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MAURICE VIEUX

LES SECRETS
DES BÂTISSEURS

ÉDITIONS Jean-Michel GARNIER


3C Cloître Notre-Dame —CHARTRES
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© Garnier 1994-Réédition Robert Laffont, 1975.


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Unissantdans unmêmesouvenirnoscompagnonsdela nuit


et du brouillard dont le dernier souffle fut encore assez
puissant pour éteindre les crématoires et le prodigieux
maître à penser quefut Gaston Bachelard, nousprésentons
commeunhommageà leur mémoire, cette constatation, née
de la contemplation des cathédrales, qu'on nepeut allumer
sa chandelle à laflamme d'un bûcher.
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AVANT-PROPOS

Cette étude fut entreprise pour tenter d'apporter un commencement de


réponse à l'une des nombreuses questions que posent l'existence et la
permanence des cathédrales, et en particulier, de savoir par quelles
méthodes, avec quels moyens l'édification en fut réalisée.
Pour construire une cathédrale, il fallut d'abord apprendre, ce qui
paraît une évidence, mais ne semble pas avoir préoccupé les auteurs
consultés. Si la géométrie ne s'invente pas où donc les Maîtres d'œuvre
l'apprirent-ils ?
Hisser 1000 kilos à plus de 50 mètres au-dessus du sol pose des
problèmes qu'on ne résout pas par le silence.
Mettre en place, sans retouche, des pierres taillées à plus de
20 kilomètres du chantier, représente, encore de nos jours, un tour de
force technique.
Construire, suivant un plan parfaitement ordonné, avec un outillage
simple, mais avec des outils remarquablement précis pour l'époque,
relève pour certains du miracle.
A l'époque où les goniomètres optiques n'existaient pas, les Maîtres
d'œuvre établirent les fondations des cathédrales parfaitement
d'équerre.
Etant établi que parmi les commentateurs pas un seul ne s'est soucié
de savoir pour quelle raison aucun texte médiéval ne fait mention de
l'utilisation d'un instrument d'optique permettant de travailler sur une
grande distance, force est donc de conclure qu'une autre méthode fut
utilisée.
Par qui, et comment furent réunis ces moyens matériels, financiers,
humains, ayant permis la construction des cathédrales ? Où donc furent
réunis les fonds ? Qui donna la permission de passer les ponts sans
payer, de traverser une terre servile sans devenir vassal du seigneur ?Par
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qui furent appréhendées et transmises les techniques de la stéréotomie,


de la forge et de la trempe des métaux, de la construction des engins de
levage ?
A ces questions, seules furent données des réponses partielles,
dispersées dans la littérature et souvent sans conclusion.
Même la géométrie n'a pas trouvé grâce devant les efforts de
chercheurs certes consciencieux, mais à la formation mathématique par
trop élémentaire. Des philosophes s'en sont mêlés, et leurs recherches
sur l'ésotérisme des tracés régulateurs ignorent l'existence d'une géo-
métrie traditionnelle, encore utilisée actuellement, principalement chez
les charpentiers, sous le nom de «Trait », et qui n'est autre que le nom
compagnonnique de la géométrie descriptive, dont plus tard Desargues,
puis Monge, donneront des exposés complets.
Comme l'écrit le grand mathématicien allemand Jacobi : «La fin de
la science grecque coïncida avec la propagation du christianisme et
celui-ci se montra toujours peu bienveillant pour la science de sorte que
son extension détourna toute attention et toute sympathie de l'activité
intellectuelle. » La pensée grecque, assombrie après la conquête macé-
donienne, s'éteignit après l'annexion romaine, l'atmosphère vivante qui
avait permis l'éclosion d'un petit groupe de savants s'étant embrumée.
Les religions qui se disputèrent le monde rivalisèrent de fanatisme :
l'admirable bibliothèque d'Alexandrie fut pillée ou détruite à deux
reprises par les Vandales chrétiens au VI siècle puis par les Musulmans
fanatiques au VII siècle. Les chrétiens d'Orient, dès qu'ils devinrent les
maîtres, se montrèrent impitoyablement hostiles à toute espèce d'ensei-
gnement profane. «L'Humanité —dit encore Jacobi — subit une
déchéance totale pendant laquelle l'Occident perdit jusqu'au souvenir
des sciences. »

