réel λ > 0 tel que :

(b − a) (d − c) = λ (d − a) (c − b)
b−ad−c
ce qui équivaut à = −λ ∈ R∗,− qui est encore équivalent à :
d−ab−c
µ ¶
b−ad−c
arg ≡ π (2π)
d−ab−c
Le triangle dans le plan complexe 345

ou à : µ ¶ µ ¶
b−a b−c
arg − arg ≡ π (2π)
d−a d−c
et entraîne : µ ¶ µ ¶
b−a b−c
arg ≡ arg (π)
d−a d−c
soit : ³−→ −−→´ ³−−→ −−→´
AB, AD ≡ CB, CD (π)
et A, B, C, D sont cocycliques.
Réciproquement si ces points sont cocycliques, on a :
µ ¶ µ ¶
b−a b−c
arg ≡ arg (π)
d−a d−c
b−ad−c ³−→ −−→´ ³−−→ −−→´
donc µ = ∈ R. Si µ > 0, alors AB, AD ≡ CB, CD (2π) et les points A, C
d−ab−c
sont dans le même demi-plan délimité par la droite (BD) , ce qui contredit le fait que ABCD
est convexe. On a donc µ < 0 et (b − a) (d − c) = λ (d − a) (c − b) avec λ > 0, ce qui entraîne
l’égalité dans l’inégalité de Ptolémée.

19.8 Le triangle dans le plan complexe


Définition 19.1 On appelle vrai triangle dans le plan P, la donnée de trois points non alignés
A, B, C.
Si T = ABC est un vrai triangle, on notera :
³−→ −→´ ³−−→ −→´ ³−→ −−→´
θA = AB, AC , θB = BC, BA , θC = CA, CB

les mesures principales des angles orientés de vecteurs en A, B et C respectivement (figure ??).

Fig. 19.7 –
Usuellement, on note respectivement a, b, c les cotés opposés à A, B, C (à ne pas confondre
avec les abscisses).
346 Nombres complexes et géométrie euclidienne

19.8.1 Relations trigonométriques pour un triangle


Lemme 19.2 Si T = ABC est un vrai triangle, on a alors :
³−→ −→´ ³−→ −−→´ ³−−→ −→´
det AB, AC = det CA, CB = det BC, BA (19.6)

Démonstration. En utilisant les propriétés du déterminant, on a :


³−→ −→´ ³−→ −−→ −→´ ³−−→ −→´ ³−→ −−→´
det AB, AC = det AC + CB, AC = det CB, AC = det CA, CB

et : ³−→ −→´ ³−→ −→ −−→´ ³−→ −−→´ ³−−→ −→´


det AB, AC = det AB, AB + BC = det AB, BC = det BC, BA .

Définition 19.2 On dit que le triangle T est orienté positivement


³−→ −→´[resp. négativement]
³−→ ou qu’il
−→´
est direct [resp. indirect] relativement au repère R, si det AB, AC > 0 [resp. det AB, AC <
0].

Du lemme précédent et des relations :


³−→ −→´ ³−−→ −→´ ³−→ −−→´
det AB, AC det BC, BA det CA, CB
sin (θA ) = , sin (θB ) = , sin (θC ) = (19.7)
AB · AC BC · BA CA · CB
on déduit que les quantités sin (θA ) , sin (θB ) et sin (θC ) sont toutes de même signes. Les dé-
terminations principales de ces mesures d’angle seront donc tous dans ]0, π[ pour T direct ou
toutes dans ]−π, 0[ ’pour T indirect.

Lemme 19.3 Si T = ABC est un vrai triangle, on a alors :

θA + θB + θC ≡ π (2π)

Démonstration. En utilisant la relation de Chasles pour les angles orientés, on a :


³−→ −→´ ³−→ −−→´ ³−−→ −→´
θA + θB + θC = AB, AC + AC, BC + BC, BA
³−→ −−→´ ³−−→ −→´
= AB, BC + BC, BA
³−→ −→´
= AB, BA ≡ π (2π)

