Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
DE VUE
INITIATIQUE S
Pages
5
maître. Jettez maintenant les yeux sur le Tableau, sept marches
que vous avez régulièrement montées vous ont conduit au portique,
arrêtez-vous sur le dernier degré, mes chers Frères, pour vous
souvenir sans cesse des choses que ce symbole renferme. Les
sept jours que le Grand Architecte emploie à construire le monde,
votre coeur se tourne nécessairement vers l'Etre suprême, vous
vous rappelIez la grandeur de ses oeuvres, le respect suit l'admira-
tion, la reconnaissance et l'amour en sont la conséquence infail-
lible.
Les sept vices capitaux que tout Maçon doit fouler aux pieds
cette définition reproduit à la fois les obligations religieuses du
Chrétien et les devoirs de l'honnête homme :orgueil, avarice,
luxure, colère, gourmandise, envie, oisiveté, vices honteux dont
l'existence n'accrédite que trop la fable de Pandore, vous n'aurez
jamais de prise sur le coeur des Maçons, vous aviliriez le vulgaire,
il nous méprise, nous faisons, mieux, nous osons vous braver.
6
encore l'embellir par des connaissances utiles, qui soient avanta-
geuses dans toutes les positions de la vie, et qui nous sortent
de cette espèce de végétation, dans laquelle on ne languit que
trop souvent, faute d'exercer la portion de talent que chacun a
reçu de la nature et dont il doit compte à la Société. Voilà les
vrais morceaux d'architecture qui nous plaisent et qui nous
conviennent, il est permis, il est beau, il est de précepte que l'on
s'essaye sur tout ce qui peut concourir au bien être, ou à l'ins-
truction de l'humanité c'est aux services qu'on lui rend en effet,
que se reconnaît un bon Compagnon, c'est à ce titre et dans cet
espoir, mes chers Frères, que je m'applaudis de vous avoir en ce
jour reçu comme tels.
*
**
N.B. On n'avait peut-être jamais imaginé de pérorer sur le
grade de Compagnon, parce que par un abus criant on le confère
en même jour après l'apprentissage et que le candidat encore
ébloui des premières cérémonies, n'y aperçoit point d'accrois-
sement de lumières cependant en se donnant la peine d'en
;
7
DISCOURS
SUR LA MYTHOLOGIE
De la Théologie des païens *
9
Il suppose que ces peuples adorent le même Dieu que nous,
quoique ce ne soit pas de la même manière. Il ne nous
défend point d'adorer le même Dieu que les Grecs, mais il nous
défend de l'adorer de la même façon. Il nous ordonne de changer
la manière de notre culte et nullement l'objet.
Les païens, dit Lactarice, qui admettent plusieurs dieux,
disent cependant que ces divinités subalternes président telle-
ment à toutes les parties de 'Univers, qu'il n'y a qu'un seul
recteur et gouverneur suprême de là il suit que toutes les
autres puissances invisibles ne sont pas des dieux, mais des
ministres ou des députés de ce Dieu unique, très grand et tout
puissant, qui les a constitués pour exécuteurs de ses volontés.
Eusèbe de Cesarée ajoute Les païens reconnaissaient qu'il
n'y avait qu'un seul Dieu, qui remplit tout, qui pénètre tout et
qui préside à tout. Mais ils croient qu'étant présent à son
ouvrage d'une manière incorporelle et invisible, c'est avec rai-
son qu'on l'adore dans ses effets visibles et corporels.
Je Finis par un fameux passage de saint Augustin, qui réduit
le polythéisme des païens à l'unité d'un seul principe : Jupiter
dit ce père, est, selon les philosophes, l'âme du monde qui prend
des noms différents selon les effets qu'il produit. Dans les espa-
ces éthérés on l'appelle Jupiter, dans l'air Junon, dans la mer
Neptune, dans la terre Pluton, aux enfers Proserpine, dans l'élé-
ment du feu Vulcain, dans le soleil Phébus, dans les devins
Apollon, dans la guerre Mars, dans la vigne Bacchus, dans les
moissons Cérès, dans les bois Diane, dans les sciences Minerve.
Toute cette foule de dieux et de déesses ne sont que le même
Jupiter dont on exprime les différentes vertus par des noms
différents.
li est donc évident par le témoignage des poètes proFanes, des
philosophes gentils et des pères de l'Eglise, que les païens recon-
naissaient une seule Divinité suprême. Les Orientaux, les Egyp-
tiens, les Grecs, les Romains et toutes les nations, enseignaient
universellement cette vérité.
Vers la cinquantième Olympiade, six cents ans avant l'ère
chrétienne, les Grecs ayant perdu les sciences traditionnelles des
Orientaux, négligèrent la doctrine des Anciens et commencèrent
à raisonner sur la Nature divine par les préjugés des sens et de
l'imagination. Anaximandre vivait alors ;il fut le premier qui
voulut bannr de l'univers, le sentiment d'une Intelligence souve-
raine, pour réduire tout à l'action d'une matière aveugle qui prend
10
nécessairement toutes sortes de formes. li fut suivi par Leucippe,
Démocrite, Epicure, Straton, Lucrèce et toute I Ecole des atomistes.
Pythagore, Anaxagore, Socrate, Platon, Aristote et tous les
grands hommes de la Grèce, se soulevèrent contre cette doctrine
impie et tâchèrent de rétablir l'ancienne théologie des Orientaux.
Ces génies supérieurs voyaient dans la Nature, mouvement, pen-
sée, dessein. Or comme l'idée de la matière ne renferme aucune
de ces trois propriétés, ils concluaient qu'il y avait dans la Nature
une autre substance que la matière.
La Grèce s'étant ainsi partagée en deux sectes, on disputa
longtemps de part et d'autre sans se convaincre. Vers la 120e Olym-
piade, Pyrrhon forma une troisième secte, dont le grand principe
était de douter de tout, et de ne rien décider. Tous les atomistes
qui avaient cherché en vain une démonstration de leurs faux prin-
cipes se réunirent bientôt à la secte pyrrhonienne ils s'abandon-
;
11
fond, tâchent de réfuter ces erreurs et de confirmer par leur rai-
sonnement l'ancienne théologie. Ils ajoutent aux preuves tirées
des effets, celles qu'on tire de l'idée de la première cause ils:
font sentir que les raisons de croire sont infiniment plus fortes
que celles qu'on a de douter. C'est tout ce qu'il faut chercher dans
les discussions métaphysiques.
L'histoire des temps passés est semblable à celle de nos jours.
L'esprit humain prend à peu près les mêmes formes dans les diffé-
rents siècles. Il s'égare dans les mêmes routes. II y a des erreurs
universelles, comme des vérités immuables. Il y a des maladies
périodiques pour l'esprit, comme pour les corps.
SECONDE PARTIE
12
Ils nous représentent au contraire le siècle de fer, comme le
commencement du mal physique et moral. Les souffrances, les
vices, tous les maux cruels sortent de la boîte fatale de Pandore
et inondent la terre.
Ils nous parlent du siècle d'or renouvelé, comme d'un temps
où Astrée doit revenir sur la terre, où la justice, la paix et l'inno-
cence doivent reprendre leurs premiers droits et où tout doit être
rétabli dans sa perfection primitive.
Enfin ils y chantent partout les exploits d'un fils de Jupiter
qui abandonne l'Olympe pour vivre parmi les hommes. Ils lui don-
nent des noms différents selon ses différentes fonctions. Tantôt
c'est Apollon qui combat Python et les Titans. Tantôt c'est Hercule
qui détruit les monstres et les géants et qui purge la terre de leurs
Fureurs et de leurs crimes. Quelquefois c'est Mercure ou le Mes-
sager des dieux qui vole partout pour exécuter leurs volontés.
