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Saint Joseph
le charpentier
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JOSEPH LE CHARPENTIER

SÉLECTION MAME
31
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DU MÊME AUTEUR
Aux Editions Marne
L'EVANGILE DU PÊCHEUR, Saint Pierre.
Aux Editions Flammarion
SAINTE CATHERINE DE SIENNE (Collection des Grands Cœurs).
Prix de Littérature spiritualiste et Prix Trubert de l'Aca-
démie française.
LACORDAIRE (Collection des Grands Cœurs).
LE ROSAIRE (Collection Belles Fêtes).
Aux Editions Spes
LE FEU SUR LA MONTAGNE.
LACORDAIRE ET SES AMIS (Prix de l'Académie).
LETTRES DE JÉRUSALEM.
A la Librairie Grasset
LA VIE DOMINICAINE (Collection des Grands Ordres).
A la Librairie de l'Art catholique
HENRI SUSO (Couronné par l'Académie).
LA BIENHEUREUSE IMELDA.
LA RETRAITE MYSTIQUE.
LE PETIT LIVRE DE L'AMOUR.
HISTOIRE DE L'ENFANT JÉSUS (pour la jeunesse).
Aux Editions de l'Arc
LE ROYAUME SECRET (Prix d'Académie), roman.
LE ROMAN DE PHŒBÉ.
FLORILÈGE DE NOTRE-DAME, livre d'art.
Aux Editions Alsatia
JEAN QUE JÉSUS AIMAIT.
LA VIE SECRÈTE D'ANTOINE DE SAINT-EXUPÉRY OU LA PARA-
BOLE DU PETIT PRINCE.
L'HOMME ET LE NAVIRE (de Saint-Exupéry).
LA GRANDE QUÊTE DE SAINT-EXUPÉRY (sous presse).
Aux Editions de l'Orante
LE SILENCE DE L'AMOUR (Marie de Magdala).
Aux Editions Fleurus
LE VOILE ET LE VISAGE.
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RENÉE ZELLER

JOSEPH
LE CHARPENTIER
en marge des Évangiles

MAME
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Nihil obstat. Imprimatur.


Turonibus, die 27 octobris 1960. Turonibus, die 28 octobris 1960.
G. GUILBERT, R. FIOT,
Censor deputatus. vic. gén.

PRINTED IN FRANCE
Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation
réservés pour tous pays
© 1961 MAISON MAME
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A la mémoire de mon amie


Madame BONNET MADIN
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ÉVANGILE
ou LÉGENDE DORÉE?

C'EST l'Evangile.
Pourrait-on toucher, sans les déflorer, à ces quel-
ques pages du Nouveau Testament où saint Joseph
est nommé ? A celles même où il est simplement
présent dans l'histoire de Marie et de son fils ? Un
vol d'anges les traverse en saint Luc, ce sont les
plus célestes.
Saint Matthieu, qui nous révèle, avec tant de dis-
crétion, la grande angoisse du fiancé de la Vierge, la
façon dont Dieu le rassure et le guide directement,
la voix mystérieuse qui le fait communiquer avec
Lui-même, dans ses songes, le place si haut dans la
lignée des grands patriarches qu'on ne pourrait modi-
fier son texte sans diminuer Joseph.
Tel Abraham qui abandonne son pays et ses biens
sur un appel de l'Unique, un Dieu sans visage qui
lui est inconnu; tels Moïse et les prophètes, dont les
actes et les paroles étaient commandés d'En-Haut, le
charpentier de Nazareth parcourt un destin para-
doxal dont la sublimité est au-delà de sa vision.
Jamais il n'a pris conseil des hommes.
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Il surpasse ses devanciers de l'Ancien Testament,