SOUSLES RUINES DEL'EMPIRE ROMAIN

Lors de l'écroulement de l'empire romain en475, il ne subsistait rien, ni


de l'organisation sociale, ni des principes politiques, qui avaient fait la
grandeur du monde antique.
La science égyptienne fut transmise et assimilée à la fois par les
Hébreux qui en recueillirent le monothéisme et par les Grecs qui en
retirèrent le travail de la pierre. Les Romains, eux, empruntèrent un peu
à tout le monde et petit à petit ajoutèrent des connaissances pratiques.
Maisen475 aucunpeuple occidental n'avait reçu le moindredépôtde
science ou de technique. Les Wisigoths conquérants barbares et noma-
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des s'établirent entre la Loire, les Pyrénées, le Rhôneet une partie de la


Provence. Les Francs, Saliens et Ripuaires après s'être heurtés aux
légions d'Aetius se sont fixés en Belgique et au nord de la Somme. En
486 le pays entre Somme et Loire sera conquis par Clovis après la
bataille de Soissons. Seule l'Armorique demeurera presque indépen-
dante car elle résistera à la poussée des Pictes et des Scots venus de la
Calédonie ou ancienne Ecosse.
Il ne subsiste qu'un Empire d'Orient déchiré par des conflits internes.
Telle, la querelle des monophisites qui, malgré la condamnation de451,
par le concile de Chalcédoine, continuèrent d'affirmer que le Christ ne
possédait qu'une nature divine et que la réalité de sa nature humaine
n'existait pas. Pendant cette même période, prend forme en Asie le
Bouddhisme Zen.
En 481, Clovis prend le pouvoir et remporte la victoire de Tolbiac en
496 sur les Alamans. Il sera baptisé à Reims par l'évêque Remi, mais
contrairement aux autres souverains, il combattra l'Arianisme, hérésie
condamnée au concile de Nicée en 325. Origine du schisme d'Orient,
cette hérésie niait la nature divine du Christ.
La démarche de Clovis va constituer un événement capital dans
l'histoire de la France par son adhésion au catholicisme romain et par
son baptême à Reims, préfigurant ainsi le sacre de ses successeurs. Par
ce geste, Clovis va donner à la royauté française un caractère religieux
et en associant le trône et l'autel, il permettra à la France de faire
l'économie de la guerre du Sacerdoce et de l'Empire.
Deux constructions datant de cette époque vont permettre de faire le
point des connaissances techniques :
LeTombeau deThéodoric à Ravenne, formé d'arcs enplein-cintre, et
l'ancienne basilique de Saint-Pierre de Rome formée de murs droits
couverts par une charpente (fig. 1).
La technologie antique réside en fait dans ces deux monuments.
ARavenne, il a fallu tailler et mettre en place une coupole monolithe
de 600tonnes. Dans ce cas on a fort bien pu utiliser la technique de la
butte de terre mais encore a-t-il fallu extraire, tailler, tracer, transporter
et mettre en place un pareil monstre (fig. 2).
Il faut malheureusement ouvrir ici une parenthèse pour tenter de
détruire une regrettable légende dont la propagation aterni la réputation
des Bâtisseurs de Cathédrales.
Certains, nantis d'une belle assurance à défaut de connaissances,
affirment tenir de source certaine la «vraie » méthode de construction.
Elle consistait, paraît-il, à édifier à l'emplacement du monument une
butte de terre, de remblai dit-on, afin de pouvoir mettre en place les
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Figure 1
Le plus ancien procédé de construction. On entasse simplement pierre
sur pierre. Les murs sont droits, la couverture est réalisée par des
fermes. Seuls les voûtains sont réalisés en plein-cintre.