Pour un vrai triangle direct [resp. indirect] les déterminations principales de ces angles sont
toutes dans ]0, π[ [resp. dans ]−π, 0[], donc la somme est dans ]0, 3π[ [resp. dans ]−3π, 0[] congrue
à π modulo 2π et en conséquence est égale à π [resp. −π].
On a donc θA + θB + θC = π pour un triangle direct et θA + θB + θC = −π pour un triangle
indirect.
Des relations (19.7) et (19.6) on déduit que :

AB · AC sin (θA ) = BC · BA sin (θB ) = CA · CB sin (θC )

ce qui donne :
BC AC AB
= = (19.8)
sin (θA ) sin (θB ) sin (θC )
Le triangle dans le plan complexe 347

ou encore avec les notations usuelles :


a b c
= = .
sin (θA ) sin (θB ) sin (θC )

Pour T direct rectangle en A, on a :


−→ −→
AB · AC
cos (θA ) = =0
AB · AC
π
avec θA ∈ ]0, π[ , donc θA = .
2
De plus, avec :
−−→ −→ ³−→ −→´ −→
BC · BA = BA + AC · BA = BA2

³−−→ −→´ ³−→ −→´


det BC, BA = det AB, AC = AB · AC sin (θA )
³π ´
= AB · AC sin = AB · AC
2
on déduit que :
−−→ −→
BC · BA BA2 BA
cos (θB ) = = =
BC · BA BC · BA BC
(coté adjacent à l’angle droit sur l’hypoténuse) et :
³−−→ −→´
det BC, BA AB · AC AC
sin (θB ) = = =
BC · BA BC · BA BC
(coté opposé à l’angle droit sur l’hypoténuse), ce qui donne aussi :

sin (θB ) AC
tan (θB ) = =
cos (θB ) AB

(coté opposé à l’angle droit sur coté adjacent).


Dans le cas où le triangle direct T est isocèle en A, on a AB = AC, donc A est sur la
médiatrice du segment [BC] et en désignant par I le milieu de ce segment, on peut écrire pour
les triangles rectangles en I, AIC et AIB :
IB IC
cos (θB ) = = = cos (θC )
AB AC
avec θB et θC dans ]0, π[ , ce qui équivaut à θB = θC et entraîne θA = π − 2θB .
AC AB
Réciproquement si θB = θC , de = (formule (19.8)), on déduit que AB = AC
sin (θB ) sin (θC )
et T est isocèle en A.
Pour un triangle direct quelconque T, en écrivant que :
°−−→°2 °−→ −→°2 °−→°2 −→ −→ ° °
° ° ° ° ° ° °−→°2
°CB ° = °AB − AC ° = °AB ° − 2AB · AC + °AC °

on déduit que :
CB 2 = AB 2 − 2AB · AC cos (θA ) + AC 2 .
348 Nombres complexes et géométrie euclidienne

ou encore en utilisant les notations usuelles :

a2 = b2 + c2 − 2bc cos (θA ) .


π
Pour T rectangle en A, on a θA = et on retrouve le théorème de Pythagore.
2
Par permutations circulaires des sommets, on a les deux autres formules :

b2 = c2 + a2 − 2ca cos (θB )

et :
c2 = a2 + b2 − 2ab cos (θC ) .

19.8.2 Aire d’un triangle


Définition 19.3 L’aire d’un triangle T = ABC est le réel :
1 ¯¯ ³−→ −→´¯
¯
m (T ) = ¯det AB, AC ¯ .
2
En prenant pour origine du repère R le projeté H du point A sur la droite (BC) , le vecteur


e1 dirigeant cette droite (BC) , on a :
( −→ −−→ −−→
AB = HB − HA = xB − →
e 1 − yA −