D'autres fois c'est Persée qui délivre Andromède ou la nature
humaine, du monstre qui sortit de l'abîme pour la dévorer. C'est
toujours quelque fils de Jupiter qui livre des batailles et qui rem-
porte des victoires.
Je n'insiste point sur ces descriptions poétiques, parce qu'on
peut les regarder comme des fictions faites au hasard, pour embel-
lir un poème et pour amuser l'esprit. L'illusion est à craindre dans
les rapports et les explications allégoriques. Je me hâte d'exposer
la doctrine des philosophes, et surtout celle de Platon. C'est la
source où Plotin, Proclus et les platoniciens du troisième siècle
ont puisé leurs principales idées.
Commençons par le dialogue de Phédon ou de l'immortalité,
dont voici l'analyse. Phédon raconte à ses amis l'état où il vit
Socrate en mourant. li sortait de la vie, dit-il, avec une joie paisible
et une intrépidité généreuse. Ses amis lui en demandèrent la
cause. J'espère, leur répond Socrate, me réunir aux dieux bons
« et parfaits et à des hommes meilleurs que ceux que je laisse
sur la terre.
Cébès lui ayant dit que l'âme se dissipe après la mort comme
une fumée et s'anéantit tout à fait, il combat cette opinion en
tâchant de prouver que l'âme a eu une existence réelle dans un
état heureux avant que d'animer un corps humain.
li attribue cette doctrine à Orphée: Les disciples d'Orphée,
dit-il, appelaient le corps une prison parce que l'âme est ici
dans un état de punition, jusqu'à ce qu'elle ait expié les fautes
« qu'elle a commises dans le ciel.
13
Les âmes, continue Platon, qui se sont trop adonnées aux
plaisirs corporels et qui se sont abruties, errent sur la terre et
rentrent dans de nouveaux corps. Car toute volupté et toute
passion attachent l'âme au corps, lui persuadent qu'elle est de
même nature et la rendent, pour ainsi dire, corporelle ; de sorte
« qu'elle ne peut s'envoler dans une autre vie mais impure et
;
14
Cette idée de Platon s'accorde avec celle de Descartes sur la
nature des planètes. Ce philosophe moderne croit qu elles etaient
d'abord des Soleils, qui contractèrent ensuite une croute epaisse
et opaque mais il ne parle point des raisons morales de ce chan-
gement, parce qu'il n'examine le monde qu'en physicien.
La même doctrine de Platon est encore développée dans son
Timée. Là il nous raconte que Solon dans ses voyages entretint
un prêtre égyptien sur l'antiquité du monde, sur son origine et sur
les révolutions qui y sont arrivées, selon la mythologie des Grecs.
Alors le prêtre égyptien lui dit : ô Solon, Solon, vous autres
Grecs vous êtes toujours enfants et vous ne parvenez jamais
à un âge mûr ; votre esprit est jeune et n'a aucune vraie connais-
sance de l'antiquité. Il est arrivé plusieurs inondations et confla-
grations sur la terre, causées par le changement des mouve-
ments célestes. Votre histoire de Phaéton qui paraît une fable
n'est pourtant pas sans quelque fondement véritable. Nous
autres Egyptiens nous avons conservé la mémoire de ces faits
dans nos monuments et dans nos temples mais ce n'est que
;
depuis peu que les Grecs ont connu les lettres, les muses et les
sciences.
Ce discours donne l'occasion à Timée d'expliquer à Socrate
l'origine des choses et l'état primitif du monde. Tout ce qui a
été produit, dit-il, a été produit par quelque cause. Il est diffi-
« cile de connaître la nature de cet Architecte et de ce père de
l'univers ; et quand vous la découvririez, il vous serait impossible
de la faire comprendre au vulgaire.
« Cet Architecte, continue-t-il, a eu quelque modèle selon
lequel il a tout produit et ce modèle c'est lui-même. Comme il
est bon et que ce qui est bon n'est jamais touché d'aucune
envie, il a fait toutes choses autant qu'il était possible, sembla-
bles à son modèle. Il a fait le monde un tout parfait, composé
de parties toutes parfaites et qui n'étaient sujettes ni à la
maladie, ni à la vieillesse. Le père de toutes choses, voyant
enfin cette belle image de lui-même, se plut dans son ouvrage
et cette joie lui inspira le désir de rendre cette image de plus
en plus semblable à son modèle.
Dans le dialogue appelé le Politique, Platon nomme cet état
primitif du monde le règne de Saturne et voici comme il le décrit
Dieu était alors le prince et le père commun de tous il gouver-
;
nait le monde par lui-même, comme il le gouverne à présent par
les Dieux inférieurs. Alors la fureur, ni la cruauté ne régnaient
15
« point sur la terre la guerre et la sédition n'étaient point
connues. Dieu nourrissait les hommes lui-même il était leur
;
16
elles rentrent dans le ciel, où elles se repaissent d'ambroisie et
de nectar. Telle est la vie des dieux.
Or, continue Platon, toute âme qui suit Dieu fidèlement dans
« ce lieu sublime demeure pure et sans tache mais si elle se
contente de nectar et d'ambroisie sans accompagner le char de
Jupiter, pour aller contempler la vérité, elle s'appesantit, elle
« rompt ses ailes, elle tombe sur la terre et entre dans un corps
humain, plus ou moins vil, selon qu'elle a été plus ou moins
élevée. Les âmes moins dégradées habitent dans les corps
des philosophes ; les plus méprisables animent les tyrans et
les mauvais princes. Leur sort change après la mort et devient
plus ou moins heureux, suivant qu'elles ont aimé la vertu ou le
vice pendant leur vie. Ce n'est qu'après dix mille ans que les
âmes se réuniront à leur principe. Leurs ailes ne croissent et
ne se renouvellent que dans cet espace de temps.
Telle est la doctrine que Platon opposait à la secte profane
de Démocrite et d'Epicure, qui niaient la Providence éternelle à
cause du mal physique et moral. Ce philosophe nous fait un magni-
fique tableau de l'univers. Il le considère comme une immensité
remplie d'intelligences libres qui habitent et qui animent des mon-
des infinis. Ces intelligences sont capables d'une double félicité.
L'une en contemplant l'essence divine l'autre en admirant ses
ouvrages. Lorsque les âmes ne font plus consister leur bonheur
dans la connaissance de la vérité et que les plaisirs inférieurs les
détachent de l'amour de l'Essence suprême, elles sont précipitées
dans quelque planète pour y subir des peines expiatrices, jusqu'à
ce qu'elles soient guéries par les souffrances. Ces planètes sont
par conséquent, selon Platon, comme des lieux ordonnés pour la
guérison des intelligences malades. Voilà la Loi établie pour conser-
ver l'ordre dans les sphères célestes.
Cette double occupation des esprits célestes est une des plus
sublimes idées de Platon et marque la profondeur admirable de
son génie c'est par ce système que les philosophes païens ont
tâché de nous expliquer l'origine du mal. Voici comme ils raison-
naient si les âmes pouvaient contempler sans cesse l'essence
:
17
nable à la nature finie. C'est dans ces intervalles qu'elle devint
infidèle.
Pythagore avait puisé la même doctrine chez les Egyptiens. Il
nous en reste un précieux monument dans les Commentaires de
Hiéroclès sur les vers dorés attribués à ce philosophe.
« Comme notre éloignement de Dieu, dit cet auteur, et la perte
des ailes qui nous élevaient vers les choses célestes, nous ont
précipités dans cette région de mort où tous les maux habitent
de même le dépouillement des affections terrestres et le renou-
vellement des vertus, font renaître nos ailes et nous élèvent au
séjour de la vie où se trouvent les véritables biens sans aucun
mélange de maux. L'essence de l'homme tenant le milieu entre
les êtres qui contemplent toujours Dieu et ceux qui sont inca-
pables de le contempler, peut s'élever vers les uns ou se rabais-
ser vers les autres.