voûtes. Celles-ci étant posées, on évacue la terre et l'ouvrage doit


apparaître comme terminé.
Est-il besoin de dire que cette allégation se heurte à plusieurs
objections ?
D'abord, c'est faire injure aux Maîtres d'œuvre que d'insinuer qu'ils
étaient incapables d'édifier une charpente permettant de monter une
voûte.
Ensuite, aucun texte ne fait mention d'une telle technique, et aucun
paiement n'a jamais été effectué à qui que ce soit. Qui aurait fait un tel
travail et un tel transport de terre sans être payé ?
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TOMBEAU DETHÉODORIC
Figure 2
Pour être mis en place, le bloc monolithe pesant, suivant les meilleures
estimations, six cents tonnes, a exigé la réalisation d'une machinerie,
que la science de cette époque ne permet pas de soupçonner, ou
l'utilisation d'un plan incliné formé avec de la terre.
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Enfin, dans aucun manuscrit à peinture de l'époque —XIII siècle —


ne figure cette méthode, bien au contraire, toutes les miniatures nous
font voir des charpentes aussi bien extérieures, qu'internes.
Il est possible que la technique de la butte de terre ait été utilisée par
les hommes préhistoriques pour la mise en place des dolmens et des
menhirs. Peut-être fut-ce le cas pour la coupole du mausolée de
Ravenne, mais ce ne fut jamais le cas pour la construction des églises
romanes ou des cathédrales gothiques.
Pour ce qui concerne Saint-Pierre de Rome, la réalisation de la
charpente a exigé des connaissances et des outils. Il en est de même pour
ce qui concerne la coupole de Sainte-Sophie de Constantinople (532-
537).
La construction va devenir aussi le métier de petits artisans dont les
descendants vont voir passer le Moyen Age tout en besognant les
maisons des bourgeois et dont plus tard un héritier des bâtisseurs de
cathédrales critiquera les travaux en des termes qui pourraient encore
être actuels.
«J'aurai pour moi, contre tous, grandes quantités de personnes nobles
et ecclésiastiques qui porteront témoignage qu'il y a beaucoup de
superbes édifices qui ont très mal réussi, pour avoir été faits par des
personnes qui ne savaient point les traits géométriques nécessaires à la
coupe des pierres : combien en a-t-on vu et voit-on tous les jours de
grands et riches bâtiments en ruine et les perdre entièrement pour les
mauvais assemblages des parties, pour les mauvais rapports des pierres
les unes aux autres, pour n'avoir pas su tailler et apprêter les pierres
comme il fallait. Vous m'annoncerez donc qu'en fait d'Architecture il
est nécessaire de savoir ce qui concerne la coupe des pierres et les traits
géométriques qui en donnent la règle, puisque de l'ignorance procède la
perte des édifices et de l'honneur des Architectes. Or, est-il de ce qui est
de ce point, il ne se trouve rien dans les meilleurs auteurs de tous les
anciens architectes. Ne m'en croyez pas à la parole, voyez, s'il vous
plaît, ceux que je vais vous nommer et vous les lirez aussi soigneuse-
ment que j'ai fait, et vous serez contraints de m'accorder qu'ils ne nous
ont laissé aucun précepte pour une chose tant nécessaire. Le premier de
tous, est Vitruve puisque de commun consentement du monde il passe
pour le prince des architectes. Ses œuvres contiennent 10 livres pleins de
belles doctrines...
«Vous verrez que tous ces grands hommes ne nous ont dit mot de la
façon de tirer les traits géométriques nécessaires à la coupe des pierres. »
(Le secret d'Architecture par Mathurin Jousse 1642.)
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D'autres, ouvriers dans l'âme, seront les artisans de la conquête


