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IJEITEJE
INITIATIQUE S
Pages
Poèmes
L'apprenti . . 23
La troisième voyelle 25
Le Geste 27
Le Temple 31
Livres et revues 71
SAINTJEAN D'TE
Pour tenter d'approcher la figure rayonnante de celui que tous
les Francs-Maçons traditionnels du monde honorent à cette époque
et cela après tant d'autres plus éminents, plus qualifiés que
moi j'ai fait appel à la voie intime, la plus proche dU coeur,
celle de l'art.
J'ai tenté de voir Jean le Baptiste à travers les peintures et
les statues, les icônes et les vitraux qui, dans le monde chrétien,
ont été dédiés au PrécLirseur. Et puis aussi à travers la tradition
populaire, à travers la légende car l'une et l'autre sont souvent
porteuses de messages secrets, venus de la nuit des Temps, et
qui s'éclairent à la lueur de la science sacrée.
Si quelquefois le Baptiste est vêtu d'une robe de couleur
rouge - le rappel de son martyre, lui qui, né six mois avant Jésus
au solstice d'été périt comme Jésus de la main des hommes à
33 ans le plus souvent tous les artistes l'ont représenté ceint
d'une peau de bête, de bélier, d'agneau ou de chameau. Or le
Bélier est symbolisé par la lettre Gamma et en hébreu chameau
se dit « Ghimmel », image de la lettre « G » que le compagnon
apprend à discerner au coeur de l'étoile.
Dans l'église Saint-Jean de Latran à Rome on peut voir une
splendide statue en argent massif, entourée de sept cerfs, égale-
ment en argent, images des sept dons de l'Esprit-Saint du Bap-
tême et préfiguration des sept Maîtres-maçons qui dans une
Loge de Saint-Jean sont requis pour accueillir l'initié.
A Sainte-Marie aux Fonts de Liège on voit le Précurseur bapti-
ser le philosophe Craton dans une cuve cjui repose sur 12 boeufs,
images à la foi des Prophètes et des Apôtres. Ici nous avons,
réunis par le symbolisme, l'Ancienne et la Nouvelle loi, l'ancien
et le nouveau monde.
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A Saint-Rémy de Reims il existe un vitrail « unique » car le
Précurseur et l'Evangéliste ne font qu'une et même personne
et au-dessus de la tête de ce Jean « unifié », de ce Janus chré-
tien, flamboient deux tournesols, images des solstices, tournant
bien sûr en sens opposé. Quelle plus simple et quelle plus belle
figuration de ceux qui détiennent la clef des portes de la déli-
vrance, opposés à Pierre dont la clef ouvre la porte du salut. Car
si les religions mènent au salut, l'initiation, elle, a toujours et
partout promis de conduire les élus sur le chemin de la délivrance.
L'union du Baptiste et de l'Evangéliste n'est nulle part mieux
figurée à cet égard que dans la cathédrale d'Heracleion en Crête,
où l'on voit deux Jean exactement semblables, vêtus tous deux
de la même peau de bête, mais le premier, le Baptiste tenant sa
tête sur un plateau tandis que le second, l'Evangéliste porte en sa
main gauche le Livre et en sa main droite le bâton du Baptiste.
Sans le bâton du Précurseur point de Livre et sans son sacrifice la
voix aurait clamé en vain dans le désert.
Et puis il y a l'admirable tableau de Léonard, le sourire mys-
térieux du saint Jean de Léonard. Dans « La Vierge aux rochers
le grand peintre initié marque bien la priorité de Jean sur Jésus
jusqu'au baptême et l'on y voit le Nazaréen recevoir la bénédiction
de Jean, en position de néophyte, un genou en terre. Dans « La
Vierge à la source » le même Jésus reçoit le baiser initiatique
sur les lèvres. Alors la colombe, l'esprit du démiurge car Jean,
ne l'oublions pas, est l'homme du Démiurge ce qui l'a fait rejeter
des cathares (» quod non fuit homo carnalis, disaient-ils, parce
qu'il ne fut pas homme de chair) et c'est ce qui nous distingue
radicalement de la philosophie cathare à laquelle trop souvent avec
quelque hâte et quelques inconsidérations on a voulu nous rac-
crocher alors, la colombe descend en Jésus. C'est le moment
où e Christ cosmiqLle, le Verbe solaire prend possession de l'initié
longuement préparé, et qui a reçu la grande purification par l'eau.
Dès lors le grand jeu est accompli, l'initié consent à mourir pour
incarner l'être sublime.
Or la colombe est Ionah, l'éternel féminin céleste, IONAH
où sont les lettres, capitales pour les gnostiques, de I, O et A,
dont le nombre est 81, manifestation de la Trinité. Et Jean se ratta-
che précisément en grec à la racine ion qui a donné son nom à
l'lonie. Et puis, mieux encore : au nord-ouest de l'Ecosse, il existe
une petit île évangélisée par Colomban lui-même et qui est consi-
dérée comme le berceaU de la chrétienté nordique. Son nom est
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lona et les deux saints Jean y possèdent depuis le xe siècle cha-
cun leur croix.
Mais approfondissons, si vous le voulez bien, le sens caché
du Baptiste, lié aux deux éléments de l'eau et du feu. Contraire-
ment aux Esséniens dont pourtant il était très proche nous
dirions aujourd'hui qu'il était dans la « mouvance » de l'essé-
nisme Jean baptisait dans l'eau vive, cette eau dont on retrouve
le signe sous forme de traits ondulés dans toutes les sculptures
mégalithiques. Cette eau qui régénère et recrée l'être. Celui qui
naît de l'eau devient « fils de la Vierge « et donc frère du Christ
et cohéritier du royaume de Dieu, comme le soulignait René Gué-
non. Il est inutile d'insister sur l'importance de l'eau qui émane des
profondeurs de la Mère et à quel point les ablutions rituelles ont
compté et comptent dans toutes les initiations, tous les cultes
ésotériques. Le brahmane s'immerge trois fois par jour. A Deiphes
les pèlerins se baignaient dans la fontaine Castalie. Pratiquement
toutes les initiations connaissent la présence de l'eau.
Mais l'eau et le feu sont intimement liés l'aigle, oiseau du
feu, n'est-il pas né de l'eau ?... Et c'est pourquoi le Baptiste est
aussi associé au feu, Il est « la lumière ardente et brillante » qui
annonce la « lumière intellectuelle pleine d'amour « dont parlait
Dante. Il est l'âme de ces feux du solstice que, suivant la tra-
dition millénaire, les Maçons de la Grande Loge de France allume-
ront ce soir sur la colline de Presles.
Les bûchers de la Saint-Jean doivent être faits de sept essen-
ces sacrées (chêne, hêtre, pin, frêne, bouleau, orme et tremble).
Dans la tradition celtique, le bûcher était entouré de neLif pierres
qui recevaient le nom de cercle de feu. Jeunes gens et jeunes
filles devaient en faire trois fois neuf tours (le chiffre 27 qui par-
lera à certains d'entre vous comme le chiffre 81 cité tout à l'heure)
les jeunes gens porteurs de torches et les jeunes filles tenant une
baguette d'orpin à la main. Et les garçons devaient balancer neuf
fois les filles au-dessus du feu en criant « An nao » selon un très
vieux rite de fécondation de la terre. Les tiges qui avaient été pas-
sées ainsi dans les flammes, les filles les suspendaient aux pou-
tres de leur maison, afin que, sans terre et sans eau, elles puis-
sent croître et fleurir. On retrouve aussi ces vestiges de l'antique
culte sola;re et solsticial dans l'herbe de la Saint-Jean qui, dit-on,
passée par le feu, et posée sur la face, peut donner la clairvoyance,
fortifier la vue... Dans le Morbihan il n'y a pas si longtemps encore
on amenait e bétail autour des feux rituels afin de le préserver
de la maladie et des loups.
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Faut-il ajouter que dans le nom de Jean Jehoh Hanan il y a
:
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LA MARCHE
VERS LETOILE FLAMBOYANTE
ET LA MORALE MACONNIQUE
a) L'Etoile flamboyante
L'Etoile flamboyante dérive du pentagramme, dont elle n'a
retenu que les contours. Le pentagramme, suite de lignes brisées
que l'on peut tracer et retracer indéfiniment, sans avoir à relâcher
e trait, apparaît à cause de cela comme étant essentiellement un
signe dynamique. Toutes les anciennes croyances et gloses à son
sujet le définissent comme tel.
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Pour les Egyptiens, le pentagramme était le signe d'Horus,
lui-même symbole de la vie intarissable, et semence universelle de
tous les êtres. Horus, dieu à tête de faucon dont un oeil était e
soleil et l'autre la lune, était la permanence de la vie, le « grand
dieu qui traverse l'éternité » et, pour cela, « le vieillard très vieux
qui donne le souffle à chaque corps »...
