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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 1

INTROITUS AD PHILOSOPHORUM
LAPIDEM
SOLAZAREF

Regardez donc, frères, votre appel : il n’y a pas beaucoup de sages


selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de gens
bien nés. Mais ce qu’il y a de fou dans le monde, c’est ce que Dieu
a choisi pour faire honte aux sages ; et ce qu’il y a de faible dans
le monde, c’est ce que Dieu a choisi pour faire honte à ce qui est
fort ; et ce qui dans le monde est sans naissance et ce que l’on
méprise, c’est ce que Dieu a choisi ; ce qui n’est pas, pour abolir ce
qui est, afin qu’aucune créature n’aille se vanter devant Dieu.
Car c’est par lui que vous êtes en Christ Jésus qui, de par Dieu,
est devenu pour nous sagesse, justice et sanctification et rachat,
afin que, selon qu’il est écrit, celui qui se vante, qu’il se vante du
Seigneur.
Pour moi, quand je suis venu chez vous, frères, ce n’est pas avec
une supériorité de langage ou de sagesse que je suis venu vous
annoncer le témoignage de Dieu. Car je n’ai rien voulu savoir
parmi vous sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Moi-
même, je me suis présenté à vous, faible, craintif et tout
tremblant, et ma parole et ma proclamation n’avaient rien des
discours persuasifs de la sagesse : c’était une démonstration
d’Esprit et de puissance, pour que votre foi reposât, non sur la
sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu.
Pourtant, c’est bien de sagesse que nous parlons parmi les
parfaits ; mais non d’une sagesse de ce monde ni des chefs de ce

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monde voués à l’abolition. Ce dont nous parlons, au contraire,


c’est d’une sagesse de Dieu, mystérieuse, tenue cachée, celle que,
dès avant les siècles, Dieu a d’avance destinée pour notre gloire,
celle qu’aucun des chefs de ce monde n’a connue - car s’ils
l’avaient connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de Gloire
- mais, selon qu’il est écrit [nous annonçons] ce que l’œil n’a pas
vu et que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas montré au
cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui
l’aiment.
1, Corinthiens.*

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A tous ceux qui souffrent, pour lesquels je prie


perpétuellement.
A mon Père ( 1919 - 1983 )
médaillé de la Résistance,
Croix de guerre avec palmes,
Croix de Lorraine,
Légion d’honneur,
Chevalier qui, par ses hauts faits,
sauva avec ses Frères la France du fascisme,
Qui sut être par dessus tout un papa extraordinaire.
A ma mère
Maman de cinq enfants,
Fidèle, aimante, travailleuse,
Epouse exemplaire,
Femme remarquable,
Mère selon Dieu.
A ceux qui furent mes maîtres, pour avoir su m’administrer
de justes corrections,
N., Adepte, qui m’enseigna l’Art brevis, par lequel je suis
arrivé,
Le Cosmopolite,
Monsieur Eugène Canseliet,
Père Paul, moine,
Archimandrite Placide D.,
Kowaliski, fils de l’Arménien très estimé,
Tri Sang, moine instructeur bouddhiste au Viet-Nam,
assassiné par les Viet Minhs,
d.C., indien d’Amérique Centrale,
Père E. de L., Abbé,
Frère Marcel, ermite bénédictin.
A mes amis que j’aime jusqu’aux larmes,
eux qui défendent la Chose en sacrifiant leurs intérêts
personnels,
Mon épouse, aux heures difficiles,
B, C, J, N, R, T, mes compagnons de toujours
qui ont partagé mes peines et n’ont reçu qu’infamie du
monde.
A ces hommes et ces femmes que je n’ai vus qu’une fois et
qui étaient là,
Aux êtres de ce monde du vingtième siècle,

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qui cherchent vraiment la joie et la paix,


Aux artisans qui œuvrent de leurs mains,
Mes prières éternelles.

Fils de Science, pardonnez-moi de vous réveiller, vous me l’avez


demandé.
Comment voulez-vous sortir quiconque du sommeil sans le
secouer un peu ?
Pour ce, admettriez-vous que le langage employé vous conduise à
l’opposé de ce but ?

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CE LIVRE EST ESSENTIELLEMENT DESTINÉ A


L’ENSEIGNEMENT DES DISCIPLES DE SOLAZAREF
Il a été remis en mains propres à vingt-deux personnes qui, par
leurs actes, ont montré qu’elles étaient dignes de le recevoir, de le
conserver et de le transmettre le moment voulu.
Ces élèves ont parcouru, ensemble, la longue route d’un
pèlerinage de plus de cent soixante dix kilomètres, à l’issue
duquel le présent traité leur fut confié.
En outre, l’initiation dont il est question plus bas a été vécue par
ces mêmes êtres au château du Plessis-Bourré, le Dimanche de
Pentecôte 1984, par l’artifice d’une opération d’Art Bref.
Les disciples se sont choisis eux-mêmes par l’ardeur dont ils ont
fait preuve devant le fourneau, démontrant qu’ils sont les
authentiques fils de la Science. Ils entraient, en leur temps, dans
le cadre du liminaire d’un premier opuscule, intitulé Du
Nettoyage des Ecuries d’Augias : ils ont choisi entre le monde des
plumitifs et celui des labourants.
Les futurs disciples seront reçus par ces derniers. Ce n’est qu’à la
suite d’épreuves qu’ils seront, à leur tour et selon la Tradition,
accueillis au sein des Frères postulants de la Rosée Cuite.

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Le Cosmopolite

... Il n’en est pas de ce siècle comme des siècles passés, auxquels on
s’entr’aimait avec tant d’affection qu’un ami déclarait mot à mot cette
Science à son ami. On ne l’acquiert aujourd’hui que par une sainte
inspiration de Dieu. C’est pourquoi quiconque L’aime et Le craint, la pourra
posséder : qu’il ne désespère pas, s’il la cherche il la trouvera, parce qu’on la
peut plutôt obtenir de la bonté de Dieu que du savoir d’aucun homme ; car
Sa miséricorde est infinie et n’abandonne jamais ceux qui espèrent en Lui. Il
ne fait point acception de personnes et Il ne rejette jamais un cœur contrit et
humilié ; c’est Lui qui a eu pitié de moi, qui suis la plus indigne de toutes les
créatures et qui suis incapable de raconter Sa puissance, Sa bonté et Son
affable miséricorde qu’Il lui a plu de me témoigner.

Que si je ne puis Lui rendre grâces plus particulières, pour le moins je ne


cesserai point de consacrer mes ouvrages à Sa gloire. Aie donc courage, ami
lecteur, car si tu adores Dieu dévotement, que tu L’invoques et que tu
mettes toute ton espérance en Lui, Il ne te déniera pas la même grâce qu’Il
m’a accordée ; Il t’ouvrira la porte de la Nature, là où tu verras comme elle
opère très simplement. Sache pour certain que la Nature est très simple et
qu’elle ne se délecte qu’en la simplicité : et crois-moi que tout ce qui est de
plus noble en la Nature est aussi le plus facile et le plus simple, car toute
vérité est simple. Dieu, le Créateur de toutes choses, n’a rien mis de difficile
en la Nature. Si donc tu veux imiter la Nature, je te conseille de demeurer
en Sa simple voie, et tu trouveras toute sorte de biens. Que si mes écrits et
mes avertissements ne te plaisent pas, aie recours à d’autres. Je n’écris pas
de grands volumes, tant afin de ne te faire guère dépenser à les acheter,
qu’afin que tu les aies plus tôt lus : car puis après tu auras du temps pour
consulter les autres auteurs. Ne t’ennuie donc point de chercher ; on ouvre à
celui qui heurte ; joins que voici le temps que plusieurs secrets de la Nature
seront découverts...

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Basile Valentin

Sans doute mes persécuteurs et ceux qui sont médecins ignorants me diront
ce qu’on dit en proverbe : tu me dis beaucoup de choses touchant les Oies et
tu ne connais pas encore les Canards. Qui est-ce qui nous assurera que tout
ce que tu nous as écrit est véritable ? Pour mon particulier je n’ai autre
chose à leur répondre, sinon que je me tiens très content des choses que j’ai
apprises par expérience, comme aussi, mes autres compagnons . sans
craindre d’être trompé dans mes espérances, et ne suis dans le dessein de
me donner aucune peine pour vouloir apprendre quelque chose de nouveau
et d’incertain : celui qui est dans une autre opinion que la mienne, qu’il la
garde si bon lui semble et s’amuse à la connaissance de ces Canards : car il
n’est pas digne des Oies rôties, ni d’apprendre les merveilles que la Nature
cache en soi.

Mais je confesse en vérité et même j’ose dire sous la perte de ce précieux


joyau et Pierre, la plus riche de la Nature, et même de mon âme, que tout ce
que j’ai écrit et tout ce que j’écris dans ce Livre-ci contient la pure vérité, et
un chacun trouvera que ce n’est autre chose que la vérité : mais si tous les
doctes ou les hommes du commun, et principalement ceux qui sont
persécuteurs de cette secrète science n’entendent pas mes écrits, je n’y
saurais que faire ; mais que ceux qui sont de vrais curieux prient Dieu pour
Sa grâce ; et vous, persécuteurs, priez-Le qu’Il vous pardonne, travaillez
avec patience et persévérance, lisez avec raison et intelligence, et aucun
secret ne vous sera caché : mais, au contraire, vous y découvrirez de la
clarté.

J’exhorte encore particulièrement celui qui aura trouvé ce secret qu’il en


rende grâces à Dieu son Créateur, de tout son cœur, nuit et jour, sans cesse,
avec révérence, humilité et due obéissance : car aucune créature ne saurait
assez remercier Dieu comme le mérite ce précieux don. J’en fais ici mes
remerciements et actions de grâces à Dieu, et puis répondre devant ce
souverain Créateur de l’Univers, et devant tout le monde, et être garant de
la vérité de ces Merveilles de la Nature que plusieurs esprits présomptueux
croient n’être pas possibles, parce qu’ils n’en peuvent comprendre la cause ni
l’effet : mais ce que mes yeux ont vu, ce que mes mains ont touché et que ma
raison sans tromperie a compris, rien ne peut m’empêcher de le croire et
d’en admettre les effets en cette vie, excepté la mort qui sépare toutes
choses.

Cette mienne voix n’a pas été contrainte par un motif du siècle de déclarer
ce que j’ai ici écrit ; je ne l’ai pas fait aussi par arrogance, ni comme ayant
égard aux honneurs mondains. Mais elle a été contrainte par le
commandement de Jésus-Christ, mon Seigneur, afin que Sa gloire et bonté
dans les choses naturelles et temporelles, ne demeure pas inconnue aux
hommes, mais qu’elles puissent être manifestées pour l’honneur, louange et
gloire de son nom Eternel, et que, par la confirmation de ces miracles, Sa
Majesté et toute puissance soient honorées et reconnues de tous les vivants.

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Après ces motifs de l’amour Divin, l’affection envers le prochain m’y a invité,
pour témoigner que je lui veux autant de bien qu’à moi-même. Comme aussi
à mes ennemis et persécuteurs médisants de cette divine Science, afin que je
puisse cueillir sur leurs têtes des charbons ardents.

En troisième lieu, que tous ces adversaires contradicteurs puissent


connaître celui qui a le plus erré et qui a révélé le plus de secrets de la
Nature, et si j’ai mérité d’être blâmé et les autres d’être loués, et aussi afin
que ce grand secret ne soit enseveli dans les ténèbres, ni noyé dans les
grandes eaux du Torrent des années : mais qu’il puisse luire par les rayons
de la vraie lumière, hors du naufrage et hors de la multitude des idiots ; et
que, par la publication d’une vraie et certaine confession, il y ait beaucoup
de témoignages et autorités irréprochables qui puissent prouver la vérité de
mes écrits.

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Note en exergue à l’usage des honorables personnes qui


s’aventureraient dans ce livre sans s’exercer à l’Art Chymique
Amis, frères ou simplement dignes curieux, n’allez pas imaginer, après avoir
arpenté les lignes suivantes, que lesdites ne sont réservées qu’à une élite.

Je vous invite, parce que je connais bien les hommes, à remplacer


quelquefois le qualificatif « alchimique » par le but profond pour lequel vous
vivez, et vous serez renseignés sur bon nombre de concepts avec lesquels je
vous conseille le renouement.

En outre, que certains termes comme Dieu, prière, obéissance, .... n’arrêtent
pas votre lecture car, ce faisant, vous n’apprendriez rien. Vous ne feriez que
transposer, élargir, étendre vos fixités, c’est-à-dire votre idiotie, tout en
annihilant une possibilité qui vous est offerte.

Si je me permets de m’adresser à vous en ces termes, c’est qu’à l’image du


boulanger ou du forgeron vis-à-vis desquels il ne vous viendrait pas à l’esprit
de contester l’expérience, j’ai été instruit de certaines choses en des endroits
où vous n’avez pas été. En outre, si je m’octroie le droit de penser que ce
genre d’instruction vous manque, c’est que, tout comme je vous écouterais
béat pour votre propre expérience, Dieu ou le hasard, selon vos convictions
actuelles, a jugé bon de vous placer en cette croisée de chemin. Et, à l’issue
de ce bref contact, quels que soient vos jugements sur notre rencontre, ce
sera Lui qu’il vous faudra remercier. Mais, à l’encontre, au cas où vous
seriez tenté de déféquer sur ce qui est écrit dans ce traité - c’est-à-dire en
fait sur ceux qui m’ont instruit - sachez alors que vous agiriez comme ce
marin manquant un vent favorable. Sachez en ce cas également que nombre
d’entre ceux-ci, placés en face de mes maîtres, seraient à peine bons à cirer
les chaussures.

C’est d’ailleurs à votre intention qu’en fin de volume, nous avons dressé
pour vous un lexique très sommaire de quelques termes qui ne vous sont pas
familiers. Ces derniers ne sont pas employés pour induire à l’ouvrage un
caractère mystérieux, cher aux escrocs de l’ésotérisme moderne ; étant
depuis toujours, ils n’ont pas à être réactualisés : en effet, une éventuelle
définition moderniste les entacherait vulgairement.

En ce qui concerne certains mots que vous avez vu de nombreuses fois


passer devant vos yeux, vous observerez leur définition établie selon les
principes d’objectivité et non sortie de cerveaux, si éminents soient-ils,
formés dans le monde mécanique.

Pour les autres termes se rapportant plus spécifiquement à l’Alchimie, vous


reporter à des ouvrages spécialisés (René Alleau, Eugène Canseliet, Claude

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d’Ygé). Vous voudrez éviter les tout aussi innombrables que fallacieux
dictionnaires « mytho-hermétiques », exceptés ceux de Dom Antoine-Joseph
Pernety et de Glaser.

L’Alchimie n’est pas « faire de l’or avec du plomb ». Cette vue limitée des
choses vous a été colportée par une masse stupide qui put se saisir des rênes
de l’éducation. Cette affirmation est tout aussi grotesque que celle qui
avancerait : « j’ai vu l’énergie nucléaire. Ce sont des hommes qui mettent de
grands habits blancs avec des masques horribles, et qui, à travers d’épaisses
vitres, dansent avec les mains. »

Le rationalisme moderne est aussi crétin que la précédente définition. Avant


de penser même à une description de la physique nucléaire, il me faudrait
m’asseoir des années sur les bancs de la faculté. Mais les rationnels, eux qui
le sont par auto-suffisance, peuvent évidemment se passer de cela. Ils
savent tout d’avance.

L’Alchimie n’étant pas une science comme on l’entend aujourd’hui, les


systèmes d’analyse contemporains ne sont pas adaptés à la compréhension
de cette Science. Il est donc inutile de tenter une investigation moderne qui
serait fatalement sommaire et superficielle. Pour comprendre l’Alchimie -
Science de Dieu du point de vue de ses références -, il faut être soi-même
alchimie, c’est-à-dire être en Dieu.

Ce n’est que sous cette impérieuse condition que l’artiste peut scruter
sagement ce qui préside aux phénomènes, laissant loin derrière les « causes
et les effets » se déroulant sur un même plan horizontal.

Que cela soit bien clair pour ceux qui prétendraient, avec leur langage de ce
jour, vouloir démantibuler ce qu’ils sont en fait incapables de comprendre
dans les prémices même, faute de ne pas être dans la bonne disposition.

Science objective et tout en même temps acte de foi, l’Alchimie nécessite un


recentrage de l’homme avant toute tentative d’investigation. Le premier acte
du chercheur, est sans nul doute un mouvement religieux, situant ce dernier
dans l’ensemble de la réalité à la place qui lui est dévolue, et non pas à celle
qu’il s’attribue lui-même subjectivement.

Par voie de conséquence, toute démarche qui déboucherait sur un résultat


sérieux ne peut s’effectuer en dehors de ce cadre, l’homme lui-même étant le
terrain d’expérimentation.

Une autre grande loi chymique est celle qui enseigne qu’il existe une
semence métallique, tout comme celle des végétaux et des animaux. Ce n’est
que son mode d’existence qui, étant très lent en regard des deux autres plus
promptes, lui donne le caractère d’échapper aux tentatives analytiques
modernes. Le règne minéral se perpétue dans des conditions qui
n’échappent pas aux alchimistes. Un très grand mystère se cache derrière
ses mailles enchevêtrées dans la gangue : il est celui de la génération

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principicielle de tous matériaux. Ce devrait être là tout l’intérêt des


scientifiques, qui n’a aucun rapport avec la pétrographie.

N’oubliez pas !

Que ceux qui trouveraient, au fil des pages, l’empreinte de quelques maîtres
connus, sachent que je fus leur disciple effectif, durant de longues années et
avec toute la ferveur qu’il me fut possible.

C’est tout en leur honneur que je me permets, avec leur autorisation


personnelle, d’animer à nouveau pour vous l’essentiel de leur Blason.

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PREMIÈRE PARTIE
CE QUI EST CE QUI EST POSSIBLE
Amis philosophes,
Vous voici naissant en ce siècle à la très merveilleuse et très
ancestrale science, l’ALCHIMIE Fille de Dieu, source pure de la
miséricorde de Marie notre très sainte Mère : vous, postulant à
l’Art, commencez par vous mettre à genoux et par dire
AU NOM DU PÈRE, DU FILS, ET DU SAINT-ESPRIT AMEN
Faites-le vraiment en cet instant même, avec votre corps et par
un acte.

Vous vous présentez devant la Tradition.


Depuis des millénaires, d’innombrables chercheurs sincères,
pieux et assidus sont morts dans l’indicible espoir. Des
générations d’hommes comme vous ont été postulants aux très

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puissants arcanes de notre Science. Tous ont été marqués


jusqu’au plus profond de leur chair.
Maintenant prenez garde, il ne s’agit plus de votre vie dans le
monde, mais de vous au seuil de la Science. Voilà qui est tout
différent.
Vous postulez.
Postuler veut dire demander, et non pas exiger.
Postuler veut dire être novice, et non pas être superbe.
Une postulation est synonyme d’une supplication. C’est pourquoi,
tout comme mes Pères, je vous dis que si vous ne savez pas vous
courber d’obéissance, il vaut mieux pour vous que vous restiez
dans le monde.
Que cela soit bien clair.
Au cours des siècles, la Tradition alchimique s’est dévoilée aux
purs d’intention, sous de nombreux aspects, le plus souvent
différents les uns des autres mais toujours adéquats,
parfaitement adaptés aux nécessités de l’heure.
A chacune des périodes délicates de l’histoire caractérisée par
une irréversible modification des mentalités humaines, la
Tradition est intervenue afin d’apporter aux nouveaux venus la
nourriture essentielle qui leur permet de survivre l’adaptation.
Voici présentement une de ces manifestations, dont le langage
est nécessairement adopté pour ce.
Le XXe siècle se caractérise par une absence complète de tout
vécu traditionnel. Ce fait, très grave pour vous, engendre un
profond sommeil dont vous n’avez pas idée. Vous êtes égaré en
regard de la Dame.
Le présent qui vous est remis consiste à vous venir en aide. Mais
à cause de la tare moderne, ce traité :
- ne peut en aucun cas passer par un éditeur qui juge les
conditions de parution selon ses propres intérêts et en regard de
sa compréhension subjective : il va sans dire que la parution d’un
ouvrage traditionnel échappe à ce genre d’arbitraire.

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- ne peut être distribué que de manu ad manum, de Père en Fils


de Science, sans aucune dérogation et en écartant absolument
tout mandataria.
- vous est transmis à vous, au cours d’une initiation qui le valide.
Sans avoir vécu cette initi entre vous et votre instructeur, ce
traité perd complètement sa forme transmissive : il ne vau
mieux, alors, qu’un vulgaire roman.
- est sans la moindre valeur pour quiconque le lirait
accidentellement, sans y être préparé ni in ou, ce qui revient au
même, l’éditerait en se passant par pure démagogie personnelle
de l’Adoube
En outre, celui qui le possède doit, s’il veut s’en dessaisir auprès
d’un disciple éventuel et seulement dans ce cas, fournir la preuve
formelle de la filiation Solazaref. Il détient un objet précis du
maître qui valide sa condition de disciple, outre son
accomplissement.
- échappe au pouvoir d’occulter volontairement tel ou tel passage
qui arrangerait un éditeur envieux. Cette démarche stérilise la
publication et la rend dangereuse pour le lecteur et aussi pour
l’édit
Tout fut volontaire dans l’éxécution graphique et dans la forme
extérieure de ce traité. Amis philosophes, vous n’y verrez pas
d’introduction, ni de table des matières, ni d’index
alphabétique,…. rien de ce qui caractérise les publications
classiques. Voilà qui est voulu, comme vous le comprendrez
seulement après lectures et actes. De même pour le langage, qui
ne peut, au départ, être différent de ce qui est.
Inutile de claironner : ce traité est écrit pour les laborants, pour
les intellectuels, pour telle autre caste d’individus ésotérique.
L’Alchimie est au-dessus de ces vues particulières et limitées.
Ce traité est transmis aux Fils de Science selon la Tradition.
Aucune secte moderne ne l’a pris en compte, directement ou
indirectement.

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Il a été remis deux ouvrages à la Noblesse. Elle en fera bon


usage, en temps voulu, comme elle a toujours su s’en montrer
digne, par le Blason !
Maintes choses vous troubleront. Je n’ai pas l’autorisation de me
taire sur ce qu’il est impossible de passer sous silence. Sachez
que tout ce que je vous dirai ne sera pas mon propre jugement
mais simplement une information sur la vérité des faits, rien
d’autre.

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HOMMAGE AU SOMMEIL LA LUTTE CONTRE LE DRAGON

Bien des envieux se targuent de connaître un maître. Pourtant,


tous autant qu’ils sont, lors de la catastrophe déjà oubliée dans la
plupart des mentalités due aux conditions climatiques
particulièrement sévères qui s’abattirent sur l’Oise, et laissant
un couple de philosophes désemparés - Madame et Monsieur
Canseliet -, ils brillaient par leur absence pour, le plus
simplement du monde, pelleter la neige devant la porte du
Maître.
Ces mêmes, l’ayant dérangé sans vergogne, étant dépourvus de la
moindre retenue, croyant du haut de leur tour d’orgueil détenir la
place du petit disciple privilégié, ne se gênaient pas pour
colporter dans les salons parisiens que le maître était « gâteux » (
citation ).
Je rappelle, moi qui ai tenu son corps et qui l’ai mis au tombeau
en présence d’une compagne, que le Maître s’est éteint dans sa
chair à la suite d’une embolie pulmonaire, à cause du froid...

Notre époque est celle des « tubes ». Les sectes en tous genres
pullulent, même si elles se défendent d’en porter la
dénomination.
Les voici en goguette dans de somptueuses salles de chapitre ou
de loge, papotant d’Alchimie, se faisant « éclaircir » pour
atteindre le grade convoité, donnant leur fortune personnelle
pour recevoir le plus fameux quota de considération en l’échange
de quelques « trucs » appelés par eux « ascèse » qu’ils choisissent
comme une étoffe chez un drapier.
L’image de leur suffisance est le titre qu’ils portent, ainsi que le
nom de l’organisme bancaire qui les asservit. Rose-Croix par-ci,
scientologues par-là, ordres aussi divers qu’illusoires, ou, plus

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simplement, macrobiotiques, anthroposophes, et autres qui se


terminent en « -isme » ou « -ique ».
Dans les unes, on se défend d’être maîtres, dans les autres, seul
le dogme, pâle reflet d’un amalgame de doctrines hindouistes
accolées au celtisme, se vend très cher par monographies
mensuelles. Chez les uns, on auditionne avec un vague
ampèremètre qui dirait la vérité, chez les autres, l’intelligence
s’est transformée en dédain hautain vis-à-vis de tout ce qui n’a
pas la coloration anthroposophique.
Moi qui, par erreur de jeunesse et par les voies subtiles de la
Providence, ai trempé mon innocence dans chacune de ces fosses
septiques, je vous dis que ces gens dorment profondément.
Je vous dis également que l’état de Rose-Croix ne les habite pas,
pas plus que l’état de Chevalier. De même, aucun d’eux n’aurait
le droit devant Dieu de se nommer antroposophe, ni scientologue.
L’Anthroposophie est encore autre chose ; quant à la scientologie,
elle n’a pas plus d’existence qu’un nom que j’inventerais par
phantasme au sujet de n’importe quel objet qui me tomberait
sous la main.

Le communisme stalinien ou soviétique, celui qui va bientôt


anesthésier nos propres cerveaux, affirme être « révolutionnaire
». Voici plus de soixante ans que la fixité dirige ces états. On y
emprisonne les poètes, les artistes, les scientifiques, toute
personne capable de se servir encore de matière grise.
Mais, ailleurs qu’en prison, les nantis du régime, qui vivent
comme des princes, chantent hebdomadairement lors de leur
congrès l’internationale révolutionnaire. Ces gens dorment.

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Toutes ces constatations vous paraissent claires, indiscutables.


De votre propre point de vue. vous aurez objectivé ces
lamentables états de l’homme.
En regard de l’Alchimie, le mode de vie dans lequel vous existez
actuellement est aussi abominable que les descriptions
précédentes.
Le sommeil est l’artifice de Satan, c’est-à-dire de tout le principe
involutif cosmique, qui est responsable justement du fait que
vous ne puissiez pas en prendre conscience. Et, si un artifice
divin vous venait en aide, temporairement, ce même sommeil
vous empêcherait de vous rappeler.
Atteindre l’Adeptat, c’est en premier lieu ne plus dormir.

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LE MONDE EXTÉRIEUR, LE MONDE INTÉRIEUR


Soyez certain, ami postulant, que l’étonnement que vous
éprouverez à la lecture des premières lignes de ce traité a été
ressenti par tous vos prédécesseurs au cours des siècles
Chaque époque a son langage. Notre temps est celui d’un monde
mécanique, accidentel, aléatoire. Les mœurs d’autres moments
du genre humain ont tous eu leur propre caractéristique. Geber
enseignait les vaisseaux, la manière de bien conduire les
opérations les plus élémentaires de l’Art, parce que cela était
nécessaire pour les esprits humains du moment. De même, Basile
Valentin entrait dans le détail des régimes extérieurs, des
manipulations du deuxième œuvre, de la description précise des
matières, et chaque maître d’apporter sa signature à la grande
histoire de l’Alchimie.
Aujourd’hui, Solazaref doit vous entretenir de votre rapport avec
le monde contemporain, parce que l’enjeu est grave du point de
vue de ce rapport.
Demain, peut-être devrez-vous vous-même dévoiler aux autres
Frères ce qui sera votre blason alchimique. Et ce demain-là,
l’étonnement futur des postulants sera le même que celui que
vous ressentez présentement.

Certains s’imaginent échapper à cette loi initiatique. Ils pensent :


« ces choses n’ont pas de rapport direct avec l’Alchimie », et ils se
trompent lourdement. Parce qu’ils n’auraient pas l’habitude
d’entendre ce genre de termes, tout comme nos anciens frères
n’avaient pas coutume de lire les no veaux traités de l’époque. ils
ignorent volontairement ces passages, par pure décision
arbitraire. d montrant justement que ces passages les concernent
éminemment.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 20

Il est nécessaire de replacer les choses dans le temps, les


événements, votre propre situation personnelle par rapport au
monde moderne. Bien que l’on croie volontiers être capable d’une
telle objectivation, vous verrez au fur et à mesure de ces pages
qu’il n’en est rien, que vous avez seulement l’habitude d’un
nombre de mécanismes limités qui vous sont accoutumés et dans
lesquels vous ave une foi aveugle.
Auparavant, cette situation n’était pas critique : la présence de la
Tradition dans l’ensemble du tissu social était suffisante pour
imprégner les êtres, même les plus démunis, de ses arcanes. Mal
heureusement, de nos jours, bien que l’on juge de façon primaire
que par un simple effort il est possible de tout retrouver, nous
observerons le haut niveau de perversité engendré par l’absence
complète de tout ferment traditionnel.
Vous avez tous été nourris avec ce lait frelaté, dont vous
n’imaginez pas les incidences, sur tout pour votre aspiration en
regard de l’Alchimie.

Que s’est-il passé dans le monde pour en arriver là ? Quelques-


uns sont optimistes, d’autres sont pessimistes. On entend
souvent : « la situation n’est pas si catastrophique », ou encore «
les hommes modernes sont voués à la mort ». Rien n’est en fait
comme cela. La réalité objective échappe à la loi dualiste, aux
avis de chapelle, aux egos divers. La réalité objective, celle dans
laquelle se situe l’Alchimie, ne s’investit pas avec notre point de
vue subjectif, notre éducation limitée et notre niveau de
réalisation incomplet, voire faussé.
Il ne faut jamais l’oublier. Pas une seule seconde de votre vie
vous n’êtes suffisamment libéré de vous-même, des marques de
ce monde hypermatérialiste, pour prétendre à une vue objective
des choses. Cet état de vous-même, en regard de l’Alchimie, est
justement ce qui rend l’entrée au Palais du Roi fermée à double
tour.
Le plus terrible, c’est l’oubli. On est bien capable, un court
instant et sous l’effet d’un choc important, de comprendre

20
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 21

partiellement et assez clairement de quoi il s’agit. Mais on oublie,


c’est ce qui est nouveau depuis deux siècles. On retombe sans s’en
rendre compte, en croyant fermement que l’on conserve le niveau
de conscience, en étant certain qu’il n’y a eu aucune cassure,
alors qu’on s’est endormi.
Personne n’échappe à ce terrible courroux de Satan, parce que
cela tient à des phénomènes cosmiques qui touchent notre
système solaire, phénomènes qui se sont aggravés et matérialisés
depuis deux siècles environ.
Les lois de Satan sont devenues chair. Elles sont entrées dans les
processus métaboliques humains et y engendrent leur force
involutive, d’une manière implacable, en chacun de nous.
Seulement ceux qui luttent peuvent échapper à cette prison.
Ceux qui luttent sont ceux qui se rappellent.

Le sens des choses s’en trouve profondément affecté. Toutes les


morales, tous les dogmes ne peuvent pas être intégrés sans
décrasser la machine humaine des métabolismes sataniques qui
perturbent son équilibre inné. Etre chrétien, être musulman, être
bouddhiste ou autre, ne peut plus être régi par les mêmes règles
qu’autrefois.
Nous savons que bon nombre seront encore surpris de ces mots.
On voit en général l’alchimiste parfaitement inséré dans la
doctrine chrétienne. Cela était vrai, auparavant. Mais, de nos
jours, voilà qui est complètement détourné. Trop peu savent ce
que veut dire être chrétien ou encore être alchimiste. Le sens des
choses est perverti par votre sommeil et par les générations de
sommeil précédentes. Des hommes endormis ont dirigé d’autres
hommes endormis. Il faut comprendre cela dans toute votre
masse. Il faut apprendre à vous nettoyer intérieurement, à vous
purifier, à vous éveiller.
Afin d’approfondir les données de cette impérieuse question, voici
rappelées pour vous deux parutions : De Sprong ins Ewinkeit, et
Liber dem Meischer.

21
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 22

DE SPRONG INS EWINKEIT


LE SAUT DANS L’ETERNITE
La maison de Solazaref était une ancienne bâtisse de vigneron. Il
vivait là, dans ce petit village flanqué sur la pente d’une des
premières collines qui annonçait la mort de la plaine, avec sa
douce femme et ses deux enfants.
La mienne était plus bas. à quelques dizaines de mètres ; pour
aller chercher le pain, je passais tous les jours devant chez lui.
C’est ainsi que dès ma plus tendre enfance, très timidement,
allant et venant devant la grande porte de la grange quelquefois
ouverte, je l’observais du coin de l’œil. Souvent, je prétextais une
autre course chez le boulanger qui était aussi épicier, rien que
pour avoir la joie de jeter ce regard aimablement inquisiteur.
Lorsque la porte était fermée, j’écoutais, ralentissant le pas. Il y
avait toujours quelque bruit qui témoignait d’une occupation non
ordinaire. Jamais deux événements identiques ne se déroulaient
dans ce laboratoire ! Mais. s’il se trouvait que son regard croisât
le mien, vivement impressionnée par ses yeux noirs et profonds.
Je tournais la tête comme si j’avais vu quelque chose qui me
concernait.
Un jour, le voilà en face de sa maison dans le pré qui était là de
l’autre côté du chemin, en train de décharger une quantité
considérable de roches grises. Son visage rayonnait la joie et il
parlait tout seul, chantonnant entre les mots, comme une sorte
de fou qui brasserait le contenu d’un trésor sur une île déserte.
- Ah ! ah ! Enfin le loup gris est là ... (chantonnant tout en
mouvement) ... Je vais te cuire, loup gris, et tu vas me donner la
Vierge ...
Tantôt il s’arrêtait furtivement pour observer minutieusement un
bout de roche grise, sautant dans l’allégresse ou pestant selon
qu’elle était plus brillante ou plus dure.
Pour moi, entendre parler de loup gris, de Vierge, de cuisson de
Vierge ! il est manifestement fou, mais j’étais certaine que sa
quête valait plus que tout au monde, plus que sa vie, car sa façon
de faire, dans ses moindres gestes avec n’importe quel matériel

22
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 23

ou matériau, était celle d’un être qui semblait porter le plus beau
des enfants entre ses mains, sans tenir compte de lui-même.
Il ne me voyait même pas, tant il était affairé : il aurait pu
arriver n’importe quoi !
Pour la première fois, je me sentis complice de quelque chose.
Déjà, je pouvais l’observer sans le déranger. J’avais même envie
de lui prêter la main et, sentiment profond inexplicable, je
n’avais presque plus peur.
Ce n’est qu’à partir de cette impression qu’il me vit. Ralentissant
son mouvement de triage, à genoux dans la boue il s’arrêta
lentement et leva la tête vers moi. Toujours ce regard ...
- Tu es VT. du hameau de ... ?
Je hochai la tête et fis un pas vers lui :je craignais tellement qu’il
ne se remette au travail, qu’il m’oublie ! C’était ma chance et,
malgré ma timidité maladive, j’étais maintenant décidée à ne pas
la laisser passer.
Je fis encore deux pas. comme pour retenir son attention. Ses
yeux devinrent plus profonds. Le voilà figé comme une statue. Et
moi, bafouillant
- Qu’est-ce que c’est. le loup gris ?
Le voilà qui explose dans un rire d’une impressionnante virilité,
le visage au ciel et les bras tendus vers la minière. Stoppant net,
l’air grave
Le loup gris, petit oiseau, c’est ce que tu foules aux pieds ici
même. Mais qu’est-ce que c’est ?
Il deviendra corbeau et Vierge avec le fer .. .
Quel faire ?
Augmentant le ton
Avec le fer ! et, se calmant immédiatement, me souriant avec un
air très malicieux : mais c’est la même chose. petit oiseau.
..Je voudrais bien .... me coupant
Viens me voir demain soir.

23
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 24

Et il se détourna, comme si je n’existais plus, continuant son


travail. Je lui dis encore quelques mots, mais il n’était plus là il
ne m’entendait plus. Il vivait dans un autre monde.
J’en oubliai la commission pour laquelle j’étais partie. N’osant
plus repasser pour réparer l’étourderie. ce soir-là, nous avons
soupé sans pain ...

Le lendemain, pas question d’aller chez Solazaref ! Je ne pouvais


pas, c’était impossible tant j’avais peur. Et pourtant, n’en
dormant plus, pensant chaque instant à cet événement, plus les
jours passaient, plus je ressentais la honte monter, comme une
sorte de parjure.
C’était intolérable, invivable. Il fallait que je répare, mais
comment ? C’était mal le connaître : il n’y avait là que mes
propres pensées, oublieuses que son monde était tout différent.
Ça a duré une année entière, quel entêtement ! Encore
aujourd’hui, tous les jours je pense à cette lâcheté, dans l’ombre
des choses que je regrette en mon cœur.
Durant cette période, je partis en Allemagne pour suivre mes
parents. Là-bas, j’imaginais S. et sa maison pleine de mystères.
Puis, pendant les vacances, la plaie un peu oubliée, je me
retrouvai un soir de pleine lune sur le chemin de la boulangerie.
Machinalement, je baissai la tête devant la grange de S. quand
j’entendis sa voix
- Oh ! Le petit oiseau est revenu !
Le petit oiseau ... Il n’avait rien oublié ... Il me parlait le même
langage, comme si je l’avais quitté la veille. Dans quel temps
vivait-il donc ? Mais, comme je rougissais, il me fit signe d’entrer
en me dépêchant
- Allez, grouille-toi, tu vas me faire rater la coulée.
Il partit furtivement. Lorsque j’arrivai à son fourneau, je vis un
spectacle inoubliable.

24
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 25

Solazaref sortit un immense creuset fumant, versa le contenu en


fusion dans un moule d’acier, tapota avec un petit marteau les
faces de ce moule. Tout en faisant le mouvement, il me dit
Vois l’eau-qui-ne-mouille-pas-les-mains.
Ralentissant le ton
Souviens-toi toujours de ce prodige de la nature.
Le souffle coupé, je m’assis sur n’importe quoi et restai coite un
moment indéterminé.

C’est le claquement sec du démoulage qui me fit sursauter, me


replaçant dans le présent. Quelle vie menez-vous donc, Monsieur
Solazaref ?
âhâ ... fit-il doucement (cela veut dire « oui » dans le langage
enfantin de l’alsacien). Puis, me regardant plus directement, il
échappa : Dis isch emol so ! (Il n’y a rien à y faire !). Ne me
laissant pas reprendre, il m’expliqua qu’il était en train
d’observer le comportement au creuset de la minière récemment
cherchée. Il me parlait de pourcentages « d’eau » contenue dans
la pierre, d’aspect cristalline à la cassure : je ne me souviens plus
très bien, étant complètement absorbée à poser mes yeux
partout.
Outre le considérable capharnaüm qui nous entourait, un
corbeau caquetait dans une volière au fond du laboratoire.
Un corbeau ! Tout ici était insolite. A côté de la grande cage se
trouvait une sorte de four pas comme les autres, muni
d’immenses ouvreaux par rapport à la taille des carneaux.
Voyant que je le fixai, il dit - C’est la machine à remonter le
temps.
Devant ma grande surprise, il se mit à rire comme lorsqu’il triait
la minière.
Le corbeau caqueta de plus belle en battant des ailes. Solazaref
se mit alors à hurler joyeusement

25
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 26

Krabb ! Er het net sinner kopf pi sich. (Le corbeau ! il n’a plus
tout-à-fait sa tête à lui !) J’étais médusée. Son rire redoubla
d’intensité
Ne comprends-tu pas que tu es adoptée ?
Adoptée ? ...
Retrouvant un air sérieux
Jamais le corbeau ne fait cela, avec personne ! Dès qu’il t’a vue, il
t’a reconnue. E dachtel ! (quelle tarte) ... Ce corbeau est
d’habitude bête à se faire mordre par les oies ! C’est seulement
quand il se passe quelque chose qu’il retrouve sa fonction.
Autrement, kaput ! (c’est fichu).
Il parlait toujours ainsi, en mélangeant le dialecte au français.
- C’est aussi comme cela qu’il a reconnu Léontine, ma bonne
épouse. Lorsqu’il l’a vue, il est tombé malade pendant un mois.
S’essuyant les larmes aux yeux, il s’approcha de moi d’un pas
lent. J’étais pétrifiée. - C’est donc toi mon aide ? ... Quelle
surprise !
Cette fois-ci, c’est lui qui s’assit sur le billod, qui supportait
l’enclume. Il sombra dans une absence infinie, comme un bloc de
glace.
Je me retirai doucement. Il ne bougeait plus.
En proie à d’innombrables questions, je ne le vis plus durant une
semaine entière. La maison était d’un calme inhabituel. Il n’y
avait plus de bruit dans le laboratoire. Frappant à sa porte pour
savoir s’il était malade ou autre chose, regardant à travers le
carreau de la cuisine sans éclairage, j’entendis une voix qui me
parvenait comme du fond d’une grotte : « laisse-moi tranquille,
reviens », ou quelque chose de ce style.
Plus tard, il m’a expliqué pourquoi son corbeau ne le quittait pas.
Il l’avait sauvé du fusil des hommes au nid et tous deux s’étaient
adoptés. Ce n’est qu’au fur et à mesure des expériences que je
compris le sens profond de la présence de cet animal très
attachant : une sensibilité bien plus fine que celle de l’homme

26
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 27

aux événements impromptus. Ce qui suivit me permit de le


vérifier.

Ce n’est que quelques semaines après que je vis fonctionner son «


four à remonter le temps ». Juste avant, il était souvent en
promenade autour du pâté de maisons avec un pendule. Il
attendait le moment propice, disait-il.
« ... Ce four est celui de la voie brève. Il permet également de
réaliser quelques particuliers plus aisément. Son principe est
basé sur le recyclage des gaz, créant une atmosphère neutre ou
réductrice selon l’ouvrage, avec la possibilité de séparer et de
mettre à profit la part d’oxygène, de façon à monter aux
températures qui ne sont plus de cette planète.
L’art brevia est celui des initiés. C’est seulement après une
longue pratique en voie sèche et en voie humide que son accès est
possible. Il est réservé à ceux qui savent parfaitement manier les
régimes tout en nécessitant des précautions particulières :
comme par exemple le port de lunettes spéciales, dont les verres
sont fondus selon l’Art, donnant un indice de réfraction
déterminé qui autorise la vision de certains phénomènes-clefs du
mode opératoire.
Huit jours suffisent aux maîtres pour concevoir la Pierre des
Philosophes, mais il faut d’abord de longues années d’approche,
car la pratique est très dangereuse. Le mode opératoire requiert,
en outre, la participation subtile des ondes telluriques, qui
battent en pulsion dans le sol comme un cœur, mais à un rythme
bien plus lent.
Ces pulsions, il faut avant tout savoir en déterminer la
fréquence. C’est de cette façon que Dieu garde l’accès de cette
voie aux êtres doués d’une sensibilité spéciale. Ces « ondes
telluriques » - il insistait sur ces mots en m’expliquant qu’ils
étaient bien vagues pour désigner une telle propriété -
fonctionnent comme les vagues de la mer, dans les cas les plus
courants : tantôt productrices, émettrices, tantôt absorbantes,
aspirantes.

27
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 28

Certains, se disant pourtant spécialistes de ces questions, croient


que lorsqu’elles sont absorbantes, elles sont négatives,
dangereuses, et ils disent : « il existe des ondes de la mort ». Rien
n’est comme cela dans les lois du Créateur. Le fait qu’elles
puissent revêtir l’aspect apparent de destruction ne tient pas à ce
qu’elles sont elles-mêmes à ce moment, mais à l’ensemble des
phénomènes en présence. Alors seulement, il se peut qu’une
conjonction particulière - accidentelle comme nous allons le voir
par la suite - puisse donner une résultante dont l’apparence est la
négativité. Mais s’il ne s’agit que d’une apparence, cela est
spécifique, temporel et propre à plusieurs états en présence, très
relatifs.
Le lieu d’implantation de la maison où l’on exerce a donc, de ce
point de vue, une importance toute primordiale, d’autant que ces
ondes peuvent être canalisées naturellement par des structures
géophysiques leur conférant une polarité résiduelle constante. Le
mieux, pour éviter ces aléas, est de se trouver sur un puits ou à
proximité immédiate, dans lequel une nappe d’eau souterraine
suit les pulsions telluriques fixes et aussi ascendantes : comme
cela, l’équilibre des forces est préservé, offrant à la fois
l’absorption et l’émission.
L’art brevia se déroule en période d’émission. Ainsi,
l’augmentation de l’intensité ondulatoire, en fréquence et en
amplitude, entre en résonance avec le taux d’oxygène modulé et
mis aussi en vibration par le four et la conduite du régime.
L’onde résultante formée, très particulière, est un véritable «
pont » permettant le passage de l’influx vital souterrain. Cette
onde secoue les bains en fusion dans le four de manière à donner
à la structure cristalline des matériaux en présence, en liquidus,
une forme propre à l’émission d’abord de phénomènes de valence,
et ensuite de phénomènes isotopiques.
Ce n’est qu’à cette seule condition que la pénétration en cascade
descendante «molécule-atome-noyau » est possible, comme si
dans le désordre de la matière terrestre une succession de portes
s’ouvraient en couloir, depuis les états les plus grossiers
jusqu’aux états les plus subtils. Alors seulement la polarisation
des rayons lunaires, qui doit s’effectuer outre toutes ces
conditions premières et encore avec d’autres, prend sa pleine
puissance active et transmutatoire : du fait de sa très faible

28
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 29

intensité, (les portes de la matière étant ouvertes), ce


rayonnement touche les structures là où il le faut, les organisant
en leur restituant ainsi une nature très parfaite. C’est cette
nature et durant l’ouverture constante de la matière en liquidus,
qui génère alors un autre rayonnement plus nucléaire, qui se
rapproche d’un type gamma. »

Ce n’est que quelques semaines après que je vis fonctionner son «


four à remonter le temps ». Juste avant, il était souvent en
promenade autour du pâté de maisons avec un pendule. Il
attendait le moment propice, disait-il.
« ... Ce four est celui de la voie brève. Il permet également de
réaliser quelques particuliers plus aisément. Son principe est
basé sur le recyclage des gaz, créant une atmosphère neutre ou
réductrice selon l’ouvrage, avec la possibilité de séparer et de
mettre à profit la part d’oxygène, de façon à monter aux
températures qui ne sont plus de cette planète.
L’art brevia est celui des initiés. C’est seulement après une
longue pratique en voie sèche et en voie humide que son accès est
possible. Il est réservé à ceux qui savent parfaitement manier les
régimes tout en nécessitant des précautions particulières :
comme par exemple le port de lunettes spéciales, dont les verres
sont fondus selon l’Art, donnant un indice de réfraction
déterminé qui autorise la vision de certains phénomènes-clefs du
mode opératoire.
Huit jours suffisent aux maîtres pour concevoir la Pierre des
Philosophes, mais il faut d’abord de longues années d’approche,
car la pratique est très dangereuse. Le mode opératoire requiert,
en outre, la participation subtile des ondes telluriques, qui
battent en pulsion dans le sol comme un cœur, mais à un rythme
bien plus lent.
Ces pulsions, il faut avant tout savoir en déterminer la
fréquence. C’est de cette façon que Dieu garde l’accès de cette
voie aux êtres doués d’une sensibilité spéciale. Ces « ondes
telluriques » - il insistait sur ces mots en m’expliquant qu’ils

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 30

étaient bien vagues pour désigner une telle propriété -


fonctionnent comme les vagues de la mer, dans les cas les plus
courants : tantôt productrices, émettrices, tantôt absorbantes,
aspirantes.
Certains, se disant pourtant spécialistes de ces questions, croient
que lorsqu’elles sont absorbantes, elles sont négatives,
dangereuses, et ils disent : « il existe des ondes de la mort ». Rien
n’est comme cela dans les lois du Créateur. Le fait qu’elles
puissent revêtir l’aspect apparent de destruction ne tient pas à ce
qu’elles sont elles-mêmes à ce moment, mais à l’ensemble des
phénomènes en présence. Alors seulement, il se peut qu’une
conjonction particulière - accidentelle comme nous allons le voir
par la suite - puisse donner une résultante dont l’apparence est la
négativité. Mais s’il ne s’agit que d’une apparence, cela est
spécifique, temporel et propre à plusieurs états en présence, très
relatifs.
Le lieu d’implantation de la maison où l’on exerce a donc, de ce
point de vue, une importance toute primordiale, d’autant que ces
ondes peuvent être canalisées naturellement par des structures
géophysiques leur conférant une polarité résiduelle constante. Le
mieux, pour éviter ces aléas, est de se trouver sur un puits ou à
proximité immédiate, dans lequel une nappe d’eau souterraine
suit les pulsions telluriques fixes et aussi ascendantes : comme
cela, l’équilibre des forces est préservé, offrant à la fois
l’absorption et l’émission.
L’art brevia se déroule en période d’émission. Ainsi,
l’augmentation de l’intensité ondulatoire, en fréquence et en
amplitude, entre en résonnance avec le taux d’oxygène modulé et
mis aussi en vibration par le four et la conduite du régime.
L’onde résultante formée, très particulière, est un véritable «
pont » permettant le passage de l’influx vital souterrain. Cette
onde secoue les bains en fusion dans le four de manière à donner
à la structure cristalline des matériaux en présence, en liquidus,
une forme propre à l’émission d’abord de phénomènes de valence,
et ensuite de phénomènes isotopiques.
Ce n’est qu’à cette seule condition que la pénétration en cascade
descendante « molécule-atome-noyau » est possible, comme si
dans le désordre de la matière terrestre une succession de portes

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 31

s’ouvraient en couloir, depuis les états les plus grossiers


jusqu’aux états les plus subtils. Alors seulement la polarisation
des rayons lunaires, qui doit s’effectuer outre toutes ces
conditions premières et encore avec d’autres, prend sa pleine
puissance active et transmutatoire : du fait de sa très faible
intensité, ( les portes de la matière étant ouvertes ), ce
rayonnement touche les structures là où il le faut, les organisant
en leur restituant ainsi une nature très parfaite. C’est cette
nature et durant l’ouverture constante de la matière en liquidus,
qui génère alors un autre rayonnement plus nucléaire, qui se
rapproche d’un type gamma. »

« …A l’époque adamique donc, voici quelques millions d’années,


notre soleil-étoile était coaxialement situé avec notre galaxie : la
terre avait une situation privilégiée du point de vue du nombre
de lois qui la gouvernaient. C’est pourquoi les anciens et plus
tard la Tradition soutenaient que la « terre était le centre du
monde ».
Bien moins de lois sur notre terre, par rapport aux autres
planètes, malgré les apparentes similitudes relatives,
assujettissaient l’ensemble de la vie qui y régnait très proche de
la perfection et de l’équilibre. C’est là l’origine de notre grande
nostalgie de « retrouver Dieu ». La graine est restée ...
Puis un jour. à cause du péché originel, par la Volonté créatrice,
le système solaire s’est trouvé impliqué dans la danse des étoiles
en regard du centre galactique : nous étions alors à notre tour
placés dans la valse accélérante de la spirale, nous éloignant du
centre, et nous infligeant du même coup les variations de plus en
plus croissantes de l’espace-temps, réduisant notre terre à
l’assujettissement de l’évolution spécifiquement matérielle, à
l’accélération et aux accroissements des masses, aux
augmentations des quantités de matière. Nos éléments du
tableau de Mendeleïev prenaient ainsi une structure de plus en
plus fixe, stabilisée et. dans son involution, à une époque
lointaine, le simple plomb occupait la place de notre uranium
238. Voilà aussi pourquoi la place ancienne de nos sept métaux
était sacrée : à l’époque adamique, tout était « auréolé » d’Esprit,

31
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 32

et il existait des êtres semi-matériels, si nous pouvions les


examiner de nos jours.
De plus en plus loin de Dieu, de plus en plus emprisonnés dans
un nombre de lois croissantes en quantité et en détails, allant
vers l’infime et l’extérieur de la spirale, l’espace et le temps - la
matérialité - entraient ainsi de plus en plus dans les structures
de l’homme pour, aujourd’hui, le dominer presque complètement.
Les chocs commandent la marche de notre terre, du fait du très
grand nombre de lois parfaitement concurrentes. L’homme se
déspiritualise par la force de cette course, immuablement et dans
sa généralité.

... Les traditions religieuses, quelles qu’elles soient, avec toutes


leurs variantes, proposent à l’homme ainsi perdu la possibilité de
re-axage par rapport à l’origine, à la condition de son adhésion
totale accompagnée de sa complète participation.
C’est pourquoi toutes les formes d’ascèse sérieuse libèrent
l’homme de sa mécanicité par un travail très dur sur sa
matérialité : dans tous les cas d’évolution spirituelle, la matière
de l’homme - son corps physique- doit inévitablement se
transfigurer, afin de générer en lui les indicibles substances (se
rapprochant plus du niveau des hormones) qui permettront un «
pontage » durable et irréversible. C’est aussi pourquoi un
matérialiste ne peut reconnaître un saint-homme, tout comme le
plomb a perdu sa mémoire d’une filiation royale.
L’Alchimie, elle, a toujours gardé son mystérieux dynamisme,
quels que soient les époques et les lieux, parce qu’elle observe les
lois du cosmos d’une manière englobant la matérialité terrestre,
tenant compte de l’implacable réalité matérielle. C’est à ce titre
que la voie brève permet aux matériaux et à l’alchimiste une
possibilité d’orientation des lois comme à l’époque du premier
Adam : par l’artifice brevia, l’artiste tourne la difficulté de
l’éloignement, de la complexion désordonnée des chocs matériels
en un ordre filial et très simple, principiciel.

32
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 33

Voilà la raison pour laquelle, lors du mode opératoire de l’Art


bref.- et des autres voies alchimiques dûment menées -
l’opérateur et l’opération se trouvent ensemble dégagés des lois
accidentelles, se « reaxant » de la sorte d’une manière précise
avec le centre galactique, retrouvant par là le Fiat virginal de la
lumière divine, parce que l’ensemble réintègre une parenté
ancestrale et originelle, de toujours.
L’artiste échappe de cette façon à la loi du temps et de la matière,
tout comme son opération, retrouvant un temps « relaxé » bien
plus long et un espace qui échappent aux lois de la mécanique
relativiste. A ce titre, c’est une des raisons pour laquelle les
modèles mathématiques modernes sont insuffisants pour
répondre à la demande, plus avancée, de la recherche en
physique nucléaire.
Dans un tel monde ancestral, la seconde n’est plus l’unité de
temps, mais la conscience. De même, la vitesse de la lumière
meurt en tant que référence physique, pour n’être qu’une simple
expérience du niveau de la loi de gravitation de Newton. Un jour
viendra où des esprits éclairés, parmi les modernes, trouveront
de nouveaux modèles plus objectivants pour expliquer le monde,
et ils s’apercevront avec stupeur que les alchimistes les
connaissaient depuis au moins quatre mille ans.
Ainsi resitué, l’opérateur, dans sa partie subtile, échappe à
l’influence terrible de la spirale décadente, horizontale et
centrifuge de la galaxie, pour se retrouver dans la formidable
ascension de l’évolution spirituelle. L’artiste qui réussit la
première médecine blanche retrouve alors son quota de temps de
vie biologique à l’origine de sa réalisation programmé par ses
propres chromosomes, et les erreurs qu’il a pu commettre du
point de vue pathologique sont gommées. La Pierre, elle, offre en
plus le parfait réajustement cosmique, immédiatement disponible
et mis en réserve, agissant sur les êtres et sur les matières,
modifiant le message des générations emprisonné dans la
structure de l’ADN de l’homme, réorganisant les niveaux de
matérialité pour la matière en déplaçant l’échelle des
potentialités des origines.»

33
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 34

« ... La voie brève, comme les autres voies alchimiques, est


l’artifice par lequel une sorte de recentrage de lentilles optiques
s’effectue, engendrant par là une énergie considérable,
formidable télescope, d’une nature particulière, vers l’absolu.
Pour cela, et afin d’éveiller les processus d’espace-temps, elle
exige les conditions dont nous avons parlé, offrant
exceptionnellement un passage spécial, un « trou », un couloir
réduisant à néant l’extraordinaire distance qui nous sépare de la
source originelle.
Pour les mêmes raisons que le kaléidoscope de l’enfant qui
s’ordonne subtilement par le mouvement, ici, entre l’Absolu et la
lointaine terre, le taux de radiations auquel est soumis l’artiste
durant l’opération brève est très précis, pour s’enclencher
parfaitement dans les micro-espaces intermoléculaires de ses
cellules, sans aucun dégât pour les chaînes moléculaires elles-
mêmes.
C’est comme cela que les métabolismes se réorganisent vers leurs
fonctions originelles et pures, chassant par polarité, comme des
wagons d’un train, les toxines des déviations engendrées au cours
de la vie imparfaite de l’homme. Une longue période de
désintoxication suit ce départ, jusqu’à ce que le niveau de clarté
des métabolismes soit suffisant pour se décupler et rayonner à
l’extérieur du corps physique de l’alchimiste. »
L’opérateur devient une sorte de prisme : j’avais vu plusieurs fois
S. briller d’une curieuse luminosité à des occasions spéciales.
Il était deux heures du matin lorsque Solazaref cessa de parler.
Le soir même, il mit en route le fameux four. En approche de
l’expérience ultime, il s’arrêtait toujours lorsque les vibrations
étaient suffisantes pour - dans un sifflement strident - déplacer le
creuset et son fromage !
Avec les lunettes spéciales, on pouvait voir à travers l’incroyable
fournaise, élancée comme une inertie, le vaisseau très particulier
sautiller la ronde dans l’enceinte. Lorsque le bouchon était retiré
brièvement, du liquidus sortaient des petites billes très
brillantes, obéissant au ballet créé par les vibrations, retombant
à la surface du bain en constellations d’étoiles qui rappelaient un
ciel filmé à rebours en caméra ultra-rapide : les années

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 35

semblaient s’écouler à reculons, jusqu’à une indicible clarté qui


nous plongeait dans un étrange coma, duquel nous sortions
comme transfigurés de l’intérieur ...
Le compteur qui mesure la radioactivité, approché de nos corps,
marquait la sonorité. Cela faisait sourire S.. Il préférait utiliser
un appareil bizarre dans lequel une petite feuille faite d’un métal
alchimique se décollait en apesanteur d’un support lorsqu’il
fallait cesser l’expérience.
Le corbeau était dressé à s’agiter là, caquetant sèchement,
pendant que S. surveillait l’extinction lente du processus
infernal.

Alors que je lui demandai d’autres explications sur cette


présentation cosmologique inhabituelle tellement condensée, il
m’adjura
- Fais d’abord ! Après, nous reparlerons de ces choses.
Puis, fermant les yeux et se retournant doucement en lui-même,
il ajouta d’un ton très aimant, la main portée au cœur comme en
bien d’autres occasions
- N’oublions jamais de louer Dieu pour de tels bienfaits.

Lorsque je songe à ce merveilleux passé, je me demande encore


aujourd’hui comment j’ai pu conserver toute ma tête ... Car
durant ces années, je ne savais pas identifier en moi Solazaref
merlin, fou ou diable.
Maintenant qu’il est parti, je crois savoir que l’alchimiste est
vraiment un être à part dans la création.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 36

La descente de l’Esprit Universel Les rayons de la Kabbale.

UBER DEM MEISCHER (A propos du Maître)


Cette nuit de Mai 19.., je trouvai Solazaref prostré, malgré la
propice lune montante appelant au fourneau. Il était assis contre
le bord du muret d’avancée du laboratoire.
Tel un chat qu’il m’a fallu distinguer dans l’ombre alors que
j’appelai à haute voix, il se tenait là, plus sombre encore que la

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 37

faible lueur d’argent accompagnant l’air légèrement humide et


frais de cette nocturne heure printanière.
- Meischer, qu’avez-vous donc ? lui dis-je d’un ton très doux,
sachant qu’il n’aimait guère être replacé dans une autre
dimension de cette manière.
Le silence ne fut troublé que par un vague geste de la main
frottant sur le fort velours du pantalon. Je reposai la question
avec autant de tact et ajoutai
- Mais vous allez attraper froid !
Il s’assombrit plus encore. Immobile près de lui mais décidée à
l’entraîner vers la maison ou à lui apporter une couverture,
quand il émit un balbutiement
- Si heert nit guet, Si siht nit guet ... (elle n’entend pas bien, elle
ne voit pas bien).
M’accroupissant pour mieux percevoir, je distinguai alors ses
yeux fermés. De fines perles scintillaient sur ses joues, presque
comme des petits vers luisants. Le silence devint instantanément
très profond et, comme je posai délicatement ma main sur son
bras, l’imperceptible claquement de ses larmes sur le tissu
m’émut très vivement.
Je ne savais pas pourquoi il était si malheureux, je ne pouvais
pas supporter de le voir souffrir, lui, d’habitude si jovial, si gentil
et tellement fort ! Toute sanglotante - Je vous en prie Meischer,
qu’avez-vous ?
Il ouvrit ses yeux ; ils brillaient comme éclairés de l’intérieur.
Jamais je n’avais vu un tel regard, une vision de feu fluorescente.
Le souffle coupé, je sentis sa main bouillante sur la mienne. Il
tremblait légèrement, je suppliai
- S’il vous plaît, je vous en prie, dites-moi !
Il ouvrit la bouche et, sans qu’aucune syllabe ne soit prononcée,
d’une intonation sonore et plus grave que la sienne accompagnée
d’un souffle puissant, très distinctement se fit entendre - Danke,
mein Gott ... Danke, mein Gott ... Danke, ...

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 38

Comme poussé par une invincible force, il se mit à genoux et


chanta un psaume à tue-tête, ses yeux brillaient encore, j’étais
folle de peur.
Voulant couper court à l’événement, bêtement dirigée par
l’angoisse, je me lançai promptement vers S. et tentai de le
relever pour le faire rentrer. Non seulement il chanta de plus
belle, ameutant presque tout le quartier, mais il était cloué au sol
comme du roc ! Impossible de lui imprimer un seul millimètre de
mouvement : de la pierre !
J’étais terrifiée. Que se passait-il donc ? Très anxieuse de le voir
parler et chanter en allemand, ne sachant plus quoi faire ni où
j’étais, j’allais en tous sens pour me retrouver finalement seule
dans le laboratoire.
Une impression étrange y régnait, très sereine et comme si ce
lieu n’était plus sur la terre, mettant fin à ma terreur et
m’imprimant un extraordinaire sentiment de quiétude.
Solazaref continuait de psalmodier au dehors, l’athanor était
encore chaud, les creusets fumants dégageaient un suave
parfum. Sur la grande paillasse, tout-à-côté de la Bible posée là
entre des manuscrits, dans une coupelle en porcelaine, je
distinguai à la faible lueur de la bougie un petit grain. Sa place
insolite et solitaire attira mon attention. J’approchai la lumière.
Le grain était comme une lentille ovale, mate, dorée sur une face
et blanc-cendrée sur l’autre. Qu’est ce?. ..
Je sentis immédiatement que cette lentille était responsable de la
situation présente. Solazaref s’arrêta de chanter. Retrouvant
complètement mes esprits et me dirigeant vers la porte de sortie
pour le rejoindre, je trébuchai violemment contre un moule très
lourd. Je voulus le saisir pour le ranger : il était brûlant ! à l’aide
de gants je pus l’approcher de la lumière et le spectacle me
replongea dans la panique. De l’or très fin était là dans ce
moule...
Solazaref avait pris place à nouveau contre le muret, il pleurait
encore. Je m’assis auprès de lui. Après un long moment, il
commença à parler, d’abord très lentement, enroué.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 39

- imagine une seule seconde que la joie ne soit plus la joie,


imagine que la plupart jouent avec la Science et qu’ils
apprennent aux novices des mensonges, imagine dans quel
désarroi se trouveront placés les postulants les jours de doute,
aux heures difficiles ?
Que voulez-vous dire ?
Certains, qui pensent être dans la Science alors qu’ils ne
travaillent pas, écrivent et clament partout que l’or de
transmutation n’est pas de l’or, mais un métal autre qui serait
une sorte de frère sans en être un exactement.
- Comment cela est-il possible ? Pourquoi énoncent-ils de telles
choses sans les avoir accomplies ? Comment osent-ils douter et,
pire encore, le propager ? N’est-ce pas justement le prodige de la
Nature, l’arcane de la Science, que celui de transmuter vraiment?
Devant mon étonnement, S. retrouva son ton habituel. Agacée, je
repris Meischer, l’or de transmutation du particulier, celui que
vous venez de couler, n’est-ce pas de l’or ?
Assurément, mein fraülein. C’est de l’or le plus pur. Déjà l’an
dernier par chance et par un de ces hasards providentiels, il m’a
été donné ce grain. J’ai pu porter une parcelle du métal
transmuté au laboratoire ... de Strasbourg : poids atomique
196,967, densité 19,32, point de fusion 1063°C.
Incontestablement de l’or à 21 carats.
Certains ergotent là dessus, comme si l’or était le but, comme si
cette preuve validait un savoir, alors orgueil, parce que cela les
arrangerait pour leurs fins personnelles. Cette question là n’est
rien par ellemême. Elle devient grave parce qu’elle se propage et
se multiplie. Les jeunes, inévitablement, la prennent pour
compte, ils ne peuvent pas savoir. Comment les prévenir de ce
danger ?
Tu vois, mein Valoch, le pouvoir d’analyse disparaît avec
l’accomplissement du deuxième œuvre, qui est pratiquement du
même niveau que les particuliers. Etendre l’analyse au delà de
ses possibilités réelles - pour tenter par exemple de démantibuler
les prodiges de la transmutation - c’est à la fois prétendre et
méconnaître gravement.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 40

Ces choses sont du même ordre que la miraculeuse virginité de


Marie. Ne pas croire en cela, c’est retirer à Dieu sa dimension
infinie. Analyser le fait, c’est avancer l’homme avant ledit fait et
écarter le miraculeux. Douter, c’est se placer soi-même par
dessus l’objet du doute. Chicaner, chuchoter, discuter
savamment, c’est être en réalité parfaitement imbécile,
prétentieux et fourbe. Ce sont ces attitudes qui traduisent la non-
filiation, l’inobéissance et le manquement traditionnel : tout le
contraire de l’objet, tout le contraire de l’Alchimie.
Dis-moi donc comment tout le contraire de l’Alchimie prétendrait
enseigner l’Alchimie ?
Puis il reprit
- Pendant que les superbes papotent d’Alchimie, ils ne font rien.
Là n’est pas le dérangement au fond, car chacun vit comme il le
veut. C’est le caractère généraliste de cette attitude ainsi que sa
propagation qui lui donne sa dimension réellement nauséabonde.
Et personne n’ose en parler ouvertement ! Il faut, croit-on, «
ménager les susceptibilités ». C’est-à-dire qu’à l’époque
bienheureuse des croisades, par exemple, il aurait fallu laisser
Jérusalem aux impies (l’Islam des harems et non celui du
Soufisme) sous le fabuleux prétexte de « ménager la chèvre et le
chou »... Non, vois-tu, nos Pères eurent raison de laver ces
souillures, non pas pour eux bien entendu, mais pour le Blason.
le blason ?
Il s’agit avant tout, pour le quêteur qu’est l’alchimiste, de
retrouver le sens des choses. De nos jours, où la civilisation
moderne imprime fortement les mentalités de ses faux symboles,
pauvres lexiques insignifiants à l’usage des masses qui tendent
vers le moindre effort, retrouver le sens des choses est renvoyer
les apparences à une signification plus juste.
Auparavant, ces questions ne se posaient pas. Dans les coins les
plus reculés de notre France, jusqu’au fond des plus petits
villages, la Tradition était omniprésente. Chacun, en allant
chercher le pain, passait devant le feu du forgeron, chacun priait
à la croisée des chemins, tous étaient unis régulièrement autour
du Christ, sinon du Graal, protégés par un Maître d’armes royal

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 41

qui était dépositaire des valeurs traditionnelles. La Science était


indissolublement liée à la Foi et au Peuple.
La prétendue ignorance relatée par quelques historiens hâtifs,
les excès d’une petite poignée de bourgeois n’enlèvent rien au
caractère grandiose de cette majestueuse évolution douce, lente
et exultante d’art qu’est le Moyen-Age.
A l’époque, tout le monde savait comment rougir le fer du cheval,
on connaissait la valeur du travail, du sacré, du juste, du
manque. De nos jours, on ne sait plus rien de ces choses. Tout un
apprentissage doit être revécu par n’importe quel aspirant à la
Tradition, quels que soient son âge et son milieu, sous peine
d’égarement certain. Cet apprentissage ne peut s’intégrer qu’en
rejoignant la source traditionnelle et non pas. comme le pensent
les modernes - même ceux qui « étudient » les traditions - en
imaginant créer quelque chose par la pratique exubérante de nos
propres phantasmes, si culturels soient-ils au premier abord.
Mais le Blason ? ...
Il est nécessaire de bien observer plusieurs valeurs, dans le
présent examen. Tout d’abord, il faut s’en référer à l’attitude
d’antan qui consistait à obéir. Ecoutons donc les Anciens.
Nos Pères voyaient dans le Blason deux aspects d’un même
principe : la capacité héraldique et l’acquisition dudit blason.
La capacité héraldique est la particularité majeure d’une société
traditionnelle. Dans cette dernière, l’ordre terrestre est le fidèle
reflet des hiérarchies célestes. Les lois naturelles s’harmonisent
avec la révélation divine, l’ensemble du tissu social étant
fortement imprégné de cette unité spirituelle dont le Blason
représente la synthèse.
C’est pourquoi, dans une telle société, la hiérarchie est
absolument ordonnée selon Dieu, hiérarchie voulant ici dire ordre
sacré. Ordre comme agencement et ordre comme mission, sacré
comme précieux et sacré comme sacre (bénir, oindre, élever au
dessus de : l’arcane essentiel de la transcendance ou de
l’Alchimie)...
La plupart des historiens contemporains, jugeant d’une manière
inconsciente la noblesse, oublient qu’ils sont nantis des vices du

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 42

siècle, c’est-à-dire le plus souvent : absence d’intégrité, abandon


de la dignité et pire, incompréhension même primaire de tout
sens religieux. Ce sont eux qui se sont permis, avec ce genre de
bagage, une tentative d’explication d’un passé vis-à-vis duquel ils
sont complètement infirmes. Se basant essentiellement sur une
forme décadente de la bourgeoisie sensée pour eux représenter la
noblesse, et ne pouvant psychiquement comprendre que cela, non
seulement ils se trompèrent du début jusqu’à la fin de cible, mais
en plus ils trompèrent les autres en laissant leur fiente comme
héritage.
Par exemple, ils confondirent les nobles tombés en roture avec
l’authentique noblesse. Les premiers s’étaient rendus coupables
d’abandon de leur état par des actions viles : forfaiture, félonie,
crime ou plus simplement embourgeoisement dans divers
commerces, dans des activités marchandes et spéculatives. Ils
perdirent alors leurs armoiries, leurs privilèges et ne purent
exercer leur devoir, n’exécutant plus les desseins de la
Providence et ne créant plus l’histoire par leurs hauts faits. - En
effet, Meischer, l’analogie avec l’Alchimie est écrasante de
réalisme. Mais tout comme dans la Chevalerie, qui n’a pas
d’époque puisqu’elle est principalement spirituelle dans son
essence, l’Alchimie ne demande-t-elle pas également la fidélité
absolue à la parole donnée, l’unité de soi et l’engagement
irréversible au service des réalités supérieures ?
- Très exactement ! L’Alchimie, tout comme les Armoiries, est
l’objet d’une quête qui succède à un appel intérieur. Comme la
quête nécessite un juste don de soi ou un détachement vis-à-vis
de nos imperfections, le premier signe distinctif de tout aspirant,
je te dis bien de tout aspirant, est nécessairement l’intégrité.
Homme intègre en esprit et en actes, partout où il vit,
l’alchimiste postulant doit admettre qu’il n’est que l’outil de
l’architecte céleste. Avec l’intégrité, son fer de lance sera donc
aussi servir, c’est-à-dire obéir.
Mais vois-tu, tout cela présuppose bien des conditions. Il est en
premier lieu évident qu’un être capable de ces qualités a d’abord
compris qu’il n’est pas un être de droit, mais un être de fait. Il n’a
pas demandé à naître : il dépend, et c’est cette relation de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 43

dépendance qu’il a décidé d’assumer jusqu’au bout. Voilà la


quête.
L’obéissance doit alors s’appliquer envers les dons que Dieu a
déposés en chacun. Nous devons incontestablement les fortifier
afin de les offrir au service de tous.
La grande confusion moderne est celle qui consiste à développer
les caprices instables de la personnalité à la place des valeurs
profondes de l’être. C’est plus facile. Le salaire n’est pas le
même...
Mais obéir est pour le moderne la chose la plus difficile qui soit !
Habituellement, il hurle rien qu’à l’évocation du mot et,
immédiatement il se dépêche de chercher toutes sortes de
justifications qui lui permettent de ne pas obéir. Lorsqu’il n’en
trouve pas ou plus, il dit qu’obéir est une maladie. Le plus
souvent, il détourne tout : il veut bien comprendre en apparence
ce qu’est l’obéissance seulement si sa personnalité est d’accord.
C’est-à-dire, lorsque sa personnalité « aime bien » au fond, afin de
lui apporter ceci ou cela plus tard, alors il veut bien.
Obéir, ce n’est pas cela.
Je sais qu’en parler est tabou pour les modernes, comme
beaucoup de choses dont ils se sont imaginés s’être libérés. Mais
c’est à toi que je m’adresse, mein Valoch, pugiliste de Jésus et
non pas pseudo savant parfaitement obsédée par l’importance de
tes connaissances.
Si la fleur précède toujours le fruit, d’une manière analogique, le
détachement à ce monde précède l’obéissance. Cela va ensemble :
si quelqu’un ne sait pas obéir aux commandements de son père,
immanquablement celui-là reste attaché au monde et, par
conséquent, reste aveugle. Le père a l’expérience de ce qui est bon
pour nous ; au lieu de croire que nous perdons l’essentiel de nous-
mêmes par l’obéissance, il faut s’appliquer à renoncer justement
à cette idée.
Bien sûr, il ne s’agit pas d’une quelconque obéissance, mais de
celle qui est affectueuse, empressée. En effet, au départ de
l’obéissance, il y a la loyauté ... l’édifice sur lequel repose tout.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 44

- Voilà qui est difficile, Monsieur Solazaref. Cela ne pose-t-il pas


la question de la filiation, de la mission et du discernement ?
- Absolument ! Précisément, c’est ce que j’appelais « retrouver le
sens des choses ». Car de l’obéissance naît l’humilité. et de
l’humilité naît le discernement. Puis, du discernement naît la
clairvoyance : la véritable connaissance.
Mais comment veux-tu que les modernes comprennent cela ?
Tout a été éparpillé, c’est l’anarchie ! Pour eux, avoir une mission
est une maladie, être clairvoyant une encore plus importante.
Depuis le nivellement par le bas, par la masse, par la confusion
entre l’unification et l’uniformisation ( la plus grosse tare du
marxisme ), simplement éprouver quelque chose d’intérieur n’est
plus admis sur le plan général, donc mal enseigné. Ils ont tout
oublié pour, finalement, réagir comme les matérialistes bourgeois
responsables de la décadence de l’occident. Tous déclarent que
ces principes n’existent pas. Ils dorment profondément.
Toi, petit oiseau, comme tant d’autres postulants, tu as ces
maîtres à l’école, ou tu les as eus. Puis, lorsque tu es devenue
grande, on t’a dit que tu avais une intégrité bien à toi, alors
qu’elle n’est qu’une somme d’identifications, pas grand’chose de
plus, une vulgaire façade de plâtre. Et le jour où tu décides de
devenir alchimiste dans ce siècle, tu abordes l’antique Science
avec toutes ces tares, même si tu es persuadée d’être sincère : ta
sincérité sera entachée de tout ce vécu.
Voilà quelque chose qui n’existait pas voici seulement trente
années. Imagine un peu la journée scolaire d’un enfant à cette
époque. Il se levait, déjeunait avec le pain d’Edouard le
boulanger, après la prière ; il savait exactement ce que faisaient
son père et sa mère , après avoir franchi le seuil de la porte, il
passait devant le forgeron, le rémouleur, ... , sa première heure
de cours était soit la messe, soit la morale ou encore l’instruction
civique ; sa deuxième heure de cours était en général le latin ou
le grec. Etc, etc ...
Voilà qui est loin des cassettes de folle musique, du tabagisme,
du sexe, de la drogue et de la contestation. Plus tard, ce sera lui
qui trouvera, dans le rayon « ésotérisme-magie » d’un
supermarché, un livre parmi des centaines d’autres d’un «

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 45

alchimiste » qui n’a jamais manipulé au fourneau. Ah ! Comment


le leur dire ? Mes pauvres petits.
Cela signifie-t-il que seul on ne puisse rien ?
Bien sûr ! Seul, on ne peut rien faire. On croit faire, mais
vraiment faire, c’est autre chose. Pour faire vraiment, il ne faut
pas être endormi. Les modernes ne font pas : ils brassent
simplement le passé dont je te parlais tout-à-l’heure, c’est-à-dire
des choses qui ne leur appartiennent pas vraiment en tant
qu’expérience authentique. Rien que de l’identification, qu’ils
prennent pour leurs propres décisions.
C’est ainsi que le milieu des gens qui fourmille autour de
l’Alchimie ( qui n’a rien de commun avec les sincères, bien
entendu ), pense par exemple que le fourneau résout tous les
problèmes. Voilà encore une erreur. S’il est vrai que le travail à
l’Athanor est le grand catalyseur de la transfiguration, il n’en est
pas le moteur. Ici, ne confonds pas l’outil et l’artisan. L’outil, c’est
le travail au laboratoire ; l’artisan, c’est ton maître, celui à qui tu
obéis d’abord.
Il est nécessaire de rencontrer un maître. Non seulement il est
nécessaire d’en rencontrer un - ou plutôt de vivre une rencontre -,
mais en plus de recevoir de lui un enseignement long et précis.

La question du maître : voilà encore un tabou pour les modernes.


Dès que tu leur parles de cela, eux qui pensent avoir « tué Dieu »,
ils ont les cheveux qui se dressent de fierté sur la tête et le visage
qui rougit de colère. Dans les cas les plus banaux, ce sera un petit
sourire mesquin qui traduit en réalité une parfaite imbécillité.
« Moi, un maître ? Jamais ! ». Alors sortent toutes les excuses :
seul le fourneau résout tout, je choisirai le maître que je voudrai
quand je voudrai, il n’y a plus de maîtres de nos jours, j’en ai
rencontré un ( avec lequel il n’y a eu aucune relation authentique
en réalité) ce qui me permet de lui faire dire n’importe quoi, etc...
Pourquoi, en général, les gens ne veulent pas aborder la question
du maître ?