e2
−→ −−→ −−→ −
→ →

AC = HC − HA = xC e1 − yA e2

de sorte que :
³−→ −→´ ¯¯ x xC
¯
¯
det AB, AC = ¯¯ B ¯ = yA (xC − xB )
¯
−yA −yA
et :
1 AH · BC
m (T ) = |yA | |xC − xB | =
2 2
soit la formule : « base que multiplie hauteur divisé par 2 ».
Pour un triangle direct, on a :
1 ³−→ −→´ 1
m (T ) = det AB, AC = AB · AC sin (θA )
2 2
et pour un triangle indirect, on a :
1 ³−→ −→´ 1
m (T ) = − det AB, AC = − AB · AC sin (θA )
2 2
en notant θA la détermination principale de l’angle en A.
1
On retrouve l’aire d’un triangle T rectangle en A, m (T ) = AB · AC.
2
1 π
Réciproquement si m (T ) = AB · AC, on a alors sin (θA ) = ±1, soit θA = ± (suivant que
2 2
T est direct ou non) et T est rectangle en A.
Pour un triangle direct, en utilisant la formule (19.8) , on obtient :

m (T ) sin (θA ) sin (θB ) sin (θC )


2 = = =
AB · AC · BC BC AC AB
Le triangle dans le plan complexe 349

qui s’écrit aussi avec des notations usuelles :


m (T ) sin (θA ) sin (θB ) sin (θC )
2 = = =
abc a b c
(a = BC, ...).
Dans un repère orthonormé R quelconque, en utilisant les propriétés du déterminant, on
peut écrire que :

¯ ¯
³−→ −→´ ¯¯ x − x ¯ ¯ 1
xC − xA ¯¯ ¯¯
0 0 ¯
¯
det AB, AC = ¯¯ B A
= x x − x x − xA ¯
yB − yA yC − yA ¯ ¯¯ A B A C ¯
¯
yA yB − yA yC − yA
¯ ¯ ¯ ¯
¯ 1 1 1 ¯¯ ¯¯ xA yA 1 ¯¯
¯
= ¯¯ xA xB xC ¯¯ = ¯¯ xB yB 1 ¯¯
¯ yA yB y C ¯ ¯ xC y C 1 ¯
et en désignant par a, b, c les affixes relatives au repère R des points A, B, C, cela s’écrit aussi :
¯ ¯ ¯ a+a a−a ¯
³−→ −→´ ¯¯ xA yA 1 ¯¯ ¯¯ 2 2i
1 ¯¯
det AB, AC = ¯¯ xB yB 1 ¯¯ = ¯¯ b+b 2
b−b
2i
1 ¯¯
¯ xC yC 1 ¯ ¯ c+c c−c 1 ¯
2
¯ ¯ 2i ¯ ¯
¯ a+a a−a 1 ¯ ¯ 2a a − a 1 ¯
1 ¯¯ ¯
¯ 1 ¯¯ ¯
¯
= ¯ b + b b − b 1 ¯ = ¯ 2b b − b 1 ¯
4i ¯ 4i ¯
c+c c−c 1 ¯ 2c c − c 1 ¯
¯ ¯ ¯ ¯
¯ a a−a 1 ¯ ¯ a a 1 ¯
1 ¯ ¯ 1 ¯ ¯
= ¯¯ b b − b 1 ¯¯ = − ¯¯ b b 1 ¯¯
2i ¯ 2i ¯
c c−c 1 ¯ c c 1 ¯
et :  
a a 1
1
m (T ) = ± det  b b 1 
4i
c c 1
le signant ± étant celui qui assure la positivité de m (T ) .
En calculant ce déterminant, on a :
   
a a 1 a a 1
det  b b 1  = det  b − a b − a 0 
c c 1 c−a c−a 0
µ ¶
b−a b−a ¡ ¢
= det = (b − a) (c − a) − b − a (c − a)
c−a c−a
= 2i= ((b − a) (c − a))
et on obtient la formule :
1
m (T ) = ± = ((b − a) (c − a)) (19.9)
2
En traduisant le fait que M est sur la droite (AB) si, et seulement si, l’aire du triangle ABM
est nulle, on en déduit l’équation complexe suivante de la droite (AB) :
   
a a 1
(M ∈ (AB)) ⇔ det  b b 1  = 0
z z 1
350 Nombres complexes et géométrie euclidienne

En utilisant l’expression (19.9) de m (T ) , on retrouve la condition :


¡ ¡¡ ¢ ¢ ¢
(M ∈ (AB)) ⇔ = b − a (z − a) = 0
ce qui est encore équivalent à dire que (b − a) (c − a) est réel.
Cette formule (19.9) nous donne aussi le résultat suivant.
Théorème 19.9 Si T = ABC est un vrai triangle, on a alors :
1
m (T ) ≤ AB · AC
2
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, le triangle T est rectangle en A.
Démonstration. On a :
1
m (T ) = |= ((b − a) (c − a))|
2
1 1
≤ |b − a| |c − a| = AB · AC
2 2
l’égalité étant réalisée si, et seulement si, (b − a) (c − a) est imaginaire pur, ce qui équivaut à
dire que les droites (AB) et (AC) sont perpendiculaires.