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1,618
b) Le symbolisme du G
Quant au G, qui figure au centre de 'Etoile flamboyante, vous
savez qu'il n'est apparu que tardivement dans les rituels, à la fin
de la première moitié du XVllle siècle et, semble-t-il, dans les
rituels français. Cette dernière remarque n'est pas sans impor-
tance, car, d'une part, elle rend problématique la correspondance
du G avec le mot « God », et, d'autre part, elle nous met sur une
autre voie : les Maçons français de l'époque étaient entichés
d'hermétisme. Partant de là, je pense que e G est l'évocation
du noeud doré (1) et, par ce biais, le G serait lui aussi une réfé-
;
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Pour en revenir en G, quelle pouvaient être, dans les domaines
de la connaissance et de l'esthétique, les meilleures illustrations
de l'ordre et de la clarté, si ce n'est la Géométrie et sa concré-
tisation (ou son initiatrice peut-être) l'Architecture ?
c) Le symbolisme de la figure complète
Ainsi le symbolisme de la figure complète (Etoile flamboyante
et G) est une référence à l'harmonie du monde (2), autrement dit
l'appel à connaître et à respecter les lois qui président à cette
harmonie et, en définitive, l'appel à s'insérer harmonieusement
dans ce monde. L'interdépendance de toutes choses en ce monde
laisse en outre pressentir que c'est la vie de toute l'humanité qui
est en cause dans l'action de chaque individu.
Le pentagramme, symbole dynamique, nous aide à comprendre
le caractère inépuisable de la démarche à laqLlelle l'homme est
appelé la main et la plume qui le tracent, dessinent tour à tour
des chutes plus ou moins brutales, des remontées plus ou moins
pénibles, des translations pas toujours dans le sens favorable (3)
cela finit par un remontée vers le point le plus haut, vers l'équi-
libre... avant de recommencer un nouvel effort.
A ce stade de notre réflexion, 'Alchimie peut nous aider
à enrichir la signification de ce symbole. Certains ont noté que
le G, sous sa forme majuscule, avait une ressemblance avec le
theta e qui représente le sel alchimique. Or le sel en alchimie est
le liant dynamique indispensable pour que s'unissent le soufre et le
mercure, c'est-à-dire la forme et la matière, l'actif et le passif, le
masculin et le féminin... A l'image dLI sel dans l'Alchimie, l'Etoile
Hamboyante symbolise cet éveil, cet appel sans lequel rien ne se
produisait dans l'esprit du futur initié. Flamboyante, 'Etoile évoque
le fait que le feu est allumé dans le coeur de l'initié.
Mais, comme le faisait 'alchimiste, il faut savoir bien conduire
son feu intérieur, grâce à un contrôle de soi-même et grâce à une
connaissance des règles du Grand Art. A l'image de la cuisson
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de l'oeuf philosophai, l'initié va tendre à sortir de sa gangue,
pour aller vers la purification totale. Telle est la tâche du compa-
gnon. Quand l'oeuf philosophai aura été suffisamment chauffé, il
sera brisé et la pierre philosophale apparaîtra. Qu'en faire ? Là,
ça n'est plus tâche de compagnon, mais tâche de maître. On a un
peu tendance à oublier que la pierre philosophale en alchimie
n'avait pas pour but d'obtenir la richesse (sauf pour « les faux dis-
ciples », comme disait Paracelse), mais avait une fin médicale
et curative elle permettait de faire de l'or potable et des compo-
:
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fond de son être et, en se retrouvant pleinement soi-même, renaî-
tre à une nouvelle vie.
La meilleure image de cette transformation, c'est la chenille
rampante, molle et répugnante, qui devient papillon ailé, aérien et
splendide. De même que le papillon ne rappelle plus rien de son
ancien état de chenille, de même l'initié au fur et à mesure de son
achèvement perd toutes ses pesanteurs et ne s'en soucie plus. Il
acquiert une maîtrise croissante de ses passions. Il serait plus
exact de dire que ce sont ses passions qui le quittent, un peu,
ainsi qu'un psychologue l'a noté, comme l'enfant qui grandit, est
quitté par ses jeux... De même, pour l'initié approchant de la per-
fection, ce sont ses passions, ses divertissements oiseux, etc.,
qui disparaissent de son horizon.
Toutes les expériences mystiques nous montrent que cet
homme finit pas n'avoir plus ni dedans ni dehors. En lui tout est
un. Cet homme qui, jadis, se référait à des barèmes sociaux,
moraux, religieux, pour accepter ou pour condamner, pour peser
ses pensées et ses actes, pour juger ses voisins.., découvre, main-
tenant, qu'il est arrivé dans « un univers privé d'obstacles, parce
que sans duaUté ' (MM. Davy). Jadis cet homme était, suivant une
image connue, enfermé dans une prison qu'il s'était lui-même
construite il était un peu comme une araignée qui se laisserait
prendre à sa propre toile. Maintenant qu'il a retrouvé l'unité,
il voit d'emblée les autres hommes comme des frères, Il les com-
prend pleinement il comprend qu'il y ait des hommes en mar-
che vers l'étoile, et d'autres qui ne se décident pas encore à sortir
de l'ornière. Simultanément l'équilibre de l'univers lui devient per-
ceptible. Par un paradoxe simplement apparent, cet « homme inté-
riorisé est parfaitement incarné et ouvert à tous « (MM. Davy).
Il n'est pas interdit de croire, avec Nicolas Berdiaev, ce phi-
losophe qui se situa à la rencontre de 'Orient et de l'Occident
chrétien, que l'initié, arrivé à ce stade, est devenu pour le monde
une semence prolongeant l'oeuvre du Créateur. « Tout ce qui arrive
dans le monde... a une source intérieure spirituelle » a dit Ber-
diaev. Il croit que l'oeuvre des grands spirituels peut « dépolluer
le monde, non seulement le monde intérieur et moral, mais même
la réalité quotidienne et concrète. D'autres que Berdiaev ont éga-
lement pensé que ces grands spirituels avaient un effet multi-
plicateur du Bien ; et, ici, c'est l'image de la pierre philosophale
qui revient il suffisait d'un grain de cette pierre pour provoquer
;
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plus grande. Et, s'agissant d'hommes plus ordinaires et même
ordinaires, on peut penser et c'est ma conviction personnelle
que toutes les bonnes actions qui se produisent sur terre servent
à constituer un « trésor de santé » pour toute l'humanité toute ;
15
Mais, après l'émerveillement, lui vint l'angoisse, car Mitcheli
continue ainsi :« Puis mes pensées se tournèrent vers la vie quo-
tidienne sur la planète. Alors mon sens de l'émerveillement se
transforma graduellement en quelque chose de proche de l'an-
goisse, parce que j'eus conscience qu'à ce moment précis, où
j'étais assez privilégié pour contempler la planète de 240 000 miles
dans l'espace, les habitants de la Terre étaient en train de se
livrer bataille, de commettre des meurtres et d'autres crimes de
mentir, de voler et de se battre pour le poL!voir et le statut social
d'abuser de l'environnement.., en agissant avec convoitise et cupi-
dité de se faire souffrir les uns les autres par intolérance, bigo-
terie, préjugé et tout ce qui ajoute à l'inhLlmanité de l'homme pour
l'homme. C'était comme si l'homme était totalement inconscient
de son rôle et de sa responsabilité individuels dans le futur de la
planète. Il était aussi douloureusement évident que les millions de
gens souffrant de pauvreté, de maladie, de misère et de serni-
esclavage étaient dans cette condition dLI fait de l'exploitation
économique, de la domination politique, de la persécution religieuse
et technique et d'une centaine d'autres démons prenant leur source
dans l'ego humain...
Et alors Mitchell note que la science, avec ses succès tech-
nologiques, esquive ces problèmes, ou, plutôt, qu'elle n'est pas
à même de les résoudre. Et il se pose les questions suivantes
« comment restaurer une relation harmonieuse entre nous-même
et l'environnement ? » « Comment réaliser le potentiel de l'homme
pour une société de paix, de création et d'accomplissement ? »
N'est-ce pas, mes Frères, ce qu'a évoqué pour nous le symbolisme
de l'Etoile flamboyante et du G ?
Et Mitcheli constate qu'il n'y a que trois solutions
ne rien faire, et c'est la perspective d'un « effondrement mas-
sif de l'ensemble mondial «,
« abandonner la liberté personnelle de choix, aux mains d'un
gouvernement mondial ; la tyrannie étant encore préférable à
l'anéantissement »,
ou, troisième solution, promouvoir un nouvel éveil, un élargis-
sement de la responsabilité individuelle afin de « rétablir l'unité
de l'homme avec l'homme et avec l'environnement... »
Je passe sur une bonne partie des analyses de Mitcheil, mon-
trant pourquoi, et singulièrement, les chercheurs scientifiques et
les dirigeants doivent élargir ce champ de perception afin d'ahou-
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tir à une transformation de leur conscience l'essentiel étant que
;
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La Morale, au sens fondamental du terme (d'autres préfèrent
parler alors de Loi morale) c'est une conception de la conduite de
la vie fondée sur le présupposé ou la conviction que l'esprit gou-
verne l'humanité, que les aspirations de l'esprit sont les inspira-
trices de la loi morale, et que seule cette dernière peut donner
une orientation à l'évolution de l'humanité. C'est bien évidemment
en ce sens que je me préoccuperai de savoir si la Morale maçon-
nique peut prétendre répondre aux aspirations d'un Mitchell.
Il nous faut rappeler les bases spirituelles de la Franc-
Maçonnerie. Elle continue une antique tradition fondée sur la pri-
mauté de l'esprit. La Franc-Maçonnerie croit que l'on peut restau-
rer un idéal humain, nourri de cette nostalgie du retour intégral
à 'Esprit. Nostalgie, en ce sens que la Franc-Maçonnerie n'ignore
pas que la Tradition est, pour une grande part, perdue et que l'on
ne peut plus guère espérer faire que quelques pas vers l'antique
vérité. Mais espérance aussi, car la Maçonnerie a toujours témoi-
gné d'une foi dans le mouvement vers un état supérieur de
!'homme, débouchant sur l'universalité avec son couronnement
la Fraternité.