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 46

C’est qu’en premier lieu, il y a les a priori. Par identification, la


mode actuelle prête au mot « maître » une signification tournée
d’emblée en dérision. Alors qu’il faut des années pour avoir la
chance, la grâce d’en connaître un, les gens s’imaginent que c’est
en lisant le dictionnaire, ou en écoutant les autres cyniquement
colporter une vulgaire identification, savoir ainsi ce qu’est un
maître. Comment pourraient-ils nier ce qu’ils ne connaissent pas?
Déjà, en écartant ces aspects au fond ridicules et primaires, les
plus sincères mais qui sont nés dans ce monde ont rarement
l’idée qu’il faut trouver un maître. Plus rares encore ceux qui le
rencontrent vraiment ! En effet, on peut très bien apercevoir un
maître, avoir des entretiens avec lui, recevoir ses lettres mais, en
réalité, ne pas avoir de rapport autre que celui de la pluie ou du
beau temps. Combien y en a-t-il qui gâchent ainsi des chances
inouïes et, par pure importance d’eux-mêmes, par suffisance,
passent complètement à côté de la plaque tout en s’imaginant
être le petit disciple privilégié !
Je sais bien que cela fait mal d’entendre toutes ces choses, mais,
avant que je m’en aille, il faut que tu saches. Les gens
n’acceptent pas ces vérités : il faut déjà être préparé pour les
entendre. Il faut avoir vécu et retiré la bonne expérience de cette
vie, sans mettre le polochon sur les mauvaises odeurs. Si tu ne
pars pas de ce qui est, tu pars d’un rêve, de ton rêve, et tu
n’aboutiras qu’à un mauvais réveil, comme dans tous les
cauchemars.
Les autres, ceux qui ne veulent rien savoir de cela, ils se mentent
à eux-mêmes, ils refoulent parce que cela met en péril leurs
privilèges égoïstes.
Le sincère, au contraire, le sait déjà au fond de lui, sans
prétention ni vaine gloire, simplement par expérience.
Ceux qui vivent une relation superficielle avec un maître disent
volontiers « mon maître » et pourtant, aucun maître n’existe,
puisqu’ils n’ont pas établi la relation réelle de disciple. Une
rencontre éblouissante et les voilà fascinés, admirateurs, soi-
disant éclairés, parce que le maître leur a accordé quelques fois
un entretien, parce qu’ils ont reçu quelques lettres ou quelques
coups de fil. Une relation maître-disciple, cela n’est pas ainsi.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 47

Encore une vérité doit t’être dite à propos de ce type de rapport,


qui est fréquente chez les aspirants si le maître est Adepte ou sur
le point d’y parvenir, ce n’est pas parce que l’on trouve en face de
soi un grand homme que, magiquement, on devient grand aussi,
initiable et privilégié. Ceux-là oublient qu’ils voient le maître
avec leurs propres conceptions, celles qu’ils doivent justement
délaisser. En fait, ils ne voient que leur maître et non pas le
maître. C’est le maître conçu par leur pensée, c’est eux qu’ils
voient.
C’est par ce genre de propagation erronée qu’il existe toutes
sortes de légendes sur les maîtres. Ils devraient ressembler à
ceci, à cela - en fait à leurs conceptions - et, s’ils ne figurent pas
au catalogue, ils ne peuvent pas être maître. Il est donc
convenant de te débarrasser de tout ce folklore qui est ébruité
autour de quiconque parle de connaître un maître en Alchimie.
Un maître diffère d’un autre, il peut être jeune ou vieux, religieux
ou laïc, issu de n’importe quelle condition sociale, homme ou
femme.
Comment savez-vous, qu’avez-vous entendu ?
A chaque épreuve il faut payer d’avance mais il existe aussi la
récompense. J’espère que tu auras l’indicible joie d’entrer un jour
en contact avec les Pères, ceux qui sont au-delà de ce monde.
Tout un autre univers est au delà du nôtre. L’Alchimie en est une
voie d’accès qui permet à l’Adepte de montrer « patte rouge » à
l’entrée du Jardin .. .
Patte rouge ?
Pâte rouge ...
Mais pour l’heure, n’oublie pas de brûler l’image d’Epinal d’un
maître très vieux, à longue barbe blanche, grand sage perdu au
fond d’une grotte couverte d’objets merveilleux, vis-à-vis duquel
on serait introduit magiquement, par mille épreuves insolites, ...
Le plus souvent, ce que les postulants ont entendu dire d’un
maître fausse l’approche de ceux avec lesquels il pourrait y avoir
une véritable relation. Ne connaissant pas de quoi il s’agit en
vérité, ils ne font en général que considérer avec leurs certitudes,
ce qui n’est pas le but - si sincérité il y a - de l’entrevue.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 48

La bonne manière d’aborder ce point n’est ni celle de la


considération, ni celle d’un désir précis, ni celle d’un jugement,
mais plutôt : suis je capable d’être disciple, postulant à l’Art, ou
est-ce que je fabrique dans ma pensée une notion d’alchimiste qui
me convient et qui est mensongère ?
Tu vois, le réflexe immédiat des gens du monde est celui de s’en
référer tout de suite à n’importe quel mouvement psychique qui
leur permette d’échapper à la vision claire de cette question. Par
exemple, ils invoquent que « c’est chercher midi à quatorze
heures », que « c’est de l’intellectualisme gratuit », ou n’importe
quoi qui leur facilite la fuite, afin de ne pas sentir leurs
certitudes menacées. Bien entendu, de telles personnes ne
changeront jamais, ne connaîtront pas la moindre métamorphose,
puisqu’elles refusent d’accomplir l’acte le plus primaire dans ce
sens. Ces attitudes sont complètement à l’opposé de l’Alchimie.
D’autres croient que les instructeurs qui parlent comme je te
parle maintenant sont méchants, alors qu’ils n’ont que le souci
d’aider vraiment et de conduire à l’Alchimie. Evidemment, ce
sont là des propos nets, sans aucune ambiguïté : comme
l’Alchimie. Tu verras que tous ceux qui refusent ces évidences
rencontreront ces problèmes, à l’heure où ils s’y attendent le
moins, très exactement les mêmes. Lorsque cela se passe de cette
manière, bien plus tard, des années après, on se retrouve en
général complètement seul et s’en sortir devient très difficile.
Quelquefois aussi, on pourra te rétorquer qu’il n’est pas question
de ces termes en Alchimie classique ( comme s’il existait une
alchimie classique ... ), que les récits de tous les maîtres n’en
touchent mot. Cela est faux, cela est encore une échappatoire.
Quand tu rencontreras ce genre d’argument, invite à relire les
Anciens comme Le Cosmopolite, Basile Valentin et tous les
grands : de vastes chapitres sont consacrés aux impies, aux faux
et aux savants enflés. Simplement, de nos jours, l’aspect
extérieur de la tournure des termes change, mais il s’agit
exactement des mêmes problèmes. Il est nécessaire, sans
prétendre apporter aucune nouveauté, de réactualiser les
sentences mêmes des Pères en langage plus moderne : un «
superbe » n’a plus le même sens aujourd’hui qu’il y a trois siècles,
surtout dans l’ensemble du processus de compréhension.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 49

Voulez-vous me dire encore, monsieur Solazaref ?


Une autre erreur classique consiste à vouloir le meilleur maître
pour soi, à demander son total accomplissement, comme on
exigerait la garantie d’un objet. Il faudrait qu’il soit parfaitement
sage ou Adepte ! On veut le plus fameux, reflet exact de la
dimension de l’orgueil. Il doit forcément avoir un nom, un grand
nom, enfin quelque chose de grand.
Il est plus réaliste de savoir que la rencontre avec un grand
adepte est très rare. Plus fréquemment, ceux qui se sont mis en
route, qui connaissent une bonne partie du chemin, ayant gravi
une marche certaine, ceux-là sont plus visitables : ils ont le grade
d’instructeur et, à défaut d’être maîtres, ils doivent être écoutés
comme des guides pour ce qu’ils ont parcouru.
Le plus souvent, les envieux en font leur cible, parce qu’ils croient
que l’avancement est une question exclusive de progrès, alors que
l’avancement n’est que disponibilité en regard de l’Alchimie et
paix intérieure . .. Les envieux, tu le verras aussi, cherchent
toujours le progrès, les trucs. Ils questionnent beaucoup, sont
fréquemment présomptueux, à l’affût du moindre mot. On ne les
voit que dehors, jamais au travail, c’est là leur signature.
- Mais Meischer, tout ce que vous dites là est pour moi évident,
c’est comme si vous racontiez ma propre pensée.
- Je le sais bien, pour toi tous ces mots sont normaux, comme
pour d’autres qui en prendront connaissance peut-être un jour
par ton intermédiaire, mais voilà : on s’endort vite. Tu pourras
voir que bon nombre approuvent ces termes sans en observer le
moindre dans la pratique. Ils diront « oui, oui, tu as raison », et
ils continueront à rester ce qu’ils sont, à faire toutes sortes de
choses mauvaises pour l’Alchimie ou pour le but qu’ils se sont
proposés d’atteindre. Alors, ils se demanderont un jour pourquoi
ils n’ont pas atteint ce but, en oubliant complètement qu’ils
avaient agi comme cela toute leur vie. C’est aussi la raison d’être
d’un maître, que de rappeler sans cesse le but.
Les modernes ne le veulent pas non plus, parce que pour eux
l’Alchimie est un passe-temps comme un autre. Us décident
d’être alchimistes un jour ou une période de leur vie et puis,
lorsque les problèmes rencontrés dus à cette décision les

49
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 50

orientent vers des difficultés qui n’ont pas grand’chose à voir avec
l’Alchimie, ils oublient. Leur volonté d’hier s’éteint, parce qu’ils
n’ont pas voulu voir vraiment ce qu’était ce désir d’hier ni à quoi
il correspondait dans leur réalité. Ce n’était pas l’Alchimie qu’ils
cherchaient, mais plutôt n’importe quoi qui leur faisait plaisir
sur l’heure : c’est pourquoi endurer le rappel incessant d’un
maître leur est insupportable. Ici encore, ils invoquent alors les
plus subtiles parades du genre primaire pour s’échapper, en se
moquant avec goujaterie de ceux qui travaillent avec un maître.
Ou bien alors, ils disent que les maîtres sont morts et qu’il
n’existe que leurs écrits (que l’on peut bien entendu interpréter
de mille façons sans aucun dérangement ).
La grandeur d’un maître ou d’un instructeur ne se mesure pas au
volume de parutions publiques, au nombre de conférences. Sauf
cas très exceptionnel où un Adepte doit paraître dans le monde,
pour une remise à niveau intellectuelle des hommes neufs qui
abordent l’Alchimie et afin de leur en faciliter l’accès, toujours il
vit caché : sa valeur se mesure à son travail.
Qu’il soit jeune ou vieux, seule compte son œuvre sur le terrain,
au laboratoire. C’est pourquoi un très jeune labourant assidu
peut très bien être appelé à conseiller un homme plus âgé que lui.
Va savoir ce qu’ils faisaient tous deux, en leur temps ... Peut-être
le jeune s’efforçait de toute son âme en secret au travail, avec
peine et beaucoup de mérite, alors que l’autre perdait son temps
aux futilités de ce monde avant sa conversion. Evidemment, au
moment des entrevues, la situation peut paraître paradoxale,
mais elle est juste.
Tu sais, de nombreuses personnes dites d’un certain âge n’ont
pas plus de cinq ans dans leur vie d’être. De même, la plupart des
envieux ne valent pas mieux que des sales gosses qui le sont
restés dans leur corps d’adulte, remplis de caprices qui prennent
les dimensions permises par les forces du corps. Tout comme à
des sales gosses, le jeune instructeur, au cas, peut donner une
bonne correction, si la situation le demande, correction au sens
noble de corriger, de redresser. Ceux-là disent souvent : « je veux
bien vous écouter, mais je vous prie (l’air haut), dites-moi ce que
vous avez à me dire avec délicatesse, dans mon langage, je ne
supporte pas les ordres ! » ...

50
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 51

Pour ce qui concerne les âges de la vie, il est relativement


fréquent d’assister à l’attitude suivante : la personne qui
découvre réellement l’Alchimie a un certain âge ; au lieu de
redevenir comme l’enfant, elle persiste à rester confiante dans
son langage de « grand ». En fait, de telles personnes, par
comparaison, cherchent à comprendre la physique nucléaire alors
qu’elles ne savent ( en regard de l’Alchimie) ni lire ni écrire. Il est
donc nécessaire, avant tout espoir d’avancement, de le leur faire
saisir. Le discours de « grand » sera évidemment l’obstacle
majeur à franchir. Le premier travail pour le maître sera alors
d’induire un doute quant à la validité de ce bavardage intérieur
habituel mais inconvenant pour l’Alchimie attitude souvent
désagréable et difficile, qui met à l’épreuve et qui, apparemment,
n’a pas de rapport direct avec l’Alchimie. En fait, c’est celui qui
est le plus utile.
Il en est ainsi quelquefois, où le maître ne parle pas à son élève
d’Alchimie durant des années, mais des enfants du postulant, de
ce qu’il fait dans la vie, d’innombrables choses à première vue
sans aucun rapport. En réalité, ce sont les premiers pas vers la
grande Dame. A ce stade d’évolution très primitif, le disciple croit
quelquefois que le maître se paie sa sincérité : il est pressé, il
questionne et s’impatiente. Le maître, lui, continue
inlassablement de l’entretenir de ses enfants s’il en a, ou de
choses banales pour le monde mais capitales pour l’esprit
alchimique. Si l’élève ne comprend pas que c’est ici l’attitude
fondamentale, il passe à côté de son initiation, même s’il se jette
sur son fourneau et qu’il travaille comme un fou : non débarrassé
de ses principales infirmités psychiques, il ne pourra jamais, sans
ce nettoyage purement psychologique préalable, observer
vraiment un phénomène ni en saisir la portée alchimique, c’est-à-
dire évoluer comme la Dame est en elle-même. Il ne verra que
quelques parcelles d’opérations mal menées, l’ensemble du
processus ne pouvant mener qu’à l’échec, s’il reste fixe. Tôt ou
tard, il devra en passer par ce nettoyage, avec quelqu’un d’autre
et quelle que soit son humeur du jour.
Un maître ou un instructeur (celui qui a pu, au moins, isoler la
Remore) est un être clairvoyant. Il sait ce qui est bien pour le
disciple, même si ce dernier croit mieux savoir ce qui est meilleur
pour lui-même. Par exemple, en le questionnant sur sa famille,

51
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 52

ou sur ses manières d’être, le maître peut souligner telle ou telle


attitude à corriger très poliment ou avec fermeté, si l’élève veut
approcher l’Alchimie.
Pourquoi insistez-vous sur le point de découvrir réellement
l’Alchimie ?
Voilà une question très importante. C’est également un sujet sur
lequel les postulants butent.
Il existe, vois-tu, une très grande distance spirituelle entre le
moment où l’on vit une expérience et l’autre moment où on
l’intègre réellement, où on la comprend. Bien des postulants
s’imaginent saisir en un instant quelque expérience qu’ils vivent
dans le présent, qu’ils systématisent en vérité à l’aide de tous les
mécanismes dont nous avons parlé.
Cela est surtout vrai en Alchimie, où les événements
s’échelonnent dans une gamme d’instants qui sont variables et
qui montent en « élasticité » vers l’absolu : plus les expériences
sont loin placées en regard du début de l’œuvre, plus elles se
rapprochent de l’infini du point de vue de la durée. C’est
justement cette élasticité du temps qui est une des
caractéristiques premières de la transcendance alchimique. C’est
pourquoi, entre autres choses, les modernes ne pourront jamais
rien y comprendre tant qu’ils restent obstinément fixes dans la
dimension exclusivement matérielle.
Même ceux qui le savent, quelquefois, oublient d’en tenir compte
à chaque rendez-vous de la Providence, car il ne s’agit pas d’une
compréhension intellectuelle, mais d’une intégration totale de ce
« phénomène-crescendo » à tout l’individu. Ils se sont endormis.
C’est de cette manière que bien des personnes croient être
alchimistes, même si elles ont réuni toutes les conditions
matérielles requises, même si elles apprennent par cœur tous les
textes anciens, alors qu’elles ne sont que débutantes. Il n’est pas
déshonorant de n’être que débutant. Ce qui est dangereux, c’est
de croire que l’on est plus que cela. Ces personnes, n’ont pas
rencontré vraiment l’Alchimie. Elles sont persuadées que leur
expérience présente est l’Alchimie, mais ce n’est que de leur
expérience qu’il s’agit. Ce sont ceux-là les plus venimeux, tu
verras.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 53

Si je te dis ces choses, c’est parce que les temps changent et qu’il
te faudra t’armer contre de nouveaux ennemis qui ne sont plus de
l’Inquisition, mais partout disséminés dans le monde, partout te
dis-je, même jusque dans la vogue qui s’est aussi emparée de
l’Alchimie. - Mais alors, rencontrer vraiment l’Alchimie ?
- Cela est tout autre chose. Ta question me rappelle une prière
que disait quotidiennement mon propre maître : « Surtout, mon
Dieu, n’exaucez jamais mes prières ». Puis il ajoutait
immanquablement à chacune de mes questions : « apprends à
aimer ».
Que voulez-vous dire, s’il vous plaît ?
Je veux dire qu’aimer, communément, entre également dans les
circuits de considération de la plupart des modernes. Aimer ne
veut pas dire « j’aime » ou « je n’aime pas » puisque, dans ces cas,
ce n’est pas d’amour qu’il s’agit, mais de la conception
personnelle d’un sentiment qui n’a rien à voir avec de l’amour.
Par exemple, ils pensent que parler aussi durement, en
apparence, de toutes ces choses, ne peut rien avoir de semblable
avec l’amour. Or, ici, il s’agit essentiellement d’amour, d’un
amour qui n’endort pas, qui ne flatte pas, qui ne prend pas : il
rend l’existence en Alchimie réellement comme l’Alchimie l’exige.
Il ne leurre pas avec de beaux mots, avec des termes qui feraient
plaisir mais qui, au fond, plongent dans un profond sommeil ceux
qu’ils séduiraient.
Faire miroiter le merveilleux en Alchimie doit être empreint de
discernement et de prudence. Il est également nécessaire de
relater l’exacte vérité, ce qui est inhabituel de nos jours, parce
que de nombreux voient dans l’Alchimie une sorte de porte de
sortie, une détente, un bonheur que l’on n’aurait pas dans le
social. voire une fuite. L’Alchimie n’est pas le refuge de ce genre
de maladie psychique, ni de ceux qui cherchent une activité de
détente. Aimer vraiment, c’est être réellement sincère au delà des
modes et des avis divers : c’est dire en toute simplicité l’exacte
vérité, les pièges, les embûches, justement parce que cela fait
souffrir un maître de voir les nouveaux tomber.
De plus, le maître a également le souci de protéger les sincères,
non seulement des embûches, mais aussi des envieux. La

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 54

Providence n’est pas la fatalité. Si les postulants vivent des


difficultés avec les envieux, il ne faut pas dire : « c’est leur
épreuve ». Si l’homme a une éminente responsabilité, c’est bien
celle d’aider son frère vraiment.
Alors, mein Valoch, n’attends pas de moi ce que, dans ta pensée,
tu peux surprendre, discerner, distinguer. Ce ne serait pas
répondre à ta question. Un maître n’est pas là pour commander
ta pensée et te la substituer. Il est seulement là pour te dire que
tu peux tomber par ci ou par là, et pour t’aider à te relever.
Le seul acte que je puis pour toi, c’est de surveiller si tu
surprends, si tu discernes ou si tu distingues alors je puis te dire
que l’Alchimie n’est pas cela, jusqu’à ce que tu retournes tes yeux
dans ton cœur. Non pas par ta pensée, mais par ton cœur.
Vos mots sont mystérieux, Monsieur Solazaref. Ne sont-ils pas
empreints d’orientalisme ?
Was ? ! Orientalisme ? Allons donc, ce sont les termes même de
Saint Bernard. Mais voilà qui suffit maintenant , la fraîcheur
tombe, rentrons.
S. se leva promptement, me laissant là plantée. Je le rattrapai en
courant et passant par la porte de la petite cuisine, je ne pus
résister à l’impulsion de le tirer par le bras pour lui reposer la
question Meischer. rencontrer vraiment l’Alchimie ?
Il me retourna une formidable claque.
Je le remerciai.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 55

Cher philosophe, il n’y a que trois sortes d’hommes qui ne


dorment pas la nuit : les fêtards, les malades et les chercheurs de
vérité.
L’alchimiste, on l’aura compris, est chercheur de vérité. Pour
mener à bien sa quête, il travaille ardemment à trouver un
enseignement digne. Le moderne oublie que c’est dans l’exemple
d’une vie vraie que l’on découvre un enseignement vrai. Cela
semble naïf, mais il est difficile de pratiquer une discipline
spirituelle avec assiduité : seule cette dernière vient à bout d’un
ego récalcitrant ...
Cessez de lire des vérités. Pratiquez-les. C’est la vanité qui
pousse à la lecture de vérités sans les réaliser. L’homme sage,
même si sa vie entière n’est qu’un acte religieux, il en parle peu.
Le signe distinctif d’un homme non ordinaire - en dehors du fou -
est qu’il ne s’inquiète plus de discuter, parce que tous les doutes
cessent avec la connaissance, et par conséquent toutes les
discussions. Le doute n’étant pas la connaissance, il ne saurait
s’opposer à elle dans un dialogue. Rien ne peut s’opposer à la
connaissance.
Parler de la connaissance est vide de sens, car elle se pratique.
Ne croyez pas dominer votre ego simplement parce que vous le
décidez. Si vous avez cette croyance, il faut que vous sachiez
qu’elle vient de l’inconscient collectif social, depuis le XVIIIe
siècle : à cette époque l’homme a voulu dominer sa nature. Il s’est
imaginé qu’il lui a suffi de le croire pour que cela soit.
En travaillant la matière d’une manière grotesque, afin de se
libérer, soi-disant, l’homme n’a fait qu’enfermer la matière, et lui
dedans. L’histoire des efforts de l’homme depuis le XVIIIe siècle
pour asservir la nature est aussi l’histoire de son propre
asservissement. Cette histoire trouve son origine dans une raison
dominatrice issue de l’ego, lui-même reflet fidèle des libertins
bourgeois du siècle en question.
Ainsi perdu, l’homme, privé de mystère, se déifie lui-même,
puisque son ego n’a que sa propre image en référence. Pour
chacun des modernes, le centre du monde n’est pas ailleurs que
sous ses pieds.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 56

Voici comment, en quantifiant tout, l’homme est devenu l’esclave


du temps et de l’espace, bien qu’il se figure avoir tout fait pour
s’en libérer.
Aujourd’hui, le temps vaut toujours quelque chose. Il se monnaie.
A partir du XVIIIe siècle, les sociétés artificielles essentiellement
fondées sur les associations volontaires d’actes et sur la
suprématie de l’organisation disloquent les « sociétés naturelles »,
bâties sur les liens du sang et sur la stabilité des grandes
familles du type patriarcal. D’un seul coup, la nature n’apparaît
plus comme le monde où l’homme s’enracine à la fois sur une
terre humanisée et dans une lignée d’ancêtres, mais elle devient
un immense champ à exploiter. La nature est devenue extérieure
à l’homme : un objet que l’on rentabilise.
C’est ainsi que l’homme a cristallisé définitivement une nouvelle
dimension de lui-même dans cette relation négative avec l’univers
: la personnalité, l’ego.
Les certitudes du type progressiste ont toutes le même point
commun dévastateur. Que cela soit Marx, Hegel, le socialisme, le
capitalisme, le communisme : l’homme est un animal producteur.
Jusqu’à ce siècle satanique, ni l’homme ni la nature n’était
séparé. Désormais la nature apparaît en retrait, elle devient un
milieu à exploiter, en dehors de l’homme qui prétend en devenir
l’exploitant. La nature est devenue l’immense réservoir
nourricier du processus matérialiste, communiste ou capitaliste,
qui nous a construit au monde différent que nous prenons, nous
qui y sommes nés, pour le monde. Mais il ne s’agit pas du monde,
c’est le monde fabriqué par l’ego dans lequel vous êtes tous nés et
avec lequel vous avez été nourris.
Au XVIIIe siècle, l’homme a dit MOI irréversiblement. Depuis ce
temps tout notre système social subit cette horreur ainsi que
toutes nos structures éducatives. Tout devient alors subjectif,
faux, puisqu’il n’y a plus aucune racine. De tout bord, on se
trompe.
Le capitaliste, qui vise avant tout le profit et le pouvoir par
accumulation de produits, se trompe. Le communisme et le
socialisme, qui visent par la maîtrise des processus de production
à mettre les hommes à l’aise chez eux dans un monde d’objets

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 57

organisés : dans les deux cas, il n’y a pas une minute à perdre.
Pas une minute à perdre pour édifier la fortune personnelle ou
pour soi-disant faire la révolution. Le temps est devenu une force
productive : il est à la mesure du progrès social.
Pensez à quel prix il acquiert cette valeur... Au prix
d’innombrables abstractions que le processus destructeur nous a
obligés petit à petit à prendre pour des réalités.
Le temps a cessé d’être intimement lié aux rythmes divers de la
vie ; il a perdu sa qualité essentielle ; il n’est qu’une mesure : on
l’a rendu inopérant.
Le temps est devenu le même pour tous. L’activité productive
capitaliste ou socialocommuniste étant la clef du processus
d’humanisation présent et futur, toute l’histoire, la culture, les
activités de l’homme, sa pensée, son sentiment, ses actes, sont
concentrés en fonction de cette situation.
Ce que vous pensez, ce que vous aimez, ce que vous faites est
complètement conditionné, depuis des années, jusque dans vos
structures mentales, en vous. Vous libérer de cela demande
nécessairement du travail, de l’inhabitude, du changement et,
puisque pendant votre croissance ces questions ont été marquées
jusque dans vos métabolismes, jusque dans vos cellules, il est
nécessaire de souffrir.
Redevenir un simple humain précède donc votre désir de
prétendre à l’Alchimie. Peut-être même que ce désir est
simplement l’appel à retrouver le véritable homme en vous. Peu
seront élus, vous le savez.
Quoi qu’il en soit, un travail préliminaire est absolument
nécessaire, mais pas n’importe lequel.
La population s’agitant matériellement est tellement occupée par
sa besogne qu’il ne lui reste plus de temps pour régler
normalement les affaires communes de la société (direction du
travail, art, science, loisirs,...) : il a fallu créer des ministères, il a
fallu créer une classe spéciale qui puisse s’en occuper, une classe
qui, évidemment, ne connaît pas votre problème, votre être, mais
qui le systématise en homme-producteur et en homme-
consommateur.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 58

Dans les sociétés traditionnelles, en Alchimie donc, les manières


de faire comptent autant que le but final de l’action. A l’opposé, le
« juste-temps » de faire quelque chose est consacré aujourd’hui
aux fioritures inutiles : pertes de temps.
Nous croyons devenir plus forts dans l’art de manipuler en vue de
leur annulation les espaces dits « temps morts ». Nous ne nous
doutons pas qu’ainsi nous permettons à ces mécanismes d’avoir
plus de pouvoir sur nous. C’est le cercle infernal.
Le principe de production, en outre, a également cloisonné
l’espace. Aujourd’hui le travail est accompli dans des lieux
spécialisés à cet effet. Le territoire de chacun n’est plus le
territoire où l’on vit, où l’on aime : il est éclaté en lieux distincts.
Alors qu’avant, tout se réalisait au même endroit parce que tout
se faisait naturellement - et non pas d’une manière décidée -, le
territoire est écartelé en logement, en lieu de travail, en lieu où
l’on s’occupe des affaires sociales, en lieu de culture, en lieu de
nourriture : tout divise l’homme, alors que l’Alchimie demande
une parfaite unification intérieure.
Il vous est donc devenu normal que pour changer le temps ( de
notion de temps subjective ), il vous faille changer d’espace. Aller
« ailleurs » devient un des modèles les plus normaux de notre
société, ce qui favorise inconsciemment la perte d’une véritable
stabilité intérieure, d’une paix ou d’une sorte d’assurance de
l’âme. Le déplacement devient une nécessité vitale. Se déplacer
est devenu quelque chose que l’on fait en vue de quelque chose
d’autre.

Si l’Alchimie prend votre cœur, Elle le videra de tout ce qui ne


vous appartient pas en propre. Même plus, si Elle vous aime et si
Elle vous a choisi, vous pouvez maintenant comprendre pourquoi.
Elle incitera les autres à vous persécuter de mille maux. Dans
vos moments difficiles, n’oubliez jamais que c’est pour mieux vous
serrer contre Elle.
Cette démarche - celle de retourner en Alchimie - exige donc en
premier lieu un retournement de l’extérieur à l’intérieur, de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 59

l’exotérique à l’ésotérique. Tout, autour de vous, a été laïcisé,


même votre manière d’aborder l’Alchimie. Ce que l’on n’a pas pu
laïciser, c’est votre intériorité : seule, elle est l’abord pur de
l’Alchimie.

Quittez cet enfer.

Laissez ce que, par identification ou considération, vous avez pu


apprendre sur Elle. L’instrument efficace de l’Alchimie réside
dans ce qu’Elle cache plutôt que dans ce qu’Elle dévoile. Il faut
vous rendre apte à vivre la réalité spirituelle qui est la sienne.
Le réflexe mécanique qui vous a été inculqué, directement issu
des conséquences de ce qui est dit ci-devant, est celui qui consiste
dans la maladie des références. Livres, fichettes, notes, on
recherche à l’extérieur de soi les solutions à ses problèmes,
justifiant ainsi le plus souvent son infirmité à les résoudre soi-
même. Agissant de la sorte, on ne fait rien, on copie, on
s’identifie, tout en croyant s’instruire. On ne s’instruit pas. La
véritable instruction est celle qui touche votre niveau de
conscience, votre compréhension, et non pas votre pouvoir

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 60

d’assimilation. Un simple petit ordinateur portatif fait des


millions de fois mieux que vous à ce niveau. Je sais que certains
d’entre vous amorcèrent une tentative de situation objectivante,
en partant des index alphabétiques divers de la sérieuse
littérature alchimique. Si cela est intéressant sur le plan culturel
associatif et raisonnable, vous prendrez garde à l’erreur qui
consiste à étendre cet amusement au delà du domaine limité qui
lui est réservé.
Car, pour l’essentiel, à chaque instant, à partir de vous-même, là
où vous êtes, vous disposez de vous-même. Jamais vous ne
disposerez mieux de quoi que ce soit d’autre que de vous-même et
cependant, voyez combien peu vous y faites appel.
Ne cherchez pas ailleurs : à partir de vous, chaque seconde, il y a
une voie vers l’Alchimie, des yeux qui voient et un cœur qui
perçoit, toujours. Il suffit seulement de s’y éveiller ...
Reste à vous guérir de toutes les déviations qui ont été tatouées
en votre mentalité. Reste à recevoir une information
nourrissante, ce que j’appelle l’équipement conceptuel, qui vous
permettra de fournir un sens à tout ce que votre conscience peut
atteindre, un sens et une direction précis, qui sont véritablement
orientés vers l’Alchimie.
Vous n’êtes pas le centre auquel tout est ramené. Vous prendrez
connaissance des relations entre les phénomènes et vous ne serez
qu’un phénomène parmi d’autres. Vous ne privilégierez plus
votre propre relation aux choses, comprenant que votre ego en est
le foyer attractif.
C’est le concept de généralité qu’il vous faut envisager
maintenant, vous faisant participer à un système explicatif
complet, qui englobe la totalité de la réalité universelle en
fonction de la Tradition. Vous rejoindrez alors votre juste place et
non pas la place que vous vous êtes choisi arbitrairement, nanti
des tares précédemment décrites.
Il s’agit de vous inculquer le principe de cosmisation, s’il nous
était permis de le dire, dont le but immédiat est votre adaptation
à la réalité intégrale et votre préparation à la perception
métaphysique directe.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 61

Mais il est primordial d’être d’abord ramené à de véritables


proportions dans l’ensemble de la réalité. Qui plus est, il est
encore plus important d’aboutir à une nouvelle mentalité : la
signification, le sens de chacune de vos actions se déterminera
désormais en fonction de ce cadre.
Par répercussion, tout se décentralisera. Naîtra de là
l’homogénéité, dans laquelle vous pourrez comprendre les
correspondances internes de tous les mondes, des divers plans ou
cercles de réalité qui assurent la cohérence de l’ensemble.
Dans un premier temps, il est inutile de tenter de vous situer par
rapport à la réalité. Il est avant tout nécessaire pour vous de
comprendre ce qui vous sépare de la réalité. A cette fin, une brève
étude de la structure de l’homme du point de vue traditionnel est
maintenant présentée.

(Prière )
Il faudrait qu’ils comprennent
ceux que j’ai rencontrés
que Tu es un bon Père,
un Père comme jamais ils n’en ont eu.
Seigneur, je voudrais qu’ils Te voient
tel que Tu es.
Brûlé, consumé par le feu de Ton amour,
chacun d’eux doit être salé par lui
j’appelle.
Que leurs cœurs soient bouleversés.

61
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 62

VOTRE EVOLUTION POSSIBLE


Vous est révélée une partie infime de la Connaissance des Pères.
Notre origine profonde n’est pas terrestre, elle n’est pas
conditionnée par les lois de la terre. Il en est ainsi de tous ceux
qui ont parcouru une grande partie du chemin. Même le
fonctionnement de nos corps est assujetti à certaines lois solaires.
Il est important que vous compreniez l’existence des différents
états de vie entre l’Absolu ? et le bout de l’univers ? . Votre
situation ponctuelle au milieu de cette chaîne magnifique est
matériellement proche de l’Oméga. Votre essence, comme toutes
les essences qui contiennent en elles des capacités évolutives, est
de filiation Alpha.
Celui qui a parcouru une longue route est plus proche de l’Alpha,
dans l’ensemble de son intégration au cosmos. C’est un de ces
êtres-ci qui est présentement votre instructeur : à l’état d’humain
terrestre a succédé la transfiguration solaire par la voie
alchimique. Cela signifie que dans le même corps physique
visible extérieurement, il s’est accompli des métamorphoses
intérieures irréversibles qui ont profondément modifié quelques
processus métaboliques précis.
Par exemple, du point de vue de la science moderne et seulement
à titre de simple information vulgaire, le métabolisme des lipides
se trouve transformé par une production accrue de glycocolle, en
quantité mais aussi et surtout en pureté, ce qui modifie
profondément la transméthylation (transméthylation : passage
du radical méthyle d’un acide aminé à un autre, responsable de
la transformation des lipides ). Ce fait intervient également dans
le catabolisme du cholestérol, où l’acide cholique, principal acide
biliaire, est sécrété sous une forme conjuguée avec le glycocolle,
engendrant une variation de la quantité de sels biliaires - et donc
un réajustement du quota soufre et mercure -. Toujours dans le
même cadre, mais ici au sujet du métabolisme des acides aminés,
la glycocolle-oxydase qui s’apparente tellement à la D-
aminoacide-oxydase, intéresse plus le foie et le pancréas dans
l’équilibre amination-désamination (direction en différé du rein).

62
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 63

Point n’est besoin de temple pour rencontrer l’Aimer.


Le Temple n’est pas un lieu, mais un état dans lequel nous devons
mettre notre corps et notre âme.
Le glycocolle est un glucoformateur. Le passage au glucose et au
glycogène se fait par l’intermédiaire de la sérine, l’ensemble étant
en équilibre contrôlé dans lequel le passage par l’aminoacétone a
une importance que les biochimistes modernes n’ont pas encore
exploré suffisamment.
Plus intéressante est l’intervention du glycocolle au niveau du
cerveau. En effet, si le glycocolle entre en majeure partie dans la
conjugaison avec les métabolites azotées ( processus de

63
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 64

détoxication par le foie, par le rein et son élimination urinaire


d’acides organiques ), cette substance touche la cellule nerveuse
par des processus qui ne concernent plus le domaine exclusif de
la biochimie. Grossièrement, il nous est permis d’écrire qu’il
s’agit là de questions ioniques, organisant certains métaux
responsables de la tonicité de la cellule nerveuse. Nous y
reviendrons.
Petits détails marquant seulement une seule substance, bien
d’autres transformations sont conjuguées dans le corps physique,
allant de pair avec l’élévation intérieure. Un autre exemple est
celui de la lente mais irrémédiable réorganisation de la structure
de l’ADN par le réajustement de la place que tiennent les sept
métaux dans cette double hélice qui, rappelons-le, est porteuse de
tout notre code génétique et qui, une fois transformée sainement,
peut rectifier bien des déviations.
Evidemment, la tare moderne pensera qu’il s’agit d’assimiler par
la bouche du glycocolle pour « vérifier » toutes ces choses, ou,
comme certains le tenteront bientôt, d’injecter certains colloïdes
isotopes en vue d’agir promptement sur les sept métaux de
l’ADN. Tous ces primaires ignorent que c’est par soi que ces
processus doivent être engendrés, et non pas d’une manière
exotérique, menant à la complète désorganisation du milieu intra
et extra-cellulaire.
C’est l’ascèse recommandée par un instructeur qui a cette charge,
que de créer les conditions exactement adaptées à chaque
organisme, en fonction de ce qu’il révèle dans ses déviations
manifestées par son ego, car l’ego reflète toujours très
parfaitement l’état des mécanismes morbides. Nous y
reviendrons également.

Les ordres solaires qui me sont assignés à votre égard : vous


préparer à ces transformations. La terre est sur le point de subir
un irréversible changement. La masse humaine est suffisamment
dense pour infléchir l’équilibre terrestre.
Prêtez l’oreille comme l’enfant à tout ce que vous comprendrez
dans ces lignes. Votre planète - dont je dis qu’elle est vôtre

64
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 65

jusqu’à ce que vous ayez atteint le seuil d’énergie nécessaire à


l’intégration solaire -, votre planète ne sera plus jamais comme
les grands artistes d’antan l’ont dépeinte.
La loi d’accident, l’enclenchement aléatoire des événements issus
de la somme des êtres non unifiés, va bientôt cristalliser dans un
système d’auto-destruction définitif. Guère plus au-delà des
années deux mille, avec de nombreux signes précurseurs que
vous vivrez vous-même au cours de ces tout prochains temps,
l’anéantissement général des valeurs humaines prendra le pas
sur ces dernières. La terre purgera alors sa peine, des milliers
d’années après le péché originel, devenant le lieu que les
religieux ont tous appelé « purgatoire », immense charnier où les
esprits trop englués dans les matières en décomposition seront
contraints d’y rester fixés le temps dévoulu, jusqu’à ce que la
séparation philosophique soit permise par la valorisation du feu
interne.
Vous, philosophes, écoutez-moi. Je vous engage, au nom de votre
quête, à réaliser en vous-même cette séparation au plus vite. Le
sépulcre, lieu où les peines se purgent, n’est pas mythique. Le «
paradis », c’est-à-dire la très-parfaite séparation corpus-animus,
est réellement l’intégration du plus subtil au divin. L’« enfer »,
fournaise et nid du feu fermentant, dans lesquels l’esprit reste
indissolublement lié à la matière qui ne se décompose jamais,
assujettie à de perpétuelles transformations, est une réalité
encore plus omniprésente que celle à laquelle vous êtes
accoutumé.
Ces trois états possibles, à l’issue du grand voyage, sont ceux qui
sont prévus par le cosmos à l’égard des hommes ordinaires.
L’alchimiste, lui, a une tâche supplémentaire : dès qu’il accomplit
au cours de sa vie un acte authentiquement philosophique, son
esprit n’est plus sous le joug direct de ces états. Il devient
opérant au niveau solaire. De nouvelles lois le touchent, et c’est le
début de la transfiguration.

Pour aspirer à l’examen de la structure de l’homme, il est


primordial de saisir quelle est sa juste place dans le cosmos, ou

65
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 66

dans l’ensemble de la réalité. Sans cette vue objective de


l’homme, il est impossible de prétendre atteindre la
compréhension de son fonctionnement, car nous ne vivons pas
isolés dans l’univers, notre place dépendant de nombreux
facteurs qu’il est nécessaire d’appréhender.
Ce n’est pas une étude intellectuelle que je vous soumets. Il s’agit
surtout de votre propre position en regard de cette connaissance
qui sera pour vous nouvelle. La principale difficulté réside dans
le fait de vous éveiller à des choses dont vous n’avez jamais
entendu parler auparavant. Je ne peux donc prendre en compte
toutes les remarques que vous formuleriez au fur et à mesure de
votre lecture, parce que vous ne pouvez prétendre à la moindre
certitude vis-à-vis de ce qui va suivre, pour n’en avoir pas la plus
infime pratique.
Là encore, je sais que cette situation semblera à certains
choquante. Au lieu de tenter une analyse qui serait stérile du
point de vue de l’objectivité, je vous engage plutôt - vous êtes ici
pour cela, postulants - à mesurer combien il vous est difficile
d’aborder un problème ou un sujet inconnu sans le moindre a
priori... Observez déjà en vous-même, maintenant, comment vous
avez réagi à la lecture furtive de ces premières pages. Ce sont ces
mécanismes là que je vous propose de rectifier, notamment.
Je sais également que ce n’est pas chose facile, que de réaliser
que l’on entend ou lit de réelles nouveautés. Vous êtes accoutumé
aux vieux avis, à vos inductions cérébrales habituelles qui,
justement, vous rendent non mobile pour l’Alchimie. En d’autres
termes, espérez-vous vraiment, au fond de votre cœur, trouver
une autre vie à la suite de votre métamorphose, ou espérez-vous
seulement améliorer au maximum celle que vous connaissez
maintenant, afin d’en profiter mieux encore selon vos habitudes
psychiques ?
Posez-vous sincèrement la question, et vous verrez que vous
devrez réévaluer vos valeurs classiques et qu’une menace planera
en vous. A cette menace, bon nombre de parades illusoires lui ont
été présentées, qui ont toutes été calculées par le monde afin que
vous ne puissiez pas vous échapper, lui échapper. Le monde
réussit le plus souvent à imprimer cette menace jusque dans
l’inconscient pour engendrer des phénomènes morbides de peurs

66
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 67

diverses, qui sont camouflées par des attitudes adoptées en


fonction.
La plupart des « personnalités » sont seulement la regurgitation
de cette menace. Rien que de l’illusoire, de la réactivité, du
superficiel, et non pas de l’authentique manière d’être.
L’Alchimie exige une authentique manière d’être.
Vous ne reconnaîtrez peut-être même pas immédiatement que ce
que vous allez lire est nouveau, tant vous êtes endormi à vos
propres certitudes. Mais, si vous prenez patience, vous
découvrirez un monde entièrement autre, et vous commencerez à
vivre vraiment différemment. Ensuite, je vous invite à éviter
d’interpréter vos données psychiques neuves avec votre ancien
matériel. Alors vous vous objectiverez véritablement pour la
première fois, peut-être.
D’autres penseront qu’il est essentiellement question de
psychologie, dans ces pages. Mécaniquement ou selon leurs
vieilles habitudes, ils rapprocheront ce qui est présentement écrit
des théories psychologiques en vogue, et tenteront une sorte de
comparaison afin de situer ces propos.
Ces gens oublient que la psychologie moderne, dans l’histoire, n’a
jamais atteint un aussi bas niveau que celui d’aujourd’hui. La
psychologie a perdu tout contact avec ses origines exactes, l’ego
des hommes modernes l’ayant coupée de toutes ses authentiques
racines, si bien qu’il est maintenant très difficile de vous faire
comprendre ce que veut dire « psychologie », à cause de tous les a
priori qui l’étouffent.
Dire ce qu’est la psychologie et ce qu’elle étudie est devenu très
complexe, parce que jamais dans l’histoire de l’homme il n’y a eu
autant de théories psychologiques. Par exemple, on dit qu’elle est
une des plus anciennes sciences et, malheureusement, dans ses
traits essentiels, une science complètement oubliée.
Premièrement, il est nécessaire de comprendre qu’elle n’a jamais
existé sous ce nom. « Psychologie » était liée auparavant à
Philosophie. Tous les systèmes philosophiques ont leur «
psychologie » afin d’en permettre l’accès concret et la pratique, ce
qui lui donnait son caractère vulgaire, car non infus. En effet, la
psychologie, ou part exotérique de la Philosophie, était faite pour

67
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 68

aider les rétifs à atteindre un niveau de compréhension qui les


autorisait à pratiquer la philosophie.
C’est ainsi que la psychologie a toujours eu trait aux plus bas
niveaux humains ; son enseignement allait du plus subtil - la
philosophie - au plus bas - une masse d’hommes ignorante qui
voulait le rester par excès d’ego -. Imaginez aujourd’hui ce qu’elle
est ! Elle se prétend la science de pointe du monde moderne, et
elle va bientôt tout diriger, comme étant la clef du
fonctionnement des mentalités modernes. Déjà en Union
Soviétique, elle est la véritable police, car celui qui ne pense pas
comme la masse est malade. Voyez ce que devient une science
vulgaire lorsqu’elle est prise comme référence absolument
analytique. Voyez dans quel sens vous iriez si vous preniez cette
science comme base de réflexion au présent travail, qui tente, lui,
de vous parler d’Alchimie ...
Comprenez que la psychologie a la suffisance, en prétendant tout
expliquer, de pallier les impuissances dues à une pratique
exacerbée de l’ego, qui rend les gens inaptes à comprendre la
philosophie d’une manière innée. Si vous vivez selon les arcanes
d’une philosophie, même moderne, vous n’avez besoin d’aucune
explication sur les méthodologies diverses et nécessaires pour
accomplir ce que vous devez. Par contre, si vous analysez
extérieurement une philosophie sans en pratiquer le moindre
principe, vous aurez besoin de « psychologie ».
La philosophie a toujours été liée à une religion, même la
philosophie dite athéiste, qui n’est que la négation des théories
existantes ou leur contre-pied, c’est-à-dire la même chose. Toutes
les grandes religions - et non pas les simulations religieuses
actuelles - développèrent leur enseignement psychologique, mais
cet enseignement était indissolublement lié à une pratique.
Bien entendu, on croira volontiers que « se faire analyser »
constitue la pratique dont il est question ici. On dira également
que la psychologie est une science effectivement neuve,
puisqu’elle a enfin permis d’objectiver les religions. Voici bien des
raisonnements hâtifs, comme nous allons le voir.
La description simpliste et arbitraire de quelques lois psychiques
au fond mal connues constitue l’essentiel de 1 étude de la

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 69

psychologie et n’a rien de commun avec, par exemple, la


philosophie appliquée utilisée encore de nos jours dans l’Eglise
d’Orient et d’Occident pour l’instruction des moines. Dans le cas
moderne, on n’apprend en réalité rien du tout, puisque l’objet du
discours est en dehors de la vie concrète. D:, son côté, la
psychanalyse étudie l’homme comme elle le trouve, ou tel qu’elle
suppose qu’il est. La psychologie traditionnelle, ancestrale, a
toujours étudié l’homme non pas du point de vue de ce qu’il est,
mais plutôt en regard de ce qu’il peut devenir, de son évolution
possible.
La description des traits habituels de la psychologie humaine ne
nous apprend pas à poser la question primordiale : que signifie
l’évolution de l’homme, et une autre encore plus fondamentale
quelles sont les conditions qui permettent cette évolution ?
C’est précisément à ce point que la psychologie traditionnelle
rejoint de plain-pied l’Alchimie parce que, tout comme Elle, la
psychologie se penche alors sur l’aspect essentiellement
dynamique de l’évolution possible, ainsi que sur les
méthodologies qui y mènent.
Tout comme en Alchimie, l’expérience montre que cette évolution
est réalisable seulement sous des conditions très précises, à
l’image des matières dans nos creusets ou dans nos ballons. Il va
sans dire que d’une manière identique, nos matières évoluent
selon des ordres particuliers, avec l’aide d’hommes qui ont des
connaissances et une expérience spéciales : de même, l’évolution
possible de l’homme nécessite une aide de ceux qui ont entrepris
ce travail de métamorphose préalable et qui ont déjà atteint un
niveau certain de développement intérieur, autre que ceux d’un «
maître » de chaire universitaire, complètement identifié à son
personnage. Seul, vous ne pouvez rien faire.
Il est évident que sans effort, votre évolution reste impossible.
Sur la voie du développement, vous devez devenir un autre
homme, un homme différent de celui que vous connaissez et,
surtout, apprendre à savoir ce que signifie « être différent ».
Il est également nécessaire de comprendre que tous les hommes
ne peuvent pas se développer et devenir des êtres différents de ce
qu’ils sont, parce que l’évolution est une question d’efforts

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 70

personnels et, vis-à-vis de la masse de l’humanité, l’évolution est


une exception.
Que veut dire être différent ?
Comment cela peut-il se réaliser ?
Pourquoi tous les hommes ne peuvent-ils pas évoluer
véritablement ?
La réponse à la dernière question est simple : c’est parce qu’ils ne
le veulent pas, c’est parce qu’ils ne veulent rien savoir sur ces
questions et qu’ils préfèrent vivre leur vie nombrilique, c’est
parce qu’ils, ne comprendront ainsi jamais de quoi il s’agit, même
s’ils suivent une préparation idéale - qu’en réalité ils ne suivront
pas -, même s’ils s’imaginent qu’ils le peuvent.
Car pour devenir différent, il faut avant tout le vouloir très
ardemment et très longtemps. Un simple désir passager ou un
vague souhait fondé sur le mécontentement de quelques
conditions temporellement insupportables, ne pourra pas créer
une impulsion suffisante. Votre évolution est conditionnée par la
compréhension de ce que vous allez quêter bien entendu, de la
joie intérieure que cela vous procure, mais surtout de ce que vous
devrez donner pour cela. Si vous ne voulez pas vous engager
absolument dans les efforts justes qu’il vous faut fournir, jamais
vous n’évoluerez, même si vous le voulez. Il n’y a donc pas
d’injustice en cela car, pourquoi l’homme aurait-il ce qu’il ne veut
pas vraiment ?

La première question, ce que signifie « être différent », est bien


plus profonde. Si nous examinons ce qui en est familièrement
connu, nous nous apercevons que cela se limite à admettre que
l’homme acquiert de nombreuses qualités nouvelles qu’il ne
possède pas habituellement. Tous les systèmes classiques qui
présupposent l’existence d’une intériorité humaine affirment
cela.
Mais voilà qui est bien insuffisant. Même si la plupart détaillent
et décrivent ces nouvelles possibilités, il ne s’agit que de
description, et non pas d’une méthodologie qui permettrait à

70
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 71

l’aspirant de comprendre comment elles apparaissent et d’où


elles viennent.
Quelque chose manque dans les théories ordinairement
répandues, cette chose qui ne peut être présente dans ces
théories faute de réelle objectivité : non seulement, il s’agit d’être
autre, mais surtout de comprendre que vous vous imaginez savoir
ce que veut dire « acquérir d’autres qualités ». Vous vous
attribuez facilement cette possibilité, qui consiste à être
confortablement installé dans votre certitude de croire que vous
connaissez ces possibilités et, pire, que vous pouvez les utiliser et
les contrôler.
C’est là qu’est le chaînon manquant, dans ce leurre, savamment
entretenu par l’ego et par la vie moderne. En vérité, l’évolution,
telle que vous vous l’imaginez, même basée sur l’effort et sur
l’aide, correspond pour vous à rechercher des qualités que vous
pensez posséder quelque part au fond de vous, mais au sujet
desquelles vous vous trompez. Je veux dire que vous croyez
illusoirement vous connaître vous-même.

... le vouloir très ardemment et très longtemps.


Vous croyez vous connaître vous-même, alors que vous ne savez
pas vraiment quelles sont les limites de vos propres possibilités,
vous ne savez pas non plus jusqu’à quel point vous ne vous
connaissez pas. Vous admettez qu’il faille des années pour
élaborer une machine compliquée, qui servirait un domaine
technologique quelconque, mais vous refusez de croire qu’un

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 72

temps très long est absolument requis pour l’étude de votre


propre construction humaine, bien plus complexe.
Vous avez toutes sortes d’idées fausses sur vous-même et, la
première de toutes est celle qui consiste à ne pas réaliser que
vous êtes un être compliqué. Vous croyez qu’il vous suffit de
l’imaginer pour le comprendre, mais cela est complètement faux,
parce que vous ne prenez pas les mesures en conséquence et que,
le plus souvent, vous laissez ce que vous êtes livré à lui-même
dans un monde livré à lui-même.

Que signifie le fait d’être une construction vivante ? Cela vous


choquera certainement, de réduire votre personnalité à cela, et
pourtant dans l’état actuel de vos réelles possibilités en regard du
cosmos, vous l’êtes et vous fonctionnez très mal.
Etre une structure dynamique veut dire qu’il n’existe pas d’action
indépendante en dehors et à l’intérieur de vous-même. Vous êtes
une créature qui est principalement mise en mouvement par des
influences extérieures se manifestant sous la forme de chocs, de «
stress ».
L’ego admet difficilement que l’on ne soit communément qu’un
genre d’automate, nanti de son stock de souvenirs, d’expériences
passées qui baignent dans le flou d’une réserve d’énergie. C’est
avec ce bagage que l’homme moderne croit pouvoir être ou faire.
Vous vous attribuez des capacités que vous n’avez pas. Cela doit
être compris très clairement : votre première erreur est celle de
croire que vous avez réellement tous vos attributs.
Vous savez bien qu’à chaque fois que vous croyez faire, tout en
réalité vous arrive. Cela vous arrive tout comme il pleut, ou
comme un autre événement accidentel, à la suite d’un certain
nombre de chocs qui surviennent. Si vous comprenez cela, vous
pourrez apprendre davantage sur vous-même, mais si vous ne
voulez rien savoir de votre mécanicité, vous n’apprendrez rien qui
vous fasse changer véritablement.
Bien des êtres ordinaires sursautent à entendre de tels mots. «
Comment, moi une marionnette ? Allons donc ! Si je décide d’aller

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 73

à tel endroit ou de faire telle chose, j’y arrive bien sous ma


volonté personnelle, je ne suis pas dirigé par les chocs extérieurs
». Voici la réaction habituelle qui témoigne justement du
sommeil, car une telle réaction présuppose que vous êtes un, être
unifié qui peut dire « je » et qui affirme « moi ».
L’homme moderne n’est pas « un » : il est multiple. Il s’imagine
être immuable, unique, parce que son semblant de conscience
suit une sorte de continuum du temps qui est au fond subjectif.
Vous croyez être le même qu’hier, qu’avant-hier, cet homme qui
évolue en vivant d’une manière responsable des expériences. En
vérité, un moment vous êtes un, l’autre moment vous êtes un
autre, un troisième peu de temps après, selon ce qui vous arrive.
Puis vous dites « voilà la Providence », alors que vous vivez une
illusion complète, en regard de l’Alchimie, en regard de
l’objectivité cosmique.
Votre illusion d’unité, d’immuabilité, a été créée en vous par la
sensation de votre corps physique, par le rabâchage incessant de
votre nom et par un certain nombre d’habitudes mécaniques qui
ont été implantées en vous par l’éducation animique. Ayant
toujours les mêmes sensations physiques, entendant toujours le
même nom et observant en vous-même des habitudes qui se
perpétuent et dont vous n’avez peut-être pas idée, vous croyez
être un homme unique, unifié, qui peut dire « je ».
Objectivement, chaque pensée, chaque sentiment, chaque geste
dit « je ». Ils sont une multitude de « je » souvent contradictoires,
très peu en rapport les uns avec les autres, pour dire pas du tout.
Chaque petit « je » dépend du changement des circonstances
extérieures et d’une certaine modification du niveau des
impressions. Quelques-uns parmi eux suivent machinalement
quelques autres, les plus importants, mais il n’y a pas d’ordre
global ; seuls quelques groupements de « je » peuvent être reliés
entre eux en vue d’atteindre un but qui dépend le plus souvent de
l’ego.
Lorsque vous dites « je », il vous semble que vous impliquez la
totalité de vous-même, alors qu’il ne s’agit que d’une pensée ou
d’un sentiment passager, que vous pouvez complètement oublier
au bout d’une heure, et d’exprimer avec la même conviction une

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 74

opinion radicalement opposée, des intérêts autres. Le pire de tout


est que vous ne vous souvenez pas, vous le réfutez même souvent.
Evoluer ne signifie rien d’autre qu’être différent, mais réellement
différent. En d’autres termes, il faut savoir impérativement
quelle sorte de changement est possible en vous, comment et par
quoi commence ce changement.
Les philosophies classiques, quel que soit le nom qu’elles portent,
même celles qui dirigent le monde moderne (évolution
essentiellement basée sur des connaissances expérimentales et
placées sous le joug de la rentabilité ), nous informent que le
changement de l’homme est fondé sur les pouvoirs et sur les
capacités qu’il s’attribue lui-même. En réalité, il ne les possède
pas. Cela veut dire clairement qu’avant d’espérer acquérir
quelques nouvelles capacités, signe de son changement, l’homme
-
vous-même - doit apprendre à observer qu’il a les plus hautes
illusions sur ses potentialités présentes.
Votre évolution, et c’est ici le nœud de la question, ne peut
reposer sur ce genre de mensonge inconscient, d’irresponsabilité
cosmique et d’ignorance réelle. L’idée trompeuse que vous avez de
vous-même, quand bien même vous douteriez de ce que je vous
dis, est un état de mensonge très subtil dont il est impératif de
découvrir toutes les connexions, tous les tenants et les
aboutissants. Mais auparavant, il est encore plus vital d’observer
cet état d’ignorance en vous, quelles que soient vos certitudes
quant à l’analyse de cette question, qui est celle de l’illusion de ce
que vous vous attribuez : la capacité de faire vraiment, d’être, de
posséder une individualité permanente, d’être unifié et, de
surcroît d’avoir de la conscience et de la volonté. Aussi longtemps
que vous croirez posséder ces qualités, vous ne ferez aucun effort
pour les acquérir.
La plus séduisante est la conscience. C’est celle que l’on s’octroie
le plus facilement et le plus évidemment, teintée le plus souvent
d’un zeste de suffisance. Alors que vous n’avez pas changé, c’est-
à-dire pratiqué vraiment la conscience, il est pour vous évident
d’en posséder les traits.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 75

Dans le langage ordinaire, le mot « conscience » est synonyme


d’intelligence ou, en d’autres termes, d’activité de l’esprit. On
croit donc volontiers que c’est une activité humaine normale,
continue et permanente. Toutes les écoles d’évolution enseignent
cela. En fait, la conscience d’un homme ne reste jamais dans le
même état. Elle est là ou elle n’y est pas, tout comme une pulsion
dont le rythme de vie est tributaire du niveau de réalisation de
l’homme. Chez les êtres très évolués qui ont accompli en eux un
stade de développement certain par un travail, la conscience
atteint un degré tel qu’elle est permanente. Mais, chez l’homme
ordinaire, c’est-à-dire en vous-même, tantôt elle est là d’une
manière incontrôlée, tantôt elle n’y est pas, il oublie. C’est cela
même, plus que n’importe quoi d’autre, qui produit en l’homme
l’illusion qu’il possède la conscience, parce que s’il la possédait
vraiment, il s’en rendrait compte.
Quelques écoles nient même que la conscience existe. Cela tient à
des extravagances et à de fausses interprétations. D’autres écoles
ne parlent que d’états de conscience et non de conscience. Cela
est basé sur l’erreur banale qui mélange la conscience à d’autres
fonctions psychiques. Bref, les écoles modernes pensent
globalement que la conscience n’a pas de degré, alors qu’elle en a.
Si vous faites l’effort d’être conscient de vous-même d’une
manière continue, vous verrez que deux minutes est la durée
maxima dont vous êtes capable. C’est ici la limite présente de
votre conscience. Si vous désirez prolonger cet exercice, vous
pourrez observer en vous-même combien cela devient difficile.
Cela veut dire que tout le temps dans lequel vous vivez sans être
conscient de vous-même est la période durant laquelle vous
dormez à vous-même.
Dès lors, durant ce temps, qui dit « je » ?
Imaginez que vous assistiez à une séance de cinéma. Si vous en
avez l’habitude, vous ne serez pas spécialement conscient d’être
en cet endroit-là pendant que vous y êtes : d’innombrables
événements accidentels peuvent surgir en vous, comme par
exemple le fait de voir une belle femme, de vous rappeler votre
conflit avec votre supérieur, etc ... Vous êtes au cinéma et, en
réalité, vous n’y êtes pas. Et puis vous redevenez conscient du
fait que vous êtes au cinéma lorsque la lumière s’éteint, par

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 76

exemple. Vous revenez chez vous, le lendemain, pour raconter à


tout le monde que vous avez pris plaisir à la représentation
d’hier. Vous vous en souvenez, ainsi de suite, vous en parlez, vous
avez l’illusion d’avoir été conscient et unifié. Vous n’avez donc
aucun doute sur votre capacité à être conscient et il vous semble
avoir agi d’une manière responsable, entière et raisonnable. Vous
avez dormi la plupart du temps, et le « je» qui parle de la
représentation est aussi celui de ce sommeil.

Il existe au moins quatre niveaux de conscience, ou quatre


grandes étapes distinctes dans le processus de la conscience d’un
homme qu’il peut atteindre. Deux lui sont très familiers : le
sommeil du lit et l’état de veille que vous connaissez tous. Par
contre, l’homme ordinaire, celui qui n’a pas travaillé sur lui-
même, ne connaît rien des deux autres possibilités, qui sont plus
proches de l’Absolu et qui sont requises pour l’Alchimie : l’état de
conscience de soi et la conscience objective.
L’homme ordinaire passe sa vie dans les deux premiers niveaux,
qui diffèrent très peu l’un de l’autre malgré l’apparente
distinction. Il a de temps en temps la lueur très faible de la
conscience de lui-même, lorsqu’un grave problème le touche ou
concerne l’un des siens, mais il n’a aucune idée de ce qu’est l’état
de conscience objective.
Le grand leurre, celui qui est responsable de toute la décadence,
est que vous pensez posséder perpétuellement la conscience de
vous-même. Vous vous attribuez cette possibilité comme celle de
pouvoir en disposer en toute liberté, alors que vous êtes conscient
de vous-même seulement par quelques éclairs, que vous ne savez
pas en plus identifier, sinon vous sauriez ce que cela impliquerait
si vous le pouviez vraiment. Ces lueurs de conscience de vous-
même surgissent accidentellement, par bribes, à des moments
exceptionnels de votre vie meublée d’états émotionnels intenses,
dans les instants de danger, dans des situations complètement
nouvelles et auxquelles vous ne pouvez pas échapper. Mais, dans
votre état ordinaire, celui dans lequel vous vivez le plus souvent,
vous n’avez pas la conscience de vous-même, bien que vous vous
imaginiez le contraire.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 77

Vous pensez avoir été conscient de vous-même en vous


remémorant tel ou tel événement de votre vie, en accordant la
même valeur à toutes les sortes de souvenirs, du point de vue de
l’acuité que vous en avez. Observez pourtant votre mémoire. Si
vous observez objectivement, vous remarquerez que vous vous
rappelez vos souvenirs différemment. Pour certains vous vous les
rappelez tout à fait nettement, pour d’autres très vaguement,
pour d’autres encore - relatés par un compère présent et marqué -
pas du tout. Dans ce dernier cas, vous savez seulement qu’ils sont
arrivés. Peut-être votre ego était fort occupé à ses copulations,
durant l’instant de cet événement oublié, dont vous n’avez retenu
seulement le fait qu’il soit arrivé. Peut-être s’agissait-il pour vous
d’un événement de toute première importance, en réalité, alors
que vous n’étiez accaparé que par vos désirs égoïstes. Vous
dormiez à vous-même, en vérité, durant ce temps où la
Providence vous avait introduit en bonne place, tout en étant
persuadé qu’il ne pouvait rien y avoir de mieux pour vous.
Vous serez très étonné le jour où vous réaliserez entièrement
combien peu vous vous rappelez, parce que vous vous rappelez
seulement des moments où vous avez été conscient de vous-
même. Cela veut dire qu’en regard des trois autres états - le
sommeil du lit, votre veille dans laquelle vous ne vous rappelez
pas faute d’ego et l’état de conscience objective inaccessible à vos
possibilités actuelles - vous vous rappelez très rarement et, la
plupart du temps de votre vie, vous dormez profondément.
Dans l’état de veille que vous qualifiez d’éveil, dans lequel vous
croyez illusoirement être conscient de vous, vous pouvez vous
rappeler des instants occasionnels où vous avez été conscient de
vous-même vraiment, et vous observerez qu’il ne s’agit pas du
tout de la même chose, preuve que les deux états sont différents,
mais preuve égale que vous n’avez aucun contrôle réel sur eux. Le
but profond n’est pas d’avoir un contrôle sur tout, comme ces
paranoïaques qui veulent démantibuler Dieu par une forme de
connaissance profondément animique. Notre rôle est seulement
celui d’assumer nos responsabilités d’homme, c’est-à-dire nos
possibilités. Je vous dis ceci à cause de certaines gens qui se
disent « religieux » et qui, par pure fainéantise, ne veulent rien
savoir de toutes ces choses, parce que cela les dérangerait dans
leur confort de matérialisme religieux.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 78

Nous ne sommes pas complètement irresponsables et affirmer


que « tout arrive selon Dieu » doit être empreint de discernement
: cela permet souvent aux egos cossards de se laisser aller plus
encore à leurs vices et de ne prendre aucune responsabilité.
L’homme a des responsabilités, et notamment celle de dire oui,
celle de travailler. C’est seulement après tout le travail qu’il
entreprend sur lui-même que l’homme peut prétendre atteindre
une petite liaison avec ce qu’il nomme au départ subjectivement «
Dieu ». Pour l’instant, il est nécessaire de nous attarder un
moment sur celui qui cherche à connaître - vous - plutôt que sur
vos états subjectifs qui parleraient d’un Dieu qui serait
inévitablement le vôtre ... Je répète que certains hypocrites
n’aiment pas mon langage. Ils disent que tout cela est dangereux
et prennent notre travail comme une bravade à Dieu. Nous ne
sommes heureusement pas comme eux et si Dieu nous a donné
les possibilités dont nous parlons ci-devant, c’est pour les
assumer et Le servir. Ces hypocrites camouflent en vérité leur
couardise. Nous y reviendrons, mais la question reste entière
avec le mot Alchimie.

En effet, vis-à-vis de l’Alchimie, qui est la connaissance objective


et donc qui requiert un état de conscience objectif - celui dont
l’homme ordinaire n’a pas idée - il nous est vital de rectifier nos
attitudes et de prendre conscience dans toute notre masse qu’il
nous faut, avant de prétendre atteindre à cet état de conscience,
passer par l’état de conscience de soi.
Car comment gravir une marche en sautant la précédente ? Que
ceux qui n’acceptent pas ces évidences tentent la prétention de la
conscience objective : ils verront bien vite qu’ils se trompent, que
ce mouvement même est commandé par l’ego, justement par ce
dont ils doivent se libérer pour atteindre la conscience objective.
Et, s’ils en passent par là - c’est-à-dire par le chemin normal -, ils
observeront qu’ils n’évitent pas l’état de conscience de soi. Ils
comprendront que la question : « est-il possible de devenir
conscient » est pour l’heure la plus importante qui soit, et surtout
que la réponse à cette question est complètement perdue.

78
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 79

Ce n’est qu’avec des méthodes appropriées, meublées d’efforts


particuliers, que l’homme peut atteindre le niveau requis de
conscience sur lui-même, lui autorisant l’espoir d’une conscience
objective. Pour vous, maintenant, la chose la plus importante est
de mesurer ce que cela implique. C’est cela, travailler.
Dans l’état actuel de vous-même, vous ne pouvez pas imaginer ce
que cela implique, parce que cette étude commence
inévitablement par l’investigation des obstacles qui vous
séparent de la conscience de vous, ce dont vous n’avez pas idée,
sinon vous seriez conscient de vous-même et vous seriez Adepte.
Cela ne peut commencer seulement que par la disparition de
quelques-uns de ces obstacles, dont le premier est votre ignorance
de vous-même, ou fausse conviction que vous avez de vous-même,
alors qu’en vérité vous ne vous connaissez pas du tout.
Vous comprendrez maintenant que ce que l’on appelle «
psychologie » concerne authentiquement l’étude de soi, et que l’on
ne peut pas enseigner cette psychologie comme on enseignerait
l’astronomie ou les mathématiques, c’est-à-dire indépendamment
de vous-même.
Je sais qu’il est de mode, dans certains milieux de cadres aisés,
de s’adonner à ces nouveaux stages où l’ego est châtié en groupe,
où quelques-uns de ses traits sont mis en valeur pour être plus
efficaces. Vous aurez compris, je l’espère, que la transcendance
du pouvoir tentaculaire de l’ego, traditionnelle, n’a rien de
commun avec ces élucubrations bourgeoises. Vogue gagnant
l’Europe occidentale, venant des Etats-Unis et du Japon, dont
nous ne nions pas l’efficacité commerciale, ce genre de lavage de
cerveau a un point commun avec celui qui est abondamment
pratiqué dans les pays de l’Est et en Chine populaire : aucune
différence n’est relevée entre le moi et l’âme, aucune élévation
verticale ne stimule la conscience. De l’assujettissement, rien que
la mouvance dévorante et logique de la puissance, de la soif
amère du pouvoir.

L’étude de soi ne peut s’entreprendre sans une juste observation


de soi, non pas de votre propre point de vue, mais plutôt de celui

79
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 80

du cosmos. Vous devez apprendre à connaître les parties de votre


corps, ses fonctions principales, les causes du mauvais travail de
vos fonctions et de nombreuses choses difficiles à décrire sans
utiliser un langage spécial, un langage qui vous permettra de
comprendre ce qui vous est impérativement nécessaire de savoir
pour que vous soyez capable d’étudier convenablement votre
machine humaine.
Le langage ordinaire ne peut convenir pour l’étude de soi : bien
trop de schémas liés à votre sommeil, bien trop d’habitudes ont
été prises pour parler dans votre langue psychique. Il vous faut
exercer votre pensée à des mécanismes nouveaux, qui seront
capables de vous aider à comprendre votre individu du point de
vue cosmique. Il vous faut réapprendre les mots sans la moindre
forme de considération.
Vous savez bien que l’acquisition d’une nouvelle langue dans
votre vie, par exemple l’anglais, vous est facilitée par la pratique
essentielle de la considération : elle consiste à rechercher bien
vite tout ce qui, dans la psyché des habitudes de l’ego, permet de
happer l’intonation, le vocabulaire intéressant, une certaine
forme de complicité, etc ... tout ce qui n’est pas une vraie langue.
Et ainsi de suite pour les langues modernes. A l’opposé, les
langues anciennes, traditionnelles, interdisent ce genre de
monopole nauséabond, parce qu’elles transmettent toutes plus de
pensée verbale que de simples mots mis les uns à la suite des
autres et qui traduisent nos envies. Dans le cas des classiques, le
dynamisme du verbe, de la compréhension, précède celui du sens
des mots, ce qui est l’inverse des modernes. Voilà pourquoi, entre
autres choses, le sens authentique des mots s’est perdu avec les
pratiques contemporaines, car la pensée n’est plus dressée à la
compréhension, elle est livrée à elle-même pour servir les
processus de l’ego.

Je, je, je ... mais je.

80
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 81

Le langage spécial que vous devez apprendre vous aidera à entrer


en contact avec la Langue des Oiseaux. Il servira à vous
comprendre, à nous comprendre, non pas parce qu’il y a des
secrets à cacher, mais parce qu’il concerne l’omniprésence de
Marie, au lieu d’être une sorte d’objet, valet de votre moi.
Désormais, le sens des mots sera pour vous une nouvelle
réflexion. Nous emploierons toujours le « français » pour nous
exprimer, mais nous donnerons aux mots un sens réel, une
direction philosophique et, rien que de les prononcer engendrera
une autre forme de compréhension, faisant plus appel au
mécanisme de la pensée qu’à la permissivité individuelle.
Nos mots désignent des ensembles, des principes, des clefs, pas
des termes mis bout à bout afin d’être spécialement accessibles à
vos exigences de langage personnelles.
Par exemple la « pensée », le « sentiment », la « motricité », sont
des mots qui désignent la globalité des mécanismes de la pensée,
du sentiment et de la motricité, et non pas votre opinion sur la
pensée, le sentiment et la motricité. D’autre part - cela est très
important - nos mots traduiront également des notions qui
n’existent pas dans la vie ordinaire, dont les hommes n’ont pas
idée et, par voie de conséquence, pour lesquelles ils n’ont pas pu
inventer des mots.
En effet, par exemple, si je vous dis qu’un état très subtil suit
immédiatement celui de la conscience de soi - une sorte de
fonction émotionnelle supérieure - comment en auriez-vous la
notion, alors que vous ne savez pas ce qu’est l’état de conscience
de soi ? Comment agissent les modernes dans ces situations ?
Avec bonhomie, en dormant profondément, ils disent et
définissent ce nouveau terme, en bavardant, parfaitement enflés,
avec leurs notions subjectives à propos d’un état qu’ils ne
connaîtront jamais. Ensuite, ayant bien copulé
intellectuellement, s’étant bien considérés les uns les autres,
lorsqu’ils entendent «fonction émotionnelle supérieure », ils
lancent un signe de tête affirmatif, étant persuadés de savoir de
quoi il retourne, et de l’apprendre aux autres !
Vous, les postulants, vous recevrez cet « enseignement », plongés
dans les mêmes structures de sommeil. Vous voilà persuadés, par
identification, de parfaitement savoir ce qu’est une « fonction

81
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 82

émotionnelle supérieure ». Ainsi en est-il de tout et, si vous avez


l’honnêteté ou la loyauté de constater le fait, comment pouvez-
vous rester sur vos certitudes, au lieu de remarquer humblement
que tout vous arrive ?

Je veux également vous dire quelque chose de grave.


Dans les grandes traditions, les toutes premières notions de
philosophie que l’on enseigne sont celles qui relatent l’existence
d’états non ordinaires, dits « supérieurs », liés à des fonctions
également non ordinaires. N’étant pas dans ces états, vous ne
pouvez les étudier, ni comprendre les fonctions qui les génèrent.
Vous ne les approcherez que d’une manière indirecte, à travers
ceux qui les ont atteints et qui les ont expérimentés.
C’est ainsi qu’aussi étrange que cela puisse paraître, les hommes
ordinaires ont plus de renseignements concernant les états
supérieurs, parce qu’ils ont été l’aboutissement des philosophies
traditionnelles et qu’ils ont été retracés dans les traités. Mais,
très peu de savoir vous est transmis sur la « conscience de vous-
même », parce que cet état intermédiaire est essentiellement
dynamique, verbal, non transmissible par écrit, mais plutôt par
expérimentation avec ceux qui le détiennent.
C’est ici l’authentique transmission initiatique, et la raison
profonde de la complète inaccessibilité des états supérieurs aux
modernes, qui n’en ont qu’une information très livresque : le
pont-levis leur a été levé sous le nez, en les privant de
l’enseignement relatif à la conscience de soi, parce qu’ils ne le
méritent pas. Ce serait un trésor offert aux pillards. Le
voudraient-ils qu’ils ne pourraient l’approcher, parce que leur ego
les a mis au service d’un autre maître que Dieu.

Adhérer à la Philosophie est, nous l’avons vu, retrouver sa place


réelle dans l’ensemble de la réalité, de manière à être situé en
position objectivante découlant d’une véritable dissolution de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 83

notre centralisme, seule capable de nous apporter la


connaissance vraie, comme faisant partie de.
Mais avant de tenter une compréhension sur ce que nous
sommes, il est nécessaire de savoir où nous sommes.
Nous sommes sur la terre.
L’Alchimie concernant l’ensemble des lois du cosmos, il est
évident que nous devons bien comprendre ce qu’est la terre du
point de vue du cosmos. Etes-vous si sûr de savoir ce qu’elle est ?
Lire que la terre est une planète dont l’axe de rotation est incliné
de 23°30’ par rapport à l’elliptique, ou que nous recevons 8,9.1021
kW par minute de soleil le 21 juin, ne nous dit rien de la
signification de la terre dans le cosmos. En d’autres termes, les
sciences modernes ne nous enseignent rien sur ces questions
fondamentales.
Notre terre est un vaisseau spatial dont la direction et la mission
sont bien déterminées. Mais qui le commande ? Quel est le but du
grand voyage vis-à-vis duquel vous avez votre responsabilité de «
membre de l’équipage » ?
Supposez qu’une firme, possédant un personnel scientifique et
technique hautement qualifié, s’empare d’une machine complexe
fabriquée par un concurrent. Imaginez que cette machine soit
tellement nouvelle que personne n’en ait jamais vue de
semblable. On l’envoie donc dans des laboratoires qui, après un
certain temps d’analyse, font savoir à la direction qu’ils ont
découvert le mode de fonctionnement. « Très bien, dit la
direction, mais à quoi cela sert-il ? » Et les laboratoires de
répondre qu’on ne peut en savoir davantage avant de connaître
les projets des concurrents. La direction conclut qu’il est inutile
de savoir comment fonctionne cette machine tant que les projets
des concurrents ne sont pas connus, c’est-à-dire tant que l’on ne
sait pas à quoi elle doit servir.
La science moderne est exactement dans cette situation : elle sait
à peu près comment fonctionne l’univers, mais elle ne se
demande pas à quoi il peut servir. Elle ne se le demande pas
parce que cela ne l’intéresse pas. Cela l’intéressera seulement
lorsque les egos éprouveront la nécessité, pour leur

83
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 84

engrossement, de chercher de quoi il retourne. Mais, comme les


exigences des egos ne seront pas objectives - allez présager de ce
qu’ils voudront dans quelques siècles ! - cette nouvelle
connaissance
sera calquée sur ces demandes, non pas sur la réelle place de la
terre dans l’univers. Et ces « idiots » ( à la racine grecque de «
particulier ») s’imagineront posséder le savoir objectif de tout
investir, et de tout juger par ce savoir ...
Je vous dis que même si l’univers est une trop vaste machine
pour que vous puissiez la considérer dans son ensemble et en
connaître la finalité, la question reste entière : « à quoi sert cette
machine ? » Ne trouvant aucune sorte de réponse - puisque
l’habitude des hommes est de tout jauger avec les racines de l’ego
-, vous avez perdu, jusque dans vos cellules, le désir même de
vous poser la question ; ce qui fait que vous ne pouvez pas vous la
poser pour vous-même et dire : « l’homme est aussi une
merveilleuse machine, à quoi sert-elle ? »
Désirer ardemment répondre à cette question, « à quoi sert
l’homme », serait déclencheur en vous d’innombrables
mécanismes psychiques et métaboliques dont vous ignorez les
fabuleuses incidences. A l’origine, c’était une question que
l’homme se posait naturellement. De nos jours, pour les raisons
que j’évoquais ci-devant, il est naturel d’admettre que la vie
terrestre est une « réalité improbable », comme disent les
biochimistes, se félicitant de leur attitude strictement utilitaire -
telle substance sert tel phénomène métabolique.
C’est seulement lorsque nous essayons de comprendre pourquoi
l’homme ne se pose plus cette question spontanément que nous
pénétrons dans les profondeurs de la condition humaine. Mais, la
question n’étant plus posée, l’argument du « dessein » de l’univers
s’appauvrit petit à petit et, a fortiori, le besoin de rechercher un
créateur a pratiquement disparu. Imaginez une minute les
répercussions de ces siècles d’habitudes nauséabondes !
Rechercher le Créateur a disparu des mentalités modernes qui,
étant impuissantes à la condition humaine, affirment la loi du
hasard comme celle qui prévaut dans tous les transferts
physiques et, un peu plus tard, dans les morales. Comment

84
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 85

voulez-vous qu’une telle pratique de la réalité ne mène pas à une


catastrophe ?
Ni les savants du monde ni les philosophes n’ont remarqué le
piège dans lequel ils sont tombés. Ils ont ainsi rendu possible, par
leur propre sommeil, une vision du monde illusoire, écartant
définitivement toutes les philosophies traditionnelles et
objectivantes. La « normalité » de ce monde passe donc comme le
plus fin des élixirs, alors qu’elle est une fiole pleine d’un poison
redoutable.
L’absence de pratique ayant rendu infirmes nos organes spéciaux
qui avaient le rôle de supporter cette responsabilité, se poser
convenablement la question est devenu chose complètement
impossible. La situation est telle qu’un grand nombre de
personnes, auxquelles il reste un semblant de culture,
s’aperçoivent qu’elles ne peuvent pas accepter le système des
valeurs modernes, pas plus qu’elles ne peuvent en inventer
d’autres dont elles sentent qu’ils seraient subjectifs. Ces
personnes-là sont prêtes à être sauvées.
Car nous sommes dans le grand cycle de l’involution, comme j’ai
tenté de vous le montrer. Cela veut dire que l’involution est un
système entropique : le niveau général d’énergie baisse peu à
peu, mesure qui touche tous les constituants du système. Cela
veut dire également que si vous n’inversez pas le processus en
vous-même, vous êtes condamné à mourir idiot.
L’évolution est le mécanisme inverse. C’est la production d’une
énergie supérieure à partir d’une source inférieure, chose
impossible pour les mentalités modernes, là encore victimes de
leurs certitudes limitées. La production d’une énergie supérieure
à partir d’une source inférieure est possible à l’aide d’un
dispositif spécial, qui rend dynamique certaines qualités restées
inertes jusqu’alors.
Cette énergie, je l’appelle le travail sur soi.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 86

SOUVIENS-TOI MAINTENANT QUE TU ES VENU ICI EN AYANT


COMPRIS LA NÉCESSITÉ DE LUTTER CONTRE TES HABITUDES, ET,
PAR CONSÉQUENT, SOIS RECONNAISSANT ENVERS TOUS CEUX
QUI T’EN OFFRENT L’OCCASION.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 87

OU SOMMES-NOUS?
Nous sommes dans un monde régi par la grande loi du maintien
réciproque : tous les modes d’existence dans l’univers sont
groupés en différentes classes d’essence, de telle sorte que
chacune de ces classes en maintient une autre et, à son tour, est
maintenue par une troisième, etc...
Par exemple, notre galaxie est maintenue par toutes les galaxies,
et elle maintient toutes les étoiles ( tous les soleils ). De même,
toutes les étoiles sont maintenues par la galaxie, et maintiennent
toutes les planètes. L’univers ainsi objectivé est placé sous les
lois ascendantes et descendantes qui circulent d’une manière
continue dans l’ensemble de tout ce qui le constitue, et qui se
visualise sous la forme d’une chaîne de création.
L’homme, bien entendu, apparaît dans ce schéma, mais pas en
tant qu’individu, ni même sous forme d’une humanité. Il est
plutôt considéré comme possédant une énergie particulière
susceptible de transformer - selon la loi du maintien réciproque -
des énergies d’une qualité correspondante, et étant assujetti à
d’autres énergies qui l’asservissent. Il joue donc un rôle
spécifique dans l’harmonie universelle.
Mais, cette classe d’énergie ou d’essence n’est pas répertoriée
comme la biologie ordonne les plantes et les animaux. Elle est
agencée selon le type d’expérience possible.
Cette harmonie est exactement celle de l’Alchimie, dont les
matières sont en évolution possible. Du point de vue des êtres
vivants, le classement ne s’effectue pas du tout selon les
recherches subjectives des scientifiques. Les êtres vivants
apparaissent ici dans trois grandes familles - les invertébrés,
êtres à un seul cerveau sous l’apparence d’un neurone, qui sont
complètement automatisés.
- les vertébrés, ou êtres bicérébraux ( moelle épinière-bulbe ), qui
possèdent un petit cerveau capable d’organiser leur énergie.