à cause de sa pureté, de son humilité qui lui valu-
rent l'intimité du Dieu fait homme et de sa Mère;
mais plus encore par quelque chose de plus grand.
Quoi qu'il advînt, jamais il ne douta. Ce qui était
extérieurement contradictoire dans les agissements de
la Providence, illogique selon la sagesse humaine,
n'a jamais amené sur ses lèvres la moindre question.
C'est l'homme du silence parce que, toujours, il
écoute la parole de Dieu. Il ne la discute jamais.
Mais alors, demanderez-vous à l'auteur, si vous
avez tellement respecté le texte évangélique, comment
avez-vous pu écrire une vie de saint Joseph avec
des données si courtes ?
L'auteur vous répondra : Ce n'est pas trahir
l'Evangile que de l'enluminer. Une enluminure qui
voltige tout autour, le fait étinceler, lui donne plus
de relief, y ajoute aussi des perspectives humaines
pour l'accorder davantage à notre propre vie. Tels
les moines miniaturistes du moyen âge qui entouraient
de rinceaux fleuris les textes liturgiques qu'ils ve-
naient d'écrire; au milieu ils incrustaient des lettri-
nes et souvent, aux angles de leur décoration, des
petits médaillons à fond d'or dont les images libé-
raient les visions intérieures nées de leur contempla-
tion.
Tels aussi ces maîtres verriers qui rehaussaient
la représentation des mystères chrétiens en les enca-
drant de pierreries lumineuses.
La vie de saint Joseph est donc ici enluminée,
animée de dialogues, de détails familiers. Elle est
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aussi encadrée d'histoire et de détails sur la vie quo-


tidienne des Juifs de son temps.
Elle est surtout méditée.
L'enluminure de l'Evangile du Charpentier est dis-
crète comme la physionomie qu'elle entoure. Aucun
souci de fantaisie n'y apparaîtra et le merveilleux
en est exclu. Ce qui vient des apocryphes est écarté.
Même les légendes devenues des traditions chez les
chrétiens d'Orient. Ainsi la halte en Egypte sous un
palmier qui aurait tendu ses fruits à l'Enfant Jésus;
la rencontre des brigands dans les ruines de Rama-
tha, au retour de l'exil, brigands subitement trans-
formés en brebis dociles et même en adorateurs de
Jésus au seul aspect de sa rayonnante beauté. Et
pourtant, à l'époque de saint Augustin, on pouvait
retrouver le souvenir de cet épisode, transmis aux
chrétiens de siècle en siècle.
Les incidents ajoutés dans ce livre au texte scriptu-
raire, assez riche en miracles par lui-même, sont
venus s'y insérer naturellement, on pourrait dire logi-
quement, dans le sens même de ce texte.
Ainsi, durant le pénible voyage de Nazareth à
Bethléem, au moment où Marie allait mettre son fils
au monde, il semble peu probable que l'absence d'un
accueil à l'auberge ait été la seule péripétie de cette
randonnée, au cœur de l'hiver, qui demandait au
moins cinq jours de marche. Joseph et son épouse
Marie, celle-ci luttant contre la fatigue accrue par
son état, furent normalement aidés ici, repoussés là.
Ils seront repoussés par le pharisien, futur ennemi
de Jésus, aidés par un bon Samaritain précédant
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celui de la parabole. L'auteur a cru ainsi rester dans


la vérité de la vie, sans quitter les sentiers de
l'Evangile.
L'existence que mena Joseph, avec ceux dont il
avait la garde, au milieu des pasteurs de Bethléem,
entre la Nativité et la fuite en Egypte; celle qu'il
vécut ensuite dans la colonie juive de Sotime, près
d'Hermopolis sont reconstituées avec le souci de re-
trouver quelque chose de la simplicité de saint Luc.
Pour ce qui regarde la vie besogneuse du Charpen-
tier, à Nazareth, les données attentivement rassem-
blées dans un livre précédent ont ici retrouvé leur
utilisation.
Quant à l'histoire du temps, à laquelle Joseph
fut si peu mêlé, l'auteur l'a respectée comme l'Evan-
gile dans l'exactitude des faits. Les détails, ajoutés
en prolongement et en illustration les mettent en
couleur sans trahir leur vérité. Ainsi verra-t-on ap-
paraître devant Joseph, exilé en Egypte, un fugitif
échappé aux massacres de Varus. (Il y en eut certai-
nement). Il racontera les émeutes juives qui mar-
quèrent l'avènement d'Archélaüs et leur terrible
répression.
Ces événements intéressaient directement la sainte
Famille, qui, comme beaucoup d'autres en Palestine,
fut ruinée à ce moment-là.
Si l'on en croit l'auteur de Myriam2, les maisons
1. Sainte Marie en son temps, édité par Amiot-Dumont
(épuisé).
2. Mélanie Marnas qui écrivit l'histoire de Marie avec
autant de souci documentaire que de pittoresque.
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dont la Vierge Marie avait hérité de son père, celle