Universaliste, la Maçonnerie est source de liberté spirituelle.
Après avoir incité l'initié à fouiller au fond de lui-même, à se
dépouiller de tous accessoires trompeurs, la Franc-Maçonnerie le
fait renaître avec des aspirations nouvelles qui deviennent comme
un nouvel instinct, un sixième sens : celui du Spirituel. A partir de
ce moment, l'initié perd de plus en plus le goût des choix égoïstes
ilressent un appel croissant vers la Vérité et ce, dans tous les
domaines (loyauté des sentiments, rigueur de pensée, simplicité
dans les moeurs, etc.). S'étant dépouillé de tout ce qui n'était
pas cohérent avec lui-même, il baigne de plus en plus dans un
état de paix.
Telles sont les bases spirituelles de la démarche sans
cesse répétée et sans cesse approfondie que fait le Franc-Maçon.
Une première chose est acquise le Franc-Maçon se situe
au-delà des craintes métaphysiques. li n'agit pas en fonction de
récompenses ou de châtiments post-mortem. Il est libre. La morale
maçonnique se situe corrélativement à ce même niveau élevé
elle est « une morale sans sanctions », comme telle elle se situe
parmi les morales du niveau le plus élevé. Si l'on se réfère à la
dualité qu'indique Bergson dans son livre « Les deux sources de
la morale et de la religion » dans lequel il oppose
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la morale close, fondée sur la notion d'obligation et sur un
impératif « pesant sur la volonté à la manière d'une habitude »
morale essentiellement sociale et conservatrice,
- la morale ouverte, d'essence individuelle et créatrice morale
des « grands inventeurs moraux », elle ne se présente plus sous
les traits de l'obligation, mais elle est comme un « soulève-
ment des profondeurs » de l'âme, une aspiration, « une émotion
neuve.., génératrice de pensée »,
sil'on se réfère à cette classification bergsonienne, dis-je, la
morale maçonnique est bien une morale digne de figurer parmi
les morales les plus élevées.
Second point à retenir : le Franc-Maçon acquiert un sens
synthétique de la Nature, ce sens synthétique que la Tradition a
transmis, vaille que vaille, et que l'initié redécouvre. Cette vision
globale et unitaire du monde conduit le Franc-Maçon tout naturel-
lement à oeuvrer à « rassembler ce qui est épars », c'est-à-dire à
ordonner, articuler, optimiser ce qui était divisé, désordonné, relié
par de mauvais rapports. Il n'en garde pas moins conscience que
le monde est à la fois « un et multiple », il ne croit donc pas
possible ni souhaitable de tout ramener à un principe unique. Il
pense qu'il est néanmoins nécessaire de se situer, toujours, aussi
loin que possible du chaos...
Cette vision synthétique conduit le Franc-Maçon à se préoc-
cuper des autres hommes, mais il sait qu'il est vain d'espérer les
rassembler autour d'un principe unique, il conduit donc son action
dans une optique de tolérance. Et, le sens très vif que le Franc-
Maçon a des complémentarités dans 'univers, engendre en lui un
sentiment de fraternité non pas une fraternité « juridique » (la
seule qui, parfois, subsiste entre fils d'un même père quand vient
le moment de partager e patrimoine familial), mais une frater-
nité fondée sur un acte libre : l'acceptation de l'autre, et le don
de sa personne à l'autre.
Cette conception débouche sur une morale universelle. Cela
peut paraître banal de le dire, mais, en être arrivé là, est en soi
un fait considérable.
Le Franc-Maçon, comme nous l'avons vu, est largement ouvert
à l'espérance, à la foi en la possibilité d'une évolution illimitée
vers la Spiritualité, Il ne peut donc concevoir la morale que comme
évolutive. Tout naturellement, à notre époque où se manifeste
une pollution des esprits (qui, par tous les laisser-aller et les
19
I
20
élévation de cette morale ; car cela veut dire que, morale fondée
sur le Don, elle relève de l'ordre de l'Amour. Comme telle elle
ressortit à la célèbre formule de saint Augustin « Aime et fais ce
que tu veux ».
Il ne me semble pas trahir la pensée de saint Augustin en
faisant le commentaire suivant « Oui, 'Amour te rend libre. Non
pas libre à la manière d'un voyageur perdu dans la nuit, et que sa
fausse liberté risque de conduire dans un marécage sans fond
mais libre d'aller de toi-même vers le Bien. Oui curieux para-
doxe tu vas aller librement vers le seul lieu où tu puisses aller
le Bien. Ton acte d'amour et ton libre choix ne sont en fait qu'un
même acte ». ... C'est à ce niveau que se situe la Morale maçon-
nique. En cela elle rejoint l'extrême pointe des grandes morales
religieuses dont le couronnement se trouve condensé dans la
maxime de saint Augustin, qui s'adresse à ceux des fidèles de
toutes les religions qui sont capables d'être des « voyageurs de
l'en-dedans ,,.
21
Tu fus toujours et tu seras
Tu fus toujours et tu seras
Dans l'immensité de l'espace
Car c'est le temps, non toi, qui passe.
Ni milieu, ni commencement,
Rien ne meurt car tout est vivant.
Tu vis dans l'invisible centre
Où tout l'univers se concentre,
Ton corps n'est que le contenant...
La mort, la fin de l'ignorance...
Qui prononce le mot néant ?
Qui douterait de la présence ?
Ne cherche pas les au-delà
Rentre en toi-même, tout est là,
Tout parle, vibre, patience
Sous le vacarme et sous le bruit
Ecoute la voix du silence,
Que de messages dans la nuit
22
Poème de l'Apprenti
23
Je poursuivrai ma quête
Quête de la Sagesse
Le Passé, l'Avenir
Dans les travaux du Temple.
J'achèverai ma quête
Quête de la Sagesse
Eternel Apprenti
Sous les [leurs fraternelles.
24
eme
La voyelle
un symbole a glissé
d'une à l'autre voyelle
sa demi-vérité
puis un autre et Lin autre.
25
LE GESTE
27
donné, fait sans intention, devient inefficace et perd toute signi-
fication.
Si l'on vient à la pensée compagnonnique la loge s'établissait
autrefois sur le lieu du travail, près de l'édifice en construction.
Dans ce local, on étalait les plans, on organisait et on définissait
l'avancement des travaux. De ce centre vivant partait la vie du
chantier les compagnons étaient bien entre eux dans ce lieu
d'élection où ils passaient le meilleur de leur temps, car ils étaient
loin de chez eux, de leur famille, et que là ils retrouvaient une
fraternité puisée dans la réalisation de l'art royal.
Dans ce lieu du savoir par excellence, on apprenait à ceux
qui en étaient dignes, les procédés de métier. Le sacré imprégnait
alors tout acte matériel l'habileté manuelle se liait à la valeur
sacrée du geste.
A l'origine le travail manuel de la taille de la pierre se dou-
blait d'une acte mental, d'un pouvoir spirituel. Ce rite profession-
nel se sublimait et sa maîtrise conduisait à une discipline inté-
rieure, donc à une prise de conscience « les tailleurs de pierre
ont inscrit l'écho de la Parole Perdue dans le séculaire silence de
la pierre qu'entendront les prédestinés », écrit Victor-Emile Miche-
let.
N'oublions pas que d'après Le Songe de Jacob la pierre est
la maison de Dieu et ce caractère divin apparaît encore avec la
pierre angulaire du grand oeuvre, cette pierre à laquelle se compare
Jésus.
Par ce geste on crée la pierre qui va prendre place parmi
toutes les autres pierres de la construction l'homme vient de
l'imaginer en la traçant, et lorsque l'angle doit être calculé, lors-
que ce bloc doit s'intégrer dans une forme plus complexe il s'est
servi de ce fameLix « art du trait ».
Ainsi tous les hommes de la même corporation, qui accom-
plissent les mêmes gestes et qui vont les pratiquer avec amour,
communient entre eux. Cette répétition entraîne une cohésion de
l'esprit et le geste bien fait influe alors sur la pensée de celui qui
rêve son acte. Ces hommes entraînés à se servir des mêmes
outils, et à bien s'en servir, se comprennent alors plus intimement.
On peut ainsi trouver la sacralisation de l'outil qui transforme la
nature, l'objet, et lui donne son sens révélé.
Les hommes qui se servent des mêmes outils sacrés, qui
accomplissent les mêmes gestes, qui reçoivent les mêmes impul-
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sions venant de la main au mental, participent à la même frater-
nité du métier. C'est aussi vrai pour le tailleur de pierre que pour
le semeur, celui qui va permettre l'éclosion. Mais ceux qui pren-
nent le même repas, qui mangent les mêmes aliments, qui rom-
pent le même pain, qui boivent le même vin, participent aussi à
la même communion de pensée, à la même recherche mystique
une sorte de chaîne d'union qui met tous les participants au même
rythme et nous reconnaissons aussi bien là le pouvoir des mains
enlacées que la communion mystique, la Cène.
Grâce à cette conscience on assiste à la lente transformation
de l'individu qui accède à un nouveau niveau de connaissance et
d'amour. Ce geste entouré de mystère, cette attitude particulière
agissent sur la nature même de l'être et sur son sens secret. Mais
l'idée rapportée reste incommunicable, cette nature profonde est
inexprimable il y a ici notion de silence.