19.8.3 Centre de gravité d’un triangle


Si T = ABC est un vrai triangle, la médiane issue de A est la droite MA qui joint les points
A et le milieu IA du segment [BC] .
Théorème 19.10 Les trois médianes d’un vrai triangle T = ABC concourent en G d’affixe
a+b+c
.
3
b+c
Démonstration. L’affixe du milieu IA de [BC] étant , une équation de la médiane
2
MA est :  
a a 1
det  b+c
2
b+c
2
1 =0
z z 1
soit :  
a a 1
det  b+c−2a
2
b+c−2a
2
0 =0
z−a z−a 0
ou encore : µ ¶
b + c − 2a b + c − 2a
det .
z−a z−a
a+b+c 1
On constate que z = est solution de cette équation (z − a = (b + c − 2a)).
3 3
Définissant de manière analogue les médianes en B et C, on constate encore que le point G
a+b+c
d’affixe est sur ces médianes.
3
Définition 19.4 Avec les notations du théorème qui précède, on dit que le point G d’affixe
a+b+c
est le centre de gravité du triangle.
3
Le centre de gravité est aussi l’iso-barycentre des points A, B, C.
Le triangle dans le plan complexe 351

19.8.4 Cercle circonscrit à un triangle


µ ¶
a−c
Si A, B, C sont trois points non alignés, alors θ = arg n’est pas congru à 0 modulo
b−c
π et ces points sont sur le cercle Eθ ∪ {A, B} , où :
n ³−−→ −−→´ o
Eθ = M ∈ P \ {A, B} | M A, M B ≡ θ (π)

Ce cercle, qui est uniquement déterminé, est le cercle circonscrit au triangle T = ABC et son
centre Ω est à l’intersection des trois médiatrices de T.
Un point M est sur ce cercle circonscrit à T si, et seulement si :
µ ¶ µ ¶
a−z a−c
arg ≡ arg (π)
b−z b−c

ce qui est encore équivalent à :


³−−→ −−→´ ³−→ −−→´
M A, M B ≡ CA, CB (π) (19.10)

c’est ce qu’on appelle l’équation angulaire du cercle passant par A, B, C.


L’utilisation de la relation de Chasles pour les angles orientés de vecteurs nous permet de
montrer le théorème de l’angle inscrit qui suit.

Théorème 19.11 Soient T = ABC un vrai triangle et Ω le centre du cercle circonscrit à ce


triangle. On a alors : ³−→ −→´ ³−→ −→´
2 AB, AC ≡ ΩB, ΩC (2π)

Démonstration. En utilisant la relation de Chasles, on a :


³−→ −→´ ³−→ −→´ ³−→ −→´ ³−→ −→´
ΩB, ΩC + ΩC, ΩA + ΩA, ΩB ≡ ΩB, ΩB ≡ 0 (2π)

Comme les triangles ΩAB et ΩAC sont isocèles en Ω, on a :


³−→ −→´ ³−→ −→´
2 AB, AΩ + ΩA, ΩB ≡ π (2π)

et : ³−→ −→´ ³−→ −→´


2 AΩ, AC + ΩC, ΩA ≡ π (2π)
ce qui donne par addition :
³³−→ −→´ ³−→ −→´´ ³−→ −→´ ³−→ −→´
2 AB, AΩ + AΩ, AC + ΩA, ΩB + ΩC, ΩA ≡ 0 (2π)

soit : ³−→ −→´ ³−→ −→´ ³−→ −→´


2 AB, AC + ΩA, ΩB + ΩC, ΩA ≡ 0 (2π)
ou encore : ³−→ −→´ ³−→ −→´
2 AB, AC − ΩB, ΩC ≡ 0 (2π)
352 Nombres complexes et géométrie euclidienne

A Ω

Fig. 19.8 – Théorème de l’angle inscrit

19.8.5 Orthocentre d’un triangle


La caractérisation complexe de l’orthogonalité de deux droites nous permet de retrouver la
définition de l’orthocentre d’un triangle.