de Jérusalem au quartier de Bethzéta près de la porte
des Brebis, celle de Bethsam (Scythopolis) auraient
été détruites par les légions romaines. Peut-être aussi
les bergeries dont Joachim était possesseur furent-
elles également dévastées au passage des troupes en-
voyées en représailles.
Ces subterfuges littéraires ou — pour reprendre
l'expression du début —ces « enluminures » desti-
nées à faire briller la vérité évangélique et histori-
que n'auraient pas suffi cependant pour faire une
vie de saint Joseph le Silencieux propre à rendre son
être familier aux lecteurs.
Il est dit de la Vierge Marie qu'elle « conservait
en son cœur toutes ces choses... » les plus exal-
tantes pour la gloire future de son fils, comme les
plus propres à la décontenancer dans les agisse-
ments mystérieux de Yahvé vis-à-vis de Lui.
Timidement, l'auteur a essayé de se mettre à
son école, de méditer,... de méditer beaucoup, pour
essayer de comprendre ce juste parfait qui fut le
père adoptif du Sauveur et l'époux de sa mère.
Il ne lui est pas apparu sous les traits d'un vieil-
lard. Pourquoi fallait-il nécessairement qu'il fût vieux
et qu'ainsi s'évanouît à nos yeux toute la beauté
de son respect pour l'enfant de quinze ans, pour cette
vierge qui lui fut proposée comme épouse à l'expira-
tion de son nazirat dans le temple de Jérusalem ?
Peut-être avait-il le double de son âge, ce qui le
situerait, lors de son mariage, au plein épanouisse-
ment de sa virilité ? Nous ne savons...
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Un éminent professeur de l'Ecole biblique de Jéru-


salem assura à l'auteur que Joseph était jeune, très
jeune même, à l'époque de ses fiançailles : « Voyons,
dit-il plaisamment, ils s'en vont tous deux à Bethléem,
aussi joyeux qu'imprévoyants quant au gîte, au mo-
ment où Marie était enceinte de neuf mois. C'est
agir comme deux tourtereaux! Un homme d'âge eût
été plus circonspect. »
Une boutade, évidemment, car Joseph, quel que
fût son âge, était sage.
Mais n'existerait-il donc pas, même humainement,
une qualité d'amour renforcé par un noble désir de
protection vis-à-vis d'une jeune vierge, isolée, très
pure, très belle, unique, visiblement chérie de Dieu,
qui justifierait la chasteté de ce mariage ?
Le véritable roman du Charpentier, époux délicat
et tendre, père attentif, chef de famille besogneux,
est constitué par les réactions de son âme dans le
divin et dans l'humain, dans les illuminations surna-
turelles et les déboires de la vie terrestre. Tout s'y
conjugue admirablement, grâce à une foi et une sou-
mission sans défaut envers le guide de sa vie, notre
Père qui est dans le Ciel.
C'est dans cette perspective que s'étend principale-
ment le champ d'exploration qui a permis cet essai
d'une Histoire de saint Joseph.
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Chapitre I

LES FIANÇAILLES DE JOSEPH


Le voici qui vient à travers la montagne
Il ressemble à mon bien-aimé...
C'est lui!
(Cantique des cantiques.)

LE sacrifice de la neuvième heure où, dans le tem-


ple de Jérusalem, on égorgeaient journellement un
agneau venait de s'achever. Dans une salle attenante
au parvis supérieur, Zacharie, le prêtre officiant, se
dépouille avec l'aide de jeunes lévites de ses vête-
ments sacerdotaux. Il détache de son front le ban-
deau d'or, où sont gravés les mots sacrés :
« Sainteté de Yahvé », le lourd pectoral incrusté
de topazes, de sardoines, de saphirs, de chrysolithes
et d'opales; puis il descend les degrés de marbre
qui conduisent à la terrasse réservée aux hommes
israélites. La foule s'en était écoulée; seuls, restaient
encore quelques fidèles en prière, qui se prosternaient
et se relevaient pour se prosterner encore, puis se
balançaient d'avant en arrière en psalmodiant les
chants de David.
Un peu en retrait, à l'angle du parvis, un Israé-
lite se tenait debout, immobile, ses deux paumes
ouvertes dans une attitude d'offrande. Il regardait le
ciel, les lèvres closes, sans gesticulation.
Son visage était celui d'un homme jeune, à l'ex-
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pression à la fois ouverte et résolue; d'abondants