C'est dans le silence que le geste crée. Cela va de la pierre
qui prend forme pour s'adapter à notre vie aux rites de la cheva-
lerie, ou à ceux du compagnonnage, de la franc-maçonnerie. On
impose les mains et, par ce geste symbolique, le caractère sacré
pénètre le néophyte qu'il soit essénien, catholique, cathare ou
chevalier. On concilie des forces bénéfiques.
Aussi celui qui transmet cette influence doit-il avoir une atti-
tude initiatique l'officiant pour bénéficier de toutes ces radia-
;
29
s'intègre dans une équipe, une confraternité rattaché moralement,
spirituellement à un groupe il n'est plus qu'un maillon dans une
chaîne indestructible. René Guénon dans Aperçus sur l'initiation
dit que les « rites sont des symboles mis en action et toUt geste
rituel est un symbole agi.
Nos gestes correspondent à des centres psychiqLles on peut
modifier la totalité du moi (corps, mental, esprit), en agissant sur
les forces qui sont en nous. D'après la tradition tantrique il faut
éveiller « le lotus aux mille pétales ' à partir des sept chakras,
qui, stimulés, dégagent des énergies.
Les chakras sont en fait les centres de force qui se trouvent
dans l'homme ; ils peuvent être mis en action à partir de positions
définies et ils peuvent agir sur le comportement de l'homme. On
peut songer à une sorte de stimulation par acupuncture.
D'après le tao, le Ki est la force fondamentale de toute vie
matérielle ; elle circule à l'intérieur et le long du corps en emprun-
tant des chemins précis, nommés méridiens.
Les gestes du Franc-Maçon ou du compagnon intéressent des
positions localisées et parfaitement déterminées qui appartien-
nent en générai aux sept chakras. Ces centres en état de rota-
tion rapide seraient de matière ethérique. En réveillant ces éner-
gies internes on crée le « serpent de feu », ou Kundalini, une éner-
gie divine, une puissance cosmique, un feu liquide, qui s'élance
au travers du corps suivant une spirale analogue aux anneaux d'un
serpent. Ce trajet s'effectue dans le plan de l'épine dorsale et on
le nomme le bâton de Brahma c'est donc un axe vertical, l'axe
;
30
LE TEMPLE
31
Age chacun s'exprime librement, et les symboles qui ornent cet
édifice consacré résument toutes les réalités. Du monde de tous
les jours on atteint la plus sublime pensée et il se produit un
équilibre complet entre le matériel et le spirituel. Dans le temple
médiéval nous trouvons une merveilleuse harmonie entre les
lorces populaires et la philosophie spirituelle du culte.
Ne croyons pas ces légendes selon lesquelles le peLiple aurait
construit l'église, ou la cathédrale dans un acte de foi. En dehors
de ces beaux clichés il faut reconnaître que ce sont des ouvriers
spécialisés qui ont édifié ces audacieuses demeures du Divin
mais ces maçons, ces artistes, ont leurs souches directes dans le
peLiple qLIi conserve l'indépendance de ses instincts. Dans ces
formes expressives de l'architecture, de la sculpture, l'histoire
sainte, les mythes chrétiens se transposent dans les actes de
la vie journalière. L'église, la cathédrale frémit et vibre aux rumeurs
de l'activité générale on y découvre l'âme malicieuse, naïve
:
32
reconstruit par Zorababel au temps de Josué. Ce temple sera lui
aussi détruit par Titus en l'an 70 de notre ère. Les constructeurs
Hiram, Zorababel, puis Phaleg (l'architecte de la Tour de Babel)
donnent lieu à des rites Compagnonniques et Maçonniques ces
scénarios atteignent une véritable grandeur et marquent tant la
maçonnerie des premiers degrés que celle des Hauts-Grades ; et
ceci dans divers rites. Zorababel apparaît plus dans le rite anglais,
particulièrement dans la Maçonnerie de 'Arche. Mais le thème
d'Hiram, e maître architecte, assassiné par trois mauvais compa-
gnons, est le plus répandu. Aux côtés d'Hiram la légende compa-
gnonnique fait travailler maître Jacques et le père Soubise, deux
personnages non cités dans la Bible.
Retenons aussi que le Temple de Salomon est construit par
une main-d'oeuvre étrangère, celle de Tyr les tribus sont alors
errantes depuis Abraham jLlsqu'à Moïse et Josué. Mais avec la
construction du Temple le peuple devient sédentaire chassé il
reviendra dans son pays et alors Zorababel se sert de la main-
d'oeuvre locale d'lsraèl. Ce double aspect, nomade et sédentaire,
qui reste attaché à l'histoire juive se répercute sur le compagnon-
nage le compagnon qui est rattaché à son pays, à sa famille, est
aussi un nomade qui se déplace sur son « Tour de France ».
Mahomet vénère la pierre d'angle, travaillée et polie, emblème
de la civilisation qui sait se servir du compas et de l'équerre. Dans
Esaïe on lit (XXVIII, 16, 17) « Voici, je mettrai pour fondement
:
33
de Marque qui connaît le plan de l'oeuvre (ou la venue du Christ
au Sommet de l'angle du Temple, à la place du « Trou du foyer
qui unit le Temple au Cosmos, et où passe le rayon solaire tom-
bant au centre du foyer). Cette pierre clef de voûte s'ajuste libre-
ment elle constitue la preuve de la capacité du candidat, mais
elle donne aussi toute la force à l'édifice qui sans elle s'écroulerait.
D'après la représentation courante, le ciel a la forme d'une
voûte : donc en toute logique la coupole représente le ciel. L'esprit
magique établit des correspondances entre les formes, les idées,
des relations qui peuvent nous paraître actuellement purement
affectives, mais dans la mentalité de cette époque il y a transfert
de qualité, efficacité par les substitutions entre idées et objets.
Ainsi naît la loi d'analogie, de correspondances.
C'est pourquoi dans l'art de htir on trouve de nombreux édi-
fices circulaires, parfois aussi dénommés chapelles des Templiers,
bien que ces constructions soient fort anciennes en leur principe.
L'image très bien conservée est celle dLI Saint Sépulcre dont la
forme se retrouve dans les baptistères romans. Mais cette rotonde
est d'origine constantiniènne. De nombreux édifices religieux sont
ainsi des édifices circulaires établis sur une base carrée en sym-
bolisme le carré surmonté d'L!n dôme équivaut à la terre située
sous le ciel. Dans les pays orientaux e monarque se déplace
dans un carrosse carré surmonté d'un dôme ; il prend place sous
un parasol nos rois reçoivent leurs onctions sous un dais et l'on
pourrait évoquer de nombreux exemples montrant la place de ces
premiers citoyens protégés par la puissance céleste, ne serait-ce
que par les formes de chapeaux.
Ainsi la Loge maçonnique, qui est le Temple, doit être orientée,
ne disposer que d'une seule porte munie d'un judas elle s'étend
;
34
La Grande Loge de Franco vous parle,.
37
Vient ensuite la Constitution, règle intangible, pacte social conclu une
fois pour toutes entre le peuple souverain et l'Etat chargé de le gouverner.
Elle fixe exactement la nature et la limite des pouvoirs et des devoirs des
différents organes de l'Etat envers les citoyens.
La Constitution organise la permanence, la stabilité et l'équilibre de l'Etat.
Elle est certes susceptible d'améliorations mais il ne faut l'amender qu'avec
précaution. Elle trace les limites précises du pouvoir de légiférer, de gou-
verner et de rendre la justice. Au-delà de ces limites on tombe dans l'arbi-
traire
Ceux qui sont chargés d'exercer ces pouvoirs doivent se rappeler en
permanence qu'ils ne les détiennent que par délégation du peuple souverain
et qu'ils n'en sont que les dépositaires provisoires et transitoires.
Vient ensuite le droit positif qui, à partir de ses trois sources tradition-
nelles : la loi, la jurisprudence et la coutume, régit les rapports des individus
entre eux, et avec les organes de l'Etat.
Ce n'est que dans le respect de cet édifice harmonieux et hiérarchisé
que les sociétés civilisées s'épanouissent et se perpétuent. Il est indispen-
sable que chacun accepte et respecte la règle du jeu sous peine de dérègle-
ment complet du corps social.
Deux tentations sont à bannir radicalement. D'abord celle qui, hélas I
Les moyens I
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Nul besoin de recourir à la menace de la prison ni à celle de l'enfer pour
nous contraindre à obéir aux impératifs de notre conscience. Nous le faisons
naturellement parce que celle-ci est inhérente à notre nature humaine.
Les animaux féroces ne sont pas responsables de leur férocité. L'être
humain l'est parce qu'il possède dans l'essence même de son état ce sentiment
du bien et du mal qui n'appartient qu'à lui seul.
Et c'est pourquoi, bien qu'appartenant au monde des choses créées, dans
lequel il est né, il vit, il travaille, il procrée et il meurt, bien qu'assujetti aux
lois de la nature, il est en perpétuelle révolte contre les lois lorsqu'elles lui
paraissent injustes ou cruelles.
C'est ce qui fait toute l'ambiguïté de la condition humaine exprimée par
Jésus qui successivement et alternativement affirmait
« Je ne suis pas venu pour abroger la Loi mais pour l'accomplir. »
Et, contradictoirement en apparence
« Je suis venu pour transformer la Loi. »
Bien avant iui, lsaïe, Jérémie et Ezéchiel, par leurs clameurs élevées vers
le ciel, réclamaient eux aussi la justice et la liberté dans l'avènement de
la Loi supérieure, seule capable de faire sortir l'homme de sa condition d'objet
pour accéder à celle de sujet.