technique. Onpourra les assimiler àdes explorateurs, à des découvreurs
sans offenser à leur mémoire. Pendant trois siècles, avec de la craie, un
cordeau, un compas, une règle et une équerre, ils vont inscrire dans la
pierre, un message de paix et de fraternité.
Chaque pierre entamée matérialisera un rêve, celui d'une république
universelle, où seuls ceux qui travaillent ont droit de cité, où chacun
recevra suivant son travail ou son mérite, où les fonctions exercées pour
le bien de la communauté sont entièrement bénévoles et gratuites.
Cet immenserêve sera repris, étudié, analysé, parundes plus célèbres
penseurs de la Renaissance : Thomas Morus, qui lui donnera pour nom
le titre d'un de ses ouvrages : «Utopie », et ce nom deviendra le
qualificatif des songes creux, des idées fumeuses. Bonaventure des
Périers publiera «Le Carillon du Monde», le livre sera brûlé par ordre
de l'évêque. Campanella reprendra les mêmes idées dans un ouvrage de
philosophie : «La Cité du Soleil », il ira en prison. Francesco Colonna
ne subira pas un meilleur sort pour avoir osé publier «Le Songe de
Polyphile », il en ira de mêmepour Francisci Georgii avec «L'Harmo-
nie du Monde». François Bacon se heurtera aux mêmes adversaires
pour avoir composé «La Nouvelle Atlandide ». Jean Bodin osera
intituler un ouvrage «LaRépublique ». Ils avaient tous oublié que seule
«La République de Platon » avait droit de cité, car elle ne présentait
plus aucun danger.
Tous ces penseurs ont continué les rêves et repris les espoirs des
Constructeurs, c'est un symbole, car tout est symbole, que de voir des
constructions de l'esprit s'effondrer pour la même raison que s'effon-
drèrent les flèches les plus audacieuses : faute d'assise dans le sol.
Laconstruction spirituelle, comme la construction matérielle, exigent
l'une et l'autre pourquesoit assurée leur permanence,dereposer surune
base solide, indestructible. La cathédrale de Reims doit à l'exception-
nelle solidité de ses fondations d'avoir résisté à tant de furieux assauts.
Les espoirs de liberté, nourris par une évolution de la société féodale
vont être déçus par l'alliance du Trône et de l'Autel, sous le régime de
la Monarchie.
Pendant trois siècles, les Maîtres d'œuvre vont lancer vers le Ciel,
l'immense supplique que matérialisent les clochers.
Rome ne laissera que des ruines dans la Cité et dans les esprits. Le
monde occidental renaissant devra se mettre à l'étude du grec pour
donner une forme aux idées nouvelles.
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DES GENSÀPART

Aubain, épave, forain, avenu, méconnu, homme étranger, estrange,


horsain, tels sont les noms dont sont gratifiés ceux qui ne peuvent
justifier de la possession d'une terre, de la possession d'un métier, ou de
l'exercice d'un négoce.
Acette époque ne rien posséder, c'est ne pas exister. De la condition
d'homme libre le pérégrin risque de glisser vers celle de serf, ou
d'homme de corps s'il ne possède l'aveu du seigneur, c'est-à-dire,
expression encore utilisée de nos jours mais en tout autre sens, «un
homme sans aveu ». On disait, et on dit encore : «être sans feu ni lieu ».
Dans l'an et le jour de sa résidence l'aubain devait faire aveu au
seigneur, faute de quoi il était réputé sans aveu et pouvait subir toutes
sortes d'exactions.
Deux catégories de personnes vont échapper à cette emprise juridi-
que : les bourgeois et les moines. Les premiers avaient pour ancêtres les
artisans des villages gallo-romains. Les moines présenteront au monde
en cours d'évangélisation un exemple du mode de vie que propose la
Chrétienté naissante. Pour être bourgeois il faut jouir de la liberté,
autrement il n'est pas possible de se déplacer, de faire des actes de
commerce. Pour être moine il faut que le seigneur accepte de se priver
du concours d'un travailleur possible. La religion et le commerce vont
se trouver à l'origine de l'acquisition des libertés humaines et des
libertés municipales.
Le pérégrin possède des droits personnels et le bourgeois des droits
sociaux. Al'éclatement de la mosaïque romaine va succéder la structu-
ration municipale. En introduisant dans la Cité la notion de droits
personnels les pérégrins vont par le même coup y acquérir des droits
sociaux. Ces droits, malgré les obstacles d'origine seigneuriale, vont en
général devenir ceux des marchands qui par leur participation aux foires
vont permettre un développement économique certain des villes, car très
tôt celles-ci vont demander et obtenir des franchises.
En même temps les monastères vont se développer, agrandir leur
emprise terrienne, mais aussi se multiplier et, ce faisant, il leur faudra
permettre aux moines de se déplacer, suivant certaines règles bien
entendu, pour pouvoir entreprendre la fondation de nouveaux établisse-
ments ; mais il va leur falloir embaucher de la main-d'œuvre, et celle qui
sera disponible dès les premiers temps de l'urbanisation, ce sera celle
des pérégrins.
Par ce même fait ils vont acquérir la liberté et jouir des franchises
ecclésiastiques. Certains vont devenir bourgeois de leur ville et cons-
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truire pour les autres. Un certain nombre vont demeurer dans la