87
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 88

- les hommes ou êtres tricérébraux ( moelle épinière-bulbe-


cerveau) qui possèdent en eux des possibilités de transformation.
Il n’est pas important de rechercher dans le présent classement
tout ce qui le caractérise, pour le moment. Il est surtout
nécessaire de comprendre qu’il est organisé selon des évolutions
possibles l’invertébré ne pourra, par exemple, jamais organiser sa
vie, le vertébré ne pourra jamais évoluer selon son propre travail,
ainsi de suite.

L’évidente conséquence de l’organisation cosmique telle qu’elle se


manifeste est que chaque sorte de monde influe directement et
d’une manière spéciale sur ceux dont ils sont les maîtres. Ainsi
un important événement au niveau dimensionnel de notre
galaxie se répercutera sur toutes les étoiles qui la constituent et,
par ricochet, sur toutes les planètes de toutes les étoiles. Il est
nécessaire que vous compreniez ce phénomène en cascade des
mondes. Cet événement aura très peu d’incidence sur toutes les
galaxies, mais énormément sur toutes les étoiles. Identiquement,
si un grand choc touche seulement notre étoile - le soleil - ce
seront toutes ses planètes qui subiront l’effet de ce choc, et non
pas toutes les étoiles de la galaxie.
Dans le cadre de la description de ce grand principe, il vous est
utile de réapprendre quelques notions d’astrophysique. Il vous
faut appréhender le fonctionnement général de l’univers et en
tirer la conclusion suivante : le maître de lune est terre. Le
maître de terre est soleil. Celui de soleil est galaxie et celui de
galaxie est toutes les galaxies, puis enfin l’Absolu, l’ensemble
tendant dans ce sens vers l’unité, vers l’Unique, vers Dieu.
Ensuite, il vous faut réaliser quelle est la place de la terre par
rapport à l’Absolu : nous sommes très loin de lui, nous sommes
au bout de l’univers qui, du point de vue dimensionnel, est la
lune ou les satellites planétaires. Nous sommes exilés dans la
prison de la matière.
Maintenant, par rapport à l’essence des choses, l’Absolu, étant la
quintessence de tout, s’apparente plus à l’immatérialité : plus

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 89

nous montons haut dimensionnellement dans l’univers, moins les


matières sont denses, moins il y a de lois physiques qui les
assujettissent. Mais le capital est de comprendre qu’il y a, par le
fait, discontinuité vibratoire entre les mondes. Toutes les galaxies
ne sont pas régies par le même nombre de lois que tous les soleils
et toutes les planètes. Le potentiel général des vibrations, ou
leurs intégrales respectives, ne sont pas du tout comparables. Il y
a entre les mondes discontinuité vibratoire.
Ensuite, il est également nécessaire de savoir que tout
événement se déroulant dans le cosmos trouve une place très
précise dans cette chaîne universelle, mais une place qui est
appelée à changer. Tout « monte » ou « descend » le long de la
cascade des mondes, selon l’ordre d’appartenance du sujet à
l’énergie involutive. C’est ainsi seulement que tout peut
s’équilibrer. Tout se développe ou dégénère, c’est-à-dire se meut
sur une ligne qui subit des chocs.
Voilà, cher philosophe, le sens exact de la troisième planche du
Mutus Liber, qui montre en effet ces « champs concentriques sur
l’immensité bouillonnante des ondes, ces nuées... » seules
capables de donner une vigueur juste à ce qui est l’Alchimie ( la
transmission des énergies par les cascades ).
Mais le fait le plus important est engendré par la discontinuité
des vibrations : les mondes ne sont pas régis par les mêmes
matières ni par la même notion de temps. Il existe, tout comme
ces escaliers cosmiques, des niveaux de matérialité différents et
respectifs, réglés par des « pendules » distinctes les unes des
autres. La notion de temps n’est pas la même dans la galaxie
qu’au niveau du système solaire, ou que sur les satellites.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 90

Les intervalles de temps, tout comme une immense gamme


musicale qui dirigerait la grandiose symphonie universelle,
marquent les silences, les rythmes, la force des vibrations, leur
sens et leur signification.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 91

Les observations basées sur une compréhension de cette


symphonie montrent que les vibrations (ou l’énergie) se
développent de différentes manières. Elles peuvent tomber
d’intensité dans les intervalles ou, au contraire s’amplifier et se
développer « en harmoniques » si elles se trouvent aspirées dans
le principe évolutif.
Les intervalles, sorte de vides vibratoires, séparent les mondes.
Un relatif « silence » cosmique en est la caractéristique. Alors que
dans un type de monde particulier - par exemple toutes les
étoiles, ou toutes les planètes, visualisées en fonction de l’Absolu
-, l’énergie ou les vibrations évoluent selon un continuum
harmonieux, en octaves, les intervalles coupent les mondes les
uns des autres en ne laissant qu’un petit pont très étroit de
passage, par lequel l’énergie vibratoire évolutive doit se
métamorphoser, afin d’être harmonieusement reliée à celle du
monde supérieure.
A cette fin, un grand choc est nécessaire, un choc beaucoup plus
fort que les autres qui sont le moteur normal d’évolution dans les
mondes. Si une succession de petits chocs est suffisante pour que
l’énergie qui est l’identité d’un être, évolue, un très grand choc est
requis pour le faire passer au niveau supérieur.
Maintenant, revenons un instant sur l’homme du point de vue de
son évolution possible. L’homme ordinaire, assujetti à la terre,
subit la succession des petits chocs dont nous parlions. C’est ce
qu’il nomme « l’expérience de sa vie » et à l’aide de laquelle il
meurt le plus souvent en ayant accompli sa tâche terrestre.
Nous, alchimistes, une mission solaire nous est assignée. Sans
entrer dans le détail de cette mission, dont les élus entrevoient
déjà la quintessence, je vous dis que c’est cette mission qui a
donné leurs noms à divers Adeptes, comme Fulcanelli ( vulcain
solaire), comme Le Cosmopolite et tant d’autres. Il vous faut
passer à la dimension solaire et, pour s’effectuer en conformité
avec ce que nous venons de dire, un très grand choc est
nécessaire.
Je vous demande de vous rappeler que ce très grand choc a une
liaison indissoluble avec le travail sur vous-même.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 92

Ce sera la pratique de la connaissance de vous-même - ce trou


dont il était question plus haut et entretenu par la Tradition -,
qui sera le moteur de votre accession à ces états solaires ou
supérieurs dont tous parlent. Comprenez bien !
Essayez, je vous prie, de saisir l’enjeu et tout en même temps la
situation de la terre dans la chaîne universelle. Elle est bien plus
près de l’Oméga que de l’Alpha. L’omega, bout du monde,
matérialisation effrénée, est la lune, ouï tous les satellites
planétaires, peut-être même ce qui gravite en immondices
météoritiques - de toutes sortes autour desdits satellites. C’est
pourquoi, entre autres, un bout de météore « porte malheur »,
parce qu’il est l’oméga chez soi, d’une manière enfantine. Dans
certains cas cependant, il peut être bénéfique pour, par réaction,
stimuler l’évolution.
Cela veut dire que nous sommes sous le joug perpétuel de la
volonté du bout du monde, du processus de matérialisation et non
pas, comme nous l’aspirons, sous l’influence bien plus bénéfique
de la volonté de l’Absolu. L’aimantation, si l’on peut dire, donne
une direction imperturbable à notre involution générale,
direction immuablement tournée vers la matérialité, le grossier,
l’attachement matériel. C est pourquoi cela est la normalité. C’est
également pourquoi ceux qui veulent évoluer sont anormaux,
pour les autres, qui disent qu’ils sont fous ou sont masochistes
car, comment, si le processus d’involution nous est «
naturellement » collé à la peau, ne pas souffrir en vous
retournant, ce qui inversera vos habitudes, vos métabolismes ?
La grande harmonie cosmique qui s’étend jusqu’à nous et qui va
au-delà de notre dimension part de l’Absolu, c’est-à-dire du Tout,
de l’Un, pleine unité, pleine conscience, pleine volonté, qui a créé
des mondes en dedans de lui-même commençant par là l’octave
descendante.
La vie organique sur terre, notre propre existence d’homme, loin
de l’Absolu, est soumise à un nombre considérable de lois sans
rapport direct les unes avec les autres. C’est pourquoi tout arrive
à l’homme ordinaire qui, baigné dans ce nombre impressionnant
de lois, ne peut prétendre avoir sur elles un contrôle global : il est
lui-même une de ces lois.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 93

La situation serait désespérée si nous n’avions pas l’espoir et la


possibilité de nous sortir de cette prison. Comme nous l’avons
constaté, un grand choc est nécessaire à cette fin, qui nous
permettra d’échapper à l’influence involutive des lois
accidentelles par la pratique d’une méthode qui est d’abord le
travail sur soi, en vue de la connaissance de soi. Echapper au
principe de matérialisation est donc synonyme d’un contrôle sur
vous-même. Au plan cosmique, un tel changement exige un
important choc additionnel, qui s’effectue dès que se produit un
ralentissement des vibrations en présence, c’est-à-dire dès
l’amenuisement de la non-connaissance de soi ou, encore en
d’autres termes, dès la cessation de la suprématie de l’ego. Alors,
à ce moment se produit ce ralentissement, qui met le postulant
en position d’attente : en effet, il est inutile d’espérer que le
grand choc qui sera responsable de la catapulte de votre être
vienne tout seul, de lui-même, comme ça, par hasard.
L’homme ordinaire est condamné à suivre le courant général qui
baigne la terre ou, s’il se rebelle, à contredire ses propres
sympathies, ses convictions. Une troisième solution est
cependant possible pour vous, pour ceux qui veulent vraiment,
pour les sincères qui aspirent à l’Alchimie : cette solution consiste
à apprendre à reconnaître les intervalles dans toutes les lignes de
vos activités, et à créer des chocs judicieux. Dit d’une manière
autre, vous devez apprendre à appliquer à vos propres activités la
méthode dont les forces cosmiques font usage lorsqu’elles créent
leurs chocs, toutes les fois où ils sont nécessaires.
On ne peut apprendre cela qu’avec un maître, par la pratique qui
se traduit en efforts : d’abord reconnaître les manifestations
classiques de votre ego puis, à l’aide de chocs conscients et
parfaitement adaptés à votre évolution, apporter l’énergie inverse
par l’effort ou souffrance contrôlée.
Faire vraiment, c’est connaître les intervalles et être capable de
créer des chocs conscients, l’ensemble de ce processus étant le
travail sur soi, qui permet à votre essence de prendre le pas sur
votre ego, afin d’ouvrir l’accès à la transcendance. Mais on ne
peut comprendre cela que dans un mode de vie adapté, avec un
maître, parce que des conditions très précises doivent être
indispensablement réunies pour parvenir à un résultat qui ne
dépende plus de vos manies d’ego.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 94

La machine humaine, étant la réplique approximative des lois


cosmiques, comporte en elle les mêmes corrélations. C’est ainsi
que la chaîne harmonique cosmique se trouve en l’homme d’une
manière cachée, et que le travail sur soi éveille les justes énergies
afin d’autoriser à une circulation globale des principes vitaux.

Sur le plan cosmique, « se libérer » consiste donc à inverser la


polarité du magnétisme permanent oméga, pour en renverser son
sens vers alpha. En d’autres termes, il s’agit de se libérer de
l’influence des satellites. C’est la partie mécanique de votre vie,
vous l’aurez compris, qui est régie par le joug des satellites, de «
l’idiotie » (du particularisme).
Par malheur, nous avons tous été conçus et élevés dans le cadre
de ces influences néfastes, jusque dans nos organes, qui
métabolisent des substances ayant le rôle de fixer cet état plus
encore, et de le faire fonctionner pour les satellites, pour l’oméga.
Le travail sur soi a pour but de transmuter ces substances, d’en
annihiler certaines, de manière à engendrer une marche
complètement différente de vos organes et, par répercussion, de
votre vie entière.
La fine pellicule de la vie organique qui recouvre la terre est
complètement dirigée, dans l’évolution de son devenir, par
l’action du formidable électro-aimant de notre satellite - la lune .
C’est pourquoi elle est si importante dans la voie chymique, non
pas parce qu’elle est extraordinaire, mais parce que quelques-uns
des événements qui se meuvent dans la matière dépendent
entièrement de la lune, de l’oméga. Ces éléments, pour évoluer
comme il est nécessaire, ont besoin de parachever leur influence
lunaire, en vue de leur libération complète. Cela seul peut
changer le sens de l’aimantation.
Tout ce qui brille est dangereux : l’étoile des mages est
dangereuse, la lune est dangereuse, comme tout ce qui se voit,
tout ce qui séduit. Souvenez-vous, mes enfants, et n’oubliez
jamais au cours de tout votre labeur, de bien prêter attention à ce
fait, de ne jamais le délaisser ! La voie n’est pas dans l’étoile mais
par l’étoile. La voie n’est pas dans la lune, mais par la lune. Elle

94
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 95

est dans le vitriol ou lion vert, dans le caput mortuum, là où elle


ne se voit pas, où elle n’est pas évidente. A chaque fois qu’une
manifestation chymique vous paraît évidente, méfiez-vous-en
comme d’une femme séductrice, dont mon père me disait toujours
: « je préfère tenir dans les mains un serpent à sonnettes plutôt
que d’avoir affaire à un beau petit minois ».
C’est ici un autre grand secret de l’œuvre, qui est de bien
comprendre cela. N’oubliez jamais qu’il s’applique aussi à vous-
même. Par répercussion, aussi curieux que cela puisse vous
paraître, tous vos mouvements, toutes vos actions mécaniques,
pour lesquelles vous ne vous rappelez pas, sont dirigés par la
lune.
La chaîne de création est divisée en sept mondes qui sont les uns
dans les autres, pour lesquels il existe sept niveaux de
matérialité, c’est-à-dire sept grandes familles dont les différents
états dépendent directement des qualités et des propriétés de
l’énergie qui les habitent. Les modernes ont pris l’habitude de
penser en « matière », et d’affirmer que la matière est la même
partout dans l’univers. Il ne faut pas penser en concept « matière
», mais il est plutôt nécessaire de comprendre que la matérialité
de la terre n’est pas la même que celle de la lune, et qu’elles sont
toutes deux encore autres que celle des étoiles, et ainsi de suite.
La matérialité des mondes se situe bien plus par rapport à ce qui
les préside qu’en regard des propriétés intrinsèques des énergies
qui les meublent. C’est la raison pour laquelle les modernes ont
tant de mal à saisir ce mode de raisonnement, parce que leur
réflexe psychique immédiat est de s’en référer aux propriétés des
choses, et non pas à ce qui les anime. Nous, nous nous
intéressons à ce qui les anime, c’est pourquoi il ne peut y avoir
aucune comparaison entre les deux types d’analyse. Dans notre
cas, il est avant tout nécessaire de pratiquer un certain nombre
de métamorphoses en vous-même, afin de générer les substances
capables d’être le support psychique qui vous autorisera la vraie
compréhension de ce qu’est la matérialité. Ceci s’effectue par
l’ascèse pieuse et religieuse.
La matière est investie, avec les moyens modernes, à l’état
statique, car les instruments sont statiques. Il n’existe pas de
machine matérielle dynamique. Même les mathématiques, dans

95
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 96

une équation différentielle, n’expriment pas un mouvement


dynamique, mais seulement sa description. Pour saisir dans
toute son ampleur un mouvement dynamique, il est nécessaire
d’être aussi dynamique que lui, afin d’être baigné par la même
énergie qui le meut. Alors seulement votre observation sera
objective, réellement, parce qu’elle utilisera l’exacte vibration qui
entrera en résonnance harmonique avec le phénomène.
Tout dans le cosmos est matière en vibration. Ni matière d’un
côté, ni vibration de l’autre : le concept dualiste de la matière-
masse et de la matière-énergie est enfantin. Il ne s’agit, en
réalité, dans l’univers, ni de l’un ni de l’autre, mais des deux à la
fois judicieusement équilibrés. Vers l’Absolu, plus de vibrations
et moins de matière, puis en descendant la cascade des mondes,
moins de vibrations et plus de matière.

... Prendre conscience de la nullité de soi, plusieurs grands chocs sont


nécessaires ... Le regard solaire, ouvert au monde, par lequel « je » est mort,
voyant tout.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 97

La matière est un état de fixité vibratoire qui s’est installé sur la


même note des harmoniques ainsi décuplée, ce genre de vibration
a pu créer un centre de giration d’une telle densité qu’elle s’est
figée en un substrat matériel. Mais on se doute bien que cette
fixité varie, elle aussi, en montant et en descendant la cascade
des mondes. Cela veut dire que vers l’Absolu le phénomène est
rare - les vibrations vivent en pleine liberté, c’est pourquoi « vers
Dieu, on est libre » - alors que vers la lune ou les satellites, ce
phénomène est très courant, presque partout présent. Voici la
raison fondamentale pour laquelle les atomes des mondes ne sont
pas les mêmes du point de vue de la matérialité. Même pris au
sens plus moderne - comme division suprême de la matière et qui
identifie cette dernière d’une manière ultime -, les atomes de tous
les mondes se divisent encore, aussi choquant que cela puisse
paraître. Mais ils ne se divisent pas en quantité, ce sera toujours
les « électrons autour du noyau ». Ils se scindent en qualité et ce
faisant émettent un rayonnement ou, en d’autres termes, une
forme de vibration spéciale, capable de traverser les intervalles.
Identiquement en vous-même, le travail sur soi ou souffrance
contrôlée est capable, par friction des métabolismes engendrés
par l’ego d’une part (une somme d’habitudes qui se solde par les
vices) avec ceux issus de ce que vous voulez vraiment d’autre part
(de votre essence native non marquée par toute l’éducation) de
générer ce rayonnement, qui est une vibration ou une énergie
très subtile. La subtilité de ce rayonnement est telle qu’elle est
capable de recevoir, tout comme l’expérience à propos de
l’observation d’un mouvement dynamique dont nous parlions
plus haut, une énergie équivalente, réellement comprise et
vraiment vécue jusqu’au plus profond de vous : la grâce, par
exemple. C’est ainsi que chaque « état supérieur » est une
représentation d’une sorte de fréquence vibratoire qui existe
partout d’une manière omniprésente dans l’univers, et que vous
ne voyez pas à cause de votre sommeil. Mais, dès que vous aurez
acquis un certain stade de développement intérieur, vous aurez
généré en vous l’énergie capable d’assimiler authentiquement
l’état pour lequel vous avez payé de votre peine.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 98

Les différents efforts que l’homme entreprend sur lui-même, à


l’aide du travail, sur son ego, se traduisent par l’acquisition d’une
somme de vibrations ayant chacune leur identité du point de vue
de l’Absolu. Tout comme les matières fixes qui l’avaient rendu
captif de la lune, ces vibrations, je répète omniprésentes à
perpétuité dans le cosmos, ont une stabilité suffisante en
fréquence et en amplitude pour « durer » le temps requis pour la
transformation. Cette propriété qui leur incombe - leur stabilité,
comme Dieu à l’image de Sa fidélité - est apparentée aux degrés
d’évolution de l’être vers Lui. C’est l’accomplissement du
postulant, reflet très représentatif de ce qu’il faut vaincre en
vous-même pour monter les mondes.
C’est le sens précis et très exact de l’Echelle Sainte, sur laquelle
se trouve l’ange sonneur d’éveil, et dont il vous faudra gravir un à
un les barreaux au prix d’énormes sacrifices. Seule cette
ascension vous autorisera à saisir pleinement l’ampleur du sens
de la troisième planche du Mutus Liber dont nous avons déjà
parlé, et qui concerne tous les mondes.
Voilà qui nous amène à parler de quelques étapes importantes du
processus d’évolution humain, et notamment des différents corps
qui se trouvent dans l’homme.
Tout le monde a déjà entendu les termes « astral », « mental », et
d’autres noms qui voudraient décrire les différentes parties d’un
homme normalement équilibré du point de vue de l’être. Il existe
en effet quatre grands corps qui se trouvent en l’homme d’une
manière concentrique, tout comme dans l’univers et à son image :
le corps physique, dont le nombre de lois est celui de la terre ; le
corps astral, dont le nombre de lois est celui du soleil ou des
étoiles ; le corps mental supérieur, celui qui est la quête du
bouddhisme et qui est au niveau de la galaxie, régi par un
nombre de lois encore plus faible. Enfin, un autre corps dont très
peu d’hommes ont idée et qui est celui de la Sainteté ou de
l’Adeptat, très proche de l’absolu.
Il est évident qu’un corps peut atteindre un autre seulement si ce
dernier est parfaitement équilibré, entier et complètement réalisé
: c’est pourquoi il existe autant d’ambiguïtés sur toutes ces
choses, car elles sont analysées par des êtres incomplets au plan
simplement physique (au plan des hommes ordinaires), ce qui

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 99

donne les raisonnements grossiers et lourds sur la question que


l’on entend communément. Tantôt, d’autres hommes nantis du
corps supérieur parlent de l’autre sans le connaître, et nous
assistons au même phénomène mais à une échelle supérieure, et
ainsi de suite.
Plus important est de bien comprendre le principe de relativité
dans toutes vos investigations, principe qui dirige complètement
la quête de l’Alchimie. Je suis certain que vous approfondirez
vous-même toutes ces questions essentielles par le travail, et que
vous saisirez bien de quoi il retourne. Aussi, le plus simple est-il
d’arrêter un instant cette relativité sur l’homme ordinaire et de
transférer l’interrogation « où sommes-nous ? » à celle-ci : qui
êtes-vous ?

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 100

(prière )
D’autres s’installent.
Vous, Seigneur,
Vous m’avez dit de marcher.
Je te salue ...
Epoque où l’on obéit au mal comme avec plaisir
Je Vous salue .. . Marie,
- Lazare m’a convaincu. - Il est mort !
- Je n’étais pas là, mais il m’a convaincu
Lazare n’est pas mort.

Pourquoi retardes-tu cet instant ?

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 101

ÉTUDE DE SOI
Si l’on veut s’étudier soi-même, comme la Science l’exige - le
connaissant doit savoir qui il est -, une juste observation de soi
est requise. Dans ce domaine encore, « s’observer » est très
facilement interprété comme un acte simple, évident et
exécutable à la demande, qui donne l’illusion totale de se
connaître. « Je me connais bien », entend-on très souvent de la
part d’hommes ordinaires, n’ayant aucun contrôle sur ce qui leur
arrive en réalité. En effet, si l’homme s’observait
convenablement, il comprendrait parfaitement toutes les
connexions et les correspondances des diverses fonctions de son
corps, il comprendrait toujours pourquoi en lui tout arrive.
Et quelle est l’attitude automatique du moderne en face de la
question de l’observation de lui-même ? Il a une attitude
d’analyse, tout le contraire de ce qu’il faudrait, mécanisme
complètement dépourvu d’objectivité.
Effectivement, les investigations modernes, dues aux habitudes
de pensée de l’ego, ont rendu tous les modes d’observation
dépendants d’elles, et d’une dépendance nourricière. Ce qu’ils
appellent « analyse », par exemple, ou ce qu’ils nomment
autrement mais qui traduit exactement le même mouvement
psychique, est le mécanisme automatique suivant : « je » observe
« ça ». Il y a là deux objets, le « je » qui le reste sous prétexte
d’être objectif, et le « ça » qui est la chose à investir. Le rapport
des deux objets ainsi vécu n’apporte rien ni à l’un ni à l’autre,
parce qu’il n’y a aucune communication réelle entre eux, si ce
n’est qu’une opinion toute particulière du « je » à propos du « ça »,
opinion qui dépend bien entendu de la température, de l’humeur
du supérieur ou encore d’autres ficelles dont le «je » ignore
parfaitement les incidences profondes, tant il est affairé à se
considérer.
Ils appellent cela « analyser », ils décrivent le phénomène à
grands coups de valeurs hypothétiques, et ils arrivent à la
conclusion que la chose observée ne peut être que ce qu’elle est

101
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 102

selon leur définition subjective. Rendant le rapport, ils ont «


observé » le phénomène.
Je sais que vous avez du mal à admettre tout cela et, cependant,
je vous incite à vous observer vous-même justement à propos de
l’analyse. Que faites-vous lorsque vous analysez tel phénomène ?
Vous tentez de répondre aux questions du genre « qu’est-ce que
c’est ? » ou « pourquoi cela arrive-t-il ainsi et pas autrement ? ».
Et vous commencez à chercher des réponses à ces questions, en
oubliant complètement tout ce que vous avez fait ultérieurement.
Vous croyez que le fait observé tient le centre de votre intérêt,
alors qu’en réalité le véritable centre de gravité se trouve dans le
rapport réel qui existe entre vous et le phénomène, du point de
vue de ce que vous êtes en cet instant. Car si la chose observée ne
bouge pas, ou a ses propres mouvements, vous ne serez par le
même demain et vous n’étiez pas le même hier. Mais cela, vous
ne vous le rappelez pas, parce que vous n’avez aucune pratique de
la marche de vos fonctions principales. Il vous semble que vous
vivez dans la continuité, alors que vous avez changé du tout au
tout, en étant bien entendu persuadé d’être resté le même. Je
veux dire que tous les éléments de votre observation sont groupés
autour de votre subjectivité, et non pas - ce que vous souhaiteriez
pourtant - autour de la chose observée.
Si vous êtes honnête avec vous-même, vous saurez qu’il en est
ainsi et, le pratiquant, vous constaterez qu’en vérité la chose
observée passe au second plan, après « moi », après ce que je suis.
Mais «je » suis tellement habitué à ce mouvement mécanique que
« je » ne m’en rends même pas compte et que, si on me le met
sous le nez, j’aurais encore le toupet de le contester : on appelle
cela être parfaitement cristallisé.
Le fait observé passe donc au second plan, quand il n’est pas
complètement oublié ! Regardez combien de soi-disant «
observations » finissent par l’évidence que vous parlez de vous ...
Objectivement, votre prétendue observation, dans ce cas, reflétait
simplement le désir camouflé mais ardent de parler de vous,
ardent, car il a pris le stratagème de l’observation en guise de
camouflage. Tout se déroule ainsi en parfaite impunité
psychique, les gens se considérant les uns et les autres dans ces
sommeils profonds qu’ils nomment « conférence », « rapport
d’analyse » et ainsi de suite. Voyez en vérité comme ces gens-là

102
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 103

parlent le plus souvent d’eux-mêmes, comme ils se présentent,


comment ils marchent sur l’estrade, tout cela n’est que comédie.
On n’entre pas dans le Palais ainsi vêtu.
Bien plus, le moderne qui agit ainsi, croyant donc « observer »,
mais ne faisant en réalité qu’avancer les certitudes de son ego, se
met mécaniquement à chercher des réponses à ce qu’il constate
avec lesdites certitudes. Il en tire immédiatement ce qu’il appelle
des « conséquences », qu’il croit neuves mais qui, au fond, ne sont
que d’autres interprétations subjectives qui renforceront encore
le pouvoir de l’ego et de ce mécanisme automatique. Il n’est pas
sorti de lui-même, tout en étant persuadé d’avoir appris quelque
chose. Et ainsi de suite, tout ce qu’il nommera de cette manière
sa « connaissance » et qui, bien évidemment, n’a aucun rapport
avec la Connaissance : ce qui aurait un rapport avec la
Connaissance, c’est justement de se rendre compte de cet état de
choses.
Par l’analyse tel que vous êtes actuellement, non seulement vous
ne progresserez pas sur la connaissance de vous-même, mais en
plus vous renforcerez des habitudes qui rendront vos
métabolismes de plus en plus fixes, de plus en plus directeurs,
pour finir par être totalement esclaves de vos fixités et par là
servir au mieux la matière, les satellites, tout en étant certain de
« faire de l’Alchimie ».
Un autre effet des plus néfastes de ce genre de pratique
habituelle est que, n’étant pas le même qu’hier ni que demain par
instabilité de vos fonctions livrées à elles-mêmes, vous ne vous
rendez pas compte que la pratique de la fixité ( vos certitudes
analytiques) divise encore plus vos fonctions les unes des autres,
au lieu de les unifier.
Tout dépend de ce que vous êtes. Si hier vous étiez affectif, vous
analyserez un phénomène choisi selon. Si aujourd’hui vous êtes
intellectuel, vous l’analyserez d’une manière évidemment
différente. Et si demain vous êtes instinctif, ce sera encore autre.
Vous croyez bien entendu qu’il vous suffit de vous imposer une
vue dés choses intellectuelle pour qu’elle le soit. Par exemple, si
vous avez subi un grand choc affectif, vous croyez qu’il vous
suffit, en entrant dans la salle où sont réunis vos amis, de vous
dire que vous allez analyser les choses intellectuellement pour

103
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 104

que cela soit. Pas du tout ! Vous resterez affectif, dans vos
mouvements intérieurs, qui ne seront que la fonction affective
qui travaillera dans votre intellect : l’intellect ne sera pas le
maître d’œuvre.
Une telle attitude ne fait qu’aggraver la prédominance d’une
fonction sur l’autre, non les équilibrer entre elles. Plus vous irez de
cet avant-là, plus vous vous dissocierez en vous et moins vous
serez objectif. Moins vous serez objectif, plus vous serez fixe et «
idiot », plus vous serez certain d’avoir raison, alors que vous aurez
absolument tous les torts, pour finir comme tous les enflés.
Encore une prétention de l’ego, que celle de l’analyse. Vous vous
doutez bien que pour disposer du pouvoir d’analyse, il faut être
autrement objectif que vous ne l’êtes actuellement, surtout en
regard de l’Alchimie. Alors, pour le moment, je vous invite à
mettre de côté, et surtout à vous le rappeler, votre maladie de
l’analyse-réflexe.
L’analyse sera possible pour vous seulement plus tard, beaucoup
plus tard, lorsque vous aurez acquis une connaissance intime de
vos habitudes, de vos fonctions et de leurs connexions, afin
d’objectiver vos rapports avec les objets analysés.
Mais alors, comment faire ?

Seule la méthode des constatations peut avoir un sens pour vous.


Il faut que votre observation prenne une valeur réelle, et elle la
prend uniquement si elle est considérée dans ses rapports
intimes avec toute votre structure, non seulement dans le
moment présent, mais surtout dans ce qu’elle est appelée à
devenir.
Au cours de ces constatations, l’ensemble ne doit jamais être
perdu de vue : lui seul compte et lui seul est le centre autour
duquel tout gravite. C’est pourquoi je vous propose de laisser de
côté tout ce que vous croyez connaître de vous-même, c’est-à-dire
toutes vos constatations antérieures, sans pour autant les nier -
car comment feriez-vous pour vivre ? -. Ne rejetez rien, mais ne
prenez plus comme valeur centrale ce qui, pour vous, a été «

104
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 105

assemblé » d’une manière incomplète, erronée, ne pouvant servir


tel quel à votre évolution. Contentez-vous de constater seulement
ce dont vous êtes capable, ni plus ni moins, en évitant de donner
un sens précis à vos observations : constatez seulement que vous
êtes comme ceci, que vous avez fait cela, que vous êtes dans telle
ou telle humeur, tel ou tel geste, comme si vous vous regardiez de
l’extérieur.
Si vous marchez, constatez que vous marchez, si vous dormez, de
même, et ainsi pour tout ce que vous faites, pour tout ce que vous
aimez ou n’aimez pas, pour tout ce que vous pensez. Ne vous
identifiez plus, ne vous considérez plus intérieurement, constatez
seulement, et vous réduirez petit à petit l’écart qu’il y a entre
vous et la réalité suprême, pour un jour vivre votre grand
contact.
Faites le vraiment, chaque seconde, autant de fois que vous le
pourrez, durant des années, quelles que soient les situations dans
lesquelles vous vous trouvez, surtout dans celles qui vous
paraissent les plus graves, appliquez-vous encore, libérez-vous.
Vous verrez que cela vous paraîtra simplet, au début. La
profondeur de cette attitude consiste non pas en sa valeur
intrinsèque, mais bien plus en son temps d’application et en la
ferveur avec laquelle elle est vécue.
Apprenez à devenir patient. L’apprentissage indirect de la
patience fera éclater les limites de votre propre impatience,
même si vous la jugez insuffisante pour travailler au laboratoire.
Vous vous rendrez compte que ces petites choses sont très
difficiles et, si vous êtes sincère, vous commencerez par admettre
vraiment que nous sommes tous faibles, petits et malades. Priez,
dans ces moments de conscience, et je vous dis que vous recevrez
un grand présent.
Bien s’observer requiert donc l’union d’un certain nombre
d’informations, accompagnées d’un mode de vie particulier pour
soi, mais qui évite de quitter le monde. Il n’est pas nécessaire,
dans un premier temps seulement, de quitter le monde, de
s’isoler de tout, bien au contraire. Le monde tel qu’il est vous
offre d’innombrables chocs dont vous vous servirez pour vous bien
observer.

105
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 106

Votre premier travail, outre celui de la bonne manière de


constater ce que vous êtes, sera pour vous de vérifier toutes les
informations qui vous arrivent, car il est hors de question
d’admettre arbitrairement quelque chose. Je ne vous autorise pas
à prendre pour compte, sans aucune vérification, tout ce que je
vous enseigne dans ce traité. Il vous faut authentifier vous-même
tout ce que vous apprenez, non pas par la méthode bornée de
l’analyse dont je vous parlais plus haut, mais par celle des
constatations.
Je vais vous proposer un fonctionnement entièrement neuf de
votre machine humaine, pour lequel vous devrez constater
seulement toutes vos actions, au lieu de tenter une analyse qui
sera encore stérile objectivement. Les informations qui vont
suivre concernent les fonctions principales du corps humain du
point de vue traditionnel et non pas moderne, ainsi que les plus
immédiates transformations possibles.
Seul ce fonctionnement nouveau vous mettra en bonne position
pour travailler au fourneau, en vous évitant le maximum
d’erreurs issues du monde moderne et de son éloignement de la
Tradition.
Ne changez donc rien de votre vie présente, extérieurement.
Changez seulement votre manière intérieure de vivre. Sachez qu’il
vous faudra pour cela de l’énergie, du temps et aussi des
conditions spéciales, sans pour autant exercer le moindre acte de
laboratoire, ce qui est encore autre chose.
Si vous agissez comme il est requis, vous constaterez très vite
que vous vous endormez facilement : malgré toute votre bonne
volonté, vous observerez immédiatement une limite qui vous
semblera insurmontable, et vous aurez raison, car ce sera le
signe de votre sincérité, de votre bon zèle. Vous constaterez
également rapidement que seul vous ne pouvez rien faire, parce
que le système dans lequel vous êtes enchaîné est arrivé à un tel
point de cristallisation qu’il vous rend inapte à l’auto-évolution
spontanée.
Vous comprendrez alors qu’il vous faut deux sortes d’aide. Elles
concernent ce que vous pouvez vraiment faire par vous-même, et
ce qui requiert une présence extérieure à vous-même. D’une part,

106
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 107

toutes vos observations-constatations seront le bagage avec


lequel vous saisirez que dans l’ensemble de vos actes une grande
partie fonctionne abusivement, et qu’une autre partie ne marche
pas du tout. Mais cela est insuffisant. Il vous faudra, d’autre
part, une seconde aide, celle des conditions extérieures par
lesquelles vous ne pourrez plus vous endormir, dans lesquelles
quelqu’un sera là pour vous aider à vous éveiller, à maintenir le
cap. Sans cette aide, tout votre travail d’observation reste stérile
car, qu’en feriez-vous ? Vous ne savez pas encore comment vous
servir de vos constatations. Un maître doit être là non pas pour
vous dire ce que vous avez à faire - la sectomanie - mais pour
vous placer dans de judicieuses conditions qui, toujours par votre
propre travail, orienteront vos constatations vers des actes dont
vous serez vous-même le maître.
Trouver un tel être deviendra pour vous la chose la plus
impérieuse.

C’était la raison d’existence des écoles traditionnelles,


aujourd’hui complètement disparues. Ces écoles, dont l’Egypte
était le berceau en ce qui concerne l’Occident, n’avaient rien du
caractère miraculeux qui auréole, dans la plupart des pensées
modernes à ce sujet, les recherches des pseudo-aspirants. Une
école où l’on apprend à être soi-même n’a rien de miraculeux. Elle
commence par le monde tout court, dans lequel la vie elle-même
est l’école. Ensuite, elle continue avec ceux qui se sont mis en
route, parce que l’ensemble des processus de la vie du monde
endormi est bloqué quant à son évolution possible. C’est le sens
de la vie commune avec les Frères.
Sans l’aide d’une école, l’homme ordinaire ne peut pas
comprendre comment fonctionnent les mondes et, d’une manière
analogique, comment s’engrènent ses directions métaboliques
optimales, pas plus que l a grande loi des intervalles, ni le sens et
la nécessité des chocs ainsi que l’ordre dans lequel ils doivent être
créés, et ainsi de suite. Seule une école peut réunir les conditions
requises, favorables à un bon travail, pour ceux qui se sont déjà
avancés sur le chemin.

107
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 108

Elle est organisée sur des bases justes, selon la Tradition. Elle
n’est pas la vague régurgitation d’un amalgame de données
traditionnelles piquées ça et là et regroupées très
dangereusement dans toutes les sectes modernes.
Une école est calquée, dans sa structure, sur la loi des intervalles
et des mondes. Son organisation ne peut échapper à cela. Si elle
n’est pas très exactement le reflet fidèle de la réalité cosmique,
dans les moindres détails de son agencement, elle ne peut
recevoir le qualificatif de « traditionnelle ».
Les écoles servaient de basse dynamique à l’enseignement des
religions. Même celle du Christ ( Saint soit Son nom ), qui ne
portait pas le nom d’« école », en était néanmoins une. Elles
enseignaient toutes l’aspect verbal des préceptes de Dieu, la
forme dynamique, essentielle, authentique. De nos jours, faute
d’éveil, il ne nous reste que les dogmes et les livres : très peu
d’hommes religieux sont éveillés ; c’est pourquoi la Tradition se
perd : elle se perpétue uniquement par le dogme. Sans le Verbe,
elle n’est qu’une religion avortée de l’essence, coupée de la source.
Rites et cérémonies ont une valeur seulement s’ils sont pratiqués
sans être coupés de la source, par des hommes éveillés. Sinon, ils
ne rayonnent que d’animisme, d’imitation ; ils ne portent pas
ainsi le pouvoir de transfiguration. Ils sont aujourd’hui devenus
stériles, inopérants, ennuyeux et incompréhensibles.
En effet, toute Tradition digne de ce nom comporte deux volets.
Le premier est ce qui doit rester fixe pour la transmission, d’une
manière indéformable, ininterprétable : le dogme. Le second est
comment faire ce qui est dit par le dogme.
Les hommes ordinaires « religieux » croient qu’ils savent encore
comment faire. Par exemple, ils disent que pour trouver le silence
propice à la prière, il faut éviter dans un premier temps la
calomnie. Alors, ils s’abstiennent de calomnier un jour ou deux,
ou lorsqu’ils y pensent. Au bout de dix ans de cet exercice livré à
lui-même, ils acquièrent un semblant de dignité intérieure. En
réalité, rien n’a contrôlé vraiment si au fond de leur ego la
calomnie ne continuait pas d’une manière encore plus insidieuse.
C’est avec ce genre de pratique, privée de la source d’hommes
éveillés, que les religions ont pu former des monstres de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 109

suffisance qui clament partout qu’ils sont dignitaires des dogmes.


Du sommeil, rien que du sommeil.
Comment faire ne peut être enseigné que secrètement, à des
hommes qui le veulent vraiment, qui sont capables de se rendre
compte de ce qu’ils doivent payer pour cela en efforts et en
souffrance. Seuls ceux-là éviteront le matérialisme religieux, ou
la fabrication de ces « religieux » qui sont des fonctionnaires et
dont les intentions ne sont espérées que pour eux-mêmes. Car,
comment voulez-vous qu’un homme endormi par les caprices de
son ego, quand bien même porterait-il le titre de Monseigneur (
n’oublions pas, cependant, qu’il y eut parmi eux des martyrs et
des saints ; ce ne sont évidemment pas de ces Pères que nous
parlons, mais de ceux qui n’ont en réalité pas dépassé le
matérialisme religieux ), éveille de vrais hommes qui aspirent à
l’authentique connaissance ? La plupart de ces gens ne savent
pas comment faire. Ils sont livrés, eux aussi, aux plus subtils
vices de la personnalité, ils sont « arrivés ». Par contre, d’autres
ont pu recevoir l’enseignement de personnes éveillées. Mais ils ne
sont peut-être que de simples moines ou petits laïcs « sans
importance ».
Lire les préceptes du Christ ( que Dieu Le garde) n’est pas les
appliquer. Il dit, par exemple :
« aimez-vous les uns les autres ». Vous rendez-vous compte de ce
que cela veut dire ? Etes-vous_ capable d’aimer vraiment tout le
monde ? Vous ne porterez le titre, la gloire, l’état de chrétien
seulement le jour où vous aimerez comme Jésus ‘f’ le commande.
En attendant, ne dites plus « je suis chrétien » mais plutôt «
j’espère être chrétien ». ,
Cela vous semblera futile, que de prêter attention à des faits si
insignifiants. Pourtant, voilà qui est majeur, car dans
l’affirmation « je suis chrétien », on n’y trouve pas les traces de ce
qu’il faut faire pour être chrétien. Au contraire, la proposition «
j’espère être chrétien » sous-entend un certain nombre
d’interrogations, dans lesquelles les chocs sont possibles. Vous y
aurez pensé, alors que l’assertion précédente n’est qu’une
vulgaire identification.

109
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 110

Et il en va ainsi de tout, de votre travail - êtes-vous médecin,


psychologue, mécanicien, libraire, ... ? Vous astreignez-vous au
contraire à une discipline qui révèle au fond le dynamisme que
vous recherchez ?

Nous avons souligné comment, dans la vie ordinaire d’un homme,


le mensonge et la vérité n’ont aucune valeur directionnelle, car
tout lui arrive, et ses options sont tantôt celles de son intellect,
tantôt celles de son affect ou encore d’une autre fonction
organique.
Par le fait que tout lui arrive, il devient très difficile à cet homme
de dire la vérité. Il croit dire la vérité s’il le désire, pensant qu’il
suffit de le vouloir pour le faire convenablement. En réalité,
comme tout est subjectif en lui, ce sera son point de vue du
moment, ses opinions, et non pas la vérité. Ce sera tel événement
accidentel qui lui fera dire tel type de « vérité » à ce moment et,
un autre instant, telle autre expérience, tout cela sans qu’il s’en
rende compte et sans qu’il ait la moindre maîtrise sur cette
question.
Pour apprendre à bien dire la vérité, un homme doit
nécessairement trouver en lui tous les mensonges dans lesquels il
se complaît, qu’il camoufle habilement. En effet, reprenons
l’exemple du religieux qui l’est par arrivisme. Il sera capable de
déclamer de grandes prières devant tous, de les réciter, sans pour
autant en éprouver le moindre contenu. Si vous lui dites qu’il se
ment à lui-même, cet homme ordinaire vous conseillera d’aller
vous confesser parce que vous l’aurez blessé. Un tel homme ne se
rend pas compte qu’il passe à côté d’une évolution possible pour
lui. Au lieu d’admettre qu’il dit ses prières comme une machine
afin de passer pour un bon chrétien - ce qui sert son ego pour les
raisons intimes qu’il connaît -, il se mettra en colère et vous
jettera fièrement que vous n’avez aucune expérience des prières.
Il passera à côté de son évolution parce qu’il aurait eu, à
l’occasion de ce choc, la possibilité de voir qu’il se ment à lui-
même. Bien plus, il aurait pu observer qu’un dispositif spécial est
confortablement installé aux portes de son ego pour protéger ce
mécanisme.

110
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 111

Ainsi en est-il de vous-même, de votre vie. Vous avez tous ces


dispositifs qui vous permettent d’avoir toujours raison et de ne
pas voir que vous vous mentez. Ces dispositifs sont bien ancrés,
ils ont leurs propres lois, ils sont métabolisés en substances qui
font fonctionner vos organes, ce qui fait que vous ne les voyez pas
habituellement, ils font partie de votre vie. Le jour où vous les
découvrirez, inévitablement, vos métabolismes changeront de
forme et vous souffrirez dans votre chair. Le refus de la
souffrance est la reconnaissance indirecte du désir de maintenir
ces mécanismes.
Pour arriver à anéantir vos mensonges, il vous faut faire le
sacrifice de ces mécanismes : ils doivent être détruits, afin qu’ils
ne commandent plus automatiquement vos actions, vos pensées,
vos sentiments. Vous apprenez de cette manière à acquérir de la
vraie volonté
En effet, détruire d’un côté ses mensonges et les mécanismes qui
les protègent revient à créer de la volonté, mais non pas de cette «
volonté » dont vous vous affublez, variant au gré des événements
qui vous arrivent. Je vous parle d’une volonté irréversible,
métabolisée dans vos cellules, celle qui est requise pour l’Art.
La volonté ne peut pas être créée sur commande par un homme
mécanique. Il lui faut équilibrer judicieusement le sacrifice des
mécanismes protecteurs de mensonges avec ses possibilités
réelles. Cela ne peut se faire que dans une école, avec un guide
qui a expérimenté ce travail.
C’est pourquoi la classe préparatoire d’une école traditionnelle
est celle qui détruit les mécanismes : car, pour ce bien faire,
l’homme doit être capable de se soumettre à la volonté d’un autre,
puisqu’il n’a pas acquis lui-même cette volonté.
Je sais combien cela vous est difficile. Je sais aussi que certains
attendent que je leur propose la résurgence d’une école
traditionnelle. Voici qui est illusoire, parce qu’en lisant ces lignes
et en les comprenant, vous êtes déjà aux portes de l’école.
En général, vous ne comprenez pas pourquoi une telle obéissance
est d’abord exigée. Vous ne comprenez pas que, lorsque vous
décidez de changer, votre vouloir est encore accoutumé à la
valeur de vos propres décisions, à ce qu’il faut justement changer.

111
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 112

Vous êtes soumis au réflexe de croire que par le fait de vouloir


changer, vos décisions sont correctes et que, par conséquent, vous
avez de la volonté. Vous ne croyez donc pas à la nécessité d’obéir
ou de vous soumettre à la volonté d’un autre, parce que vous ne
comprenez pas que, prenant cette décision, vous devez sacrifier
vos décisions. Cela vous semble contradictoire. En réalité, c’est la
continuité de cette logique qui vous révèle que vous êtes dans le
même système, qui se transforme tel le caméléon, et qui est
complètement dépourvu des intervalles. Vous devez vivre une
vraie séparation, un authentique intervalle ; et ce n’est pas en
continuant à projeter vos habitudes mentales que vous y
arriverez.
Comprenez que vous devez inévitablement passer par une
incompréhension totale de vous-même et que, pendant ce temps, il
faut qu’un autre être vous guide en portant votre lampe. C’est le
fait de vivre pleinement cette incompréhension, aussi insensé que
cela puisse vous paraître maintenant, qui vous révèlera que vous
êtes dans un intervalle et que vous pourrez agir efficacement
avec les chocs. C’est seulement comme cela que vous ressentirez
qu’auparavant vous n’existiez pas.
Mais, pour en arriver là, vous devrez réaliser votre propre
nullité. Seule la connaissance de votre nullité vous permettra de
trouver celui qui vous aidera à porter votre lampe. Observez déjà
combien les mécanismes dont nous parlions plus haut empêchent
d’aboutir à cet état. Ces mécanismes renforcent l’illusion que
vous avez de vous-même et ce sont eux qui sont responsables de
vos peurs, ce sont eux qui sont à l’origine du fait que vous vous
accrochiez.
A ce stade vous avez peur. Peur que celui qui porte votre lampe
vous pousse à faire des choses que votre morale réprouve, peur de
perdre votre bon sens, peur de ne plus être ce que vous croyez
être. Cette menace renforce en vous l’illusion que vous avez des
principes auxquels vous tenez au péril de votre vie. Vous ne vous
êtes vraiment jamais soucié de vous auparavant, du point de vue
de votre réelle évolution, et voilà qu’en vous montrant ce que
vous cherchez, en vous démontrant qu’il faut sacrifier vos
mécanismes en vous soumettant à la volonté d’un autre, vous
commencez à craindre que l’on vous force à faire des choses
illicites. Alors que vous avez menti la plupart du temps, alors que

112
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 113

vous avez triché en vous le plus habilement pour conserver vos


privilèges, voilà que vous craignez celui qui vous dit la vérité, ou
que vous écartez de votre chemin les chocs qui ont pu vous mener
là.
C’est pourquoi je vous demande de ne rien entreprendre par
vous-même sans l’avoir vérifié, pas plus que d’agir seul, car vous
vous perdriez. Si un organe particulier a été touché en vous par
mes mots, la Providence vous mettra sur le chemin d’une école
traditionnelle. Si vous décidez de la chercher vous-même parce
que vous voilà intrigué de toutes ces choses pour votre profit
personnel, vous irez rejoindre une secte.
Je vous en ai dit suffisamment pour que cet organe soit sollicité.
Il déchargera dans votre sang des substances qui réagiront
inévitablement sur votre système endocrinien, et votre équilibre
hormonal changera, vous offrant, selon vos possibilités et selon la
sincérité avec laquelle vous quêtez la Dame, les conditions
nécessaires pour trouver une telle école.
Mon fils, les ordres sont stricts. Je n’ai pas le droit d’en dire plus
sur le sujet. Soyez patient.

Ils constatent
Lorsque je vous disais que vous étiez déjà à cette école de la
connaissance, vous l’êtes seulement si vous voulez vraiment
comprendre de quoi il s’agit et si vous avez généré un mouvement

113
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 114

intérieur irréversible qui ne vous laissera plus jamais comme


vous étiez auparavant. Car lire seulement ces lignes et les
interpréter avec vos jugements n’est pas être dans cette école, ni
même le début d’une école.
Une école exige une contrainte de travail très grande. La juste
vision de vous-même requise pour l’Alchimie n’est pas donnée
spontanément. Continuellement vous êtes cerclé dans le désordre
de vos agitations personnelles que vous prenez le plus souvent
pour vos options de vie.
D’autre part, je vous proposais un nouveau système d’observation
de vous-même qui consiste en constatations successives. Vous
verrez très vite que vous serez incapable de faire durer cette
observation : ce sera votre plus grand obstacle et c’est à ce
moment que vous pourrez mesurer votre mécanicité et votre
sincérité. Si cette difficulté prend le dessus et vous pousse à
oublier, ou à laisser de côté l’observation de vous-même, cette
faiblesse vous révèlera que vous dormez et que vous retournez
dans le confort de votre situation précaire. Vous pourrez observer
alors - et vous reprendrez ainsi le pas - que votre sens mécanique
du jugement se trouve fortement sollicité, et qu’une envie
irrésistible de juger vous envahit, tellement irrésistible que vous
lui donnez indubitablement un sens de « vérité ». L’intensité de
cette pseudo-vérité sera à la mesure de votre faiblesse : plus vous
serez tenté de perdre le fil, plus vous trouverez des arguments
qui vous paraîtront vrais, et plus vous dormirez.
Une seconde difficulté vous paraîtra insupportable. Vous vous
apercevrez bientôt que, même en faisant de gros efforts,
l’observation de vous-même est fastidieuse, longue et pénible.
Après une certaine verve initiale, votre souffle s’éteindra peu à
peu, votre intérêt tombera insensiblement et un autre type
d’échappatoire surgira. En effet, alors que le précédent type
d’échappatoire faisait appel plus à la considération de soi-même,
ce dernier a sa source dans les processus d’identification. Vous
oublierez que ce travail d’observation a été décidé par vous pour
répondre à vos aspirations les plus profondes. Vous vous le
rappellerez avec votre tête et cependant, vous ne pourrez rien
changer à votre faiblesse. Vous le savez et vous vous en
détournez. Quelque chose d’autre en vous a plus d’intérêt, plus
d’attrait et, d’une manière insensible, a détourné votre attention

114
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 115

petit à petit sans que vous vous en rendiez compte. Vous


constaterez que vous vous êtes laissé prendre par le cours de la
vie extérieure, par d’innombrables identifications, qui ont fait
resurgir en vous vos anciens mécanismes, vos vieilles habitudes
éducatives : vous vous serez endormi à nouveau, et il faudra
qu’un autre que vous vous administre un choc pour vous réveiller
encore.
Placé dans cette situation, vous ne comprendrez pas ce choc, vous
le prendrez pour une provocation, oubliant complètement vos
profondes aspirations d’antan. A ces moments, le maître devient
très gênant, il est insupportable, il s’intéresse à tout et vous
ennuie ; vous le jugez, vous vous fâchez et vous pouvez même le
traiter de tout.
Vous recommencerez à estimer, à juger, tout en étant persuadé
d’être objectif. Vous trouverez que le maître se mêle de ce qui ne
le regarde pas, pour, un beau jour d’idiotie, décréter que ce
maître-là ne peut pas en être un, puisqu’il vous dérange. En
réalité, vous estimerez qu’il est comme ceci ou comme cela, vous
estimerez sa valeur, oubliant que vous lui devez tous les chocs,
oubliant que vous le lui avez demandé, oubliant que vous l’aviez
décidé en vous-même.
Et puis, l’inertie du sommeil aidant, vous en viendrez à vous
demander pourquoi, fichtre, vous aviez entrepris pareille
recherche, et d’en parler aux autres en le colportant, pour décider
plus tard d’enfermer le maître en maison de santé. Vous
retournerez bien vite à vos livres d’Alchimie ( à votre fauteuil en
réalité ), rêvant de devenir un grand chymiste, exerçant le
mécanisme le plus néfaste qui existe sur terre et qui est
responsable de tout le sommeil : l’imagination, fainéantise de
l’intellect.
Vous vous retrouverez en hordes dans les salons parisiens à
caqueter d’Alchimie, du grand fou Solazaref - ou d’un autre, peu
importe - qui voulait vous « réveiller », direz-vous à l’aide d’un
sourire mesquin. En réalité, vous serez mort.

115
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 116

Même si vous avez éprouvé un vif désir d’éveil, vous ne pourrez


faire autrement que de constater un jour que ce désir s’épuise, ou
que l’attention nécessaire pour le voir s’use. D’où vient cette
fugacité ? Par quels moyens pourriez-vous la contraindre ?
L’attention dont vous avez besoin est nouvelle. Vous n’y étiez pas
habitué, c’est la raison pour laquelle elle est si difficile. Comment
pourriez-vous courir d’un jour à l’autre un cent mètres en dix
secondes ? Il en va ainsi de tout, même de la conscience, parce
que nous sommes matérialisés et que nous devons en passer par
des transformations organiques.
Lorsque vous observez communément quelque chose, vous
plaçant dans le système d’analyse « je » et « ça » précédemment
décrit, vous savez que le type d’attention requis est très faible,
très spontané. A l’opposé, pour pratiquer la juste observation de
soi par constatations successives, vous expérimentez un autre
mode d’attention, qui demande beaucoup plus d’efforts qu’à
l’habitude, plus de persévérance, plus d’acuité, une sorte
d’attention perpétuelle, toujours liée au présent, qu’il est
impossible d’oublier : cette sorte d’attention vient de l’être. C’est
elle qui est abondamment pratiquée avec le Zen et chez les
Bouddhistes.
N’allez pas imaginer que je veux vous orientaliser. Tout est dans
tout et chaque savoir de la terre doit être reçu comme une grâce,
un bienfait, une leçon. Pourquoi l’Orient ne nous apprendrait-il
pas quelque chose ? Pourquoi nos systèmes seraient-ils meilleurs
qu’ailleurs ? Nous avons tout à apprendre, sans pour autant nous
transformer en ascètes, champions de tous les dogmes de la terre.
Vous verrez plus tard que les systèmes religieux ne se
contredisent nullement, bien que vous croyiez actuellement le
contraire. L’Islam a des méthodes d’enseignement qui vous
seront utiles à un moment donné ou à un autre, le Bouddhisme
aussi, autant que l’Hindouisme. Ces systèmes sont simplement
adaptés à la géophysique, aux mœurs, aux peuples, à leur
identité et à leur évolution du point de vue cosmique.
Cependant, nous n’avons pas, en Occident, à nous transformer en
orientaux ni en sectateurs de telle ou telle mode philosophique.
Nous ne visons pas les détails. Notre objectif est l’essence des
choses : vous vous apercevrez bien vite que toutes les religions

116
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 117

enseignent le non-ego et les moyens d’y parvenir. C’est la


mystique qui les relie toutes, et seul ce dynamisme nous
intéresse. Nous y reviendrons.
Nous disions plus haut qu’une nouvelle attention vous est
demandée : dans la véritable observation de vous-même, vous
devez être présent pendant cette observation. Identiquement, pour
les choses, vous devez être présent avec les choses que vous
observez, c’est-à-dire ne plus entretenir la distance qui vous
sépare de l’objet observé.
Cela suppose une stabilité. Cet état ne vous est pas donné
naturellement, il vous faut l’acquérir. Mais rien de cela n’est
possible pour vous, maintenant. La seule démarche qui vous est
actuellement permise est d’observer ce qui empêche cette
stabilité.
Pourquoi ne pouvez-vous pas maintenir cette nouvelle
observation ? Pourquoi oubliez-vous un certain temps ? Pourquoi
changez-vous d’avis et vous laissez-vous happer par quelque
chose qui a plus d’intérêt apparent ?
Qu’est-ce qui, en vous, vous empêche d’avoir une stabilité
permanente, qui se traduirait par des enchaînements
métaboliques ayant pour pôle d’autres constantes biologiques ?
Une juste observation de vous-même vous amènera à constater
que vous voyagez d’une manière perpétuelle dans divers états qui
sont apparentés aux principales fonctions organiques d’un
homme ordinaire. Il pense, il aime, il bouge, il se reproduit et un
certain nombre de mécanismes lui sont instinctifs. Toutes ces
attitudes ont pour lieu de conception des endroits du corps qui
ont le rôle d’assurer leur maintien, leur nourriture et leur
évolution.
C’est ainsi que l’intellect a pour siège le cerveau, l’affect a le sien
au plexus solaire, la motricité est centrale dans la colonne
vertébrale, avec l’instinct. Ce que vous êtes seconde après
seconde est tantôt du côté de l’intellect, tantôt de l’affect, et ainsi
de suite, selon ce qui vous arrive.
La raison majeure de l’instabilité de l’attention tient dans le fait
que ce que vous êtes dans vos différentes fonctions organiques est

117
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 118

aléatoire, subissant la loi d’accident, livré à n’importe quoi, au


gré des événements qui viennent. L’observation pratique de vous-
même consiste dans un premier temps à constater dans quelle
fonction organique vous êtes « tombé ». Elle commence ainsi par le
plus simple, par la lutte contre les enchaînements habituels qui
vous font apparaître tel que vous semblez être. Seulement, elle
n’est possible que si vous reconnaissez que votre instabilité vient
de ce que vous voyagez accidentellement dans vos fonctions
organiques, ce dont vous êtes prisonnier. Elle est impossible si
vous analysez intellectuellement la question, parce que vous ne
serez pas présent à vous-même, le processus continuera en réalité,
bien que vous croyiez l’investir.
Ce long travail exige de l’assiduité : à tous les instants de votre
vie, il vous est demandé de constater si vous pensez, si vous
aimez, si vous bougez, et ainsi de suite. Seul ce type d’observation
vous permettra de séparer en vous le subtil de l’épais, de prendre
connaissance, à la longue, des fonctions qui travaillent les unes
dans les autres et qui sont à la source du manque de
discernement.

Vous découvrirez que la pensée est très polluée par toutes vos
interprétations, par des années de jugement, par d’innombrables
routines mentales. De même, le sentiment, votre affect, a été
secoué, il a plus subi qu’il n’a généré, il a vécu plus pour lui que
pour les autres. Reste la motricité, le mouvement, qui est le plus
facilement observable.
Je vous invite à commencer par là. L’observation de vos
mouvements est relativement aisée, parce qu’elle peut être
entreprise efficacement en contrariant volontairement telle ou
telle attitude corporelle néfaste et habituelle. Votre démarche,
votre façon de manger, vos gestes professionnels, tout cela est fait
de multiples habitudes dont le changement provoqué peut servir
de support à vos constatations. Si vous l’exercez vraiment, vous
verrez bien vite combien vous êtes enchaîné à une gestualisation
mécanique, reflet exact de tout votre sommeil.

118
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 119

Pourquoi êtes-vous tendu, pourquoi courez-vous en montant les


marches, pourquoi tapez-vous du pied en attendant quelqu’un ?
Constatez-vous que vous avez allumé votre cigarette, constatez-
vous que votre visage s’est figé dans cette petite grimace en
voyant quelqu’un que vous n’aimez pas, constatez-vous que vous
venez de regarder votre montre ?
Les contraintes de la vie extérieure, ce que vous appelez les «
nécessités », ont complètement modifié votre gestualisation. La
profession, la situation qu’il ne faut pas perdre, les impôts à
payer, ... , font que vous ne pensez plus qu’à cela, et que toute
votre motricité, vos mouvements sont en rapport. En vieillissant,
une somme d’attitudes a été prise et fixée métaboliquement dans
vos organes, petit à petit, ce qui fait que vous ne pouvez plus
retrouver un état de présence corporelle normal en regard des
gestes de laboratoire qui sont naturels.
Quand vous faites une chose, faites-la avec tout votre être. Une
seule chose à la fois. Concentrez-vous sur les gestes. Observez en
vous les irritations que cela provoque, et vous aurez en face de
vous ce que vous êtes dans l’ego. Ce sera la connaissance de vous-
même. Attachez-vous à ce solfège du corps que sont les
mouvements. Les danses sacrées avaient ce rôle, chacun devait
les pratiquer.
Exercez-vous au stop. Je sais que c’est un genre de luxe, que de
s’interroger, que de s’arrêter au milieu de la course folle des
modernes, mais il le faut. Stoppez. Arrêtez-vous. Interrogez-vous
sur ce que vous faites, comme si vous étiez figé par de la glace.
Rappelez-vous.
Je dis que c’est un genre de luxe, vu du monde, parce que
l’impression du social, le courant de la suggestion permanente est
tellement grand que chacun est au pouvoir de ses phantasmes
individuels et collectifs : s’arrêter demande une attention, une
mobilisation de tout votre être. Mais c’est seulement par cette
mobilisation que vous apprendrez à vous connaître.
Si vous tenez compte de la force du courant qui vous a mécanisé,
vous comprendrez immédiatement qu’il vous est impossible de
vous en sortir sans l’exercice d’un contre-courant, d’une influence

119
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 120

ayant une force extraordinaire, pouvant s’opposer à tout votre


conditionnement qui résulte d’années d’habitudes.
Vos gestes sont le reflet de votre mécanicité. Etant ce que vous
êtes, les choses inexorablement, ne peuvent être, elles aussi, que
ce qu’elles sont. Chaque race, chaque époque, chaque pays et
chaque profession a son répertoire de gestes qui lui sont propres.
Chaque homme, chaque femme a son répertoire défini de rôles.
Vous avez une attitude que vous adoptez mécaniquement pour
chaque circonstance de la vie. Tous vos mouvements sont
automatisés et, par répercussion, vos pensées et vos sentiments
le sont d’une manière similaire. Toutes vos attitudes
intellectuelles, affectives ou autres sont l’image d’un certain
nombre de gestes qui reflète votre mécanicité.
Seule une connaissance directe et globale de vos postures
automatiques, à l’aide du stop, de la constatation motrice, vous
permettra de vous affranchir de ces routines et de vous libérer du
joug de la lune.
L’étude du mouvement vous fera découvrir un ordre intérieur
différent, ce que j’appelle vos véritables fonctions organiques.
Elle vous révèlera qu’au-delà du cercle étroit de votre répertoire
gestuel, il existe d’autres mouvements, d’autres attitudes que
vous ne soupçonnez pas, liés à des états de conscience plus
subtils où toutes les fonctions organiques sont équilibrées.
Cela vous permettra d’acquérir la stabilité requise, un état d’être
permanent.
Mais, mon fils, l’instigateur de ce contre-courant est votre maître.
Il doit vous surveiller, vous corriger, vous faire stopper lorsque
vous n’y pensez pas, vous démécaniser. La longue ceinture des
moines sert à cela, au rappel, le maître des novices la tirant
lorsque le moine dort. C’est aussi le sens du bâton Zen, des
clochettes orthodoxes. Cherchez l’école, mais n’oubliez jamais que
l’éveil n’est pas un but en soi.

120
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 121

Chaque homme ordinaire, celui pour lequel tout arrive, celui qui
involue selon les phénomènes de destruction mécaniques, est
livré aux variations accidentelles de ses fonctions organiques, vis-
à-vis desquelles il a toujours un attachement selon son type et sa
formation éducative.
En effet, les modernes peuvent être regroupés en trois familles
approximatives, ayant toutes leurs traits distinctifs. En réalité,
chaque homme n’appartient pas intégralement à l’une de ces
familles ; il existe des coupures, des mélanges. Mais tel que vous
naissez sur cette planète, du fait de votre code héréditaire et plus
tard par le milieu, votre mécanicité « évolue » plus vers un type
d’individu que vers un autre, type qui appartient à l’une des trois
grandes familles humaines.
Bien des modernes n’acceptent pas d’être classés de la sorte, et
pourtant, tant qu’ils resteront ce qu’ils sont, cela est inévitable,
même s’ils ne le veulent pas, car ce classement n’est pas une
invention humaine : il constate des faits observés et en tient
compte selon ce que les gens sont dans la vie et sur le plan
organique, et sur celui de ce qu’ils font. D’ailleurs, ces trois
groupes sont analogiquement ceux que quelques médecines
reconnues ont pu mettre en évidence ( par exemple la grande
médecine chinoise, ou l’homœopathie d’Hanemann ).
C’est seulement à partir du moment où un être devient conscient
de lui-même, qu’il commence à créer des chocs pour monter les
mondes, que cet être échappe à son règne et qu’il rejoint d’autres
états que les médecines précitées n’ont pas pu observer - cela
n’était pas leur rôle -.
Ce classement est en fait celui des signatures. Nous avons dit que
la métabolisation des habitudes s’effectue jusqu’aux fonctions
organiques, qui génèrent leurs substances, elles-mêmes servant
de matériaux de construction à notre peau, à notre squelette, et
ainsi de suite. Ce que nous sommes reflète l’exact état de notre
avancement cosmique. Nos habitudes, nos vices et notre
éloignement, ayant créé des substances entrant comme les autres
dans les circuits de nos constructions organiques, ont marqué nos
corps de leur signature, ce qui fait que nous appartenons à l’un
des trois règnes que nous allons décrire.

121
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 122

De plus, nos ascendants, ayant par sommeil péché contre l’Esprit,


ont subi par ce fait le prolongement de l’ordre divin relatif aux
fautes contre l’Esprit : « tu es marqué et tu marqueras ta
descendance ». En nous concevant, ils nous ont transmis leur legs
à la fois positif et négatif, ils ont marqué nos fonctions primitives
de leur signature. Voilà qui sert de base très efficace à nos
propres habitudes, qui trouvent là le terrain rêvé de leur
fermentation et de leur culture. L’homme ordinaire, comme il est
pris dans la spirale destructrice de la matérialisation, renforce
toutes ces choses et les cristallise plus encore par ses routines et
sur sa descendance.

Quittez cet homme-là.


C’est l’observation de l’ordre des fonctions organiques des
hommes mécaniques qui a permis ce classement, parce qu’elle a

122
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 123

donné les éléments nécessaires à sa détermination. Le moderne


est tombé dans un de ces trois règnes par morbidité, il s’y est fixé,
il en reste prisonnier par les habitudes métaboliques qu’il a lui-
même engendrées.
Je sais que quelques uns me demanderaient : « que voulez-vous
dire par métabolique - mot que vous employez souvent -, et que
voulez-vous dire par morbidité ? » D’autres s’inquiéteraient : «
est-il possible de gommer la trace négative de nos aïeux ? ».

Quant à cette dernière question, « est-il possible de gommer la


trace négative de nos aïeux ? », il est indispensable de
comprendre que l’état dans lequel vous êtes actuellement est
celui qui peut vous arriver de mieux. Effectivement, c’est par la
lutte contre vos mauvaises routines que vous pourrez remonter
l’échelle sainte et, le fait qu’elles existent n’est pas à déplorer :
c’est une grâce que Dieu vous octroie. Il vous tend ainsi la main,
pour que vous luttiez.
La souffrance est inévitable, elle concède votre changement dans
vos fonctions qui se trouvent malaxées par votre travail. Cette
souffrance, consciente, est des plus utiles. Sans elle vous ne
pourrez rien faire. Je sais bien que la question de la souffrance
est délicate pour vous. Les modernes ne l’acceptent pas, parce
qu’ils confondent tout. Ils confondent les différents types de
souffrance, montrant par là leur incompréhension des différentes
sources de souffrance. Ils vivent durant des années dans toutes
sortes d’habitudes néfastes pour eux et, par prétexte de sommeil -
ils ne le savaient soi-disant pas - ils refusent l’arrivée de la
souffrance lorsqu’ils sont obligés de cesser leurs pratiques. Untel
fume comme un fou la moitié de sa vie et il s’étonne d’avoir des
problèmes cardiaques sur le retour d’âge. Cessant la tabagie, il
refusera la douleur et suivra un traitement spécial qui
empêchera cette souffrance. Il ne retrouvera ainsi jamais la
raison pour laquelle il avait ce vice - puisque ses fonctions ne
seront pas mises en alerte par le traitement qui bloquera les
messages lancés - et, par ce refus, il continuera à dormir
profondément, ce qui ne peut inévitablement déboucher que sur

123
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 124

un autre vice. Quelques temps après, il sera surpris de boire, par


exemple. Cela, vous le comprenez aisément, parce que vous n’êtes
pas identifié à un tel homme. Mais vous ne pouvez pas
comprendre ce qui vous concerne, votre propre tare, à moins de le
vouloir ardemment.
Le péché, c’est ce qui vous endort lorsque vous avez décidé de
vous éveiller. Le refus de la souffrance consciente est à l’image de
votre orgueil : vous vous imaginez que la terre est le paradis,
alors qu’elle est la porte de l’enfer. Vous croyez que vous avez le
droit de perpétuer tous les moments agréables, oubliant qu’ils
vous sont donnés pour que vous vous souveniez du « paradis ».
Vous voulez tout, tout de suite et pour toujours. Vous refusez de
comprendre que le plaisir est un attribut du paradis, qu’il vous
faut le gagner.
Pour réfuter cela, vous prétextez que ce que je vous dis est issu
d’une vague loi morale christique que vous avez objectivée. Vous
ne comprenez pas qu’il est nécessaire de lutter. Si l’homme prend
possession d’un plaisir avant de l’avoir gagné, il n’est pas en
mesure de le garder, parce qu’il n’a pas métabolisé les énergies
adéquates. Son plaisir se transformera inévitablement en
souffrance, sur laquelle il n’a aucun contrôle. C’est ce genre de
souffrance qui est inutile, car il faut être capable de mériter le
plaisir, et le chemin qui y mène passe par la douleur.
La maladie, résultante d’attitudes néfastes, est le produit de
l’hérédité, du passé vécu de vous-même et de la « loi du partage
du mal ». La loi du partage du mal est le reflet des conséquences
de la place de la terre dans le cosmos. Tous les grands troubles
humains sont issus de cette loi, toutes les épidémies, les maladies
infectieuses, celles qui ne sont pas de la faute directe de l’homme,
celles que l’on subit inexorablement, les accidents et ainsi de
suite.
Les maladies dont nous sommes responsables sont un effet de la
focalisation de l’énergie vitale en une fonction organique
déterminée, d’une manière illicitement voulue par l’ego.
Les diverses causes des maladies sont étroitement liées à autant
de sources différentes. Il existe les causes prenant naissance
dans l’intellect, dans l’affect ou dans la motricité, engendrant soit

124
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 125

des attitudes mentales monstrueuses, soit des émotions


cristallisées à l’état d’obsessions, soit des discordances
organiques quantitatives (variations dans les fonctions rénale,
hépatique, lymphatique).
Par exemple, « avoir mal au foie » peut être issu de ces trois
sources, savamment cultivées par l’ego. Peut-être voulez-vous
très bien réussir dans la vie et votre psyché devient
obsessionnelle, créant par répercussion sympathique des taux
glucidiques variables. Peut-être désirez-vous être aimé
exagérément et, ainsi rendu esclave de l’affect, votre souffle se
tient perpétuellement en alerte, modifiant l’élasticité de votre
diaphragme, lui-même responsable d’un juste massage
hépatique. Peut-être êtes-vous tout simplement gourmand, et
qu’un abus répété transformera votre métabolisme des lipides.
Sans entrer dans le détail de toutes ces choses - qui ne sont pas
l’objet du traité -, il est essentiel de comprendre la différence
entre la souffrance mécanique et la souffrance contrôlée, dans le
cadre de ce que vous êtes en mesure de maîtriser et qui vous
appartient en propre. Votre mécanicité vous amènera toujours tôt
ou tard de la souffrance inutile, alors que le travail sur vous-
même la transformera en souffrance consciente, libératrice.
Afin de répondre à votre question « est-il possible de gommer la
trace négative de nos aïeux ? », il est indispensable de souligner
le point précédent, relatif aux différentes souffrances. Ce n’est
donc qu’à la suite d’une longue pratique de la souffrance
consciente que vous pourrez l’étendre dans le plus profond de la
structure de vos cellules et être capable de porter la souffrance
des autres, en guise de réparation, d’acquittement, si l’on peut
dire. Porter la souffrance d’autrui placera vos structures
fonctionnelles sur des plans différents, bien plus subtils que ceux
que vous connaissez maintenant et que vous ne concevez pas,
sans avoir gravi la première marche d’acquitter vos dettes dues à
vos déviations égoïstes. Après seulement vous pourrez accéder au
stade bien supérieur solaire, une fois seulement que vous
maîtriserez le fonctionnement de la plupart de vos organes.
Les mots « métabolisme » et « morbidité » sont employés ici
comme ils le sont chez les modernes. Ces derniers entendent par
métabolisme « l’ensemble des transformations chimiques et

125
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 126

physico-chimiques qui s’accomplissent dans tous les tissus des


organismes vivants, en assimilation et en dégradation ». Ajoutons
pour ce qui nous concerne notre note extensive philosophique,
c’est-à-dire qu’il ne s’agit pas seulement de chimie mais de
chymie, et que cet ensemble s’étend à toutes les parties de
l’individu, au delà de simples échanges moléculaires ( comme par
exemple le métabolisme électronique des ions qui servent les
cellules nerveuses, ou les transferts anabolisants des androgènes,
etc).
La morbidité, elle, est l’ensemble des causes qui produisent une
maladie, issue des excès de l’ego.

Plusieurs classes d’hommes, dont seulement quelques-unes sont


connues dans le monde, séparent les êtres les uns des autres, et
sont responsables du fait qu’ils ne se comprennent pas.
La première classe est la plus basse, celle de l’homme dont le
centre de gravité se trouve dans la motricité et dans l’instinct
organique. Il est ce qu’on appelle le « carbonique », individu carré,
épais, gros mangeur, bestial. C’est l’homme du corps physique,
qui pense le moins souvent possible et qui ne ressent presque
rien émotionnelle ment. Il vit dans un système psychique de
logique réduit aux fonctions oui, non, où, comment, quand,
pourquoi. De stature extérieure rigide, droite, ses gestes sont
sobres, il est ordonné, soucieux de bien faire. Il sait imposer une
certaine autorité animique, car c’est un costaud qui aime se
battre. Il est opiniâtre, il aime la sécurité, la netteté. Souvent
entêté, voire buté, il peut être d’une grande honnêteté et d’un
dévouement illimité. Il a sa forme de justice et s’exprime toujours
dans une franchise brutale qui fait passer ce qu’il dit pour des
propos durs.
Comme nous l’avons souligné, tout ce qu’il peut interpréter,
sentir, juger, aimer, sera en rapport avec ce trait principal,
comme pour tous les autres règnes. C’est ainsi que le savoir de
l’homme animique est basé sur l’imitation, sur les instincts,
appris par cœur, rabâché. Ses réflexions ne seront
qu’identification, ses sentiments seront du type « cœur gros ».

126
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 127

Son être vit avec les sensations, son art sera un art d’imitation,
primitif, sensuel. Sa religion sera fastueuse, ritualiste, pleine de
formes extérieures grandioses, épaisses, cérémonieuses,
brillantes, imposantes de splendeur, mais parfois sauvage,
cruelle. On ne discute pas, avec l’homme animique, on ne fait pas
de sentiment : on conclue net.
Le deuxième genre d’idiot est l’homme affectif. On le nomme le «
phosphorique », grand, mince, élancé, très sensible, souple,
gracieux, voire expressif, un peu voûté par la taille, car il est très
fragile, peu résistant. Son trait principal est la recherche de la
perfection. L’esthétique domine souvent son esprit, il se sent
toujours incompris, malheureux. Il ne raisonne pas, il perçoit.
C’est un grand sentimental, qui pleure souvent, qui aime bien
que ses œuvres soient discutées, admirées, bien qu’il prétende le
contraire. Il déteste ceux qui ne le comprennent pas, il se sent
inspiré.
Bien entendu, il n’échappe pas à la règle de sa tare. Son centre de
gravité étant dans ses émotions, ses sentiments l’emportent
toujours sur tout. Son savoir est celui de ce qu’il aime, il ne veut
rien entendre de ce qu’il n’aime pas. Dans le pire des cas, c’est un
occultiste qui adore les histoires étranges, qui se dit mystique.
Son être est émotionnel, son art sentimental, sa religion est celle
de la foi, des élans, de l’amour, de l’enthousiasme, qui ne tarde
pas à se transformer en persécution, en extermination.
Le troisième et dernier type d’idiot répertorié est l’intellectuel. Il
est le « fluorique », essentiellement instable, désordonné, très vif.
Défaut de stabilité dans la démarche rapide, directe, comme une
petite mouche il va partout. Tout est variable chez lui. Il est de
petite taille, maigre, « pète-sec », très orgueilleux, très fier, qui ne
supporte pas la moindre remarque, adorant être considéré.
Irrésolu, il prend la plupart des décisions par coup de tête, en
étant persuadé qu’elles sont réfléchies, s’étourdissant de son
propre parler, s’écoutant discourir.
Comme les autres, son centre de gravité étant dans l’intellect,
tout est raisonné, théorisé. Son savoir est fondé sur sa pensée
subjective, sur des mots, sur une compréhension littéraire. Il ne
vit que par les livres, son art sera inventé, sa religion est celle

127
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 128

des preuves et des arguments, basés sur des raisonnements, sur


des interprétations logiques.
Voilà les trois genres d’hommes ordinaires, complètement
prisonniers de leur mécanicité et pour lesquels tout arrive. Ils ont
leur pathologie respective, qui traduit l’état de cristallisation de
leur ego. L’animique souffrira plus d’auto-intoxication sulfureuse,
d’excès de carbone, du foie, du sang. Il fabriquera des graisses, de
l’eau. L’affectif souffre des poumons, car ses antécédents sont
tous tuberculeux. Maux de tête, vertiges, nervosité, problèmes
thyroïdiens, excès d’arsenic, de phosphore, d’étain. Etouffements,
sexualité irrégulière, empoisonnements passagers, estomac,
oesophage. L’intellectuel a ses ascendants chez les syphilitiques.
Excès de mercure, d’or, de platine, d’acide nitrique. Muqueuses,
peau, intestins, douleurs fugitives, irritabilité, précipitation,
folie.
Nous pourrions entrer très précisément dans le détail de toutes
ces choses, mais le principal est d’observer pour vous à quel règne
vous appartenez, et d’en tirer les conclusions qui s’imposent afin
qu’une osmose puisse s’effectuer entre les fonctions organiques, il
est nécessaire de pratiquer celles pour lesquelles vous avez des
faiblesses, et non de vous conforter dans celles qui vous
paralysent. Vous êtes intellectuel ? comportez-vous plus en
affectif et en animique. Vous êtes affectif ? travaillez comme une
bête et raisonnez souvent. Ainsi de suite, comprenez-vous ?