Les Francs-Maçons du Moyen Age se considéraient comme les collabora-
teurs de Dieu dans l'oeuvre de création.
Cela implique inéluctablement, d'une part la constatation de l'imperfection
du monde, d'autre part la croyance en sa perfectibilité, enfin et surtout la
volonté de l'améliorer par le travail.
Les Loges de Maçons francs pratiquaient le culte de l'effort collectif partant
de l'éducation mutuelle, se poursuivant par la conception et la réalisation pour
aboutir à l'ouvrage achevé.
Les cathédrales gothiques édifiées de leurs mains, dressant leurs flèches
élancées vers le ciel, portent témoignage de leurs espoirs et de leur foi dans
une humanité se dégageant de la matière nourricière pour rejoindre l'esprit
géniteur de la vie.
Lorsque les Maçons francs du Moyen Age arrivaient sur le chantier, le
premier de leurs soins consistait à contruire la Loge, lieu d'élection où le
collège de constructeurs, fraternellement soudé par le travail entrepris et accom-
pli en commun, devait désormais vivre en communauté spirituelle. Du maître
architecte au dernier des apprentis ils se sentaient solidaires dans l'exercice
de l'Art Royal. Et aussi longtemps que l'ouvrage n'était pas achevé ils consti-
tuaient une famille plus étroitement unie par les liens fraternels nés de l'entre-
prise commune que ne le sont entre eux les frères nés du même sang et de
la même chair. Le serment qu'ils prêtaient avant l'ouverture du chantier leur
imposait avant tout la défense de leur entreprise. Et c'est pourquoi les maîtres
d'ouvrages ne confiaient leurs travaux de constrLlction qu'à des Maçons francs.
Les Francs-Maçons contemporains effectuent la même démarche et procla-
ment une foi identique en une philosophie d'action triomphant de la pesanteur,
des vicissitudes et de l'inertie de la terre.
39
Peut-être pensez-vous que nous nous sommes laissés entraîner bien loin
de l'actualité évoquée au début de notre réflexion de ce matin ? Détrompez-
vous.
Si nous voulons triompher des épreuves oui nous attendent dans le très
proche avenir il nous faudra les aborder dans l'esprit où les constructeurs des
temps passés abordaient le chantier : non avec crainte et résignation mais
avec optimisme et résolution, non dans le dessein d'exploiter l'entreprise jusqu'à
la rendre exsangue mais dans celui de la défendre et de la protéger.
Les épreuves ne sont pas des accidents de parcours, destinées à freiner
notre élan, à arrêter notre progrès. Elles ne nous sont pas données pour nous
ramener de force à notre condition animale, mais au contraire afin de nous
permettre d'éprouver nos forces et de les raffermir dans l'action.
Ce n'est pas dans le farniente de l'oreiller que se forme l'athlète, c'est sur
le stade, dans la lutte permanente contre la paresse. la fatigue et la douleur
musculaire, dans la victoire de la volonté sur la débilité du corps.
Il en est de nous au moral comme au physique. Une existence sans histoire,
enfermée dans la tiédeur d'une société protectrice et maternaliste, dispensatrice
de pain et de jeux de cirque, ne produit que des larves sans initiative, sans
liberté, sans responsabilité. Une telle société court inévitablement à sa déca-
dence et à sa mort,
Si nous voulons prouver que notre civilisation n'est pas en décrépitude et
n'approche pas de sa fin, il nous faut aborder l'épreuve qui s'annonce, non
comme une calamité insurmontable mais comme un bienfait, une occasion unique
de nous réveiller, de sortir de notre amollissant confort, de notre fallacieuse
sécurité, de prendre la conduite de notre destin et de réaliser notre Grand
OEuvre.
40
Abandonnons le ton de l'indignation feinte, de la vertu hypocrite, de l'insulte
facile et des menaces inutiles. En un mot, efforçons-nous de nous concerter,
comme se concertent les membres d'une même famille en vue de régler leurs
affaires communes dans l'intérêt de tous.
Ensuite combattre légoïsme.
Il est urgent que chacun de nous fasse passer ses ennuis particuliers au
deuxième plan et prenne en considération ceux d'autrui.
Prenons conscience que nous sommes tous embarqués sur la même galère
et que personne n'attendrira personne en exposant complaisamment ses propres
maux. Tout ce que nous risquons de susciter c'est le désintérêt des autres en
les persuadant que nous sommes incapables de nous intéresser à autre chose
qu'à nous-mêmes.
li faut mettre un terme à la foire d'empoigne dans laquelle, comme des
enfants mal élevés, chaque individu, chaque groupe s'efforce de tirer le maxi-
mum de profit de la communauté sans rien lui donner en retour.
Il faut, non pas nous résigner à partager, mais le faire de bon coeur. Il
n'existe pas de groupement humain sans participation, soutien mutuel et
partage.
L'homme qui vivrait seul, sur une île déserte, personnage mythique qui ne
correspond à aucune réalité, n'aurait ni droits ni devoirs, il ne disposerait que
des pouvoirs correspondant à la satisfaction de ses besoins naturels : manger,
dormir, s'abriter, se vêtir. En vérité la notion de droit surgit dès que deux
hommes sont en présence et qu'une société est ainsi née, en raison de leur
communauté de nature. Cette société ne peut survivre qu'à la condition que
chacun de ses membres accepte de limiter les pouvoirs absolus dont il jouirait
solitaire. Ainsi, spontanément, naissent les droits de chacun et, en face de
chaque droit, le devoir pour les autres membres de la société, d'en respecter
l'exercice. Droit, liberté, justice, ne sont en vérité qu'un équilibre. Cet équilibre
est inhérent à la vie en société, et comme l'homme est contemporain de la
société, il est contemporain de l'ordre social.
II faut que nous ayons conscience permanente de cette réalité. Nul ne peut
vivre en liberté et en justice sans le consentement et le concours d'autrui. Nul
ne s'occupera de nous si nous ne nous occupons pas de lui.
Ainsi, à cette solidarité biologique naturelle qui unit les humains entre eux
comme elle unit les animaux entre eux et avec le biotope, doit s'ajouter la
solidarité morale qui conditionne l'existence des sociétés humaines.
Si nous ne supportons pas Ta compagnie de nos semblables allons nous
réfugier au fond du désert ou sur un îlot inhabité, mais n'attendons plus aucun
secours de la communauté que nous aurons répudiée, ni aliment, ni vêtement, ni
matière première, ni outils, ni lecture, ni culture. Car on ne peut vouloir en
même temps une chose et son contraire, on ne peut à la fois refuser et
demander.
Si nous ne pouvons nous résoudre à devenir une bête solitaire alors il
nous faut écarter égoïsme qui nous enferme dans la pire des solitudes, en
dépit du grouillement anonyme des métropoles où nous la cultivons.
Enfin et surtout, participer.
Il nous faut cesser de croire que nous participons à la vie de notre cité,
de notre nation et de notre planète lorsque, à la fin d'une journée de travail
harassante, après un parcours qui n'en finit pas, ayant enfin rejoint notre tanière
41
au fin fond d'une forêt de béton anonyme, nous nous affalons dans un fauteuil
pour ingurgiter passivement les nouvelles et les commentaires de la presse, de
la radio et de la télévision. L'information, pain quotidien irremplaçable de
'homme contemporain, est une excellente chose. Il faut encore l'améliorer et
la développer car elle ouvre les esprits et éclaire les consciences.
Mais elle ne suffit pas, parce qu'elle passe toujours à sens unique, de
l'informateur actif à l'informé passif.
Si nous voulons participer effectivement à la vie il nous faut communiquer
activement avec ceux parmi lesquels nous vivons, Il faut nous ouvrir, aller à
eux, les recevoir en nous et pénétrer dans leurs coeurs, participer à leurs joies
et à leurs peines.
Cette communication qui, paradoxalement est mise en péril par l'illusion
de communication que fournissent les media mécaniques, il nous faut l'établir
dans tous les sens et à tous les niveaux.
Dans une Loge maçonnique, des personnes de races, de croyances, d'opi-
nions, de conditions différentes se rencontrent, s'expriment et se compren-
nent. Elles unissent leurs mains, leurs esprits et leurs coeurs dans une chaîne
d'union vivante et vivace. Elles assurent la permanence et le mouvement entre
le passé, le présent et le futur.
Vous avez la possibilité d'en faire autant. Sortez de votre réserve. Dans
votre travail, dans la rue, dans le métro, dans le train, vous passez à côté de gens
qui vous sont étrangers, même si vous rencontrez leurs visages fermés et
anonymes chaque matin et chaque soir, Vous seriez incapables de les décrire
car vos yeux les regardent et ne les voient pas.
Ouvrez les yeux et les oreilles, dites un simple mot, faites un simple geste
et les ombres qui glissent à vos côtés prendront aussitôt du relief et de la
couleur. Vous leur aurez rendu la vie. Vous serez étonné de voir que ces
fantômes sont des hommes et des femmes dotés d'esprit et de coeur. Vous
aurez la surprise de découvrir en eux des réserves immenses d'intelligence,
de bon sens, de dévouement, de cordialité, de tendresse, de chaleur, qu'un
simple déclic aura révélées.
Prenez l'initiative de provoquer ce déclic. Vous serez ainsi libérateur et
libéré. Vous serez celui qui abat les barrières, qui ouvre les portes et les
fenêtres. Vous ferez entrer le soleil chez vos voisins et dans votre propre
maison, d'où seront chassées l'inquiétude et la tristesse.