cheveux noirs bouclaient sur sa nuque. Il portait
de simples vêtements d'artisan, mais sa physionomie
et toute sa personne donnaient une impression de
noblesse. Zacharie alla vers lui et le toucha à
l'épaule. L'homme ne tressaillit pas, ne se retourna
pas immédiatement.
On aurait dit qu'il prenait lentement congé du per-
sonnage mystérieux que son regard semblait contem-
pler au-dessus du monde terrestre. Zacharie le devina
sans doute. Il ne renouvela pas son geste. Tourné
vers lui, maintenant, l'Israélite lui souriait en s'in-
cliant avec déférence.
— Joseph, dit Zacharie, je voudrais que tu aper-
çoives Marie, la vierge que je te destine pour épouse;
hâtons-nous, elle est dans le défilé des choristes qui,
le sacrifice achevé, vont regagner incessamment l'ha-
bitation réservée aux Naziréennes 1
Le prêtre connaissait parfaitement tous les méan-
dres du Temple immense et magnifique, restauré nou-
vellement par Hérode le Grand. Sans hésiter, il em-
mena celui qu'il venait d'appeler Joseph au bord
d'une balustrade, dissimulée dans l'escalier monumen-
tal qui dominait le parvis des femmes. Il était temps.
Vêtues de blanc, la tête couverte d'un voile qui re-
tombait très bas derrière elles, mais ne cachait pas
leur visage, des jeunes filles passaient en procession
en dessous des deux hommes qui les observaient.
1. On appelait ainsi les jeunes filles consacrées à Dieu dans
le Temple de Jérusalem pour un temps donné, en général
jusqu'à leur mariage.
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L'une d'elles —c'était Marie —, comme attirée par


l'intensité des regards qui la cherchaient, leva instinc-
tivement les yeux. Ils rencontrèrent ceux de Zacharie,
son cousin, et son visage s'illumina d'un charmant
sourire avant de s'incliner en un geste de salutation.
—Tu l'as vue, dit le prêtre à Joseph.
Et comme celui-ci ne répondait pas :
—Ne la trouves-tu pas merveilleusement belle ?
Songeur, Joseph murmura :
—Elle a quinze ans et ce regard de petite fille! un
tel rayonnement de pureté!
—Je ne pense pas que cela soit pour te déplaire ?
Mais comme se parlant à lui-même, le jeune
homme continuait :
—Ce doit être cela, l'innocence des anges. Oserai-je?
Cette enfant a quelque chose de sacré.
—Sacrés sont le mariage et la maternité en Israël.
Souviens-toi, Joseph, que tu es de la lignée de David;
le Très-Haut la destine peut-être à engendrer le
Messie. Ses parents, Joachim et Anne, sont morts
récemment, tu le sais. Elle serait seule au monde
si je n'assumais le soin de lui trouver un époux;
il n'en est pas pour elle de plus digne que toi, Joseph.
Comme celui-ci demeurait toujours en silence, le
prêtre laissa percer quelque agacement :
— Est-il taciturne ce Bethléemite! Si tu pouvais lui
parler un peu en particulier, peut-être serais-tu moins
réticent ?
Les rencontres sans témoin entre une vierge et son
fiancé éventuel ne sont guère dans nos coutumes,
Zacharie; toutefois, j'avoue qu'avant de formuler
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ma promesse, j'aurais aimé converser avec Marie.