Le méchant, dit ailleurs Hiéroclès, ne veut pas que l'âme
soit immortelle, de peur de ne vivre après la mort que pour souf-
frir mais il n'en est pas de même des juges des enfers. Comme
ils forment leurs jugements sur les règles de la vérité, ils ne
prononcent pas que l'âme doit n'être plus, mais qu'elle doit
n'être plus vicieuse. Ils travaillent à la corriger et à la guérir,
en ordonnant des peines pour le salut de la nature de même;
que les médecins guérissent par des incisions les ulcères les
plus malins. Ces juges punissent le crime pour chasser le vice.
Ils n'anéantissent pas l'essence de l'âme, mais ils la ramènent
à exister véritablement, en la purifiant de toutes les passions
qui la corrompent. C'est pourquoi quand on a péché, il faut cou-
rir au-devant de la peine, comme au seul remède du vice.
li paraît donc manifestement par la doctrine des plus célè-
bres philosophes grecs 1° Que les âmes préexistaient dans le
:
18
source de celle des Grecs. Je ne veux point soutenir les explica-
tions mystiques que le père Kircher donne de la fameuse Table
isiaque et des obélisques qui se voient à Rome. Je me borne à
Plutarque qui nous a conservé un monument admirable de cette
mythologie. Pour en faire sentir les beautés, je vais faire une
analyse courte et claire de son Traité d'lsis et d'Osiris, qui est une
lettre écrite à Cléa, prêtresse d'lsis.
La mythologie égyptienne, dit Plutarque, a deux sens l'un
sacré et sublime, l'autre sensible et palpable. C'est pour cela
que les Egyptiens mettent des sphinx à la porte de leurs tem-
ples. Ils veulent nous faire entendre que leur théologie contient
les secrets de la sagesse, sous des paroles énigmatiques. C'est
aussi le sens de l'inscription qu'on lit à Saïs sur une statue de
Pallas ou d'lsis je suis tout ce qui est, qui a été et qui sera, et
:
19
Ceux-là, ajoute-t-il, ont mieux pensé, qui ont écrit que tout
ce qu'on raconte de Typhon, d'Osiris, d'lsis et d'Orus, doit s'en-
tendre des génies et des démons. C'était l'opinion de Pythagore,
de Platon, de Xénocrate et de Chrysippe, qui suivaient en cela
les anciens théologiens. Tous ces grands hommes soutiennent
que ces génies étaient fort puissants et très supérieurs aux
mortels. Ils ne participaient pourtant pas de la divinité d'une
manière pure et simple ; niais ils étaient composés d'une nature
spirituelle et corporelle et par-là capables de plaisirs et de
peines, de passions et de changements car parmi les génies
:
20
mal, parce qu'elle n'a point de force : mais le mal vient d'un
troisième principe qui n'est ni si parfait que Dieu, ni si impar-
fait que la matière. Ce troisième Etre c est la nature intelligente,
qui a au-dedans de soi une source, un principe et une cause de
mouvement.
J'ai déjà fait voir que les Ecoles de Pythagore et de Platon
soutenaient la liberté. Le premier l'exprime par la nature de l'âme
qui peut s'élèver ou s'abaisser l'autre par les ailes de l'âme,
c'est-à-dire par l'amour du beau et le goût du plaisir, qui peuvent se
séparer. Plutarque suit les mêmes principes et fait consister la
liberté dans l'activité de l'âme, par laquelle elle est la source de
ses déterminations.
Ce sentiment ne doit donc pas être regardé comme nouveau.
Il est tout à la fois naturel et philosophique. L'âme peut toujours
séparer et rassembler, rappeler et comparer les idées et c'est
de cette activité que dépend la liberté. Nous pouvons toujours
penser à d'autres biens qu'à ceux auxquels nous pensons actuelle-
ment. Nous pouvons toujours suspendre notre consentement, pour
voir si le bien dont nous jouissons est ou n'est pas le vrai bien.
Notre liberté ne consiste pas à vouloir, sans raison de vouloir, ni
à préférer le moindre bien, à ce qui nous paraît le plus grand mais
à examiner si le bien présent est un bien réel, ou s'il est un bien
imaginaire. L'âme n'est libre que lorsqu'elle est placée entre deux
objets qui paraissent dignes de quelque choix. Elle n'est jamais
entraînée invinciblement par l'impression d'aucun bien fini, parce
qu'elle peut penser à d'autres biens plus grands et par-là décou-
vrir un attrait supérieur, qui suffit pour l'enlever au bien apparent
et trompeur.
J'avoue que les passions par le sentiment vif qu'elles nous
causent, occupent quelquefois toute la capacité de l'âme et l'empê-
chent de réfléchir. Elles l'aveuglent et l'entraînent. Elles déguisent
et transforment les objets. Mais quelque fortes qu'elles soient,
elles ne sont jamais invincibles. Il est difficile, mais n'est point
impossible de les surmonter. Il est toujours dans notre pouvoir
d'en diminuer peu à peu la force et d'en prévenir les excès. Voilà
le combat de l'homme sur la terre et le triomphe de la vertu.
Les païens ayant senti cette tyrannie des passions, reconnu-
rent par la seule lumière naturelle, la nécessité d'une puissance
céleste pour les vaincre, Ils nous représentent toujours la vertu
comme une force divine qui descend du ciel. Ils introduisent sans
cesse dans leurs poèmes des divinités protectrices qui nous inspi-
rent, nous éclairent et nous fortifient pour marquer que les vertus
21
héroïques ne peuvent venir que des dieux seuls. C'est par ces
principes que la sage Antiquité a toujours combattu la fatalité, qui
détruit également la religion, la morale et la société. Revenons aux
Egyptiens.
Leur doctrine, selon Plutarque, suppose 10 Que le monde
:
fut créé d'abord sans aucun mal physique, ni moral, par celui qui
est infiniment bon. 2° Que plusieurs génies, par l'abus de leur
liberté, se sont rendus criminels et par-là malheureux. 3° Que ces
génies souffriront des peines expiatrices, jusqu'à ce qu'ils soient
purgés et rétablis dans l'ordre. 4° Que le dieu Orus fils d'lsis et
d'Osiris, qui combat le mauvais principe, e3t un dieu subalterne
semblable à Jupiter, fils de Saturne.
(à suivre)
22
LE SEIGNEUR DES ANNEAUX
OU
L'INITIATION ETERNELLE *
Three Rings for the Elven-Kings under the sky
Seven for the Dwarf -Lords in their halls of stone
Nine for the Mortal Men doomed W die
One for the Dark Lord on his dark Throne
In the Land of Mordor where the Shadows lie
One Ring to rule them ail, One Ring to find them,
One Ring to brin g them ail and in the darkness bind them
In the Land of Mordor where the Shadows lie
Trois anneaux pour les Rois Elfes sous le ciel
Sept pour les Seigneurs nains dans leur demeure de pierre
Neuf pour les hommes mortels destinés à mourir
Un pour le Seigneur Ténébreux sur son sombre trône
Au Pays de Mordor où s'étendent les ombres
Un pour les rechercher, Un pour les trouver tous
Un seul pour les ramener tous, et dans les ténèbres les lier
Au Pays de Mordor où s'allongent les ombres.