mouvance des moines et, après plusieurs siècles de construction au
service des Bénédictins, leurs descendants vont acquérir leur autonomie
et construire les Cathédrales.
Le pérégrin romain qui emportait sa qualité et ses droits personnels
sur tout le territoire de l'Empire aura pour successeur le Pèlerin qui
circulera sur tout le territoire du royaume avec pour seule protection
l'anathème qui frapperait celui qui oserait, serf ou seigneur, lever la
main sur lui. Mais le Pèlerin nefera quepasser, le Maître d'œuvre et ses
Compagnons vonthériter detoutes ces franchises et ces libertés. Ils vont
même étendre et élargir leurs champs d'application. A la notion de
liberté personnelle, c'est-à-dire de liberté attachée à une personne
nommément désignée, ils vont substituer la notion de liberté indivi-
duelle, c'est-à-dire que la liberté sera reconnue commeétant la propriété
d'un groupe d'individus possédant une qualité en commun, telle que
l'appartenance à la Confrérie des Compagnons Constructeurs.

SE LOGER, PROBLÈMEMILLÉNAIRE
Pourseprotéger, euxet leurfamille, pendantdes millénaires les hommes
ont construit des habitations faites de bois, faites de pierres, qu'ils
entassèrent sans relâche.
Devenus sociables ils firent descendre leurs dieux sur la terre, et pour
les loger dignement ils construisirent des temples, de plus en plus
grands, de plus en plus beaux, mais semblables en tout point à leurs
demeures ou à celles des chefs qu'ils se donnèrent ou subirent.
Quelle que soit l'énormité des constructions : pyramides, temples
cyclopéens de Baalbek, sanctuaires incas, le procédé de construction, la
technologie de l'édification était toujours la même. Ontaillait les pierres
à la demande sur le chantier, on entassait pour former une colonne dont
les parties supérieures supportaient un linteau plus ou moins long, plus
ou moins solide. Parfois la porte était taillée dans une seule pierre,
formant ainsi unmonolithe. Rarement, ontentait deformerune voussure
faite de plusieurs morceaux comme en témoignent la célèbre porte des
Lionnes de Mycènes ou l'entrée de la «Coupole »d'Agamemnon.
Partout dans le monde le même procédé est utilisé. Que ce soit pour
construire la Grande Muraille de Chine commencée en 214 avant J.-C.
ou pourconstruire Romeoccupée par les Gaulois, en 390avant J.-C., où
ceux-ci n'apprirent rien qu'ils ne savaient déjà, ils laissaient quatre
siècles plus tard aux Romains le soin deconstruire la Maison Carrée de
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Nîmes. Tous ces essais vont aboutir à la formation d'une voûte dans les
arcs de Triomphe, à l'édification d'une coupole, où l'on copie en
quelque sorte le four à pain et cette constatation n'est pas dénuée
d'intérêt. On va considérer les hommes réunis dans le temple comme
une pâte, que va faire fermenter et lever le levain de la parole du prêtre,
et le four à pain, où se trouve la nourriture terrestre aura la même
destination. L'un nourrit les corps et l'autre nourrit les âmes.
On retrouvera la voûte qui forme les arcades des arênes de Nîmes
dans les monuments bénédictins, on y retrouvera aussi la coupole
comme à Saint-Front de Périgueux : de même facture que celle de la
mosquée, dite d'Omar, qui s'élève à l'emplacement exact duTemple de
Salomon à Jérusalem (fig. 3).
La coupole va disparaître totalement des constructions pendant deux