— Tu le feras. Une entrevue privée avant les accor-
dailles de futurs époux n'est pas défendue par la
Loi. Je ne retourne dans notre maison de la monta-
gne, à Youssah, qu'après le prochain sabbat. Ma
femme Elisabeth est à Jérusalem pendant le temps
de mon exercice sacerdotal; sois pour ce soir notre
hôte; j'obtiendrai de la Maîtresse des Naziréennes
la permission pour mon épouse de venir prendre
Marie : les six années de sa consécration sont ter-
minées; elle a mis les gâteaux d'action de grâces,
confectionnés par elle-même, et quelques pièces d'ar-
gent, dans le plateau du lévite. Ce dernier lui a enlevé
son voile et l'a aspergée du sang d'un bélier immolé
à Yahvé. Elle est libre. Il faut la fiancer le plus tôt
possible. Nous prendrons ensemble le repas du soir.
Joseph acquiesça. Le prêtre le quitta aussitôt : il
avait hâte de prévenir sa femme et d'obtenir la sortie
de Marie avant de revenir au Temple pour le sacri-
fice du soir.

Les parents de Marie, Anne et Joachim, avaient


possédé une maison près de la piscine probatique de
Bethzéta qui confine à la « porte des Brebis », l'un
des accès vers le Temple, au creux de la colline.
C'est dans ce quartier-là que la Vierge était née. Après
la mort de ses parents le prêtre Zacharie y séjour-
nait chaque fois que revenait le temps qui lui était
fixé pour officier dans le Temple.
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La permission fut accordée et Marie revint sous


le toit où s'était écoulée sa première enfance en com-
pagnie de la femme du pontife, sa cousine Elisabeth.
Quand elle apprit qu'on l'emmenait pour lui présen-
ter un fiancé, le rayonnement heureux laissé sur son
visage par le chant des Psaumes, l'innocence enfan-
tine de ses traits, s'effacèrent; elle devint grave, pres-
que soucieuse.
Sa cousine ne cessait de lui parler en chemin des
vertus de Joseph. A peine arrivée à la maison de
Bethzéta, Marie s'affaira pour épargner à Elisabeth
le soin de préparer le repas.
Mais dès qu'eut retenti le pas du jeune Bethlée-
mite, sa cousine la prit par la main et la fit asseoir
dans la salle principale. Elle y introduisit immédiate-
ment Joseph et les laissa seuls.
Zacharie n'arriva qu'à la nuit tombée. Au sommet
du Temple la trompette du lévite avait sonné pour
la sixième fois : les rites du jour étaient accomplis.
En l'attendant, sa femme avait rassemblé les lam-
pes de la maison dans la salle où se tenaient Joseph
et Marie; pendant leur conversation elle s'était glis-
sée pour allumer tous les becs d'argile, donnant ainsi
un air de fête au lieu où allaient s'échanger sans doute
des promesses sacrées, puis elle s'était immédiate-
ment éclipsée.
Le prêtre trouva les deux jeunes gens assis en
silence l'un près de l'autre. Les dansantes lumières
éclairaient leurs visages heureux. Celui de Marie très
doux, très calme, celui de Joseph exprimant une joie
où se mêlait quelque chose de résolu, de sérieux, de
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presque solennel. Il retira la main qu'il avait posée


sur celle de la jeune fille en un geste de tendre pro-
tection et, se levant à l'arrivée de Zacharie, lui dit :
— Je serai le gardien de cette vierge.
Légère comme la biche dont parle le Cantique,
Marie avait déjà saisi l'une des lampes pour accourir
près d'Elisabeth et l'aider à servir ses hôtes, quand
le pontife, un peu éberlué, répondit au jeune homme :
— Bien sûr, tu la garderas puisqu'il est décidé que tu
la choisis pour épouse et tu élèveras ses enfants
dans la foi et la vénération du Très-Haut. Mainte-
nant, fixons au plus tôt le jour des fiançailles. De-
main est le troisième jour de la semaine et je rentre
à Youssah au lendemain du prochain Sabbat.
J e vais cette nuit même chercher ce qui m'appar-
tient à Bethléem et je reviens aussitôt, répondit Jo-
seph. Il est inutile de ramener Marie au Temple.
Mais tu sais, Zacharie, je suis pauvre, je n'ai que
cela —et le Bethléemite lui montra ses mains, nobles
de forme, mais durcies par le cal.
— Qu'importe, le travail de tes mains sera béni. La
maison que j'occupe appartenait aux parents de
Marie. Ils en possédaient une autre à Scythopolis,
une troisième enfin, la dot de sa mère, à Nazareth.
Sa demi-sœur, la veuve de Cléophas qui a épousé
Alphée, y demeure en ce moment, mais l'habitation
est vaste et ta fiancée a des droits sur elle. Quant
aux deux cents zouz qu'il est d'usage de donner à
une orpheline quand elle se marie, c'est moi qui
1. Environ 300 F en pièces d'or.
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m'en charge, ne serait-ce qu'à titre de loyer pour