Lemme 19.4 Soit T = ABC un vrai triangle. Un point M est sur la hauteur issue de A de T
¡ ¢ z−a
si, et seulement si, son affixe z est telle que (z − a) c − b (ou de manière équivalente )
c−b
soit imaginaire pur.
¡ ¢
Démonstration. Si M = A, on a z = a et (z − a) c − b = 0 est bien imaginaire pur.
Sinon M est sur la hauteur issue de¡ A si,¢ et seulement si les droites (AM ) et (BC) sont
orthogonales, ce qui équivaut à (z − a) c − b imaginaire pur, qui est encore équivalent à dire
z−a
que est imaginaire pur.
c−b
Lemme 19.5 Soient a, b, c des nombres complexes deux à deux distincts. Pour tout z ∈ C, le
nombre complexe
¡ ¢ ¡ ¢
Z = (z − a) c − b + (z − b) (a − c) + (z − c) b − a

est imaginaire pur.


Le triangle dans le plan complexe 353

Démonstration. Résulte de :
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
(z − c) b − a = (z − a) b − a + (a − c) b − a
¡ ¢ ¡ ¢
= (z − a) b − c + (z − a) (c − a) + (a − c) b − a
¡ ¢ ¡ ¢
= (z − a) b − c + (z − b) (c − a) + (b − a) (c − a) + (a − c) b − a
¡ ¢
= − (z − a) c − b − (z − b) (a − c) + 2i= ((b − a) (c − a))

qui s’écrit :
Z = 2i= ((b − a) (c − a))

Le fait que Z soit imaginaire pur se traduit par < (Z) = 0, soit par :
¡ ¡ ¢¢ ¡ ¡ ¢¢
< (z − a) c − b + < ((z − b) (a − c)) + < (z − c) b − a = 0

ou encore par :
−−→ −−→ −−→ −→ −−→ −→
AM · BC + BM · CA + CM · AB = 0
pour tout point M ∈ P.
Cette égalité est l’égalité de Wallace.

Lemme 19.6 Soient a, b, c des nombres ¡ complexes


¢ deux à deux distincts
¡ et ¢z un nombre com-
plexe. Si deux quantités parmi (z − a) c − b , (z − b) (a − c) , (z − c) b − a sont imaginaires
pures, il en est alors de même de la troisième.

Démonstration. Résulte du lemme précédent.

Théorème 19.12 Soit T = ABC un vrai triangle. Les trois hauteurs de T sont concourantes.

Démonstration. Notons respectivement TA , TB et TC les hauteurs¡ issues¢ de A, B et C.


Un point M est sur TA ∩ TB si, et seulement si, les quantités (z − a) c − b et (z − b) (a − c)
¡ ¢
sont imaginaires pures, ce qui entraîne que (z − c) b − a est aussi imaginaire pur et M est sur
TC .
Les trois hauteurs sont donc concourantes.
Le point d’intersection des trois hauteurs du triangle T est l’orthocentre de T.

Exercice 19.3 Soit T = ABC un vrai triangle. Montrer que l’orthocentre H de T a pour affixe
relativement au repère R = (O, →

e1 , −

e2 ) :
< ((a − b) (c − a))
h=a+i (c − b)
= ((c − b) (c − a))
µ ¶
a−b
<
c−a
=a+i µ ¶ (c − b)
c−b
=
c−a
Solution 19.3 Comme H ∈ TA ∩ TB , il existe deux réels λ1 et λ2 tels que :

h = a + iλ1 (c − b) = b + iλ2 (c − a)

ce qui entraîne :
a−b c−b
iλ2 = + iλ1
c−a c−a
354 Nombres complexes et géométrie euclidienne

H
A

Fig. 19.9 – Orthocentre

et en prenant les parties réelles :