siècles et demi, comme frappée d'interdit sans que quiconque puisse
apporter le moindre élément d'information, sauf àcomparer deux dates,
que nul, sans doute pour ne pas déplaire à la science officielle, n'avait
jamais confronté : XI siècle, première cathédrale ; XIVsiècle, dernière
cathédrale.
AuXI siècle, àAgen, paysdedroitécrit, oncommenceSaint-Caprais.
Le plan primitif prévoit une coupole, puis brusquement, sans que rien
qui nous soit parvenu puisse permettre de comprendre ce qui a pu se
passer, les plans sont remaniés et ce qui devait être une collégiale à
coupole devient une église à croisée d'ogives.
Mais, jugeons avec le recul de l'histoire.
C'est au XI siècle qu'il faut se reporter pour apprécier cette situation,
née de l'activité des moines, s'exerçant dès le VII siècle, en particulier
àTournus, premièreconstruction d'une série qui setermineravers le tout
début du XIII siècle avec Saint-Trophime à Arles.
Or, au XI siècle sévit encore la grande peurde l'An Mille, dont onne
saitjusqu'à quel point elle aura donné naissance à la première croisade,
la toute première croisade, celle des pauvres gens et non celle des
seigneurs.
Tout existe dans un monastère, tel Saint-Gall en Suisse ou Cluny,
Saint-Benoît,Aniane, en France. Maisles moines vont surtout construire
pour le bénéfice de l'Ordre Bénédictin, et acheter de la terre, beaucoup
de terres. Atelle enseigne que l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés à
Paris possédait près de 35000 hectares.
Tout ce que font les Bénédictins est utilitaire, rien dont on puisse se
passer. C'est à ce point vrai que chaque fois qu'il fallut reconstruire un
monastère en ruine on ne put éviter de suivre le plan primitif.
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Figure 3
Technique de réalisation d'une voûte de plein-cin
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Troppeunombreux pouruneœuvred'une telle ampleur, ils vont faire


appel à une main-d'œuvre spécialisée, mais extérieure à l'Ordre, donc
laïque. Apartir de ce fait une équipe de travail va se constituer et, de
chantier en chantier, va se perfectionner dans son métier. La forme de
transmission des connaissances conservera le caractère confidentiel que
les religieux lui ont donné. Le contenu de cette connaissance deviendra
de plus en plus laïque pour aboutir à une science : la géométrie
descriptive qui n'a elle aucun caractère religieux.
Si le recrutement des constructeurs avait été limité aux seuls Bénédic-
tins, ceux-ci n'auraientjamais pu suivre le rythme forcené des construc-
tions uniquement monastiques.
De 909 à 999 il fut construit 17monastères soit 1en cinq ans. De
1000 à 1060, 25 monastères soit 1 en deux ans, de 1066 à 1095 :
30monastères soit 1par an, et de 1095 à 1172, c'est 79 monastères qui
furent construits, soit encore 1par an. En reportant sur une carte les
lieux de construction, on remarque la préférence des moines pour les
points de passage des pèlerins, d'abord pour ceux se rendant en Terre
sainte puis, pour les Jacots.
Le travailleur formé sur les chantiers va désormais courir le Monde
pour son propre compteet, àpartir de 1095, il accompagnera les Croisés
en Terre sainte.
Au retour il reprendra le chemin des Pèlerins, retrouvera les enfants
de Maître Jacques avec lesquels il remontera vers Paris, traçant ainsi le
chemin du Tour de France des Compagnons.