la demeure que j'occupe.
—Je ne demande aucun des biens de Marie, inter-
rompit Joseph dont les traits s'étaient contractés à
cette énumération, je regrette seulement de ne pou-
voir lui assurer une vie large, avec des servantes.
— Des servantes! A ce mot Zacharie se mit à rire.
Mais Marie, notre petite princesse 1 — qui porte bien
son nom, se fait instinctivement, tant elle est bonne,
la servante de tous. Cependant, je te le répète, Marie
n'est pas pauvre. Joachim possédait des troupeaux
de brebis; des pacages, dont sa fille est encore pro-
priétaire, sont loués à des bergers du côté de la
plaine de Rama. Le couple était béni de l'Eternel.
Tu sais qu'Anne, la mère de Marie, étant stérile,
s'était retirée dans le Temple. Mais un ange du Sei-
gneur avertit en songe l'époux et sa femme qu'ils
aient à se réunir de nouveau. Ils se rencontrèrent à
la porte Dorée qui donne directement sur la maison
de Yahvé. De leur tardive réunion naquit ta fiancée.
Pendant cette conversation, Elisabeth, après avoir
embrassé sa petite cousine, essayait de lui faire ra-
conter son entrevue avec Joseph. Mais la jeune fille
se dérobait en faisant dévier la conversation du côté
pratique : « Voyons, disait-elle, la sauce épaissit trop,
il faut se hâter de servir », ou bien : « Ne vois-tu
pas, cousine, que ce quartier d'agneau va brûler! »
Pendant le repas, comme il était visible que les jeu-
nes gens ne tenaient pas à parler d'eux-mêmes, Zacha-
1. Marie veut dire « princesse » en hébreu.
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rie confia à Joseph ses inquiétudes au sujet de la


liberté d'Israël. Certes il était heureux d'avoir assisté
à la dédicace du nouveau Temple, il y avait cinq ans
de cela. Le roi Hérode avait fait les choses avec une
magnificence inouïe. Lui-même, assis sur son trône,
couronné d'or et de gemmes, un sceptre à la
main, avait consacré la maison de Yahvé, reléguant
le grand prêtre Simon derrière lui. Jamais on n'avait
assisté à tant de splendeur. Marie, alors Naziréenne,
avait pu assister au spectacle.
Les souverains d'Asie mineure et les princes de la
famille d'Hérode avaient défilé, étalant un luxe
inouï dans leurs vêtements et dans la suite de leurs
serviteurs. Les chants, auxquels les vierges consa-
crées avaient pris part, étaient merveilleux.
Mais les munificences du souverain ne venaient
point d'un amour pour le peuple d'Israël et pour son
Dieu. C'était un geste politique, auquel s'alliait toute-
fois son amour inné de la grandeur et de la beauté.
Ce souverain d'origine barbare venait d'Idumée. Il
faisait converger toute son ambition vers Rome, d'où
il tenait le pouvoir. S'il s'employait en même temps
à flatter les Juifs dans ce qui leur tenait le plus à
cœur : la beauté de leur Temple et des cérémonies du
culte, il fallait donc y voir une grande habileté de
sa part.
A peine le repas achevé, Joseph prit congé.
— Mais nous sommes au milieu de la nuit, dit Zacha-
rie, tu retournes à Bethléem, seul et sans armes,
n'as-tu pas peur des brigands, à la descente escarpée ?
Ils se cachent dans les creux de rocher.
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IMPRIMÉ EN FRANCE

2731-1961. — Tours, Impr. de la Maison Marne


Dépôt légal : 1 trimestre 1961
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