N’oubliez pas que tous les mots, tous les gestes ont une position
et une interprétation précise en regard de ces genres, c’est
pourquoi tout ce qui est issu d’eux est subjectif, cela n’est pas la
vérité, mais leur vérité.
Par exemple, prenons le mot « univers ». L’animique vous décrira
celui des molécules, des atomes, des lois physico-chimiques.
L’affectif essaiera de vous faire sentir l’au-delà, il appuiera plus
sur le christianisme, sur l’amour nécessaire pour comprendre ce
mot. L’intellectuel vous parlera des heures entières des différents
« plans » d’existence, des philosophies qui décrivent le monde, ...
Chacun réagira à sa façon, en étant persuadé qu’il ne peut y

128
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 129

avoir que son explication de valable. L’animique dira que


l’intellectuel « cherche midi à quatorze heures » et que le
sentimental veut « qu’on lui fasse des bises ». L’affectif pleurera
sur la grossièreté du carbonique et sur le manque de réalisme de
l’intellectuel. L’intellectuel ne s’adressera même pas à l’épais
animique, et prouvera dédaigneusement que l’affectif n’a pas
assez tété sa mère (image fréquente en psychologie).
Ce n’est qu’à la suite du travail sur vous-même que vous
équilibrerez ces trois principales fonctions, afin que l’une ne
prime pas sur l’autre. Ainsi, vous serez devenu différent, car vous
aurez produit des efforts spéciaux d’un autre genre, efforts qui
vous donneront une permanence. Cet homme-là n’existe pas dans
la nature à la naissance. Tous les hommes ordinaires viennent au
monde dans un règne tendancieux. Cet homme-là est le résultat
d’un travail. Ses fonctions organiques sont équilibrées, même s’il
porte encore les traces de ses anciennes habitudes. Il se connaît,
non pas selon sa subjectivité, mais en regard de l’Absolu. Il
commence à savoir où il va, ce qu’il fait vraiment. Il n’est plus
tiré vers le bas ni enseigné par le savoir des trois règnes. Il a pu,
par ses propres efforts, accéder au savoir d’hommes supérieurs. Il
est « tiré vers le haut ».
Seul un tel être peut dire « je », faire quelque chose d’utile, car
son ego ne le domine plus. Il a atteint une permanence
irréversible. Il n’a plus les dispositifs qui lui permettaient d’avoir
toujours raison, il les a sacrifiés à sa quête, il a sauté un
intervalle et dispose d’énergies spéciales dont le niveau est
solaire. Il dépend du nombre de lois des galaxies, qui sont
quantitativement inférieures à celles de la terre. Il s’est libéré du
joug des satellites et a cristallisé dans ses métabolismes le
principe d’évolution d’une manière implacable.
Cet homme-là n’est cependant pas encore l’Adepte ni le Saint.
Eux sont encore plus loin dans la réalisation cosmique, mais il
est inutile d’en parler : vous ne pouvez pas concevoir ce qu’ils
sont sans avoir gravi la marche présente de la permanence.
Rappelez-vous que tout ce que je vous dis sur ces choses est très
partiel, très incomplet. Il faut que vous entendiez ces quelques
termes sur l’évolution, cela est ce qu’il y a de plus utile pour vous

129
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 130

et pour l’Alchimie contemporaine, car vous devez devenir un tel


homme.

L’homme du départ, celui dont la multitude de « je » le gouverne


au gré du hasard, c’est-à-dire la plupart des hommes
matérialistes, est comme ce creuset dans lequel un certain
nombre de poudres sont les unes sur les autres sans lien spécial,
sans relation définie et agissante.
Tantôt il est intellectuel, tantôt affectif, tantôt moteur, sans
raison, comme ça, parce qu’il rencontre un certain nombre
d’événements extérieurs qui l’influencent à agir comme cela ou
autrement.
La poudre blanche est le raisonnement, la poudre rouge l’affect,
la noire le corps physique. Quand un choc extérieur se produit,
quand l’homme rencontre par accident tel événement, le creuset
se déplace, il reçoit ce choc et les poudres sont plus ou moins
bouleversées : la blanche se mélange un peu à la noire ( l’intellect
travaille avec le corps) ou la rouge se mélange un peu à la
blanche ( l’affect travaille dans l’intellect ). On mélange tout, on
brasse la finesse, les densités et l’ordre, puis « ça » réagit ; on
répond comme ci ou comme ça, selon la place aléatoire des
poudres. Tout est instable, grossier, désordonné.
Lorsque l’homme extérieur constate qu’il est extérieur et qu’en le
restant il ne peut rien faire, quand i l constate que c’est l’éveil de
sa vie intérieure qui résoudra cette impossibilité, alors le creuset
cesse d’être le jeu des chocs extérieurs ; il se stabilise et les
poudres ne se mélangent plus d’une manière aléatoire. Il a
compris qu’il est impossible que ces poudres soient vraiment
agissantes tant qu’elles restent mélangées, que ces poudres n’ont
dans ces mélanges aucune identité réelle et donnent donc des
réponses plus ou moins faussées, subjectives.
Alors commence la lutte entre l’homme extérieur et l’homme
intérieur, lutte qui allumera le feu sous le creuset. Ce feu ( une
forme d’ascèse et la sincérité dans le travail sur soi ) commencera
par replacer les poudres dans le bon ordre, les densités se

130
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 131

rejoindront, et la fusion lente pourra avoir lieu. A ce stade, les


fonctions dont nous avons parlé plus haut sont à leur place,
travaillent avec les énergies qui leur sont propres, et ne se
mélangent plus les unes dans les autres comme auparavant.
Cette fusion ne peut commencer que par la dissolution de nos
certitudes qui nous faisaient croire obstinément en notre solidité
(solidité en réalité totalement fausse puisque les fonctions
travaillaient les unes dans les autres).
En chauffant ces poudres, le feu les fera fusionner d’une manière
bien particulière selon la loi cosmique : la matière la plus dense
en bas, la matière la plus subtile en haut. On ne vénère pas plus
le corps que le sentiment, on ne vit plus la tête dans le ventre.
Une fois les poudres fondues, le creuset peut être choqué, elles ne
bougeront plus. Alors qu’il suffisait du moindre coup pour les
mélanger, maintenant, l’homme ainsi réalisé par son propre
travail sur lui-même peut à sa guise rester dans le monde social
désordonné sans ressentir de malaise profond. Ce que contenait
le creuset est devenu indivisible, solide, personnel et unique.
Dès lors, il lui est possible de transformer ce nouveau contenu
par certaines opérations qui auraient été stériles sur les poudres
mélangées à l’origine. L’homme est alors en mesure de subir des
transmutations plus subtiles, à l’image de l’aimantation, de
l’électrisation, impossibles à réaliser avec les minerais grossiers.
Ces aimantations ou électrisations prennent ici une forme encore
différente de travail bien plus subtil, comme les phénomènes de
charité, d’amour, d’humilité, courants qui ne pouvaient pas
passer dans l’aléatoire des poudres non fondues. Mais sans ce
travail de fusion préalable, il reste à jamais irréalisable à
l’homme de comprendre ou de travailler avec cette charité, cette
humilité, cet amour, cette électrisation ou aimantation. Il
interprète tout. Son idée n’est pas la vérité.
Cette électrisation ou aimantation, alliée à la fusion qui continue
mais avec une moindre violence, oriente maintenant les saletés,
les scories qui étaient présentes dans ces poudres (même fondues
grossièrement), vers le haut : il devient désormais possible de
séparer le subtil de l’épais. On laisse les scories qui débordent
(les défauts) tomber et rejoindre leur lieu de destinée, la
poussière. Les défauts sont ici sensés représenter tout ce qui
auparavant avait interdit l’homme au travail du dedans, défauts

131
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 132

qui l’avaient plus ou moins plongé dans le sommeil de ses


certitudes.
Maintenant que la fusion se réalise dans la purification, les
poudres s’amalgament subtilement en un corps, et ce mélange
aurait à son tour été impossible sans cette électrisation, sans ce
travail. Ce corps est inaltérable à ce qui lui est « inférieur ». Si on
lui jette des poudres dessus, il reste ce qu’il est, alors que cela
n’était pas le cas avant la transmutation.
Ce nouveau corps possède ses propres caractéristiques,
incomparables avec celles des poudres originelles (c’est ce que se
bornent à faire les scientifiques). Une de ces caractéristiques est
une grande solidité qui, en regard des poudres aléatoires, est
immortelle.

Voyez, là également, combien le terme « immortalité » comporte


de sens. Il n’y a pas la non-immortalité d’un côté et l’immortalité
de l’autre. Il existe simplement des niveaux de réalisation de
l’homme, par lesquels il accède petit à petit à l’immortalité. S’il
ne génère rien au delà de ses fixités, il ne reste que poussière
après sa mort. S’il est sur la voie de la permanence mais qu’il
n’en cristallise pas l’achèvement, il se réincarnera autant de fois

132
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 133

qu’il sera nécessaire pour y parvenir. Après sa mort. ce sera son «


corps astral » qui survivra. S’il devient permanent durant sa vie
par l’artifice d’un travail, il ne se recycle plus, il prend une
identité cosmique et quelque chose de plus fort que l’astral
subsiste.
Ainsi en est-il de l’évolution de l’homme du point de vue de
l’immortalité. Le temps de survie s’accorde selon son niveau
d’accomplissement. S’il reste dans son règne, il ne vit que
soixante-dix ans pour retourner en poussière : c’est l’enfer de la
matière. S’il doit se recycler, en ayant par ses souffrances
contrôlées acquis une densité de présence cosmique suffisante, sa
vie réelle durera des milliers d’années sans pour autant être
immortelle. Il devient immortel seulement le jour où il est
réalisé, Adepte ou Saint. Cela signifie que « l’immortalité » d’un
homme animique, affectif ou intellectuel est de soixante-dix ans -
c’est pourquoi ils n’y croient pas -. Celle de l’homme en voie de
réalisation solaire est de soixante-dix mille ans. Celle de l’Adepte
est éternelle.
Toutes les religions s’égalent devant Dieu, toutes les philosophies
de même, dans le cadre de ce qu’elles contiennent. Aucune ne
reflète la réalité objective et la reflète tout en même temps. C’est
ce qui les unit toutes qui est le miroir divin. Mais, les pharisiens,
plastronnant le christianisme en guise d’éthique, vous diront
qu’il n’y a que leur religion, les autres proclameront l’hégémonie
de la leur. Rien entendu, ils auraient raison, mais à quelles
conditions ? Imaginez un peu les réelles exigences du
christianisme. par exemple, et vous me direz si vous espérez
vraiment devenir saint dans les trente prochaines années. Vous
serez-vous débarrassé de toutes les tares de votre ego ?
Il en va pareillement pour l’ensemble des religions. Le
Bouddhisme, qui enseigne la transcendance, et les autres, qui
retracent une partie du chemin de l’homme selon l’Absolu. Il ne
faut pas penser strictement comme leur dogmes. Il faut par
contre pratiquer le dynamisme qu’elles contiennent.
C’est pourquoi les religiosités n’ont jamais porté dans leur cœur
les alchimistes, parce qu’ils savent toutes ces choses et qu’ils ne
sont plus pris au piège de l’aspect purement humain des
politiques religieuses, subjectivement devenues telles dans les

133
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 134

mains d’hommes animiques, affectifs et intellectuels. Mais, de


par notre faiblesse, il est inconvenant de prétendre au-delà de
nos possibilités. Cela veut dire que l’intégration des rituels d’une
religion demande tant d’efforts qu’il serait superbe d’espérer en
connaître plusieurs... Les hommes authentiquement religieux,
eux, respecteront toujours les qualités de votre être, ainsi que
l’intérêt que vous porteriez, éventuellement, aux religions sueurs.
Les matérialistes religieux, eux, vous soutiendront toujours que
la leur est la meilleure. En réalité, par exemple, je suis sûr qu’un
simple novice bénédictin vaut plus que la plupart des « imam » de
cet Islam qui envoie ses enfants devant les armes.
L’école de la connaissance de soi ne se trouve pas par les moyens
modernes d’information. Je vous adjure de vous méfier comme
d’un poison de toutes celles qui utilisent le même langage que le
nôtre. Cette école se révèlera à vous si vous le méritez et
seulement sous cette condition.
Bien que certains tentent de fuir la réalité de nos termes en
invoquant comme couverture l’avertissement de Monsieur
Canseliet à l’encontre de l’Enseignement Gurdjieff - sans le
connaître, évidemment -, nous les mettons en garde contre ce
rapprochement léger qui consisterait à faire valoir nos propos
selon ce type d’enseignement.
Le très estimé arménien, Monsieur K. dont il est question dans
l’hommage aux Maîtres et sans lesquels je serais moins que rien,
n’était pas « gurdjieffien ».
Pour l’information, sachez que l’avertissement du Maître de
Savignies, noté en exergue de l’une des XII Clefs de Basile
Valentin, fut dicté à l’issue d’un malencontreux contact avec des
personnes qui se réclamaient de cet enseignement. Bien entendu,
comme en bien d’autres matières, ils n’en étaient pas plus que les
pharisiens sont chrétiens, ces derniers contestant pourtant les
termes de la connaissance.
Les petites publicités, glissées dans les livres, sur cet
Enseignement nommé « Gurdjieff Ouspensky ». sont aussi
fallacieuses que détournées de l’origine, tout comme les gens qui
s’en réclament. Il est donc naturel que le disciple de la voie sèche,

134
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 135

plus tard Adepte, percevant sous cette forme ce genre


d’information, la jugeât au niveau de ce qu’elle méritait.
Que les vrais curieux notent simplement que Gurdjieff employait
le même langage utilisé aujourd’hui par Jean-Paul II, relatif au
travail sur soi. Qu’ils observent également que le halo
d’intellectuels qui gravitent de longue date autour des groupes et
qui sont responsables de tout le brouhaha traduisant en fait un
intérêt morbide occultiste, n’a évidemment rien de commun avec
cet enseignement. En outre, nous prions les systématiques de ne
point employer à la légère les termes d’un savoir dont ils fuient le
plus infime exercice. Quant aux palabreurs de tous styles qui y
ont goûté - comme par exemple ce Pauwells dont l’essentiel de sa
quête ne regarde que son compte en banque - et qui se firent
renvoyer à cause de leur ego cristallisé, ils n’ont eu que ce qu’ils
méritaient. Dans la Tradition, ce genre de touche-pipi de
l’ésotérisme n’a aucune place. Que tous ceux qui ne veulent rien
savoir sur le pouvoir tentaculaire du moi les rejoignent. Les fils
de Dieu savent bien que c’est précisément le sacrifice que celui de
recevoir l’humiliation à bon escient.
Les langues cérébrales ont dit du « Vieux » ( Gurdjieff) tout ce
qu’il n’était pas, comme aujourd’hui ils tentent de bâtir une
pseudo-alchimie alors qu’il ne saurait être question qu’elle fût
ainsi -
c’est-à-dire coupée de la Tradition ou, en termes similaires, de la
transcendance de l’ego.
Imagineriez-vous que ces poisons changent dans le temps ? Ils
passent d’une main à l’autre. Vous n’empêcherez jamais les
jaloux d’étendre leur fiente sur tout ce qu’ils côtoient. Vous savez,
le péché d’orgueil spirituel est leur lot, qu’ils s’intitulent «
gurdjieffien », anthroposophes, scientologues, chrétiens,
scientifiques, alchimistes, solazaréfiens, ...: pardonnez mon
mépris, mais tous ceux qui sont décorés du mérite de l’enflure
spirituelle puent de la même façon ( ils se caractérisent d’ailleurs
également par une incapacité totale à la naïveté ). Trop de purs
ont été souillés par les vantards.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 136

(prière)
Ils m’ont dit : c’est imprudent.
« Tant va la cruche à l’eau »
« Au bout du fossé la culbute »
« Il ne l’a pas volé, celui-là » ...
Seigneur,
Toi, Toi !
Le premier,
Tu as voulu

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DEUXIÈME PARTIE

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 138

NOTRE TRADITION L’ÉCHELLE SAINTE ET LE GRAND


ŒUVRE
C’est par une matinée d’automne que je fis la connaissance de
mon maître, N..., dans l’Est de notre belle France. J’avais
auparavant suivi sa trace, très discrètement et seul, durant deux
années. En effet, je savais qu’il existait un être peu ordinaire qui
travaillait au fourneau d’une manière spéciale, en utilisant des
régimes hors du commun. Je ne l’avais pas appris dans les salons
parisiens, où les doryphores qui gravitent autour de la mode ne
nous apprennent rien.
C’est le langage des oiseaux et uniquement lui qui me mena
auprès de N., mais ce n’est que bien plus tard que je pus m’en
rendre compte, car je n’avais pas l’habitude d’être traité comme il
le fit ni d’avoir vu un tel personnage.
La première fois que je me résolus à frapper à sa demeure,
aucune réponse ne se fit entendre, pas même le moindre signe.
Comme j’avais fait un long voyage - j’avais déjà quitté l’Alsace -,
j’attendais donc devant la porte, mais discrètement caché dans
un recoin de mur, assis à terre. Ce n’est qu’en fin d’après-midi
que je vis sortir un homme sec et assez grand. Il avait une
curieuse allure, une démarche à la fois très détendue et décidée.
Profitant de l’occasion, je courus vers lui et lui demandai s’il était
disposé à me parler. Son visage était très vieux mais
extrêmement doux, pas du tout comme je m’imaginais l’Adepte
qui avait réussi. Comme on peut se faire des idées sur toutes ces
choses ! Il me répondit net - Et que voulez-vous que je vous dise ?
et se détourna.
Je l’attendis quelques heures et ce n’est que tard le soir qu’il
revint.
- Encore vous ? Pardon. Puis il me poussa assez brutalement,
rentra et ferma la porte à double tour. J’étais angoissé ; toutes les
notions préconçues me gonflaient le crâne (comment un maître
peut-il réagir ainsi, il m’a poussé, il est dédaigneux, ça ne peut
pas être un maître...). Je fis demi-tour, l’âme en peine et en même

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 139

temps agacé. Evidemment, je ne pus fermer l’œil de la nuit et, le


lendemain, je me représentai devant la porte de N .
Personne n’en sortit de la journée. Ce fut long. Sous le soleil
encore chaud, je me rappelais qu’il ne fallait pas juger selon mes
conceptions, que je dormais profondément et que, peut-être était-
ce une épreuve. Petit à petit, cette pensée germait en moi, comme
si j’étais poussé à l’accepter sans aucune résistance. Je voulais
rentrer. Je voulais être admis.
Comme j’avais quelques mois de noviciat au monastère de . . . , je
savais qu’il me fallait rester très patient, pour donner les signes
de persévérance et de volonté, qui témoigneraient de patience et
d’un brin d’humilité, sans lesquelles on ne peut être admis nulle
part. Je décidai donc de passer mes nuits et mes jours devant la
porte du Maître.
Voilà qui n’est pas simple ! Les gendarmes sont venus pour me
faire partir, les gens du pâté de maisons s’inquiétaient,
d’innombrables animaux nocturnes venaient me renifler la nuit ;
j’avais peur et j’étais terrorisé. Sac de couchage et litière d’herbe
à côté du portail, au bout de trois jours, j’avais réussi à faire
admettre ma présence aux forces de l’ordre en leur ayant dit que
j’avais un message très urgent à remettre en mains propres à la
famille, et que cela ne pouvait souffrir la moindre attente.
Quatre jours ! Quatre jours durant et quatre nuits, aucun signe
de vie, pas même le moindre petit bruit, comme s’il avait disparu
par une porte de derrière mythique. Puis, le cinquième jour, un
immense bonheur m’envahit. La porte s’ouvrit brutalement et,
tout aussi vivement, une assiette remplie de nourriture se posa
sur le seuil. Je n’eus pas le temps de réaliser qu’un claquement se
fit entendre : voilà que tout était à nouveau bouclé.
Avidement, j’engloutis tout ce qui se trouvait dans l’assiette. Je
venais pourtant de manger, il était treize heures trente, mais
j’étais devenu comme fou, telle une bête vivant le plus souvent à
terre dans la poussière. Je sais qu’il vous est difficile de croire
cela, mais peut-être y repenserez-vous lorsque votre tour viendra.
Les gens aux alentours me dévisageaient de pied en cap, les
gendarmes repassaient tous les jours deux fois, me proposant
gentiment quelques services.

139
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 140

Le lendemain, de même : la porte s’ouvrit furtivement, une autre


assiette avec, très exactement, les mêmes mets. Je compris
immédiatement que c’était une invitation à la patience. Le
surlendemain, vous pensez, j’attendais la porte s’ouvrir et, dès le
fait, je commençai à parler. Il me couvrit d’injures ! Il sortit et me
battit avec un bâton devant tout le monde ! J’étais confondu. Les
gendarmes m’ont ordonné de quitter les lieux, pensant que je leur
avais menti. Je leur expliquai qu’il me fallait absolument voir ce
monsieur, que c’était pour moi une question vitale, et leur promis
de partir dans deux jours.
Le jour suivant - sixième jour - je pleurais, complètement
miséreux, sale, fatigué et plein de courbatures.
La porte s’ouvrit doucement. Médusé -j’en restais assis par terre -
j’écoutais avec tout mon être les mots fermes de N.
- Tu savais qu’il est nécessaire de montrer patience, mais tu ne
l’avais jamais vécu vraiment. Tu m’as montré que ton seul
attachement est dans la voie. Tu n’ignores plus maintenant que
l’on ne peut demeurer longtemps en Alchimie sans obéissance.
Tous ces jeunes qui veulent tout sans bouger le petit doigt sont très
éloignés de la Tradition. Tu es sale, entre te laver. . .

(prière )
Ils se rient d’organisation, d’horaires, de plans.
Moi, j’ai capitulé.
Cette limite, je l’ai franchie et pourtant
je ne peux pas parler.
J’ai cédé : j’avoue T’aimer davantage.

140
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 141

LA FIN DU DUALISME PRENDRE LA ROUTE


appelez-vous ce que nous avons expliqué au sujet de la différence
qui subsiste et subsistera toujours entre la doctrine et le
comment faire. L’exposé suivant des méthodologies
traditionnelles reste inévitablement livresque. Bien qu’il tente
d’approfondir au mieux tous les aspects du « comment faire »,
nous répétons que sa pratique ne peut s’exercer que dans le cadre
d’une école accessible seulement aux êtres qui le veulent
longtemps et ardemment. D’autre part, ces méthodes doivent être
indubitablement dispensées par des hommes éveillés, maîtres ou
instructeurs les ayant expérimentées.
Je vous engage donc, par voie de conséquence, à chercher et à
vous confier à de tels êtres, dans le cadre de ce que nous avons
déjà souligné dans notre Uber dem Meischer, ainsi que dans celui
que nous allons préciser plus bas, à propos de l’obéissance.

La Tradition nous révèle l’existence des deux états qui habitent


tout humain : ce qui lui est inné, son essence, déterminée avant
sa venue au monde, ce qui lui appartient en propre comme étant
sa véritable nature, l’être d’une part. Et ce qu’il apprend, ses
personnages, son éducation, tout le « surajouté » par
identification, ce qui ne lui appartient pas en propre, son ego
d’autre part. Ainsi des philosophies décrivent l’homme comme
étant principalement dualiste, avec tous les attributs issus de ce
constat, comme « intérieur-extérieur », « qualitatif-quantitatif »,
«dogmatique-mystique », ...
Comme d’habitude pourrions-nous dire, ces philosophies sont
dans la vérité, mais pas dans la vérité objective car, évidemment,
il leur manque à toutes le « comment » ; c’est-à-dire qu’aucune, à
la faveur de cette analyse, ne nous explique la manière de nous
sortir de ces vues horizontales. Elles entrent dans les plus fins
détails quant aux descriptions précises de ces deux états, mais
aucune ne mentionne le mécanisme de l’évolution de la troisième

141
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 142

étape, porte de sortie vers l’Absolu ou tout début de l’ascension de


l’Echelle Sainte. C’est toujours le dynamisme qui brille par son
absence, parce que les individus qui enseignent sont fixes soit
dans un état soit dans l’autre, c’est-à-dire complètement
prisonniers du dualisme. Aucune objectivation n’est possible.
Les uns affirment à grand renfort de subjectivité scientifique que
seul l’ego compte, reléguant l’être à des histoires pour malades
mentaux, en le classant dans le dossier des vieilles morales. Les
autres, ayant saisi un brin de lumière seulement, l’ont confondu
avec la source et n’ont pas cessé de mépriser l’ego, comme étant
le diable lui-même et de détruire tout ce qui s’y apparente.
Evidemment, les deux attitudes sont aussi néfastes l’une que
l’autre, parce qu’elles restent cristallisées, indépendamment de
leur niveau d’appartenance, ou de leurs effets, fussent-ils très
impressionnants. Les entêtés, quel que soit leur bord, sont tout
aussi dangereux que ce qu’ils dénoncent chez leur voisin. L’ego
est parfaitement borné dans ses attitudes animiques. L’être
exclusif mène une vie aux autres complètement dématérialisée,
désorganisée ( on en trouve certains qui attendent deux jours un
morceau de pain, quand ce ne sont pas des générations entières, «
pour la gloire de Dieu ».)
Le matérialisme des Etats-Unis ou de l’Union Soviétique est tout
aussi infect que la « révolution islamique » ou que notre
christianisme de l’Inquisition. Les matérialistes ricanent sur les
attitudes religieuses, les cafards se signent dès qu’ils voient un
infâme tomber dans le péché, tous deux étant persuadés d’être
dans la vérité absolue, et d’être capable de mourir pour cela.
L’évolution générale du monde ne peut pas dépasser le dualisme :
nous avons expliqué pourquoi cette situation était comme cela,
les phénomènes cosmiques ayant placé la terre en juste place
pour ce.
Vous qui voulez devenir alchimiste, vous appartenez à la part des
hommes qui quêtent un savoir et qui, par leurs efforts sur eux-
mêmes, feront partie d’une exception. Vous savez que la
connaissance n’est pas distribuée à tous, ou si vous le croyez
encore, je vous prie de laisser ce leurre au vestiaire de vos
routines mentales et de vous poser vraiment la question de ceux
qui travaillent. Croyez-vous que celui qui ne fait rien mérite le

142
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 143

même salaire que celui qui travaille ? Débarrassez-vous, s’il vous


plaît, de ces idées schématiques. Rien dans la nature ne
fonctionne comme cela.
Echapper au dualisme revient à expérimenter la loi des
intervalles. C’est l’ascension verticale et non plus la maladie du
détail horizontal, qu’elle soit matérialiste ou d’une religiosité
monstrueuse. C’est réellement le chiffre trois, le triangle, la
création d’un autre événement déterminant pour vous, la
restructuration de vos fonctions organiques d’une façon
irréversible.
Mais, pour ce, vous comprendrez aisément qu’il vous faut d’abord
équilibrer le côté dans lequel vous êtes faible. En règle générale,
en Occident, toute la « culture » - non pas la vraie, mais celle des
identifications - a bien plus engrossé vos egos que vos êtres. Plus
vous êtes cultivé, plus vous êtes fort en ego, plus vous vous fixez
de ce côté. Ainsi, pour permettre à ce que vous êtes en propre -
votre essence - de grandir, il ne vous sera pas possible d’éviter
l’atténuation de votre ego, c’est-à-dire d’étouffer la suggestion
permanente de la pression constante de votre personnalité,
pression qui s’exerce sur tout ce qui surgit de votre être, même si
vous pensez que vous laissez ce dernier s’exprimer comme il le
veut.
Seule votre personnalité ( expression extérieure de votre ego ),
est actuellement l’élément actif en vous, ayant en réalité rendu
complètement passif votre être, que vous avez principalement
assujetti à son service : un mode très habile de prostitution.
Mais, comme cette dernière est généralisée, elle se banalise
parfaitement.
Il est donc de première urgence d’équilibrer ces deux valeurs
humaines, c’est-à-dire, pour nous occidentaux, de réduire le
pouvoir fascinant de l’ego. L’Echelle Sainte a cette force, elle est
cette possibilité, ce comment faire qui replacera votre
personnalité à sa juste place sans l’anéantir, et qui autorisera
votre être - ce que vous êtes en propre - à se manifester comme il
se doit. C’est cela, la fin du dualisme, les prémices de l’ascension
vers l’Absolu et, pour vous chymistes, l’accès à la Remore.

143
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 144

Voyez ce qu’est le savant moderne. Il a un ego extrêmement


développé, une somme de connaissances matérielles immense, il
est très cultivé, passe pour un homme d’un grand savoir. Mais il
a le droit, il peut être un petit homme égoïste, mesquin et qui se
met dans une rage noire s’il ne trouve pas ses pantoufles au pied
du lit, cela est son être.
Voyez ces fanatiques qui interprètent les écrits du Christ Q et qui
laissent leurs enfants mourir faute d’une simple transfusion
sanguine, par exemple.
La psychologie moderne ignore tout de cette division humaine.
L’être est la vérité d’un homme, son ego est ce qu’il a appris par
identification, par éducation, il est ce qui n’est pas lui, c’est pour
cela qu’il ment tout le temps. Le psychologue, cet homme
ordinaire qui n’a pas accompli cette séparation en lui, comment
voulez-vous qu’il y comprenne quelque chose ? N’ayant pas lui-
même vécu ce dualisme, au pire des cas juste un vague «
transfert » dont les mécanismes dépendent exclusivement de
l’ego, il n’investira jamais certains problèmes dont la source se
trouve dans les disfonctions de l’être.
Qu’est-ce-à-dire ? Cela veut dire que rien de ce que nous pouvons
voir d’un moderne n’est à lui, ce n’est pas lui que vous voyez, mais

144
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 145

un singe qui imite tout l’acquis de son éducation, elle-même


transmise dans les mêmes conditions. Et cependant, il croit être
lui-même. Son être ayant été étouffé dans ses moindres
manifestations, dès sa plus tendre enfance, ne vivant
pratiquement plus aucun contact avec ce qu’il est en propre, il n’a
plus de repère vis-à-vis duquel il pourrait ressentir un signe
autre : c’est pour cette raison qu’il croit être lui-même, alors qu’il
n’est qu’un automate. Tout dans ses mouvements le montre.
Si un tel homme veut changer, il lui faut retrouver la source et,
par conséquent, accepter d’être affaibli dans son ego, accepter de
subir un rabaissement de ce qu’il croit être ses valeurs, ce qui ne
peut qu’engendrer de la souffrance. C’est seulement au prix de
cette souffrance contrôlée mais inévitable qu’il peut évoluer.
Sinon, il reste endormi à son être, à ce qu’il est. Les grandes
valeurs divines qui permettent ce transfert d’énergie sont
contenues dans l’Echelle Sainte, exclusivement dans sa pratique,
dans une pratique tout aussi assidue que celle dont l’ego a usé
durant des années : il lui faut rembourser une dette.
Votre essence est restée à l’état infantile, elle est devenue, à
cause de sa paralysie, infirme. C’est ce qui est responsable du fait
que même ce qui vous appartient en propre est à réveiller. Vous
observerez donc qu’il est nécessaire d’un côté de suivre une
ascèse très précise qui se détermine par l’Echelle Sainte, et de
l’autre de vous re-nourrir convenablement, afin de régénérer
votre être. Nous parlerons de la question des nourritures plus
tard. Pour l’heure, il convient de partir à l’assaut de vos fixités.

(prière )
Père, je m’abandonne à Toi :
Fais de moi ce qu’Il te plaira.
J’ai frappé .. .
Tu m’as ouvert, je ne m’y attendais pas !
Jamais je n’aurais pu imaginer
combien Tu sais aimer.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 146

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 147

Premier degré
LE RENONCEMENT
Maintenant que vous avez pris connaissance d’un certain nombre
de données traditionnelles, vous comprendrez plus aisément ce
qui se déroule à l’intérieur de l’individu, et aussi dans les
opérations de laboratoire. Nous avons évoqué les différents
niveaux de conscience, les différents corps, et nous avons affirmé
que l’accès à des niveaux supérieurs s’acquiert au prix d’efforts
qui sont contenus dans le travail sur soi.
Quelle est cette énergie capable de transfigurer les aspirants
sincères, de transformer les métabolismes courants, énergie
apparentée au feu secret qu’il faut savoir savamment entretenir ?
Cette énergie est fournie justement par le frottement de l’être et
de l’ego, à l’intérieur de soi comme à l’extérieur, rayonnement
débouchant dans les matières sous forme de feu secret, se
mariant lui-même avec celui desdites matières. Ce principe est
un principe cosmique, et le feu secret n’est pas éveillé tant que
vous ne l’avez pas sollicité en vous-même. Voilà une très grande
étape de l’œuvre philosophique, rendant inaptes les envieux fixés
dans leur ego, qui est d’éveiller le feu secret afin de le transfuser
dans celui qui est déjà présent d’une manière ignée dans les
matières. Car, comment voulez-vous générer le feu secret des
matières, très grossier par rapport à celui que vous êtes capable
de produire, sans bâtir ce pont qui relie les énergies ?
Voyez-vous, tous les Adeptes ont été discrets sur l’éveil du feu
secret, au niveau du laboratoire. Ils l’ont été plus encore lorsqu’il
s’agissait d’en déterminer la source réelle : vous-même,
transfiguré par votre travail. L’énergie qui émane de vous à ce
grade est très subtile, très fine, capable de mettre en résonance
vibratoire celle qui est contenue à l’état latent dans les élaborats.
Vous êtes alors un facteur déclenchant, et c’est pourquoi l’œuvre
reste impossible pour les envieux.
Ces derniers peuvent travailler autant qu’ils le veulent, ils ne
feront rien ou, au mieux, qu’amplifier et canaliser le feu secret
des matières, qui se libère un jour d’un seul coup sous l’influence

147
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 148

d’un artifice cosmique incontrôlé, rendant le manipulateur-


souffleur complètement fou, lui imprimant un seuil énergétique
qu’il est incapable d’assumer.
Car, pour élever les substances à un titre de noblesse plus fort, il
faut auparavant vous élever vous-même au niveau de ce titre, en
intégrant le corps ou l’état adéquat. Fusion, unité intérieure, sont
obtenues par friction, par la lutte entre votre ego et votre être,
lutte maintenue en équilibre et jamais résolue par l’une des
parties, mais par le niveau supérieur lui-même.
Si vous ne livrez aucune lutte intérieure, vous irez toujours dans
le sens des courants qui vous dominent et, comme ces derniers
sont accidentels, vous ne pourrez végéter que là où ils végètent.
Mais, si une lutte intérieure s’amorce, et surtout si vous suivez
une ligne qui ne privilégie ni votre ego ni votre être, alors vous
commencerez à fabriquer cette énergie en vous, dont le trait
principal est la permanence.
L’énergie dont je parle est tout-à-fait mesurable. Elle n’a rien
d’un genre de magnétisme occultiste dont se gargarisent les
esprits malades. Elle est mesurable, parce qu’elle est du même
type que les hormones. Elle n’est pas une hormone spéciale, elle
représente leur qualité du point de vue philosophique. Par
exemple, tel animique engendre une grosse dose d’aldostérone.
En équilibrant ses fonctions organiques comme nous l’avons dit,
il en « fabriquera » moins en quantité, mais leur structure
minéralocorticoïde sera bien supérieure. Il développera ainsi
moins de « rénine » et par là chargera moins son organisme de
diverses toxines : son énergie vitale circulera mieux et sera
mieux exploitée.
Chez un tel individu, le travail sur soi - qui engendre nous
l’avons dit de la souffrance - débute par une action directe sur ces
métabolismes. Il vivra très difficilement une période
d’hypertension réno-vasculaire, par exemple, qui le gênera
beaucoup. Son taux de rénine ( enzyme capable d’hydrolise)
chutera considérablement, il aura mal, il sera fatigué. Il vivra des
moments insupportables pour lui, il croira que c’est de la folie,
que c’est sa fin. En réalité, il mettra en branle les forces de la
persévérance et de la compréhension.

148
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 149

De même, chez l’affectif ou chez l’intellectuel, d’autres


transformations sont mises en route. A chacun son chemin, à
chacun ses douleurs, ses étapes, ses fins, parce qu’en inhibant
une fonction dans laquelle vous avez coutume de dormir, vous
débloquez inévitablement l’énergie des autres fonctions qui
n’agissaient pas auparavant. Bien entendu, cela ne peut pas se
passer tout seul, sans la moindre peine.
Que vous soyez intellectuel, affectif ou animique, seul le maintien
de la lutte entre l’ego et l’être pourra créer l’énergie suffisamment
permanente pour vaincre vos fixités. Il faut que cette lutte soit
constante, mesurée, ferme et très zélée. C’est pourquoi le premier
barreau de l’Echelle sainte est le renoncement.

Vous comprendrez facilement que votre renoncement au monde,


selon votre appartenance aux règnes précités, ne peut être le
même pour vous que pour votre voisin. Ainsi, il n’y a pas la
grande théorie du renoncement, sur laquelle on placerait tous les
postulants sur une ligne de départ en donnant le coup d’envoi.
Chacun doit comprendre ce que peut être le renoncement pour
lui, sans quitter le monde.
Car renoncer au monde ne veut pas dire quitter le monde. Il est
le premier niveau de l’échelle chymique parce que c’est lui qui se
manifeste dès que vous prenez conscience de la valeur de ce que
nous avons transmis, non pas parce que cela est fort ou infus,
mais tout simplement parce que cela a mis le doigt sur
l’insuffisance de vos forces.
L’insuffisance des forces humaines est la première notion qui
s’apparente au renoncement. Elle est la prise de conscience qui
consiste à se rendre compte d’une différence fondamentale : vous
imaginez l’énergie dépravée dont vous disposez, et vous la
comparez à celle qui est requise pour le formidable combat que
vous allez mener. Manifestement, une aide hors du commun est
inéluctable.
Vous concevez maintenant que si vous vous fiez à vous-même
exclusivement, vous serez vite renversé. Se résoudre à ne pas
placer sa confiance uniquement en soi est pour beaucoup un

149
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 150

obstacle très important, qui les empêche de commencer une fois


pour toutes. L’homme ordinaire ne veut rien savoir de ces choses,
parce qu’il est sûr de lui, de ses fixités qui « reposent toutes sur
son vécu », comme il l’affirme. Comment un tel homme pourrait-il
recevoir des conseils, une aide, s’il croit qu’il connaît tout, tout
seul et qu’il peut tout ? Comment voulez-vous qu’à travers un tel
mur de suffisance le moindre rayon de savoir, de lumière, passe ?
Libérez-vous de cette confiance immodérée que vous avez en
vous-même. Elle est tellement enracinée que vous ne vous
apercevez même plus combien elle a changé votre cœur.
Le « cœur » dont nous parlons n’a rien d’un affect malade comme
nous entendons les attitudes sentimentales de l’ego. En effet,
lorsqu’un être a équilibré ses fonctions et qu’il a atteint un
niveau de permanence certain, l’énergie qui se manifeste par
cette permanence se focalise sur le plexus solaire. Elle est ainsi
en mesure de donner naissance au corps plus subtil qui sera
soumis à un moindre nombre de lois. C’est de ce cœur là dont
nous parlerons lorsqu’il sera fait mention du mot. Nous y
reviendrons.
Pour l’heure, vaincre votre excès d’ego. Aidé seulement de votre
bonne volonté - la meilleure des armes pour le début -, vous
entreprenez la plus difficile des tâches. C’est la « persécution de
soi » dont parlent les Saints, c’est le sens de la croix chrétienne :
ma volonté transplantée par celle d’un autre et qui engendre
cette friction, ce centre (le point qui les relie), lui-même
générateur d’énergie supérieure, à condition que cette situation
dure suffisamment ... Car aussi longtemps que vos petites
volontés égoïstes vous domineront, vous ne pourrez pas
prononcer les termes, en implorant la Dame, « que Ta volonté soit
faite ». Je veux dire que si vous ne bradez pas votre propre
grandeur, vous ne pourrez jamais accéder à la véritable
grandeur. Si vous ne sacrifiez pas votre liberté, vous ne
connaîtrez pas la liberté-principe, qui est sous le règne d’une
unique volonté, car croyez-vous qu’il soit possible de remplir un
vase d’eau pure sans vider auparavant l’eau sale qui s’y trouve ?
Un grand, un très grand labeur sera nécessaire à cet effet, et bien
des peines secrètes que personne ne percevra, surtout après des
années de négligence, pour que votre être, qui a été repoussé par

150
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 151

votre ego, semblable à ce chien glouton, en vienne à force de


simplicité et d’application, à préférer la pureté et la vigilance.
Prenez courage. Si dominé par les passions de votre volonté
propre que vous soyez, aimez par dessus tout vous « jeter au feu
du combat ». Commencez avec fermeté, ne soyez pas veule, même
si par la suite vous vous relâchez : une volonté courageuse du
début qui retombe dans le relâchement garde au fond le souvenir
de son premier mouvement comme un éperon, par le circuit des
énergies qu’elle a ouvert et mémorisé.
Si vous trahissez votre engagement, si vous perdez votre
bienheureuse ferveur, recherchez avec soin les causes précises de
cette perte et reprenez le combat encore plus ardemment là où
vous l’avez laissé, parce que votre ferveur première ne peut
revenir que par la porte d’où elle s’est échappée. Ne perdez pas la
piste car le relâchement, c’est égarer le chemin.
Ne renoncez pas par crainte du monde. Si vous agissez de la
sorte, vous serez brillant quelque temps et vous vous épuiserez
très vite. De même, l’espoir secret de la récompense finale - la
Pierre - ne doit pas inspirer vos efforts, car vous ne savez pas ce
qu’est la Pierre, vous vous l’imaginez seulement, et bâtir son
renoncement sur cette imagination revient à désirer en secret
que l’ego continue son œuvre dévastatrice. Que votre départ ait
pour raison l’amour, qui se traduit en vous-même par un feu
intérieur dévorant, le feu secret dont nous parlions, feu
intarissable, qui consume tous les vices et toutes les impuretés,
qui est le seul à engendrer la souffrance dans la joie. Ce feu
construit plus qu’il ne détruit.
Gardez-vous de renoncer par simple concours de circonstances.
J’ai connu des hommes qui avaient agi de la sorte et qui, un peu
plus loin, ont rencontré d’autres raisons de s’attacher. Celles-ci
avaient pris les tournures extérieures du renoncement. C’est ce
que l’on apprend en premier lieu dans un monastère bouddhiste,
que de renoncer à l’idée fixe du renoncement dont s’est emparé
l’ego. Ne soyez pas entêté, mais que votre zèle dépende plus de
l’amour, de ce feu intérieur, que du désir de changer. L’ego
déguise toutes les tournures qu’il peut créer en un mirage.
Ne croyez pas que vous êtes indigne parce que vous vous jugez
trop taré des maux du monde. A grande maladie traitement

151
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 152

énergique, prenez patiemment une à une vos barrières, d’abord


les plus petites. Combattez-les assidûment, faites de ce combat
votre but du moment, votre seul but. Pensez-y, éprouvez-le,
pratiquez les gestes en conséquence. Utilisez ce qu’il vous semble
bon comme réveils des papiers, des poignées de porte inversées,
des cailloux dans les chaussures, enfin ce qui est salutaire pour
que vous ne vous endormiez pas. Dès que vous vous habituez,
changez de réveil, adoptez-en un autre.
Ne croyez pas non plus que vous ne pouvez pas commencer parce
que vous vous jugez trop attaché aux affaires du monde et de dire
« je n’y peux rien, il faut attendre ». Et attendre quoi, s’il vous
plaît ? Méfiez-vous comme de la peste de cette vue des choses, qui
est souvent le prétexte caché de votre couardise ou de votre
laisser-aller. Même si vous avez de très grandes responsabilités,
même si vous êtes très pris par le temps, vous pouvez, sans
aucune gêne réelle pour vos affaires, entreprendre un petit effort,
un bout de chemin vers la Dame. Ceux qui ont les entraves aux
pieds peuvent encore marcher, dussent-ils saigner et souffler plus
que les autres. Ne tranchez pas nettement et prenez garde à ce
qui tranche en vous. J’ai souvent entendu : « comment voulez-
vous qu’avec mes responsabilités je puisse entreprendre quelque
chose ?» Je leur ai répondu : pour les uns, l’ennemi sera la
gourmandise, pour les autres, il sera le bavardage ; pour vous, il
est la question que vous venez de poser, il est dans cette question,
dans tout ce qu’elle sous-entend.
Nous nous laissons tous intimider par des ennemis. Vous verrez,
à l’aide de l’expérience, que la plupart de ce que vous croyez être
des ennemis est invisible, n’existe que dans votre mental sous
forme d’obsessions. Dès lors, le combat est celui à livrer contre
vos obsessions. Adaptez votre lutte à vos forces, ne foncez pas
tête baissée ni ne vous laissez aller par prétexte au nonchaloir.
Réjouissez-vous de la peine que vous prenez, car tant que vous la
prendrez, le combat vous montrera que vous avancez, même si
vous n’en percevez pas l’issue. En effet, vous savez maintenant
que les difficultés sont cachées aux modernes parce qu’ils
dorment. Ils ne peuvent pas les comprendre, car ils n’ont pas les
énergies nécessaires comme support à cette compréhension ; ils
deviendraient fous, s’ils savaient d’un seul coup, sans
préparation. Choisissez avec l’aide d’un guide des exercices qui

152
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 153

vous conviennent, une manière d’être appropriée selon votre


connaissance immédiate de vous-même, une forme de vie
nouvelle. Malheur à celui qui reste seul, car s’il tombe dans la
négligence, le découragement, le sommeil, il n’a personne pour le
relever.

Cette toute première étape est également celle de la rencontre


avec les livres. L’intérêt se polarise sur les publications
chymiques anciennes et contemporaines, ce qui n’est pas sans
poser des problèmes de tous ordres. Les premiers traités choisis
démontrent par leur lecture souvent avide au début, que vous
êtes au seuil d’un monde constellé de ses mystères, de ses lois,
baigné de son propre temps et dont la pénétration du langage lui-
même demande un travail considérable.
Si vous renoncez vraiment aux attributs modernes du monde et
que votre esprit n’est pas excité par l’envie, vos choix se porteront
inexorablement sur de sérieuses publications et, dès lors, c’est
toute la question des parutions authentiques qui devient très
aigüe. Comment reconnaître un livre dont le contenu est digne
d’un laborant, à l’inverse de quelques-uns qui, traînant dans les
mêmes rayons, ne sont issus que de la plumitive masturbation
intellectuelle de souffleurs ?
Voilà qui revient à transposer l’examen de votre louable désir sur
la signification moderne d’un « souffleur » et, par la présente
occasion, d’approfondir notre Litterae Custodium du dix-
neuvième numéro de La Tourbe des Philosophes, tout en évitant
l’erreur qui consiste à croire que nos jours comptent moins de
fallacieux traités qu’auparavant. Il n’en est rien : le rapport de
souffleurs en regard des sincères étant resté approximativement
le même, nos contemporains mystificateurs sont pourvus
d’identiques qualités diaboliques que leurs ancêtres complices, à
savoir : vaine gloire, orgueil, superbe et trahison, fautes graves,
péchés mortels car ils font vraiment mourir, que nous
examinerons en leur temps.
D’emblée, que cela soit très clair : nous affirmons, avec toute la
puissance de notre expérience à l’Athanor, que toute personne

153
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 154

n’exerçant pas à la pince ou au ballon n’est pas autorisée par les


Pères à transmettre quoi que ce soit, pas même le moindre avis
intellectuel sur ce qu’elle ne pratique pas. Nous ne serons jamais
assez combatifs contre ces faux, nous ne sévirons jamais assez
comme à l’image de la très sainte chevalerie ; l’épée tintant le
Graal s’octroie le pouvoir de donner la mort. Car ces attitudes - et
nous ne craignons pas de le souligner au XXe siècle - devraient
être punies de la peine capitale en ce qu’elles relèvent de la
trahison, elle-même vile relique inverse de la loyauté.
Evidemment, les modernes n’étant pas à une attitude fourbe
près, nos propos paraîtront à leurs yeux démesurés, « indignes de
chercheurs de vérité ». Le choix est pourtant limité : laisser agir
l’opprobre dans la plus complète impunité hypocrite ou, à l’image
des Pères, sortir le glaive.
Dussions-nous être injustement jugés par les opinions traîtresses
qui animent les stériles discussions de bon ton des salons dans
lesquels on palabre sur les révérendissimes qualités des œuvres
littéraires en vogue, nous sortons le glaive. Sans révéler
présentement quelles sont les sources qui nous signèrent avant le
combat, nous osons lever la lame, hauts les bras et sans l’ombre
d’une hésitation, au dessus du cou de tous les ploutocrates qui,
sans la moindre honte, écrivent ce qu’ils n’ont pas réalisé.
Visualisez l’ampleur du phénomène : les uns n’ayant rien fait du
tout, les autres s’imaginant tenir le droit d’aînesse après
quelques simples purifications mercurielles. Autant vous hurler
sans détour que les trois quarts des publications arborant
fièrement l’étiquette «alchimique » ne sont que de fielleux faux,
huppés de suffisance et dont les érections plumitives camouflent
la fausseté de leur contenu. Qu’il soit vieux de quelques siècles ou
contemporains, je vous engage à prendre tout ouvrage avec la
pince de la méfiance, tout comme vous saisiriez un animal
simulant la mort.
En ce qui concerne les anciens traités, il est préférable de vous
référer exclusivement aux quelques Adeptes qui animèrent notre
quête durant les siècles passés, dont les noms sont quasiment
tous cités par Fulcanelli et son disciple, Monsieur Canseliet.
Par contre, les parutions modernes sont affublées d’un nouveau
style de décor, celui du mandat hâtif de bourgeois qui se sont

154
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 155

déclarés dignes en serrant deux ou trois mains. S’ils l’avaient


vraiment été, inutile de vous dire que Monsieur Canseliet ne
serait pas parti de cette manière. Car, comment imagineriez-vous
une simple « relève » en dehors de la profonde empreinte
traditionnelle ?
Lorsque nous avons été appelés pour préparer le corps du maître
de Savignies, les ordres furent formels. Une liste précise de noms
nous a été confiée, nous révélant le caractère vraiment dignitaire
des personnes patentées qui eurent l’autorisation de s’incliner
devant l’Adepte. Pendant que la dépouille recevait les soins
égyptiens dus à son rang, nous étions tout en même temps
chargés de mission, et de nous transformer, à chaque sollicitation
de la clochette du verd portail, en brave ou menaçant chien de
garde ( d’où Litterae Custodium ).
Voici qui vous révèlera pourquoi certains ont été mordus et
pourquoi d’autres ont été chaleureusement acceuillis. Vous ne
penseriez pas - vous qui êtes sincère - comme la vérité adhérait
intimement aux faits ... En effet, figurez-vous que ce sont les
envieux, dans la plupart des cas, qui forçaient littéralement la
grille, alors que les élus pleuraient le maître en silence. J’ai
bloqué moi-même l’entrée à certains noms dont la grandeur n’a
d’égale que l’étiquette qu’ils se sont confectionnés à grand renfort
de publications, et mordu ces hordes de sales rats qui, habillés en
dandy et sortant de leur richissime automobile, violaient l’entrée
sous le prétexte de s’appeler Monsieur.
Une dizaine de personnes seulement eurent l’honneur de porter
ce qualificatif, dont je vous affirme que seuls deux noms vous
sont connus, deux qui n’ont jamais publié quoi que ce soit.
Pour les modernes, je vous intime un ordre, en exigeant qu’il soit
suivi à la lettre : avant tout don de votre confiance, quels que
soient la pseudo-grandeur et l’étalage des publications ainsi que
leur apparente qualité, demandez sans retour la preuve opérative
de leurs affirmations. En tant que quêteur sincère, vous avez le
droit, - et si vous ne vous en sentez pas la force, je vous le donne -
de voir avec vos yeux, de toucher avec vos mains les réalisations
philosophiques des auteurs. Lisez un livre récent - y compris
celui-ci - avec le doute qui lui est dû ; cherchez toujours à
contacter son auteur, patiemment, poliment, et voyez. N’entrez

155
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 156

jamais dans l’étude d’un traité moderne sans cette impérieuse


condition. Obéissez.
Une seule exception peut être octroyée par la Tradition, exception
qui n’engendre aucune extension généralisante, relative aux
publications à caractère livresque. Par exemple, René Alleau,
intellectuel de bon aloi, est digne d’être lu avec respect. Son
travail est honnête, comparatif, avouant ses propres limites. Mais
nous n’adopterons, en aucun cas, l’attitude de ses adorateurs, qui
affirment et enseignent que son travail peut servir de base
concrète devant l’Athanor. Grande confusion que celle-ci,
démontrant le caractère pernicieux des faux : que votre
discernement prenne les parutions de cet auteur comme de
saines informations culturelles, relatives à l’Alchimie ; cela ne
stipule pas, évidemment, que ceux qui se réclament admirateurs
soient décorés du même sceau qualitatif. Par voie de
conséquence, sans la moindre dérogation, vous préférerez les
écrits d’Adeptes pour vous jeter au feu.
En outre, en ce qui concerne d’autres informations sur ce sujet,
vous voudrez bien vous reporter à l’introduction du petit opuscule
Du Nettoyage des Ecuries d’Augias.

La divulgation sera charitable : voici, au sortir de l’œuf brevis, saturne rendu


philosophique, prêt à recevoir le Particulier de Vigenère.

Un samedi de Février 1982, à 15h 30, devant quatre témoins,


Monsieur Canseliet confirma la validité de notre transmutation,
issue d’un particulier de Vigenère sur le plomb, en or très fin. Je
tiens à la disposition de mes élèves les preuves de nos affirmations

156
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 157

philosophiques et laborantines, pourvu qu’ils entrent dans le


cadre des attitudes traditionnelles requises.
Les envieux, quant à eux, trouveront chez nous ce qu’ils ont déjà
pu percevoir dans les premières pages du présent traité.

(prière )
Le monde est versatile
il m’excusera de décliner son offre.
Seigneur,
pardon pour ce visage si souillé.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 158

Deuxième degré
LE DETACHEMENT
La perception intérieure du renoncement vous conduit tout
naturellement au second barreau de l’échelle sainte, qui est le
détachement. L’alchimiste ne quitte pas le monde pour le
combattre ni par maladie d’inadaptation. Il s’en détourne tout
simplement parce que le monde tel qu’il est ne peut répondre à
ses aspirations, il le laisse comme un outil qui devient
inutilisable, ne pouvant plus être le terrain de sa quête. Il ne se
braque pas contre les matérialistes, contre les hérétiques, contre
quelques classes d’hommes mécaniques. Il se rend à l’évidence
qu’il ne peut plus leur faire confiance, du point de vue de ses
aspirations.
Le détachement n’est pas à confondre avec le renoncement, car il
contient un degré de plus, celui d’avoir compris l’ampleur de la
lutte contre ses habitudes néfastes, contre soi-même ou, comme il
est recommandé dans la Tradition, de « se persécuter ». Bien
entendu, il s’agit de persécuter l’ego et sa forme mouvante, la
personnalité. Mais, à ce niveau, le plus difficile revient à chercher
pourquoi nous répugnons à nous persécuter.
Libérez-vous, je vous prie, de vos identifications propres au mot «
persécution », dont vous avez le sens perturbé par ce que les
media vous ont inculqué. Il ne s’agit pas de vous transformer en
un type répugnant de Janséniste, portant des objets de
mortification et se flagellant tandis que son corps veut dormir.
Mais, si vous maîtrisez aisément vos vices les plus graves - cette
limite qui autorise justement toute la permissivité inconsciente
de l’ego - vous laissez vos petites fantaisies se développer comme
elles l’entendent. Evidemment, vous ne commettrez ni viol ni
escroquerie, mais vous continuez d’abuser du thé ou du café, ou
de vous prélasser de fainéantise aux moments où le travail
s’impose. Votre cœur est rempli d’innombrables désirs fugitifs, et
vous vous étonnez d’errer à l’aventure, éprouvant des difficultés
au four. Certains entendant cela, jettent immédiatement leur
plaque de chocolat à la poubelle et s’imaginent devenir Adepte

158
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 159

parce qu’ils adoptent un type d’ascèse borné. Ce sera le nouveau


désir de jouir de ces gens.
Bien plus capital est d’extirper votre désir de jouir. Il n’est
nullement question de ne plus éprouver de plaisir jamais ! Il est
recommandé d’en tarir le désir perpétuel et secret. Observez-vous
lorsque vous vous levez le matin, ou que vous êtes encore dans ce
demi-sommeil. Bien souvent, vous passez en votre imagination ce
que sera cette journée, et vos pôles d’intérêt se porteront
immanquablement mais d’une manière très insidieuse sur les
moments que vous estimerez agréables ( par exemple, vous allez
dîner avec une belle femme, ou vous irez au magasin
d’accessoires automobiles pour vos nouvelles enceintes
stéréophoniques, etc ...) et votre journée sera conditionnée par
cela. Vous ignorez que vous êtes en train de vous enchaîner à vos
désirs, en programmant par stress des fonctions particulières.
Prison délicieuse sur le moment, mais dont l’incidence finale sera
catastrophique. En vous imaginant faire la cour à cette femme,
vous avez déclenché en vous des phénomènes organiques précis,
sans le savoir. Vous aurez, toujours dans le cadre de cet exemple,
stimulé inconsciemment vos surrénales, et vous vous trouverez
plein de vigueur toute la journée, en fait vous serez à l’image de
l’homme animique ; tout ce que vous vivrez sera vu par l’écran de
ces substances, si bien que la Providence est immanquablement
interprétée, alors que vous pensez tout le contraire. Le soir en
question, vous vivrez ce que vous avez projeté, et si par malheur
la belle vous déçoit, vous voilà en colère ou tombant dans un état
mélancolique qui engendrera d’autres substances, vous faisant
interpréter les signes de la Providence encore différemment, et
ainsi de suite.
Comment voulez-vous travailler au laboratoire nanti de toutes
ces tares, dont vous êtes responsable ? Vous savez bien que le
désir de jouir est entretenu par la tendresse que vous éprouvez
pour vous-même. D’innombrables petits gestes témoignent de
cette tendresse inopportune, comme vous bien coiffer en passant
devant une glace, ou de réajuster votre nœud de cravate, ou autre
chose que vous remarquez à peine et qui témoigne de votre
bichonnage douillet. Constatez-vous que c’est la racine de tous les
maux dont vous souffrez ? Ne voyez-vous pas que ces gestes
apparemment insignifiants traduisent et résultent d’une

159
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 160

intégration générale, d’un enchaînement de manies qui a atteint


un tel seuil de fixité qu’il vous mécanise ? Réajuster son nœud de
cravate en soi n’est pas grave, bien sûr, mais ce sont tous les
processus qui sont la cause de ce geste routinier qui sont très
graves. Encore plus dramatiques sont les canaux creusés par
lesdits processus en vos fonctions organiques. La première fois
que vous réajustez votre cravate est consciente, mais de cette
conscience qui vous vient à cause d’un choc stimulant dont vous
êtes l’esclave - vous allez voir quelqu’un de précieux - et, la visite
terminée, ayant reçu votre quota de considération, votre ego
s’empare immédiatement de ces délices et vous vous retrouvez
comme un automate à répéter ce geste chaque fois que vous
rencontrerez quelqu’un.
Vous l’aurez compris, l’exemple de la cravate n’est pas limitatif,
d’innombrables choses de cette sorte vous arrivent. L’intérêt du
deuxième degré d’intégration cosmique réside dans le fait de vous
rappeler sans cesse quand vous ressentez ces délices, et de
répertorier les gestes qui les soustendent de façon à agir sur eux
comme nous l’avons déjà souligné : ainsi seulement vous vous
libérez de vos fixités organiques, ce qui vous permettra d’accéder
à des états de conscience plus vrais et plus profonds. Il s’agit
d’amorcer le processus.
Si vous n’étiez pas rempli de pitié pour vous-même, de cette auto-
compassion qui fait que votre horizon ne s’étend que trop
rarement au-delà de vous, il vous serait possible de voir que vous
êtes la cause de votre propre malheur.
Le plaisir n’est pas interdit. Il n’est pas question de vous
proposer le mode de vie de ces religiosités difformes qui ont été
responsables d’une grande partie du malheur des hommes dans
l’histoire de l’Occident. Le plaisir n’est pas interdit : c’est la
recherche du plaisir qui est illicite. Si vous travaillez sur vous-
même, vous recevrez du plaisir en son temps, mais jamais comme
vous l’exigez habituellement. Ce plaisir vient lorsque vous n’y
êtes pas préparé, lorsque vous le méritez vraiment. Il prend une
dimension autre, sa saveur est merveilleuse. Malheureusement,
trop souvent l’ego tente de l’accaparer à nouveau, perpétuant ses
habitudes néfastes. Il faut veiller.

160
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 161

Au-delà de soi-même, qui rencontre-t-on ? Dieu, la Dame et le


prochain ... Bien des pièges vous attendent, prêts à fonctionner,
dès que vous débuterez dans la pratique. Si vous adoptez une
forme d’ascèse dictée par un de ces « prêtres » éloigné de la
tradition religieuse et conforté par votre personnage, vous
pourrez vous mortifier et jeûner autant de temps que vous le
choisirez, vous constaterez que, replacé dans le courant de vos
habitudes, vous ne poursuivez plus cette ascèse qui n’était qu’un
faux placage. En vérité, ce qui se sera passé est une forme
d’hypocrisie subtile qui consiste à donner en pâture à l’ego une
vague ascèse, engendrant le sentiment de bonne conscience. La
vaine gloire est le support de cette pseudo-démarche, et vous
voici telles ces plantes arrosées par le canal souterrain et
fangeux, engraissé par le fumier des louanges. Ces gens, si vous
les transplantez dans un véritable terrain ascétique, désertique,
où ils ne sont plus nourris par les eaux malodorantes de la
vanité, se dessèchent. Prenez garde de ne pas prétendre à la voie
raide et zélée, alors qu’en réalité vous vous confortez dans la voie
spacieuse et spectaculaire. Soyez sûr que la Dame vous regarde,
où que vous viviez, quels que soient vos gestes.
La Dame est une Personne, elle n’est pas une chose. Elle n’est
pas la « nature ». Ne confondez pas la nature, si belle soit-elle, et
la Dame. Marie (qu’Elle nous protège) est la Mère, une personne
vivante et immensément généreuse. Si votre esprit moderne se
braque contre ses volontés, Elle agit comme une mère, pleurant
son fils égaré en l’attendant patiemment. N’imaginez pas que
Marie est issue de l’invention morbide de quelques solitaires
cacochymes. Je vous assure - et vous le découvrirez par vous-
même plus tard - qu’Elle est une personne divine infiniment
miséricordieuse. Tout comme une mère, Elle vous appelle. Elle
crie d’abord votre vrai nom jusqu’à ce que vous ressentiez en
votre cœur son premier signe : l’appel, la mission, l’attirance
irrésistible vers le fourneau. Elle réitère son appel plusieurs fois
et, si vous vous placez dans des dispositions intérieures
adéquates, Elle vous parle plus doucement, comme à son enfant
qu’Elle retrouve après qu’il se soit perdu.
Le détachement, vous l’aurez saisi, n’est donc pas un tour de
force à l’encontre du monde. Il est tout simplement l’écoute
intérieure de cet appel qui fait que l’on se détourne des bruits

161
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 162

modernes. L’ascèse, qui est le travail sur soi, doit vous aider à
mieux percevoir cet appel, plutôt qu’à vous déterminer d’une
manière entêtée dans une forme d’exercice où la personnalité
joue la comédie favorite de vous leurrer.
Vous savez qu’il n’y a pas de consentement possible : vous êtes
arraché au monde pour le fourneau. C’est le premier signe qui
vous donnera la force de ne rechercher ni consolation ni refuge.
Cet appel ne retentit pas au dehors, personne ne l’entend que
votre cœur. Seuls ceux qui vous aiment, en conséquence, peuvent
le percevoir avec vous. Les autres, fussent-ils vos meilleurs amis
du jour, n’y comprendront rien. Pour vous, tous les savoirs de
pacotille s’effacent, vous devenez nostalgique tout en pénétrant
votre pauvreté. Enfin le silence fait place à l’incessant et ancien
bavardage intérieur, laissant poindre un sentiment
extraordinaire d’exil. Vous commencez alors à vouloir
abandonner le superflu pour vous tourner vers votre recherche,
vous vous retournez en dedans de vous et, pour la première fois,
vous vivez une conversion.
Etre converti n’est rien d’autre, car c’est de vous que cela vient,
par l’appel de la Dame, qui a su ouvrir une brèche en vous par
laquelle vous percevez l’espoir d’un chemin. Vous voici converti à
une démarche qui s’éloigne des données collectives, pour vous
faire vivre son caractère unique. Vous êtes devenu un être « à
part », parce que le chemin entrevu est synonyme d’une vocation :
celle de parcourir justement cette route, qui est proprement la
vôtre. C’est pourquoi vous pénétrez immanquablement dans le
silence, dans le secret. C’est également pourquoi le détachement
ne peut être une manifestation extérieure impressionnante, qui
fait du bruit, car c’est seulement vous-même qui avez pu
percevoir cet appel du dedans.
Il faut alors apprendre à vous taire, de manière à ne pas rompre
ce silence, au risque de voir le contact s’éteindre. Ne pas se taire,
c’est retomber dans les bruits de son ego, de la maladie du désir.
A ce stade, celui où vous n’avez fait qu’appréhender, il vous
manque la dimension de présence, c’est l a raison de vos
abattements et aussi de votre errance. Les bruits du monde
continuent à vous solliciter, et vous oubliez que ce qui vous tenait
dans votre être vous prenait le temps que vous avez retenu vous-

162
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 163

même pour votre écoute. Il vous faut revenir sans cesse sur cet
appel, le revivre dans votre chair, dans toute votre masse comme
au premier jour, le plus souvent possible, le plus sincèrement
qu’il se peut, ou retrouver les chocs par lesquels il a été provoqué.
L’attitude intérieure adéquate est celle de l’attente. On attend
l’hôte, qui est présent par cet appel au feu, il vous faut veiller.
Etre attentif est la clef de ce deuxième barreau ; l’état de veille en
permet l’approche. L’attente est le signe premier de la fidélité,
entretenant le frottement dont nous parlions précédemment,
vous amenant à comprendre vraiment que « quitter le monde »
n’est pas partir sur une île déserte, car les bruits du monde sont
en vous : c’est la présence du monde en soi qu’il vous faut quitter,
le facteur déclenchant étant l’appel au travail qui, s’il est
sincèrement vécu, fera que vos attachements illicites
s’évanouiront.
Ne commettez pas la faute de créer un autre type d’attachement
qui est celui de tenir à cet appel comme vous vous agrippiez aux
choses du monde. Ce sera ici votre intellect qui travaillera
illusoirement, alors que vous aspiriez à ce que cela soit votre
cœur. C’est le cœur qui doit vivre lui-même en état de veille, et
non pas l’analyse, la raison.
Cette nouvelle dimension intérieure vous place dans l’intimité
avec la Dame qui, à ce stade, sera vécu par vous comme un exil
volontaire, troisième barreau de l’échelle sainte, parce que vous
le savez sans retour ...

Sans retour ... certitude implacable et irréversible, vous cadrant


dans les conditions intérieures idéales pour l’emplacement de
votre laboratoire, sa construction et son aménagement. Tout en
même temps, la voie qui vous semble la mieux appropriée à vos
aspirations se dessine imperturbablement.
Rien ne peut et ne doit être dit sur le choix de la voie, sinon qu’il
dépend uniquement de l’intime lien qui vous unit à Dieu ainsi
que de la Providence, par l’intermédiaire du Langage des
Oiseaux. Ayant déjà énoncé les précieuses conditions requises
pour une juste approche de la langue universelle, il nous reste à

163
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 164

dire sur ce chapitre qu’à la lumière des deux niveaux requis, il


est indispensable de les intégrer le plus complètement qu’il se
peut, sous peine d’incommunicabilité avec les Oiseaux. Le
renoncement appuyé du détachement débloque des énergies
nouvelles par la rupture sans appel de vos anciennes fixités, soit.
Mais, si votre renoncement est seulement teinté d’une touche de
détachement, vous éprouverez les plus grandes difficultés à
passer le seuil du Royaume des enfants. Ce n’est pas pâte rouge
qu’il vous faudra montrer ici, mais patte blanche.
Est-il utile de vous raconter que l’exact niveau atteint vous
placera en état de grâce réel : accueillir les oiseaux sur vous,
vraiment, dans la verte campagne à l’heure du crépuscule.
Ineffable bénédiction qui se déroule sous vos yeux émerveillés,
vous laissant coi, et se vivant tout en même temps dans une
coexistence indicible.
Par contre, nous formulons sans vergogne exactement les mêmes
remarques sur les voies que sur les autres chapitres, du point de
vue de l’ego, afin de vous mettre en garde contre la voie qui vous
séduit le plus. La voie qui vous séduit le plus a inexorablement
ses attaches profondes dans votre ego, justement parce qu’elle
vous séduit, vous poussant mécaniquement au désir de ... c’est-à-
dire le plus fréquemment à l’impulsivité. D’une manière
identique à tous les troubles que nous avons déjà pu décrire,
votre « certitude » du moment sera, n’en doutez aucunement,
révisée par l’expérience : car il ne s’agit pas, dans le Grand
Œuvre opératoire, de céder à vos pulsions primaires et
souillantes, mais bien plus de vous transformer, de vous former,
de vous modeler, de vous changer. Vous devez transmuter vos
avis sur toutes ces questions de départ, parce que vous vous
imaginez détenir l’ensemble de vos aspirations sur le reste de
votre vie, alors qu’elles ne sont que le pâle reflet d’une somme
d’identifications dont l’œuvre vous commande justement de vous
débarrasser.
Ne soyez pas prolixe en cette matière, de vos points de vue
subjectifs. Interrogez-vous sur les sources par lesquelles vous
avez décidé « c’est la voie sèche », « c’est la voie humide », ... Vous
l’avez programmé sur ce terrain meuble qu’il vous faut bêcher.
Inévitablement une sorte de revirement de situation signera

164
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 165

votre vraie entente avec l’Art, vous ayant délesté de votre


immense identification des débuts.
Comprenez bien ce que je cherche à vous révéler. Il n’est
nullement question de vous influencer sur le choix de votre voie,
mais plutôt de vous demander de vous interroger sur la nature de
votre décision, et aussi de vous mettre en garde !
Oui, de vous crier gare ! attention, le feu extérieur de la voie
sèche séduit les hâtifs ; attention, le lent processus de la voie
humide tente les avortons en technique ; l’art bref est celui
qu’admirent les forts en mots ; tout cela en regard des diverses
formes de la personnalité. Je ne veux pas dire que l’art bref est
celui des forts en mots, mais plutôt que les forts en mots
choisiront l’art bref, comprenez-vous ? C’est ici tout le dilemme
des attitudes maladives des déphasés psychiques, dont Jung a
fort pertinemment décrit les anomalies mais, malheureusement
pour lui, il les assimile à tous les alchimistes.
Débutez par la voie qui vous semble la meilleure, mais n’hésitez
pas à revenir sur vos certitudes, même si elles vous semblent
extravagantes. Car, à partir du moment où le Langage des
Oiseaux vous commande de traiter en vous votre hâte, par
exemple, ou encore votre identification à la mode de la voie sèche,
il vous est ordonné par Dieu, dussiez-vous passer pour un niais,
de mettre le cap sur votre propre route. Bien souvent, ne soyez
pas surpris que cela vous arrive dix ans après, voire plus tard
encore, quels que soient le nombre et l’ampleur de vos
manipulations. Ne vous entêtez pas par la crainte d’abandonner
un petit monticule de savoir. Vous apprendrez plus encore en
vous soumettant à l’exigence de la Providence. Ecoutez-moi, je
vous prie.
Vous refusez d’entendre ces choses n’est-ce pas ? Plus vous les
réfutez, mieux vous êtes scellé à ce qu’il faut changer en vous,
plus vous souffrirez bien entendu, mais un salaire indescriptible
vous attend au bout de vos efforts. Si vous n’entrevoyez pas la
valeur de l’immense présent dont je parle, dites-vous qu’il vaut
mieux ne rien espérer plutôt que de continuer à vous bercer au
théâtre de vos phantasmes.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 166

Conséquemment, ne prévoyez pas la conception de votre


laboratoire selon votre humeur du jour. N’oubliez pas de
l’agencer afin d’avoir la possibilité d’opérer dans les trois voies
traditionnelles, en gardant à l’esprit l’inexorable nécessité de la
pratique spagyrique.
La spagyrie est la meilleure école préparatoire, ouvrant à votre
véritable nature l’Art d’Hermès. En travaillant durant trois à
cinq ans assidûment par la Spagyrie, vous serez certain de ne
jamais vous tromper sur vos aspirations ultérieures, parce qu’elle
contient en elle toutes les conditions requises à l’initiation
primitive, elle-même réclamée au seuil de chacune des trois
voies.
Vous ne pouvez actuellement mesurer l’ampleur de ce que vous
enseignera la Spagyrie, qui vous livrera ses merveilles au fur et à
mesure de votre avancement au pilon. Elle est une compagne très
précieuse, généreuse dans ses dons. Les présents qu’elle vous
offre, à l’image d’une bonne épouse, sont la très excellente
expérience du régime extérieur, la manne des poids et mesures,
la très-estimée sapience, la juste sensibilité effaçant les manques
ou les excès des règnes humains, la douceur parfaite réclamée
par les vivantes préparations et, ne l’oubliez jamais, toutes les
médecines qui vous aideront aux caps où la tempête fait rage.
En outre, elle vous montrera du doigt l’usage des ustensiles, leur
acquisition, leur devenir, vous évitant le gaspillage de temps et
d’argent. Combien avons-nous vu de pseudo-alchimistes
manipulés par leur propre hâte, faire valoir une bibliothèque
digne d’un souverain, se ruiner par l’acquisition inconsidérée
d’accessoires incroyables, qui finiront vingt ans plus tard dans
une vente aux enchères, sans parler de ces laboratoires-musées
rutilants ne souffrant l’absence des dragons sculptés sur les
gonds de la porte du four ... Pour eux, ce qu’ils ont perçu de l’Art
chymique s’est transposée en mythomanies, par l’artifice idiot de
la personnalité. Ce sont en général des gens à problèmes,
instables, très vaniteux, gâtés, nourris au lait de la facilité,
outrageusement dépensiers mais curieusement ingrats, n’ayant
aucune notion du travail, jetant sans vergogne un vaisseau dès
qu’ils estiment que ce dernier n’est plus à la hauteur de leur
suffisance. On les trouve également charmeurs, sans gêne,

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 167

bavards et capables de tout anéantir sur leur passage pour


arriver à leurs fins.
Voyez-vous, il existe de nombreux spécimens de cette race dans
les couloirs de l’alchimie-mode. Pour ces business men de
l’ésotérisme en chambre - dont vous seriez surpris de savoir qui
ils sont mais que je vous laisse le soin de « lever » - Jung reste
encore insuffisant et je ne taris pas d’éloges sur son travail. De
même au sujet de ceux qui, à l’opposé, sacralisent leurs propres
vues le plus souvent schizophréniques dans les objets de l’Art.
Les voici adorant comme des reliques la plus petite poussière qui
serait auréolée du qualificatif « alchimique », sans même vérifier
s’il ne s’agit pas tout bêtement d’une habile falsification due à
leurs insuffisances.
Ce sont tous ces névroptères qui, malheureusement, du fait qu’ils
ne vivent qu’au dehors, rencontrent les modernes, et se déclarent
« alchimistes ». Vous pouvez imaginer sans peine pour quelles
raisons la question chymique induit immanquablement le petit
sourire du scientifique moderne car, avec ce genre de fourmilion
en guise d’interlocuteur, il ne faut pas s’attendre à une autre
attitude. D’ailleurs, placés sous les exigences expérimentales
toutes simplettes d’une piètre distillation par exemple, vous les
verrez se dévoiler immédiatement, et vous rendre un vague
alcoolat brûlé dans lequel la moitié du flegme se trouve encore.
C’est la raison pour laquelle, essentiellement, la Spagyrie remet
les horloges à l’heure alchimique, en régularisant la situation de
tout un chacun, qu’il soit éminent docteur ou tord-boulons aux
usines de Poissy.

Mais ce laboratoire, où donc l’installer ?


Dans ce domaine comme dans d’autres, l’apanage du précieux
n’est pas de mise, pas plus que l’insuffisance de systématiques
attitudes qui ne verraient pas l’inconvénient consistant à bricoler
en pleine ville, la « demeure » étant plantée entre l’avenue de tel
maréchal et le boulevard extérieur. Pour les uns, rien ne serait
suffisamment merveilleux : ils exigent à l’image de leur superbe
un lieu vierge de toute trace humaine, un tantinet comme cette

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 168

vogue écologiste pour laquelle rien n’est assez beau. Les autres
sont inéluctablement nantis de leur empreinte animique, le plus
souvent agités entre la CB de leur automobile et le regard porté
sur les amples formes ancestrales de la génétique en jupon : tout
matériel s’adapte lourdement, violemment « aidé » de gestes dont
un boucher use peu souvent. Les premiers déifient leur portrait à
travers leur cérémonial libidineux, les seconds empoignent les
matières comme ils battraient une mégère.
Ni l’un ni l’autre, je vous en prie. Il n’est pas question d’adapter
l’Alchimie à vos possibilités, mais de vous adapter aux exigences
de l’Alchimie. Très peu de gens ont conscience de ces attributs, la
plupart étant totalement identifiés à leur personnage. Bien au
contraire, dès que vous osez - selon leur porcin niveau de fierté -
émettre la moindre opinion sur la question, les voici qui se
métamorphosent plus encore dans leur trait principal, tout en
réfutant haut tout ce que vous pouvez leur révéler.
Le lieu d’installation de votre laboratoire sera à l’image de celui
qui reçoit la menstrue universelle au sein des entrailles de la
terre, pourvu qu’il soit suffisamment isolé de toute source
perpétuellement agaçante de pollution ; soit le bruit excessif, soit
une quelconque industrie dépassant une centaine d’employés, ou
encore une veine de circulation automobile intense, une ligne
haute tension supérieure à vingt mille volts et distante de moins
de cinq cents mètres, la proximité d’une centrale nucléaire à une
cinquantaine de kilomètres, d’un terrain militaire ou son
entrepôt, d’une municipalité extrémiste et très active.
N’oublions pas non plus le nécessaire baume d’un bon voisinage,
d’activités culturelles saines aux alentours, de la présence d’une
majorité d’hommes simples et droits, de l’influence toujours très
bénéfique d’une chapelle ou d’une église non loin. Un terrain
vallonné, aéré, sur lequel votre demeure est bâtie le plus souvent
depuis un siècle au moins, même si elle est mitoyenne à d’autres
demeures, est souhaité, pourvu que les précédentes conditions
soient réunies.
Enfin, signalons la présence occulte d’une source qui chemine
sous la maison ou à quelques mètres, dans le sens de la plus
grande pente et qui ne débouche pas dans un lac mort situé à
moins de dix kilomètres - lac ou genre de mare. De même, un

168
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 169

sous-sol granitique, sablonneux ou argileux, qui ne répugne pas à


l’existence de fer, de silice, d’alumine ou, bien entendu, ce qui
revient au même, de kaolin, de feldspaths ou d’argiles marneuses
des plaines.
Peu importe que vous soyez sur un plateau, en montagne, au
nord, au sud de la France, pourvu que l’ensemble géophysique
présentement décrit soit. Il n’existe pas de régions au monde
spécialement conçues par Dieu pour messieurs les alchimistes :
c’est encore une vue d’esprit gâté à tous les sens du terme.
Certains s’en vont dans le midi de la France, partent pour les îles
du Pacifique, ou encore en Espagne, avec leurs gadgets dans les
malles. Restons ce que nous sommes.
Inutile de rechercher le Sujet au Maroc, en Corse, en d’autres
endroits où il est abondant. Il est préférable de travailler avec
nos propres veines, même si elles sont pauvres, pourvu qu’elles
fournissent un taux de cinquante pour cent. Nous y reviendrons,
mais juste pour signaler ici les abus qui, toujours sous la houlette
de l’omniprésent ego, leurrent et abusent les bonnes gens,
malheureusement souvent sorties de familles bourgeoises.
Le lieu d’installation de votre laboratoire est à l’image de celui
que choisit la Providence au travers de l’état de grâce d’un moine
qui fonde un monastère. Il marche, prie, va de régions en régions,
pieux et craignant Dieu pour, un beau jour de présence en Marie,
tout simplement déclarer : « c’est ici. »
Les larmes aux yeux, la chose semble impossible : l’endroit est
habité, il appartient à des personnes qui n’ont que faire de vos
aspirations. Mais, comme par cet enchantement que seule Marie
peut engendrer, tout se débloque, tout s’arrange avec une facilité
déconcertante. Vous trouvez le moyen de réunir les fonds
nécessaires. Ce qui semblait improbable, car ankylosé dans le
carcan des lois, tombe comme un mur de paille ; les propriétaires
vous sourient, bref, c’est ici ... La plupart du temps, vous n’avez
pas même eu le temps ni le loisir d’examiner les lieux pour savoir
s’ils réunissent les conditions idéales. Vous constatez seulement
après l’émerveillement qu’ils les possèdent bel et bien, et mieux
même que vous n’auriez pu choisir vous-même. La main de la «
baraka » (la grâce de Dieu) est sur votre quête, vous êtes
transposé dans l’univers qui ouvre des horizons nouveaux, car

169
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 170

vous avez, en intégrant les deux premiers barreaux de l’Echelle


sainte, rejoint un état spirituel ancestral : la nostalgie. C’est elle,
perpétuellement présente en dedans de vous sous forme d’une
oraison plaintive entonnée vers Marie, au secret du cœur, qui
aimante vos sens vers les lieux appropriés.
Quel état de présence différent, n’est-ce-pas, de celui qui décore
l’homme envieux sortant son chéquier, à grand renfort de
considération, entouré généralement de ses admirateurs. Après
avoir copieusement analysé durant ‘ des mois chaque détail de
l’endroit investi, après avoir ennuyé tout le monde avec sa lubie,
le voilà qui jette l’air parfait « c’est là que je réaliserai le grand
œuvre ». D’autres encore, qui obéissent à une vogue toute récente
touchant une certaine classe de jeunes, s’installent avec l’aide des
mêmes attributs chez une brave demoiselle solitaire ; nouvelle
forme du maquereau camouflée derrière les plus subtiles
motivations, qu’il s’évertue à présenter comme les plus
honorables, évidemment. Il s’agit exactement de la même
corruption. Ici encore, nous pourrions citer des noms illustrant ce
genre d’arrivisme, mais nous préférons vous laisser la surprise.