LA QUESTIONESTPOSÉE

Dès à présent, il nous faut, effectuant un retour surce qui précède, poser
la question fondamentale : d'où vient que d'un seul coup, sans prépa-
ration, sans antériorité, sans école, des Maîtres d'œuvre vont en moins
de deux siècles consteller la France et une partie de l'Europe d'une
blanche robe de pierre ?
Quelle est donc cette force mystérieuse qui les anime, ce grand
Architecte au nomduquel ils vont entreprendre de construire suivant un
plan quepersonne neconnaissait avant eux et quepersonne neconnaîtra
plus jamais après eux ?
Pour quelles impérieuses raisons vont-ils s'enfermer pour réfléchir.
Qui va les obliger de se cacher pourpenser, qui les obligera de se réunir
le soir à la flamme d'une chandelle ; et au nom de quel irrépressible
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instinct vont-ils la protéger, exigeant de tous ceux qui verront cette


flamme, le secret le plus total, le silence le plus absolu ?
Pendantdes siècles, etjusqu'à nosjours, des hommessemblables vont
se réunir «dans ce lieu clos de toutes parts »et se «vêtir d'un costume
uniforme »et deplus «faire usage de marques et de signes distinctifs ».
Pendant des siècles ils vont battre du maillet pour annoncer le début et
la fin de leurs travaux.
Etpuis unjour ces merveilleux bâtisseurs nepouvantplus confier leur
message aux pierres le confieront aux hommes : mais l'une ou l'autre
exigeront le même soin depréparation, le mêmerespect, l'homme et la
pierre étant une matière d'œuvre, noble et rude à la fois.
L'idée exprimée par le dessin deVilart deHonnecourtn'ayant plus de
pierre pour s'exprimer, modèlera l'esprit des hommes et ceux-ci lui
donneront le secret de géométrie pour support.
Désormais ceux qui voudront bâtir pour l'éternité considéreront
l'humanité comme une carrière dans le sein de laquelle il faut creuser,
chercher, trouver la pierre que façonnera le Maître d'œuvre, devenu
maître à penser.
L'un et l'autre, le Maître et la pierre, la pierre parfaite, celle qui fait
référence et permet dejuger les autres, deviennent des constructions de
l'esprit.
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LES PRÉCURSEURS