µ ¶ µ ¶ µ ¶ µ ¶
a−b c−b a−b c−b
0=< + λ1 < i =< − λ1 =
c−a c−a c−a c−a
c−a a−c
Comme les points C, A, B ne sont pas alignés, = n’est pas réel et λ1 est uniquement
c−b b−c
déterminé. On a donc :
µ ¶
a−b
<
c−a < ((a − b) (c − a))
λ1 = µ ¶= .
c−b = ((c − b) (c − a))
=
c−a
et :
< ((a − b) (c − a))
h=a+i (c − b)
= ((c − b) (c − a))
µ ¶
a−b
<
c−a
=a+i µ ¶ (c − b)
c−b
=
c−a
Par exemple, pour a, b réels et c = iγ imaginaire pur, on a :
< ((a − b) (c − a)) a
=
= ((c − b) (c − a)) γ
Le triangle dans le plan complexe 355

et :
ab ab
h = −i = .
γ c
En fait, pour déterminer une affixe de l’orthocentre, il est plus commode de travailler dans
un repère d’origine O = Ω où Ω est le centre du cercle circonscrit au triangle.

Exercice 19.4 Montrer que si ABC est un triangle inscrit dans le cercle de centre Ω et de
rayon R > 0, alors l’affixe de son orthocentre est h = a + b + c. (Ω étant pris comme origine).

Solution 19.4 On désigne par M le point d’affixe h = a + b + c. Comme h − a = b + c


−−→ −→ −→ −−→ −→
avec |b| = |c| = R, on a AM = ΩB + ΩC et ce vecteur est orthogonal à CB = ΩB −
−→ ³−→ −→´ ³−→ −→´ 2 2 2 2
ΩC, ( ΩB + ΩC · ΩB − ΩC = ΩB − ΩC = R − R = 0), ce qui équivaut à dire que
¡ ¢
(h − a) b − c est imaginaire pur, qui est encore équivalent à dire que M est sur la hauteur de
T issue de A.
On montre de manière analogue que M est sur les deux autres hauteurs et en conséquence c’est
l’orthocentre de T.

En utilisant les affixes relativement au repère (Ω, −→


e1 , −

e2 ) , le théorème 19.10 nous dit que le
a+b+c
centre de gravité G a pour affixe g = et l’exercice 19.4 que l’orthocentre a pour affixe
3
h = a + b + c, ce qui se traduit par :
−−→ −→
ΩH = 3ΩG
et entraîne que ces trois points sont alignés.

Théorème 19.13 Dans un vrai triangle T, le centre du cercle circonscrit, l’orthocentre et le


centre de gravité sont alignés.

La droite passant par ces trois points est la droite d’Euler.

19.8.6 Triangle équilatéral


Théorème 19.14 Soient A, B, C trois points deux à distincts de P et a, b, c leurs affixes res-
pectives. Les propositions suivantes sont équivalentes :
1. le triangle ABC est équilatéral ;
2. |b − a| = |c − b| = |c − a| ;
1 1 1
3. + + = 0;
a−b b−c c−a
4. a2 + b2 + c2 = ab + bc + ca ;
5. j ou j est racine de az 2 + bz + c = 0 (j et j sont les racines cubiques de l’unité).
 
a z2 1
6. j ou j est racine de det  b z 1  = 0.
c 1 1

Démonstration. L’équivalence entre 1. et 2. résulte de la définition d’un triangle équilatéral.


Supposons que |a − b| = |b − c| = |c − a| .
356 Nombres complexes et géométrie euclidienne

On a :
1 a−b a−b 1 a−b
= 2 = 2 =
a−b |a − b| |b − c| b−cb−c
µ ¶
1 a−c+c−b 1 a−c
= = −1
b−c b−c b−c b−c
¯ ¯ ¯ ¯
a−c b−c ¯a − c¯ ¯a − c¯
avec = puisque ¯¯ ¯ =¯¯ ¯ = 1, donc :
b−c a − c b−c ¯ b − c ¯
µ ¶
1 1 b−c 1 b−c 1
= −1 = −
a−b b−c a−c b−ca−c b−c
1 1
= −
a−c b−c
1 1 1
et + + = 0.
a−b b−c c−a
Supposons cette dernière identité réalisée. On a alors en multipliant par (a − b) (b − c) (c − a) :
(b − c) (c − a) + (a − b) (c − a) + (a − b) (b − c) = 0
et en développant, cela est équivalent à :
ab + bc + ca − a2 − b2 − c2 = 0.
En supposant cette identité vérifiée, on a :