Abordons maintenant le crucial problème des ondes telluriques,


crucial non en lui-même, mais, comme d’habitude pourrions-nous
dire, par ce que les prétendants en font. Bien souvent, nous les
trouvons à projeter exagérément leurs investigations
lenticulaires sur le sujet : on ne ferait rien sans examiner
incoerciblement tout mouvement, peut-être même celui de
respirer, sans le soumettre à la question des « ondes telluriques ».
On retrouve d’ailleurs l’identique maladie à propos de l’obsession
astrologique qui commanderait de calculer le moindre geste de
laboratoire et de situer les oppositions, les triangulations,
accompagnées de tout l’arsenal planétaire sans lequel il serait
vain de se saisir de la pince.
Alors d’emblée, un fait : seuls sont astrologues les grands savants.
Le calcul d’un thème - un véritable - demande des années, exige
une somme de connaissances bien au dessus de nos possibilités,
requiert un niveau d’intégration philosophique très élevé. Un

170
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 171

astrologue est un génie, un être infiniment intelligent, dont le


savoir ne saurait se rabaisser aux profanes modèles de la plupart
des prétentions dites astrologiques en vogue. Dussions-nous
déplaire aux adorateurs de cette grande Science, nous affirmons
que l’astrologie ne peut être appliquée sans recourir à l’immense
savoir dont elle est la jumelle, rien qu’en posant sur le papier la
plus petite.
Car en premier lieu, un astrologue est un grand mathématicien,
sachant calculer lui-même les équations de tous les mouvements
planétaires, sachant tout autant appliquer lesdites courbes aux
corrélations dont elles sont l’image algébrique. En outre,
l’astrologue est un initié : une connaissance lui a été transmise
par un dignitaire non improvisé, lui-même dans le cycle de la
lignée initiatique qui est la structure même de toute science
traditionnelle.
Je vous parle de ces choses pour avoir connu un authentique
astrologue. Il était derviche ... s’adonnait à cette Science jour et
nuit depuis des dizaines d’années, s’entretenait avec
d’innombrables « confrères » en des lieux tenus secrets : c’est lui
qui m’a parlé d’astrologie.
Inutile de vous dire que j’ai immédiatement perçu le caractère
très superficiel des recettes employées inconsidérément par tous
nos contemporains, et non des moindres. Ces recettes sont loin de
représenter un savoir ! Il est conséquemment hors de question
d’adopter un ensemble de « trucs » qui nous serviraient en
alchimie. Ce serait tout comme l’astrologue qui réduirait
vulgairement le grand œuvre sous prétexte que son travail du
moment le place sur cette route. Dans un cas comme dans l’autre,
comment imaginez-vous obtenir autre chose qu’une connaissance
hybride ? Nous saisissons mieux maintenant, peut-être, pourquoi
les dignitaires religieux combattirent ces formes dépravées de la
tradition, en les poursuivant d’hérésie. Car, bien entendu, la
connaissance hybride dont nous venons de parler ne peut être
qu’hérétique. Pour quelles raisons ?
La plus immédiate est que la connaissance survolée de n’importe
quoi ne signifie rien de plus qu’une vague mélasse se prenant
pour le tableau final, alors qu’elle n’en est que la pochade. Ce
caractère incomplet mais prétendument appréciatif d’un si haut

171
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 172

pouvoir castre petit à petit le dynamisme même de la


transmission initiatique, mettant sous le gibet les résignataires
patentés. En d’autres termes, comme le clamerait mon cher
maître Kowaliski au cours d’une de ses innombrables boutades
naturelles : « ne prends pas les vessies pour des lanternes ».
Secondement, bien que je sache que quelques-uns d’entre vous se
sont adonnés de longues heures à l’astrologie, il serait
malhonnête de ma part de conforter ceux-ci dans leur erreur,
dussent-ils bondir d’étonnement. Sachez, mes amis, qu’il est
parfaitement possible de stagner des années dans la plus subtile
imbécillité, tout en étant persuadé d’atteindre le summum de la
quintessence traditionnelle. Car, avant d’envisager vraiment la
question de l’astrologie -je veux bien à condition que vous laissiez
de côté votre glorieuse « expérience » - il me faut vous infliger
l’identique déculottée que je subis moi-même avec maître Pir V.
Et, pour que je sois sûr de son efficacité, permettez-moi de vous
préciser ce qui a motivé vos longues heures d’étude.
Voulez-vous, s’il vous plaît, me dire pourquoi vous estimeriez -
calculs à l’appui - ne devoir sortir recueillir la rosée seulement
lorsque la dominante Vénus/Jupiter est sur le fond lunaire ? De
même, pourquoi n’allumeriez-vous l’athanor que lorsque Mercure
est dans le secteur V ? Parce que, allez-vous me répondre, telle
dominante ... et vous allez me rabâcher ce que vous avez lu dans
un traité, écrit par un illustre inconnu au bataillon de vos
rencontres initiatiques : de l’identification, rien que de
l’identification qui vous manipule et règle votre manière
d’aborder l’œuvre.
Approfondissons. Pourquoi tenez-vous tant à cette identification ?
Réfléchissez si, au fond, elle ne vous autorise pas, au secret de
l’ego, à perpétuer la goujaterie de votre laisser aller qui trouve ici
sa plus sublime justification ? Pour quelles raisons réelles ne
vous lèveriez-vous pas comme tous les philosophes, toutes les
nuits de lune montante printanière vers les deux heures du
matin ? Parce que cela vous fatigue, parce qu’au champ de rosée
on viendra vous admirer une fois ou deux seulement, et puis
qu’après, il vous faudra vraiment travailler seul et être en face de
votre démarche, parce que ce n’est pas l’Alchimie qui vous meut,
mais ce que l’adoption du terme peut vous apporter, dans le cadre
de cet exemple.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 173

Certains d’entre vous comptabiliseraient le ballet merveilleux du


cosmos en « thème » du jour, allumant leur cigarette, ou stagnant
deux heures quotidiennes dans les embouteillages de banlieue, ou
encore n’arrêtant pas d’invectiver grossièrement madame. Bref,
les effets prétendument bénéfiques du calcul - à condition qu’il
soit bien fait ! - sont ici complètement balayés par de néfastes
comportements. Nous observons donc présentement une forme
détournée de lubie sur laquelle on colle goulûment l’étiquette «
astrologique ». Cela me rappelle ces types d’individus qui trichent
sans le savoir en s’adonnant à des actions mille fois plus funestes
que leur obsession du moment, comme par exemple ce pasteur
qui frappe les enfants en leur inculquant « Dieu est amour »,
parce que les petits préfèrent se divertir avec les mouches, ou tel
ingénieur épais empoignant le marteau pour déloger un
roulement à billes récalcitrant, tel personnage directeur général
d’une grande firme qui place dans son caprice astrologique tout le
côté précieux de sa façade, et bien d’autres conduites.
Je vois déjà sursauter les fiers-à-bras. Bien entendu, vous n’êtes
peut-être pas concerné par les immédiates descriptions, mais ce
n’est pas d’avancer cela qui fera disparaître ce qui est vraiment
en vous. Interrogez-vous sur ces questions impartialement et
vous verrez que vous serez amené, le plus souvent, à mettre de
côté ce que vous croyez savoir en « astrologie ». Mieux vaut peiner
tous les jours et s’en remettre à la Providence que d’être affublé du
décor astrologique qui encombre vos consciences, fussent-elles
sincères.
Dans l’acte quotidien d’offrir votre confiance à la Providence et au
Langage des Oiseaux se trouvent deux qualités. La première est
l’humilité, opposée à ce savoir prétentieux qui consiste à
connaître les mécanismes précis des lois planétaires : vous
appelleriez-vous Dieu pour cela, si jeune, si minable en regard de
ce que vous prétendez ? Il vous faut - je pense - avant tout espoir
d’investigation astrologique, vous former à d’autres subtilités,
dont l’essentielle est celle de clouer le bec à vos prétentions. La
deuxième qualité est l’obéissance, le plus fin support de la
clairvoyance ( peut-être ce que vous souhaitiez au départ ). Nous
y reviendrons. Maintenant, il semble utile de dire ce qu’il est
juste de connaître en Astrologie.

173
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 174

Tel que vous êtes et telle qu’est la lamentable et actuelle


transmission verbale de la science des astres, la seule utilité
réelle d’une étude approfondie du sujet est celle qui consiste à
prendre conscience du cosmos, de l’enchaînement des mobiles qui
s’y meuvent, et de votre place dans l’ensemble de cette réalité.
Nous avons déjà souligné quelles sont les répercussions
bénéfiques d’une telle attitude. Nous devons alors ajouter que la
valeur essentielle de votre démarche vous mettra le doigt, à
l’intérieur de vous-même, sur ce que les anciens nommaient la
crainte de Dieu. Si l’étude de l’astrologie vous guide vers le grand
don de craindre Dieu, vous aurez atteint le premier niveau
demandé par tous les maîtres qui enseignent cette Science d’une
façon traditionnelle. Evidemment, vous ne trouvez pas ici
l’acquiescement que vous attendez, vous savez que ce serait de
ma part au fond très malhonnête car, en réalité, je ne ferais que
considérer votre point de vue, et vous y conforter. Permettez-moi
de laisser ces choses aux réunions mondaines et n’oubliez pas, je
vous prie, la raison pour laquelle vous lisez ce traité.
Prenez en main n’importe quel livre d’astrologie « moderne ».
Comme toutes les analyses coupées de la source traditionnelle,
vous constatez que l’essence de cette Science brille par son
absence, en vous braquant immédiatement sur les bonnes
manières de calculer un thème. Voici qui est tout comme la
pratique des Arts armés - par exemple, le tir à l’arc -, où l’on voit
nos contemporains hâtifs tirer comme des assoiffés toutes les
flèches qui reposent dans le précieux étui. Attitude incompatible
avec celle de T. S., dont je rappelle pour sa mémoire qu’il fut
éminent moine instructeur bouddhiste et que j’ai connu au
Monastère de ... qui est sa fondation au Viêt-Nam : le maître ne
m’autorisa à placer une flèche sur la corde seulement six mois
après le maniement de l’arme vide. Durant ce temps, toutes mes
attitudes mauvaises furent corrigées une à une, à grands coups
de trique dans le dos et de hurlements dont les résonances «
incapable », « imbécile », « fainéant », « indiscipliné » claquaient
au même moment que le nerf de bœuf.
La première fois que je l’ai vu « tirer à l’arc », ce fut pour moi un
appel à l’initiation, non pas à l’initiation du tir à l’arc, mais à ce
que cette expérience révélait au delà de la forme : la discipline.
Vous ne pouvez imaginer combien nous sommes indisciplinés.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 175

Bien des problèmes viennent de là, de ce sale gosse perpétué en


nous en toute impunité par le canal d’une éducation dégénérée.
Je ne comprends pas pourquoi il attendait - du moins je le croyais
- dix bonnes minutes montre en main avant de lâcher le coup. Et
puis, je revenais le voir tous les jours, comme attiré par le même
sentiment que j’éprouvais lorsque je voyais mon père, jusqu’au
moment où je lui demandai la permission de toucher son arme,
fébrilement, rien que pour vivre le contact.
Toucher cet arc fut pour moi inouï. Ayant pourtant appris à ne
pas être impressionné par des marques extérieures, ce que l’on
enseigne également dans un Monastère, je ne pus me résoudre à
l’impassibilité de notre Bien Heureux Père Saint Benoît.
Autorisation dûment accordée par le père des novices et me
revoici au pied de l’arc, le saisissant avec dignité et grande
admiration, comme un enfant. Quelle arme magnifique, effilée,
noble, induisant une mystérieuse impression de rigueur dans la
plus fine douceur.
Machinalement, je portai la main au carquois pour tirer une
flèche lorsque je reçus un formidable coup sur les doigts, en
même temps que j’entendis un cri strident. Le visage
parfaitement impassible, le maître me retira d’un geste
respectueux l’arme des mains et me fît comprendre de revenir le
lendemain. Je le saluai et m’en retournai les larmes aux yeux, la
main frappée dans l’autre tremblotante.
Pendant un mois, je n’eus pas la permission de toucher l’arc, et
restais à chaque fois debout une heure durant devant le socle sur
lequel il était posé. Le mois suivant, assis sur un petit tapis et
ayant accepté l’ordre strict de ne pas bouger, je pus regarder T. S.
pratiquer son Art. Ce qui me frappait le plus, c’était la facilité
avec laquelle il bandait l’arc et se concentrait toutes ces minutes
sans manifester le plus petit signe de tension. Et puis, un jour, il
me dit « palpe le muscle de mon bras droit ». Bondissant,
exécution, et force de constater qu’il était parfaitement mou,
détendu, alors que ce bras bandait un arc taré à quatre-vingts
livres ! L’immense étonnement me fit pousser un cri digne d’un
samouraï, pour retrouver le maître pouffant de rire. Deux
secondes après, son visage redevint impassible, il se saisit du
nerf de bœuf et me tendit en même temps l’arme. J’étais terrifié.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 176

Il m’intima l’ordre d’essayer à vide. Je ne pus tendre la corde


qu’au quart seulement, tremblant comme une feuille et
m’infligeant des crampes terribles dans l’épaule et le cou.
« Continue ! » hurla-t-il, « ferme les yeux !» Trois secondes, cinq
secondes insupportables, dix secondes et un coup dans le dos, là
où c’était le plus tendu. Je ne pus me courber pour les métanies
durant une semaine et, chaque fois que je croisais T. S. dans les
immenses couloirs du monastère - on voyait de loin les autres
frères marcher - il me regardait l’air étrange, me saluait et me
disait au creux de l’oreille « pourquoi veux-tu tirer ?» Il me
reposait la même question chaque fois qu’il me croisait, des
dizaines de fois par jour.
Voyez-vous, je retrouvais la même tenue philosophique chez Pir
V. le derviche. Le jour où je lui signifiai mon désir d’approfondir
l’astrologie pour l’Alchimie, il explosa dans un rire tonitruant et,
les yeux mouillés, hoquetant : « et d’approfondir quoi, je vous prie
? ». Tout en m’offrant une tasse de thé à la menthe, il me permit
de fumer un cigare -je fumais encore - en me disant que j’en aurai
besoin. Plus tard, lui réaffirmant mon souhait, il devint de plus
en plus sérieux jusqu’au jour où il me demanda si vraiment je le
voulais, et surtout si j’étais capable de donner pour cela. Vous
pensez, tout feu tout flamme, la réponse fut des plus positives, et
lui, l’air parfaitement sérieux, dans un français troublé par un
fort accent turc : « petit con ». J’en avalai la gorgée de travers,
toussant comme s’il m’avait saisi à la gorge. Le visage rouge de
pseudo-honte -je ne le croyais pas capable de ces termes - il
m’expliqua patiemment pourquoi il m’avait dit tout cela. Tout en
même temps, il me montra de forts beaux livres anciens dans
lesquels d’impressionnants calculs se livraient au fur et à mesure
des pages, sur cinq tomes ...

176
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 177

« Chez nous, les études commencent par là, emma ( nom qu’il me
donnait et dont je sus plus tard qu’il veut dire « serviteur de ton
ego » ), elles ne sont enseignées qu’au sein d’une Tarîqua. Voici
seulement l’extérieur ( as-Zâhir ). L’intérieur (al-Bâtin ) est
encore autre chose. Tu confonds marifa et « ilm » cria-t-il en
même temps qu’il me marchait sur les doigts de pied. A peine
eut-il prononcé ces mots qu’il disparut dans la pièce voisine et me
donna l’ordre de partir. J’appris après que ce que je confondais
était science et savoir .. .

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 178

Vous comprendrez pourquoi il est inutile de s’étendre outre


mesure sur la question de l’astrologie. N’étant pas maître en
cette très estimée Science, je ne puis répondre à votre question si
elle vient de votre être : vous trouverez par la Providence les
voies qui vous mèneront à ceux qui détiennent. Je vous prie
d’accepter mes excuses. Vous serez alors astrologue et non
alchimiste.
Par contre, si la source de votre curiosité se niche au fond de
votre personnalité, évitez de me rencontrer sur ce sujet.
Les « ondes telluriques » sont ce que j’ai pu en dire dans De
Sprong ins ewinkeit, orné de ce qui en a été révélé dans les
précédentes pages. Nous n’avons encore rien dévoilé sur l’endroit
de l’espace dans lequel elles agissent, ce qui est bien plus
important. En effet, tout lieu géodésique émet des ondes
telluriques. L’essentiel, pour nous chymistes, est de concentrer
ces manifestations naturelles dans un récepteur adéquat, dont le
principe de construction est entièrement basé sur le nombre d’or.
Il est impératif de lier ondes telluriques et nombre d’or. Ayant
très peu de pouvoir d’action sur lesdites ondes, nous avons par
contre, grâce aux immenses efforts de nos Pères, une possibilité
concrète d’action sur les lieux dans lesquels elles sont canalisées.
Il s’agit donc de bâtir avec circonspection votre laboratoire, votre
athanor, vos formes de paillasse, etc, afin de canaliser les justes
ondes qui, comme il est dit plus haut, accompagneront les
phénomènes chymiques.
Ce que l’on nomme depuis des siècles « nombre d’or » appartient
au vieux langage qui signifiait divine proportion. Cela veut dire
que le partage asymétrique le plus simple d’une grandeur en
deux parties est obtenu en appliquant le principe des rapports
mathématiques suivants :

En effet, le rapport a/b mesure une grandeur par rapport à une


autre, seul indice philosophique de la notion de proportion.

178
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 179

Si nous prenons le plus simple, deux grandeurs connues et


linéaires a et b, leur somme fournit une troisième grandeur ( a +
b) qui, pour être équilibrée avec la divine proportion, s’écrit :

Cette équation, mathématiquement, se résoud à partir de la


transformation arithmétique :

en prenant le rapport b pour inconnu, on trouve

donne le nombre d’or :

Voici le nombre qui régit les proportions sacrées des corps,


établies par l’expérience des anciens, correspondant aux
proportions des plantes, des arbres, des cristaux de neige, de la
spirale des coquilles d’escargot, des tailles humaines.
Le nombre d’or 1,618 est la donnée brute avec laquelle l’ensemble
des proportions est dicté, en multiple ou sous-multiple :

179
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 180

appliquant les quatre grandes opérations arithmétiques : la


multiplication, la division, la racine carrée et le facteur
puissance, toutes dignes représentantes de principes
philosophiques avec lesquels il vous faudra bâtir selon la
destination de l’objet.
Nous disposons donc d’une cascade de chiffres issus du nombre
d’or, et qui seront tous les multiples ou sous-multiples, comme
multiplicateur ou diviseur, par rapport à une dimension choisie
dont on veut connaître sa complémentaire selon les divines
proportions.

180
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 181

Exemple : soit le calcul des dimensions d’une paillasse. Si vous


choisissez une largeur a +0,80 m, la grandeur b recherchée selon
les divines proportions pourra faire :

Tous ces chiffres ont une parenté avec le nombre d’or, mais leur
choix dépend de la destination de l’objet. La divulgation est
suffisante, et l’on m’octroiera le droit d’annoncer que les plus
amples informations sont dispensées dans l’école que nous avons
déjà mentionnée. Allongeons la perche en vous invitant à
consulter l’œuvre d’un des derniers grands hommes qui ait saisi
pleinement le sens du nombre d’or, Viollet-le-Duc.

181
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 182

182
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 183

Si la sublimation est le facteur puissance mathématique, si la


Remore est celui de la racine, la séparation sera bien évidemment
la division, base arithmétique choisie pour le calcul de dimensions
de l’enceinte mariable avec la hauteur du charbon ou la grille du
brûleur.

183
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 184

(prière )
Je suis aussi passé par le chemin où j’ai manqué la grâce.
Tout fut de ma faute.
J’étais dur et sûr de moi ;
au fond, je n’étais qu’un lâche.
Je me suis donc revêtu d’un sac noir
la peur au ventre,
Pierre, aujourd’hui,
me tente.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 185

Troisième degré
L’EXIL VOLONTAIRE
L’exil volontaire se différencie du renoncement et du
détachement par le fait essentiel qu’il est sans retour. En effet,
seule cette condition exceptionnelle caractérise l’abandon définitif
de tous vos liens qui vous empêchent d’atteindre le but de la
piété, dont nous vous rappelons qu’elle est votre fervent
engagement à la pratique alchimique. Cet état est celui d’un
comportement général réservé, accompagné des bribes de sa
gesse jusqu’alors inconnue, une prudence également mais qui ne
paraît pas au dehors. Le désir d’une vie cachée se fait sentir
impérieusement, afin d’accomplir votre secret dessein et
d’embrasser le cœur grand ouvert le silence.
Vous voici consumé du feu intérieur qui est devenu perpétuel,
inextinguible, parce que les substances et les relations inter-
métaboliques engendrent un rayonnement nucléaire. Au travers
de grossiers échanges moléculaires, les réactions plus près de
l’atome sont rythmées. C’est justement cette parfaite symbiose
rythmique qui est la source d’une nouvelle énergie possible,
jusqu’alors inexploitée et qui ne se trouve pas à la naissance de
l’homme, pas même au niveau embryonnaire : il faut la générer
soi-même, par l’accomplissement des deux degrés précédents.
Alors seulement le feu secret de votre corps est suffisamment
puissant et stable pour rayonner à l’extérieur de vous et
commencer ses prolifiques métamorphoses. En outre, il est à
même d’amplifier en vous le germe naissant du quatrième degré,
de le nourrir jusqu’à ce qu’à son tour il acquière une honorable
autonomie.
Vous vous éloignez de vos proches, car vous avez déjà quitté le
monde. Vos options intérieures se développent et leur évolution
s’étend maintenant jusqu’à vos amis, inexorablement. Seuls ceux
qui vous aiment vraiment comprennent. Une sorte de tri
s’effectue de lui-même, qui n’est pas toujours agréable. Vous
découvrez ceux qui vous entourent, vous les voyez vraiment. Les
uns acceptent votre silence, votre désir de mener une vie frugale

185
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 186

et pénible pour votre ego, ils vous aiment. Les autres se fâchent,
cherchent à vous convaincre de votre « erreur » - comme s’ils la
percevaient mieux que vous - alors qu’en réalité vous leur
échappez, vous ne leur apportez plus leur quota de petits désirs
mesquins, les gentilles discussions pleines de considération, vous
ne les flattez plus, alors ils ne vous aiment plus.
Cette séparation est inévitable. Tous vos prédécesseurs n’ont pas
pu la contourner : vous r’en serez pas dispensé non plus. Vous
ferez comme vos frères, cela est le salaire qu’il vous faut payer
pour avoir permis ces erreurs. Vous commencez véritablement à
assumer vos responsabilités. Les autres, ceux qui refusent de
comprendre, iront jusqu’à vous combattre. Par tous les moyens,
ils s’opposeront à votre démarche, ils emploieront soit des
attitudes très grossières et insistantes, ou de fielleuses conduites
que vous ne découvrirez que plus tard. Il vous sera difficile de
vous séparer de ces sangsues. Ne croyez pas qu’elles partiront
d’elles-mêmes, il vous faudra les esquiver vraiment. C’est ainsi
que les pseudo-amis peuvent se transformer en pires ennemis,
parce que leur position n’est pas sincère : elle est basée au fond et
sans même qu’ils s’en aperçoivent sur la considération.
Il vous faudra faire preuve de discernement, lors de cette
évolution. Bien entendu, un exil poussé à l’extrême traduit
évidemment d’un ensemble de troubles psychiques dont la
médecine est la psychanalyse, et non l’Alchimie. J’en ai connu qui
mettaient les enfants hors du laboratoire, vociférant contre la
maman qui y exerçait généreusement son balai. D’autres encore
se sont cimentés dans un profond mutisme, à l’image même de
leur inadaptation sociale, et ne prononcent mot à quiconque.
Généralement, des problèmes de sexe sont à l’origine de ces
réactions, ces gens veulent attirer l’attention sur eux en
choisissant d’une manière faussement discrète une option de vie
dont le but réel est la mise en valeur d’un moi malade.
Veillez à ce que votre exil volontaire découle de lui-même, comme
étant la conséquence de l’accomplissement serein des deux
premiers degrés (d’ailleurs cette remarque s’applique pour tout).
Prenez garde à ne pas exercer en fait la vaine gloire, vous
détournant à l’exact opposé de votre souhait, car l’exil volontaire
est bien cette séparation de toute chose qui entrave votre lien

186
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 187

maintenant inséparable à l’Alchimie. Du qualificatif « intéréssé »,


vous voilà devenu « amant », aimant, artisan.
Le juste signe qui vous permettra d’être confiant dans la voie,
vous apportant un sain discernement, ce qui efface toute source
d’illusion, c’est l’affliction dont vous avez le cœur gorgé. Cette
dernière devient continuelle : vous avez sous le nez de votre être,
de votre appel, perpétuellement présent l’immense faute d’avoir
tant donné à votre ego. Tout en ressentant en sourdine mais
chaque minute la tristesse profonde que vous ne pouvez
qu’éprouver, un sentiment de honte grandit en votre cœur, qui
exige immédiatement réparation, qui vous place en état de
prière, en état de demande. Vous touchez du doigt l’essence de la
Loyauté, et votre désir d’acquitter votre dette est si grand que
vous en viendrez à pleurer souvent.
Je sais bien qu’un certain nombre d’entre vous lâcheront ici le fil
d’Ariane, pour fouiner dans les pages suivantes les tournures
techniques qui les intéressent. Je les comprends, mais il vous
faut prendre garde, je préfère vous le dire sévèrement. S’il vous a
semblé bien saisir les précédents conseils, voici qu’à votre tour
vous êtes confronté aux difficultés que vous aviez très bien
comprises dans les plus bas niveaux. Et, comme les autres idiots,
sous prétexte que vous ne comprenez plus - que vous n’admettez
plus en réalité - vous « décrochez » : c’est précisément là que je
vous demande l’effort. Pourquoi le fait de vous dire que l’affliction
sera le bon discernement vers le chemin vous détourne ou vous
irrite ? Recherchez, voulez-vous, la cause dépourvue de vos
dispositifs qui vous permettent d’avoir toujours raison, qui
provoque cette rupture. Si vous examinez impartialement
pourquoi vous ne voulez pas présentement accepter l’affliction,
vous constaterez que vous n’avez pas intégré les deux degrés
précédents. Je vous invite à bien réfléchir, avec le cœur, car le
nombre de barreaux de l’Echelle Sainte est de trente ...
Aux yeux de ce troisième degré, le manque d’application voit le
jour dans le désir fréquent de convaincre les autres. Quelque
chose en vous refuse cette séparation et vous voici dialoguant
sans cesse avec les réfractaires, et de vouloir les convertir à
l’Alchimie, vous voilà en guerre ! En fait, il s’agit là tout
simplement d’une forme raffinée d’impuissance à l’une des trois

187
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 188

fonctions principales dont nous parlions, vous révélant que vous


recommencez à vous fixer un peu plus haut.
En intégrant votre fervent et irréversible engagement à la
pratique alchimique, vous avez reçu la flamme. Les Pères, par
l’intermédiaire de forces spéciales, ont transmis sur vous l’ordre
qui leur fut donné à eux-mêmes à votre égard. Que vous soyez
médecin, avocat, cultivateur, technicien, artisan, secrétaire,
représentant, comptable, aviateur, ... , quelle que soit votre
situation dans le monde, vous devez maintenant lâcher vos outils
pour vous saisir de la pince. Car, ayant reçu la flamme, je vous
intime de vous mettre à l’ouvrage : vous ne savez pas si cette
flamme s’éteindra ni pour combien de temps elle vous
alimentera. Prenez garde, parce qu’il s’agit d’une énergie,
certainement à un très haut niveau de subtilité matérielle, mais
limitée, comptée, tout juste comme une médecine que Dieu vous
injecte en votre heure. Ne perdez donc pas de temps avec les
ingrats, avec les bavards, avec ceux qui se dédisent
perpétuellement et qui font mine d’avancer.
Il ne vous est pas demandé pour le moment de sauver les autres
mais, aussi curieusement que cela puisse vous paraître, de
laisser d’abord agir votre divine médecine en vous-même. Elle
vous est adressée à vous, à personne d’autre. Ici encore,
l’Alchimie entre en conflit, si l’on peut dire, avec les notions
faussées du christianisme, chères aux pharisiens. Certains
prétendraient « la charité reste la charité, elle demande par elle-
même d’aller jusqu’au bout, alors pourquoi ne pas offrir aux
autres cet appel en tentant de les convertir ?» D’autres avancent
« et ma famille, et mes enfants ?» comme s’il s’agissait de les
abandonner parce que l’épouse ne comprendrait pas. Dans un cas
comme dans l’autre, il est plus question d’idées toutes faites que
de lumineuses réflexions. L’un ne peut avoir conscience de ce
qu’est la charité, l’exerçant à son idée, car il lui donne un sens.
La charité définie n’est plus la charité, mais une projection
affective qui finit toujours très mal car, sous prétexte que l’on a
une vague idée de l’amour du prochain, l’affect déséquilibré s’en
empare et vous commande de vous transformer en « poire » : en
fait, vous savez au fond de vous qu’un jour vous serez victime
d’un malotru et, très insidieusement, vous aimerez vous faire
plaindre. Nettoyez d’abord votre outil. Isolez-le pour qu’il soit

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 189

capable de véritable charité, plus tard en son temps. Ne projetez


pas, avec toutes vos fausses notions, vos pseudo-principes sans
les avoir révisés par l’authentique pratique mystique. Vous
trouverez d’innombrables occasions d’exercer la charité à bon
escient. Pour saisir quelques conditions relatives à l’une des plus
hautes valeurs humaines, vous voudrez bien vous reporter
analogiquement au degré de l’obéissance, et plus précisément au
chapitre « En attendant le maître ».
Quant à votre famille et pour vos enfants, rien ne sera plus beau
que vous soyez chymiste, croyez-en mon expérience. Les enfants,
mieux que quiconque, aiment les alchimistes, tandis qu’une
épouse récalcitrante a simplement peur de perdre son objet. Voici
une occasion rêvée de vraiment compter sur ce qui vous unit ... et
d’en éprouver la solidité. Mais, évidemment, si vous refusez (tout
en le sachant très bien) que votre dame vous prenne pour un
objet, nous ne pouvons rien pour vous. Madame, réfuteriez-vous
tout aussi habilement vos secrets desseins matérialistes ?
Regardez en face vos réels devoirs de père ou de mère. Pour les
rétifs, vous perdriez votre situation ? Vous seriez un père indigne
parce que vous deviendriez mauvais ? Allons donc ! Bien sûr, si
perdre votre situation vous empêche d’offrir la dernière Alfa-
Roméo, ou de ne plus pouvoir caqueter avec d’autres sur la très
fameuse fonction qui vous décore, restez alors où vous êtes et ce
que vous êtes, achetez tel livre « d’alchimie » écrit par les nantis
dont nous parlions et bercez-vous l’esprit avec votre rêve.
Bien entendu, selon la mode féministe qui ne nous a pas encore
livré toutes ses nauséabondes surprises, les rôles peuvent
parfaitement s’inverser : je suis persuadé qu’une femme peut, elle
aussi, devenir Adepte. Elle souffrira plus à certains stades de
l’œuvre mais sera mieux éclairée à d’autres par son état féminin.
Pardonnez-moi, je vous prie, Mesdames les féministes, cette
nouvelle espèce d’être tricérébral affublé d’une nostalgie
surrénalienne, de ne point considérer à chacune de mes phrases
votre côté gestatoire, mais, comme le soulignerait mon très cher
Kowaliski pour lequel je ne taris pas d’éloges : « j’ai d’autres
chats à fouetter ». Car, comme toute attitude systématique
adoptée par mimique d’identification, vous me permettrez de
mépriser les conséquences desdites dont vous ne mesurez pas
encore l’ampleur, et qui ne peuvent recueillir autre chose que du

189
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 190

mépris, tout comme celles de la gent masculine : n’importe quelle


attitude d’identification est méprisable, fielleuse et condamnable
sans appel, parce qu’elle est un péché contre l’Esprit, c’est-à-dire
à la fois contre Dieu et contre votre conscience. Il n’y a ici, pas
plus qu’ailleurs, de pseudo-politesse à tenir vis-à-vis de ces
attitudes ; un comportement minable reste minable, même entre
les fines mains d’une obsédée décorée en godiche.
C’est à ma mère que je dois, depuis ma plus tendre enfance, la
signification réellement profonde de la complémentarité
androgyne qui unit homme et femme. Je lui suis aussi redevable,
par l’exemple quotidien et sans faille de sa vie, du témoignage de
ce qu’est une femme et, par répercussion, de ce que doit être un
homme. Nous ne saurions trop insister sur le trait de la
complémentarité, et non, comme la plupart des contemporains le
vivent d’une manière tyrannique, d’une lutte opposant mâle et
femelle, lutte traduisant les désordres réciproques de la fonction
animique.
De même que le Blason représente l’ordre divin déployé dans les
sociétés, analogiquement, la complémentarité unissant l’homme
et la femme traditionnels ne saurait être interprétée d’un point
de vue privilégié vis-à-vis de l’un ou de l’autre. Car c’est bien des
deux qu’il s’agit, fondus indissolublement dans le même voyage,
dont nous rappelons que l’essentiel est le service de la quête, à
l’image d’un navire se battant contre les éléments : l’homme
tenant la gouverne et dirigeant l’équipage, l’Epouse organisant le
ponton de manière à ce que cela soit possible. La
complémentarité traduit alors l’indispensable osmose de l’union
génératrice. Sans les qualités de l’une ou de l’autre, l’autre reste
inévitablement seul, voué impitoyablement à l’échec de la
Mission.
Aussi, par toutes les tares modernistes, dès que l’ego de l’un
s’imagine que la fonction de l’autre est plus enviable, le navire
dérive au gré des particularismes pour, tôt ou tard, s’échouer sur
les récifs du divorce. Que la chose soit bien entendue.
Quel est donc le garant susceptible de maintenir necessitate cet
équilibre ? On ne retrouve le sens des valeurs qu’en réintégrant
d’abord en soi-même les exigences liées aux aspirations de notre
propre situation en regard de l’essentiel.

190
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 191

Par voie de conséquence, à l’opposé de l’attitude de mode, vous ne


me trouverez pas honteux de rendre grâce à mes parents qui
surent, toujours au-delà des innombrables difficultés
quotidiennes, montrer ce digne chemin à leurs cinq enfants.
Malheureusement, aujourd’hui, il n’est plus naturel de le
souligner. Pourtant, la famille est une cellule sacrée. Ces «
vieilles valeurs », n’en déplaise aux sociologues de tout style, sont
les seules qui seront capables de sauver le monde du marasme
général, concrètement, efficacement et rapidement. Anciennes
comme le monde, leur caractère saint est destiné à jouer un rôle
éminent dans l’avenir. Aussi, que l’on m’excuse de ne point voir
de justificatives manières de s’en débarrasser ...
Ici encore, nous savons que nous ne manquerons pas d’éveiller la
fermentation étriquée des nouveaux tabous. Bien que les
modernes affirment souvent avec emphase « qu’ils ont tué les
tabous », les voici plus encore prisonniers d’eux. Imaginez
combien il existe d’interdits dans ce monde ! Evidemment, de nos
jours, il n’est pas offensant de gaspiller de l’argent, de se droguer,
de partager sa couche avec qui plaît, ... , mais, par contre, il est
peu recommandable de dire la vérité, de lever les identifications,
de prouver que l’homme ou la femme précédents sont des
machines, de prononcer le mot Dieu. Il est interdit d’interdire la
triche, le mensonge, la couardise, la médisance, et tous les
mauvais traits qui animent l’humain contemporain. Il est encore
plus proscrit de vous dire que vous dormez, et pourtant, nous
devons en passer par là.
L’autre versant d’un excès de zèle, dans l’exil volontaire, est celui
d’être encore victime de sep désirs, la solitude ayant perdu sa
noblesse est alors le prétexte à une nouvelle forme de
vagabondage et à l’amour du plaisir. Les anciennes habitudes
sont ici habilement métamorphosées en d’innombrables petites
manies, reflétant exactement les mêmes obsessions sous des
aspects extérieurs apparemment différents. Et l’on pourra dire «
j’ai changé, voyez-vous », alors qu’il n’en est rien. D’ailleurs
l’authentique exil volontaire ne porte pas à ce genre d’invective
qui, si elle se manifeste, démontre bien le caractère frelaté de la
transformation. On ne s’en va pas pour revenir et pour clamer
que l’on a changé. C’est ici - encore - l’ego qui s’est emparé du
mobile suffisamment crédible qu’est l’ascèse pour le tourner à son

191
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 192

profit, dans le but d’avoir du pouvoir sur les personnes qu’il


convoite. (Voici ce qu’il est encore interdit de dire ...)
Pour ces zélés, une ou deux années après qu’ils se soient séparés
du tumulte des salons, après qu’ils aient acquis quelque piété,
quelque componction et maîtrise d’eux-mêmes, les pensées de
vanité reviennent au galop et vous suggèrent de retourner dans
le monde, prenant prétexte de l’édification d’un grand nombre ou
pour l’utilité de ceux qui, autrefois, avaient été témoins de vos
actions coupables. Nous en connaissons ainsi quelques-uns, dont
les noms brillent dans la littérature, qui ne se manifestent plus,
qui proclament à grands renforts habiles de publicité qu’ils
disparaissent mais qui, en réalité, préparent leur fracassante
rentrée. Ou leurs acolytes, ayant été insolents avec les Adeptes,
adoptent d’identiques comportements « pour se faire oublier »,
mais le temps de revenir de plus belle perpétuer les funestes
habitudes sur d’autres, parce qu’ils n’ont écouté qu’eux-mêmes
sous le fallacieux prétexte de l’exil.
En réalité, tous ceux-ci sont l’objet du scandale pendant leurs
fautes, ils font briller leur absence pour être plus présents encore
et, de retour, n’ayant seulement que changé de peau, les revoilà
dans les mêmes lieux en quête de davantage de considération.
Ces faux, pour peu qu’ils soient bien pourvus de paroles et de
science, recommencent de plus belle en s’étant octroyé par
l’habile placage de l’exil le grade de maître ou de sauveur : ceci
afin de vous faire dissiper dans les endroits publics ce que vous
avez patiemment amassé par vos efforts. Le signe par lequel on
les reconnaît est que, d’une manière ou d’une autre, ils font parler
d’eux ; soit dans des revues, soit par des actions d’éclat qui
revêtent l’apparent manteau de la discrétion fourbe, soit par leur
total silence. Des agités, rien que des perpétuels agités qui
méritent une paire de claques, tout simplement pour leur plus
grand bien. Vous les poussez d’un côté, ils réapparaissent de
l’autre, comme les parasites. Ils ne savent pas - parce qu’ils y
prennent plaisir même s’ils vous disent qu’ils sont persécutés -
qu’une âme qui retourne au lieu d’où elle est sortie s’affadit
comme le sel et se fixe en terre. On les reconnaît également à la
façon dont ils vous confient leurs secrets. Tout est toujours secret
de ce qu’ils vous révèlent, à l’aide d’une touche de mystère qui
illumine d’un inconsidéré éclat leurs termes. De plus, lorsque

192
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 193

vous rencontrez un authentique frère en Hermès qui a lui aussi


eu affaire avec ce parasite, il vous raconte les secrets qu’il a
entendus de la même bouche ... Cela me rappelle cette réunion de
postulants de la Saint Joseph, comptant la présence d’une
éminente personnalité du business de l’ésotérisme qui m’avait
fait jurer de garder secrète l’apparition. J’appris un mois plus
tard que, sur quinze personnes, huit étaient « secrètement » au
courant. Comment ne pas constater ici la recherche incongrue
d’une popularité dont le trait principal est celui d’être « dans les
normes alchimiques », afin de n’éveiller aucun soupçon, sinon à
une attitude coupable ?
Un jour, tel digne postulant me posa une question relative à la
Saint Joseph : « je m’étonne de ne point apercevoir quelques têtes
dans cette assemblée. Pourquoi ? »
Le pauvre n’avait pas encore vu ces gens. Il me citait le nom de
personnes qui, au premier abord, sont plus douces que le miel. Il
ne se rend pas compte qu’il ne rencontre ces êtres que durant
quelques minutes seulement. Réitérant ce type de visites sur
plusieurs mois, il s’imagine naturellement les connaître, eux qui
montrent toujours le même visage.
Je l’ai invité à les côtoyer sur plusieurs jours, afin qu’il découvre
leur façade, leurs véritables projets. Il serait bien déçu, le pauvre,
de les voir tels qu’ils sont. Il lui serait actuellement trop dur de
comprendre que ces gens adoptent une fielleuse attitude pour
servir d’appât. Le plus souvent, ils sont tellement identifiés à
leur personnage qu’ils sont crédibles, ils paraissent très sincères :
eux-mêmes sont pris au piège. Ils sont capables de pleurer, de
vous recevoir très chaleureusement, de montrer une grande
générosité mais, dès qu’ils sont placés en face d’une réalité dont
ils n’avaient pas prévu la venue, leur profonde nature apparaît.
Défiez-vous des individus qui paraissent trop gentils, surtout
vous, alchimistes. Rappelez-vous les sentences des Maîtres.
Ne retournez dans le monde que le jour où vous serez
suffisamment indéfectible, où vous serez sauvé vous-même. Seul
un solide filin peut se saisir des tumultes d’autrui : ne vous
valorisez pas exagérément, selon l’évaluation subjective de vos
possibilités, qui peuvent prendre la fausse tournure de la charité,
vous donnant l’illusion d’un cran spirituel. Votre désir de ...

193
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 194

correspond à ce dont vous êtes capable. Ce que vous souhaitez,


quand bien même votre aspiration soit intense, doit exactement
s’accorder avec vos forces réelles, sinon vous serez charitable avec
un frère mais puant avec l’autre. C’est le cas de personnes qui
vous accueillent les bras ouverts parce qu’elles les dépassent,
vous traitent de tous les noms et adoptent une conduite
radicalement opposée. De doux qu’ils étaient, ils se sont
transformés par excès de zèle en êtres méchants et rancuniers.
Mieux vaut affliger ces gens que la quête, car elle vous sauve et
viendra en aide aux autres en temps utile, alors que ceux dont
nous parlions causent souvent la perte des laborants en les
livrant aux châtiments. En regard de votre vocation, soyez tel un
étranger parlant une langue inconnue, prudent, poli,
observateur, zélé, plein de respect et de bonne conduite.
Mais qu’il soit votre père, celui qui vous comprend et qui peut
vous accompagner un bout de votre route, celui qui est
suffisamment expérimenté pour porter une partie de votre
ignorance. Pratiquez avec lui la componction de cœur,
sincèrement, fréquemment. Ayez pour frère celui qui travaille et
lutte comme vous, dans la même épreuve. Que la mémoire
perpétuelle de votre idiotie soit votre meilleure compagne.
Joignez tous ces liens de parenté entre eux et exercez-vous à leur
union fervente. Je sais bien que certains me rétorqueront que la
voie chymique n’exige pas autant d’efforts. Je leur dis : et que
croyez-vous qu’est la Pierre des Philosophes, sinon le plus grand
des prodiges ?

Nous n’insisterons pas assez sur la question de l’attache à ceux


que l’on croit aimer. Nous refusons souvent de comprendre que ce
genre d’amour se réduit quelquefois à de la considération, surtout
lorsqu’ils versent chaudes larmes à notre départ. Nous nous
laissons attendrir d’une manière incongrue, parce que notre
affect est déréglé dans ses humeurs, et alors nous voici pleurant
à notre tour au fourneau, les eaux des sanglots recouvrant
entièrement la quête.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 195

Que les vagues amitiés -je veux dire celles qui sont telles -
cessent de vous environner comme des guêpes, qu’elles cessent de
faire mine de se lamenter sur votre sort. N’hésitez pas un seul
instant, portez votre regard en dedans de vous sur ce que doit
entreprendre votre âme, sur votre aspiration ainsi que sur vos
comportements passés. Pratiquez ce mouvement intérieur sans
vous laisser distraire, la peine que vous en éprouverez n’est rien
en regard de celle qui vous attend si vous manquez à votre
devoir.
Les vôtres - les vrais ceux-là - sont bien les vôtres. Ils vous
accompagneront silencieusement tout au long de votre route. Les
autres vous promettront fallacieusement n’importe quoi pour
vous plaire : ce sera une bonne occasion d’observer comment ils
vous considèrent, car les gens sont assez fins pour repérer
habilement ce qui peut séduire votre ego, vous révélant par ce
biais un trait de votre tare. Que cette séduction ne soit pas pour
vous une nouvelle identification, ne glissez plus dans les
anciennes routines en acceptant le plaisir de la flatterie.
Regardez plutôt combien ces autres vous révèlent ce que vous
êtes et prenez leçon. Vous n’ignorerez pas de la sorte qu’ils
tentèrent de vous dévier vers leurs propres buts, après vous avoir
entravé la route par l’appât de mille réjouissances.
C’est pour cela que votre retraite, c’est-à-dire votre laboratoire,
ne doit recevoir la visite que de ceux qui vous aiment. Afin qu’il
n’y ait aucune permissivité déplacée, choisissez-en donc le lieu
d’implantation dépourvu de consolation, de confort, de vaine
gloire, de tout ce qu’affectionnent ceux qui ne vous aiment pas :
ils partiront ainsi d’eux-mêmes sans que vous ayez de peine à
vous en soucier, et ce sera également pour vous l’ambiance
adéquate. Si vous ne réalisez pas cela, si vous placez votre
laboratoire en des endroits où il est permis d’exercer les fautes
ineptes, vous reprendrez bien vite votre vieil envol vers vos
manies, après avoir cédé petit à petit - même en résistant - aux
visites malséantes.
Cachez leur la noblesse de votre quête et dissimulez-en la valeur.
Nous savons qu’elle est si belle que nous avons tendance à vouloir
la partager, cela est naturel. Mais il n’est pas convenant de
l’offrir aux envieux, quand bien même ils se montreraient
enjôleurs, en parlant de vous aux alentours selon leurs points de

195
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 196

vue, et non pas selon vos actes. Quelques-uns furent de cette


trempe lorsque je quittai le monde, eux comme les autres bien
ancrés dans les affaires de l’ésotérisme.
Si vous aviez le malheur de leur parler de travers, vous les
retrouviez colportant leurs propres vues, à travers leur ego. Leur
parler de travers ne consiste pas à leur dire des méchancetés,
loin de là, mais bien plus simplement à refuser un moment ou un
autre de réaliser leurs mille caprices. Vous n’imaginez pas
combien ces cafards peuvent vous créer d’ennuis de toutes sortes.
Ici encore, laissez au vestiaire de vos vues subjectives la croyance
qui réside dans le fait de penser que cela ne peut toucher votre
incommensurable grandeur, confondant candeur et orgueil.
Croyez par contre que vous serez bien malheureux de supporter à
votre porte d’innombrables gêneurs, dont le comportement est
aussi malveillant qu’insolent.
Il y en a même eu qui, placés devant les articles que nous
écrivîmes dans cette chère Tourbe sans que nous les ayons
prévenus - il existe ce genre de proxénète de l’édition -, se sont
immédiatement lancés dans leur funeste besogne, et de vomir par
tous les coins de France que nous étions ceci, cela, sans même
nous connaître. Puis vous trouvez vos amis au téléphone,
tremblant de peur parce qu’ils ont rencontré sur leur route les
fameux en question leur piaillant toutes sortes de mensonges sur
vous, vous implorer de ne pas entreprendre ce que vous n’avez
jamais eu l’intention d’entreprendre ... Bien entendu, votre
honneur reste toujours sauf, mais votre temps s’égraine en
d’innombrables futilités qui vous parasitent rapidement, pour
vous retrouver pendu au téléphone ou en justifications
perpétuelles. L’Œuvre, Lui, attend.
La plus habile conquête de ce type de cloporte consiste à gagner
la confiance de quelques sérieux piliers de la diffusion ( dont le
travail est considérable, et qui ne tardent pas, heureusement, à
découvrir la supercherie, mais les courts instants de doute auront
servi à la limande avec talent). Ce sont eux - lesdits cloportes -
qui se chargent d’être l’agent de liaison entre tous les bateleurs
qui font de l’argent en comptant sur votre crédulité et sur votre
loyauté, publiant de récents ouvrages en série dont le titre
pompeux n’a d’égal que le langage dépourvu de pragmatisme.
J’en ai trouvé un qui, après le houleux combat dont l’essentiel fut

196
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 197

en substance que je dévoilerais son identité aux yeux de tous s’il


continuait son empoisonnement, et qui, en « échange », m’a révélé
sans la moindre gêne qu’il cesserait de dire du mal de nous dans
les salons parisiens ! Et, mes amis, le mal de nous est aussi pour
moi le mal de vous, c’est-à-dire des laborants qui espèrent,
travaillent et ne font pas d’éclat.
Je dois vous dire, non pas pour ma propre estime mais pour la
valeur de la quête dont vous comprendrez plus tard les tenants et
les aboutissants, que j’ai dû combattre pour vous, manipulateurs,
afin que vous puissiez trouver, sur le terrain restant de ce piteux
siècle, quelques vestiges supplémentaires de la Tradition. Il faut
que vous sachiez que toutes les portes nous furent claquées au
nez, tôt ou tard.
Ne comptez pas que votre crédulité déteigne sur le monde. Ce
monde est une cage à loups à ne pas sous-estimer. Ceignez-vous
de cuir et ne partez jamais sans le glaive, au besoin appelé à
servir net et sans pitié. Vous n’avez pas idée des heures, des mois
et des années de bataille que j’ai dû livrer, seul et sans entrevoir
la lumière autre que celle de la foi, pour que nous puissions tous
réintégrer le Graal.
Pour clore sur ce type dégoûtant d’ego, je me rappelle une parole
d’un brave cultivateur auvergnat : « un seul refus à celui qui n’a
ni discernement ni honneur et le voilà qui te traite de tous les
noms, te traînant en justice ».
Et aussi :
« Les jaloux, au premier cadeau que tu leur fais, ils se
prosternent. Au second, ils te baisent les mains. Au troisième, ils
s’inclinent. Au quatrième, ils se contentent d’un vague signe de la
tête. Au cinquième. ils deviennent familiers. Au sixième, ils
t’insultent et au septième ils profèrent toutes sortes d’horreurs
sur toi parce que tu ne leur en as pas assez donné. »
Vous devez également savoir que sur une centaine de personnes
qui paraissent intéréssées par l’Alchimie, au moins quatre-vingts
sortent de ce jus fétide, croyez-en mon expérience.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 198

Il est primordial que votre laboratoire soit le lieu dans lequel


vous vivez jusqu’à votre réussite, ou du moins, jusqu’au deuxième
œuvre accompli. Placez-y votre lit et le strict utile pour la toilette.
Si vous n’avez pas l’aisance adéquate pour cela, que l’endroit de
votre sommeil soit le plus près qu’il se peut de là où vous exercez
le feu secret, de votre athanor. Tout comme il est impératif de
pratiquer sérieusement dans le même athanor planté là une fois
pour toutes, il faut de même que votre sommeil y soit fidèle, cela
tient à des questions d’interaction énergétique très raffinée,
parce qu’une opération dont le feu extérieur a cessé et dont les
ustensiles sont rangés n’est pas terminée. Elle rayonne des
pulsations que le feu secret a éveillé, étant l’agent porteur des
forces d’en haut sur votre corps endormi, lui-même placé dans les
conditions idéales de repos pour recevoir les émanations
transfiguratives.
Cet impératif est fondamental, surtout lorsque vous approcherez
la Remore, étape irréversible de votre métamorphose, dont vous
êtes vous-même, tout comme la matière, le champ d’épreuve.
Peut-être verrez-vous le kaléidoscope induit par les premières
opérations - les séparations et les purifications - générant en vous
de profonds retournements, la démantibulation méticuleuse de
vos certitudes accompagnées de l’arrangement sur toile de fond
de votre être : le kaléidoscope sera vécu par vos consciences la
nuit au cours de rêves, à la limite du cauchemar, le jour par des
distortions de l’espace-temps qui pourront même provoquer de
l’angoisse. Mais, quel délice de savoir qu’au travers de ce
primaire pilonnement, aidé par la confiance qui reste plus forte
que les impressions fugitives, vous êtes entre les mains de la
Dame. Vous vivez alors, pour la première fois, cette sensation
étrange et expectante d’abandon.
De même, peut-être recevrez-vous plus tard la première vraie
lumière, l’aurore poignante plus belle que toutes celles de vos
meilleurs souvenirs, le mystique et prodigieux rayon solaire,
dans sa nature quintessente, qui accompagne le grade du Soufre
fixe. Au-delà de toute description possible, vous entreverrez la
porte d’entrée du Palais et vous, couvert de poussière, rompu par
les métallurgiques manipulations, l’âme compatissante, vous
serez stupéfait au beau milieu de chants graves d’intonation
virile, ceux des Pères.

198
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 199

Voyez-vous, s’il n’est pas permis de relater ces états seconds très
intenses au grand nombre, je comprendrais que leur description
sommaire amène en vous le doute ou la méfiance. Cependant,
malgré mon ordre de vous interdire de croire comme un gogo tout
ce qui vous tombe sous les yeux d’une manière générale, je dois
vous prévenir de ces choses, parce que votre force psychique est
affaiblie par la vie moderne en ce qu’elle ne possède plus la
magnanimité du bon sens d’antan. Oui, vous vivrez si vous le
méritez ce dont je parle, et il ne faudra pas avoir peur. Sachez
également que, dans ces fantastiques moments, le temps s’efface
complètement, et vous de ressortir dix jours plus tard de votre
laboratoire, tout ébaubi, la tignasse hirsute et l’air de revenir
d’outre-tombe. On n’osera pas vous toucher, parce que vous ne
serez plus le même, une partie de vous ne sera plus matérielle,
étant assez permanente pour induire vigoureusement un
sentiment surnaturel.
Ces instants seront pour vous ceux de la conscience objective.
Vous apercevrez tout comme l’enfant né le monde sous un regard
différent. Les hommes vous sembleront autres, vous ne
reconnaîtrez peut-être même plus certaines gens. Seuls ceux qui
vous aiment et que vous aimez vraiment, recevront une part de
l’éclat qui vit en vous. Et la suite, mon fils, je ne dois point vous
la relater.

199
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 200

La voie n’est pas pour tous, vous le savez maintenant


complètement, car c’est par bien du labeur et bien de la fatigue
que l’on parvient à établir solidement en soi les bonnes
résolutions requises pour le travail au four. Mais tous ces efforts
peuvent encore être gaspillés en un instant : il suffit que vous
continuiez l’identification. La réitération de la plus funeste des
pratiques vous fera perdre votre permanence, c’est pourquoi
l’abstinence des relations est la gardienne de la pureté de vos
intentions.
Il m’est impossible de vous cacher que mon esprit est encore
empli d’innombrables ignorances, mais permettez-moi d’affirmer
que la loi de l’amour vous pressera d’entreprendre ce qui est au-
dessus de vos forces. Je crois utile, sans la moindre prétention, de
vous mettre en garde contre l’imagination. Les anciens la
nommaient « les songes », donnant l’excellente définition : « un
songe est un mouvement de l’esprit sans que le corps soit en
mouvement ».
Les commençants à l’œuvre philosophique, qui gravissent avec
application ce troisième degré, sont tout particulièrement la cible
de choix de l’imagination. Elle est une illusion des yeux de l’ego
pendant que l’intelligence de l’être sommeille. Il s’agit donc
essentiellement d’une aliénation nouvelle, pendant que le corps
est en état de veille, c’est-à-dire qu’elle n’a pas de fondement
dans la réalité et que, par voie de conséquence, elle a un lien
intime avec vos obsessions.
Les forces involutives sont, elles aussi, dissoutes dans chacun des
degrés. Ne croyez pas que le premier degré, par exemple, vous
débarrassera pour toujours de tel ou tel trait affligeant. Loin de
là, il prend des formes différentes à chaque étape, se délayant au
fur et à mesure en des niveaux de subtilité de plus en plus
essentiels, c’est-à-dire puissants. Le dragon saignant à terre et
simulant la mort, haletant et jouant la comédie de l’imploration,
fomente en réalité son plan d’attaque second et sort par derrière
plus fort encore. Seulement mort, totalement immobile, les yeux
révulsés, l’odeur fraîche des viscères s’échappant de la lutte, vous
indiqueront qu’il vous laissera désormais en paix.
C’est ainsi que, pour l’imagination dont vous entrevoyez le sens
que vous lui donnez maintenant, au bas échelon de votre

200
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 201

intégration cosmique immédiate, vous aurez à livrer un second


combat lorsque vous aurez acquis une pratique certaine de l’exil
volontaire. La raison logique pour laquelle nous sommes
contraints de parler d’elle est évidente : lorsque vous abandonnez
la fourmilière des relations mondaines et que, par ce degré
d’expatriation, vous optez consciemment pour l’exercice de
l’Alchimie, votre ego isolé, n’ayant plus d’emprise directe par les
canaux du monde, s’empresse de vous troubler par la seule
possibilité qui lui reste, l’imagination. Elle vous représente toutes
sortes de pensées mauvaises, comme vos proches affligés, dans le
malheur, malades, nécessiteux, ou encore ce que manigancent
vos ennemis .. .
L’imagination est la fainéantise de l’intellect. Elle est une des
causes principales de la mauvaise marche de vos fonctions
organiques, chacune d’elles ayant sa forme d’activité imaginative.
Cependant, en général, la motricité et l’affectivité se servent
toutes deux de l’intellect toujours prêt à livrer son rôle à
l’imagination, parce qu’elle est adaptée du point de vue vibratoire
à l’intellect. L’impulsion de la rêverie a son activité principale
dans la motricité et dans l’affect, mais elle est prise en compte
par l’intellect qui, en adoptant ce dispositif général, s’octroie
l’indu privilège de s’épargner tout effort lié à un travail orienté
vers un but défini. De plus, les rêves chimériques et désagréables
sont encore plus néfastes, inutiles, et pourtant, vous passez
d’innombrables heures dans ce type d’imagination, à rêvasser vos
malheurs possibles, à penser toutes sortes d’événements fâcheux
pour vous, à tous les accidents qui peuvent arriver à vous et aux
vôtres, à toutes les maladies et les indispositions diverses. Vous
ne vous rendez pas compte que votre ego emploie, sous le perfide
désir de vous faire plaindre, les mécanismes de l’imagination tout
en vous faisant croire à la validité des choses les plus
fantaisistes, comme la prévoyance, l’illusion de faire, enfin tout ce
qui justifie logiquement aux yeux de l’ego son dynamisme.
L’observation de l’imagination, comme nous l’avons souligné
précédemment et dans ce cadre, vous fournira le plus important
travail que vous aurez à entreprendre sur vous-même à ces
moments. Elle vous apprendra beaucoup sur vos obsessions. Vous
verrez qu’elle vous empêche également de vous voir vous-même
tel que vous êtes, jouant le rôle de sédatif : vous êtes très attaché
à l’imagination, vous lui offrez même les plus grands attributs,

201
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 202

croyant qu’elle est la « muse » des artistes ! Elle est un véritable


démon, parce qu’elle a instauré sa propre structure physiologique
en vous, possédant une autonomie, une petite organisation. En
effet, elle est capable, sous la houlette habile de la conformité
qu’elle a su imprimer en vous, de vous pousser à la pratique de
gestes incongrus, en usurpant la place d’une fonction réelle.
C’est elle qui vous fait croire que vous êtes un tigre dans les bras
d’une femme, ou un savant qui feuillette les livres des Pères, ou
encore telle ou telle autre sorte de petit-homme génie du
moment, jouissant dans l’illusion morbide mais qui, par malheur,
se sert souvent de cette impression inconsciente pour bâtir ses
projets. Ainsi, toutes vos fonctions organiques peuvent être
illusoirement satisfaites sans que vous en éprouviez la moindre
gêne, évoquant un contentement non pas dans le réel, mais dans
l’imaginaire.
Elle a été placée dans les hommes en même temps que le péché
originel, afin de les maintenir dans l’état où ils sont,
complètement hypnotisés par elle, ayant organiquement cet état
d’hypnose tellement intensément que le fait de proposer l’éveil à
de tels hommes engendre l’agressivité.
C’est également elle, dans son sinistre office, qui déforme à vos
yeux les données objectives qui vous ont été transmises par nos
Pères, les changeant en éléments totalement subjectifs dans
lesquels votre stupidité a une foi aveugle : ces charitables
données sont transformées en obsessions.
L’imagination ne saurait atteindre les réalités surnaturelles, qui
ne sont accessibles qu’à une foi pure. Aussi, pour vous libérer de
vos obsessions, il est convenant de redonner à vos préoccupations
maniaques le sens réel qu’elles occupent dans la réalité qui vous
englobe vous-même. Vous ne voyez pas les choses comme elles
sont, mais une notion fausse s’installe avec ostentation,
interrompant le cours normal des événements. Le plus efficace
des remèdes consisterait à reconnaître la fausseté de votre
obsession ; ce serait l’idéal, mais c’est rarement possible.
Fatalement, comme vous vous adonnez à cette désastreuse
activité depuis des années, votre faculté de bien juger est
défectueuse : il n’y a aucun moyen naturel et direct
d’amélioration, puisque ce qui est ne peut s’auto-perfectionner
par sommeil.

202
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 203

Lorsque l’obsession devient aiguë, il est à propos de se retirer


dans le calme, en vous donnant le temps d’une tranquille
réflexion, vous recueillant principalement sur les raisons pour
lesquelles vous êtes venu à l’Alchimie. Mais, il est souvent très
difficile de vaincre complètement l’obsession, et elle revient au
galop ! Il existe, heureusement, une vertu dont la force est
suffisante pour détruire la source même de votre sottise :
l’humilité. Celui qui est humble est judicieux quant à l’essentiel,
puisqu’il connaît sa juste place. Votre place, si vous avez
embrassé l’Alchimie, est au laboratoire. Même un être peu doué
d’intelligence, s’il soumet sa volonté momentanément à un autre
qui le guide, appliquant le précepte de l’humilité, ne connaît pas
les obsessions. Il est d’emblée délivré de maints scrupules,
d’innombrables pensées imbéciles.
Soyez ouvert, modeste et docile, et vous ignorerez les idées
fausses, qui rendent la vie malheureuse et dépourvue de
noblesse. Quoi qu’il en soit, lorsqu’un postulant opte pour la vie
en Alchimie, il est demandé par les Pères un esprit tenace,
volontaire, clair, un bon sens solide, qui sont les qualités
indispensables, sans lesquelles les problèmes émergent très vite.
Il ne faut pas croire que l’on acquiert ces attributs facilement, et
on a intérêt à s’y appliquer avant toute démarche. De même, il
est illusoire de penser qu’ils viennent avec la pratique exclusive
du fourneau : nous avons déjà suffisamment insisté sur le sens de
cette question auparavant.
Il arrive, cependant, que votre obsession prenne une dimension
réelle, c’est le cas des maladies graves, de très grands accidents,
où s’en sortir est inextricable. Ici, elle prend un sens effectif et
alors, ce n’est pas l’idée tyrannique qui est proprement fausse,
mais l’importance qu’elle a dans votre vie intérieure. A ce niveau,
vous savez mesurer la valeur de cette obsession sans pour autant
vous en débarrasser. La seule solution réside dans le fait
d’imposer des certitudes spirituelles, d’accepter sa part de
souffrance, de cesser de lutter avec ce qui est encore au fond de
l’amour-propre et, consentir une bonne fois à vous abandonner.
Cédez sans réserve ; vous verrez que tout s’arrange.

203
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 204

Quiconque se fie à son imagination pour guider sa vie est donc


comme celui qui ne cesse de poursuivre son ombre. C’est vous-
même votre propre démon, qui structurez la personnalité d’une
façon précise afin d’appuyer ce qui surgit de votre inconscient et
pour que cette machination semble, à l’aide de la vive mais piètre
lumière de l’imagination, prendre une tournure déterminante.
Alors l’incube de la vaine gloire prophétise pendant que vous
dormez, à votre insu ou par l’entremise d’une sournoise
participation consciente. Etant bien plus ingénieuse que le
prétendent les psychologues, cette partie de vous-même
conjecture les événements à venir et vous les annonce. Puis,
quand vos rêves se réalisent, vous voici émerveillé et vous vous
élevez à la pensée vaniteuse que vous êtes sur le point de
posséder le don de prescience. « Je le savais ! », clamez vous,
comme si l’univers entier vous était dévoué. « Cela devait se
réaliser », alors que toutes les structures de votre ego avaient au
préalable et avec hypocrisie tout calculé.
Ainsi, un nouveau mécanisme s’installe insidieusement, et vous
de croire que vous avez réglé le compte à vos plus excessifs
défauts. L’imagination est devenue votre inédit prophète, alors
qu’elle n’est que mensonges, rien que des mensonges issus des
plus habiles désirs de votre personnalité. Non seulement elle
maîtrise tous les postes clefs de votre ego, mais par dessus tout
elle s’est emparée de votre animisme en vous mettant à l’affût de
tout à son service. Vous êtes alors emparé d’une perpétuelle
inquiétude curieuse, aux aguets de n’importe quel petit
événement dont elle se sert comme aliment pour ses futurs
projets. Telle infime sonnerie tinte, tel minime bruissement de
feuilles, ou autre, et vous voici détourné de votre chemin,
regardant le plus souvent sans même vous en rendre compte la
chose excitante. Pris sur le fait, vous jurerez de ne pas avoir
porté vos yeux vers la curiosité, alors qu’une caméra vidéo le
révélerait sans discuter. Une fois de plus, vous avez fait un geste
dont vous n’êtes pas maître, qui vous a été commandé par tous
les mécanismes de votre moi, lui-même l’ayant pris à son compte
en l’inscrivant quelque part en vous pour plus tard ... C’est de
cette manière que, la plupart du temps, on pense s’être détaché
d’importantes manies, mais qui restent au fond omniprésentes
dans leurs racines.

204
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 205

Plus perfide encore est l’apparence donnée, en toute justification,


à ces comportements mécaniques. Mille arguments vous
viendront à l’esprit pour disculper la culpabilité de votre moi.
Tantôt le démon imaginatif prendra l’apparence religieuse, tantôt
celle de la Dame ou encore la recherche de maîtres, c’est-à-dire de
ce dont votre ego est assoiffé. Quête-t-il un maître pour se
considérer dans les amphithéâtres où l’on jase de chymie,
mendigote-t-il les lumières de Marie pour libérer un affect trop
exigu à ses habitudes, pleurant chaudes larmes devant tous, ... ?
Bien des attitudes ne sortent que de l’imagination, qui a ses
degrés, ses grades de pestilence. Durant le temps que vous
laissez agir ce poison, je veux dire pendant le sommeil conscient
dont nous parlons souvent, elle vous plonge dans l’abîme par
l’orgueil et le contentement - ou le mécontentement perpétuel,
qui est la face inverse du même objet.
Aussi dois-je vous donner une sorte de mot de passe qui vous
permette d’identifier à coup sûr si une pensée vient de votre
imagination. Cette motilité consiste à observer si votre
entendement engendre, à la suite des images qu’il émet, le désir
d’exprimer des émotions négatives.
En effet, exprimer des émotions négatives, ou une nouvelle mode
qui consiste à ne parler que d’elles en affirmant ne plus les
énoncer, revient à révéler l’aboutissement exact de tous les
mécanismes qui ont été les instigateurs de cette manie. C’est le
but final, la conclusion du tir égocentrique, vous rendant
tremblant, triste ou exagérément optimiste, expressionniste à
votre réveil. L’imagination, alors métabolisée en substances
toxiques que charrie votre sang, imprime les endroits de votre
cerveau par irrigation et détermine le stress qui est responsable
du fait que vous exprimiez mécaniquement des émotions
négatives. De plus, agissant de cette façon, cette chimie du diable
brûle les énergies mises en stock par la nature généreuse de la
condition humaine pour plus tard, ce qui rend votre éveil
impossible. Très souvent, ces nobles substances, qui ont été
élaborées par les artifices saints de l’être, sont consumées en un
clin d’œil : il suffit d’exprimer une émotion négative. Mauvaise
humeur, tracas, doute, peur non animique, sentiment d’offense,
irritation, chacune de ces émotions, dès lors qu’elle a atteint un
certain seuil, s’échange en pure inutilité avec ce qu’élaborait

205
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 206

patiemment une autre partie de votre corps en liaison intime


avec votre propre nature. Tous les processus psychiques ont leur
niveau de matérialité, même celui de l’intuition, qui est très
élevé, très raffiné, la matière prenant ici l’indicible identité de
l’énergie vibratoire. Il n’existe pas un seul processus qui ne
réclame pas la dépense de son homologue énergétique
correspondant.
Vous croyez qu’il ne vous coûte rien d’exprimer une émotion
négative. Etant substantielle, sachez qu’il vous en coûte quelque
chose. A chaque fois que vous brûlez un autre type de matière
équivalente en vibrations. Et si votre ego prend ce que je vous
révèle à son compte, il décidera de ne plus exprimer d’émotions
négatives, mais ce désir venant du moi sera nettement
insuffisant, car il est, comme tout ce qui vient de la même source,
très fugitif. Alors, durant cette courte période, vous` bloquerez
cette mécanicité, qui se stockera en réalité dans des genres de
petites piles quelque part en vous, pour mieux exploser à un seuil
énergétique plus violent. En fait, venant du moi, vous continuez à
rester prisonnier de cette manie, parce que les dispositifs dont
nous parlions plus haut vous empêchent de prendre conscience
qu’exprimer une émotion négative revient à pratiquer la
considération vous désirez encore que l’on vous considère, et agir
ainsi vous permet d’exercer un autre genre d’auto-révérence.
Pour certains, exprimer des émotions désagréables, même très
poliment, est la seule possibilité de dialogue. On choisit le sujet
type et gaillardement, toutes les manifestations de l’ego, minute
après minute, heure après heure, détournent toujours les propos
vers la marotte.
Comprenez-vous les liens intimes qui relient imagination,
considération, émotions issues de l’affect, dispositifs qui
permettent d’avoir toujours raison, etc ... ? Toutes ces incisions à
l’être mijotent dans la même marmite qu’est l’ego, avec laquelle
Satan prépare depuis des millénaires les poisons qui détournent
les hommes de Dieu.
Chaque fois que vous pratiquez l’imagination, vous vous
discréditez aux yeux de l’Alchimie. Mais ne confondez pas
intuition et imagination. L’intuition vous révèle toujours quelles
sont vos épreuves, l’imagination, jamais. Alors, cher postulant, si

206
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 207

vous possédez ces trois premiers degrés, ne détournez plus la tête


ni d’un côté ni de l’autre.