23
Les Hobbits
Par un hasard comme il n'en existe que dans la littérature
anglaise, cet Anneau est tombé entre les mains d'un Hobbit. Il
importe de préciser que les Hobbits sont un peuple de semi-hom-
mes (1,20 m en moyenne), qui vivent dans la Comté, extrême
ouest de la Terre du Milieu où se déroule 'histoire. Ces gens
vivent dans des terriers fort confortables, aiment la bonne chère,
détestent l'aventure, passent leur temps à se faire des cadeaux
et pétunent sec. C'est même leur grande gloire en ces temps du
Troisième Age d'avoir découvert l'herbe à pipe. Ils représentent le
bon sens, comme plus tard les Elfes représenteront la beauté, les
Nains le travail et les Ents (1) la nature. Or donc un Hobbit, Frodo,
hérite de son oncle l'anneau de tous les pouvoirs, li a pour ami un
magicien qui devine peu à peu que cet anneau est l'Unique, créé
pour les gouverner tous. Après conseil, il est décidé de détruire
l'Anneau, afin de se libérer de ses maléfices. Naturellement le seul
endroit où l'on puisse le détruire se trouve au Mordor, au pays du
Seigneur Ténébreux, près de sa tour, Barad DLIr, d'où il forge ses
complots. En un mot à la montagne du Destin.
La Ouête
Tout cela n'a rien de très initiatique. Pourtant si Tout y est.
C'est les Nibelungen (2) à l'envers. Il ne faut pas conquérir l'Anneau,
mais le détruire. On ne veut pas le pouvoir, mais la liberté. Liberté
sujette à caution, nous le verrons plus loin.
Frodo part donc pour la montagne du Destin, Il lui arrivera tout
ce qu'il faut comme dans toute saga qui se respecte : lutte contre
des araignées géantes, contre des êtres froids, il sera fait prison-
nier, et semble céder à l'emprise de l'anneau. Lutte contre les
alliés du Seigneur Ténébreux, lutte contre lui-même autant
;
24
au bout de la quête, cet anneau il le réclame pour sien, et le
détruit sans le faire exprès dans un ultime combat.
Rien n'est plus initiatique que de posséder le pouvoir absolu,
de s'en rendre compte, d'y succomber, de e rompre par destin.
25
nel. C'est la même lutte sauvage entre le bien et le mal, Gandalf
et Sauron, Ormuz et Arhiman, au coeur d'un texte purement fabri-
qué d'un bout à l'autre. J'ai comme l'idée qu'ils ont dû bien rire
dans les cercles oxoniens, devant le succès fabuleux du livre
(50 000 000 d'exemplaires, traduit en 10 langues). Mais le rire n'a
jamais empêché la gravité, surtout chez les Anglais.
Gandaif
Il est le magicien gris qui au cours de l'histoire devient blanc.
En fait il existe une série de magiciens suivant les couleurs, ce
sont les grades de cet ordre. Le blanc est le sommet, mais le noir
ou le nécromancien est le plus puissant. Le noir, néant de toute
couleur, le blanc synthèse de toute teinte, Il existe un autre magi-
cien, Saroumane, te maître de l'Ordre, qui a trahi. Il a renoncé à la
blancheur pour devenir le multicolore. Il est passé du règne de la
qualité à celui de la quantité. Gandalf le brisera, et alors ne s'oc-
cupera plus que du Noir, le Seigneur Ténébreux.
Gandalf deviendra blanc après une lutte formidable contre
un monstre dans une mine nocturne, dans un gouffre sans fond.
Il aura vu les choses du monde d'en dessous, innommables. Il a
vaincu et remonte à la lumière, Il est blanc alors, suprêmement
initié.
Mais ce n'est pas tout. Gandalf sait que la destruction de
l'Anneau signifie la fin du Tiers Age, et l'avènement du Règne des
hommes. (Dans la tradition aulique nous sommes le quatrième
âge). Donc sa propre fin, à long terme certes, mais sa fin quand
même. Et il l'accepte ! Comme disait Nietzsche « il entame son
propre déclin afin que viennent le monde des hommes, qui seront
face aux mêmes problèmes, mais l'Anneau sera détruit. Pendant
quelques millénaires vivront des êtres libres, avant qu'une nouvelle
démence ne vienne ensemencer de nouvelles batailles. Gandalf
est l'initié, car il sait ce qu'est mourir et qu'il le veuL. Il est passé
par les sept couleurs, il est mort sept fois et il ne peut ignorer
;
26
Passé et futur
L'OEil de Mordor
27
Tolkien était catholique converti. Et sa description du mal est
dans la droite ligne de la théologie thomiste. Le mal, c'est la puis-
sance de négation. Il est donc vaincu et par lui-même comme il
convient.
Quant au Mordor, c'est le pays sinistre par excellence. Il y
fait nuit sans arrêt, la fumée envahit tout, et des armées passent
sans cesse sur les routes. Le livre a été écrit en 1937, que chacun
trouve son Mordor. Mais le Mordor, qu'on ne s'y trompe pas, est
éternel. Sans cela il n'y aurait ni épopée, ni initiation.
Le microcosme et le macrocosme
A dire vrai, lorsque l'on lit des expressions comme Terre
du milieu «, le Tiers âge «, les choses du monde d'en des-
sous «, etc., on peut se dire que ces combats fabuleux et ces
joutes millénaires pourraient fort bien se passer entre deux four-
milières ou entre des galaxies. Le flou des expressions laisse à
l'imagination de chacun la possibilité d'errer. Les caractères sont
éternels et peuvent s'appliquer au plus petit, comme au plus grand.
Compte tenu par ailleurs des allusions permanentes aux sciences
occultes, aux textes oubliés, et à la science des nombres, le carac-
tère initiatique de l'ouvrage est évident, Initiation ambigué certes,
jaillie du seul jeu des mots, et du plaisir d'un homme de les faire
jouer, mais c'est peut-être ce plaisir et ce goût du jeu, qui aideront
l'auteur de ce livre, mort il y a quelques mois, à traverser sans
peur le pays de Mordor où s'étendent les ombres, dans lequel il
erre maintenant.
28
LA FRANC-MAÇONNERIE
1COSSAISE (suite) 1
29
depuis qu'en 1814 il avait hâtivement « démissionné « d'office
de cette charge le roi Joseph.
Le Prince Président avait confié l'intérieur à son fidèle
compagnon Victor Fialin, le futur duc de Persigny, qui était Maçon.
Dès le 25 mai 1852, dans une circulaire aux Préfets, Fialin s'em-
ployait à rassurer les Frères sur les dispositions du pouvoir
envers 'Ordre ;il déclarait compter sur son nouveau chef pour
ramener à la règle les Loges « égarées «, l'autorité publique ne
devant intervenir qu'en dernier ressort. Aussitôt Murat lui faisait
écho, en rappelant aux Maçons du Grand Orient son devoir de
frapper sévèrement tous ceux qui mettraient en danger par une
conduite contraire à nos règlements l'existence de notre Ordre
tout entier «. Bref, chaussant les bottes de son oncle, le Prince
Président ne demandait qu'à protéger la Maçonnerie, par napo-
léonide interposé, pourvu qu'elle se cantonnât dans des activités
purement philanthropiques.
Mais on n'était plus en 1804, et Lucien Murat n'était pas
Cambacérès.
On a dit quels profonds échos les idéaux humanitaires de la
Révolution de février avaient naguère éveillés dans les Loges.
Après le Deux Décembre, nombre de Maçons avaient été
proscrits en tant que républicains aussi les avances de Persigny
;
30
un article aux termes duquel le Grand Maître devenait « le chef
suprême de l'Ordre..., le pouvoir exécutif, administratif et diri-
geant ».