La lutte pour soustraire les récoltes aux divers aléas auxquels sont
soumis les cultures de produits alimentaires conduisit à l'étude des
conditions d'obtention des plantes céréalières et fourragères afin de
permettreàlatribudesurvivreetdenourrirlesanimauxtenusenréserve
et abattus au fur et à mesuredes besoins.
Les expériences poursuivies en vue de la constitution de réserves
alimentaires doivent être considérées commeprocédant des techniques
de la recherche scientifique.
Lescolonies d'abeilles et decastors dont la survie est assurée par la
constitution deréserves alimentaires possèdentuneorganisation sociale
d'un niveau incontestablement plus élevé que les colonies d'autres
animaux, et, plus l'organisation possède un niveau élevé plus l'activité
degroupe est nécessaire, et par voie deconséquence plus la communi-
cation est indispensable.
Pourcequiles concerne,lesanimauxvontemmagasinerleurrécolte ;
les hommes, pour satisfaire à la nécessité sociale, vont franchir unpas
décisif, ils vont faire subir une transformation aux produits de leur
culture oude leur pêche.
C'est pour mieux manger, donc mieux vivre, que lh' omme est sorti
des cavernes.
Lamalédiction biblique voulut qu'il fut l'artisan de son propre pain.
Sa faculté d'adaptation lui fit imaginer une forme de société où il le
gagna à la sueur dufront des autres.
Pour être juste, il faut observer que les peuples esclavagistes,
généralement, devinrent mécaniciens et géomètres. Les peuples non
esclavagistes, peut-être en échange de leur refus d'humilier leurs
semblables, reçurent en partage le don des mathématiques et de la
technologie.
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LALONGUEMARCHEDUMILLEMARIN
En - 350, Aristote (- 384 - 322) rédige un traité d'astronomie intitulé :
«LeCiel ». Onytrouveuneaffirmation pourlemoinsétonnante si l'on
songe à ce qu'il faut posséder de connaissances en mathématiques, en
géométrie, en astronomie, pour la formuler.
Eneffet Aristote prétend que l'une des dimensions de l'un des plus
anciens stades grecs (peut-être s'agit-il de celui qui fut utilisé en -776
à Olympie lors de la codification des Jeux olympiques) égalait la
400000 partie de la circonférence terrestre. Or, cette dimension vaut
exactement 100mètres.
Comment,avec quels moyens, a-t-on pu, au moinshuit siècles avant
notre ère, mesurer la circonférence de la Terre et la trouver égale à
40millions demètres ?Soit uneerreur parrapport àla mesure actuelle
de 9000mètres en suivant unméridien et de 75000mètres en suivant
l'équateur, etdanslemeilleurdescasuneerreurdeunmillième, oupour
prendre uneéchelle decomparaison,uneerreur deunmillimètre surun
mètre, ou de un micron sur un millimètre, ce qui n'est réalisé dans
l'industrie que depuis une trentaine d'annés.
Unouvrage d'Hérodote (- 484 -425) qui fut en contact au cours de
sonséjourenEgypteaveclesprêtres et les savants,utilise cette mesure,
ce qui pourrait laisser présumer que les prêtres égyptiens la connais-
saient, laquelle ne pouvait provenir des Hindous ou des Assyro-
Chaldéens, ceux-ci neconnaissant pas ladivision ducercle en360°. Ils
nepouvaientmesurerlalongueurd'un degrédelongitudedontlavaleur
est égale àla 360epartie delacirconférencedelaTerremesuréesuivant
un méridien, soit 111 136,530mètres. La 60epartie de cette grandeur
vaut 1852,275 mètres, ce qui correspond à la valeur du mille nautique
universellement adoptéedepuis les Grecs, et que, deplus, ils étaient les
seuls àconnaître. Il est admispar tous les historiens des sciences qu'ils
furent les seuls à transposer sur la surface terrestre les mesures
astronomiques dont il est établi qu'ils ne les ont pas calculées.
Onsait queles Egyptiensutilisaient commemesure lacoudée sacrée
valant 635millimètres, valeurégale àla 10000000 partie durayon de
la Terre, dont la valeur actuelle est de6367654mètres. Il est facile de
conclure que les Egyptiens avaient mesuré le rayon de la Terre. Il est
moins facile depréciser quels étaient les instruments utilisés.
Onpeut essayer de reconstituer la méthode suivie. Sachant que, dès
uneépoquetrès reculée, aumoins 1000ans avantnotre ère, l'industrie
du verre était connue, il est parfaitement admissible de supposer
l'existence d'une industrie rudimentaire du verre d'optique aboutissant
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Pourquoi a-t-on construit les cathédrales, comment y


est-on parvenu ? C'est à ces deux questions majeures
que répond ce livre écrit par un homme qui, par l'expé-
rience (il fut ouvrier) et l'étude (il est ingénieur des Arts
et Métiers), a réuni tous les moyens et les matériaux
nécessaires à la compréhension de ce phénomène
extraordinaire que constituent les cathédrales et du
monde où elles sont nées. Qui étaient les bâtisseurs ?
Quels étaient leurs secrets ? Plus important encore :
quels rêves, quel idéal les portaient ? Quel est le sens
du témoignage de pierre qu'ils ont laissé sur la terre
d'Occident ? Sur ce chemin, Maurice Vieux va plus loin
qu'on n'est jamais allé. On le lira avec passion.
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