Dans les labourantes manipulations, la construction ou


l’obtention de l’Athanor est l’aboutissement couronnant la fin de
l’édification de votre laboratoire. Ce n’est qu’après, en règle
générale, que l’on s’octroie le devoir de solliciter la Providence et
les dignes artisans pour acquérir tout le matériel meublant le
laboratoire et accompagnant le four sacré. Ces méritantes
acquisitions vont de pair avec ce troisième degré, dont le noble
agencement est à la mesure de l’accomplissement dudit.
Nous avons soulevé l’extrême importance - d’une manière fort
incomplète, obéissant aux principes hermétiques du silence mais
étant animés tout à la fois d’un esprit charitable envers nos fils
manœuvrants - de l’édification matérielle régie sous l’ancestrale
loi du nombre d’or. Là n’est pas tant de faire valoir tel ou tel
matériau, document ou ustensile, ces vues partielles appartenant
aux deux degrés précédents. Il s’agit présentement de leur
harmonie. En effet, l’exil volontaire a rendu plausible votre sens
maintenant devenu plus aigu de la vocation, c’est-à-dire les
façons d’user dans le principe et dans la forme. Votre laboratoire,
au lieu de représenter cet antre cher aux riches de bon ton qui
bâtissent la notoriété de cette pléiade de bourgeois s’occupant en
dilettante d’« alchimie », s’est alors transformé en un lieu de
travail, tout simplement. Il ne s’agit plus d’épater ni d’affriander
les admirateurs de tout bord. Comme tout ce qui est destiné à
l’ouvrage, les outils se parent de la noblesse du mouvement : en
fait, ils sont tous une œuvre d’art, et ne peuvent pas être autre
chose, parce qu’ils servent. A l’image de ces bols primitifs dont
l’usage n’était pas séparé du geste authentique de la soif, vos
ustensiles dûment retrouvés ou confectionnés sont le reflet même
de votre aspiration génératrice. Vous n’avez eu aucun choix à
formuler, ce sont les objets eux-mêmes qui vous ont assigné, car
le degré d’exil volontaire intégré vous offre les yeux de la vision
sûre, c’est-à-dire les fameuses lunettes opératoires en verre
d’antimoine, sans lesquelles l’approche du Jardin des Hespérides
reste trop éblouissante (nous reviendrons, en temps utile, sur la

207
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 208

confection précise de ces lunettes). Vous saviez qu’il vous fallait


marcher dans les traces laissées par la Dame, vous avez
maintenant le droit de chausser les verres qui vous permettront
de réorganiser votre inconscient à travers vos regards, qui seront
filtrés par l’entremise de ce si noble matériau justement fondu et
rectifié. C’est ici toute la signification hermétique du
kaléidoscope qui, selon l’ordonnancement des Maîtres, vous
imprime dans l’inconscient les schémas ancestraux.
Pensiez-vous, mes chers fils, que les « lunettes de la vision sûre »
sont métaphoriques ? De même, croyiez-vous avec l’identique
non-sens que le bâton, la ceinture, la lampe sont du titre
symbolique ? Bien entendu, tous ces objets sont le véhicule d’un
insigne divin, mais ils font aussi partie du travail et n’en sont pas
moins existants bel et bien dans la réalité.
Vous serez sans aucun doute vivement surpris de cette
révélation, mentionnée apparemment nulle part ailleurs. Je vous
invite cependant à relire nos Pères, à l’aide du vocabulaire remis
au goût du jour de leur époque. Vous y trouverez toutes les
allusions, qui durent rester au stade des sous-entendus pour ne
pas détraquer les imprudents envieux. Effectivement, les lunettes
qui remontent l’espace frappent de folie les non-méritants ; de
nos jours, la permission divulgatrice a été accordée : il n’y a plus
aucun danger à rendre insensés ceux qui le sont déjà et qui
dirigent en pataugeant le côté matériel de cette planète.
A ce stade, vous commencez à comprendre dans tout ce qui
constitue les parties de votre être ce qu’est une attitude
traditionnelle. Vos mouvements, par leur authenticité même,
reflètent l’image d’une réalité inflexible. Il n’y a plus « mes
occupations au fourneau d’un côté puis mes activités sociales de
l’autre ». Chaque seconde de votre existence est empreinte de
l’atmosphère intérieure accompagnant le moindre geste, en
parfait accord avec la source de la vie.
Tout naturellement s’harmonise autour de vous et en vous. Le
métier que vous exercez prend une tournure traditionnelle, c’est-
à-dire qu’au lieu d’être asservi par l’énorme inertie de toutes les
tendances rentables en vogue, votre travail utilise vraiment et
pour la première fois ce que vous êtes en propre, vos qualités
latentes. Vous ne devez plus briller par identification et

208
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 209

ressembler à ce que vous faites, vous apportez votre marque de


noblesse sur tout ce que vous touchez, vous devenez
irremplaçable, vous participez à la réelle évolution du monde de
Dieu, parce qu’en étant devenu vous-même, vous avez trouvé
votre place.
Un métier traditionnel imite la nature dans son mode opératoire.
De par cette filiation fondamentale, votre métier prend un sens
sacré, car il est caractérisé par des méthodes de travail
particulières, par une gestualisation millénaire, filiale, par un
symbolisme qui lui est propre, et surtout par une forme de vie qui
en est le rituel.
Le quotidien est devenu votre cérémonial. A l’opposé se trouve la
profession moderne, où l’on peut changer à son gré, comme si l’on
n’était pas concerné au fond, et comme si par simple formation
valable pour tous d’un savoir-faire, tout travail est accessible à
chacun. Mais maintenant, en votre devenir, votre travail reflète
votre vie globale, il est une unité indivisible dans laquelle tout ce
qui vous appartient se manifeste. Vous avez détruit les décalages
de l’espace et du temps, votre intervention dans votre rythme
temporel est la même que celle des substances que vous
manœuvrez. En parfaisant l’œuvre de la Nature, vous vous forgez
vous-même à l’image de l’absolue réalité du monde. Rien n’est
étranger à la Dame dans votre mode opératoire, ni les substances
employées, ni les qualités essentielles qui sont exigées pour la
transmutation desdites substances : votre connaissance est enfin
devenue existentielle.
La connaissance d’une profession moderne se limite au savoir-
faire, lui-même enclavé dans un répertoire de conduites
réactionnelles limitées dans un ensemble quantitatif de signaux
normalisés, dans lequel « l’esprit » (...) exerce d’une manière
mécanique sa logique. Ce type de connaissance,
malheureusement généralisé partout et dans tous les corps
d’exercice, ne nécessite aucune adhésion intérieure. Le métier
traditionnel, lui, ne véhicule pas ce genre de travers.
Conséquemment, un métier traditionnel ne s’exerce pas, il se vit.
De plus, il ne peut être le privilège d’une secte - par exemple, la
franc-maçonnerie - tout simplement par le fait qu’il est dépourvu
de doctrine. A la limite, il peut revêtir les principes extérieurs
d’une corporation, mais nous hésitons à le mentionner tant ce

209
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 210

terme est galvaudé. Le compagnonnage est sans conteste une des


seules traces contemporaines de l’esprit corporatif et, jusqu’à
présent, il y réussit à merveille. Cependant, bien des
informations dont les sources sont valides nous autorisent à
avancer avec regret que cette situation ne se poursuivra pas dans
les années à venir.
Car le compagnonnage est bien dépositaire de quelques métiers
traditionnels, mais seulement dans leur façon, plus dans leur
essence : si les fondements de l’initiation accompagnant les
grades successifs sont toujours présents, ils sont devenus stériles
faute d’authentiques Maîtres spirituels. Le compagnonnage n’est
pas à l’abri, comme tout ce qui constitue la spiritualité de notre
siècle, de l’influence planétaire. Cette situation étant devenue
fixe, les chefs actuels sont en passe d’être les derniers grands, la
plupart d’eux ayant déjà adopté le comportement incident à la
carence de lumière générale, c’est-à-dire une attitude d’imitation
dont la mission fondamentale se ternit. Parce que le manque
d’élèves traduit l’identique vide d’initiés, nous craignons
l’influence catastrophique de la mode contestataire dans le milieu
: absence de tenue inacceptable voici quelques années. A notre
point de vue, il serait tout bonnement souhaitable que le
compagnonnage se délie complètement de la maçonnerie, et qu’il
chasse avec fracas les parasites.
Cependant, ceux qui exercent encore le très dur labeur d’une
activité compagnonnique ont droit aux égards dus à leur rang. Ils
ont tous indéniablement plus de valeur que les modernes, qui ne
saisiront pas même la moindre poussière de ce dont nous voulons
parler. Que ceux qui en doutent s’arrêtent dans leur course folle
aux pieds de la plus humble statue de pierre qui habite l’église
perdue des campagnes, qu’ils se saisissent du burin, du marteau,
et qu’ils tentent seulement de restaurer l’œuvre, ils
comprendront immédiatement de quoi il s’agit.
Toutes ces constatations nous amènent à envisager le paradoxe
suivant : le caractère d’élite du métier traditionnel pourtant
apanage des simples. Il ne cultive pas l’élitisme, parce que nous
avons dit qu’il est dépourvu d’influence doctrinaire. Par contre, le
patient apprentissage ne peut mener qu’à une situation d’élite,
s’adressant lui-même à l’être de l’individu, à ses qualités
intrinsèques. Et si les manières de faire, d’exécuter, paraissent

210
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 211

complexes au point d’induire hâtivement la pensée élitiste, ce


n’est pas par le fait de ce qui les constitue.
« Elite » et « cultiver l’élitisme », encore une lourde confusion
appartenant aux communistes et à tous ceux qui érigent les
catastrophiques révolutions, dont le caractère primitif n’a d’égal
que l’esprit destructeur qui les anime. Evidemment, la tendance
générale et gauchisante de l’Europe ne peut générer dans nos
méditations la plus infirme participation ; nous ne trouvons pas
spécialement intelligent les actes dits révolutionnaires consistant
à détruire les œuvres d’art qui ont été élaborées avec tant de
douleur. Ici, la confusion consiste à choisir un prétexte
particulièrement significatif des petites gens du point de vue de
l’ego - par exemple induire le faux sentiment d’injustice sociale
alors que l’on refuse l’excès de travail - et de le faire passer dans
les actes en désignant à la bande d’illuminés la cible à démolir,
parce que, tout à fait indépendamment, les tenants sont envieux.
Que l’on m’explique pourquoi Staline, pour ne prendre que celui-
ci, envoyait les commandos de choc pour « assainir » une
situation houleuse dans le pays ? Sachant très bien ce qu’il
faisait, ce criminel, sous les prétextes dits révolutionnaires, n’a
laissé sur son passage que viols, tueries et horreur.
Ce sont ces mêmes qui décrétèrent l’inutilité des Vierges dans les
chapelles, ainsi que des bons prêtres qui les animaient. Et, par
dessus le marché, nos propos seront qualifiés d’impérialistes.
Pauvres peuples placés sous la botte rouge, miséreux êtres
traqués, ne pouvant plus prier, ne trouvant ni creuset ni charbon.
En URSS, le silence, c’est la peur, le découragement et le vide
d’espoir.
Bien entendu, « cultiver l’élitisme » entre dans les agissements
opposés et tout aussi hideux du fascisme. Lui non plus ne peut
recueillir nos suffrages pour des raisons au fond identiques.
Qu’ils soient noirs ou rouges, les drapeaux de ces peuplades
retombées à l’état primitif sont au-dessous de tout, étant
responsables tous deux du meurtre de la Tradition. Ces
bourreaux, en majorité tous épais, parce qu’ils n’aperçoivent pas
autre chose que le boire, le manger et la jarretière, perpétuant
ces habituelles manies du ventre, ne peuvent saisir l’ombre d’une
pensée traditionnelle. Ils ne verront jamais pourquoi, par

211
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 212

exemple, l’instrument efficace d’un métier noble réside bien plus


dans ce qui est caché, que dans le visible. Ils ne pourront jamais
comprendre que l’état lamentable dans lequel se trouve leur «
intellect » est dû à de vulgaires métabolisations bestiales les
rabaissant, sans espoir de retour, au niveau de l’animal. Pire, ces
individus s’imaginent réfléchir, organiser, alors qu’ils ne font que
contraindre, comme les bêtes.
Un métier traditionnel est témoin, lui, de la démarche du dedans.
Les objets qu’il crée portent le sceau intime des lois du cosmos,
étant par là fidèle témoin d’une transmission initiatique sans
faille.
Restons dans la quête et, pour quelques lignes seulement,
élargissons son exploration, afin de respecter ce qui a toujours été
l’âme de l’Occident. En effet, à l’image de notre chevalerie, en
regard de laquelle j’invite votre être à renouer pour l’essentiel,
notre antisoviétisme est loin, comme le nargueraient les traîtres,
de pouvoir être qualifié de « primaire ».
Je vous adjure de vous représenter la situation générale de
l’Europe, et vous comprendrez combien, plus que jamais, notre
chevalerie doit sortir du cadre de la spiritualité, pour déployer,
sur le terrain, son esprit ancestral. Que l’on entende bien mes
termes, car l’Occident est en éminent danger, mis aux enchères
aux puissances de l’Est qui, par de nombreux moyens, préparent
sans que vous vous en rendiez compte son intrusion diabolique.
Car c’est par l’instauration de structures parallèles très stables, à
l’aide des syndicats extrémistes français, que les schémas sont
déjà mis en place à la base de l’appareil de production nationale.
Bien évidemment, ces félons et les faibles qui les imitent
clameront à tous vents que leur action n’a rien de prémédité, ni le
moindre rapport avec l’hégémonie soviétique. Et pourtant, les
renégats tirent les mobiles de leurs plans des mêmes sources
marxistes que les bolcheviques. Mais, s’appuyant sur leurs luttes
souvent fondées par l’exagération d’une caste bourgeoise, ils vous
égorgeraient si vous les traitiez de faux, eux dont l’esprit prend
assise sur les trop nombreuses injustices dont ont été victimes
des êtres sans défense. Ils croient qu’en attaquant le
communisme, nous refusons de participer à leur peine légitime.
Point cela, puisqu’ils se leurrent, ayant été récupérés à la base
par une poignée de fous qui siègent au Kremlin et qui, sans cesse

212
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 213

rabâchant les souvenirs, restent fidèles à leur erreur. Lourdes


conséquences seront bientôt vécues par ce leurre et, face à cela, il
est grand temps que les âmes pures s’unissent et préparent la
contre-offensive. Que ceux qui sont prescients m’écoutent : ce
n’est pas la force qu’il faudra opposer mais, comme le code de la
chevalerie l’exige, la foi. Seulement devant la foi, ils seront
désarmés. Il est nécessaire, tout comme eux mais différemment
dans l’esprit, de former des troupes particulièrement préparées.
Prenez garde, chaque jour une nouvelle d’apparence anodine
tombe dans l’information courante. Tel jour ce sera l’annonce de
l’expulsion de deux cents espions, tel autre la confirmation de «
source sûre » que trois mille hommes d’élite sont spécialement
entraînés dans des camps bourrés de décors simulant l’Occident,
tel autre encore ces véhicules lourds bondés d’appareillage
électronique, etc... et tant d’autres faits pour lesquels je vous
demande une simple répertorisation.
On vous fera croire que tout cela n’a aucun rapport avec la « lutte
des classes ». Ce que ne comprennent pas les occidentaux, trop
logiques, trop cartésiens, c’est que les bolchéviques, dans chacune
de leurs actions, jouent toujours sur deux tableaux : l’un officiel,
l’autre complètement différent, sous table. La veille, on
s’embrasse devant des millions de téléspectateurs ; le lendemain,
on envahit la Tchécoslovaquie. La veille, on annonce telle
nouvelle, le lendemain, les dauphins l’infirment partout, dans
toutes les couches de la base.
L’analogie est frappante avec les communistes français, blancs au
grand jour, noirs sur le terrain. Et si vous le leur rappelez par
des événements, ces staliniens vous sortent leur programme,
vous traitant grossièrement parce que vous auriez oublié ces
centaines d’enfants morts dans les mines. alors que la
psychologie dynamique de leur action est autre. Cette dysfonction
est pour nous incompréhensible, elle n’a aucun lien logique et
c’est pourquoi elle est efficace. Seuls des êtres éveillés
s’aperçoivent de cela.
La voici, la véritable arme idéologique de la monstruosité
communiste : l’illogisme, qui autorise le grossissement des
troupes d’adorateurs, tout en faisant passer la pilule des goulags,
des invasions, des espionnages, de l’oppression. En face de cette

213
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 214

arme, il faut en opposer une toute aussi puissante, capable de


détruire cette apparente homogénéité. Cette arme, ce sera la
formation de gens croyants et éveillés, eux aussi entraînés
comme leurs troupes, en grand nombre.
Rappelez-vous. Souvenez-vous des actions terroristes patronnées
par l’Union Soviétique, méthodes offensives une fois de plus très
efficaces : on casse la stabilité d’une nation en démantelant d’une
manière disparate ses maillons. Les soviets dirigeants savent que
l’Occident s’est endormi, alors ils frappent par petits coups, que
vous oubliez quelques jours après et qui suffisent à déstabiliser.
C’est la guerre de l’ombre, et une contre-offensive de masse est
illusoire. A procédés de traîtres, armes idoines. Les commandos
d’élite devraient d’abord faire disparaître couardement toute
trace de soviétisme sur le territoire, officieusement, lâchement,
comme eux agissent, pour s’infiltrer plus tard dans leur immonde
état afin de créer une pagaïe sans précédent. Mais nos gens
dorment. Ils préfèrent consommer le dernier drink « relax » à
l’entraînement. Le réveil sera dur, très dur.
Je le répète, rappelez-vous le terrorisme. Par exemple, ce 3
Février 1976 au matin, à Djibouti, ce car d’enfants arrêté par des
terroristes somaliens. Le G.I.G.N réussit à les abattre tous et,
après examen, l’un d’eux était blond ; on découvrit qu’il était
soviétique et qu’il dirigeait toute l’affaire, en parfait accord avec
la Somalie, pays qui a installé une base d’entraînement spéciale
à Kismayu. Souvenez-vous de la rue des Rosiers : les armes
étaient soviétiques. Et tant d’autres, je vous le dis, quand bien
même ces rats me traiteraient de tout, le réveil sera dur.
Préparez-vous ! Formez-vous, formez d’autres frères. Entraînez-
vous aux exercices de commando, au tir d’armes à gros calibre,
aux techniques de lavage de cerveau : croyez-moi, l’Alchimie
peut vous mener là aussi, à servir la quête. Soyez et restez
vigilants. Que les fidèles lisent les textes de Soljenitsyne.

Paul est moine. Je l’avais connu douze ans auparavant, lors de


mes premières questions sur l’ésotérisme. Nous nous
rencontrions banalement jusqu’au jour où je constatai en moi-

214
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 215

même la nécessité de le voir plus souvent et de mieux l’écouter.


J’avais éprouvé cette faim à l’époque de mon départ du
laboratoire de physique et là, ce fut mon premier contact avec
l’impossible réel.
Donc déjà ami de longue date, Paul était le seul confident à qui je
pouvais tout dire. Il me voyait à chaque fois que ma vie changeait
vraiment.
Alors, un jour de Mars 19. .
- Tiens ! Te voilà, toi. Content de ta visite ! Quoi de neuf ?
- Bonjour, Père Paul. Je viens pour ...
Ne me laissant pas continuer
- Oh ! quand tu m’appelles « Père Paul », c’est grave ...
-Oui ...
- Alors mon petit, comme d’habitude : Paul tout court.
- Rien ne va plus, Paul. Rien.
Silence ... Il me prend par le bras, m’entraîne dans son pas qui je
le sais nous mène dans les endroits les plus reculés de la clôture.
Dès les premiers mètres, il cherche à me mettre à l’aise en
débitant des lieux communs, comme s’il n’avait rien écouté tout à
l’heure. J’en eus vite assez
Paul, je voudrais vous dire mon angoisse, mais je ne sais pas
comment m’y prendre ...
Lui, du tac au tac
Personne ne te demande de t’y prendre d’une certaine façon. Ce
que tu diras en t’y prenant comme ci ou comme ça n’a aucun
rapport avec le fond de ton problème. Alors, pour l’instant tais-toi
et aide-moi donc à nettoyer la grille de la rivière.
En pleine forme, Paul. Comme si je ne l’avais pas quitté la
dernière fois. Un peu désorienté par sa lucidité, je pris d’une
manière soumise le râteau et grattai. Au bout d’un moment,
après qu’il eût tiré un bon tas d’herbe
- Regarde ces salamandres ...
Retourné à nouveau dans ma rengaine intellectuelle du «
problème à résoudre », je répondis par un vague grommellement.
Mmm... Lui

215
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 216

Tiens, attrape celle-ci, vite !


Mais Paul, j’en ai rien à fiche de vos salamandres ! Je ne viens
pas vous voir pour nettoyer la rivière ! et puis je ne ...
Il me coupe
- Ce que tu m’as dit la dernière fois sur ton souhait d’approfondir
l’Alchimie, c’est de la fumisterie. Si les salamandres ne
t’intéressent pas, va voir ailleurs : c’est la seule période de
l’année où elles sont visibles aussi facilement.
- D’accord Paul, mais vous ne sentez pas que ...
- Je sens que tu dois voir tes salamandres. Attrape, misérable !
Il m’en jette une sur les mains. Je la coince et me retrouve là,
hébété, avec la bestiole grouillante. Vif retour à la rivière.
Regards. Enfin, un éclat de rire général. Délivré. - Tu es
mortellement sérieux, mon pauvre. Trop. Ça va t’étouffer. - Pff ...
dans ce milieu scientifique : c’est la guerre en pantoufles. - Tu
parles de ton travail, si l’on peut dire ... Bien sûr, ces recherches
en physique ne sont pas pour toi.
- Quoi alors
- J’attends que tu me le dises.
Mais Paul, je ne sais pas ...
- Si tu sais.
Mais non, pas du tout !
- Pas encore .. .
Il bifurque d’un seul coup à sa gauche, gravit subitement un
monticule. Je le suis en courant. arrive essoufflé. Il était assis sur
un tronc abattu, parfaitement calme, les yeux scrutant l’horizon,
comme s’il était là depuis deux heures.
Assieds-toi ...
Est-ce que je . .
Tais-toi.
Je regardai avec lui. Visiblement, il attendait quelque chose. Au
bout d’un quart d’heure qui me parut hivernal -j’allais éclater - il
chanta doucement

216
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 217

- Calme-toi. Les oiseaux gazouillent maintenant. Nous sommes


insérés dans la vie de cet endroit, tu peux parler ...
Du coup, je n’avais plus rien à dire ! ... Son regard se tourna vers
le mien, et encore plus malicieux
- Tu me bafouillais tout à l’heure que tu n’es pas venu pour rien,
monsieur, alors, j’écoute.
Son ordre me paralysa. Ce n’est pourtant pas possible : je ne suis
pas venu pour aboutir là. vide de ce que j’avais cogité pendant
des semaines ! Lui, devinant, les yeux perdus vers l’horizon, me
dit d’un trait
- Tu t’es construit une montagne de questions illusoires. Tout le
monde autour de toi, prisonnier du même piège, t’y fait croire. En
réalité, ces questions ne te concernent pas. Quelque chose en toi
le reconnaît : c’est ce que tu viens de me dire. Maintenant, on
sait, passons à autre chose.
J’étais atterré. Il avait vu juste, d’un seul coup, et il faut passer à
autre chose .. .
A quoi, Paul?
Tu le sais bien, à quoi ! Maintenant que tu laisses tomber ton
labo, que vas-tu entreprendre ? Je ne vois pas ...
Ça a un rapport avec les salamandres ...
Quoi ? ! Que voulez-vous dire ?
Tu as une tête encombrée d’inutile et en réalité tu ne sais rien
faire de tes dix doigts.
Piqué au vif, moi, jeune chercheur, ne rien savoir faire de mes dix
doigts ... Tellement vexé
Vous qui êtes moine, vous priez, vous écrivez, que créez-vous
d’autre ?
Tu persistes à débiter dans ton système rationnel. Il te piègera.
Tu dis ce que tu vois de nous, mais tu ne sais pas ce qui se
réalise. Nos gestes sont la conséquence d’une attitude intérieure,
d’un choix. Toi, tu ne l’as pas regardé en face, le choix de ta vie.
Tu travailles, tu vis avec les gens sans savoir ce qui t’unit à eux

217
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 218

et sans les connaître. Tu appelles cela ton destin, mais quelque


chose en toi crie que c’est faux. Seulement, comme tous tes efforts
refusent d’être qualifiés d’inutiles, tu t’opposes à ce cri. Mais,
comme il se terre au plus profond de toi, tu as des problèmes.
Maintenant tu ne supportes plus de vivre dans cette lâcheté, tu
te réveilles ...
Timidement
Qu’est-il votre choix ?
Me désignant le cimetière
Tu nous crois assez fous pour entrer par cette porte et sortir
cinquante ans plus tard à deux cent mètres de là pour rien ? Non,
tu vois, un jour, ici, j’ai entendu quelque chose. Comme toi,
maintenant. - Ça m’agace, vos « quelque chose », vos « attitudes
intérieures », votre choix et votre langage imprécis. Je n’ai pas
l’intention de devenir moine.
- Tu, tu ... Tu .. Toi et tes ... Il se mit à chanter un petit air avec le
vent. Puis, comme changé par ce petit air de fête, il prit une fleur
sans la cueillir et lui parla :
Frêles sueurs,
qui dansez dans le vent, ah ! oui, sachez que Dieu vous aime.
J’étais seul et triste
dans un coin de moi-même ; la lumière est venue, l’amour m’a
ébloui.
Il continua
Pour moi, c’est passé par là. Pour toi, c’est certainement différent
dans l’aspect extérieur, mais au fond, la démarche reste la même
: celle de l’écoute.
- Mais écouter quoi ? !
Et si tu taisais un peu ... Et si dans ta tête, ça ne parlait pas.
Sans cesse ton langage intellectuel échafaude des modèles qui se
prennent pour ce qui est au-delà d’eux-mêmes. Ces modèles n’ont
aucune résonance en toi. Tu les as adoptés un jour, comme les
autres. Ce jour-là, tu t’es enchaîné. Oublie-toi ! Ne t’inquiète donc

218
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 219

pas : ce que tu es te porte, tu ne vas pas t’écrouler comme ça ...


Lâche donc un peu.
Lâcher quoi, Paul ?
Mais bon sang, justement cette question !
Comment ?
- Pas de comment ! tu ne vis pas, c’est ta question sans
fondement qui usurpe ta vie. Ecoute .. . Ecoute ce silence, écoute
ton cri. Toi, dans cette attitude intérieure, comment te sens-tu,
comment t’appelles-tu ?
Avec beaucoup d’hésitation
- Je ... petit ... l’impression d’avoir matraqué ... ça saigne, vibrant
.. . - Chut ...
Long silence. Je le retrouvai tout priant, extraordinairement
limpide. Lui était absent, une autre présence diffusait, éclatante
d’ouverture, de tendresse, de pardon. Son regard, comme
téléguidé, croisa le mien. Le choc fut inouï.
Les larmes.
C’était musical, léger, joyeux, solitaire, tel l’amour. En pleurant,
je parlais comme ce gosse retrouvant ses parents après un
cauchemar. Des phrases découpées, grossières, où je mêlais les
souvenirs, le dégoût de moi-même avec mes erreurs. Lui, posant
quelques questions discrètes, orientait. Les années perdues,
l’âme retirée, les problèmes inutiles, tout était réduit à sa plus
simple expression, d’une clarté d’Eden.
Bien sûr, il y eut d’autres entretiens avant ce choc. Mais jamais
l’aboutissement n’avait été aussi culminant.
Quinze jours plus tard, je donnai ma démission officielle au
laboratoire et, comme par un enchantement qui avait réorganisé
la perception que j’avais de mon enfance, un métier traditionnel
me choisit.
Pour les autres, j’étais devenu fou. Dès cette décision irrévocable,
tout avait changé, depuis le travail lui-même, jusqu’aux
conditions de vie, en passant par ceux avec lesquels j’avais vécu.

219
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 220

Cette transition a été douloureuse : un trou noir, la solitude


totale, sans retour possible. Paul m’avait prévenu, c’était ma
réparation. Jusqu’à l’encontre de ceux qui étaient déjà de l’autre
côté .. . Merci mon Père.

L’exil volontaire est l’étape philosophique qui concerne


l’extraction du Sujet de la mine. Vous me permettrez, à l’image
des Anciens, de ne pas citer nommément la toute matière
première, bien que nous sachions que vous en connaissez la
dénomination précise. Il ne s’agit pas de nous plonger
maintenant dans le faux prétexte du secret dont se gargarisent
les maniaques. Attitude qui n’est pas dans nos comportements,
nous préférons toutefois taire le nom moderne par simple respect
pour la Dame, par la notion sacrée qui s’y niche et,
indépendamment de ce qu’en pensent les cupides, pour ne pas
tomber dans la réelle vulgarité.
Car la rencontre avec le Sujet est rituelle. Nous allons vers le
Sujet, l’esprit ouvert, humble et priant. Ce placet est, comme tous
les niveaux d’intégration à l’Art, une évidence qui se joint en
votre intériorité par nécessité. Vous éprouvez, à l’issue de la
fusion des degrés précédents, une faim inextinguible de vous
mettre en route pour quêter la minière. Tout en même temps, les
premiers tracas accompagnent vos investigations. D’abord vos
enquêtes verbales - où trouver, quelle qualité, la quantité
pondérale puis les contacts souvent difficiles avec le milieu
minier, qui n’a que faire de l’Alchimie.
Fréquemment, le volume créé par ces soucis vous font perdre
courage, vous orientant vers les rémittences ou, plus grave parce
que dynamisé par la hâte, vers des solutions à la godille du type
industrielles, oubliant que tous les philosophes, durant tous les
siècles, rencontrèrent cette épreuve. Que vous demeuriez en
Belgique, en Italie, en Hollande, en France ou ailleurs, vous devez
partir rechercher le Sujet. Non seulement je vous en donne
l’ordre, mais j’exige que vous que vous entrepreniez durant cette
probation, sur la même route, un pèlerinage en bonne et due
forme.

220
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 221

Je ne vous autorise pas à interpréter ce qu’écrit Fulcanelli dans


Les Demeures Philosophales à propos de Nicolas Flamel et de son
pèlerinage. Vous n’êtes pas Nicolas Flamel et s’il pouvait se
permettre d’envoyer un commissionnaire pour surprendre le
Sujet dans le gîte, vous êtes loin d’égaler sa valeur spirituelle.
Pas question de dire « le pèlerinage de Nicolas Flamel est
mythologique, je puis donc m’en passer », ignorant tout de la
réalité et n’ayant rien compris à son œuvre.
Rendez-vous sur les lieux d’extraction et, avant de recueillir le
spirituel minéral, marchez aller et retour jusqu’au lieu saint le
plus proche : la Providence vous réservera votre pierre de touche,
votre douleur. Que cela soit distant de dix ou de trois cents
kilomètres, prenez le bâton, la pèlerine et en route, le livre de
psaumes à l’autre main. Vous n’êtes pas dispensé, vous n’êtes pas
exempté, aucun prétexte n’est recevable aux yeux de la Vierge.
Marié ou non, un ou cinq enfants, situation sociale solide ou
précaire, jeune ou plus âgé, homme ou femme, vous devez
mobiliser le temps requis et l’offrir à la raison d’état alchimique.
Vous ne soupçonnez pas ce qui vous sera donné par l’entremise
de votre premier vrai effort. Sacrifice tout en étant également
l’enseignement lui-même, cette confrontation entre la routine de
votre vie et les rythmes sacrés de la Nature génèrera les
substances requises à la compréhension du deuxième œuvre, qui
sont simplement mises à l’abri durant le premier. Si vous
outrepassez l’impératif, vous vous réveillerez dans une immense
douleur dont le trait caractéristique est la stérilité : vide, vous
serez vide comme de vieilles peaux dont l’air de la vanité qui les
enflaient fuit par les pores de la vaine gloire.
Payez d’abord de votre personne, avant de demander, toujours.
Vous n’avez aucun droit, aucun privilège, aucune supériorité.
Vous avez tout juste le droit de vous taire et de vous mettre en
route, ce qui est déjà considérable. Vous devez, pour l’initiation,
amasser les valeurs prescrites en vivant une période choisie par
la Providence dans les plus basses conditions, errant de lieu en
lieu vers le sanctuaire qui vous est assigné. Il faut que vous
viviez pour la première fois de votre vie la sensation animique de
faim, de soif, de fatigue réelle. Le pèlerinage vous placera en de

221
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 222

justes conditions pour que vous rejoigniez votre authentique


valeur humaine.
Vers chez nous, en Auvergne, nous avons d’innombrables gîtes
placés tout comme les maillons d’une chaîne entre Brioude et
Massiac. Fermés en quasi totalité, il faut bien connaître les lieux
et, à l’aide d’autorisations diverses, gratter pour la provision
définitive. Ces autorisations sont obtenues avec patience et
amabilité, auprès des ingénieurs responsables du secteur au
B.R.G.M. ( Bureau de Recherche Géologique et Minière ), dont les
adresses se trouvent facilement selon les régions concernées. A
l’étranger, il existe certainement l’équivalent, mais il n’est pas
certain que les lieux regorgent du Sujet. Chaque contrée a ses
mines, ses coutumes, et il est bon de requêter patiemment auprès
des anciens, aidés des cartes d’Etat-Major très précises qui vous
attendent dans toutes les grandes librairies, ainsi que les cartes
géologiques complètes.
Autant je me suis permis d’appliquer le droit d’aînesse envers
vous relatif aux recommandations qui accompagnent la recherche
du Sujet, autant je vous imposerai une grande prudence lors de
vos incursions dans le trou. Ne soyez jamais seul, disposez
toujours des autorisations légales, armez-vous de matériel léger
mais efficace comme piolets, cordages de grimpée élastiques,
grands sacs, casques, lampes sérieuses et ... masque à gaz : les
veines dégagent d’innombrables gaz très nocifs qui peuvent vous
tuer comme une mouche en quelques secondes. Même dans un
gîte en exploitation, vous recevrez les recommandations
précédentes et si, par bonheur, la Providence vous désigne pour
descendre au fond avec les mineurs, n’hésitez pas une seule
seconde, dussiez-vous adopter un comportement complice vis-à-
vis de certaines habitudes sorties tout droit du goulot dont les
ouvriers font abondant usage, pour trois heures seulement. Ici,
nécessité oblige, l’identification est temporairement permise pour
faciliter le dialogue avec un type d’individu souvent brutal.
Mais auparavant, laissez donc outils et ustensiles de cognée et en
route pour le lieu saint.
Un pèlerinage s’effectue à pied, non pas en charter ou en
automobile. En outre, le portefeuille doit être plus dégarni que
rassasié de beaux billets, l’habillement strict et, à la grâce de la

222
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 223

Providence ! Il est question ici de réintégrer le temps biologique


en adaptant à l’aide d’une intensité suffisante, vos rythmes de vie
à ceux de la Nature. Seule cette concordance vous offrira la
résurrection à l’écoute intérieure demandée lors des
manipulations au four.
Le lieu saint le plus près de chez nous est Rocamadour. Hardi
donc pour le périple, deux cent cinquante kilomètres aller et les
mêmes au retour. Vingt quatre jours au total, seulement un sur
place, tout entier consacré à la prière auprès de la Vierge Noire
qui accueillit en son temps le Bienheureux Raymond Lulle.
Premier jour, vingt-cinq kilomètres, une auberge où l’on m’offrit
la soupe en sus du frugal menu, « par tradition » a dit la brave et
forte femme. Deuxième jour, idem et, le troisième, une tendinite
au genou droit. Bâton remplissant son office de canne oblige, le
lendemain cette tendinite gagnait la jambe gauche. Un véritable
calvaire, deux boules grosses comme des neufs de poule
siégeaient aux mollets. Le soir, après de longs massages, le
sommeil daignait venir pour, le jour suivant, faire place à plus de
souffrance encore. Une bonne heure était impérative pour
seulement placer un pied devant l’autre. A l’évocation de ces
souvenirs, le sourire chasse les nombreuses larmes versées
durant le périple. Pleurer de douleur mes amis, vraiment, sans
l’aide de personne, loin de tout, seul mais, au plus profond du
cœur, l’indicible espoir ...
Arrivé aux pieds de la Vierge Noire, il fallut gravir auparavant
les quelques centaines de marches qui mènent à la chapelle. A
genoux, tant je n’en pouvais plus, « comme au bon vieux temps »
me souriaient les pierres millénaires au beau milieu de citadins
qui se retenaient de téléphoner à la maison de santé du coin. Peu
importe, durant cette ascension qui dura deux heures, je vécus
comme jamais je ne pourrai le décrire. Ah ! Savez-vous ce qu’est
la misère, être au fond de soi, ne plus rien se représenter et,
surtout, l’absence de considération ?
L’instant d’avant, celui où j’entamai la pente qui mène au
sanctuaire, fut couronné d’une inexprimable grâce : en cheminant
vers les toutes premières bâtisses flanquées là depuis des
centaines d’années, un curieux personnage en surgit et, l’air
parfaitement sûr de lui, m’accueillit les bras ouverts en croix.

223
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 224

- C’est vous, enfin !


(j’étais médusé )
- Venez fils, entrez, je vous prie.
Il m’offrit le gîte et le couvert une bonne heure tout en me tenant
le langage suivant en substance.
- Vous êtes le ... à vous rendre en ce lieu. Merci, merci d’être venu
malgré tout. Il faut que je vous dise quelle est ma tâche. ( En me
montrant un gros livre ancien) Rocamadour est un des cinq lieux
saints qui accueillent les alchimistes en France. Savez-vous, le
Graal y a séjourné. Son esprit vous attend. Allez vous recueillir
aux pieds de la Dame et vous recevrez par les Pères ce qui vous
est dû après tant d’efforts. Vous savez déjà prier, je le vois, alors
abandonnez-vous en oraisons dans la chapelle, et la porte
s’ouvrira ...
Je ressortis de chez lui comme fou, lui ayant laissé, sur sa
demande, le bâton qui me soutint durant tous ces kilomètres,
n’éprouvant plus aucune douleur. Trois cents mètres plus loin,
aux toutes premières marches, un coup terrible se fit sentir net
derrière les genoux ; le mal revint plus fort encore
qu’auparavant. Paralysé sur place, stupéfait, amoindri
instantanément, j’entendis sa voix « montez donc, fils, montez, je
vous en prie ».
Je sais que certains iront à Rocamadour sur les traces de
Solazaref. De même quelques autres psychologues prétendront
que les phénomènes semblent grossir après un temps de
privation. Tous se trompent, je vous le dis, pour avoir ramené de
ce lieu sacré - et vous trouverez chacun le vôtre si vous êtes
appelé - le plus beau des cadeaux que la vie m’ait donné sur cette
terre, que les sincères pressentent déjà à la lecture de ce traité.

224
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 225

Vous pouvez vous figurer sans peine combien fut indescriptible


ma joie de retrouver l’Athanor. J’avais l’impression d’être
rebaptisé. Il me semblait avoir vécu auprès du fourneau
d’innombrables années, comme si je savais déjà. Sur le chemin du
retour, j’allai me recueillir sur la tombe de mon père, mon très
cher père, puis, à proximité de Clermont-Ferrand, je fis un détour
vers l’hôpital général pour donner une graine d’espoir aux
pauvres vieilles gens malades et autres gueux de cette société
sans âme.

225
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 226

L’Athanor, catalyseur essentiel, maintenant devenu


spirituellement opérant alors qu’il était endormi, rayonne d’une
énergie sans cesse rémanente, d’une douceur puissante. Il est
devenu, à la place d’un four familier, l’endroit où l’espace et le
temps se contractent, se dilatent, neuf dans lequel les portes
s’ouvrent vers le monde, cœur parallèle exactement calqué sur le
vôtre.
L’importance des tout derniers termes est la plus haute. Nous ne
pouvions intercéder en la faveur de tous les articles de La Tourbe
N° 19 et 20, relatifs aux athanors. Sans retirer quoi que ce soit à
nos écrits de l’époque, il est essentiel d’approfondir la question
par les présentes révélations, dont nous rappelons qu’elles sont
adressées à nos disciples.
Nous avons examiné au chapitre précédent deux utilisations de
l’enceinte du fourneau en rapport avec les dimensions sacrées.
Nous avons également tenté d’expliquer pourquoi l’Athanor ne
doit pas changer de place, ainsi que le fait qu’il repose le plus
près possible du lieu dans lequel vous dormez, sinon à l’endroit
même. Et, en dehors de la construction dont nous avons donné la
pochade dans les chroniques philosophiques de 1983, il nous
reste à approfondir le problème du choix du combustible.
Bien qu’ayant également donné des précisions sur ce point,
dévoilons maintenant l’équilibre entre les diverses sortes de
combustion. Avançons d’emblée et tout net que le gaz ne doit pas
être utilisé au delà du deuxième œuvre - remplacé par le charbon
-, mais que par contre il est vivement recommandé au premier
œuvre ... De plus, les débutants auront avantage à l’employer
dans un petit four d’essai, qui suffit en général les dix premières
années de pratique assidue et qui laisse sa place, à ce terme où
vous devenez artiste, à l’authentique Athanor bâti sur dalle.
Dans ce cas, une enceinte polycombustible est à envisager,
surtout pour les nouveaux, qui ne sont pas prêts de se dépêtrer
des démêlés qu’apporteront les prochaines années avec les ennuis
d’énergie dus à l’irresponsabilité de la plupart des dirigeants
politiques.
En effet, nous ne cachons pas aux futurs chymistes que le monde
va connaître de nombreuses difficultés qui auront une incidence
directe sur le stockage de l’énergie. Que cela soit essence, fuel,

226
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 227

gaz, charbon ou électricité, il vous sera, à cause de querelles


internationales, impossible d’emmagasiner une quantité
suffisante du combustible de votre choix; même le bois
engendrera des attitudes processives sans fin dans un système où
la loi sera interprétée par des sortes de shérif de banlieue. Il
faudra impérativement vous cacher pour cuire, car les gens,
réduits à la bestialité, n’hésiteront pas à vous voler, voire pire,
pour s’emparer de votre précieux feu. Ce ne sera pas la première
fois que les labourants seront placés dans une situation critique,
l’essentiel restant la quête et la discrétion.
L’Athanor polycombustible pose les subtilités techniques qui
définissent les variations dimensionnelles. Effectivement, parce
qu’un combustible est différent d’un autre, c’est-à-dire qu’entre
eux leur PCI ( Pouvoir Calorifique Inférieur) varie selon l’espèce,
les grandeurs des ouvertures de cheminées, de carnaux, de
portes, varient similairement alors que celles de l’enceinte
restent fixes. Voici à ce titre quelques PCI courants, exprimés en
Thermie par kilogramme pour les solides, et en Thermie par
mètre-cube pour les gaz à la pression normale.
( 1 Th = 1000 kcal )
Produits PCI en Th/kg ou Th/m3
gaz oil 9,98
fuel domestique 9.95
fuel léger 9,76
fuel lourd 9.65
gaz lacq 8,76
gaz propane 21.91
gaz butane 28.65
gaz ville 3,7
gaz naturel 8,1
anthracite 6.9
houille 6,2
boulet 4,2
boulet russe 9,5

227
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 228

Cela veut dire qu’un kilogramme de fuel léger, par exemple, vous
offre au minimum, dans de bonnes conditions de combustion
oxydante, 9,76 Thermies, soit 9760 kilocalories.
Nous avons expliqué dans les articles comment calculer
approximativement la quantité de chaleur requise pour tel ou tel
feu. Nous pouvons reprendre l’exemple avec le charbon - le
boulet, admettons, souvent utilisé.
Soit donc notre Athanor de briques réfractaires lourdes, dont le
volume de l’enceinte est de 21 litres : 22 cm x 35,6 cm. Son
épaisseur est de 22 cm, dont seulement 11 prennent vraiment le
feu. Les dimensions seront :
à l’extérieur ->
largeur 44 cm

longueur 49,9 cm

hauteur 57,6 cm

à l’intérieur ->
largeur 22 cm

longueur 27,9 cm

hauteur 35,6 cm
:

Volume extérieur : 126,46 dm3


Volume intérieur 21,85 dm3
Volume de briques : 126,46 - 21,85 = 104,61 dm3
Une brique de 6 cm x 11 cm x 22 cm a un volume de : 1,45 dm3
Nombre de briques utiles : environ 72 (pour la construction,
multiplier par 1,5). Une brique pèse 3 kilogrammes
Poids du four : 72 x 3 = 216 kg
(Si l’on peut peser directement l’ensemble fumisterie, ce sera plus
facile, le calcul partant directement d’ici).

228
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 229

Si l’on place un creuset avec 300 grammes de matières à


l’intérieur, on observe que sa demande calorique est négligeable
en regard de ce qu’il est nécessaire d’apporter aux briques.
La chaleur spécifique d’une brique est de 0,2 kcal/g/°C Nous
savons que la formule de quantité de chaleur est
Q + m c(T1 – T2)
Il vient où Q est la quantité de chaleur en kilocalories
c la chaleur spécifique
m le poids à chauffer en kilogramme
T1 la température maximum à atteindre, disons 1200°C par
sécurité
T2 la température ambiante 20°C
216 x 0,2 x 1 180 = environ 50 000 kcalories
c’est-à-dire 50 Thermies
Or, le boulet vous apporte 4,2 thermies par kilogramme.
En conséquence, pour monter votre athanor à 1200°C, il vous
faudra prévoir 50 : 4,2 = 11,9 kilogrammes de boulet. Comme on
évalue les pertes à 25%, il est convenant d’en ajouter 3 par heure.
Une série de trois séparations dure environ, selon les conditions
extérieures, cinq heures au total. Vous devez pour cette nuit-là
rassembler environ 27 kilogrammes de boulet. Si vous choisissez
l’anthracite, il ne vous en faudra que 17 kilogrammes, et un sac
de cinquante vous tiendra trois nuits, c’est-à-dire huit à dix
séparations bon poids.

Revenons maintenant à la variabilité dimensionnelle des orifices


qui est fonction du combustible utilisé. Comme il est difficile de
sentir ces choses lorsqu’on n’est pas accommodé au maniement
du feu extérieur, il est souhaitable que vous tentiez de visualiser
les rapports de force qui différencient les combustions. Le plus
aisé est de s’en référer au tableau des PCI, qui offre les justes
valeurs des pouvoirs calorifiques.

229
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 230

En somme, vous pouvez constater, à l’examen dudit tableau, que


si vous choisissez les comparaisons en regard du plus puissant -
le gaz butane - les autres produits peuvent être classés ainsi :
gaz butane gaz : 1
gaz propane gaz : 1,30 = 28,65 : 21,91
gaz lacq : 3,29
gaz naturel : 3,53
gaz ville : 7,74
Pour les fuels (le plus fort PCI = 1 )
gaz oil : 1
fuel domestique : 1,003 = 9,98 : 9,95
fuel léger : 1,02
fuel lourd : 1,03
Pour les charbons (plus fort PCI : russe)
russe : 1

anthracite : 1.37 = 9,5 : 6,90

houille : 1,53

boulet : 2,26

Et les plus importants entre eux :


Et les plus importants entre eux 1
gaz butane

gaz oil : 2,87 = 28,65 : 9,98

russe : 3,01

Interprétation :
- le gaz est le combustible le plus puissant, le plus compact. Par
contre, il est sujet, au niveau de ses semblables, à de nombreuses
différences. En effet, il faut 7 fois plus de gaz de ville pour
apporter l’équivalent à 1 fois de gaz butane, en volume et non en
prix.
- le combustible le plus stable est le fuel, qui ne varie que de 1 à
1,03 seulement, alors que le gaz varie de 1 à 7 et le charbon de 1
à 3.

230
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 231

- les rapports entre les plus puissants indiquent une valeur de 1 à


3, ce qui est le plus important pour ce qui nous intéresse. Mais,
pour rester dans l’intervalle de tous les combustibles, il nous faut
prendre le plus fort - butane à 28,65 thermie par m 3 - et le plus
faible - gaz de ville à 3,7 thermie par m3 . Leur rapport indique
7,74 ; cela veut dire que la dimension des carnaux d’allumage et
du diamètre de la cheminée doit pouvoir varier de 1 à 8. Par
exemple, avec un brûleur butane de diamètre 6 cm au bec et qui
débite dans une enceinte reliée à une cheminée de diamètre 150
mm, d’une hauteur 1,50 m, on aura un volume de cheminée de 26
dm3 . Le volume de la cheminée capable de tirer les gaz de ville
sera de 26 x 7 = 180 dm3 environ. Et si vous choisissez un tuyau
de 250 mm de diamètre, cette cheminée devra avoir une hauteur
de :

Choisissez d’emblée une cheminée de 20 cm de diamètre sur une


hauteur totale et hors tout ( de l’athanor au toit ) de 4 à 5 m, et
vous pourrez brûler tous les combustibles possibles, en régulant
tout simplement le tirage à l’aide d’un registre afin de l’adapter à
la fluidité de la veine gazeuse.
La porte de l’Athanor, elle, demeure identique. L’expérience nous
montre qu’avec un orifice dont les dimensions font 25 x 30 cm au
maximum, tout est permis.
Quant aux carnaux d’admission d’air - ou registre de tirage pour
le charbon ou le bois ( dont il faut prendre la moitié du PCI que
pour celui du boulet, en moyenne ), ils sont réduits à néant pour

231
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 232

un brûleur gaz, qui contient en lui sa propre admission d’air


primaire. Par contre, il faut prévoir une dizaine de fois sa surface
pour le charbon le moins chaud. Ainsi, si le diamètre à la bouche
de votre brûleur fait 40 mm de passage, il a une surface de 12,56
em2 et celle de votre registre sera de 130 cm2 environ, soit les
dimensions de 13 x 10 cm.
Bien entendu, tous ces calculs empiriques, mais qui donnent
néanmoins toutes satisfactions à l’usage, sont pensés pour un
volume d’enceinte de 20 à 30 litres utiles. Nous pourrions
approfondir ces données, afin de démontrer qu’elles sont
compatibles avec une réalité plus scientifique, mais nous les
jugeons suffisantes, preuve de leur caractère expérimental. A ce
titre et pour rassurer les sophistes, nous offrons en troisième
partie un exemple-type de résolution d’un problème spécifique à
la voie brève.
En outre, vous trouverez ci-après des plans utiles qui
intéresseront les habiles en technique. Le schéma suivant vous
montre quelles sont les idéales proportions de l’enceinte d’un
Athanor polycombustible réglable.

232
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 233

233
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 234

( prière )
Ma citadelle, c’est Dieu
Lui, Il me connaît,
Il m’a tiré du gouffre. Il est le seul
Il est comme mon père, je L’aime.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 235

Quatrième degré
DE LA TRÈS LOUABLE OBÉISSANCE
L’obéissance est le carrefour où se brassent les plus importants
traits de la personnalité humaine, s’y dévoilant clairement,
représentant donc la seconde clef de l’édifice alchimique.
En effet, si la première étape est de quitter le monde comme nous
l’avons souligné, le deuxième écueil sur lequel bute l’aspirant est
celui de l’obéissance ; écueil, parce que toutes les fausses valeurs
de son ego s’y écrasent, se révélant et se mettant en mouvement
tout à la fois.
L’homme moderne a complètement perdu tout sens de
l’observance. Bien plus, il n’a même plus la moindre idée de ce
que cela veut dire. Il s’imagine comprendre ce qu’est l’obéissance,
de pouvoir comme avec le reste réfléchir sur cette « notion
philosophique », extérieurement, comme tout ce qu’il entreprend.
Il ne le comprend pas parce qu’il est complètement identifié à son
moi, c’est-à-dire à sa volonté propre. Il confond volonté propre et
libre arbitre car il ramène tout à lui selon ses funestes manies, il
interprète n’importe quelle notion qui lui arrive et lui donne un
sens personnel.
La seule foi du moderne est dans ce qu’il croit, ce qu’il aime, ce
qui lui procure du plaisir charnel, intellectuel ou affectif. Très
sommaires et infiniment épais sont ses raisonnements, qu’il
prend pour la vérité - du moins la sienne - lorsqu’il ne l’étend pas
des termes « objectif » ou « conscient ». Puisqu’il est absolument
identifié à sa volonté propre, comment voulez-vous qu’il
comprenne que l’obéissance est le seul moyen de lutter contre elle
? Bien au contraire, pour lui, l’observance devient alors le pire
ennemi, la chose la plus redoutable, qu’il se dépêche de
transformer -justement avec les mécanismes de sa volonté propre
- en justifications les plus fantaisistes du genre « on ne doit pas
me dire ce que j’ai à faire » qui, dans un intellect
particulièrement fourbe, se change en galipette nommée
«métaphysique » d’un style rationaliste.

235
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 236

Rien que de la fiente puante, rien que de la superbe, de l’orgueil


le plus habilement camouflé en euphémisme. Que les délicats de
la fierté ferment ce livre à cet endroit, car je vais devenir
particulièrement combatif et préfigurant. Nous ne pouvons
tolérer les déviations qui consistent à détourner, sous la houlette
d’interprétations personnelles, les valeurs les plus merveilleuses
de l’Alchimie par les prétextes débonnaires de l’ego. Et, si
précédemment la plupart nous quittait au degré de l’amour de
l’affliction, ici même, d’autres suivront l’identique pas.
Bienheureuse épuration, réintégrant les corbeaux prétentieux
qui s’étaient imaginés pouvoir toucher le manteau de la Dame
aux hordes qui animent la boulimie morbide des assoiffés de
considération.
La volonté propre est le pilier central de l’ego. C’est elle qui
représente en volume, en longueur et en poids tout votre
éloignement à l’Alchimie. Celui qui ne comprend pas cette notion
rudimentaire est tout juste bon à retourner dans le monde :
vraiment, ce n’est pas la peine qu’il se fatigue. Mieux vaut pour
lui qu’il profite des quelques années qui lui restent à vivre dans
le cosmos, avant d’intégrer la poussière. C’est à eux que
s’adressent les termes « n’es que poussière et tu y retourneras ».
Les autres, comme nous l’avons expliqué, justement par le
sacrifice de leur volonté propre, acquièrent des valeurs qui
dépassent les caractéristiques humaines ordinaires.
L’obéissance est le tombeau de l’ego, tout en étant la résurrection
de l’humilité. Chaque fois que vous obéissez, en ressentant votre
moi contrarié, vous retirez une pelle de terre de cette tombe et
vous recevez un brin d’humilité, c’est-à-dire de fusion au Tout.
Souvenez-vous que, librement, vous avez consenti à l’Alchimie.
Vous vous êtes donné à Marie. dont je rappelle qu’Elle est la
seule patronne de la Science et dont un de ses enfants est
Hermès. Hermès n’est pas un dieu, c’est pourquoi vous
observerez peu souvent ici les termes « Science hermétique ».
Voilà qui est bon pour les peuplades primitives et polythéistes.
Hermès est un maître, un très grand savant, le père de tous les
alchimistes. Mais, tout comme lui, nous n’avons qu’un seul Père,
Dieu. Nous avons souvent entendu, au cours de certains propos
dits chymiques, les invocations «nous prions les dieux ». Encore
de l’animisme.

236
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 237

Il n’y a qu’un seul Dieu, le Père tout puissant, et Marie, notre


Mère à tous, dont vous êtes le serviteur en décidant de devenir
alchimiste, que votre ego le veuille ou non. C’est par cette
servitude que vous accédez à la liberté. Imagineriez-vous la
Vierge ingrate ? Dites moi en quelles autres mains pourriez-vous
mieux vous confier et qui soient plus sûres que celles de Marie ?
Votre volonté propre est à corriger par la Vierge, comme une
mère donne une bonne correction à son gamin querelleur.
L’image n’est pas du tout puérile. Ce n’est pas parce que vous
vous nommez Untel, que vous occupez un espace social
considérable de responsabilités, que vous avez votre expérience,
que vous êtes dispensé d’ascèse. A partir du moment où vous
aspirez aux arcanes de l’Alchimie, vous formulez du même coup
une requête à Marie, et, dans une requête on est le demandeur,
on a le devoir de s’incliner et d’attendre.
Croyez-vous que la Vierge est une abstraction, puisqu’Elle a
enfanté Jésus Q en parfaite pureté ? Me diriez-vous : à qui
devons-nous obéir ? Lorsque je vous proposai de laisser votre
lubie alchimique si vous n’aviez pas intégré l’état de conscience
qui consiste à comprendre que la volonté propre est la plus sûre
prison pour vous, de même, je vous dis que si vous ne consentez
pas à la virginité de Marie, détournez-vous. La virginité de Marie
est un fait.
Vous en aurez la preuve plus tard au fourneau ... Non seulement
l’Esprit Saint a généré le Christ, en parfaite virginité, mais en
plus Elle l’est restée ! Et vous, immédiatement, vous seriez
capable de fouiner avec votre volonté propre les arguments ou les
thèses de toutes sortes, oubliant déjà que vous aviez compris que
votre volonté propre est le brouillard. Voyez combien vous êtes
stupide, en réalité esclave, pieds et poings liés. Il suffit que l’on
contredise une vague notion que vous avez acceptée une fois pour
toutes, ou que vous soyez provoqué dans vos certitudes et, tout en
étant persuadé d’avoir compris combien votre volonté propre vous
obstruait, vous vous livrez mécaniquement à sa pratique.
Mesurez combien vous êtes superbe et acceptez d’être dérangé
par mes termes. Comment voulez-vous vous débarrasser de ces
attitudes totalement mécaniques sans obéir ? En outre, puisque
vous êtes identifié à ces manies, comment voulez-vous
comprendre quel genre d’obéissance vous est nécessaire pour

237
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 238

vous en libérer ? Evidemment, une parfaite observance vous est


requise, dont vous n’êtes pas en mesure de saisir le moindre sens
dans l’état actuel de votre identification. Vous devez donc dans
un premier temps obéir comme un chien niais.
Vous ne réagissez pas de cette façon seulement pour ce que nous
répétons avec les Pères, avec la Vierge. En vérité, toutes vos
pensées sont sous le joug de cette mécanicité. Vous êtes capable
de palabrer sur la volonté propre tout en exerçant ses traits les
plus funestes, étant bien entendu certain de résoudre cette
question, alors qu’en réalité vous dormez profondément. Mais qui
vous éveillera ?
Nul avancement n’est permis sans un maître. Bien des personnes
s’imaginent pouvoir évoluer sans un instructeur, par elles-mêmes
ou simplement en se regroupant. Aucun travail sérieux de groupe
n’est possible de cette manière, bien au contraire, le résultat ne
peut être que négatif.
Bien que vous pensiez avoir une notion de ce qu’est l’Alchimie,
vous êtes loin d’en saisir le moindre principe. Tout ne dépend
actuellement que de vos certitudes, bien ancrées au fond de votre
ego. Peut-être même que l’une d’elles vous commande fièrement
d’être alchimiste. Vous n’avez pas idée de ce qu’est une vie de
chymiste, et cela ne peut pas vous être expliqué sans que vous
avez atteint un niveau de compréhension dont l’obéissance est le
chemin unique. Vous ne pouvez pas approcher votre but qui est
l’Alchimie, en réalité, sans avoir compris quel est le but de votre
maître, parce que vous avez d’innombrables idées fausses sur
l’Art, alors que votre maître sait de quoi il retourne exactement.
De plus, à cause de l’état cristallisé de vos identifications, je peux
vous affirmer que le but de votre maître ne peut même pas vous
être expliqué au commencement, parce que vous l’interpréteriez
tellement que vous ne seriez pas en mesure de vous mettre en
route.
S’il vous semble facile de vous voir vous-même en ces termes
relativement aisément, vous n’êtes cependant pas capable de
vivre seul cette constatation suffisamment longtemps pour qu’elle
soit opérante. Il vous faut bien comprendre que l’obéissance naïve
est votre unique ressource, non pas parce que la Dame vous le
demande - Elle qui n’a besoin de rien - ni parce que vous tombez

238
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 239

sur un genre de « gourou » maniaque qui n’a que sa libido en


exutoire, mais à cause de votre faute. Vous avez donné à vos
certitudes de nombreuses années, une quantité considérable de
confiance et d’abandon, croiriez-vous qu’en un seul coup de
conscience il vous est permis d’avancer ? En agissant de la sorte,
vous avez accumulé des milliers de toxines qui sont stockées dans
votre sang, dans vos organes, qui ont même pu remplacer
certains de vos tissus dans leur organisation cellulaire : vous êtes
l’édifice même de toutes vos permissivités. Seule une patiente
démolition, suivie d’une reconstruction habile, juste et mesurée,
pourra vous libérer en un être qui a un but. L’obéissance est cette
médecine, surtout lorsqu’elle est exercée avec discernement et
souveraineté.
Mais voici qui est plus vite dit que fait ... car la mise en marche
de l’attitude d’obéissance vous demandera déjà par elle-même
bien du travail et bien des efforts. De plus, elle exige une forme
de connaissance que vous ne possédez pas actuellement, sinon
vous en seriez dispensé. Cela revient à ad mettre votre nullité,
comportement étrangement frère avec l’absence d’orgueil. Sans
vivre la contrainte de l’obéissance et sans être sous l’obédience
d’un instructeur, aucun avancement n’est possible, rien d’autre
n’est permis que de végéter dans votre ego. Tous vos efforts
seront vains, complètement inutiles, parfaitement stériles, même
si vous désirez ardemment le contraire. Vous pouvez vous
torturer, pratiquer mille genres de mortification : par elles-
mêmes et selon vos propres initiatives, vous ne ferez que projeter
les caprices de votre moi et les renforcer en leur donnant la teinte
de l’ascèse. Nous savons que pour la plupart d’entre vous ces
choses sont les plus difficiles à comprendre. Ou d’autres
envisagent leur nécessité mais continuent couardement d’agir
contre. Par considération et avec un langage doux ils vous disent
« oui, nous voulons bien, cher maître », mais dès que vous avez le
dos tourné, ils perpétuent leurs funestes habitudes, tout en étant
sûrs d’avoir eu un entretien très important avec un Adepte,
entretien dont ils se souviendront toute leur vie ! Ils se le
rappelleront non pas parce qu’il était instructif par lui-même,
mais par la vaine gloire du fait qu’ils ont eu une fructueuse
entrevue avec le maître et qu’il leur a parlé d’obéissance, ce qui
excite en eux - par exemple – le péché égoïste du chuchotement .
Ils rentreront alors dans leur laboratoire, parfaitement sûrs

239
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 240

d’eux, satisfaits du niveau auquel ils sont. En vérité, ils sont


aussi bas que les épais qui nient purement et simplement les
nécessités de l’observance.
Rien d’autre au monde ne vous fera saisir l’importance de
l’obéissance que la complète connaissance de votre nullité. Le
travail du maître ne consiste qu’en cette prise de conscience,
accompagnée évidemment d’une nourriture de l’être dont le
propos n’est pas de mise présentement. Par contre, rien ni
personne n’a le droit et ne peut vous persuader d’obéir. Seul
vous-même, par la prise de conscience de votre ineptie totale,
pouvez amasser suffisamment de force. Votre consentement doit
être à la mesure de votre connaissance de vous-même, étranger à
ce pseudo-savoir de salon qui s’exerce dans les loges infâmes des
sectes en vogue, pour lesquelles changer est autre chose. Ces
gens sont prêts, dans leurs grands habits de cérémonie, à tout
sacrifier, sauf leur dîner de ce soir ... Encore une attitude qui me
rappelle un mot de mon très cher K. qui, en citant ces individus,
s’exclamait : « fais ce qu’ils disent mais pas ce qu’ils font ! »
Rendez-vous compte, mes fils : vous luttez pour accéder aux
arcanes de l’Art, en ignorant que c’est cette lutte même - sous
forme d’interprétations - qui vous en barre l’accès. Vous verrez
qu’en atteignant un semblant de validité, vous conclurez très
rapidement que vos luttes acharnées n’étaient qu’illusions et
freins de toutes sortes. Dès lors, vous consentirez mieux et plus
facilement à les sacrifier, parce que vous en aurez connaissance.
Mais, dans un premier temps, il faut que vous appreniez à les
découvrir, tout en étant sûr de votre intégrité : inévitablement
vous devez d’abord obéir avec contrainte. Les résultats, par
dessus tout, ne viendront pas à la suite de vos agissements
extérieurs, mais intérieurs. Effectivement, vous pouvez très bien
consentir à ce qui vous est demandé et paraître ce bel élève
docile, alors qu’en vous le vent de la rancune souffle. Aucun
avancement ne sortira de cette hypocrisie, que de la souffrance
inutile.
Vous ne concevez pas la détermination que demande la quête de
l’Alchimie. Cette détermination requiert à son tour une immense
compréhension du fait qu’il n’y a pas d’autre voie, que vous ne
pouvez rien faire par vous-même et que pourtant quelque chose
doit être fait. Lorsque vous en arrivez là, jusqu’au plus profond

240
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 241

de vous, vous devez aller jusqu’au bout. A ce stade, l’instructeur


se charge de mettre à l’épreuve vos décisions, afin que vous
sachiez en vous-même jusqu’où vous pouvez aller et ce que vous
êtes capable de sacrifier.
Les fanatiques répondent immédiatement et sans détour « tout !
», comme s’ils étaient en mesure de tout sacrifier, alors qu’en
réalité ils se mettraient en colère si vous leur demandiez de
cracher immédiatement leur chewing-gum. J’en ai connu de
nombreux, décorés de la médaille en fer blanc des nantis en
littérature alchimique, qui avaient prétendument tout sacrifié,
sauf leurs négligentes baskets ou leur costume taillé sur mesure
et s’emboîtant parfaitement dans la plus luxueuse des dernières
BMW.
Vous ne pourrez jamais tout sacrifier, et ceux qui vous le
demandent sont des fous et des inconscients. Vous devez
exactement savoir ce que vous êtes capable de sacrifier, mais ne
plus marchander à ce sujet par la suite, sinon vous démontrerez
l’inexistence de votre sincérité et on aura raison de vous jeter
dehors comme un sale vaurien. Vous voulez toujours commencer
par quelque chose de grand, pourquoi ? Mesurez-vous ce qu’est
l’Alchimie ? Comment prétendriez-vous déboucher sur
l’accomplissement de l’œuvre sans débuter petit, sans régler
d’abord les petites choses ? L’obéissance ou l’observance des
détails apparemment infimes et peu utiles ont bien plus
d’importance que vous ne le pensez. Comprenez que vous n’avez
pas le choix : entre vivre une ineptie qui consiste à cadrer votre
vie dans un carcan appelé ascèse et qui mènerait votre
inestimable importance à un Adeptat imaginaire, ou commencer
par aujourd’hui les petites choses, de là où vous êtes ... Bien sûr,
l’un est plus tentant que l’autre, plus savoureux, maintenant la
porte ouverte vers les anciennes habitudes.
Obéir revient à se soumettre à la volonté d’un autre. Termes qui
engendrent la peur agressive ou les mille justifications des
psychologues de toutes tendances (dont je rappelle qu’ils ont
singé leurs « maîtres » en faculté mais qu’ils l’ont oublié) ; se
soumettre est d’emblée ressenti comme une aliénation ou comme
une castration. Renoncer à ses propres décisions présente des
difficultés insurmontables pour les modernes, qui vous lancent
tout de suite au visage les mots « lavage de cerveau », « hypnose

241
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 242

», ... , en ignorant complètement combien eux sont hypnotisés à


leurs propres phantasmes qui, se regroupant en nombre,
prennent des allures sociales gigantesques. Par exemple, on sait
très bien que boire de l’alcool exagérément entraîne tant de
maladies du foie et donc telle somme à débourser pour le social,
ainsi de suite ; mais cela n’empêche personne de boire outre
mesure, en étant bien assis dans la pseudo-conscience de la
situation. Plus fins mais tout aussi omniprésents les « nantis »
dont nous parlions qui se sont octroyé le droit d’écrire et qui
inondent le marché de livres dits alchimiques, en étant sûrs de
faire bonne œuvre, mais en sachant très bien au fond d’eux qu’ils
mentent à tout le monde.
Quoi qu’il en soit, si vous ne réussissez pas à vous rendre compte
que vous n’avez jamais pris en réalité de décision par vous-même,
parce que vous vous êtes adonné aux mécanismes des mimiques
identificatives, vous ne saurez rien de vos illusions ni de vos
chances réelles d’aboutir, quelle que soit l’intensité de votre désir.
Toutes les vraies portes vous resteront fermées, même si vous
prenez possession de merveilleux textes authentiques, car vous
n’en percevrez jamais le sens, que ces mêmes illusions se
dépêcheront de vous faire interpréter de mille façons.
Vous ne pouvez rien perdre, parce que vous n’avez rien et que
vous n’êtes encore rien. Tout peut devenir en vous, si vous
consentez à vous placer en de justes conditions. Mais vous ne
vous placez pas en de justes conditions, si vous estimez y être
déjà, ou si vous accompagnez votre estimation d’un zeste
d’arrangement personnel.
L’Alchimie n’a pas besoin de vous, les maîtres non plus. Personne
ne vous attend. L’Alchimie, fille de Marie, Science de la Vierge
sainte, est entière, parfaite, comme tout ce qu’Elle fait. Elle veut
bien que vous lui présentiez vos offrandes, en vue de votre salut
ou de votre dissolution au cosmos, en l’absolu. Il s’agit d’une
permissivité, et non pas d’un marché.
La plus belle offrande que vous puissiez faire à l’Alchimie, c’est-à-
dire à Marie, c’est vous-même. par l’entremise da votre volonté
propre sacrifiée, et la pratique de cette condition s’effectue par
l’observance.

242
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 243

Le jour où vous avez embrassé l’Alchimie, vous avez donné votre


parole, vous n’avez pas décidé de vous y soustraire. Cet
engagement est précisément empreint d’obéissance. Vous vous
êtes mis à adorer Marie, même si votre moi le réfute pour ne pas
montrer sa fierté ; ou un jour vous l’avez formulé, puis le courant
de la suggestion permanente vous l’a fait oublier : peu importe, il
suffit que vous ayez aimé un seul instant.
Ce jour-là, vous avez été entièrement dépendant de la Dame,
vous lui avez été soumis totalement, rendant un hommage
effectif à ce qu’Elle est : l’autorité suprême, l’ordre universel,
c’est-à-dire en définitive la plus sûre des garanties pour vous. Et
vous voici tremblant parce que vous devez obéir, ou coléreux sous
le même titre, voire, plus banalement, sceptique. Encore une fois,
vous avez oublié. Si vous avez pu constater que votre instructeur
était dans la filiation par ses œuvres, pourquoi le craignez-vous,
lui qui n’est que l’instrument ordonné à la quête, agissant sous
l’impulsion de l’action de Marie, deux ou troisième moteur qui,
grâce à ces milliers d’actions, répercute et transmet ce qui vous
manque ? Lui-même est l’inférieur d’une autre personne
supérieure à laquelle il doit respect et obéissance.
Au début, on ne peut agir aussi clairement. Vous avez votre
programme, vous définissez vous-même votre direction, l’emploi
des heures de vos journées, vous préférez de courts instants
successifs telle passion, tel désir, tel projet. Durant ces moments,
vous n’optez pas pour l’Alchimie. Vous n’êtes pas libre ni
l’Alchimie libre en vous. Dès lors, l’obéissance n’est-elle pas le
propre de ceux qui n’ont rien de plus cher que l’Alchimie et, par
voie de conséquence, que Marie ? Ceux qui aiment par dessus
tout la Science, c’est-à-dire sa mère la Vierge mais encore son fils
le Christ, ne peuvent souffrir une seule seconde de retard dans
l’exécution de ce qu’ils doivent faire ; les délais et les parties
remises à demain sont impossibles. Ils ont entendu la voix
céleste, pourquoi se déroberaient-ils ? On obéit donc vite et sans
murmure, avec empressement.
Il vous faut comprendre que l’obéissance n’est pas seulement une
sorte de technique qui vous permet d’accéder à des grades
supérieurs, ni un procédé extérieur ou intérieur qui vous décore
du mérite alchimique. Bien plus que cela, tout en étant cela
également, l’obéissance vous fait communier au dedans à la vie,

243
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 244

aux vertus et aux pouvoirs de Marie et de son Fils, donc à


l’Alchimie. C’est pour cette raison majeure qu’elle est la
connaissance parfaite, alors que la désobéissance ou la superbe
est la méconnaissance parfaite, l’ignorance. Ce point est capital,
il a pourtant été le grain qui a vu chuter de nombreux frères,
toujours par l’interprétation, dont un des miens en qui j’avais
grand espoir.
L’observance est bien plus qu’une valeur morale ou théologale.
Elle est votre manière la plus immédiate et la plus simple
d’entrer en contact avec l’Alchimie, puisqu’elle exorcise le pouvoir
illusoire de votre volonté propre, vous « déprogrammant » à l’ego
pour vous dissoudre à ce qui est. Elle implique l’adoration, la
prière, l’humilité, c’est-à-dire la loyauté. C’est pourquoi celui qui
ne veut rien savoir n’est pas loyal, il s’intéresse à la Science pour
ses fins personnelles. Demandez donc en premier lieu à qui tel ou
tel philosophe que vous rencontrez obéit, parlez-lui d’observance,
et vous serez vite renseigné sur sa filiation. Adoration, donc
vision en esprit et en actes, puisque hommage essentiel et
empressé ; voici quelles sont les qualités essentielles de ce degré.
Qui hésite devant tant de beauté ? Les prétextes à la dérobade ne
peuvent même pas poindre à l’esprit. Aussi dès que vous voyez
quelque frère prétexter quoi que ce soit, c’est qu’il manque
d’adoration et qu’il préfère ses propres options à un moment ou à
un autre de sa marche. Non seulement vous ne ronchonnerez pas,
mais en plus vous ferez preuve d’une spontanéité déconcertante.
Vous êtes toujours prêt, parce que vous adorez sans cesse. Si vous
n’êtes pas prêt, c’est que vous avez oublié le but. Aussi curieux
que cela puisse vous paraître, vous lâchez immédiatement ce que
vous avez dans les mains pour vous porter à votre nouvelle tâche,
sans la moindre hésitation volontaire, sans le plus petit
commentaire intérieur ni la plus infime estimation de justice.
Car lorsque vous rencontrez un maître, il n’y a pas d’intervalle
entre la Science et lui, entre lui et vous, entre vous et ce que vous
allez faire. Vous servez directement la Science, car le maître sait
ce qui est bon que vous fassiez, lui-même le tenant de la Science.
Vous ne servez jamais le maître, puisqu’il sert la Science, même
si vous pensez le surprendre dans une attitude apparemment
personnelle. Il arrive que le maître soit tellement près de la
Science qu’il ne fasse plus qu’un avec Elle et, dans ces moments,

244
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 245

l’ego est tenté de croire que l’instructeur vous demande de le


servir. Celui qui se donne à une quête est cette quête même ; il
parle en son nom, ses mots sont ceux de la quête.
Vous éprouvez des difficultés, n’est-ce-pas ? Qu’importent-elles ,
puisqu’il s’agit de l’Art, du plus grand des prodiges ? Ne redoutez
pas : affairez-vous. Les rationnalistes s’imaginent que ceux qui
obéissent le font par crainte, par mollesse et par incapacité. Ils
pensent que si l’on soustrait à quelqu’un l’horrible pouvoir de
l’ego, il n’existe plus, « il n’a plus de personnalité », disent-ils avec
ce léger sourire moqueur qui les caractérise. Je vous laisse le soin
de les contempler dans leur prison qu’est leur volonté propre. Ils
vous diront la même chose des années après, mais eux seront en
proie à d’innombrables problèmes, affaiblis par les vices et leurs
habitudes personnelles, alors que vous serez libre.
A l’opposé, vous agirez sans retard, sans tiédeur, déterminé, en
écartant encore les tendances du moi. N’acceptez pas divers
degrés de l’obéissance. Vous pourrez en effet très bien agréer tel
ou tel acte mais le réfuter au fond de votre grommellement. Vous
vous dites «je veux bien le faire, parce qu’il est le maître, mais il y
avait cela à exécuter de mieux ». Vous aurez ainsi pratiqué dans
vos gestes l’obéissance, mais pas dans votre intellect : elle ne sera
donc pas opérante, elle sera inutile, et vous passerez des années
auprès d’un maître en restant idiot. Pour que ses effets soient
complètement métabolisés, l’observance doit être vécue dans les
trois principaux étages de votre individu. Non seulement vous
devez agir dans les gestes, mais affectionner l’ordre parce qu’il
vous place en communion et, de plus, l’accueillir dans votre
intellect comme un grand bienfait. Seules ces trois conditions
représentent l’obéissance parfaite et entière, agissante et
donnant des fruits. En ne le faisant pas, vous rapinez. Votre
rapine consiste essentiellement à vous dire « mon maître n’est
pas infaillible » et, sous le joug de cette méfiance dont l’ego se sert
de prétexte pour vous éloigner, vous voici en train de surveiller la
faillibilité ou l’infaillibilité de votre instructeur, tout en exécutant
ce qu’il vous demande ! C’est ainsi qu’extérieurement il semble
que vous vous dirigiez vers le parfait accomplissement alors
qu’intérieurement vous n’êtes qu’un ver de terre fielleux qui
trépigne en exigeant le plus savant des guides.

245
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 246

Et puis, comme personne d’autre que vous - pensez-vous - ne voit


votre trahison, vous vous octroyez le droit de continuer le
bavardage intérieur. Vous vous dites encore « même le plus grand
des hommes n’est pas infaillible, alors, pourquoi devrais-je croire
que la première autorité venue l’est toujours, partout et en toutes
circonstances ! » Petit à petit, l’insidieuse pensée germe «je ne
puis aller jusque là », puis c’est le début de la désobéissance dans
les gestes : vous redescendez, vous retombez vers le bas, alors que
par votre analyse vous pensiez monter vers le haut. Ce qui arrive
à ces faux est simple : l’intellect triomphant sur la volonté les
propulse, de degré en degré, à ne pratiquer que la leur. Ils
redeviennent ce qu’ils étaient. Non seulement vous le redevenez,
mais vous l’êtes plus encore parce que, non content de ne pas
vous être débarrassé de votre volonté propre, vous avez en sus
l’illusion d’avoir pratiqué une ascèse qui vous conforte dans la
dite volonté, la gonflant plus encore d’enflure et d’orgueil, lui
fournissant un alibi idéal.
Vous réglez cette question, et la voici qui ressort par un autre
trou de l’ego. Vous comprenez que les décisions du maître sont les
meilleures pour vous ou qu’il ne peut pas se tromper à partir du
moment où il agit en Alchimie, mais vous en venez à contester
secrètement le sens des ordres. « La solution prescrite est-elle la
meilleure ? » Vous vous mettez à évaluer, comme si une solution
devait être absolue, oubliant qu’il n’y a qu’un seul absolu : Dieu.
Vous voici devenu absurde de l’exiger d’une créature. Vous êtes
alors tellement obstrué par votre thèse que vous ne vous rappelez
même plus que l’Alchimie concerne justement la bonification des
matières et des êtres. Rien en somme n’est absolument parfait sur
cette terre, et c’est précisément pourquoi il existe l’Alchimie. En
agissant de la sorte, vous ignorez la raison d’être même de la
Science. Cette situation s’étend à tout. Les meilleurs ordres ne
vous suffisent pas, ni les plus parfaits ustensiles, ni les plus
beaux livres, rien n’est assez beau ! Misérables petits bourgeois !
Sans doute, votre maître n’est pas infaillible. Sans doute, les
ustensiles qu’il vous autorise de choisir ne sont pas les meilleurs
selon vous. Sans doute ne recevrez-vous l’autorisation d’acheter
que quelques livres dans un tirage moyen. Et pourtant, votre
maître est missionné, il bénéficie d’une grâce alchimique, il est
renseigné. Et pourtant, vos ustensiles sont encore plus efficaces

246
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 247

que ceux de Raymond Lulle qui ne possédait ni canne


pyrométrique ni réfractaire haute densité. Et pourtant, même
nantis de cinq ouvrages, vous en aurez bien plus que nos frères
dans le passé, qui patientaient des années avant d’en acquérir un
seul.
Voyez, mes fils, combien vous êtes déjà gâtés. Mesurez votre
immense chance et, au lieu de chipoter les détails, agenouillez-
vous et dites merci. Si vous êtes capables de ce mouvement
intérieur, qui doit se voir par les actes, vous saurez obéir comme
il est demandé, de bon cœur, avec le sourire et, en plus, avec le
regret de ne pas avoir offert davantage. Certains me qualifieront
de fou en ces termes, mais ils ne comprennent pas que la Dame
n’agrée pas d’offrande matérielle. Elle veut celle du bon cœur, car
c’est là qu’Elle plonge son regard. C’est ainsi que celui qui obéit à
la surface de ses gestes seulement et en ronchonnant dans le
cœur, ne peut rien espérer, puisqu’il n’offre aucune place à la
Dame, prenant tout l’espace avec son ronchonnement. Il en est de
même pour ceux qui analysent. Tous ces comportements sont
ceux des gens qui jouent la comédie de l’ascèse alors qu’ils ne font
rien et qu’ils ne valent pas autre chose que le poids de leur
superbe.

Au Monastère de la Transfiguration, l’obéissance empressée et vivre en Dieu.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 248

Cela explique pourquoi celui qui a hâte de trouver la Dame


recherche des occasions d’obéir plutôt que d’ingénieux procédés
pour s’y soustraire. Courtoisie et serviabilité font place à
l’inattention et à l’indolence. Nombreux sont les indolents qui
vivent repliés sur eux-mêmes, qui ne parlent pas, qui ne bougent
pas et qui semblent végéter dans une coquille en spirale.
L’origine de leur névrose est la non-obéissance, le plus souvent
justifiée par ce que provoquerait la restriction de gourmandises.
Ces personnes sont en général des gourmands boulimiques qui se
sont écartés du mouvement évolutif pour se replier sur eux
comme des escargots. Bien entendu, le seul procédé pour les
éveiller est de les déloger avec le bâton, de les faire courir pour
qu’ils sortent de leur hibernation. Le jeûne sera évidemment
l’obédience demandée.
L’obéissance prend donc les voies de la mortification du moi. S’y
trouve cette souffrance consciente dont nous parlions,
accompagnée du renoncement immédiat au discernement
apparent de l’ego pour gagner le véritable discernement par
décentralisation. Mais, au moment même où vous courberez la
nuque pour vous confier à un autre, il vous faudra examiner,
scruter et tester votre instructeur. S’il vous révèle la validité de
sa filiation, s’il vous prouve par les actes qu’il est arrivé là où
vous voulez cheminer, alors vous ne devez plus rien juger et ne
plus revenir sur votre décision. Vous formerez enfin un bloc
solide qui sera capable d’avancer vraiment. A l’aide de la
pratique, vous avez l’arme. La prière et l’adoration vous
donneront les remparts contre lesquels tout ce qui est indu se
brise. Les larmes de l’affliction sont un véritable bain qui lave
votre âme et la purifie hautement de votre foi, équilibrant votre
zèle à vos possibilités, vous renseignant directement sur votre
infidélité. Vous prononcez vous-même votre sentence, comme
nous l’avons détaillé ci-devant.
Les devoirs de votre maître sont tout aussi nombreux que les
vôtres. Premièrement, il ne doit pas refuser cette fonction. La
direction spirituelle est en effet la charge d’enseigner. Elle règle
son usage selon les situations humaines dans lesquelles se trouve
le disciple. Et, comme ce dernier se place le plus souvent dans des
états contradictoires, il est évident que le maître adopte tout
aussi fréquemment des attitudes diverses, qu’il prendra en

248
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 249

démontrant douceur et rigueur, indulgence et exigence,


perspicacité impitoyable et pitoyable cécité volontaire.
Le grade d’instructeur, en aucun cas, n’est donné selon la
fantaisie d’un artiste. Il attend que les maîtres lui ordonnent d’y
répondre, à la place d’écouter sa conscience. Aussi, la seule chose
que mon humeur peut vous demander est de pardonner mon
ignorance, je suis un homme sans instruction. Si je me suis
permis de vous prendre à parti, c’est par ordre et non par nature,
car tout en vous le disant, je me reprenais moi-même. Je ne me
suis pas cru arrivé au degré voulu pour guider les autres, on me
l’a demandé et j’en ai longtemps été troublé. C’est pourquoi je ne
me suis pas montré dans le monde outre ce qu’il fallait pour vous,
craignant les tentations contre l’humilité. Bien souvent je fuyais
lorsque je vous voyais, pourtant désireux de vous rencontrer
parce que je vous aime. De même, j’ai dû être dur avec vous
quelques fois par nécessité, parce que votre ego était dur lui aussi
; cela était la seule action possible et juste. Mais j’avais le cœur
contrit pour vous, quand bien même vous me voyiez extrêmement
sévère et inflexible. Durant ces moments difficiles, je priais
intérieurement très fort, malgré ce masque de combattant, afin
que vous retrouviez très vite votre bonne volonté.
Moi, je ne suis pas Adepte, mais j’ai vu un Adepte. Bien que je
puisse réussir la plupart des opérations chymiques aisément,
bien que je sois capable de générer la lune et quelquefois le soleil
dans les moules, malgré toutes ces années passées à recevoir
patiemment les leçons de redressement et de bonne science, je
n’ai pas les moyens de porter ma vie en exemple pour vous et ce
que je tiens je l’ai reçu de mes Pères. C’est eux qu’il vous faut
pressentir en mes termes. Ainsi, malgré le fait que bon nombre
envierait mes secrets et mes tours de main, je vous dis que je ne
suis pas Adepte. D’ailleurs, quelle importance, n’est-ce pas ? Le
seul moyen que j’avais pour accepter la charge périlleuse dont il
est question ici était tout simplement le fait de ne plus pouvoir la
refuser. A de nombreuses occasions, je me suis enfui lorsqu’on
venait me solliciter, jusqu’au jour où à la fois mon maître et les
disciples décidèrent pour moi. Grand bien que de servir, mais je
ne le resterai pas : d’autres tâches m’attendent, bien plus
humbles, car je n’ai consenti que pour vous venir en aide à vous,
qui peinerez au creuset, après quoi je dois disparaître

249
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 250

définitivement. Je ne veux pas de culte Solazaref comme je vous


interdis celui de Fulcanelli et de Canseliet. La raison d’état, c’est
l’Alchimie. Si je vous disais que les Adeptes n’existent pas, que le
terme a été inventé pour rassurer les chercheurs débutants, vous
ne me croiriez pas. Bien sûr, la Pierre des Philosophes est un
accomplissement, mais je vous prie de prendre note qu’il n’est pas
l’ultime.
Celui qui vous enseigne doit indubitablement être dans la lignée
qui porte la transmission initiatique. Cependant, il arrive que
l’histoire démontre d’autres commencements sans lien intime et
institutionnel avec ce qui précède, mais cela est très rare. Tout
au plus assistons-nous à une légère déviation d’apparence et non
de principe. Aussi avez-vous compris que notre filiation n’est pas
celle de Fulcanelli, puisqu’elle a sa souche dans l’Art bref.
Pourtant elle a, pour des événements importants, côtoyé celle de
la voie sèche. La motivation de cette légère incartade tient à des
fautes commises par quelques-uns qui étaient sur le point de
réussir. Bien évidemment, vous aurez immédiatement saisi qu’il
ne s’agit pas ici de Monsieur Canseliet, qui fut le plus fidèle
disciple de son maître et qui a transmis sans la moindre faille son
savoir. Lui-même a longuement combattu, sans que personne ne
le sache, pour que les faux n’étalent pas leur coulpe dans le
monde, mais cela n’a pas été intégralement évité.
Monsieur Canseliet a été trompé, abusé et exploité par deux ou
trois renards particulièrement venimeux. Trompé par les uns qui
imploraient ses connaissances jusqu’au jour où ils acquirent un
renom et où ils se mirent à le traiter sournoisement de tout,
noms bien connus de vous. Abusé par une vipère également très
populaire et qui n’hésite pas à vous écraser la tête pour arriver à
ses fins, il fut volé plusieurs fois sans vergogne. Mais les fielleux
ne sont pas les plus jeunes, ceux qui ont fait scandale voici
quelques temps pour des histoires au fond sans importance, juste
quelques bonnes corrections bien placées sur les rondeurs de ces
petits bourgeois. Les traîtres sont les plus habiles, ceux que vous
détecterez le moins facilement et qui gagnent aisément votre
confiance. Vous les reconnaîtrez un jour, car j’ai placé en ces
lignes des rythmes et des intonations spéciales qui déclencheront
en vous les énergies nécessaires au bon moment, pour les
sincères, évidemment.