Ce devait être une victoire à la Pyrrhus. Déjà de nombreux
ateliers, réfractaires à la mainmise du gouvernement sur l'obé-
dience, avaient cessé de se réunir ou de cotiser au Grand Orient,
et dès avril 1855 le nouveau Conseil du Grand Maître devait en
suspendre 74 pour ces motifs. D'autre part, pour accéder au pou-
voir suprême, Murat avait dû accepter que le Grand Maître fut
désormais élu non plus à vie, mais pour sept ans.
Son septennat devait donc prendre fin le 30 octobre 1861.
Le Grand Orient ne comptait plus alors que 175 loges en activité,
cent de moins qu'en 1852 et l'absolutisme du Grand Maître, son
obstination à réduire l'Ordre au rang d'une simple société de
secours mutuels, suscitaient une opposition croissante. Un inci-
dent étranger à la Franc-Maçonnerie allait mettre le feu aux
poudres. Le 1er mars 1861, au Sénat, Murat se prononçait ouver-
tement en faveur du pouvoir temporel du Pape. C'était son droit
mais c'était aussi le droit du Grand Orient de se donner un Grand
Maître dont les conceptions fussent mieux en harmonie avec celles
de ses membres et de l'opinion libérale, généralement acquise
à la cause de l'unité italienne par exemple le prince Jérôme-
:
31
l'Assemblée et fit appel à la police ; les députés passèrent outre,
et Jérôme-Napoléon fut élu à une majorité écrasante. Murat osa
annuler le vote, et le 23 mai fit reporter l'élection à fin octobre...
par arrêté du Préfet de Police Le 10 octobre, un nouvel arrêté
préfectoral la renvoyait au printemps suivant.
Une délégation alla aussitôt protester auprès de Persigny.
Elle fut bien accueillie et le 16 une circulaire ministérielle invi-
;
32
r
33
rien perdu de sa combativité ni de son habileté tactique. Il allait
lui être donné d'en administrer la preuve, en consolidant défini-
tivement l'indépendance du Rite en France.
*
**
34
s
Monsieur le Maréchal,
Vous me sommez, pour la troisième fois, de reconnaître
votre autorité maçonnique, et cette dernière sommation est accom-
pagnée d'un décret qui prétend dissoudre le Suprême Conseil
du Rite Ecoss.. Anc.'. et Acc Je vous déclare que je ne me
rendrai pas à votre appel et que je regarde votre arrêté comme
non avenu [...]. L'Empereur seul a le pouvoir de disposer de
nous. Si Sa Majesté croit devoir nous dissoudre, je me soumettrai
sans protestation mais comnie aucune loi ne nous oblige d'être
Maç. malgré nous, je me permettrai de me soustraire, pour
mon compte, à votre domination.
Dès le lendemain la Grande Loge Centrale du Rite approuvait
son attitude et celle du Suprême Conseil. Le Grand Orateur
Genevay avait ajouté quelques chaleureuses paroles en faveur
de la Liberté de conscience menacée par les prétentions du
maréchal Magnan . Cette discussion, observait-il, va plus loin
que la Franc-Maçonnerie I « Et de noter que le Temps, la Presse,
le Siècle, l'Opinion nationale et la Gazette de France avaient mani-
festé leur sympathie au Suprême Conseil.
Au sein même du Grand Orient plusieurs trouvaient que le
maréchal avait été trop loin, et l'on paria de démission. Au cours
de la réunion tenue le 3 juin par le Conseil du Grand Maître,
Magnan refusa pourtant de se retirer ; mais il reconnaît l'échec
de ses tentatives pour annexer les loges de l'obédience du
Suprême Conseil, et aussi celles du Rite de Misraïm, qui lui avait
répondu à peu près dans les mêmes termes que Viennet.
C) La libéralisation de l'Empire
Bien meilleur diplomate que Murat, Magnan dès son instal-
lation avait su se faire pardonner l'irrégularité de sa désignation
en annulant toutes les sanctions prononcées par son prédéces-
seur, en protestant de sa volonté dêtre un Grand Maître très
constitutionnel..., bienveillant, affectueux pour tous, et, en un
mot, un véritable Maçon ». li devait tenir sa promesse de faire
rentrer les Frères du Grand Orient dans tous leurs droits «.
Dès juin 1862 I' Assemblée législative « révisait les Consti-
tutions autoritaires de 1854 en confiant les pouvoirs d'adminis-
35
tration et de contrôle à un Conseil de l'Ordre de 33 membres,
tous élus. Magnan avait déclaré que ce serait faire de lui un
Grand Maître fainéant «, mais qu'il se soumettrait à la décision
de la majorité.
L'année suivant Magnan, autorisé par le Conseil de l'Ordre,
demandait la reconnaissance du Grand Orient comme association
d'utilité publique. En lui conférant la personnalité civile, cette
reconnaissance eût permis à l'obédience de contracter un emprunt
qui eût assaini sa situation financière, obérée par l'achat de
l'hôtel de la rue Cadet. Le gouvernement ne demandait qu'à
l'accorder, jouant ainsi un bon tour à plusieurs oeuvres catho-
liques. Mais au dernier moment la demande fut retirée par Magnan
àla suite d'un vote hostile du Convent, peu soucieux de sou-
mettre l'Ordre à la tutelle légale du gouvernement.
En 1864 enfin le maréchal obtint de l'Empereur qu'il rendît
à 'Assemblée du Grand Orient son droit sécLlaire d'élire le Grand
Maître. Le Convent, reconnaissant, le confirme aussitôt dans son
office à l'unanimité moins trois voix.
De ce jour le pouvoir impérial, dont la politique générale
prenait alors une orientation plus libérale - cessa pratiquement
de s'immiscer dans la vie des loges et des obédiences. C'est
d'ailleurs qu'allaient venir les orages.
(à suivre)
36
Le franc-maçon écossais est soucieux de tradition,
de symbolisme et de perfectionnement spirituel. Mais
ceux-ci lui apparaîtraient dérisoires et vains s'ils ne
l'engageaient à réfléchir sur le monde, sur ses troubles
et ses désordres. Et par là même s'ils ne l'incitaient
à travailler à leur résolution, car il faut s'efforcer
d'achever au dehors l'oeuvre commencée dans le
Temple «. En particulier les Francs-Maçons ont tou-
jours été sensibles aux attaques portées à la personne
humaine et en tous temps et en tous lieux ont défendu
la liberté et la dignité de l'homme. Aussi bien, ont-ils
écouté avec intérêt et émotion la conférence donnée
en l'Hôtel de la Grande Loge de France, par M. le
Professeur Hubert Thierry, Président de la Section
Française de l'Amnesty International, association dont
les idéaux semblent si proches de ceux de la Franc-
Maçonnerie.
37
Benenson et par Jean MacBride, qui vient de recevoir le prix Nobel
de la paix, cette association veut porter secours à ce que les
britanniques appellent prisoners of conscience «, c'est-à-dire les
personnes détenues pour délit d'opinion. Elle comprend des sections
nationales en Suède, Norvège, Danemark, Hollande, Allemagne
Fédérale, Autriche, Etats-Unis, enfin en France, et elle compte envi-
ron 38.000 membres. Un secrétariat permanent, établi à Londres
constitue le centre nerveux de l'organisation qui est dotée du
statut consultatif auprès de l'O.N.U. et du Conseil de 'Europe.
38
Mais comment Amnesty International conçoit-il son action ?
Quelles sont tes méthodes que cette association utilise et sur quels
principes reposent-elles ? Tout d'abord un parti-pris d'impartialité.
En effet elle veut éviter la perversion qui guette toute entreprise
dans le domaine des droits de l'homme, c'est-à-dire la politisation.
Il ne s'agit pas de se mettre au service de telle ou telle idéologie
contre telle ou telle idéologie. Les actions qu'elle mène concernent
des prisonniers politiques dans les pays de 'Ouest, comme dans
ceux de l'Est et dans les pays du tiers-monde.