Grâce à vous nous affronterons ensemble les épreuves de l'an qui com-
mence, nous nous réconforterons mutuellement, nous agirons d'un même
coeur et la victoire de chacun sera celle de tous.
Chemin faisant nous aurons fait la découverte du plus merveilleux des
trésors : l'amour fraternel.
JANVIER 1977
42
La Grande Loge de France vous parle1.
FOI CHRETIENNE
ET FRANC-MAÇONNERIE
Pour beaucoup de gens encore, foi chrétienne et Franc-Maçonnerie sont
incompatibles. La liberté de conscience prônée par notre Ordre, son excom-
munication par le Pape au XVIII siècle, ses combats contre le cléricalisme à
la fin du siècle dernier apparaissent comme autant de preuves d'une opposition
irréductible. Certes le public intéressé par ces questions sait que des contacts
officiels ont été renoués entre les Eglises et la Franc-Maçonnerie comme en a
témoigné en juin 1971 la visite à la Grande Loge de France de Monseigneur
Daniel Pézeril évêque auxiliaire de Paris. Mais ce même public a entendu
récemment les paroles d'un autre évêque, en rupture de ban avec Rome certes,
clouant la Maçonnerie au pilori, sous l'accusation éculée de satanisme. Le côté
fanatique et extravagant de pareils propos n'a pas échappé bien sûr aux esprits
avertis. Mais nous sommes « payés » pour savoir, nous autres maçons qu'il
reste toujours quelque chose des calomnies que l'on profère, surtout quand
celles-ci sont de taille. Peut-être ne croira-t-on pas que les messes noires consti-
tuent une des pratiques habituelles des Loges, mais on risque d'en déduire qu'il
n'y a pas de fumée sans feu et de voir ainsi dans de semblables accusations
le reflet d'une inimitié essentielle entre la démarche maçonnique et celle de
la foi.
Pour être tout à fait honnête il faut aussi ajouter que certains maçons,
volontairement ou involontairement, alimentent ce qui n'est en fait qu'un malen-
tendu, A force de claironner partout que la Maçonnerie n'a ni dogme ni
doctrine, à force de la poser en concurrente de la religion, lui donnant bien
sûr l'avantage en ce qui concerne la libération et l'évolution de l'homme, on
peut effectivement croire que le but ultime de la Franc-Maçonnerie est d'affran-
chir les hommes de la pratique et des croyances religieuses.
43
Pour tenter d'y voir plus clair, il est bon ce me semble de faire en premier
lieu un bref rappel historique. Les fondateurs de la Franc-Maçonnerie spéculative,
les pasteurs Anderson et Désaguliers étaient des chrétiens convaincus. L'obliga-
tion faite aux maçons de croire en Dieu est d'ailleurs inscrite à l'article de I
leurs Constitutions. Et ce n'est certes pas l'esprit maçonnique qui visa les loges
de leurs éléments catholiques dans nos pays latins, mais tout simplement la
bulle pontificale d'excommunication. Encore fallutil attendre plus d'un siècle
puisqu'en 1867 le Grand Orient de France commandait une messe à Notre-
Dame pour les obsèques de son Grand Maître, le Maréchal Magnan. Pendant
très longtemps on a donc pu être chrétien et même chrétien catholique romain
et appartenir à une Loge maçonnique sans se trouver gêné. Les conflits qui
ont pu survenir par la suite viennetit beaucoup plus d'une évolution contre-nature
de i'Eglise et de la Franc-Maçonnerie que d'une opposition essentielle.
Aussi quand les maçons de nos pays latins se sont opposés à une pareille
Eglise au nom de la démarche initiatique impliquant une recherche permanente
de la Vérité, incompatible donc avec le catholicisme autoritaire et dogmatique
dont je viens de parler, ils ne se sont pas véritablement attaqués à la foi
chrétienne mais à des abus de cette foi. D'autres chrétiens, les protestants
s'étaient opposés à l'autoritarisme du Pape et aux implications théologiques
qu'il entraînait. En proclamant le principe de l'autorité de l'Ecriture Seule,
Martin Lutlier replaçait le dogme à une place qu'il n'aurait jamais dû quitter,
celle du point de repère pour l'esprit. Fait de mots humains empreint dans sa
forme d'une logique humaine, soumis constamment à la Parole de Dieu, un
tel point de repère ne saurait être infaillible. L'adhésion qu'il réclame ne signifie
donc pas pour l'esprit un arrêt de la réflexion mais en fait une étape dans la
recherche incessante d'une formulation toujours à améliorer de la Vérité. Cette
conception du dogme, beaucoup plus conforme à la foi, au Dieu de la Bible dont
Te Nom est imprononçable est actuellement partagée par de nombreux catho-
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liques. La foi chrétienne est donc revenue à une certain pureté dans une dimen-
sion oecuménique et apparaît dans cette forme là comme parfaitement compa-
tible avec une quête initiatique.
Encore faut-il qu'il s'agisse vraiment d'une quête initiatique, c'est-à-dire que
la Maçonnerie qui la propose soit restée fidèle à ses traditions. Quel que soit
le nom qu'on leur donne, la Maçonnerie traditionnelle a des règles. Citons
deux exemples : l'affirmation du principe du Grand Architecte de l'Univers et
le refus de la mixité. C'est donc faire preuve, à la fois d'ignorance ou d'hypo-
crisie que d'affirmer que la Franc-Maçonnerie n'a pas de règles, et pire encore,
pas de doctrine. Car que fait-on quand on explique le pourquoi de la non-
admission des femmes ? N'énonce-t-on pas, qu'on le veuille ou non un principe
dont l'irrespect entraînerait l'exclusion de l'Obédience, une excommunication
maçonnique en quelque sorte. Etre Franc-Maçon implique donc l'obéissance à
certaines règles qui dans 'absolu ne sont pas plus contraignantes que celles
de la religion.
45
que tels. La Franc-Maçonnerie doit rester un « Centre d'Union » et interdire dans
ses loges tout ce qui peut diviser et opposer les hommes. C'est la raison pour
laquelle la Grande Loge de France ne demande aucun engagement de type
religieux. Elle respecte trop l'Eglise pour cela. Voilà, à très gros traits, les
différences de démarches. II apparaît alors clairement, me semble-t-il que
celles-ci ne s'opposent et ne s'excluent nullement, car le symbolisme n'est
constructif que s'il s'appuie sur une tradition et la théologie ne remplit sa
fonction que si elle ne se sclérose pas dans un dogmatisme aveugle. Quand au
but, il est sensiblement le même et peut être résumé ainsi la connaissance de
:
l'Ordre qui nous régit, et la vie en harmonie avec celui-ci au fur et à mesure des
progrès que nous accomplissons dans sa connaissance. Si nous restons sur le
strict plan maçonnique, nous parlerons alors de progrès dans la voie de l'initia-
tion, progrès dans la connaissance de Dieu, ajoutera le chrétien.
FEVRIER 1977
46
La Grande Loge de France vous parle.
LE FRANCMAÇON MONTESQUIEU
47
La misère des humbles était grande. Qui ne se souvient du portrait tragique
que La Bruyère, cette année-là, traça des paysans ?
« L'on voit certains animaux farouches, des
« mâles et des femelles, répandus par la
« campagne, noirs, livides et tout brûlés
« de soleil, attachés à la terre qu'ils fouillent
« et qu'ils remuent avec une opiniâtreté
« invincible. Ils ont comme une voix articulée
et, quand ils se lèvent sur leurs pieds, ils
montrent une face humaine et en effet ils sont
des hommes
Les guerres s'achevaient en désastre ; les revers s'accumulaient. Après la
terrible bataille de Maiplaquet, le chemin de invasion était ouvert, la France,
sauf miracle, allait être envahie.
Le miracle se produisit. Les soldats de Villars gagnèrent la bataille de
Denain en 1712.
Mais, affaiblie au dehors, la France était ruinée au dedans.
48
Peintre des moeurs, chroniqueur, bel esprit de salons.
Par delà toutefois ces aspects brillants, un homme s'affirme déjà dont
l'ambition est plus grande et le mérite plus assuré.
Voici Louis XIV sous la plume d'Usbeck.
« Le roi de France est vieux.., on lui s souvent entendu
« dire que, de tous les gouvernements du Monde,
celui des Turcs ou celui de notre auguste Sultan
« lu! plairait le mieux, tant il fait cas de la politique
« orientale...
J'ai étudié son caractère et j'y ai trouvé
des contradictions qu'il m'est impossible de résoudre.
Par exemple, il a un ministre qui n'a que 18 ans
« et une maîtresse qui en a 80.
« Il n'est occupé, depuis le matin jusqu'au soir
qu'à faire parler de lui.
Il aime les trophées et les victoires, mais il craint
autant de voir un bon général à la tête de ses troupes
qu'il aurait sujet de le craindre à la tête d'une armée
ennemie
De la même encore seront ses lettres sur la liberté des femmes, leur
rôle dans la cité, sur l'Eglise, tant d'autres que vous lirez ou relirez.
Paul Valéry vantera leur incroyable hardiesse. Je pense que Louis Jouvet
eût donné une merveilleuse lecture des Lettres. Son débit saccadé, ses
changements de ton, auraient fait sentir avec bonheur, le passage de l'ironie
cinglante à la condamnation, puis soudain à la force grave des principes de
justice et de raison.