250
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 251

Quant à notre filiation, aucune mention n’en fut révélée parce


que l’Art bref ne devait pas encore être connu. Il ne le devait pas
pour des raisons d’accomplissement social, le maximum
d’impureté n’étant pas encore atteint, le cycle n’étant pas encore
achevé. Mais, en raison de ce que nous avons dit précédemment
au sujet des méchants qui ont fait souffrir le dernier dignitaire de
la filiation sèche, nous avons du avancer par ordre notre
intervention, car nous n’aurions pas eu à écrire ce livre. Le
troisième ouvrage de Fulcanelli avait la charge de combler le trou
et de parachever la fin du cycle, puisqu’il concernait la finitude
de ce monde. Devaient s’y trouver quelques conseils d’ordre
spirituel, inexorablement, afin de vous préparer au carnage
mondial, économique et moral qui se déroulera très
prochainement. Ce livre tenait en deux parties dont l’une était
déjà en possession de Monsieur Canseliet, et dont l’autre devait
lui être remise par Maître Fulcanelli en temps voulu.
Malheureusement cela n’a pas pu s’effectuer, d’où l’agitation des
loups en tous sens.
Mon devoir d’instructeur est de vous mettre en garde, tout en
vous communiquant ce qui n’a pas été transmis à cause des sans-
cœur. Aussi dois-je vous prévenir que la première partie de cet
ouvrage risque de paraître, qu’elle sera licite parce que recopiée
dans le dû, mais qu’elle sera incomplète : son auteur, trop jeune
du point de vue spirituel, aura sauvé une face tout en étant
impuissant quant à vous déléguer tout ce dont il est question
dans le présent traité et qui constitue votre préparation de
guerrier. Vous devez connaître de quoi il retourne, vous devez
être prêt, comprendre comment tout arrive et, pour cela,
comment tout arrive en vous-même. Maintenant, vous savez des
choses très graves ; vous voici convenablement armé pour votre
survie. Soyez-en digne.
Voici pourquoi un Père doit savoir prier efficacement pour ses
fils, rien que pour eux, ce qui revient à pratiquer les vertus
requises pour que votre influence vous profite à vous-même. Vous
devez savoir cela aussi, vous devez apprendre à reconnaître les
vertus d’un maître pour, les jours de grande dispute, chasser à
votre tour les commerçants du temple avec la même verve que le
Christ Q, entendez bien. En outre, l’instructeur porte une part de

251
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 252

votre poids le temps nécessaire, jusqu’à ce que vous puissiez vous


en saisir seul.
Vos devoirs, à vous disciples, sont ceux d’un être qui aspire à la
lumière. Par votre propre initiative, vous devez vous placer le
plus rapidement qu’il se peut dans une lignée sûre, sous le
patronage d’un Père. Et, puisqu’il ne se rencontre pas facilement,
il vous faut le chercher, car les maîtres sont rares. Outre tout ce
que nous avons dit à ce sujet dans le précédent Uber dem
Meischer, ajoutons que votre requête doit d’abord être teintée
d’un brin de prudence. Attention aux pseudo-gourous qui le sont
devenus à renfort de publicité mondaine ou qui l’ont décrété sur
leur seul désir. Vous savez, la science du fard est une de celles
qui a été portée le plus anciennement à sa perfection.
Contrairement à ce que vous pouvez penser communément, un
instructeur ne peut avoir le teint jovial, les cuisses roses et l’œil
brillant. Vous observerez en lui les signes quelconques qui
témoignent de son travail dans l’ascèse : soit de la fatigue, soit les
traits tirés par les veilles, ou le dos légèrement courbé par le
labeur, le teint jaune par le jeûne, l’haleine peu agréable, les
mains ridées ou autre chose de cette veine. Sortez de votre esprit
l’image d’un maître riche, affublé de soie et de dentelles dorées à
l’or philosophique, le visage reluisant de quiétude et d’auto-
satisfaction. Ce cadeau n’est réservé qu’à ceux qui ont été bien
plus loin que l’accomplissement de la Pierre des Philosophes,
présent immense de Dieu, paradis avant le paradis mais qui se
vit dans l’ombre pour ne pas offrir une illicite image aux jeunes
débutants qui, tarés de leur ego, s’imagineraient n’importe quoi.
Ici encore, nous en avons connu quelques-uns qui croient ferme
qu’un Adepte est cette sorte d’athlète américano-séduisant,
parfaitement équilibré, représentant l’archétype de l’évolution
humaine. Curieuse attitude se rapprochant de l’obsession greco-
romaine ou aryenne, le corps de super-man enveloppant le
cerveau d’Hermès. Ceux qui affectionnent ces images sont tout
simplement les hommes animiques mentionnés plus haut.
La lutte contre l’ego laisse des traces, vous le verrez vous-même :
cela signifie qu’un maître porte sur lui le masque de ses luttes, et
non celui de la séduction. Sa rencontre est fatalement peu
agréable, peu esthétique et souvent ombrageuse. De plus, il vous
met immédiatement à l’épreuve, vous offrant toutes les

252
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 253

tentations de le juger, mais vous amenant en fait à vérifier si le


lien qui vous a conduit à lui est suffisamment solide pour la suite
du voyage.
De même, les cheveux blancs ne sont pas obligatoires. Il ne suffit
pas d’avoir la toison grisonnante pour faire valoir le prestige des
années. Une personne âgée peut très bien être couverte
d’inexpérience ou d’expérience frauduleuse. La question est très
délicate : comment, vous qui êtes novice en l’Art, auriez-vous
assez de discernement pour choisir plutôt tel instructeur que
l’autre ? La réponse est très simple, mais elle exige la sincérité,
ce qui sépare les infidèles des purs. Si vous demandez très
loyalement l’aide d’un maître, la Providence vous placera sur la
voie où il vous attend. En d’autres termes, comme me le
soulignait père P. Deseil « en priant l’état de disciple dans ton
cœur, tu es spirituel toi-même et tu reconnaîtras nécessairement
un autre être spirituel ». Plus tard, il m’expliquait qu’à l’inverse,
si vous êtes envieux en fouinant fébrilement un autre loup du
genre que vous choisiriez comme gourou du moment, juste le
temps de lui pratiquer la ponction réclamée pour étancher votre
convoitise, vous ne trouverez qu’un être à votre image, passé
maître en la matière d’arnaque. L’un est le brigand, l’autre le
pasteur : tout dépend où se place votre intérêt pour la Science.
Evidemment, vous aurez compris qu’il n’est pas question
d’entreprendre cette recherche avec votre volonté propre,
puisqu’il s’agit de vous en débarrasser et que, si vous vous
entêtez dans cette option, vous ne trouverez que le brigand. C’est
la raison pour laquelle tous ceux qui briguent selon leur ego une
évolution qu’ils qualifient de spirituelle, ne tombent que sur les
meutes de créanciers qui ont monté toutes les sectes modernes. A
leurs envies répondent leurs orgasmes, dont les spasmes
aboutissent toujours dans le porte-monnaie. Au contraire, foi et
soumission, car prise de conscience de votre nullité, vous
guideront vers les chemins de la lumière.
Si la paternité spirituelle n’est pas un vain mot, vous serez fidèle
à votre maître. Jamais vous ne le mépriserez, même si vous le
surprenez en état de faiblesse. N’oubliez pas tout ce que vous lui
devez déjà ; on a confiance ou on ne l’a pas. Courir d’un
instructeur à un autre ne fait que perpétuer le mouvement de
tentation et, au lieu de vous conforter dans ces sauts de mouche,

253
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 254

il est convenant de garder à l’esprit que Dieu place dans la


bouche de votre Père les paroles qui correspondent à ce que vous
avez dans le cœur, soit pour vous éprouver, soit pour mettre de
l’ordre en vous.
Votre obéissance au maître doit se caractériser par son
absolutisme, qui ne veut pas dire despotisme ou fanatisme. Il y a
loin entre une obéissance inconditionnelle et un autoritarisme
fasciste, bien que dans certaines circonstances d’ego du disciple,
l’instructeur soit autorisé à élire ce type de comportement pour
traiter ce point. En effet, l’observance totale lie deux êtres dont le
guide vit en exemple, alors que l’autoritarisme exagéré anime les
législateurs de la mode ésotérique. Autrement, lorsqu’on est en
présence de personnes adéquates, en règle générale le conseil
reçu par un guide concerne l’être du disciple, alors que le
commandement, qui impose un joug irrécusable, dirige
évidemment son ego. Vous n’encourrez aucun danger, car le Père
est aussi complètement responsable de votre âme devant Dieu
que vous lui obéissez avec fidélité. L’absolutisme de l’observance
peut revêtir de bien curieuses tournures, voire surprenantes. On
peut vous demander des choses renversantes pour vous entraîner
à l’obéissance sans restriction, ordres qui ont bien entendu un
rapport unique avec les réticences de votre moi, loin de toute
emprise de votre être. Cela me rappelle deux anecdotes, l’une du
temps où j’étais novice bénédictin et l’autre à l’époque où j’eus le
privilège d’exercer les danses derviches.
C’était quelques jours avant de prononcer mes « petits vœux »,
c’est-à-dire ceux qui clôturent les mois de présence et qui
engagent même vers les vœux définitifs, au bout de trois années.
(La Dame m’a recueilli en son heure, ce qui fait que je n’ai jamais
prononcé mes vœux définitifs bénédictins, les ayant chantés pour
la chevalerie). Un matin d’automne donc, le père maître
m’informa qu’un évêque, originaire du Gabon, rendait visite au
Monastère. Le pauvre homme était atteint d’un cancer
généralisé, ses jours étaient comptés. Les frères s’affairaient pour
bien recevoir cet hôte de marque, qui était en outre très connu
pour son évangélisation.
Balais, serpillières, chiffons, service impeccable, tout fut mis en
place et, l’heure dite, nous reçûmes effectivement cet homme de
grande bonté. C’était la première fois que je voyais un être qui

254
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 255

avait réellement sacrifié sa souffrance. Il ne la portait ni sur son


visage, ni dans sa démarche, il l’avait transfigurée : chacun de
ses mouvements rayonnait de présence. Les salutations
traditionnelles passées, l’office de la sainte messe achevé, nous
nous orientâmes vers le réfectoire pour déjeuner. Tout était prêt,
même le pichet d’eau qui servait à laver les mains aux invités,
coutume de notre congrégation.
Une fois tous en place autour des immenses tables, j’entendis le
saint homme demander à notre Abbé, s’il y avait là un frère
particulièrement obéissant. Le père répondit « tous le sont de
même ». Mais il insista et le sort me désigna, par le fait que
j’étais celui qui tombait sous la main de l’Abbé.
Je le saluai, lui embrassai la main droite et, à peine relevé, il me
dit : « donnez-moi vos mains, frère ». Lorsque je le vis prendre le
pichet d’eau pour me laver, moi - alors que c’était tout le
contraire -, lorsque je compris qu’il formulait malgré toute sa
souffrance encore plus d’humilité, je me mis à trembler comme
une feuille et, de me retourner vers l’Abbé, confus de honte ! Il
4n’ordonna d’obéir net. Ce qui fut fait.
Incontestablement, ce geste saint reste un des plus beaux
mouvements humains parmi ceux qui sont gravés à jamais dans
ma mémoire.
L’autre anecdote est non moins cuisante pour celui qui l’a vécue.
En effet, après être passé par une période particulièrement
dramatique de mon existence, celle où des amis m’ont trahi,
j’errais ça et là de par la France, complètement désabusé, écœuré
et perdu. Je ne voyais vraiment pas la moindre lueur d’espoir
poindre à l’horizon de ma vie, si bien que j’en étais même arrivé à
faire n’importe quoi.
Je ne sais quel jour de l’hiver qui sévissait naturellement
partout, mon regard tomba sur une vieille affiche déchirée qui
avait résisté aux intempéries. Quelle date pouvait-elle avoir ?
Comme il en manquait la moitié, je pus noter une adresse
incomplète, qui me renseignait sur les danses sacrées derviches.
Après quelques recherches, le décryptage fut global : une famille
de danseurs était venue voici huit mois, une seule fois, afin de
nous présenter leur tradition.

255
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 256

Passant nonchalamment et souvent devant l’affiche qui se


dégradait de jour en jour, je m’arrêtais devant, comme pour me
réchauffer d’un vilain courant d’air qui me fouettait le visage,
une dizaine de mètres avant. Soudain, un petit homme très âgé
m’interpelle doucement, le timbre de sa voix était très enroué et
je ne vis que le blanc de ses yeux. Me saisissant fermement le
bras : « voici quelques jours que je suis par là et que je te vois
devant cette affiche. Sais-tu que pour danser de la sorte il faut
aimer Dieu par dessus tout ? Réallume ton cœur, ami ! » ... Puis il
partit furtivement, tourbillonna sur lui-même cinq ou six fois
majestueusement et disparut.
Evidemment, chaque fois que je repassais devant cette affiche,
j’entendis le petit homme, d’autant que je m’étais informé sur le
soufisme et que mon esprit commençait à être sérieusement
intrigué. Au bout de deux jours, il réapparut tout aussi
spontanément : « tu es encore là, ami. Nous, par malheur, nous
ne pouvons plus rentrer au pays, car la guerre y fait rage. » Je le
coupai : « je veux danser . »
- Si tu veux vraiment danser, fabrique-toi la robe, mais gagne le
tissu en mendiant. - Comment ? En mendiant ? A notre époque ?
- Oui, ami. En mendiant, à notre époque.
Me prenant par l’épaule, il ajouta d’un ton ferme
-Va... Allez, va...
Bien entendu, je n’entrerai pas dans le détail de ce qui a pu se
dérouler pendant que je quêtais. Des gens me reconnaissaient ...
j’avais honte et j’étais très gêné. Plus tard, bien après, je compris
pourquoi Pir V. m’avait obligé de cette manière. Il me fallait
complètement couper le cordon ombilical avec le monde, pour
percevoir l’autre versant, mille fois plus merveilleux.

Souvenez-vous, cependant, que nous sommes en Occident. Il


semble naïf de le rappeler. Bien qu’il soit intéressant de comparer
les tournures que peuvent prendre les différents maîtres
spirituels dans le monde, selon leur appartenance religieuse, il
est pour vous plus important de laisser cela aux intellectuels et
de vous souvenir que vous êtes en Occident.

256
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 257

Nous étendrons cette mise en garde dans notre troisième partie,


parce qu’elle révèle un grand danger pour tout aspirant : menace
de cette orientalisation des préceptes traditionnels, comme si cela
était une découverte et comme si la Tradition s’était perdue.
Elle ne s’est pas perdue, ce sont les prétendants qui en sont
éloignés par leur faute. La mode orientaliste n’échappe pas au
phénomène. « La tradition occidentale n’est pas morte », comme
le clament quelques imbéciles qui choisissent une vie pseudo-
orientalisante pour, en réalité, se démarquer et faire ressortir
par ce biais ce qu’ils n’ont pas pu vivre de l’autre. Encore des
histoires d’ego, rien d’authentique.
Ici, vous êtes en Europe. Cela veut dire - et mettez-vous bien cela
dans la tête - que l’on ne peut isoler de l’ensemble de la voie
mystique le modèle chrétien, dont l’archétype est évidemment le
Christ (Saint soit-Il). C’est Lui qui constitue ici bas la voie
ultime, le seul Maître spirituel par excellence.
Qu’est-ce à dire ? Très simplement que votre vie intérieure, qui
relève de l’Alchimie chrétienne, s’inscrit tout naturellement dans
le schéma que trace la vie de son Modèle : incarnation, vie cachée
et vie publique, mort sur la croix et en dernier lieu résurrection.
L’accent de vos efforts sera sur telle ou telle de ces modalités,
selon vos étapes et selon votre accomplissement.

Votre enfant a besoin de vous : lâchez ce que vous faites, occupez-vous de lui,
et vous pratiquerez l’obéissance.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 258

Cela veut dire encore que, contrairement à ces lubies qui


consistent à analyser l’aspect chrétien allié à l’Alchimie, le
précédent ordre vous est commandé dynamiquement,
concrètement : c’est la liaison intime Christ-disciple qui, par
l’entremise de la relation Père-Fils, sera gage de perfectibilité
infinie, et seulement celle-ci.
Il est donc normal que ce seul chemin se parcoure de proche en
proche, de prochain en prochain, et que son fondement soit
indubitablement celui de l’amour - non celui de l’analyse. Voici
qui vous place dans une situation d’apport, à l’opposé d’une
incessante demande. Sur tous les plans cette notion se déploie, et
notamment sur celui de la sainte assemblée des Frères, ainsi que
socialement sur celui de l’église.
La brûlure, éprouvée lors de la douloureuse joie, est une des
constantes mystiques. Votre maître n’est ni un prêtre ni un
analyste. Vous, prétendant à l’Alchimie - tradition qui unit la
Science et la Foi -, vous devez être instruit en Science, mais aussi
en Foi.

Et après le maître ?
Votre destin de chymiste, agréé par la Providence, vient tôt ou
tard éclairer votre être, et ce d’une manière souvent fort
inattendue. Si en aucun cas la décision de « quitter le maître » ne
doit germer en vous - car elle serait alors le plus souvent teintée
de suffisance -, ce dernier, justement par le fait qu’il vous a guidé
durant toute votre ascension, vous fera comprendre d’une
manière ou d’une autre que vous êtes autonome. Bien
évidemment, il ne lui viendrait certainement pas à l’esprit de
vous garder en réserve auprès de lui plus qu’il n’est nécessaire,
parce qu’il est profondément filial : c’est pour vous, pour la
Science, que la transmission s’effectue, non pour la propre
satisfaction d’un pseudo-gourou emplumé. Et s’il vous a mené
jusque là, il accomplira avec vous cette scission douce.
Chassez de votre esprit, pour avoir été illicitement formé de la
sorte, que « l’initié tue l’initiateur ». Ces mots ne se prononcent

258
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 259

seulement qu’à un stade certain d’intégration cosmique. Dans


votre bouche, actuellement, ils seraient marqués de toutes vos
interprétations, et notamment de l’une d’elles qui consisterait à
clamer cette phrase vous-même.
Les rapporteurs de cette sentence, quand bien même leur nom
est connu, ont péché par excès en révélant ces termes sacrés. De
par le fait, ils ont dénaturé l’ordre initiatique en le rendant
interprétable. Leur faute est grande et il est nécessaire de prier
pour leur salut.
« L’initié tue l’initiateur » est seulement énoncé au grand jour de
votre accomplissement, en secret, par le maître et par lui seul.
C’est plus un fait doctrinal qu’un rituel. Aussi que je n’entende
jamais cette sentence en votre bouche ! Nous ne sommes pas ici
dans un cérémonial de magie.
Quant aux actes qui vous sont permis en l’exercice de votre
formation, ils doivent toujours recevoir l’agrément de votre
instructeur. Si par malheur vous êtes séparé de lui et que les
événements du monde vous imposent une attitude ferme, ne vous
placez jamais en avant, citez votre maître ou ses Pères. Dans le
cas où vous seriez au grade du second œuvre, vous pouvez parler
en votre nom, fermement, mais en relatant toujours votre Père et
la filiation à laquelle vous appartenez.
A l’encontre, n’écoutez jamais ceux qui s’emparent de la parole
d’un maître sans être effectivement, au laboratoire, les élèves.
Vous rencontrerez bientôt ce type d’épreuve sur votre route. Bien
des illuminés vous diront « Monsieur Canseliet a dit que ..., donc
Monsieur Solazaref (par exemple) ne ... » Tous ces sots oublient
tout. Ils ignorent d’abord qui nous sommes et s’imaginent nous
connaître parce que nous avons eu du mal à trouver une heure
pour leur parler en tête à tête, tant ils étaient affairés à leur
bourse. Ils identifient toute l’Alchimie à Monsieur Canseliet, qui
est effectivement l’Alchimie, mais pas selon leurs interprétations
poseuses. Ils croient que l’Alchimie leur appartient parce qu’ils
côtoyèrent le maître de Savignies durant les années de leur
enfance et que le brave homme leur chatouillait la joue. Ils
affirment que leur maison est le seul lieu patenté où la
littérature alchimique est filiale, parce que Monsieur Canseliet
paraphait généreusement et dûment leurs ouvrages en ce lieu. Et

259
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 260

tant d’autres illusions qui entrent dans le cadre d’une somme de


considérations déplacées en ce qu’ils n’ont jamais exercé quoi que
ce soit de sérieux. Il faut crever cet abcès d’une manière ou d’une
autre. Il est nécessaire de restituer vraiment la science aux
labourants à qui Elle appartient.
Bien entendu, à l’appui de leurs ponctions citatrices, ils
trouveront tout ce qui est nécessaire pour discréditer notre union.
Mais ils ne pensent pas - parce qu’ils ne le peuvent pas - que
d’une part ils ne comprennent pas les emprunts dont ils font
usage faute de pratique, et que d’autre part il est absolument
certain que Monsieur Canseliet n’aurait pas proféré les termes
rapportés à notre encontre cela est impossible par la Remore,
dont nous avons reçu la grâce, et par bien d’autres événements.
Aussi, je vous engage dorénavant à ne plus laisser aux illicites la
permission, en votre présence, de souiller par de faciles phrases
médisantes notre travail : aidez à la réinstauration du véritable
blason alchimique, en commençant par faire taire les
collaborateurs. Moi, je vous dis qu’ils ne sont patentés que par
eux-mêmes en l’absence de tout exercice au feu. Vous constaterez
par vous-même plus tard.
Ils affirmeront sans vergogne qu’ils ont travaillé au creuset. Moi,
je vous redis que cela est faux. Le peu de gens qui gravita autour
du maître de Savignies et qui exerce aujourd’hui au fourneau se
compte sur les doigts d’une main. D’autre part, l’avancement
embryonnaire de leurs travaux ne les autorise ni à publier quoi
que ce soit, ni à se déclarer disciple, quand bien même ils
exerceraient depuis des années : ils répètent les mêmes
opérations sans avancer faute d’ego, vis-à-vis duquel ils ne
veulent faire preuve d’aucun effort.
En ce qui concerne ces malotrus, sachez que quelques-uns d’entre
vous ont reçu des appels téléphoniques desdits, leur demandant
des renseignements sur ce qui se passe chez nous, alors qu’ils
avaient toutes les coordonnées pour nous joindre. Manifestement,
ce genre d’action, tout comme celle qui consiste à manager des
émissions de jazz à la radio au beau milieu des mois printaniers,
témoigne de leurs attachements.

260
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 261

Pardonnez-moi de vous avoir dérangé avec ces futilités, mais il


est nécessaire que ces manigances soient dévoilées comme il
convient. La fin du pouvoir des castes faisant place à la
restitution de celui de la Science est toujours une bonne œuvre.
Maintenant, l’information circule vraiment. Précisons que notre
intention n’est que celle d’une mise en garde, et que nous n’avons
pas la charge d’entrer dans une polémique moderne. C’est
pourquoi, dans le futur, nous ne répondrons pas à leurs
invectives. estimant que les présents renseignements suffisent à
éveiller votre discernement.
Nous avons été amusés par ceux qui osèrent parler d’« aspects de
l’initiation alchimique » sans même appartenir à la moindre
filiation. Vous voyez bien qu’un sérieux responsable n’aurait pu
tolérer la publication d’une telle ineptie. Soit, la question revient
à traduire essentiellement les conséquences des attitudes
consistant à scléroser l’apparat. Nous assistons ici en effet au
résultat insensé du refus devant l’évidence : on forme une osmose
se cristallisant autour d’un maître sans même avoir exercé le
plus petit de ce qu’il enseignait.
Les deux faces de ce comportement sont tout aussi dangereuses
l’une que l’autre. Vous savez ce qu’il est convenant de penser de
l’une. L’autre touche le phénomène exotérique de la transmission.
Pour eux, il n’existe pas « d’après le maître ». La Science s’arrête
avec la disparition du maître, tout simplement parce qu’ils ne
faisaient auparavant que considérer ce dernier, et rien d’autre.
Ils subissent les conséquences de leurs options réelles et cachées,
bien qu’ils tentent de justifier par d’innombrables prétextes leur
faute.
Comme ils ont peur de ce qu’ils ont concocté sans cesse, ils
affirmeront - entre autres - que nous voulons effacer l’illustre
mémoire de Monsieur Canseliet pour imposer la nôtre, nous qui
l’avons porté en terre ! Vous, mes fils, vous savez de quoi il
retourne réellement. Et si l’on dit que « c’est par nous que le
scandale est arrivé », vous voudrez bien revoir dans le détail ce
que les usurpateurs ont amassé durant toutes ces années passées
à tromper, ou à se tromper (...), sur un des êtres les plus
extraordinaires que le monde moderne ait méconnu. Car bien
sûr, il est facile de provoquer une situation, de se voir répondre
efficacement par les justes, et de réagir en bavant hypocritement

261
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 262

que les justes sont à l’origine du trouble : comportement très


fréquemment employé par toutes sortes de méchants qui
fourmillent dans l’immense éventail des diverses classes
d’infâmes. Que cela soit un Brassens, chantant soi-disant la
beauté virginale mais la troussant la phrase d’après, ou l’URSS
avec ses complots de missiles, il s’agit du même détournement de
la vérité : dans tous les cas on provoque - ou l’on veut conserver
un pouvoir , ce qui revient au même - puis, lorsque la chevalerie
réagit, on clame que c’est elle l’agresseur ou, chez les artistes
indignes, que c’est « notre problème ». Ce sont des individus du
genre
- Votre père était-il à l’origine de telle action ?
- Oui.
- Insinuez-vous que mon père soit pourri ?
- C’est vous qui le dites ...
Fielleux hommes de mauvais aloi, ils cherchent en plus à
tromper.
Après le maître ? C’est à l’élève de faire ses preuves, par ce qu’il a
recueilli de son travail et seulement par le contact au feu, rien
d’autre.
Si le maître vient à mourir ou à disparaître au cours de votre
formation, je ne vous autorise pas à le déifier. Je vous interdis de
bloquer le souffle de la Tradition en sclérosant vos options, les
cristallisant sur tel ou tel être, fut-il grand. Gardez comme un feu
très précieux ce que vous avez pu vivre de personnel et de
collectif avec votre instructeur, protégez-le de toute infamie,
nourrissez-le de votre prière, mais ne paralysez en aucun cas
votre évolution d’être. La disparition de votre maître n’est pas
votre propre mort. Ce sont les civilisations primitives qui
agissent de la sorte. Vous, vous êtes chrétien. Cela veut dire
qu’au delà du maître, le Christ est l’ultime Maître. Celui qui vous
conduit n’est pas le chemin. Le fait qu’il ne soit plus visible ne
signifie pas que le chemin ait disparu, mais que la direction est
plus abrupte d’approche.
Ne projetez pas votre devenir spirituel en liaison avec la douleur
de la mort de votre guide. Si la Providence vous a placé dans une
telle situation, c’est que vous le méritez certainement et, voire,

262
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 263

peut-être Dieu vous octroie-t-il, au secret de son infinie


miséricorde, une épreuve juste taillée à votre mesure. Y pensez-
vous ?
Dans le cas où vous avez effectivement été disciple - bien sûr -,
vous trouverez toute la lumière dans la prière. Le second corps de
votre maître vous guidera, et de cela nous reparlerons en détail
plus bas à mots couverts.
Quant aux disciples vraiment fidèles, aimants et niais, qui ont
donné leur vie au service de la Science sans même espérer quoi
que ce soit en retour, pas même le moindre espoir de
cheminement vers l’Adeptat, ils sont les agneaux de Dieu. Grand
bien leur sera dispensé, immense sera leur récompense. Ils sont
déjà gratifiés par l’absence du terrible ego : leur fonction
émotionnelle n’aura qu’un pas à effectuer pour, au jour de leurs
fins, aider sans effort au grand saut.
Les autres, les faux frères et acolytes, ils sont déjà punis, avant
leur propre fin : ils sont eux-mêmes leur punition.

Et en attendant le maître ? ... Vous restez dans le monde tels ces


enfants sans père. Vous avez cependant d’innombrables occasions
de vous libérer de votre volonté propre, en vous exerçant déjà à ce
qui vous sera demandé dans la spontanéité de votre heure.
Lorsque vous êtes dans le monde et que vous n’avez pas encore
eu le privilège de rencontrer un instructeur, ne ratez pas une
aubaine de pratiquer l’observance, par l’entremise de la
Providence. Qu’est-ce à dire ? Modestement, dans les détails de la
vie quotidienne, vous recevrez tous les signes qui vous ont été
offerts afin de commencer sans tarder. Il suffit que vous sachiez
les reconnaître. Un de vos camarades de travail vous demande de
le raccompagner et vous êtes pressé : faites un bout de route avec
lui, et vous pratiquerez l’obéissance. Votre enfant ou un autre a
besoin que vous vous occupiez de lui, alors que vous êtes affairé
dans votre routine : lâchez ce que vous bricolez, tenez-lui
compagnie et vous pratiquerez l’obéissance. Votre dame est
couverte d’activités ménagères, elle est débordée dans des
obligations qu’elle n’a pas prévues et qu’elle ne maîtrise pas :

263
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 264

posez votre livre, allez chercher le pain à la boulangerie, et vous


pratiquerez l’obéissance.
Je vous le dis, un novice dans un monastère n’a pas plus
d’occasions de vivre l’observance que vous dans votre maison.
Vous avez autant de travail avec vos proches. Prenez l’habitude
saine de vous réjouir lorsque la Providence vous questionne par
un petit signe à votre échelle familiale ou solitaire. Chaque fois
qu’une chance d’obéir se présente, la Dame vous offre un peu de
poudre sacrée qui vous libère de votre entêtement, de votre
orgueil, de vos certitudes et de vos contradictions. Il est inutile de
chercher à créer toutes sortes de stratagèmes affublés de
l’étiquette « ascétique » pour exercer ce quatrième barreau de
l’Echelle Sainte. Vous tomberiez dans une servilité artificielle, et
vous vous égareriez plus encore en vous complaisant dans votre
propre illusion. Soyez-en tout à fait certain, vous trouverez les
plus justes événements qui vous inviteront à l’observance,
exactement ceux dont vous avez besoin. Et, si vous remarquez
que vous avez laissé échapper une occasion, reprochez-vous cette
négligence : vous aurez agi comme ce marin qui ne profite pas
d’un vent favorable.

Trop fréquemment, lors de contacts que vous avez entre vous,


néophytes, j’observe l’attitude du manque d’humilité, au lieu de
voir vos visages rayonnants de bonheur par le lien indissoluble
qui vous unit. Sachez que je suis très affecté, profondément peiné
d’entendre les mots de la vaine gloire, de la prétention, de
l’exigence de la reconnaissance de votre expérience, à la place des
douces paroles de la sagesse qui seraient issues de votre
aspiration. Bien souvent, vous ne parlez pas d’Alchimie entre
vous, mais de vous seuls, vomissant au théâtre de vos gestes les
consonances qui riment avec suffisance. pédanterie, voire
arrogance. Rien n’est plus douloureux pour moi.
Bien entendu, les bonnes gens qui ne sont pas familiarisées avec
notre langage n’observent rien, au contraire, ils peuvent même
vous prendre pour des êtres qui ont la foi et, en quelque sorte,
vous l’avez. Mais vous laissez agir les venins de l’ego dès que l’on
ne vous remarque pas suffisamment, continuant à dialoguer en

264
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 265

termes apparemment identiques, alors qu’ils sont d’intonation


vulgairement égoïstes.
Vous n’êtes pas exempts de ne pas vous adonner à la familiarité
ainsi qu’aux vaines paroles. Gardez-vous de blesser la Dame par
votre présence dont l’enflure lui passerait devant, ainsi que de
blesser votre frère qui est peut-être fragile et qui a besoin de
sentir les parfums de Marie par delà vous-mêmes. Et si vous
voyez un frère montrer de l’aversion pour un autre, simplement
parce qu’il s’exerce vaniteusement à la pratique du moi au lieu de
celle de l’Alchimie, n’hésitez pas à le reprendre poliment mais
avec fermeté. Ne tolérez pas dans la même enceinte un démon
visible et un autre invisible, vous feriez une grave entorse aux
principes chymiques.
Par contre, côtoyez les êtres admirables qui parlent de la Science
et rien que d’elle ; taisez-vous et prenez note en votre cœur, pour
offrir plus tard à votre heure les mêmes joies aux autres frères.
N’écoutez pas les méchants et les vauriens qui clament à travers
les salons que vous adulez un maître. Vous savez bien que vous
n’adorez que Dieu et que c’est la Science qui retient votre
admiration, à travers son disciple le plus fidèle. Lorsque vous
parlez, dussiez-vous vous adresser aux loups qui vous lapideront
d’insultes, ne vous adressez pas aux hommes, mais à Marie.
Dites ce que vous voyez d’Elle comme si vous L’aviez devant vous,
et personne n’aura vraiment d’emprise sur vous. C’est pourquoi je
vous dis toutes les choses qui sont contenues dans ce livre, moi
qui suis parfaitement indigne de l’Adeptat, et qui n’ai que le
rappel perpétuel de ce feu invisible remettant en mémoire la
naïve vision de celui de Marie.
Tout ce que je vous explique ici est bien évidemment dirigé par
les lois du cosmos. Lorsque vous vous placez en l’état tout
précédemment décrit, vous fabriquez une énergie particulière
dont le siège est dans l’hypophyse, énergie inductrice, c’est-à-dire
induisant avec vigueur la notion de séparation de l’Esprit à la
matière, vecteur puissant du feu secret qui ne peut agir que si
vous-mêmes êtes absents en ego. Vous êtes un objet de
transmission, d’émission, au lieu d’exercer la funeste absorption,
aspiration. Vous vous assouplissez à la place de vous durcir. Ne
vous chassez pas vous-mêmes du Temple.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 266

Arrivés au stade de disciple, vous savez que vous ne pouvez plus


tricher. Vous sentez bien, en d’adéquates circonstances
mondaines, qu’à un moment ou à un autre vous voulez imposer
habilement vos propres conceptions, même si ce que vous dites
est vrai. Lorsque vous vous surprenez à de tels agissements,
soyez persuadés que vous êtes très malades. Si c’est seulement
avec vos frères que vous vous comportez de la sorte, vous pouvez
encore être sauvés par les réprimandes de l’instructeur. Mais, si
vous agissez comme j’en ai vu de nombreux de cette manière avec
ceux qui pratiquent de longue date, alors votre mal est incurable
par les voies humaines.
Vous êtes malades parce que vous ne montrez aucune soumission
dans vos paroles, coupant sans cesse et sans vergogne les plus
avancés : vous ne valoriserez pas plus de soumission dans les
actes et, qu’adviendra-t-il de vous devant le fourneau ? Celui qui
est infidèle dans les petites choses croit qu’il peut en accomplir de
grandes, parce que son moi l’obnubile tellement qu’il s’identifie à
ses monstrueux projets. Opiniâtre à cause de l’importance qu’il a
de lui-même, celui-là travaille en vain et ne récolte que les
résultats pourris de sa propre condamnation.
Agissez entre vous comme si le maître vous voyait, comme si
votre dernière heure était là ; c’est peu de le dire, croyez-moi ! En
l’absence de votre instructeur, représentez-vous les traits de son
visage, de ce qui vous a lié à lui, pensez qu’il est à côté de vous et
vous saurez discerner ce qui lui déplaît qui, par voie de
conséquence, outrage la Science. Rappelez-vous sans cesse, et
vous posséderez l’authentique obéissance, vous ne serez pas
comme ces enfants bâtards qui voient comme une joie l’absence
du maître et qui font toutes sortes d’actes mauvais qu’ils
n’osaient montrer à l’instructeur, par considération. Savez-vous
que les enfants légitimes estiment comme une grande perte
l’absence du maître ?
Si vous faites partie de ceux-ci, vous direz toujours que vous
tenez de votre Père les mots que vous prononcez, non de vous-
mêmes car, comment vous serait-il possible de vous enorgueillir
de ce que vous avez accompli avec le secours de votre Père ? Les
souffleurs ne parlent jamais de leur Père - ils n’en ont pas -,
parce que leur maître est leur ego. L’orgueil a une emprise totale
sur eux, leur suggérant que leurs actions ne sont que le fruit de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 267

leurs propres efforts. Les plus fins ne seront pas aussi prolixes,
laissant ces comportements aux animiques. ils diront que leurs
fautes sont celles d’un autre ils feinteront de faire comme s’il
s’agissait d’un autre, accusant tel frère, telle circonstance,
craignant la remontrance. Et moi je vous dis que l’on ne peut
échapper à la honte que par la honte.
Vous devez confier vos fautes à votre guide, comme une plaie que
vous mettriez à nu, en vue de la réconciliation. Seul votre
instructeur peut vous instruire des pratiques et des attitudes que
vous devrez prendre en vue de générer les énergies capables de
vous réconcilier avec la Science. Ce seront vos propres efforts qui
créeront les substances judicieuses vous replaçant dans les états
de conscience possibles. Ne vous comportez pas comme ceux qui
croient pouvoir se passer des corrections. Ces derniers ne
pourront engendrer rien d’autre que les toxines de la suffisance,
tout en étant persuadés d’opérer la juste rectification. Ne cachez
rien, même les pires crimes, ne mentez jamais, dussiez-vous
passer par le trou de souris du plus grand déshonneur. C’est
justement ces impressions très dures à ressentir qui témoignent
que vous emmagasinez les énergies adéquates.
Les fainéants, eux, lorsqu’ils sentent que les ordres sont durs à
suivre, ils se mettent à préférer l’étude des livres. Mais, s’ils les
trouvent légers, ils fuient l’étude des livres comme le feu.
D’autres, plus cupides, vous laisseront en paix tant que vous
resterez un petit labourant. Par contre, le jour où vous prendrez
le Blason d’un maître et s’ils viennent à le savoir, ils vous
combattront en grinçant les dents contre vous. Ils feront tout
pour vous perdre, tout pour vous séparer de votre promesse. Ils
vous diront qu’ils ont des révélations à vous faire, que votre Père
a été vu dans telles circonstances désobligeantes, qu’il a trempé
dans telle affaire dont ils détiendraient les preuves secrètes, alors
que tout est faux. J’ai vu ainsi des enfants de Science innocents
qui, ayant trouvé sur leur route ces vautours, ont appris à leur
contact la ruse et la malice, leur innocence souvent accompagnée
de faiblesse les livrant liés aux loups, ces derniers ayant très bien
vu et su exploiter leur chétive expérience.
Ne pensez pas que vous ne progressez pas parce que vous ne vous
en rendez pas directement compte. Vous pouvez très bien croire

267
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 268

que vous stagnez depuis de nombreuses années et en réalité


fermenter un très grand bouleversement. Votre naïveté vous
persuadera toujours de votre ignorance par excès. Sans cesse les
êtres exagérément niais affirment « je ne sais rien », parce que ce
qui les rend ainsi est la crainte. Ils ont peur de tout et se retirent
dans le cocon de l’ignorance. Ils pèchent autant que les superbes,
et on les rencontre aussi fréquemment qu’eux dans la fourmilière
des prétendants. Refusant quelques responsabilités, ils omettent
volontairement de faire les comptes de ce qu’ils ont appris le soir
au coucher, afin et par la même occasion d’ignorer leurs
obligations de laborants. Ils ont la plupart du temps de grandes
et majestueuses aspirations, sont prêts à « tout sacrifier »,
seraient capables selon leurs dires des plus hautes missions,
déifiant l’Alchimie au delà du descriptible, complètement fascinés
par l’aspect féerique de la Tradition.
Les animiques se frottent le ventre de contentement en ces
termes. Les naïfs doivent apprendre à ne pas toujours voir le lion
dehors. Si lesdits animiques, insensés, sont piqués au vif
lorsqu’on les réprimande sans pouvoir se taire, les ingénus en
redemandent, ils se délectent du courroux de leur Père, c’est ici
leur forme d’ego. Plus l’instructeur les corrige, plus ils
s’enferment dans leur jouissance impuissante et adulent le
maître. Ils admirent tout, contemplent sans jamais avoir les
sandales dans le creuset, prennent pour Pierre philosophale un
vulgaire régule. Il s’agit là d’un angélisme redoutable, dont
beaucoup sont les victimes. Bien souvent, derrière ces faces
lunaires se cachent d’horribles araignées, dont le dessein secret
est de vous sucer l’astral par hypnose. Vous ressentez toujours
une grande douceur en leur présence, première phase de
l’anesthésie, se transformant en narcose lorsqu’ils se mettent à
parler de chymie en termes exagérément splendides, s’immisçant
dans le rêve au sens péjoratif par identification aux images que
eux seuls perçoivent. L’obéissance qu’ils doivent à leur
instructeur sera d’être, le plus souvent qu’il se peut, au contact
des réalités bassement matérielles, accompagnées de petits
désagréments corporels très agaçants - pincements, vives paroles,
gestes lourds, ... -
Pour leur salut, l’instructeur pourrait boire en leur présence,
chanter des hymnes à Bacchus en faisant du bruit avec son

268
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 269

ventre. Evidemment piqués au rêve, ils décrètent qu’un individu


si épais ne peut pas être leur maître, se mettant à geindre
partout qu’ils sont tombés sur un inaccompli, alors que c’est le
seul chemin par lequel ils peuvent atteindre la Science. Ils
veulent retrouver le plus tôt possible leur excès de zèle,
s’affairant en tous sens et pleurent en s’identifiant lorsqu’ils
tombent sur un de leurs semblables, encore pour se faire
plaindre. Ces larmes, bien entendu, ne sont versées que pour eux
sur eux, elles n’ont aucune valeur de retour.
Ils briguent les vertus impossibles, ne supportent pas les petites
tâches comme celles de nettoyer les cornues, ranger les pinces ou
préparer la nourriture pour le Père. Leur fainéantise, qui est à
l’origine de leur attitude, n’a d’égale que leur négligence. Tout est
sale chez eux ou réduit à une expression complètement dénudée.
Leur sœur sondé ne révèle aucun sentiment réel, rien que de
l’idéalisme exagéré. Ils disent avoir pour seul désir l’Adeptat, ils
se martyrisent en jeûnes les plus stricts, sont maigres comme des
coucous, passent des heures à genoux, se souviennent
continuellement de leur mort mais ne veulent rien faire, ne
supportent pas d’être dérangés par la Providence ou ne voient en
Elle que des interpellations féerique, sont bouleversés à l’idée
d’agir, de contacter des frères, de servir en totale abnégation.
Leur nourriture principale est la poésie libertine, les lectures -
enveloppés dans des couvertures bien chaudes, car ils ont en
général toujours froid -, les peintures romantiques du siècle
dernier (en réprouvant l’extraordinaire impressionnisme). Ils
sont capables de vous recevoir avec gentillesse, avec beaucoup de
courtoisie, feignant de s’agiter pour vous, ne sachant que faire
pour vous être agréable, alors qu’ils ne rendent service qu’à eux-
mêmes, en repoussant le plus loin possible leur angoisse.
Vous aurez compris, en règle générale, que votre instructeur
choisira chaque fois pour vous des comportements qui ne
souffrent aucune interprétation possible, permissive, vous
autorisant par une légère fente à perpétuer vos fautes. Il est
impossible de vous accorder des concessions. C’est pourquoi pour
un gourmand l’attitude juste sera le jeûne sévère par son
application stricte, qui paraîtra outrancière à quelqu’un qui ne
l’est pas. Un maître est toujours vu par les autres exagérément, il
ne peut pas en être autrement. Il sera, tant qu’il exercera sa

269
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 270

fonction, éternellement critiqué par ceux qui ne vivent pas les


fautes de leur frère. De même, si vous êtes d’un naturel hautain,
il adoptera un comportement peu accommodant et non pas
comme votre ego le reconnaîtrait maître, c’est-à-dire doux et
indulgent, vous considérant.
Pour guérir vos maladies du moi, votre maître vous reprendra
sans cesse sur les points que vous n’aimez pas, et ce sera la plus
juste manière de vous enseigner l’obéissance. Vous serez mis à
l’épreuve sans arrêt, réalisant bientôt combien vous est utile
l’observance. Persévérant, vous arriverez peut-être à son
accomplissement dynamique, regrettant une journée où vous
n’avez pas vécu l’humilité, c’est-à-dire l’humiliation.
Mais le plus généralement, vous serez tenté de juger votre Père
lorsqu’il se met à instruire un autre devant vous, car vous ne
comprendrez pas ses agissements, que vous qualifierez d’indus.
Parce qu’ils ne s’appliquent pas à vous, vous voici estimant et
retombant dans les habitudes, n’admettant pas que votre
instructeur frappe un indolent ou boive en la présence d’un
précieux, alors qu’il vous prive de bon vin à cause de votre
gourmandise, par exemple. Vous direz « il me prive et lui il boit,
qu’est-ce donc que ce fumiste qui n’est même pas capable
d’appliquer à lui-même ce qu’il enseigne ? » Et vous retrouverez
votre volonté propre, et vous vous rendormez. Pour ceux-là, être
au laboratoire n’a plus aucun sens. Si on leur demandait
pourquoi ils sont là, ils seraient tout à fait incapables de vous
répondre ou régurgiteraient une vague justification à consonance
philosophique, sans même croire un seul mot de ce qu’ils
racontent. Quelques-uns savaient peut-être au début pourquoi ils
sont venus au fourneau, mais ils l’ont oublié.
Inexorablement, celui qui est fidèle à l’Athanor et qui a trouvé un
maître a sué sang et eau tout seul avant. Vous pouvez être sûr
que ceux qui ne sont pas dans une lignée initiatique n’ont
pratiquement rien fondu au creuset. Quand bien même ils vous
parleraient en termes savants, vous sortant de leur besace
mystérieuse tous les manuscrits qu’ils auraient écrits, ils ne
valent rien d’autre que leur prétention. Il est impossible que
votre interlocuteur - quel que soit son nom - parle d’emblée de lui
: il annonce d’abord le Blason de sa lignée, il formule les mots
très respectueux au sujet de son maître, il ne dit rien de lui que

270
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 271

sa faiblesse. Jamais il n’avance un mot plus qu’il n’a accompli au


feu. Rendez-vous compte combien cette attitude est rare dans la
faune dite d’« alchimistes » contemporains ? Tous ont plus fait les
uns que les autres, au nom d’un maître qu’ils ont choisi par leur
propre fantaisie et sur lequel ils ont craché dans les coulisses dès
qu’ils furent connus.
Les tentatives laborieuses des sincères, lorsqu’ils s’exercent seuls
avec ferveur, les conduisent indubitablement à la conclusion que,
dans les conditions de la vie ordinaire, il est impossible de
parvenir à quoi que ce soit. Ces valeureux êtres commencent
alors à s’informer, à rechercher les endroits et les disciples où,
grâce aux conditions préétablies, l’œuvre est possible. A la fin, les
plus tenaces trouvent, après bien des souffrances. Ils apprennent
à reconnaître les bonnes conjonctures, ils débutent vraiment.
Puis, parce que leur volonté propre obnibule encore la plupart de
ces pré-élus, voilà que la majorité ne tire plus parti de ces
conditions. Ils ne les remarquent plus, ils se sont endormis et les
banalisent, prouvent qu’en vérité ils ne les cherchaient pas au
fond, et qu’ils n’essayaient pas d’obtenir dans leur vie de tous les
jours ce qu’ils étaient supposés quêter.
Celui qui ne se sert pas des conditions qui lui sont offertes
présentement n’a pas sa place dans la tradition alchimique. Il
perd son temps et ennuie tout le monde, il prend la place d’un
autre frère peut-être plus franc. J’estime donc ceux qui sont ici en
sachant qu’ils doivent travailler sur eux en même temps qu’au
fourneau, qui savent à peu près comment faire mais qui n’en sont
pas capables convenablement, pour des raisons qui échappent à
leur contrôle. Les rastaquouères, quant à eux, la mission de
Solazaref est de les rendre impuissants.
Que le sincère ne s’inquiète donc pas des actions du maître avec
d’autres disciples. Qu’il n’oublie pas que chacun a ses tares, ses
difficultés, ses formes d’ego, complètement étrangères à celles du
voisin. Du point de vue des énergies, le Maître doit effectuer des
réparations que vous n’êtes pas en mesure de produire, afin de
permettre à vos circuits naturels de refonctionner normalement
et de ne plus être gelés par les pratiques illicites du moi. Tel frère
découvre fréquemment au contact de l’instructeur tel autre frère
qu’il ne connaît pas. Ils ne s’étaient jamais vus, ne savent pas
d’où l’un et l’autre provient, ni ce qu’il fait, pas plus ses habitudes

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 272

et encore moins son ego. Et pour cause : les êtres qu’ils voient
tous deux au dehors sont camouflés avec la peinture de la
considération, des multiples rôles joués par chacun à la comédie
sociale. Ils ne savent pas comment ils sont faits en eux-mêmes.
Personne ne leur a jamais rien appris à ce sujet et, d’un seul
coup, ils sont ouverts tous deux ensemble, et le maître effectue
les corrections sur l’un et aussi sur l’autre, mais évidemment pas
les mêmes. Les manies sont dévoilées, les fautes également, tout
cela est exposé au regard des autres. Cela n’a plus rien de
commun avec ce qu’ils avaient l’habitude de voir dans le monde.
Il en est ainsi de tous les nouveaux : dès qu’ils rencontrent un
instructeur, ils sont mis à nu immédiatement. Alors tous leurs
plus mauvais côtés apparaissent clairement : ils deviennent
évidents et, pour vous si vous êtes un imbécile, vous ne voyez que
cela du nouveau frère. C’est la raison pour laquelle ceux qui ne
savent pas ces choses ont l’impression à notre contact d’avoir
affaire à des gens stupides, pleins de défauts, remplis de
lourdeurs, alors qu’en fait il s’agit souvent de frères très sincères
qui travaillent sur eux-mêmes. J’ai dit imbécile parce que vous
ignorez volontairement une chose alors : ce n’est pas votre
mérite, que de voir vos frères comme cela, dénudés. C’est le
mérite du maître, que vous vous octroyez volontiers. Si le guide
ne les avait pas exposés au grand jour, vous vous seriez peut-être
mis à genoux devant l’un d’eux, parce qu’il a un grand nom, par
exemple. Vous oubliez que vous aussi n’allez pas tarder à être
déshabillé et que vous serez comme les autres. En regardant
fièrement vos frères de la sorte, vous vous imaginez qu’ici aussi
vous pouvez conserver votre masque, alors que, d’une manière ou
d’une autre, le maître vous l’arrachera devant tous.
C’est pourquoi je ne vous autorise pas à juger tel ou tel frère qui
est placé sous la juridiction d’une lignée initiatique. Ne souffrez
pas des défauts par omission des autres, vous êtes pareillement
infecté de souillure. Au contraire, vous devriez être reconnaissant
et vous estimer heureux, car, à cause de votre moi et comme tous,
vous faites du mal sans le savoir. Comprendre cela est accomplir
une bonne part de la route.
Il ne vous sert à rien d’évaluer que certains sont meilleurs que
d’autres parmi vous. Il n’y a pas « d’autre » ici. Les disciples ne
sont ni intelligents, ni stupides, ni plus ni moins, il n’y a que des

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 273

êtres en métamorphose, dont vous faites partie vous aussi.


Sachez que c’est justement parce que tous sont en « curetage »
que vous arriverez à changer vous-même, car la présence d’untel
rustre auprès de vous, si vous êtes maniéré, sera le cadeau le
meilleur pour votre avancement. De même, untel oublieux, si
vous êtes maniaque, sera la source sûre d’une plus juste vision de
vous-même. Chacun de vous devrait y penser lorsqu’il rencontre
un maître. Ce dernier a déjà ses disciples, et vous les côtoierez un
jour à votre tour, si vous le méritez et si vous ne vous montrez
pas trop vaniteux.

Nous avons beaucoup parlé de volonté propre, et nous avons


affirmé que vous la confondez avec le libre arbitre. Pourtant rien
n’est plus étranger que ces deux aspects dont un appartient à
l’ego et l’autre à l’être.
Comprenez bien que le libre arbitre est une fonction de ce que
vous êtes en propre, complètement dégagé de la funeste influence
du moi. C’est votre véritable volonté et non pas celle qui est issue
de ce que vous aimez, de ce que vous n’aimez pas, de ce qui vous
arrive. Cette dernière est la volonté propre, qui se contredit d’une
heure à l’autre, qui va là où le vent de vos désirs souffle et qui
n’appartient qu’aux sommes d’identifications et aux mimiques
que vous vous êtes appliqué à emmagasiner depuis tant d’années.
Il n’y a aucune confusion possible entre ces deux dynamismes.
L’homme ordinaire, c’est-à-dire vous dans l’état actuel, nomme
son libre arbitre ce qui dépend tantôt de son intellect, tantôt de
son affect ou encore de sa motricité, mais jamais de la
permanence qu’il est incapable d’avoir tant qu’il reste sous ces
dépendances de girouette.
Un réel libre arbitre ne peut exister que dans un être qui a
accompli, par ses propres efforts, les fusions que nous avons
mentionnées plus haut. En d’autres termes, il ne peut exister que
là où se trouve la direction d’un moi unique, là où vous avez
instauré une permanence suffisante capable de diriger et d’être
l’absolu maître de tous les petits mois qui vous caractérisent.
Actuellement, chacun de ces petits mois dit « je », s’intitulant
libre arbitre. Untel est élevé très vertueusement, détournant son

273
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 274

regard d’une prostituée, mais vénère deux ou trois patrons,


courant en tous sens « pour la maison » : il est un autre genre de
prostituée, mais il ne le voit pas avec les mêmes fonctions ni avec
la même morale. Seulement lorsqu’il verra ces piètres
comportements mécaniques en lui, il aura une très infime notion
de ce que peut être le libre arbitre, parce qu’il s’est objectivé et
qu’il est devenu plus unifié.
La majorité des hommes et des femmes dans le monde moderne
est parfaitement inapte à avoir une véritable volonté, parce que
ce genre de volonté, requise pour l’Art, n’est pas un phénomène
ordinaire. On ne peut pas l’avoir sur commande et on ne la trouve
nulle part ailleurs qu’en soi-même par le travail sur son ego.
L’illusion d’avoir de la volonté vous donne celle de posséder un
sens moral. Lui non plus n’est pas objectif. Untel peut très bien
voir sa mère mourir, éprouver des remords parce que la morale le
veut mais, comme les hommes sont des pourceaux, il
recommencera à pratiquer toutes sortes de choses qui peinaient
sa mère et qui étaient justement à l’origine du fait qu’il ait des
remords : il aura oublié, malgré ses grandes déclarations dites
morales, parce qu’il n’a pas de conscience, et qu’un individu sans
conscience ne peut avoir aucune morale. Tel autre adore le café,
mais son médecin le lui interdit à cause de sa trop forte tension.
Cependant, il oubliera au moment précis où il aura très envie de
café et, lorsque son désir sera assouvi, il sera à nouveau d’accord
avec son médecin, se targuant devant tous de suivre un régime.
Lorsque son désir est comblé, le voilà qui redevient moral. Il en
est ainsi de tout, de choses grossières comme celles-ci, mais
également de subtiles attitudes dont vous ignorez l’étendue en
vous.
Ne mélangez jamais l’intérieur et l’extérieur de la vie. Laissez à
l’extérieur ce qui lui appartient, gardez à l’intérieur ce qui lui est
propre. Pour vivre dans le monde, certes, il faut que les loups
hurlent ensemble : vous devez donc hurler comme eux, adopter
leur morale qui est immorale en Chine et encore plus en
Australie. Tout cela, rien que de la morale extérieure, partout
différente, sans importance aux yeux de Dieu. Seule la morale
intérieure compte, celle qui est unanimement reconnue sur toute
la terre par les hommes sains d’esprit, par ceux qui ont peiné. Le
reste dépend de la mode. Aujourd’hui quelque bandit tue votre

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 275

femme ; si vous vous défendez, vous irez en prison presque


comme lui, et lui sortira dans quatorze ans « s’il se tient bien »,
c’est-à-dire s’il ne traite pas d’imbécile le Garde des Sceaux, s’il
ne crache pas au visage de son geôlier et s’il se lève chaque fois
que son avocat entre dans sa cellule. Hier, il était purement et
simplement guillotiné sur la place publique et, avant-hier égorgé
sans procès. Tout cela était moral, parfaitement légal, c’était le
bon ton social.
Lorsque vous venez à un guide, ce dernier a également le devoir
de faire éclater ce que vous nommez vos valeurs morales, celles
qui appartiennent à cette morale extérieure variant avec les
époques, les lieux et les êtres. Il en a la mission pour que vous
observiez de quoi tous les dispositifs qui vous permettent d’avoir
raison dépendent, et ce qu’ils vous autorisent à faire sans la
moindre gêne. Ce n’est pas parce que vous adoptez un sens
moral, parfaitement identifié, que vous êtes en mesure d’agir
vraiment. On le croit pourtant souvent et, combien j’en ai
rencontré qui, au nom de la morale intérieure et toute sainte de
Monsieur Canseliet, se sont permis d’agir d’une manière fort
impertinente envers les autres. Ces jeunes qui, sous prétexte
d’avoir côtoyé le maître durant quelques années, se mirent à
exercer ses valeurs alors qu’ils en étaient parfaitement
incapables, pour ne pas les avoir accomplies eux-mêmes.
Quand l’instructeur, très patiemment, détruit toutes ces fausses
croyances, il arrive souvent que le disciple se fâche contre lui. Il
ne comprend plus pourquoi il était venu et, lorsque l’Adepte
touche vraiment au cœur de la pourriture, voilà que le postulant,
soudainement, se met à y tenir plus que tout au monde. J’ai
connu une femme qui m’adulait parce que je suis alchimiste, qui
était prête à n’importe quoi, qui me faisait littéralement l’amour
par les yeux tant ses phantasmes avaient pris la tournure de
l’aspect merveilleusement « transmutatoire » de la Science.
Quand elle fut placée devant le fait de ses gestes - le rôle du
maître -, elle se mit à me traiter de grossier personnage, parce
que je ne la considérais plus. J’appris plus tard qu’elle rejoignit la
secte des scientologues - la plus pernicieuse de toutes
actuellement -, qu’elle avait bien entendu trouvé un « maître »
qui la considérait parfaitement le résultat ne fut pas différent,
puisqu’elle trouva le moyen très « moral » d’atterrir dans son lit...

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 276

Tout n’était, mes enfants, qu’une question de manières ! La voilà


qui fait maintenant la gueuse en toute légalité. Mais cela ne lui a
pas suffi car, ayant poussé la « légalité » au maximum, elle
s’ingénia, toujours à grands coups de considération, à faire
divorcer ce gourou emplumé qui avait deux enfants. Aux
dernières nouvelles, encore sous la plus complète « légalité
morale », elle tente d’avoir les petits de l’autre femme à sa charge
parce qu’ils sont bien mignons. Evidemment, cette moralité ne
voit pas que la pauvre divorcée vit maintenant dans un taudis,
avec les moyens de l’Etat (...) et, bien entendu sous la houlette de
cette brave moralité, se trouve délaissée de sa famille proche,
parce que cela ne se fait pas
Ne sursautez pas et ne faites pas triste mine. D’innombrables
personnes souffrent atrocement, tout cela en raison du bon ton
hypocrite. Ne croyez pas que c’est à cause de celui des autres,
mes fils il s’agit de celui auquel vous participez en vous-même
qui, se multipliant, bâtit l’édifice fabuleusement pourri des
valeurs modernes. Par exemple, vous vous mettez en colère, mais
vous êtes devant votre chef. La règle exige que vous ne montriez
pas votre colère. Extérieurement, vous prodiguerez des sourires
plus grands les uns que les autres, intérieurement, vous serez en
colère : la règle vous a empoisonné quelques heures, au moins, si
vos obsessions et votre imagination ne se greffent pas là-dessus
pour vous plonger dans des fixités qui durent des semaines
entières. Voilà que vous en parlez aux amis, à votre femme le soir
chez vous, mais comme à vos yeux il est à ce moment là plus
important d’être viril, vous racontez que c’est vous qui avez passé
un savon à votre chef. Vous continuez à être obsédé par l’incident
et en plus vous vous mettez à mentir. Le lendemain, non content,
voilà que vous commencez à imaginer toutes sortes d’attitudes
vexatoires pour votre chef, que vous n’exécutez qu’à moitié en
sourdine - sinon c’est la porte - mais que le soir vous rapportez à
votre femme (quand ce n’est pas à une autre) en inversant les
situations. Puis, le samedi, vous sortez les enfants du laboratoire
et vous allumez le four. Rien ne se passe, à cause - prétextez-vous
- des creusets, de la minière, du bruit, de la fatigue de la semaine
(vous vous saisissez de vos justifications). A minuit, votre épouse
osera à peine déranger le rêve dans lequel vous êtes plongé
depuis que vous voilà assis dans votre fauteuil, le feu éteint. Ce
rêve, c’était celui de projeter passer un soir de la semaine

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 277

prochaine à la Table d’Emeraude à Paris, ou ailleurs, dans


l’espoir de rencontrer des amis chymistes, et de leur raconter vos
merveilleuses manipulations, les persuadant d’être très près du
but. Le surlendemain, vous recommencerez votre cirque avec
votre chef, et ce sera ainsi toute votre vie.
Toute votre vie ? non, jusqu’au jour où vous connaissez un être
qui a vraiment travaillé. Vous voici devenu ami de cet individu,
vous faites tout pour attirer ses bonnes grâces et lui, par esprit
charitable. vous enseigne ce que vous faites et ce que vous êtes.
D’un seul coup, vexé, il n’est plus votre ami et vous cancanez sur
lui partout. L’année d’après, vous vous trouvez dans une autre
usine, dans les mêmes embouteillages, avec un autre chef en face
duquel vous aurez une colère rentrée. Le soir, vous en reparlerez
à votre femme, en inversant les rôles,

Ce quatrième degré concerne le matériel environnant l’Athanor,


ainsi que les conditions extérieures. Il est celui de l’ordre, de la
mesure, de l’équilibre, du discernement mais aussi celui de la
pauvreté quantitative des fournitures, de l’abnégation des
fioritures inutiles, de la sobriété des usages.
En effet, si l’on se retrouve dans les mêmes murs, le temps exigé,
avec un maître, on reste par ailleurs seul dans son laboratoire en
face de soi-même et en Alchimie. La tenue extérieure et
intérieure que l’on adopte devant l’instructeur retrouve son
similaire au fourneau, écartant pour toujours les estimations
personnelles issues d’un moi fanfaron. Autant vous dire que les
ustensiles doivent être à la mesure de cette légitime appétence,
sans tomber dans les excès chers aux paranoïaques de tous bords.
Tout d’abord, la question essentielle du matériel. Il est inutile de
souligner l’extrême importance des modalités de leur conception.
Ils ne peuvent être conçus que par vous-même ou par un artisan
qui travaille au feu de la Science. En aucune manière, sous
quelque prétexte que ce soit, ils ne doivent être de lignée
industrielle, quand bien même ils seraient destinés à des
opérations banales. Il n"existe pas de manœuvre péjorativement
banale en l’Art. Sans s’égarer dans l’immodération affublant les
maniaques déjà mentionnés, il est toutefois primordial, vous

277
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 278

l’aurez compris, que tous vos gestes soient empreints de ferveur


et de rituel, simplement parce qu’ils servent la plus noble des
causes. Il n’est pas nécessaire, je pense, de nous étendre
davantage sur cet impératif. Les modernes, au cours de leurs
profanes expériences, se saisissent de précautions qui en disent
long sur le reliquat inconscient qui les dirige lorsqu’il s’agit de
manipuler. Cependant, la Cause est ici bien plus maritalement
vécue et, puisqu’il s’agit d’une fusion comprenant à la fois la
raison aspirante première inséparablement liée au mouvement, il
est évident que toute la gestualisation s’en ressent profondément.
Loin les impulsions violentes, les actes hâtifs, les agitations
nerveuses et vives par disproportion, commandés par un intellect
envieux, craintif ou impatient. Vos opérations doivent être
rituelles" belles. Vous les offrez aux regards de Marie. Vos actes
seront fatalement dansants, harmonieux, parce que vous êtes
vous-même dans l’épreuve qui se déroule non comme spectateur,
mais comme sujet, comme ce qui se trouve dans le creuset. Ici se
dresse encore un immense écueil sur lequel viennent se briser la
plupart.
Si bien des insensés affirment et recommandent même qu’il n’est
pas besoin d’un maître en Alchimie, de même, ils limitent
volontairement, toujours sous la présidence de leur ego, le
nombre d’acteurs vivant l’heure à trois ou quatre, omettant
l’action de leur propre présence. Toute leur cupide attention se
dirige exclusivement vers les matériaux, vers les conditions
extérieures et astrologiques, mesurant les poids et les durées,
mais écartant totalement ce qu’ils sont, eux. Vous êtes dans
l’événement au même titre que les autres sujets : voilà une chose
que les systématiques ne comprennent pas, parce qu’ils
s’imaginent être le centre de l’expérience en cours, comme
directeur général des conditions - sauf les extérieures peut-être
qui justifient à leurs yeux leur apparente et séduisante courtoisie
pour les choses de l’Art. Bien évidemment, c’est l’ensemble, dont
vous-même, qui est le champ où se déroulent les phénomènes,
c’est pourquoi je prends tant d’application à vous expliquer les
modalités intérieures.
Vous ne mettez pas un creuset dans le four pour, du haut de
votre mirador, contempler ce que vous attendez. Lorsque vous
vous saisissez de la pince en vue de poser le vaisseau dans

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 279

l’enceinte, vous vous placez vous-même dans le feu et vous


subissez, tout comme les matières, les transformations, n’en
doutez pas une seule seconde. Cette notion - que j’appelle
volontairement notion tant elle fut évidente voici encore
cinquante années - a disparu du comportement du chymiste
moderne parce que le matérialisme a tout rendu trivial. L’argent
est plus facile à se procurer qu’auparavant, et on ne fabrique plus
ses propres vaisseaux : quelle peine ressentent-ils lorsqu’ils en
cassent un ? Quel bonheur éprouvent-ils lorsqu’ils téléphonent au
marchand grossiste en matériel de chimie et commandent une
caisse de creusets numéro zéro ? Que savent-ils de la peine de
l’artisan qui tourne les coupelles en terre chamottée, qui abîment
les mains et nécessitent les plus fines précautions quant à leur
élaboration ? Qui se préoccupe des ancestrales préparations des
terres, qui demandent six mois ? Qui se rend compte encore, de
nos jours, de ce que représentent six mois d’attention perpétuelle,
de minutie et de fidélité, les heures de fatigue provoquée par
l’extrême soin exigé au tournage, des jours suivants où la même
vigilance est réclamée par le séchage, la cuisson, tout cela pour
quelques vaisseaux ?
Ces qualités étaient naturellement l’apanage du plus petit
artisan d’antan. Et les utilisateurs qui savaient comme soulignait
mon maître « quel était le goût du pain », avaient en eux d’autres
dispositions dans tous leurs mouvements quant au matériel,
depuis la commande jusqu’à leur cessibilité. Combien de
palefreniers s’emparent aujourd’hui du bout de terre cuite qu’ils
nomment pompeusement « creuset » comme ils poseraient une
clef à pipe de 14 ou, malheureusement et après les règles
pseudocourtoises d’usage, comme ils coinceraient leur génitrice
du moment : activité habituelle des animiques en leur ego. Les
autres sont tout aussi pernicieuses. Tel intellectuel s’ingéniera à
dénicher le meilleur artisan durant des mois, il le dérangera un
nombre incalculable de fois parce que la courbure intérieure du
creuset convoité n’est pas tracée à l’ordinateur en vue d’une
parabole parfaite (je l’ai supporté moi-même ), sans laquelle rien
n’est possible pour eux. Après l’avoir couvert de motifs pseudo-
transcendants, le pauvre bougre qui sue sang et eau au tour, son
travail terminé, se voit marchander dix sous un matériel déjà
vendu moins cher qu’en industrie. Ou alors, ne sachant pas user
à bon escient, le coq chantera partout que votre élaboration est

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 280

illicite. Les affectifs, eux, prennent carrément possession de


l’artisan : il est le leur et ne doit exécuter que leurs outils, qu’ils
ne paient jamais parce qu’ils n’ont pas le sou ou qu’ils « oublient
». J’ai connu deux noms très célèbres qui exigèrent de moi en leur
temps l’exclusivité des fabrications, après avoir commandé une
quantité considérable d’ustensiles, pour lesquels je devais aligner
mon prix sur le leur, parce qu’ils s’appelaient monsieur untel
(leurs écrits ne reflètent pas du tout leur égoïsme).
S’il est déjà très difficile de trouver l’artiste capable de bien
souffler une cornue, il vous sera encore plus malaisé de dénicher
un bon gîte de terre que vous pourrez recommander au potier qui,
j’insiste, doit inexorablement être alchimiste lui-même. Ne vous
hasardez pas à confier la conception de vos vaisseaux à un potier
moderne sans conviction chymique, cela serait très dangereux
pour lui et pour vous.
Afin de venir au secours d’artistes futurs, qui auront bien du mal
à vivre dans la société de demain, voici à leur intention quelques
renseignements capables de les aider efficacement.
L’élaboration d’une terre réfractaire et philosophique obéit à des
lois apparemment inconciliables. Tenue au feu, relative
résistance aux chocs thermiques, non absorption des sels,
réutilisation, bonne perméabilité aux phénomènes cosmiques et
astraux, voici bien des conditions qu’il est difficile de réunir en
une seule terre. Le résultat de notre expérience, celui-là même
avec lequel vous avez travaillé. vous commande de trouver un
gîte dont la composition profane est la suivante
Corps Symbole moderne % sur cru % sur cuit
Silice SiO2 48,2 55,8
Alumine Al2O3 34,7 40,2
Oxyde de titane TiO2 1,5 1,7
Oxyde de fer Fe2O3 1,4 1,6
Oxyde de potassium K 2O 0,3 0,3
Oxyde de sodium Na2O 0,1 0,1
Oxyde de calcium CaO 0,1 0,1
Oxyde de magnésium MgO 0,1 0,1
Perte au feu PF 13,6

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 281

La perte au feu du produit cru indique que lorsque vous le


calcinez à 950°C, les corps se frittent en silicates et les éléments
solubles ne le sont plus. La nature minéralogique d’une telle
argile est kaolinitique. Sa résistance pyroscopique ( température
à laquelle elle se déforme par le feu) est de 1760°C. Sa résistance
à la flexion en cru doit être de 24 kg/cm2 minimum, sa densité
apparente non tassée et sèche d’environ 500 kg/m3 .
Vous constatez qu’elle est pratiquement dépourvue de fer ainsi
que des autres oxydes métalliques - elle est donc blanche au
regard -, ce qui est très important à la tenue au feu. De même,
pour celle des chocs thermiques, l’absence quasi totale d’oxyde de
potassium et d’oxyde de sodium, qui ont un très grand coefficient
de dilatation, est ici en bonnes normes.
Une terre de cette composition se trouve dans la partie nord de
l’Aquitaine, où de nombreux gîtes existent à la limite de la
Charente-Maritime et de la Gironde. Elle est à la base de tous les
produits réfractaires qui sont utilisés en Alchimie, que cela soient
les dômes de four, les coulis, les briques, les creusets, etc ... ,
seules les conditions de préparation diffèrent en fonction de la
destination des ustensiles. Elle peut même entrer dans la
composition de vos luts. Les gîtes de Beauvais ont été écartés à
cause de leurs impuretés en fer, rendant délicates certaines
opérations d’Art bref. Les techniques d’extraction de l’époque de
Monsieur Canseliet étaient sans doute plus consciencieuses car,
bien qu’issues des mêmes veines, les terres n’ont plus aucun
degré de parenté entre celles de son temps bienheureux et le
nôtre. Nous avons d’ailleurs pu constater de visu, lors d’une
rencontre chez le Maître de Savignies, que les compositions
diffèrent bel et bien. Sachez en outre que nos divulgations sur ce
sujet, dans une Tourbe de 1983, concernaient le grand public.
Vous aurez la primeur de savoir que les gîtes de la région de
Savignies sont aujourd’hui limités en possibilités qualitatives.
Je vais maintenant vous expliquer la bonne préparation en vue
de concevoir toutes sortes d’objets réclamés par l’usage : briques,
terre pour fours, pour voûtes, dômes, fromages, pouvant, à
l’extrême limite, vous dépanner pour quelques fusions en creuset,
têt à rôtir, car ce qui suit n’est pas la préparation philosophique
de la terre vraiment requise, qui ne se transmet que de l’artiste
potier au fils qui prend la suite.

281
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 282

- Receuillir la quantité nécessaire de terre au gîte, en la triant


sur le tas pour retirer toute impureté et étrangeté : elle doit être
nette et de structure uniforme.
- Séchez-la au soleil quelques semaines, jusqu’à ce qu’elle puisse
se concasser en grains de 0,5 cm, ce que vous faites.
- Dans de grands saladiers en grès ou sur des plaques
d’enfournement adéquates - en carbure de silicium de préférence
-, demandez à un potier de vous la calciner à 1300°C. Une fois
sortie du four, vous la broyez en grains non identiques dont les
dimensions varient de la poussière à 1 mm maximum. Vous
obtiendrez de cette façon la chamotte dûment préparée. Faites
cela sur 40% de votre quantité.
- Pendant ce temps, vous aurez mouillé l’autre partie des grains
de terre crus et vous l’aurez malaxée de sorte qu’elle forme une
bouillie épaisse, un peu liquide tout de même. Vous filtrerez cette
barbotine avec un tamis 30 (30 mailles par pouce).
- Vous mettez en présence la chamotte et la barbotine, dans un
grand bac, et vous mélangez subtilement, jusqu’à obtention d’une
pâte très homogène.
- Fabriquez des plaques de plâtre d’une épaisseur de 7 à 10 cm (il
en existe de toutes moulées chez les marchands de matériaux,
vendues pour les cloisons), et placez votre pâte liquide sur ces
plaques. Surveillez l’absorption d’eau qui, d’après le temps, peut
demander de une à six heures, selon la saturation de la plaque.
- Une fois ferme comme de la pâte à modeler, aisément
façonnable à la main sans qu’elle colle aux dites, retirez la pâte et
battez-la sur une table en bois très forte ; stockez-la dans votre
cave en pains enveloppés dans des sacs de forte toile
périodiquement humidifiés, parfaitement fermés. Elle se
conservera ainsi prête à l’usage des années, pourvu qu’elle ne
prenne pas la lumière, ni le chaud, ni l’air. Elle se bonifiera
même avec le temps : plus elle sera vieille, meilleure vous la
trouverez.
- Façonnez à la main, avec habileté, vos formes. Laissez sécher
dans un local ventilé mais à l’ombre et, une fois complètement
secs, demandez au potier de cuire à 1400°C pour les objets devant

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 283

contenir un métal liquide, et à 1100°C pour ceux qui doivent plus


spécialement résister aux chocs thermiques, en atmosphère
oxydante, dépourvue de salage.

Exercer un métier traditionnel, mode de vie qui garde l’aspirant des


déviations illicites.

Voici maintenant un aperçu du matériel nécessaire en vue de


s’exercer au fourneau dans les quatre voies : spagyrie, voie
humide, voie sèche et art bref.
Spagyrie :
- pots de stockage plantes et minéraux

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 284

- 10 têts à rôtir, F compris entre 10 et 30 cm - 10 bonbonnes


de verre paillées de 25 1
- quelques draps de lin et d’éponge pour la rosée
- 5 ou 6 bassines en tôle émaillée de 10 à 30 litres - 2 à 5
matras en verre pyrex de 1 à 3 litres
- une dizaine de cornues en verre pyrex de 0,3 à 1,5 litre - 5
bouteilles de conservation des sels - idem pour les esprits
- 3 vases de lavage
- une dizaine de vases de putréfaction ou jarres
- quelques éprouvettes en verre pyrex et pinces
- becs Bunsen, grilles, filtres, entonnoirs de verre et le petit
matériel de chymie profane - 3 vaisseaux de circulation en
verre pyrex et en terre - 2 vaisseaux jumeaux en verre
pyrex et en terre - une dizaine de coupelles en cendre d’os
- tout le matériel de calcination : cendriers, brûle-plantes ...
- quelques ballons sphériques de contenance variée -
quelques neufs de coction en terre lutables - 1 mortier en
bronze ou en fonte - 2 cornues en grès
- serpentins et refroidisseurs
- une dizaine de cristallisoirs
- 2 mortiers en porcelaine ou en grès
- quelques creusets de fusion et ensemble régule - cucurbite
et tête de Maure en verre et en terre - 1 ou 2 moules
métalliques de fusion
- quelques briques réfractaires pour constructions spéciales
- 3 vinaigriers
- 2 sublimatoires
- 1 athanor adéquat, balance, trébuchet - un prisme
Le reste est pour les disciples avancés, comme retortes à
double col, têtes de Maure disposées
en aludels,...
Voie Humide :
Tout le matériel de spagyrie, plus :
- 1 athanor supplémentaire spécialement conçu - 1 neuf de
coction en très fort verre réfractaire - quelques plaques de
marbre
- des pinces adaptées à l’athanor
- des ballons de contenance 6 litres bouchons émeri de
grands cristallisoirs 4 litres - un miroir plan

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 285

Voie Sèche :
- 3 cristallisoirs de 1 à 2 1, dont un à fond plat
- 2 vases de lavage de 2 1
- 5 bouteilles de conservation des sels de 1,2 1
- 2 bouteilles de conservation des esprits pour huile
incombustible
- 10 bonbonnes paillées de 25 1, en plus du nécessaire de
ramassage de la rosée ( draps, entonnoirs, cuves, ... )
- 10 têts à rôtir, F 10 à 20 cm
- entonnoirs et papier filtre
- vase de cristallisation pour les sels de 3 1
- 2 plaques de marbre
- 5 cornues en terre de 0,75 1
- 1 matras de circulation en terre ( dépend de la route prise
par l’artiste au deuxième œuvre ) - 50 creusets : 10 de
séparation, 30 de purification, 10 pour les aigles - 1
sublimatoire spécial pour le soufre
- 3 ensembles régule
- 1 ensemble coction

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 286

- quelques creusets spéciaux pour les aigles, que les artistes


demandent lorsqu’ils en sont là, car il existe de particulières
conditions de transformation du lion verd en lion rouge - 1
athanor très solide, avec toutes sortes de pinces, moules
- 2 becs Bunsen, et 5 ballons de 6 l
- 2 grands plats en tôle émaillée
- quelques briques réfractaires
- cuillers verseuses et canne spéciale pour pêche de la
Remore
- 7 creusets spéciaux pour Mercure
- une balance à suspension
- 1 mortier en bronze ou en fonte
- 1 prisme
- 1 résonateur de son
BRÛLEUR TORCHE.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 287

Pour l’Art Bref


Tout le matériel de la voie sèche, plus - Athanor à enceinte
spéciale et miroirs - lunettes en verre F fumées
- plaques de plomb
- compteur Geiger
- vaisseau spécial hautement fritté - hélium
- lentille biconvexe
- ………..
Nous savons que bien des patentés nous reprocheront ce
descriptif surprenant de clarté. Ces mêmes, qui ont peur de
perdre leurs privilèges par l’énoncé de la vérité, vous
prétexteront, toujours par les mêmes procédés fielleux,
précédemment décrits au sujet des justifications, que nous
violons le « secret philosophique ». Et moi je vous dis que le secret
n’existe que dans les mentalités malades : le faire est le seul
gardien authentique, et c’est justement lui qui rend possible la
divulgation réelle des faux semblants.

Description sommaire de la confection d’une petite cornue Pour


fabriquer une petite cornue, il faut
- Définir et réunir les paramètres pour lesquels elle va servir,
c’est-à-dire les conditions précises de température, de milieu
physico-chyrnique, etc., afin de rassembler toutes les hypothèses
qui permettent de calculer la terre : chaque terre a sa fonction.
- Calculer la terre suivant un schéma de chimie céramique précis,
après avoir fait analyser les échantillons à 1 % près. Ce calcul
consiste à établir la formule stœchiométrique pour aboutir à la
formule pondérale en pour cent.
- Contacter les fournisseurs susceptibles de réunir les produits
qui ont été choisis en fonction de leur destination et des résultats
des calculs.
- Commander les fournitures, en général dans deux à quatre
lieux différents répartis en France. Pour

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 288

nos cornues : Bordeaux, Saint-Amand-en-Puisaye, Beauvais.


Réception des fournitures. - Faire sécher les terres.
- Doser les fournitures sèches.
- Incorporer les produits philosophiques élaborés auparavant : sel
de nitre chymique, vitriol de voie sèche, vinaigre des montagnes
ou armoniac. (On ne s’étend pas sur ces fabrications dont
chacune requiert au moins un mois de préparation).
- Les broyer à des granulométries différentes.
- En faire une barbotine.
- La raffermir sur rondeaux de plâtre.
- Tourner deux cornues, chacune comprenant : le vase du bas, la
cucurbite proprement dite, le nez. - Une fois raffermies,
tournasser les trois parties, deux fois.
- Ensuite, ajuster le vase du haut à celui du bas, placer le nez.
- Mettre les ensembles ainsi réalisés dans des conditions de
séchage idoines : une ambiance de 15°C, sans la moindre
variation de température. Pour ce faire, soutenir le feu dans
l’atelier de fabrication jour et nuit, sauf aux beaux jours.
- Surveiller le séchage des cornues toutes les deux heures,
déplacer les supports de séchage afin que les becs ne se tordent
pas dans le mauvais sens, et qu’il y ait le moins de
gauchissement possible.
- Une fois sèches, faire subir une première cuisson à ...°C, aux
pièces judicieusement placées dans le four afin - qu’elles ne
prennent aucun coup de flamme, cause de déformations, - que les
supports soient bien placés pour qu’ils rétrécissent en même
temps que les cornues,
- de refroidir uniformément, sous peine de fêlure. - Une fois
biscuitées, on meule les parties inadéquates.
- On replace ensuite les cornues dans le four, on replace d’autres
supports, avec les mêmes soins ; on recuit le tout à une
température très exacte, qui doit à la fois réunir la non porosité
aux liquides mais aussi la bonne porosité au feu externe. C’est à
5°C près.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 289

- On défourne, après un refroidissement adéquat, on jette une


cornue sur deux, celle qui a le plus de défauts.
- On essaie la cornue ; on s’aperçoit que la terre ne convient pas
très bien. On reprend tout au départ on recalcule les terres, en
modifiant les paramètres nécessaires. On recommence tout au
moins deux fois par chance, cinq fois dans de bonnes conditions et
dix fois dans des conditions malencontreuses.
Enfin, on arrive à obtenir l’ustensile correspondant aux
paramètres de départ.