39
sensibiliser l'opinion mondiale, même celle qui est la plus fermée
à certains problèmes. u
40
La Grande Loge de France vous parle...
43
Question : Mais pourquoi la Franc-Maçonnerie serait-elle mieux placée que
d'autres organisations pour mener cette recherche à bien ?
Réponse Du moins est-elle particulièrement bien placée, plutôt que la
mieux placée, pour chercher des remèdes aux maux de la société, maux
que vous connaissez, auxquels le public est aujourd'hui sensibilisé le
problème de l'énergie qui nous frappe au premier chef, les problèmes de
la jeunesse, la morosité, l'agressivité, la violence, l'avortement et l'eutha-
nasie, la condition féminine, la décolonisation et pILIS généralement le
rapport avec le Tiers-Monde au plan politique, culturel et économique,
la pollution et l'environnement, bref, toutes ces questions auxquelles les
Loges maçonniques ont été confrontées depuis fort longtemps,
Or, que font les autres ?
Eh bien ils traitent les maux au coup par coup, ils leur administrent
une thérapeutique ponctuelle en quelque sorte.
C'est cette attitude, spécialisée, technicienne, disséquante, analytique et
morcelante qui a conduit à cette erreur fréquente qui consiste à penser
qu'apparemment tous ces caractères sont hétéroclites.
Comment peut-on réparer cet échec ?
Il faut posséder une espèce de savoir synthétique. Ce savoir synthétique,
nous le trouverons dans une appréhension de l'univers dans sa globalité.
44
Ce parcours est notre méthode maçonnique par excellence : l'on des-
cend au fond de soi-même, puis, ainsi que le veut également la méthode
psychanalytique, l'on reconstruit son individu. Et ceci à l'aide de systèmes
symboliques.
45
Réponse : Mais vous savez, la tradition consiste seulement à poser le prin-
cipe d'équilibre ou encore le principe du rapport à la nature. Et il se
trouve que notre Occident e perdu ce sens synthétique parce qu'on a
substitué au rapport à la nature les sciences particLilières comme l'ethno-
logie ou la sociologie, et finalement notre siècle s'est perdu dans une
course effrénée pour la maîtrise de la matière, ce qui est peu à peu
même devenLi sa caractéristique universelle.
Les autres systèmes de pensée étaient méconnus ou rejetés et notre
réveil fut cruel. Les guerres coloniales, les crises économiques, autant
de coups durs aujourd'hui pour notre monde.
Or, si vous voulez bien vous attacher à l'examen des sociétés tradition-
nelles, vous constaterez qu'en permanence elles ont cherché à édifier
un équilibre philcsophique et social qui fut le refiet de l'équilibre cos-
mique où à l'individu se substitue l'homme, qui est tout à la fois la
fin et l'explication du monde. Ceux qui n'appartenaient pas au monde
occidental ont cultivé leur insertion dans le sacré, le dialogue entre
l'homme et la divinité, tandis que nous, nous séparions individu et natLlre,
à où il fallait au contraire enseigner qLI'UNE CIViLISATION DE LA
MACHINE DOiT SE DOUBLER D'UNE CIViLISATION DE L'AME.
Vous connaissez peut-être cette merveilleLise histoire que raconte LEV1-
STRAUSS au cours d'une exploration, après 8 jours de marche déjà, les
porteurs du matériel d'exploration, des Indiens, refusent soLidain de fait-e
le moindre pas de plus. Ils s'assoient et attendent. Quoi donc ? Ils confie-
ront à LEVI-STRAUSS qu'ils ' attendent que leur âme les rejoigne
Dans cette simple réponse réside toute l'explication que je voudrais vous
transmettre aLljourd'hui :l'initiation dans la tradition nous permet d'accé-
der au progrès sans que nous y perdions notre âme quelque part sur
la route. Ainsi l'homme n'est-il pas écartelé, mais aussi e monde n'est-il
pas clivé en deux camps.
Et ainsi, celui qui sait transformer la matière mais qui ne la possède
plus pourra ainsi dialoguer avec celui qui la détient mais où les fon-
dements sociaux sont totalement différents Ainsi se rejoignent le monde
développé et le monde à la poursuite de son développement.
La nourriture ne sera plus traitée comme une marchandise ordinaire, la
surpopulation sera jugulée - référez-vous à la récente Conférence de
Bucarest et ses recommandations selon des solLitions convenant à
chaque société, la relation Homme-Machine ne conduira plus au féoda-
lisme électronique et notre vieille Europe retrouvant enfin ses fondements
traditionnels et humanistes s'étonnera d'avoir pu si longtemps penser que
le travail, engendrant la fatigue, ait pu être considéré comme source
unique de tous les revenus alors que le loisir, restaurant la santé
implique la dépense...
culière, une caste, une religion ou une race, la morale apparaît très rapi-
46
dement comme historiquement archaïque, chacun souhaitant et considérant
avant tout la primauté évidente de sa propre construction.
C'est d'ailleurs dans cette optique étroite que s'est manifesté 'Occident
par rapport au « non-Occident «. pendant plusieurs siècles. Nous en avons
vu le lamentable résultat l'intolérance, e temps du mépris, le tota-
litarisme culturel, constatez par exemple l'échec des missionnaires. Dans
les cas les plus graves, hélas beaucoup trop fréquents, on aboutit à
l'ethnocide.
Par conséquent, le seul fait de rechercher une Morale universelle repré-
sente déîà un progrès considérable.
Or, il n'existe point de société dont le propos ne serait pas de s'employer
à consolider ses propres stabilisateurs et non pas régulateurs afin
de faire contrepoids au changement les institutions, les religions mais
aussi, nous le savons maintenant, e langage...
Cette tendance, je l'appelle la Morale verticale, parce qu'elle est inspirée
d'en haut, révélée par des êtres supérieurs, mi-hommes et mi-dieux, élites
géniales, mais pourtant tellement liée à une spécificité historique et
sociale qu'aucune valeur universelle ne peut lui être reconnue.
En définitive, tournons-nous donc vers une morale de relations ce que
j'appelle une morale horizontale, et là nous répondrons enfin à la quête
qui nous préoccupe c'est le principe de l'altérité active que j'évoquai
tout à 'heure, c'est-à-dire la reconnaissance de l'Autre, l'Autre étant à
la fois individuel et collectif, et reconnaissance de son intégrité physique,
culturelle et sociale.
li s'agit, en quelque sorte, d'une Morale du DROIT A LA DIFFERENCE
ET DE SON RESPECT, une MORALE DE LA SOLIDARITE. Elle ne saurait
résoudre à elle seule toutes les contradictions sociales et économiques,
mais là où on la rejette, apparaissent des morales régionales et parti-
culières dont les aboutissants nous choquent.
Pour éclairer mon propos, je puis vous citer deux exemples qui vous
auront certainement déjà frappé
C'est au nom d'une morale régionale que l'on condamne, en Allemagne,
Beate Klarsfeld, or, cette condamnation et cette morale régionale bafouent
la Morale Universelle
En revanche, c'est la Morale universelle qui l'emporte dans l'affaire du
Watergate...
Question : Pensez-vous dès lors que des événements comme ceux-ci soient
propices à une modification du comportement de nos contemporains entre
eux et puissent permettre l'éclosion et le développement de la nouvelle
Morale universelle 7
Réponse : C'est précisément ce à quoi la Franc-Maçonnerie, et plus particu-
lièrement la Grande Loge de France, s'emploient.