Le succès des Lettres fut immédiat et extraordinaire. Montesquieu fut
entouré, fêté dans les salons de Paris. « Quand j'ai été dans le monde, je l'ai
aimé comme si je ne pouvais souffrir la retraite
Ses amis ? des savants, Maupertuis, Réaumur, des écrivains, Helvétius,
Fontenelle, Madame de Tencin, Madame de Lambert.
Dubois interdit alors les Lettres Persanes, il existait contre toute attente,
un goût de Ta répression dans l'entourage du Régent. Montesquieu retourne à
Bordeaux et vend sa charge.
A Paris, il est élu à l'Académie Française, malgré Fleury.
Puis, il parcours l'Europe. Il va partout, en Allernagne, en Autriche, en
ltalie, en Suisse, en Hollande, Il rencontre les hommes les plus notoires, le
Prince Eugène, John Law exilé de notre sol, Lord Chesterfield et puis des
artistes, des juristes, des hommes du monde, des musiciens.
Avec Lord Chesterfield, il part pour Londres.
Comme tant des meilleurs esprits de chez nous, il aime l'Angleterre avant
de la connaître, l'Angleterre d'où venait une partie de sa famille.
49
Mais surtout l'Angleterre, terre de la liberté naissante. Depuis 1689, les
rois n'accédaient au trône qu'après avoir juré devant le Parlement, une très
précise Déclaration des Droits. Ce texte n'a pas la grandeur émouvante de ce
que sera la nôtre. C'était cependant un exemple, une lumière. La lumière, celle
de la Maçonnerie, il la recevra à 41 ans, le 12 mai 1730 à la Loge Horn, à
l'Orient de Londres. La Loge tenait son nom du Pub où elle se réunissait tout
près de Westminster.
Pendant les vingt-cinq ans qui lui restent à vivre, Montesquieu sera fidèle
au serment qLI'il prêta ce jour-là. Ce serment était conforme à sa conception
de la vie.
li rentre à la Brède en 1731. Il y travaillera toujours, mais n'abandonnera
pas Paris, où il fondera, avec d'autres Frères, Ta Loge de Bussy.
il écrira beaucoup
Considérations sur les causes de la grandeur et de la décadence des
Romains «, « Dialogue de Sylla et d'Eucrate «, Lysimaque «, « Essai sur le
Goût », et surtout, en 1748, il publiera « L'Esprit des Lois «, dont je parlerai
seulement, je ne fais pas une conférence, ce n'est qu'un message. Je dirai
seulement ce que je crois essentiel.
L'esprit des lois, Montesquieu y avait songé depuis plusieurs années. Vingt
ans s'écouleront entre sa première réflexion et la publication. il s'explique
clairement en Maçon conscient, il montre ce que fut la démarche de son esprit
à la recherche de la vérité.
J'ai bien des fois commencé et bien des fois abandonné
cet ouvrage j'ai mille fois envoyé aux vents
les feuilles que j'avais écrites je suivais mon objet
sans former de dessein je ne connaissais ni les règles
ni les exceptions je ne trouvais la vérité que
pour la perdre.
Mais quand j'ai découvert mes principes, tout ce que
je cherchais est venu à moi, et dans le cours
de vingt années, j'ai vu mon ouvrage commencer,
croître, s'avancer et finir. »
Si c'est en 1830, dans sa Philosophie Positive, qu'Auguste Conte a cru
devoir hasarder le terme de sociologue pour qualifier l'étude scientifique des
faits sociaux, Montesquieu, un siècle plus tôt, est sociologue avant la lettre.
L'Esprit des Lois, qu'est-ce à dire ?
50
La célèbre première phrase dit bien ce qu'elle veut dire.
« Les lois, dans la signification la plus étendue,
« sont les rapports nécessaires qui dérivent
de la nature des choses et, dans ce sens,
« tous les êtres ont leurs lois ; la Divinité à ses lois
« le monde matériel a ses lois les intelligences
« supérieures à l'homme ont leurs lois
« les bêtes ont leurs lois l'homme a ses lois ».
Les contemporains ont bien compris. Ils ne sont pas entrés dans la confusion
que pourrait entraîner le mot « loi » dans le sens de commandement religieux,
de commandement moral, de commandement légal. Spinoza les en avait
dissuadés.
L'Esprit des Lois est bien connu dans ses développements.
Pour la célèbre thèse de la séparation des pouvoirs, dont on parle beaucoup
en France, qu'on a rendue constitutionnelle aux Etats-Unis.
Pour sa distinction, toujours valable à travers les remous de l'Histoire,
entre trois espèces de gouvernements le républicain, le monarchique et le
:
despotique
Le gouvernement républicain est celui où le peuple
« en corps, ou seulement une partie du peuple
« à la souveraine puissance
« le monarchique celui où un seul gouverne,
mais par des lois fixes et établies
« au lieu que, dans le despotique, un seul,
« sans loi ni règle. entraîne tout par sa volonté
« et par ses caprices
Pour l'avertissement qu'il nous donne la République sera le régime de
:
51
On a beaucoup discuté de l'influence de Montesquieu sur le cours des
événements de la fin de son siècle.
Selon Paul Morand, dans une préface incisive, il ne fut pas le père de la
Révolution Française, celui seulement des malheureux Girondins. Ce ne serait
pas si mal. Les Clubs révolutionnaires l'auraient dénoncé comme aristocrate
et imbécile.
Pour Althusser, cet opposant de droite a « servi dans la suite du siècle
- tous les opposants de gauche, avant de donner des armes dans l'avenir de
« l'histoire à tous les réactionnaires. »
Il n'est pas dans mon propos de discuter ces appréciations singulières.
A nos yeux, l'influence de Montesquieu se confond avec celle des philo-
sophes et des Maçons du siècle des Lumières.
A aucun moment, au cours du XVIII' siècle, les Maçons n'ont souhaité,
provoqué et encore moins organisé la débâcle de l'Ancien Régime.
Mais, au jour qui devait arriver, ils ont eu la sagesse et l'honneur de
donner à la Nation, la trilogie synthétique de la Démocratie
Liberté -
Egalité -
Fraternité.
Ces trois mots sont depuis bientôt deux siècles, le symbole toujours res-
suscité des ferveurs qui ont sauvé la France.
MARS 1977
52
La Grande Loge de France vous parle.
VICTOR SCHOELCHER
La Grande Loge de France a le très grand plaisir de vous présenter ce
matin notre Frère Gaston MONNERVILLE, membre de la Grande Loge depuis
de nombreuses années.
Monsieur le Président, je ne pense pas vous vieillir en vous demandant
la date de votre initiation.
53
dangers, continuaient leur apostolat, tel l'Abbé Grégoire, défenseur actif
et impavide de toutes les minorités, qui se qualifiait lui-même, « L'Ami des
hommes de toutes les couleurs ».
54
sont jamais le résultat du hasard et encore moins de la pusillanimité qu'elles
sont, au contraire celui d'une volonté inébranlable, et continue. Il savait aussi,
par expérience, que le peuple de France est hostile à toute négation de la
liberté qu'ayant conquis la sienne par son propre sursaut, il veut, dans
un souci de justice, même sentimental, l'étendre à tous les peuples asservis.
Ce qu'il faut retenir de cet immense effort, c'est l'esprit qui y a présidé.
« La Commission, écrit Schoelcher dans son rapport au Gouvernement pro-
visoire, n'avait point à discuter le principe de l'affranchissement général
il est intimement lié au principe même de la République ; il se pose, il ne
se discute plus aujourd'hui
Schoelcher ajoute «
: La Commission n'avait pas davantage à débattre
des conditions de l'émancipation. La République ne pouvait accepter aucune
sorte de transaction avec cet impérieux devoir elle mentirait à sa devise,
:
la famille humaine. Elle ne croit pas qu'il suffise pour se glorifier d'être
un peuple libre - de passer sous silence toute une classe d'hommes tenus
hors du droit commun de l'humanité... Elle a pris au sérieux son principe
elle répare envers ces malheureux le crime qui les enleva jadis à leurs parents,
à leur pays natal, en leur donnant pour patrie la France, et pour héritage tous
55
les droits des citoyens français. Par là, elle témoigne assez hautement qu'elle
nexclut personne de son éternelle devise : Liberté, Egalité, Fraternité
Telle est l'oeuvre accomplie par Victor Schoelcher. Elle est considérable
par son importance historique et humaine.
De cette époque, en effet, date cette véritable ruée des anciennes popu-
lations coloniales vers l'instruction, vers l'éducation civique, que devait ampli-
fier les réformes de Jules Ferry instaurant, en 1882, l'instruction publique
gratuite, obligatoire et laïque. Désormais les hommes et les femmes de
l'Outre-Mer purent se former culturellement, spirituellement, civiquement, et
prendre progressivement en main leur destin pour en poursuivre l'harmonieux
accomplissement.
56
- Un peuple.
Un homme,
- Le génie d'une Nation.
Il appartient aux hommes de volonté de lui rester fidèles.
Oui peut affirmer qu'aujourd'hui la passion de l'égalité, la passion de
justice qui animaient des esprits, comme Grégoire et Victor Schoelcher, sont
encore largement répandues dans notre Société moderne ? Racisme, discri-
mination, ségrégation, apartheid ne sévissent-ils pas encore quels que soient
les prétextes invoqués ?
Ouel plus haut exemple que celui d'un Schoelcher, quand il s'agit d'aider
à la conquête ou à la sauvegarde de l'égalité, du droit de vivre pour tous.