¡ 2 ¢³ 2 ´ ¡ ¢ ³
2
´ ¡ ¢
aj + bj + c aj + bj + c = a2 + b2 + c2 + j + j ab + j 2 + j ac + j + j bc
2
avec j 2 + j = j + j = −1, ce qui donne :
¡ 2 ¢³ 2 ´
aj + bj + c aj + bj + c = 0

et j ou j est racine de az 2 + bz + c = 0.
Supposons que j soit racine de az 2 + bz + c = 0. Tenant compte de 1 + j + j 2 = 0, on a alors :
¡ ¢
0 = aj 2 + bj + c = aj 2 + bj − c j + j 2 = (b − c) j + (a − c) j 2
et (b − c) j = − (a − c) j 2 qui entraîne |b − c| = |c − a| . On peut aussi écrire :
¡ ¢
0 = aj 2 + bj + c = aj 2 − b 1 + j 2 + c = (c − b) + (a − b) j 2
et on a (c − b) = − (a − b) j 2 qui entraîne |a − b| = |c − b| . © ª
L’équivalence entre 5. et 6. se déduit du calcul suivant. Pour z ∈ j, j = {j, j 2 } :
   
a z2 1 a − b z2 − z 0 µ 2

a − b z − z
det  b z 1  = det  b − c z − 1 0  = det
b−c z−1
c 1 1 c 1 1
¡ ¢
= az + b + cz 2 − a + bz 2 + cz
¡ ¢ ¡ ¢
= z az 2 + bz + c − z az 2 + bz + c
¡ ¢ ¡ ¢
= (z − z) az 2 + bz + c = 2i= (z) az 2 + bz + c .

Nous verrons un peu plus loin que la caractérisation 6. des triangles équilatéraux traduit
le fait qu’un triangle équilatéral est semblable à un triangle ayant pour sommets les points
d’affixes 1, z, z 2 avec z = j ou z = j.
Interprétation géométrique des applications z 7→ az + b, z 7→ az + b 357

19.9 Interprétation géométrique des applications z 7→ az +


b, z 7→ az + b
Les nombres complexes peuvent être utilisé pour décrire quelques transformations géomé-
triques de P. Ainsi :
−→
– z 7→ z + a est la translation de vecteur OA ;
– z 7→ −z est la symétrie par rapport à O ;
– z 7→ z est la symétrie orthogonale par rapport à l’axe Ox ;
– z 7→ −z est la symétrie orthogonale par rapport à l’axe Oy ;
– pour tout réel ρ > 0, z 7→ ρz est l’homothétie de rapport ρ et de centre O ;
– pour tout réel θ, z 7→ eiθ z est la rotation de centre O et d’angle θ ;
– pour tous nombres complexes a, b avec a ∈ / {0, 1} d’argument θ, l’application
µ z ¶
7→ az +
b
b est la composée commutative de la rotation d’angle θ et de centre Ω et de
1−a
l’homothétie de centre O et de rapport |a| , on dit que cette application est la similitude
directe de centre Ω, de rapport |a| et d’angle arg (a) .

Exercice 19.5 Soit α = ρeiθ un nombre complexe non nul et n un entier naturel non nul. Mon-
trer que les racines n-ièmes de α se déduisent des racines n-ième de l’unité par une similitude
√ θ
directe de centre 0, de rapport n ρ et d’angle .
n
Solution 19.5 Les racines n-ièmes de α sont les :
√ θ+2kπ √ θ 2kπ
zk = n
ρei n = n
ρei n ei n (0 ≤ k ≤ n − 1)
2kπ
où les ei n , pour k compris entre 0 et n − 1, sont les racines n-ième de l’unité.
358 Nombres complexes et géométrie euclidienne

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