De très fréquents contacts s'établissent entre les Grands Maîtres des
diverses obédiences maçonniques du monde et le Grand Maître de la
Grande Loge de France et ces contacts sont particulièrement fructueux
au niveau européen. Et, pour les Européens traditionalistes et humanistes,
le devoir s'impose actuellement de proposer les fondements de cette
Morale universelle par le canal de ses responsables, les Parlementaires
par exemple, mais aussi tous ceux qui peuvent contribuer à l'évolution
des moeurs.
47
Ainsi, la reconnaissance du droit à la différence, la reconnaissance de
l'Autre dans son entité, nous paraît ètre la première pierre de la construc-
tion européenne. A dire vrai, ce qui a fait le plus défaut à l'Europe jus-
qu'ici, c'est son absence d'âme, ce que j'ai tenté d'illustrer tout à
l'heure.
Certes, vous m'objecterez que déjà des tentatives ont eu lieu ainsi
l'Europe démocrate-chrétienne d'Adenauer et de Gasperi par exemple.
Mais comment voudriez-vous que n'avortent point des fruits conçus à
rebours du courant évolutionnaire c'est là tout bonnement une simple
loi de la génétique...
L'année 1974 fut catastrophique pour l'Europe. Demain, 1975, l'Europe se
cherchera encore. Alors face à ces errants disponibles que nous sommes,
que faire ?
Par la tradition, condition du progrès, donnons donc une éthique à notre
vieux monde, en conformité avec sa tradition humaniste et l'Europe,
pour parodier un mot célèbre, se fera d'elle-même «.
OCTOBRE
48
La Grande Loge de France vous parle...
LE SAVOIR
N'EST PAS LA CONNAISSANCE
J-P. B.
J'en ai publié une quinzaine, sans compter ceux en chantier.
49
Etiez-vous attiré par le symbolisme ?
Sans doute, mais sans que je le sache exactement. J'ai retrouvé des
notes écrites en 1940, à l'âge de 20 ans, sur la Franc-Maçonnerie et déjà
j'y conservais ce qui me paraissait essentiel, c'est-à-dire l'esprit initiatique,
les rituels. Puis j'ai été attiré vers les légendes, le folklore, le comporte-
ment de la pensée humaine. Je suis venu ainsi à la profonde recherche
spirituelle de l'homme et petit à petit j'ai découvert cet esprit initiaticzue.
C'est sans doute en écrivant l'I-Iistoire des Légendes que j'ai mieux perçu
grâce à René Guénon cette chaîne initiatique, principalement à partir de la
queste du Graal. J'ai également étudié les contes de Perrault en fonction d'un
rituel d'initiation, tout en rattachant l'ensemble à la culture celtique.
Vous vous êtes aussi intéressé aux éléments, et vous avez écrit une
véritable somme sur le Feu, sur son symbolisme.
Votre livre est fort complet, et l'on a parlé d'une grande érudition.
50
- Vous avez fait rééditer votre autre ouvrage, sorte lui aussi de clas-
sique, sur les épreuves de la Terre, que vous avez nommé La Symbolique du
Monde Souterrain.
Tous vos ouvages, au style aisé, avec leurs tables, leurs bibliogra-
phies, leurs index sont de précieux instruments de travail qui s'adressent
non seulement aux spécialistes mais aussi à tous ceux qui s'intéressent à
la recherche de la spiritualité. Avez-vous en vue d'autres ouvrages de ce
genre car vous n'avez pas terminé le cycle des éléments ?
51
avec le cosmos, la valeur de cette institution qui vise à restaurer le premier
citoyen du monde dans son unité primordiale.
Dans le même esprit, mais me basant sur une recherche historique plus
poussée j'ai fait paraître un ouvrage intitulé Les Frans-Juges de la Sainte-
Vehme. J'ai cherché à rétablir la vérité sur ce tribunal médiéval, né en
Westphalie, sur lequel il fut écrit tant de drames romantiques.
J'ai eu à me pencher sur l'Ordre des Chevaliers Teutoniques et des
mouvements terroristes avant le Nazisme. En réalité ce livre cerne une longue
quête humaine, à la poursuite du Sacré et de l'indéfinissable,
- Il est indéniable que dans ces deux Ordres nous trouvons des pensées
communes. Les Rose-Croix peuvent apparaître comme des surhommes, des
grands initiés. Pour d'autres les Rose-Croix ne sont que des mystiques hallu-
cinés et même parfois des charlatans qui profitent de la crédulité de leurs
semblables. Nous cotoyons le délire dans l'imaginaire, ou le scepticisme le
plus navrant.
52
Toutes ces sociétés sont l'émanation de la vie d'un groupe ce sont
des oeuvres collectives et 'Esprit s'est ainsi propagé, marquant d'autres
sociétés et d'autres individus. Ce ferment spirituel se renouvelle à chaque
époque et marque des êtres qui visent une perfectibilité.
Les Sociétés des Rose-Croix et de la Franc-Maçonnerie ont puisé aux
mêmes sources car eux-mêmes sont d'essence spirituelle.
Grâce à cette pensée millénaire on authentifie mieux la valeur initiatique
de la Franc-Maçonnerie.
4. 53
Mais être initié ne veut-il pas dire qu'il faut assimiler une doctrine ?
Ne faut-il pas pratiquer des cérémonies, connaître un catéchisme, savoir
répondre à des questions?
Sans doute mais tout cela n'est valable que si l'on enregistre un
réel effort intérieur, un travail de décantation. ' Nul n'est initié que par lui-
même dit Villiers de l'lsle Adam dans son roman Axél.
NOVEMBRE
54
BIBLIOGRAPHIE
L'établissement de plusieurs numé-
ros spéciaux a fait différer un grand
nombre de communications qui de-
vaient prendre place dans la présente
rubrique. En comprimant la plupart
d'entre elles, nous espérons ne plus
trop en faire attendre les comptes
rendus.
55
symboles groupés par ensembles, par Il présente une bonne étude de la
domaines mystérieux '. comme, maçonnerie et de la paramaçonnerie
d'une part, les inferna immanis », forestière. Et, après son intéressant
de l'autre I' ignis divinus «. Ces voyage dans l'espace et dans le
deux ouvrages sont des reprises d'étu- temps, il attire fort logiquement notre
des déjà anciennes, puisqu'elles re- attention sur la nécessité de travail-
montent, au moins, pour le feu à 1957 ler à constituer pour nos enfants
et pour le monde souterrain à 1961. l'idéale « forêt de l'an 2000 «. Nous
L'auteur, ingénieur E.T.P., se voue aimons qu'on nous ramène ainsi, sui-
à des constructions qu'il nous com- vent une formule récente, du surna-
mente avec une habileté de techni- turel à une histoire naturelle.
cien. Nous avons cru comprendre
qu'il s'agissait d'abord d'une descente
de l'esprit dans la matière, et de
'autre d'une recherche transcenden- Revue de Presse
tale de la chaleur et de la lumière.
Dans es deux cas, d'un appareillage Parmi les dernières revues reçues
sérieux. à la bibliothèque nous vous signalons
plus particulièrement
Nous retiendrons pour aujourd'hui
une sage remarque qui suit, entre des 1) Cahiers d'études cathares, Eté 74
centaines d'autres, une référence à D. Roché Les cathares précur-
un auteur difficile, Stanislas de Guaita seurs des temps modernes.
Mais toutes ces formules ne ser- H. Tort Amour platonicien et
:
56
Johanis CORNELOUP tuts, Devoirs, Règlements, etc., que
Faits et fables maçonniques les Frères d'Angleterre, et font preuve
d'un égal zèle pour le style augustéen
Traduction en français de l'ouvrage comme pour les secrets de l'ancienne
par Sadler (1887) et honorable Fraternité.
li s'agit de l'existence au XVlll siè-
cle et jusqu'en 1813 de deux obédien-
ces anglaises, une soi-disant « an-
cienne et une prétendue « mo-
derne «, celle d'Anderson. Alain LE BIHAN
Francs-Maçons et ateliers parisiens
Encore un (ait qu'on avait « gom- de la Grande Loge de France
mé ' pour les besoins de la cause.