Par sa force d'abnégation, par son sens aigu de la dignité humaine, Schoelcher
est parvenu à rendre tangible et concrète cette affirmation de Jean-Jaurès
C'est des utopies généreuses que sortent les réalités bienfaisantes
li a montré que contre une volonté résolue, il n'est point de fatalité
que tout est possible à qui refuse la servitude.
57
Voulant exalter ces cent années d'histoire de la liberté, à Schoelcher nous
avons associé Félix Eboué, enfant de la plus vieille terre française au-delà
des mers, la Guyane Française. Schoelcher avait dit : « Aux Noirs libérés,
la République donne pour Patrie, la France «. Félix Eboué fut la justification
vivante de ce geste ; il s'était révélé comme le représentant hautement
qualifié des bénéficiaires du message humain de Schoelcher, par l'action
vigoureuse et intensive qu'il avait menée dans la Résistance en Afrique
noire, et qui avait abouti au ralliement de celle-ci à la cause des Alliés pour
la victoire de leurs armes et la sauvegarde de la liberté, dont la France leur
apparaissait comme le plus haut symbole.
MAI 1977
58
I
La Grande Loge de France vous parle1.
« Saint-Jean Baptiste
aujourd'hui »
« Saint Jean Baptiste aujourd'hui
59
I
Le choix de cette date dépend d'un autre solstice, celui d'hiver, que l'Eglise
a choisi pour fêter la naissance du Christ. Or, comme on peut conclure
d'après l'Evangile de Luc, que Jean-Baptiste est né six mois auparavant, le
solstice d'été fut tout naturellement désigné.
60
g
puissance maçonnique fidèle à la Tradition, ainsi que le lieu privilégié de
ceux qui aspirent à ce qui n'a pas de prix.
Ainsi se confirme ce que nous avions déjà laissé entendre quant à cette
fête de la Saint-Jean. Le solstice d'été en lui-même n'explique pas le Baptiste,
à l'instar du solstice d'hiver pour le Christ. C'est au contraire Jean-Baptiste
qui peut lui donner une signilication intéressante pour la compréhension de
la Maçonnerie et de sa tradition initiatique.
Nos Loges écossaises sont en effet placées, nous l'avons dit, sous le
patronage des deux Saint-Jean et elles céèbrent le solstice d'été. Ces
deux raisons sont suffisantes pour justifier notre rappel de la Tradition et
pour essayer maintenant d'en faire sentir le sens initiatique. Méditons tout
d'abord sur la personne même du Baptiste. Dès sa conception, dès sa nais-
sance avons-nous dit, il manifeste sa place privilégiée par rapport à la
L.umière. Ainsi apparaît-il comme la figure même de l'initié. Car c'est dès
sa naissance qu'un homme est marqué ou non pour accomplir un chemin
spirituel et qu'il possède pour cela un potentiel intellectuel et psychique.
Certes l'éducation jouera un rôle capital, mais si elle peut améliorer ou
fausser un esprit elle ne change pas la nature en profondeur. C'est la raison
poLir laquelle on peut être parvenu à un haut degré d'instruction, jouir d'une
brillante intelligence et cependant avoir une forme d'esprit parfaitement
61
Devant s'abstenir de vin et de toutes boissons fermentées, le Baptiste
va vivre en marge du commun pour se consacrer entièrement au service de
de la Lumière.
Celui qui reçoit la lumière de l'initiation doit accepter d'en recevoir les
durs rayons.
Tout ce qui l'y avait préparé et qui avait joué en quelque sorte le rôle
de précurseur sera plus ou moins lentement détruit. Car si belles, ni nobles,
si élevées que puissent être les causes d'une quête initiatique, elles appar-
tiennent au profane, elles ne sont pas, elles ne peuvent pas être l'initiation,
comme le Baptiste n'est pas la Lumière.
Comme lui elles ont pourtant poussé vers la Lumière au point d'être
quelquefois confondues avec Elle. Mais devant Elle, elles doivent diminuer
pour la laisser croître.
62
est ma joie, elle est parfaite ». Puis il concluait par cette phrase que nous
avons déjà citée et que nous répétons volontairement dans son contexte
« li faut qu'il grandisse et que moi je diminue ». La Lumière qui par son
triomphe dans l'initié doit brûler tout son passé profane ne doit donc pas
engendrer de mélancolie. Sa seule présence doit réconforter et les vérités
qu'elle montre deviennent rapidement pour ceux qui savent les voir autant
de voix amicales qui soutiennent et rendent la joie parfaite. Dans le cadre
de l'initiation, jamais la vérité n'est amère et si d'aventure elle détruit c'est
pour faire renaître. Aussi le jeu de la vie et de la mort ne doit-il pas effrayer
celui qui écoute la leçon des solstices. II peut avoir une joie aussi parfaite
que celle du Baptiste et célébrer le triomphe de la lumière sur les ténèbres,
même s'il sait que dès le lendemain celles-ci vont reprendre de leur puissance.
cycle des solstices, elle ne saurait être perçue comme la conclusion défini-
tive et quelquefois cynique de la vie car la lumière, même par le tombeau
;
JUIN 1977
63
I
La Grande Loge de France vous parle1,.
UN ROMANCIER
ET LA FRANC-MAÇONNERIE
** Croyez bien que j'en ai déjà lu un certain nombre, et que les élé-
ments que j'en ai tirés me sont d'une grande utilité. Cependant, ce que je
n'ai pas rencontré, c'est l'homme en chair c-t en os, celui qui y consacre une
partie de sa vie, et qui forcément se développe d'une façon qui n'est pas
celle de tout le monde. Encore, si je me contentais d'en faire, une fois pour
toutes, le tour psychologique, le problème serait relativement simple :mais
64
je conçois que lui aussi change de comportement, d'opinions, d'orientation face
à une compagne qui lui apporte à la fois une part de bonheur et un certain
nombre de complications.
65
** J'allais le dire car comment puis-je faire agir mes 'personnages si
:
* En effet
* Commençons donc par là. Je peux vous en parler plus facilement, car
tel a été mon cas. Quand je me suis marié, j'avais déjà reçu l'enseignement
des trois premiers grades, donc de l'essentiel de la Maçonnerie. Celle qui
devait devenir ma femme le savait d'emblée. Et nos conversations initiales
avaient, entre autres, pour but de nous faire constater, à nous deux, qu'il n'y
avait là aucun obstacle à une entente profonde, bien au contraire.
** Je suppose que c'est ainsi que cela se produit le plus souvent, dans
la vie réelle. Or, dans le roman, je dois créer un suspense. Il faut que j'y
introduise des éléments de conflit. J'ai donc conçu mon personnage féminin
comme habituée aux raisonnements approfondis. Elle ne se contente pas d'une
absence de contradictions entre les attitudes et opinions de son partenaire
et les siennes. Elle aurait même tendance à chercher des arguments tran-
chants là où il n'y en a pas.
66
connaissances philosophiques, de démarches idéalistes, elle considère comme
son droit d'en savoir davantage.
** Oui. Je suis heureux que vous ayez si bien compris mon problème
d'auteur. A cet égard, et dans ce domaine précis, je rencontre d'ailleurs une
autre difficulté je m'imagine qu'une femme du XIX' siècle ou même
de la première moitié du vingtième pouvait à la rigueur accepter une telle situa-
tion. Mais les choses ont changé. L'émancipation de la femme a fait des pas
de géant. Ne vous demande-t-on pas, à tort ou à raison, que l'Ordre des Francs-
Maçons s'ouvre davantage à la femme ? et cela ne se répercute-t-il pas sur
les relations entre les individus des deux sexes ?
* Il y a une évolution, je puis vous l'affirmer, mais elle est lente. Nous
ne sommes pas encore arrivés à des conclusions formelles et définitives...
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** Toujours face au problème central de mon ouvrage, je me demande
s'il existe, pour le Maçon, une méthode qui lui permette de communiquer à sa
compagne l'essentiel des enseignements de l'Ordre, sans pour autant violer ses
serments de discrétion et de silence sur les mystères initiatiques.
pas, pour l'instant, l'admission parmi vous, car je voudrais apporter la preuve,
à moi comme à ceux de mes lecteurs que cela peut intéresser, que les millions
de profanes que vous appelez les « Maçons sans tablier » constituent une
pépinière irremplaçable et témoignent de la possibilité, pour l'espèce humaine,
d'évoluer hors des sentiers battus, sur l'initiative personnelle, sous la respon-
sabilité personnelle, sous l'inspiration personnelle ; celui qui rejoint ensuite
votre Ordre n'abdique donc en rien son autonomie et ne se soumet à aucune
contrainte en dehors de celles qu'il a déjà librement consenties à lui-même
Suis-je présomptueux ?
** Parfaitement
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* Eh bien, voici ce que je pense : vous possédez les éléments néces-
saires pour réaliser votre oeuvre. Cependant, pour une raison quelconque, une
erreur peut s'y glisser, ou il peut y avoir une lacune. Quand vous aurez terminé
le travail, revenez me voir. Je me garderai bien de vous dire que vous auriez pu
ou dû écrire ceci ou cela ou ne pas aborder tel ou tel sujet. Je me bornerai, au
cas où vous auriez commis une erreur matérielle qui peut porter préjudice à
votre succès, à vous la signaler afin que vous puissiez en tenir compte si vous
le jugez utile. Cela vous convient-il ?
JUILLET 1977
69
IL