Mais il existe même en Angleterre
au XVIlI siècle (1760-1795)
des frères qui placent la vérité au-
dessus de Platon. Un peu comme pour la tradition
écossaise il existait une évocation de
Regrettons pourtant que notre émi- la Grande Loge de France, distincte
nent confrère ne semble pas avoir lu du Grand Orient et qui menait une
dans nos Points de Vue Initiatiques vie quasi clandestine tant à Paris
(n 17, pp, 13-14) le paragraphe dont qu'en province. On supposait perdues
on donne depuis Cl. Antoine Thony ses archives et évanescents ses mem-
une traduction qui fait dire au texte bres et ses ateliers. Bref, on en avait
exactement le contraire de ce qu'il gommé l'histoire.
veut dire. L'excellent angliciste qu'est
J. C., et qui nous a fait connaître, Celle-ci vient d'être reconstituée,
sous une autre signature, une histoire dans ses sources et documents, dans
de rite écossais en Ecosse aurait un gros volume en trois parties et un
trouvé dans nos travaux une pierre appendice.
utile pour son édifice. il en aurait eu, 1" Pour une histoire de la Grande
en effet, bien besoin pour la rédac- Loge de France et des ateliers
tion de sa page 3 dans laquelle il parisiens entre 1760 et 1795
nous fait taxer, à tort croyons-nous,
par Anderson, « d'indépendance blâ- 2 Biographies maçonniques des maî-
mable tres de loge et tableau des ate-
liers parisiens relevant de la G. L.
The oid Lodge at York City, and de France entre 1760 et 1799.
the Lodges of Scotiand, ireland, Fran-
ce and italy, affecting independency, 3 Textes et documents...
are under their own Grand Masters. L'appendice comporte, notamment,
Trough they have the same Constitu- les tableaux, listes et documents re-
tions, charges, regulations, etc., for latifs au Premier souverain Chapitre
substance, with their brethren of En- de Rose-Croix de Paris.
gland, and are equaily zealous for the
Augustan stile, and the secrets of Nous avons apprécié surtout ce
the ancient and honourabie fraternity. que l'auteur résume en un « survol
de l'histoire après 1773 « en face
James Anderson, New Book of de ce qu'il appelle un GO. national
Constitutions 1738, p. 195. (la Grande Loge) : obédience ré-
La loge ancienne de la ville duite à une vie parallèle à celle
d'York, et les loges d'Ecosse, d'ir- du GO. de France et condamnée à
lande, de France et d'italie assumant « un combat inégal, grande loge fon-
leur indépendance ont leur propre datrice et animatrice de loges pari-
Grand Maître. Elles n'en ont pas siennes, centre commun de milliers
moins en substance les mêmes Sta- de maçons de province qui conti-
57
fluaient de la préférer ou que les monographies deux ouvrages fonda-
hasards lui avaient amenés. » mentaux, les Ducs sous l'Acacia ou
Citons aussi la formule rappelée
les premiers pas de la Franc-Maçon-
à chaque élection et qui ne paraît nerie française (1725-1743), p.p. Vrin
pas avoir été une clause de style en 1964 et La première profanation
du Temple maçonnique ou Louis XV
Donner à l'Ordre des Officiers et la Fraternité (1737-1755), même édi-
dignes de remplir leur place ne teur, 1968.
point s'arrêter ni au rang, ni à l'an- On appréciera ici les efforts de l'au-
cienneté, ni à aucun respect humain
quelconque, mais bien aux qualités
teur pour fournir les grandes lignes
de coeur et d'esprit ', et choisir des de la première étude de ce monumen-
Officiers qui s'engagent à « n'accep- tel sujet et cela, le plus souvent, en
ter aucune place qu'ils ne se sentent matériaux de première main.
en état et n'aient le temps suffisant C'est dire qu'on trouvera d'excel-
de pouvoir la remplir lentes mises au point sur
Avec la présente publication, entre- l'initiation (disons plutôt l'admis-
prise par la Commission d'histoire sion) du Roi-Voltaire
économique et sociale de la Révolu- - sur l'expérience maçonnique de
tion française (Bibliothèque Nationale) Casanova, à propos de laquelle on
et avec l'ouvrage suivant, l'année nous questionnait récemment
1973-74 pourra être marquée d'une sur les « frères « Saint-Germain,
pierre blanche. Cagliostro et Mesmer (Frédéric-
Antoine)
sur les ' obscurs « débuts de
. l'Ecossisme et la naissance des Hauts-
Grades
- sur les mouvements mystiques
et philosophiques dans l'Ordre du
Pierre CHEVALLIER XVIIL siècle
Histoire de la franc-maçonnerie et surtout sur le peu qu'on connaisse
française (tome 1er) de la vie maçonnique de 1789 à 1799.
On pourra reprocher à P.C. son
Dans une orientation bibliographi- sous-titre qui exprime un jugement de
que qui répondait à la curiosité légi- valeur : la Maçonnerie, Ecole de l'éga-
tima de nombreux lecteurs, Maçons lité, certains voyant peut-être en
ou non, nous commentions l'annonce lui un « ultra « et d'autres un « citra
de cet important ouvrage que nous Mais nous serions tenté de le louer
espérions bien solide et impartial de s'être situé dans un objectif juste
(P.V.l. n° spécial 25-26). En voici, en- milieu, li nous plaît, pour notre part,
fin paru chez Fayard, le premier vo- de le voir dès son avant-propos diri-
lume qui traite de ger ses recherches vers les deux direc-
La Maçonnerie, Ecole de 'Egalité tions de la tradition maçonnique, la
1725-1799 pensée et l'action. Tout au plus pour-
M. Pierre Chevallier avait consa- rions-nous lui dire que s'il est sensible
cré aux ordres religieux ses premiè- à une orientation vers une action par la
res études qui lui ont valu, après le pensée, nous opterions plLltôt pour une
titre de docteur ès lettres une chaire pensée pour l'action.
de Faculté. Puis il a étendu ses re- N'est-ce point précisément ce qui
cherches aux documents relatifs à ressort des nombreuses allusions poli-
notre Ordre qui lui doit déjà, outre cières, non seLilement dans les gaze-
une série de notes, d'articles, et de tins déjà utilisés, en même temps,
58
par Luquet et par Chevallier lui-même, taisistes dont le siège est fait
l'un dans les Ducs et l'autre dans d'avance et les constructions mystifi-
Franc-Maçonnerie et Pouvoir ? Mais on catrices (et nous ne pensons pas seu-
trouvera ici les précieux papiers de lement au complot judéo-maçonnique) -
l'abbé La Garde, utilisés par nos adver-
saires des années 40 (au temps du Nous ne pensons pas que l'auteur
mépris) avec un esprit diamétralement ait écrit pour eux, mais sa lecture
opposé dont le présent travail fait pourra leur être salutaire,
bonne justice car il procède, vrai- Pierre Gaxotte, dans une courte
ment, à la révision des légendes et préface, fait justice de ce « complot
des jugements péremptoires. dont l'abbé BarrLlel et ses disclipes ont
Nous lui devons à notre tour la accusé la franc-maçonnerie. Mais la
justice qu'il attend quand il parle de liste des faux, des erreurs, des idées
ses imperfections possibles. Il ne nous reçues et pourtant confrontées rem-
semble pas, en effet, qu'on puisse par- plirait une de nos livraisons la confu-
:
59