Les conditions extérieures climatologiques sont, évidemment, de


toute première importance. Que pourrions-nous apporter de plus
aux précieuses descriptions données par Monsieur Canseliet dans
son Alchimie expliquée ? Rien pour ce qui concerne la voie
humide et la voie sèche, sinon peut-être une question d’altitude,
que nous avons déjà soulignée par ailleurs dans une autre
parution trimestrielle.
La seule donnée que nous nous permettons d’ajouter concerne
l’art bref, qui est, au cours de la manipulation ultime,
complètement dirigé par l’énergie de la foudre. Effectivement, un
moment précis de l’ouvrage brevia réclame la fabuleuse force de
l’éclair, mais nous n’entrerons que très peu en confidence sur ce
sujet car, pour l’avoir expérimenté nous-mêmes voici quelques
années, nous affirmons que l’opération est des plus dangereuses.
Nous en dévoilerons quelques données techniques dans la
troisième partie.
Lorsque vous saurez que le diagramme mars-minière a son point
de Curie (dont nous rappelons qu’il s’agit de complètes
modifications des qualités magnétiques) se situant à 560°C et
que, à l’aide d’un dispositif approprié, l’énergie de la foudre entre
littéralement au plus profond du bain, vous ne serez pas surpris
d’apprendre que des phénomènes d’ordre nucléaire se déroulent
d’une manière extrêmement rapide.
O indicibles souvenirs, quand, exilé pour la cause dans une petite
cabane de pierre à plus de mille cinq cents mètres d’altitude,

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 290

l’orage éclata, l’éclair transmutant d’un seul coup les sept métaux
dont je tentai la conjonction, dans le but de marteler les coupes
qui me servent durant la coction. Seul l’art bref vous offre les
ustensiles sans lesquels poursuivre au delà du deuxième œuvre
est impossible, capables de générer les sons, ou de transformer
ceux qui ont été émis en vue de les absorber. Les profanes
résonateurs sont insuffisants, je vous le dis, car ils requièrent des
conditions extérieures qui ne se reproduiront que trop rarement
d’ici le XXe siècle. Que mes fils n’ignorent point cet important
détail, qu’ils voient combien serait grave pour eux de s’identifier
complètement à la filiation que leur moi a choisi.
Profitons de cette échappée pour souligner le caractère
extrêmement personnel du travail alchimique. Vous n’avez pas à
reproduire exactement tel ou tel cheminement d’un maître, pour la
simple raison que jamais deux méthodes ne se ressemblent : c’est
pourquoi il n’est pas autorisé de divulguer dans le détail les
opérations philosophiques, dussiez-vous avoir le grade d’Adepte.
L’œuvre étant lui-même de source verbale, il est impensable
d’imaginer que deux parcours sont identiques. Autant je défends
les écrits des Maîtres, autant je vous interdis de reproduire pour
vous, comme aboutissement de votre œuvre, la précise route
d’iceux. Par image, Atorène ne peut aboutir avec ce qu’il écrit
dans son livre, c’est-à-dire en s’identifiant complètement au
parcours de Monsieur Canseliet. Cela est impossible, car cela
paralyse la Providence ! Cela ne veut pas dire que ce philosophe
soit douteux : il est peut-être l’un des plus authentiques de notre
époque nouvelle, pour être l’un des premiers à avoir mis l’accent
sur l’exercice au feu avec tant de déférence. On pardonnera,
conséquemment, quelques menues erreurs de style, l’exercice
pesant bien plus que les scribouillardes critiques parues dans La
Tourbe et vomies par des intellectuels considérants. Ces derniers
dévoilèrent en fait leur plan, eux qui jugèrent un livre de
pratique, alors qu’ils ne seraient pas même dignes de servir de
grouillot à Atorène. Précisons sur ce point que nous ne
connaissons pas ce philosophe.
Ecoutez bien, je vous prie, le message que je vous transmets. Oui,
vous devez obéir comme moins qu’un chien à un instructeur pour
votre formation et, lorsqu’il vous en donnera l’autorisation, vous
irez par vous-même vers votre destinée d’artiste. Ne croyez pas

290
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 291

que vous aurez tellement obéi que vous serez privé de toutes les
conditions pour évoluer vers votre voie, au contraire : vous aurez
tellement obéi que vous ne serez plus obstrué par votre moi et
que votre voie sera praticable.
C’est ainsi qu’aucun moderne ne peut trouver une méthodologie
complète qui expliquerait comment la Pierre se conçoit, car voilà
qui est tout bonnement impossible. Chaque artiste a utilisé les
chemins que la Providence lui a commandés sur l’heure de sa vie,
là où il oeuvrait, là où il vivait. Comment concevriez-vous que les
indications rigoureuses de nos Pères vous sont destinées ? Ce
serait tuer toute évolution, toute personnalisation de l’être, cela
n’aurait d’ailleurs même pas pu commencer. Seuls les principes
restent immuables.
Si les instructeurs relatent leurs propres expériences, ce n’est pas
pour que vous vous comportiez comme des perroquets, c’est pour
vous montrer comment cela leur est arrivé. N’oubliez jamais,
n’omettez jamais de garder à l’esprit la question ou l’observation
« voilà comment cela leur est arrivé » car, en sous-entendu dans
votre inconscient, au lieu de lui laisser son funeste libertinage,
vous posez aux racines de votre existence la même question,
comme par des petits coups de marteau « comment cela arrivera-
t-il pour moi ? ». Et du même coup, vous dynamisez votre
aspiration, au lieu de la couvrir du voile opaque de
l’identification. Alors la porte s’ouvre.
Nous trouvons une image des précédentes affirmations dans la
description sommaire de plusieurs chemins en voie sèche, par
exemple, qui ont tous été abondamment décrits par les Adeptes,
d’où les confusions dans l’étude. Aucun d’eux n’ont pourtant une
action efférente.
Citons celui de Fulcanelli qui, à compter du deuxième œuvre,
extrait la terre adamique, s’exécute aux aigles avec l’étoile
dûment purifiée et son vitriol, au dessus de la terre tassée et
assoiffée ... Par contre, telle autre route extrait l’huile
incombustible à partir du vitriol et la distille d’une certaine
manière par voie sèche pour aboutir au sel des sages qui, plus
tard, permet d’aboutir au Mercure. Une autre permissivité
consiste, à partir du caput, à détacher littéralement le soufre d’or
contenant en lui le Soufre fixe et, au lieu d’user l’étoile parfaite,

291
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 292

on utilise alors le résultat d’une distillation sèche de ladite étoile,


conjointe avec du mercure vulgaire préparé dans le dû.
Tous ces artifices peuvent prendre la dénomination de « voie
sèche ». Il existe encore bien davantage de possibilités en voie
humide, peut-être plus de cent. Par contre, l’Art brevia est très
réduit en éventualités philosophiques, moins de cinq à ma
connaissance. Evidemment, plus on monte en température et
moins les moyens chymiques trouvent leurs degrés de liberté.
Nous l’avions souligné en son temps : vous devez exercer l’Art
dans son ensemble, ce qui vous permettra de ne pas être paralysé
par l’ignorance au moment où des opérations d’autres voies vous
seront demandées. Il vous faut savoir travailler tous les métaux,
entre autres, de comprendre comment on les purifie, comment on
les prépare en vue des transmutations. Il vous faut découvrir de
quelle manière on peut traiter un même métal dans les trois
voies, et d’aboutir au même résultat, en sachant dégager Sel,
Mercure et Soufre par les divers artifices possibles.
Une autre ambiguïté est généreusement employée par les
Adeptes pour égarer et à la fois renseigner l’aspirant, c’est celle
du Mercure. Pourquoi dissertons-nous fréquemment sur le
mercure ? De quel mercure s’agit-il ? Deux écoles hantent la voie
sèche, parmi d’autres, et l’on pourrait dire qu’elles en sont les
deux extrêmes : l’une qui utilise le mercure coulant vulgaire mais
préparé adéquatement, l’autre qui nomme son principe Mercure
par le nom mercure car il est son homonyme du point de vue du
langage des oiseaux - comme son image. Aussi ne vous étonnez
pas des descriptions qui affirment s’accompagner du mercure
vulgaire, pourvu, bien sûr, qu’il entre avec parcimonie au cours
de l’œuvre ainsi que d’une manière parfaitement contrôlée. Car,
prenez garde au mercure vulgaire, qui est un des plus
merveilleux des métaux mais également le mieux gardé.
Apprenez que, comme toute citadelle, s’il est le mieux gardé, c’est
qu’il renferme un beau trésor, mais aussi que, pour venir à bout
de sa fermeture, il faut être armé mieux que les autres ...
Conséquemment, n’ayez aucune prétention à pénétrer les secrets
du mercure vulgaire si vous n’en êtes pas digne, c’est-à-dire si
vous n’êtes pas d’excellent guerrier. Savez-vous donner l’essor à
la Colombe, savez-vous transvaser un liquidus mercuriel d’un
vase à l’autre à pleine température, savez-vous contrôler la gerbe

292
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 293

d’étincelle de mars au point où il naît ? Si vous ne pouvez faire


tout ce que je vous dis, vous n’êtes pas habilité à vous mesurer
avec le mercure vulgaire. Et si oui, alors armez-vous de vaisseaux
spéciaux, dont la particularité est l’extrême soin avec lequel ils
sont façonnés, ne pouvant laisser la moindre parcelle d’air-
principe y séjourner.
Si d’énormes différences subsistent quant aux méthodologies, il
ne saurait être question d’autant de particularités dans les
matières de départ. C’est la raison pour laquelle tant de
confusion règne au sein des descriptions aussi diverses
qu’authentiques, mais quelquefois douteuses. En effet, seulement
quelques toutes premières matières sont réclamées par Diane
dans le but d’élaborer la Pierre des Philosophes du point de vue
terrestre. Dans son immense générosité, Dame Nature offre aux
chercheurs d’innombrables chances, aussi dénombrables qu’il
existe d’éléments et de combinaisons d’éléments. C’est juste le
particularisme de la situation terrestre, vis-à-vis de son étoile et
des autres planètes, mais également de la place du système
solaire dans la galaxie, qui nous commandent l’emploi de
matières plus adéquates que d’autres. En termes différents, si
nous admettions l’hypothèse d’une vie martienne ou vénusienne -
qui n’est encore qu’au stade que l’on pourrait rapprocher de la
bactérie sur l’une d’elles -, d’autres matières que les nôtres
seraient le point de départ de l’œuvre philosophique. En quelque
sorte, tout dépend où vous voulez aller. Imaginez l’existence
d’abondantes possibilités du Magistère, selon les places et les
niveaux de matérialité des stimulateurs ( qui chez nous se
nomment alchimistes) dans l’univers. Afin d’objectiver votre
situation sur terre, ici, seule la Pierre des Philosophes, dans la
grande voie alchimique, vous mènera au terme de votre
aspiration. Vous pourriez très bien choisir un chemin différent,
qui n’irait pas vers cette objectivation, mais par exemple à
l’envers, dans la direction opposée. Il vous faudrait dans ce cas
d’autres matières premières, dont l’aboutissement serait le
moyen qui vous y autoriserait. Mais la compréhension de ceci est
réservée aux êtres avancés.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 294

Dans votre cas, attardons-nous quelques instants sur le Sujet et


sur son mâle, dont l’application concerne toutes les voies.
Si chacun d’entre vous sait tirer un régule de la pierre d’Ouche,
quelques difficultés subsistent encore pour la conjonction ou
séparation. Aussi permettez-moi d’énoncer un certain nombre de
choses relatives à cette partie de l’œuvre que vous n’avez jamais
entendues et qui, au premier abord, pourraient vous sembler
curieuses et peu aidantes. Mais, si vous y prenez garde dans le
sens que je souhaite, vous trouverez les réponses aux questions
majeures concernant la conjonction philosophique. Auriez-vous
déjà saisi que, derrière mon langage pseudo-scientifique
quelquefois employé, se cachent analogiquement les arcanes que
je veux vous révéler ? En outre, de quelle manière pourrions-nous
mieux créer la confusion dans les esprits envieux ? Croyez que les
principes de l’Art ne sont pas délaissés en ces termes. N’affirmez
pas que l’Art ne peut être que sous l’unique domination du
langage poétique, sous prétexte que vous ne voulez pas vous
efforcer au langage d’aujourd’hui. Je suis au regret pour ceux qui
tiennent désespérément à cette attitude : de tout temps, les
philosophes ont parlé le langage de leur époque. Or donc, si vous
déplorez l’absence de poésie en ces termes, il est temps que vous
compreniez que l’Alchimie a aussi sa part de conduites purement
terrestres. Pour ceux qui seraient particulièrement entêtés, qu’ils
revoient en eux-mêmes la fixité de la conjonction de la fonction
affective à la fonction intellectuelle. En outre, certains maîtres,
qui pouvaient vraiment arborer le qualificatif de poètes, furent
dépositaires de cette transmission bien mieux que je ne pourrais.
Tout d’abord quelques données sur le Sujet.
La purge minérale, à l’aide du dispositif de l’ensemble régule,
doit s’effectuer relativement rapidement. Il ne faut pas que le
liquidus reste trop longuement en cuisson, sous prétexte
d’attendre que la liqueur sulfureuse soit totalement exprimée.
Mieux vaut perdre une légère quantité restant captive dans les
parties reculées de silice ou de chaux, que de trop cuire et de
commencer, par oxydation excessive, à former un verre. Vous
auriez les plus grandes difficultés après, la moitié sulfureuse se
séparant mal de l’eau pure, où, par delà la séparation
proprement dite, les purifications étoilées garderaient la partie
non rixe du sel et le vitriol ne verrait jamais la nuit. Vous serez

294
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 295

très prudent quant aux émanations gazeuses qui se dégagent


durant l’opération de purge minérale ; qu’en aucun cas vous ne
respiriez ces vapeurs, extrêmement nocives. De même, vous
garderez cette attitude durant les séparations.
Prenez garde de ne pas tomber dans un des deux excès qui
consiste soit à vous emparer des manipulations comme
l’animique, ou de laisser agir le poison de votre perfectionnisme.
N’imposez pas aux matières, quel que soit votre avancement dans
l’œuvre, la pression de votre subjectivité, mais attachez-vous à
leur offrir les conditions justes par lesquelles leur évolution est
possible cosmiquement, pour lesquelles elles ont l’identité du
moment. Vous aurez l’occasion, plus loin dans les étapes, de
présenter à tous vos extraits les plus fines valeurs de votre être,
qu’il ne faut pas dilapider dès les premières heures. N’ignorez
plus qu’un régule est plus une opération de métallurgie fine -
avec tout le respect que vous devez à son devenir, et c’est ce qui
nous sépare des métallurgistes -, qu’une cérémonie du niveau du
deuxième œuvre. Au début, seulement une infime partie de vous-
même, la plus grossière, est en contact avec l’expérience, partie
qui, au fur et à mesure de votre avancement, se fondra de plus en
plus globalement pour, en finitude, trouver sa complète
dispersion en Dieu.
Ne sanctifiez pas une extraction réguline, tout comme le
samouraï ne déifie pas son inséparable katana, sans lequel il ne
saurait vivre. Analogiquement, respectez le régule avec la toute
semblable déférence que vous auriez pour votre épouse avant
l’acte d’amour. La matière ne peut être un objet, ni vraiment
vivante, pour l’heure. Elle est en passe de devenir : votre égard
sera surtout porté sur l’attention avec laquelle vous préparez la
communion ultime, dont vous n’êtes pas le prêtre ni le témoin,
mais lui ou elle. Parez-vous selon votre grade. Hommes, soyez
chastes intérieurement avec le régule, ne libérez pas vos pensées
phantasmagoriques qui prévoient ce que vous pourrez en tirer,
avec envie et dans l’ambiance d’une espérance égoïste. Préparez
le mâle avec honneur et dignité, avec force, promptement, sans
gémissement, comme un guerrier qui atteint la noblesse du
chevalier. Femmes, voyez comme le régule adopte toutes les
formes, observez et admirez la clarté de son eau, la brillance de
son miroir, net, sans tache, sans esprit fourbe fomentant des

295
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 296

plans cachés. Préparez le mâle avec respect, avec méthode,


obéissantes et secrètes, avec révérence. Invitez-le au lieu de le
contraindre, montrez-lui combien vous savez vous effacer pour
que le meilleur en vous soit remarquable.
Le Sujet lavé de sa gangue se brise net et offre aux yeux de
l’artiste ses merveilleux cristaux, admirablement rangés le long
du tronc central, véritable épine de vie. Purgez plusieurs
kilogrammes d’un coup, passez-y une bonne partie de la nuit,
débutez voire en fin d’après-midi. Six heures au four vous
permettront de faire la provision de cinq à six cônes d’un bon
poids, selon votre habileté. Sur trois ou quatre fois, vous aurez
peut-être détruit le nombre identique d’ensemble régule, mais
vous pourrez mettre en assation les quatre kilogrammes requis,
et vous en aurez deux fois plus en cave, dûment à l’abri, pour
l’année suivante ...
La seconde phase est bien entendu Passation qui, nous l’avons
souligné plusieurs fois, doit reproduire durant quarante jours ce
qui se déroule dans les entrailles de la terre. Ici, il ne nous est
pas permis de dévoiler comment Elle revêt son pourpre manteau,
autrement qu’en vous recommandant vivement de descendre au
fond de la mine, à l’aide des précautions d’usage. Cette réalité
dans laquelle vous vous placez vous-même vous fera constater
combien les petites attentions maternelles de la Dame confortent
le Sujet, sans cesse nourri dans une ambiance dont le débit d’Air-
principe est régulé. Il s’agit pour vous, évidemment, de
reproduire très exactement ces conditions. Inutile d’affirmer
présentement les dangers que nous encourrions si nous nous
livrions à la complète description du phénomène : nous
tomberions inévitablement dans les affres intellectuelles dont il
est trop souvent question en face de ce genre de situation. Allez
au fond de la mine, je ne vous dirai rien de plus. Touchez, sentez,
voyez, entendez et goûtez. Puis, dérobez-vous et mettez-vous à la
place du Sujet.

296
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 297

Le bon régule requis pour le travail.

L’assation débutera quarante jours au moins avant la première


lune montante de printemps, c’est-à-dire, naturellement, aux
préparatifs du début de Carême, eux-mêmes tout nouvellement
précédés des purgations, après que la minière ait été sortie de
son gîte au moment, et spécialement mise en cave comme en
mine. Cette opération marque vraiment l’inauguration de l’acte
philosophique, alors que la quête du Sujet dans le gîte représente
l’atmosphère de la Science. Essayez-vous sur des régules non
assassés, mais prenez beaucoup de soin à réussir cette étape
lorsque vous débuterez vraiment votre grand œuvre, car, ne vous
y soumettant pas, vous surprendriez le soufre qui se retirera :
vous lui aurez montré votre indignité, ce que ne saurait tolérer le
Soufre-principe.
Même dans la mine, le Sujet est cristallisé sous forme de
trisulfure. Nous avons en général, dans le régule, sans tenir
compte des autres corps en présence infime mais indispensable
comme arsenic, or et bismuth, un poids moléculaire de 338 : le
Sujet lui-même en l’indice 2 vaut moléculairement - selon la
petite science - 242, et adjoint à l’indice 3 du soufre vulgaire (32 x
3 = 96), la somme s’évalue à 338. A titre d’exemple, l’oxyde de
sodium s’écrit pour le profane Na2O ; il est composé de 2 atomes
de sodium Na - indice 2 - et de 1 atome d’oxygène - indice 1 -. En
comptage ésotérique, je vous signale exceptionnellement que la
somme mystique de 338 égale 5 (3 + 3 + 8 = 14 ; 1 + 4 = 5), chiffre

297
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 298

indiquant curieusement le carré surmonté de sa signification :


l’étoile à cinq branches des souffrances matérielles et terrestres,
destin précis du Sujet.
Le trisulfure cristallise dans le système orthorhombique, les
dimensions des mailles étant respectivement l’une 11,39
Angstroem ( 1 Å = 1/10 000 micron ), l’autre 11,48 Å et la
troisième 3,89 Å. La forme de ce cube est aplatie, et il y a quatre
molécules du Sujet par maille. Sa densité est voisine de 5, selon
son origine et sa composition, et sa température de fusion est de
545°C environ, toujours selon les éléments en présence. Sa
chaleur de fusion est de 17,5 calories par gramme, ce qui est très
important pour la surfusion qui engendre les particuliers.
Il se sublime en l’absence de sels dès 500°C, du moins dans une
partie de son soufre vulgaire -
qui entraîne lui-même indubitablement son quota de soufre
philosophique -, c’est pourquoi je vous recommandais, en outre, la
promptitude sans hâte de la purgation, car l’indice 3 de soufre est
requis lors de la séparation, sinon votre caput ne se délierait pas
... Par ailleurs, ne chauffez pas trop, car le trisulfure entre en
ébullition vers 1090°C, qui est la couleur jaune clair du creuset.
Vous trouverez, en enceinte fermée
Apparition du rouge 475°C

Rouge sombre 475 à 650°C

Rouge cerise 650 à 750°C

Rouge cerise brillant 750 à 815°C

Orange 815 à 900°C

Jaune 900 à 1090°C

Jaune pâle 1090 à 1300°C

Blanc 1400°C
Blanc éblouissant à partir de 1400°C et plus

Ces couleurs sont très fiables pour celui qui est expérimenté. Un
bon manipulateur, rien qu’à l’évaluation de la couleur, peut vous

298
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 299

affirmer une température à 20°C près, même aux plus hauts


régimes.
Prenez donc garde au jaune pâle ou clair, car le niveau
thermodynamique du trisulfure sera tel que votre soufre sera
complètement détruit. Rendez-vous compte que la pression de
vapeur, à 500°C, est de 1,17 mm de mercure, alors qu’à 650°C,
elle passe déjà à 13,45 mm pour monter exponentiellement au fur
et à mesure du feu externe. Le bon régime de la purgation semble
être celui des 700° à 800°C.
A froid, les cristaux du Sujet sont très mauvais conducteurs,
alors qu’à chaud ils le sont excellement (question majeure pour
l’Art Brevia). De plus, la conductibilité augmente à la lumière et
triple même en valeur en lumière blanche. Inutile de vous dire
qu’avec l’éblouissante clarté issue de l’éclair, le Sujet devient
supraconducteur (c’est comme si sa résistance devenait nulle) ;
c’est vous montrer combien il est alors ouvert.
Le trisulfure est de plus photosensible, mais il faut qu’il soit
relativement pur - un Sujet d’une grande qualité est
effectivement requis pour la voie brève, dont on reconnaît les
filons à une couleur particulière -. Je n’oublierai pas de vous dire
non plus que la couleur que prend le Sujet, et nous pourrions
même appliquer cette propriété au caput, dépend de la finesse
des grains.

La vie végétable du Sujet : les feuilles de fougère, précédant l’Etoile des


Mages, est le niveau de pureté requis pour les petits particuliers.

299
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 300

Permettez-moi d’ajouter, pour les studieux qui en auraient saisi


l’occasion ici cachée, que vous pouvez augmenter le réseau
cristallin par un palier de température à 200°C, ce qui a pour
effet de rendre plus belle encore cette Femelle.
Comme il a été formé aux entrailles de la terre avec grand
dégagement de chaleur, il lui faut peu de feu externe pour fondre,
car le Sujet en a au fond de lui plus qu’il n’en faut. C’est ce qui lui
assure une stabilité à basse température. Mais, sur la fusion et
pour les particuliers qui demandent un temps très long de
liquidus-solidus, de graves questions de réduction se posent, dont
les philosophes viennent à bout après des années d’efforts. En
fait, si vous réduisez l’atmosphère afin de ne point faire venir la
terre ou l’oxyde, ce n’est que par les moyens permis par nos
combustibles, c’est-à-dire par le carbone. Or, ce genre de
réduction - mettre de la fumée dans l’enceinte - place le Sujet
dans la réaction chimique suivante :
Sujet + 2CO - métal + 3COS
réaction réversible, qui engendre de l’oxysulfure de carbone, cette
infâme pellicule qui souille la surface et qui empêche le labourant
de poursuivre son travail, voilant l’interface atmosphère-cristal
en formation. D’autres moyens réducteurs sont exigés par le
trisulfure. Il doit d’abord être débarassé de son soufre par
séparation, et ensuite donner, au dessous de son vitriol encore un
peu sale, son image végétable offrant à l’artiste les très belles
feuilles de fougère, précédant l’impact de l’étoile. C’est à ce stade
que vous pourrez commencer la surcuisson et, dûment réduit à
l’aide d’un vaisseau spécial que les cuisiniers connaissent bien, le
temps de surfusion qui est normalement de quarante jours se
réduit considérablement. Mais il vous faut au préalable et comme
nous vous l’enseignons dans notre troisième partie, préparer ce
végétable métal.
Pour ce qui concerne l’Art bref, lorsque l’on saura que la tension
de vapeur du Sujet varie forcément en fonction de la température
selon la loi
llog v = 8 – 9000/T où v est la tension de vapeur en mm de
mercure, T la température absolue,

300
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 301

on pourra déterminer toutes les conditions de l’expérience,


moyennant quelques calculs qui détermineront les épaisseurs, les
diffusions et les vitesses de réaction.
Liez ces données à l’étude de l’attraction des particules du Sujet
baignant dans un liquide paramagnétique placé dans un fort
champ magnétique, et vous aurez la plupart des conditions
exigées pour le quatrième art. Il ne vous manquera que
l’autorisation de Dieu, « que » si l’on peut dire, car vous avez le
choix entre votre témérité qui risque dans quatre-vingt-dix-neuf
cas sur cent de vous coûter la vie, et la lumière de Marie qui vous
protégera. Entendez bien : la lumière de Marie.
Ne me reprochez pas ce langage derrière lequel se cachent de
grandes choses. Les vantards me qualifieront d’indigne, parce
que j’ose mêler la Science avec la science : je les mets au défi
d’affirmer que tous les travaux des hommes sont stériles. Qu’ils
ne masquent pas leur ignorance derrière de prétentieuses
attitudes, dont la Dame n’a que faire. Croyez bien que les
torchons ne sont pas mêlés aux serviettes. Je vous invite à vous
familiariser avec une relative rationalisation des vues, pour les
poètes, alors que je commande aux scientifiques de se
déstructurer.
Pour finir sur le Sujet, voici en méditation le diagramme de
fusion du métal avec le mars. Je vous donnerai plus bas celui de
mars conjoint au soufre, afin que vous puissiez comparer les deux
et en tirer de très importantes données pour les séparations.

301
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 302

Et, si un jour, au cours d’une de vos purifications mercurielles,


l’image sainte de l’étoile ne vous était pas donnée, il se pourrait
que le sel nitre en soit la cause. L’équilibre de la part des sels est
très important. En fait, il ne s’agit pas vraiment de 50/50 sur le
1/15e : tout dépend de leur pureté respective. Si votre vitriol colle
à la surface, même à froid, vous arrachant l’image de l’étoile,
broyez bien fin et lavez à grande eau céleste distillée très chaude,
car vous avez formé par excès de force nitre un alliage potassique
qui a sa propre structure moléculaire. Vous reconnaîtrez cela au
goût violent que garde le Sujet ainsi purifié. Après lavage,
refondez avec un sel issu d’une lessive de soude spéciale, et vous
aurez ce que vous recherchez. Ajoutons que, pour ne pas être
victime de cet excès de zèle, le 1/15e de sels ne reste pas
quinzième au fur et à mesure des purifications mercurielles.
Remerciez Marie.

Laissez-moi vous expliquer comment il convient de lire ces


diagrammes. Et tout d’abord, comment s’effectue le calcul des
quantités pondérales en présence dans notre Sujet. Il a la formule
: Métal à l’indice 2 . S.
On sait qu’il a un poids moléculaire de
2 x Poids atomique métal = 2 x 121 = 242
3 x Poids atomique soufre = 3 x 32 = 96
Poids de la molécule 338

302
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 303

Par simplification, nous dirons que la mole du Sujet est de 338


grammes, la mole étant le poids moléculaire d’un corps exprimé
en grammes.
Ce qui donne, en pour cent :
Métal : ( 242 : 338) x 100 = 71,5 grammes

Soufre : ( 96 : 338) x 100 = 28,5 grammes

Cela veut dire que sur 100 grammes de votre régule, vous avez en
présence 71,5 grammes de métal et 28,5 grammes de soufre. Le
principe de calcul restera le même pour la lecture des
diagrammes de fusion, à condition de prendre garde à l’abscisse
qui peut être exprimée en atomes ou en poids.
Dans les deux diagrammes, il s’agit d’ensembles binaires (il y a
deux corps). Nous représentons donc en horizontale la variation
en % de poids des deux corps en présence : complètement à
gauche zéro de l’un et 100 de l’autre. A droite, inversement. Puis,
en verticale, tout simplement la température, pour les deux
éléments. Ce qui fait qu’un point P, celui que vous choisissez,
exprimera en abscisse la composition précise de l’alliage, et en
ordonnée la température à laquelle vous considérez cette
composition.
Ainsi, tout point P, P’, P", P"‘, ... , du diagramme représente donc
un alliage à x % de métal - et par conséquent à (100 - x)% de
soufre - en équilibre à la température t.
L’état physique de l’alliage vous révèle que
- le point P choisi au dessus du liquidus, l’alliage sera
complètement liquide.
- P’ entre liquidus et solidus, l’alliage est en partie liquide, en
partie solide (c’est le cas de la surfusion et de la séparation qui,
vers 1100°C, n’a pas de fer fondu. Le fer s’empare seulement du
soufre, dissocié du Sujet, qui, lui, est fondu).
- P" au dessous du liquidus, l’alliage est entièrement solide.
De plus, lorsqu’on examine les phases de l’alliage considéré à
l’état solide, on peut savoir s’il est homogène (il ne comporte alors
qu’une phase unique, ce qui n’est jamais le cas pour nous sauf sur

303
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 304

le régule dépourvu de sel), ou s’il est hétérogène (il comporte deux


phases en général, cas de la purification mercurielle et son
vitriol, cas de la séparation qui donne le métal et le caput).
Dans les alliages hétérogènes, on peut calculer ou évaluer
sérieusement le rapport des masses des deux phases coexistantes
par application de la règle mathématique des segments inverses.
Notre séparation comporte un point eutectique (eutectique : point
fixe de température de solidification ou de changement de phase
fixe d’un alliage) à 520°C. Cela veut dire qu’à cette température,
l’alliage se fixe tout en se séparant et cela, pour un rapport de
4/9e vis-à-vis du mâle.
Cela revient à calculer, pour 100 grammes
100 : 13 = 7,69 une part ( 4 + 9 = 13 parts totales)

4 parts vaudront

7,69 x 4 = 30,77 grammes de mars

La part du Sujet sera de 100 - 30,77 = 69,23 grammes

Bien entendu, on peut tracer le tableau suivant


Poids total Poids du Sujet Poids de mars

100 69,23 30,77

200 138,46 61,54

300 207,69 92,31

400 276,92 123,08

L’ambiguïté du rapport 4/9e réside simplement dans le fait que ce


sont les deux éléments en présence qui doivent être dans le
rapport 4/9e, autrement dit 4 parts de l’un - le mâle - et 9 parts
du Sujet. Le rapport réel entre eux sera : 9/4 = 2,25, ce qui se
confirme par le rapport, pour 300 grammes : 207,69 : 92,31 = 2,25
Pour 300 grammes, on a pondéralement dans la balance

: 207,69 g
: 92,31 g

304
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 305

Il ne reste qu’à préparer le 1/15e des 2 sels.


Apparemment, il y a plus de poids du Sujet que de mars. En
réalité, le nombre d’atomes de mars est plus élevé : cela confirme
l’ancestrale loi de la procréation, où plusieurs germes mâles
doivent assurer un seul germe femelle. En effet, sur 100 g

: 69,23 g
: 30,77 g
En recherchant les quantités molaires

: 69,23 : 338 = 0,204


: 30,77 : 55,8 = 0,551
(On divise les poids par les poids moléculaires en vue d’obtenir
les rapports molaires, qui indiquent les quantités d’atomes ). On
observe que 0,551 : 0,204 = 2,7. Donc, l’alliage Sujet-mars
renferme 2,7 fois plus d’atomes de mars que de Sujet. En d’autres
termes, la femelle est entourée d’au moins deux homologues
mâles ... dont un seul, naturellement, sera l’élu, engendrant le
Soufre fixe. Plus tard, les morts seront en compagnie du caput.
Leur âme, comme dans le grand cycle des réincarnations,
donnera vie au Remora, par insufflation, lors de l’initiatique
étape des aigles.

Notre mars est un métal a priori élémentaire, mais qui renferme


au fond de lui de fabuleuses richesses. De nos jours, il est très
difficile de le trouver à l’état requis pour l’œuvre, comme le
dénichait Monsieur Canseliet, par exemple, voici vingt ou trente
années. Ce fer était celui de Suède, très finement élaboré et
malheureusement inabordable aujourd’hui, malgré le fait qu’il ait
gardé sa dénomination « fer de Suède ». Je ne vous engage pas à
l’utiliser, parce qu’il n’a plus rien à voir avec le vrai, pourrions-
nous dire. Sa qualité s’est grandement frelatée, même si les
analyses physico-chimiques vous démontrent le contraire : les
moyens d’élaboration ont tué son âme.
Le fer de Suède était appelé « affinage de bas foyer », car il était
dans ce pays tiré de la fonte dudit, elle-même extraite dans les

305
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 306

bas foyers des hauts-fourneaux alimentés au charbon de bois.


Voilà pourquoi sa renommée fut grande. De plus, les minerais qui
entraient dans la fusion étaient choisis très purs, principalement
composés de magnétite. Ainsi, la fonte retirée était déjà très
pauvre en silice, en manganèse, en soufre et en phosphore,
principales tares de l’affinage industriel classique.
La fabrication dite à bas foyer est celle qui met directement en
contact la fonte au combustible, le charbon de bois étant employé
pour ne pas polluer le métal en soufre. En outre, une part « mère
» était placée entre les couches de minerais et de charbon de bois,
c’est-à-dire une première couche de combustible, une autre de
minerai et enfin une troisième de fonte tirée de la coulée
précédente, puis, une autre couche de combustible, etc... Ensuite,
un préchauffage était insufflé à l’aide de tuyères, l’air chaud sous
une légère pression était auto-réchauffé au contact d’une sorte
d’échangeur de chaleur accolé au haut-fourneau, ce qui fait que
cet air apportait à la fusion l’oxygène nécessaire préchauffé au
préalable à 350°C.
Dans ce processus de fusion, l’affinage s’effectue par
l’intermédiaire des scories du minerai, commençant dès que des
scories d’oxyde de fer apparaissent, ces dernières étant
suroxydées par l’oxygène de l’air soufflé, puis fortement réduites
en FeO par les impuretés de la fonte. L’intérêt d’un tel affinage,
outre l’emploi de charbon de bois, était que le cycle
thermodynamique du point de vue oxydation-réduction était
complet, et qu’il appartenait au même niveau des mondes : le fer
gardait ainsi son âme. De plus, il autorisait des quantités
artisanales, ainsi que l’emploi de basses températures, de l’ordre
de 1400°C, car l’oxydation et le processus de scories étaient
suffisants pour une bonne purification. En effet, dès que la
décarburation commence, le bain se met à bouillonner et, au
moment où le liquidus du diagramme fer-carbone est atteint, des
cristaux de fer assez pur se détachent des scories et tombent au
fond de la masse liquide, jusqu’en bas du haut-fourneau, où il ne
reste plus qu’à le cueillir. Par la suite, la décarburation continue
d’elle-même, parce que ce fer a emporté avec lui un peu de laitier,
qui le purifie en liquidus par le contact de l’air (comme une
purification mercurielle). On obtenait de la sorte un fer très bon,

306
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 307

avec une teneur en carbone inférieure à 0,02%, ce qui est


extraordinaire.
En fin d’opération, le fer pur s’amassait en boules, d’une manière
pâteuse, et il ne restait plus qu’à le battre à la forge, opération
appelée « cinglage » et qui finissait par chasser complètement les
scories : ce fer était mou.
O merveilles de la Providence, lorsque je pus assister moi-même
à un affinage chez mon Maître, qui avait réuni pour l’occasion
quelques savants dans les Arts métallurgiques. Travail
inoubliable qui dura une semaine entière, le petit fourneau bâti
de main d’homme nous offrit une tonne de ce merveilleux fer,
dont chacun eut sa part. Imaginez l’atmosphère qui régna durant
cette semaine, les experts en Science se relayant jour et nuit,
alimentant la gueule de l’athanor spécial par le haut, la fusion
elle-même s’étendant sur quarante-huit heures, très lente, mais ô
combien émouvante. La pièce qui nous servait de dortoir, au bout
de toutes ces heures, semblait appartenir à un autre monde. Plus
tard, l’odeur du feu, qui avait imprégné ma peau, me poursuivit
durant quinze jours, comme si j’étais descendu aux enfers. Et,
instant d’intense jubilation lorsque le Maître m’autorisa à
reproduire une seule fois l’expérience, à l’époque de mon choix, en
compagnie de futurs labourants sincères.
Aussi, je vous dis qu’un jour, si Dieu le veut, je réunirai quelques-
uns d’entre vous pour refondre traditionnellement ce mars, afin
que les temps futurs soient comme les temps passés. Soyez
assurés que je n’y manquerai pas et que le rendez-vous est déjà
fixé pour la plupart d’entre vous.
Voici les caractéristiques et analyses de ce Mars. Tout d’abord
son uniformité et l’homogénéité de sa structure cristalline, très
excellente, le place au-dessus de tout ce que nous avons pu
observer par ailleurs. Le pourcentage d’impuretés est très bas
Phosphore 0,02
Soufre 0,015
Carbone 0,02
Manganèse 0,10
Silicium 0,05
Cuivre 0,10

307
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 308

en valeurs maximales et en pourcentage. Cela veut dire que, par


la mise en œuvre précédemment décrite, notre mars renferme
moins de 2 grammes de phosphore pour dix kilogrammes. Sur les
92,30 - grammes d’une séparation, il subsiste seulement 0,018
grammes de phosphore, et le même poids en carbone ... (voir la
Troisième Partie).
Ses propriétés mécaniques :
Charge à la rupture : 27kg/mm2
Limite élastique : 14 kg/mm2
Allongement % : 35
Dureté Rockwell : 26
Ses autres propriétés :
Point de fusion : 1532°C
Poids spécifique : 7,86
Chaleur spécifique : 0,107 cal/.°C
Conductivivté thermique : 0,175 cal.cm/cm2.s.°C
Coefficient de dilatation linéaire : 0,0000121°C
Chaleur latente de fusion : 64,9 cal/g
Volume atomique : 7,1
Variation de sa résistivité en fonction de la température :

Valeur de son induction de saturation : 21560 gauss atteinte pour


un champ magnétisant de 500 Œersteds seulement.

Les intellectuels, toujours avares d’efforts, m’avaient


insolemment critiqué lorsque je leur avais fait la gentillesse de

308
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 309

leur communiquer nos travaux et nos résultats. Ils affirmaient


du haut de leur piédestal que je n’avais qu’à prendre du « fer
natif ou du fer météoritique ». Ils ignorent que le fer natif n’existe
pratiquement pas sous forme de cristaux, mais uniquement en
masses ressemblant à du fer rouillé et, de plus, il est
extrêmement rare. On ne le trouve que dans certaines roches
éruptives et basaltiques, prouvant en fait que ce type de fer s’est
formé au cours d’un raffinage en somme naturel, dont le procédé
ci-devant décrit en est la réplique la plus fidèle.
Le mars météoritique, lui, est encore plus rare. Il contient par
dessus le marché quelques impuretés de nickel, dans des
proportions allant de 5 à 10%, ce qui est considérable. Il est
important de savoir que si vous tenez vraiment à travailler avec
du fer cosmique, un gramme, que vous irez chercher aux Etats-
Unis, vous coûtera, outre le voyage, mille francs français (1981).
Contentons-nous donc de nos bons minerais, qui doivent répondre
à des exigences particulières. Il y a les hématites brunes ou
limonites, qui sont des sesquioxydes hydratés, généralement de
formule (Fe2O3, H2O). Ces dernières se rencontrent plus aisément
dans la minette du bassin lorrain.
Mais, le meilleur minerai est sans conteste la magnétite, dont la
composition correspond à peu près à la formule Fe304 et qui
renferme au moins 70% de fer à l’état pur. Evidemment, les
gisements les plus renommés sont ceux de Suède, mais en
Europe, nous en avons également. Si l’industrie se contente
d’hématites en général, l’Art exige la, fusion de magnétite le plus
possible dépourvue de nickel et de titane, deux corps souvent
associés à cette dernière en bonne proportion. Choisir le meilleur
consiste, contrairement à ce que l’on pourrait penser, à trier celle
qui n’a pas la forme cristallisée, parce que celle qui est cristalline
renferme inexorablement du titane.
Je communiquerai quelques filons intéressants aux disciples.
Ensuite, il vous faut fumer, si l’on peut dire, au moins cinquante
kilogrammes de charbon de bois, réunir les briques nécessaires et
attendre le signe.
Pyrites et marcassites ne servent évidemment que la spagyrie et
la voie humide. Extraction de soufre vulgaire pour l’une, matière

309
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 310

première mâle pour l’autre, il est bon d’avoir en cave au repos


quelques cent kilogrammes de ces sulfures.
Si vous examinez le diagramme Fe-S ( Fer-Soufre) que je vous
communique plus bas, vous observerez que la pyrite est la forme
stable du sulfure de fer, alors que la marcassite est sa forme
métastable. Tous deux sont pourtant de formule FeS, mais leur
structure cristalline varie (cubique pour la pyrite et
orthorhombique pour la marcassite).
Vous obtiendrez une excellente purification de la marcassite en
lui adjoignant une part d’esprit de soufre, par voie humide, mais
en chauffant entre 200° et 300°C. Pyrite et marcassite sont
toutes deux excellentes pour le travail humide. Il n’y a pas lieu de
les différencier chymiquement. Seulement la marcassite,
métastable, réagira un peu plus énergiquement que la pyrite.
Pour l’information de ceux qui œuvrent en voie humide, sachez
que la pyrite est faiblement soluble dans l’eau mais que, à partir
de 50°C, d’importants phénomènes se déroulent, comme la
formation lente d’hydrogène sulfureux et d’acides.
Vous trouverez de riches gisements de pyrite vers Lyon.

310
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 311

Le cristallin.

311
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 312

Puisque nous parlons du fer et de ses unions possibles, sachez


que la préparation du sesquioxyde de fer, à l’issue des
séparations, par voie sèche, consiste essentiellement, à l’aide
d’un sel plein d’Harmonie, à calciner en vase adéquat et à 325°C
suffisamment longuement. N’oubliez pas que les rapports poids-
volume sont capitaux dans les évolutions du soufre. Et, on ne
nous en voudra pas si nous dévoilons que l’hydroxyde de fer (
c’est-à-dire le sesquioxyde de fer hydraté) se sépare de plusieurs
manières par voie sèche. Les sels ferriques que nous obtenons
dans le caput demandent l’usage de ce sel si difficile à obtenir,
mais que l’on peut produire encore aujourd’hui avec sapience par
l’urine des bêtes. Car il s’agit d’éviter l’absorption d’une base fixe
par un précipité colloïdal, le sel harmonieux facilitant à chaud la
floculation et le lavage sec.

Le cristallin.
Puisque nous parlons du fer et de ses unions possibles, sachez
que la préparation du sesquioxyde de fer, à l’issue des
séparations, par voie sèche, consiste essentiellement, à l’aide
d’un sel plein d’Harmonie, à calciner en vase adéquat et à 325°C
suffisamment longuement. N’oubliez pas que les rapports poids-
volume sont capitaux dans les évolutions du soufre. Et, on ne
nous en voudra pas si nous dévoilons que l’hydroxyde de fer (
c’est-à-dire le sesquioxyde de fer hydraté) se sépare de plusieurs
manières par voie sèche. Les sels ferriques que nous obtenons
dans le caput demandent l’usage de ce sel si difficile à obtenir,
mais que l’on peut produire encore aujourd’hui avec sapience par
l’urine des bêtes. Car il s’agit d’éviter l’absorption d’une base fixe
par un précipité colloïdal, le sel harmonieux facilitant à chaud la
floculation et le lavage sec.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 313

Voici quelques méthodes de calcul des rapports de Mars et du


Sujet pour les séparations sèches. Nous gardons le rapport 4
parts de mâle et 9 parts de femelle, bien que d’excellentes
séparations s’effectuent avec 3 et 10, ces dernières contenant
moins de fer en résiduel et donc l’impossibilité d’un bon vitriol.
On a

:4
:9
ce qui fait au total 13 parts. Sur 100 grammes, ou dans n’importe
quelle unité de poids, on a une part : 100/13 = 7,6923
4 parts de fer vaudront : 7,6923 x 4 = 30,769
9 parts de Sujet vaudront : 7,6923 x 9 = 69,23
L’on vérifie par le total : 30,679 + 69,23 = 99,999
Voyons maintenant avec une autre masse souhaitée, par exemple
au total 239 grammes.
Il vient 239 : 13 = 18,3846
Le fer : 18,3846 x 4 = 73,5384
Le Sujet : 18,3846 x 9 = 165,4614
Ce qui fait bien au total 238,999 grammes compte tenu des
chiffres après la virgule.
Examinons maintenant une autre méthode mathématique. 4
parts du mars en poids et 9 parts du Sujet également en poids,
cela veut dire que l’on peut transformer ce rapport en
pourcentage de poids :
Fer : ( 4 : 13) x 100 = 30,769 ( même résultat que ci-dessus )
Sujet : ( 9 : 13) x 100 = 69,23
Nous avons ici les parts en pourcentage de poids. D’où, si vous
voulez une masse totale de 324 grammes par exemple :
324 : 100 = 3,24
Fer : 30,769 x 3,24 = 99,691
Sujet : 69,23 x 3,24 = 224,305

313
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 314

ce qui fait bien au total : 323,996


Posons le problème différemment. Nous pouvons très bien tracer
la droite : part de Mars = F ( part de Sujet ), ce qui se lit « part de
mars en fonction des parts du Sujet » et vice versa. Pour ce faire,
il est simplement nécessaire d’établir le tableau suivant, en
évaluant les valeurs du fer et du Sujet dans les mêmes et
multiples proportions
On prend le papier millimétré, et l’on trace en abscisse les parts
du Sujet, en ordonnée les parts de Mars. La droite vous indique
avec précision quelles sont vos masses de l’un ou de l’autre, en
fonction de celle que vous possédez.
Par exemple, si vous ne disposez que de 28 grammes de mars,
vous savez en examinant la droite sans faire le moindre calcul
combien de Sujet il vous faut, dans les rapports 4 et 9, c’est-à-dire
ici en l’occurrence 63 grammes. Vous aurez ainsi une masse
totale de 28 + 63 = 91 grammes. Il vous suffira d’ajouter
91 : 15 = 6 grammes de sels ( 3 de l’un et autant de l’autre ).
Et, au cours de la manipulation, au bout d’une demi-heure de
cuisson, il est bon que vous rajoutiez 1130e, soit 3 grammes de
sel de tonneau. Ainsi, la déliquescence de votre caput sera très
bonne.

314
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 315

Encore une autre solution consiste à raisonner en parts par


rapport à l’un ou à l’autre. Admettons que vous ayez très
exactement 134 grammes du Sujet. Combien vous faudra-t-il
adjoindre de mâle ?
Nous savons que les 134 grammes représentent 9 parts. Une part
vaut
134/9 = 14,888 g
Il vous sera nécessaire d’apporter :
14,888 x 4 ( nombre de parts de Mars) = 59,555 g.
De même mais à l’inverse, imaginons que vous disposiez de 72,43
g de fer. Combien vous faudra-t-il apporter de Sujet pour rester
dans le rapport 4 et 9 ?
72,43 g représentent les 4 parts. Une part prend la valeur de
72,43 : 4 = 18,1075 g
Les 9 parts du Sujet s’élèveront à 18,1075 x 9 = 162,967 g
Il en est évidemment ainsi pour n’importe quelle valeur du mâle
ou de la femelle, pourvu que l’on respecte ces principes de calcul.
Ici, de même, les sels représenteront :
la masse totale : 162,967 + 72,43 = 235,397 g
et son 1/15e : 235,937 : 15 = 15,693 g des deux sels, soit
:
7,846 g de nitre
et 7,846 g de tartre. Vous rajouterez 7,846 g de tartre au milieu
du feu.
Nous savons que les 134 grammes représentent 9 parts. Une part
vaut
Ces calculs pourraient sembler enfantins à certains. Il faut qu’ils
apprennent à respecter l’éducation d’autres frères, plus lettrés
qu’eux et moins techniciens, pour lesquels ces opérations ne sont
pas du tout évidentes.

315
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 316

Avant, je n’osais suivre ceux qui s’étaient


mis en route, je craignais leurs regards.
Maintenant, je sais que Tu as un cœur qui
brûle tous les endettements,
à condition de cesser la résistance.
Il ne s’agit pas de parler beaucoup.

316
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 317

Cinquième degré
LA FERVENTE PENITENCE
Il nous est à nouveau indispensable de reprendre la signification
du terme « pénitence », tant il est sujet à toutes les sortes
d’interprétation issues des manies du moi. Les intellectuels
pensent immédiatement à ponitentia ou à ponitere - se repentir -,
liant le mouvement à une attitude religieuse en analysant
derechef par habitude l’attitude religieuse en question, oubliant
complètement que le point de départ fut la pénitence. Ils croient
que la pénitence est sous-jacente à l’acte conventuel mystique et,
une fois de plus, les voici s’embarquant sur les terrains mouvants
de la réflexion mécanique, paralysant totalement toute action
effective. Vous les trouvez à débattre des heures entières les
rapports existants entre le mouvement intérieur de pénitence et
les plans religieux connus, se séparant parfaitement satisfaits de
leurs controverses sans avoir exercé la moindre semence du sujet
même et d’avoir gagné en fait encore plus de ce qui les sépare de
l’acte lui-même. Il en est ainsi des imbéciles qui, s’arrogeant les
capacités de traiter une question, font dans les gestes exactement
l’opposé du thème, tout en étant persuadés d’en discuter comme il
convient.
Plus bas dans le corps humain, les affectifs auront une autre
réaction, évidemment. Eux voient le mot pénitence avec plus de
délectation. En général, toutes leurs manifestations affectives
s’ébattent copieusement dans ce qui est plus souvent affres que
piété. Ils aiment ce qu’ils croient être la pénitence comme étant
un des seuls moyens par lesquels ils peuvent s’exprimer et vivre
en réalité leur libido - c’est-à-dire la déviation de leur fonction
sexuelle -. Toutes les névroses obsessionnelles à l’affût d’auto-
punitions ne sont que la mauvaise régurgitation d’un orgasme
inaccompli et inavoué : on aime dans ces cas avec jouissance les
sanctions, alors que la véritable pénitence serait de leur retirer ce
désir. Bien entendu, vous les voyez alors vous traiter de tout, car
ils ne comprennent pas que pour bien expérimenter l’authentique
pénitence, il s’agit essentiellement pour eux de leur soustraire
l’idée qu’ils s’en font.

317
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 318

L’animique adopte en règle générale deux comportements : l’un


sanguinaire, lorsqu’il châtie avec cruauté et d’une manière
expéditive tel être en lui coupant la tête ou en lui arrachant les
ongles, par « pénitence ». L’autre sera parfaitement superbe et,
d’un ton totalement enflé, il vous souillera de mots à consonance
sommaire, il vous dira, tout en se plaignant de ses petits maux
personnels, que la pénitence est une invention des malins dont le
pouvoir consiste à retirer toute personnalité - point central des
valeurs chez eux. Encore, ils haussent les épaules, appuyant ce
geste par un léger sourire mesquin, puis régurgitent une
magnifique blague en général toujours rabaissée à des propos
situés au-dessous de la ceinture. Les mieux éduqués se
contentent, dans la même gamme de réaction, de simuler une
attitude intellectuelle très lourde.
Tous dorment, car la pénitence n’a aucun rapport avec ces
centrales opinions.
Pourquoi la pénitence serait-elle le cinquième degré de l’Echelle
Sainte -hautement située en importance - qui n’est autre que
l’échelle présente au parvis du plusieurs fois centenaire
médaillon de la plus grande cathédrale de France ? Tout
simplement parce qu’elle est l’ablution de la conscience dans son
dynamisme : phase ultime de la séparation.
Auparavant, nous avons cité les états de conscience possibles
pour l’homme, les moyens de leur donner le jour, puis de leur
offrir une densité suffisante et capable d’engendrer leur
permanence. Maintenant, le tournant suivant de la route est
celui de leur accroissement, qui ne peut s’effectuer sans la grande
laveure. Les notions de renoncement et de détachement vous
montrent les principes intérieurs et extérieurs de séparation. Il
s’agit ici de la Séparation, étant comme une sorte
d’aboutissement, qui vous autorisera à passer plus tard au stade
des purifications successives. Par le détachement et le
renoncement, vous avez reçu les prémices de la conjonction. L’exil
volontaire en a fortifié la fréquence, vous familiarisant avec ses
principes. Par l’obéissance, vous vous en êtes montré digne, vous
avez donné votre parole et la preuve irréfutable de votre capacité,
vous autorisant à pratiquer l’authentique et définitive séparation
réellement philosophique, c’est-à-dire en vous-même et dans le
creuset tout à la fois.

318
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 319

La pénitence purifie vos intentions d’une manière si aiguë et si


irréversible que vous atteindrez la finitude culminante de la
séparation au degré suivant qui est la mort. En d’autres termes,
les quatre précédents degrés desservaient la stabilité de votre
engagement, alors que le cinquième marque le pas sur son
accroissement. Cela veut dire qu’il s’agit principalement de la
pacification définitive de votre âme ou, en termes moins
intellectuels, de l’assurance que Dieu vous aime de toute sa
tendresse et quoi qu’il advienne.
Speravi in misericordia Dei in aeternum et in saeculum saeculi,
nous enseigne le psaume 51. Placez-vous vraiment en face de
votre devoir. Toute faute, toute erreur doit provoquer en vous un
double mouvement : le premier est le regret, le second est la
confiance.
Le regret de quoi ? Si vous avez été fervent aux précédents
degrés, vous ne pouvez commettre une faute en regard de
l’Alchimie et de Dieu sans le savoir, ou sans accepter le signe
d’un saint frère qui vous montrerait votre omission. Du même
coup vous rendez hommage à la conscience tout en préparant le
nid du plus subtil degré requis pour le chymiste, celui de
l’humilité. Pour acquérir le tout premier embryon d’humilité, il
est absolument nécessaire d’exercer le repentir, il est inévitable
de devoir reconnaître et combattre ses fautes. Sans aucune
pénitence ni aucun regret, nous périssons tôt ou tard étouffés de
suffisance.
Et puis, mes fils, cette liberté ... Cette liberté que vous avez
d’aller vers la Dame et vers Dieu pour leur révéler, au fond de
votre cœur : « regardez comme je suis misérable, accueillez-moi et
corrigez-moi selon vos commandements ». Comment un être libre
changerait-il de conduite sans le vouloir formellement ? Une
réconciliation - entre vous et la Science - peut-elle s’effectuer sans
les deux consentements, le vôtre et celui de la Dame ? Sachez que
cet infini volet miséricordieux est la part de Dieu, alors que la
vertu avec laquelle vous allez vous y exercer est votre propre don.
Elle est votre liberté parce qu’elle est la preuve effective de votre
volonté de rentrer à nouveau en grâce avec la Dame et son Père,
tout en étant la réponse loyale aux avances que la Science vous
fait par la Providence. C’est dire combien un homme refusant de
faire pénitence est déloyal. La liberté, le véritable libre arbitre de

319
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 320

votre être non mécanique, sait que vous vous infligez


volontairement ces redressements, d’une manière parfaitement
délibérée, en vue de réparer les erreurs que vous avez commises,
se traduisant en vous-même par des déséquilibres énergétiques
néfastes à la permanence des états de conscience.
Il ne faut pas croire que la pénitence est la tristesse,
l’abattement, la honte, le remords ou la terreur que vous
ressentez lorsque vous découvrez une de vos attitudes illicites.
Ces émotions, très graves bien entendu, douloureuses et parfois
insupportables, tant qu’elles restent au stade de la sensibilité -
c’est-à-dire fixées en un niveau d’énergie bas - ne sont pas le
mode opératoire de l’expiation. Dans ce dernier, non seulement
vous éprouvez ces émotions, mais en plus vous les réparez par
des actes, afin que les énergies négatives soient complètement
gommées jusqu’à leur origine. Plus l’expiation a été totale en
regard de l’importance de l’erreur, plus près la source de ladite
erreur a été touchée et moins le processus de cette faute pourra
se renouveler. Il se peut donc que vous répariez à moitié une
faute et que vous soyez surpris de son renouvellement, pour en
déduire tel un niais « l’expiation n’a pas rempli son rôle, elle est
inutile ».
Voyez-vous, d’une manière sous-jacente, la pénitence veut ainsi le
bien et chasse le mal : le processus de séparation dans son
dynamisme le plus intime, la tête de mort en train de monter sur
le bain pur et virginal. Ceci s’effectue moins en raison de
l’incidence de ce mal sur le beau qu’en considération de l’offense
faite à la Science d’avoir laissé le soufre souiller Marie. C’est
pourquoi la pénitence s’en prend à toutes les fautes, quels que
soient leur dimension et leur aspect. Elle envisage toutes ces
erreurs du point de vue d’un commun outrage à la majesté de la
Dame et de votre ingratitude envers Dieu. Ne distinguez alors
pas vos fautes intérieures et vos erreurs de manipulation dues à
leur extériorisation : il s’agit du même mal, de la même
déloyauté. S’en prenant à toutes les fautes, n’oubliez pas que la
pénitence est donc connexe à toutes les vertus. C’est pourquoi elle
vous les offre toutes, en particulier la justice, puisqu’elle
revendique une compensation en regard des droits de la Science,
et aussi la charité, puisqu’elle déplore l’absence de loyauté et

320
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 321

d’amour que Dieu vous donne toujours et que vous avez méconnu
le temps de votre faute.

Regrets : votre cœur est brisé sous l’étreinte de la douleur


d’abord, pour être parfaitement contrit parce que vous constatez
que votre erreur vous a éloigné de la Science, et par conséquent

321
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 322

de votre aspiration première, mais surtout de Dieu. Etre séparé


de la Dame est un sentiment atroce. Cette perfection atteinte ne
peut déboucher que sur le désir d’obtenir un pardon, lui-même
mis en œuvre par l’acte simple de l’aveu. L’aveu - ou la confession
-, est l’acte par lequel tout est réuni en vous au même instant :
vous êtes enfin disposé à réparer, à transmuter ces mauvaises
énergies et à accepter les nouvelles conditions qui vous
permettront cette transformation. Alors seulement la seconde ère
s’ouvre, celle de la confiance.
La confiance, second mouvement de la pénitence, tient toute la
place de la demande fervente. Elle est fervente à la mesure de
votre contrition, elle-même justement équilibrée avec
l’importance de la faute commise. Cette ferveur vous place en un
état de demande adressé à Marie tel qu’il se passe des mots de la
prière : il est, sa source est dans le cœur et à son plus profond il
existe une prière qui ne s’enferme pas dans les mots. Et cette
prière est toujours exaucée, parce que c’est le Verbe même qui
vous l’inspire en la formulant en vous, comprenez-vous ?
La confiance parce que vous avez retrouvé le bon usage de ce que
la Dame vous avait confié en usufruit, bannissant vaine gloire,
orgueil et ambition. Tout ce mouvement, bien mené, a détruit les
énergies qui supportaient ces mauvaises choses en vous, et c’est
la sensation bienheureuse de pardon, un bien-être intérieur et
corporel qui témoigne du réel nettoyage de votre machine
humaine, d’une élévation menant vers la phase ultime. A ce
terme, l’erreur est abolie, elle n’existe plus et il n’en reste rien.
Par contre, ceux qui pèchent contre l’Esprit sont condamnés à
jamais, car ils ne peuvent par le fait se repentir, ignorant
volontairement la gravité de leurs fautes. Us ne ressentent rien,
aucune contrition, aucun blasphème, aucun élément essentiel de
la pénitence, et c’est pourquoi la contrition est de suite recherchée,
dès que l’alchimiste pèche contre l’Esprit. Conséquemment, c’est
également pour quoi un chymiste superbe qui ne se reprend pas,
qui ne connaît aucune humilité, qui vit en l’absence de contrition
est totalement perdu :jamais il ne recevra l’esprit universel, seul
catalyseur de toutes les métamorphoses. Le malheureux ne veut
rien savoir, il ne veut jamais prier, il dit que tout cela est
absurde, il est méchant, bat iniquement sa femme, ses enfants, se
laisse glisser vers n’importe quoi en toute impunité. Il est

322
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 323

arrogant, moqueur, fier, sûr de lui, menteur, élémentaire, violant


l’Alchimie au creuset, violentant les ustensiles, dépensier, sans
conscience, sans valeur du travail et donc gâcheur.
La confiance parce que vous avez retrouvé le fil d’Ariane, par la
grâce qui vous est à nouveau octroyée. Le fait même de
réconciliation est une grâce, qui sait demeurer opérante plus loin
que cette étape si vous avez poussé à bout votre contrition à la
mesure de votre faute. Une réconciliation qui s’effectue
seulement à moitié fait ces êtres perdus au laboratoire, errants,
indécis, tombant d’échecs en échecs. Ils disent souvent « la Dame
ne veut pas de moi en ce moment », oubliant que c’est eux qui ne
veulent pas de la Dame, parce qu’ils lui demandent toujours
quelque chose, à la place d’offrir d’abord la contrition. Une seule
erreur grave suffit à générer en vous une quantité suffisante de
toxines capable d’exclure l’état de conscience qui supporte la
grâce, c’est pour cela que l’on nomme ces actes « mortels », en ce
qu’ils font mourir l’âme. Une grande faute donne la mort à votre
acuité, excluant le fil d’Ariane, tout comme un seul coup mortel
porté au corps supprime la vie. Et la vie - l’esprit universel - n’est
rendue qu’en chassant toutes les causes de la mort, c’est-à-dire
toutes les fautes que vous commettez en regard de la Dame et de
Dieu.
Confiance parce que par le fait pénitent, la vie surnaturelle
recommence donc en vous, après cette interruption venue de
l’ego. Les portes des cascades des mondes se rouvrent, offrant à
nouveau la mobilité nécessaire à vos états de conscience en vue
de continuer à parcourir le chemin.

Certains osent imaginer que l’Echelle Sainte n’est pas la même


que celle de Jacob, elle-même encore différente de celle de notre
Alchimie reposant pour le plus grand bien des artistes sur l’île de
la Cité. Ils affirment que la première est inventée par les
religieux, la seconde par les Juifs. La troisième, interprétable de
mille façons, est forcément la bonne ! La symbolique alchimique
est empreinte de tant de mystères, d’innombrables allégories,
qu’il est facile de croire que l’on peut philosopher d’une manière
libertine des années durant sur telle ou telle échelle. Il ne leur

323
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 324

vient pas à l’esprit que l’image de la Dame est sculptée sur une
cathédrale, et qu’une cathédrale n’est pas le lieu où l’on pratique
cet occultisme-mode qui anime les esprits en quête de pouvoir sur
les autres. Ce serait autre chose, parce qu’ils s’appellent untel et
qu’ils auraient tout compris, réduisant l’Echelle Sainte à un point
de vue épistolaire, laissant l’Echelle de Jacob à Israël, dans le
sens péjoratif du terme bien entendu, comme si Israël était la
cause de tout, oubliant que ce n’est pas le peuple juif qui livra le
Christ au supplice, mais, comme d’habitude, les tenants du
pouvoir.
Les Juifs, comme tous les autres, comme l’Egypte, comme Rome,
comme la Grèce, comme de nos jours ce christianisme remis au
goût du jour, se sont endormis en leur temps, appliquant les
dogmes d’une manière dépourvue d’esprit et de véritable rituel.
Ainsi, leurs prêtres, comme les nôtres aujourd’hui, dormaient
profondément, singeant les doctrines comme des bêtes et, de
retour à la maison, s’installaient devant ce qui était leur
téléviseur de l’époque, profitant de tout ce qui éloigne justement
de la permanence. Futilité, vide et yeux fermés ont chassé,
comme de coutume, la vivifiante vérité et les êtres zélés emplis
d’éveil. Quotidiennement, nos prêtres - du moins en France - ne
portent plus l’habit, ils sont pour la plupart mieux installés que
les pauvres, refusent telle ou telle demande du peuple se
syndiquant, travaillant à des tâches lucratives, se comportant
dans les actes exactement à l’opposé des attitudes réellement
sacerdotales : les modernes ont raison de ne plus les écouter.
Mais, ces mêmes modernes ont étendu leur funeste raisonnement
à la Chose même, comme si un mauvais technicien était
responsable d’une mauvaise technique dans le principe. Ce n’est
pas parce qu’un ingénieur de bas niveau fait exploser un circuit
imprimé que le principe régissant les transistors est devenu
mauvais lui aussi.
Il n’y a pas de peuple qui soit en tête de liste des êtres à blâmer.
Il n’y a que des idiots chez tous. Actuellement, Israël est
redevenue perdue, avec ses guerres sur plusieurs fronts. L’islam
des fanatiques de même, qui envoient des enfants en guerre, aux
batailles engendrées par les jalousies. Nulle part il ne s’agit de
reconquête légitimée par les faits historiques de masse ; partout

324
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 325

il n’y a que jalousie et vanité. On ne chasse plus les voleurs, car


ce sont les voleurs qui sont les chasseurs.
Les principes d’élévation ont appartenu à toutes les doctrines,
puisqu’ils en sont le dynamisme majeur : alors l’Echelle Sainte
n’est pas celle de Jacob - écartez je vous prie cet antisémitisme
primaire, ceci dit sans esprit partisan puisque j’ai mes racines
dans le Caucase et que je ne suis pas circoncis -, pas plus celle de
Saint Jean Climaque pour l’Eglise d’Orient, ni celle des
alchimistes. L’ Echelle Sainte est un arcane appartenant à toute
la spiritualité monothéiste.
L’examen de ses degrés met en valeur les mêmes remarques. Ils
ne sont pas répertoriés et inventés par tel ou tel farfelu du
moment qui en perçoit la hiérarchie en fonction d’une vague
illumination. Je ne suis pas éclairé, comme certains le
souhaiteraient, par une apparition ou une vision du genre
mormon, par exemple.
Les degrés de l’Echelle Sainte reflètent les très précises
métabolisations des énergies capables de purifier l’être d’un
homme d’une manière universelle. On ne peut pas sauter un
degré sans avoir accompli intégralement le précédent, et les
modes de transformation intérieurs sont les mêmes pour un
homme blanc, un africain ou un oriental. Seuls diffèrent les
endroits par lesquels l’Echelle est saisie. Ainsi, en Orient, ils
peuvent par culture l’entreprendre déjà au troisième degré, parce
que l’occidental paraît à juste raison aux yeux de l’oriental qui
sait renoncer, se détacher et obéir, comme un enfant qui ne fait
rien d’autre que capricer. De même, il existe encore des degrés
inférieurs au premier, qui sont pratiquement horizontaux et qui
s’appliquent à tout le monde : ce sont ceux que les hommes
retirent de la vie par « expérience », dans le monde où le hasard
règne avec la frivolité. Seulement tel animique épais, par
exemple, pourrait comprendre dans cinquante ans le premier
barreau de l’Echelle Sainte, parce que son existence l’aura
tellement rendu fixe qu’au seuil de sa fin il verra autre chose par
le vrai mouvement de la vie qui le fondra. Et ainsi, pour tous les
hommes ordinaires, mais nous ne pouvons pas nous occuper de
ces êtres, car ils ne le veulent pas pour le moment. A chacun sa
tâche.

325
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 326

L’Echelle Sainte est universelle et ce cinquième degré de


pénitence n’appartient pas à un point de vue chrétien du XXe
siècle exclusivement. Les méthodes de bonne métabolisation sont
de tous les temps : elles sont les mêmes. Que l’homme renonce à
sa belle chevalière en or ou à tirer les cheveux de sa compagne, il
devra en passer par les mêmes états, par les identiques
souffrances contrôlées, parce que de nos jours la place de la terre
s’est fixée en regard de l’absolu, ne pouvant plus jamais réintégrer
le centre galactique, car c’est le tour pour d’autres êtres ...
Vous ne pouvez donc pas vous passer, parce que vous le jugez
bon, de remplir les conditions de tel ou tel degré, et a fortiori
celui-ci. Je vous affirme que pour devenir Adepte, vous devrez
inexorablement pratiquer la pénitence, quelles que soient vos
conceptions religieuses ou votre niveau de pseudo-athéisme. Car
c’est cela même qu’il vous faut lâcher avant par renoncement
pour aller plus loin. Tant que vous garderez et que vous vous
épuiserez à conserver vos certitudes, vous engendrerez des
substances qui fixeront votre conscience en des bas niveaux, où
d’innombrables interprétations sont possibles pour observer
l’œuvre. Vous vous placez vous-même en position de condamné
dès que vous voulez garder vos opinions, même si vous les
légitimez par votre expérience ou par celle des autres.
En fait, vous ne voulez pas comprendre que la pénitence est le
support volontaire de toutes les tribulations, ce qui veut dire que
vous n’êtes plus l’esclave desdites tribulations, parce que vous
n’avez plus à rougir. Oh, bien entendu, vous êtes suffisamment
grand pour ne plus rougir comme une jeune fille qui tacherait sa
robe. Vous, vous rougissez dans l’inconscient et il se dépêche vite
de vous faire oublier cette gêne, en vous donnant toutes les
occasions d’agir pour que l’examen de votre vie ne puisse vous en
permettre aucune vision. Vous voici très affairé, n’ayant « plus
une minute » - alors que vous consacrez des heures entières à
votre ego -, ayant habilement remplacé le rougissement par la
fuite. Dès que les circonstances de la Providence vous placent
devant ce que vous êtes, vous fuyez, vous prétextez mille raisons,
vous avez soudainement cela à réaliser, ou vous marquez tel
signe d’impatience, ou encore, si vous êtes cerné, vous avancez
l’arsenal de vos justifications : quoi qu’il en soit, votre seule

326
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 327

perfection consiste dans le fait d’échapper totalement à la vision


de vos fautes. Là, vous êtes très fort.
Cette attitude vient en général de votre sensation d’être complet,
il ne vous manquerait rien ou presque, ce qui renforce l’illusion
que vous avez de vous-même et qui ne peut contenir le moindre
soupçon sur la solidité de votre vie. Un homme qui ne ressent
aucun désir de componction, de repentir, est un être qui
s’imagine pouvoir se passer de direction, d’observance ou de
commandement. Un tel homme endort son âme, qui dégage
l’odeur fétide du pharisaïsme, et elle la dégagera d’autant plus
qu’elle aura davantage adopté une « ascèse » ou un but dit
alchimique purement extérieur. Le disciple averti comprend
pourquoi tant d’enflés peuplent les lieux où l’on papote de
Science.
Les enfants de l’Art, eux, doivent mener une vie conforme aux
exigences de l’Alchimie et de Marie. Dans leur inclinaison à toute
faute qui les écarterait de la route, ils font toujours pénitence.
C’est la raison pour laquelle tout postulant qui formule vraiment
des vœux pour approfondir les lois de la Science commence
d’abord par dévoiler les dispositions de son cœur et les
empêchements auxquels son moi a participé et qui l’ont éloigné
de son aspiration. Il débute immédiatement par cet acte
essentiel, car le repentir, outre le fait qu’il purifie, aiguise en plus
le regard du postulant sur lui-même ; c’est dire qu’il vous forme à
un type d’observation très particulier, le seul à vous mener à la
compréhension réelle des arcanes de la Science, puisque le Sujet
se rapporte à l’objet, sans distance.
Les superbes qui s’imaginent pouvoir se passer de pénitence ne
peuvent être qu’extérieurs, car l’ignorance dans laquelle ils se
sont plongés eux-mêmes leur fait estimer qu’il ne leur est pas
nécessaire de connaître l’aiguillon de leur conscience les accusant
d’être fauteurs. Ils se soutiennent et se confortent dans leur
opinion grâce aux nombreuses actions qu’ils accomplissent
extérieurement dans le monde, actions de « bon ton » qui,
apparemment, ne contiennent pas le plus petit germe de
méchanceté. Par exemple, ce patron de publication ésotérique
bien connu qui, lors de la mise en terre du cercueil de Monsieur
Canseliet, se fit photographier en train de bénir le corps, seul,
devant tous : l’attitude paraît irréprochable, généreuse, pieuse,

327
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 328

filiative, et pourtant, elle est totalement enflée, surtout que


l’article paru ultérieurement concernait les questions de filiation.
Méthode pharisienne et extraordinairement vile qui, sous
l’examen d’un directeur de conscience sérieux, aurait mérité
quelques corrections très vives. On avait laissé aux petites gens
le soin de faire le vrai travail, moins agréable ... Le malheureux,
ne pouvant même pas se rendre compte de son ignominie, dirige
une revue lue par plus de trois mille ésotéristes de tout bord ! En
voici un parmi d’autres qui - en se fondant sur ce genre d’action
extérieure - soulève la louange de ses troupes. Il ne peut qu’en
ressentir une sérénité, conséquence d’une activité en fait
agréable à l’ego, d’une vie vertueuse et irréprochable. Quelle
tragique méprise ! Quel aveuglement fatal pour l’âme !
L’aveuglement repose ici sur la présomption, l’individu ne se
rendant même pas compte qu’elle est par elle-même une lésion de
l’âme. Cette lésion résulte d’une activité incorrecte ; n’en doutez
pas, elle produira des activités encore plus incorrectes.
Le calme apparent qui fait croire à ce genre d’homme qu’il est sur
la bonne voie ne révèle rien d’autre qu’une inconscience et une
insensibilité parfaite à l’égard de son état de pécheur, dues à une
vie négligente, bien sûr extérieurement nette et ordonnée, mais
intérieurement envieuse - en témoigne ce que j’ai pu observer de
lui juste avant son comportement, très nerveux et agité -. Il croit
que la joie qu’il ressent de temps en temps en raison de ses succès
est une joie spirituelle et sainte : il écrira même des articles sur
le sujet, d’une manière ou d’une autre, relatant sans cesse ces
moments, vivant en réalité au fond de son ego avec délectation le
formidable pouvoir de considération qu’il a su déclencher.
Ces états de pseudo-calme sont en vérité une complète
insensibilité ou dépérissement de l’âme, mort
de l’esprit avant la mort du corps. Il faut bien avouer que pour un
« ésotériste », c’est un peu faible.

328
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 329

Dessin d’après une photo publiée retouchée, exercice de style dans un but bien
défini.

La photo réelle prise par une personne naïve. Les lions se taillent toujours les
mêmes parts.

Aveuglement, dirait mon père, inattention, conversations


inopportunes, bavardages, complots, adoption de pensées
vaniteuses dont l’extériorisation par les gestes est filtrée par les
exigences de bonne tenue requise pour faire avaler le morceau.

329
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 330

Evidemment, notre Litterae Custodium n’avait pas préparé la


rencontre à de fielleuses entrevues pleines de projets douteux
quant à leur valeur spirituelle.
Non contents de cela, ces faux s’étaient permis, auparavant, de
photographier la dépouille non préparée du maître de Savignies.
La pauvre Isabelle, déroutée et pleine d’amour, n’a pu bloquer ces
incongrus à temps, eux dont le but inavoué fut de s’emparer
encore, au lieu de l’attitude saine du silence. Malheureusement,
nous sommes arrivés trop tard ; mais le destin a permis cela pour
montrer au grand jour les purs d’intention.
Pour parvenir à l’attendrissement du cœur, éveil de la sensibilité
de l’âme, il vous faut mener une vie attentive. Mais pour cela,
retrouver d’abord votre faillibilité ou, en termes plus directs,
votre crainte de Dieu ou absence d’orgueil, ce qui revient au
même. N’est-ce pas l’orgueil qui vous pousse à résister aux
exigences ascétiques de Marie, vous faisant perdre la tête dans
mille discussions inutiles ?
Le sentiment de crainte de Dieu repose sur la prise de conscience
de la majesté de l’Alchimie, en face de laquelle vous n’êtes rien, et
aussi de l’infinie sainteté de ses arcanes, en face de laquelle vous
êtes indigne. Mais, surtout, voyez le danger de chute ou
d’égarement toujours possible ! Seul celui qui ne craint pas Dieu
est sûr de ne pas se fourvoyer : celui-là est parfaitement perdu,
parce qu’il a paralysé toutes les sources d’évolution possible en
lui, puisqu’il pense qu’il possède les meilleurs jugements. Il est
donc condamné à rester fixe.
Les animiques croient en s’esclaffant de rire que ceux qui
craignent Dieu sont des peureux affublés de ce sentiment
grossier qui se borne à les jeter dans l’épouvante. Ils pensent que
cette crainte est servile, eux qui ne veulent être commandés par
quiconque, alors qu’elle induit le très puissant élixir de
l’humilité. Craindre Dieu n’est pas se recouvrir le crâne d’un
bonnet et longer les murs de sa maison en tremblant lorsqu’une
femme passe par là. Il s’agit plutôt, par l’observation des
créatures et de l’infinie bonté divine, de comprendre que nous ne
sommes que des misérables à comparer de la puissante Science à
laquelle nous aspirons. C’est-à-dire qu’en fait, il est bien plus
question d’aiguiser l’attention - alors que les animiques la

330
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 331

refusent car, naturellement, elle les éveillerait en dévoilant


premièrement leurs excès. Quant à l’attention, elle est la mer et
la mère du calme intérieur donnant naissance aux états de
conscience possibles permettant de voir, dans le miroir sans cesse
éclairé au fur et à mesure de l’accomplissement, votre propre
laideur dans une « définition » meilleure d’heure en heure.
L’attention ou l’acuité est donc le point central sur lequel il faut
prêter vos efforts, car c’est justement ce point qui est très malade
de nos jours, à cause de tout ce que nous avons déjà dit.
L’exercice des arts, l’Art accompagné de la pieuse pratique, en
général, permettaient à l’homme d’antan de maintenir un seuil
acceptable d’acuité, lui autorisant la compréhension vraie de tout
ce dont nous parlons dans ce traité. Aujourd’hui, nous devons
dire comment acquérir de l’attention, avec en plus le fabuleux
piège de parler de quelque chose qui s’exécute, une fois de plus.
En effet, écrire sur l’attention n’est surtout pas vous endormir de
mots doctrinaux : cela revient à écrire des lignes sur
l’impossibilité de les écrire, aussi paradoxal que celui puisse vous
paraître. L’attention, mes fils, est irréductible aux discours.
Sinon, elle vient à l’égard de l’intellect et, par le fait, ne se
nomme plus attention, mais mouvement de la pensée pouvant
prendre de nombreux visages, alors que l’acuité est unique. Il
s’agit de transmettre au-delà de l’écriture, de ne pas vous fonder
sur le texte, de révéler directement à chacun d’entre vous selon
son propre esprit. La lettre tue l’esprit, c’est pourquoi les
intellectuels ne sont pas plus épargnés que les autres.
Un jour, maître T.S me lança au cours d’une marche à pied - As-
tu faim ?
- Très faim, maître.
- Que nous prépares-tu pour déjeuner ?
- Des pommes de terre, maître.
- Ah ? C’est ce que je t’ai vu faire ce matin ; tu as ramassé
les patates !
Dans ma tête, lui, prononcer le mot « patate », cet homme si
saint, si cultivé, ... Mais c’était oublier qu’il était instructeur Zen.
Devant mon air gêné, il rit et me dit - C’est bien toi qui plongeait
les patates dans le sac de toile après dix heures, non ?

331
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 332

oui, maître. C’est bien moi.


Nous terminions la promenade lorsque la cloche du réfectoire
tinta. Je courus préparer le repas et, lorsque nous mangeâmes,
T.S s’approcha discrètement de moi me chuchotant à l’oreille
- Aurais-tu préféré que je te parle de « tubercule succulent » tout-
à-l’heure, alors que tu avais envie de te bâfrer de bonnes vieilles
patates ?
Confus de honte, je le remerciai.
En effet, je confondais les choses avec les mots, en voulant plier
la réalité du moment à une considération intellectuelle faite de
termes et de déférence factice. Le réalisme avec lequel j’avais
vraiment faim -je me serais engouffré n’importe quoi - ne cadrait
pas avec mon langage, et c’est ce que me soulignait le maître. Il
ne s’agissait pas plus de pommes de terre que de tubercules
succulents ou de patates, cela n’était que des mots que je me
payais, alors que la réalité simple était unique. C’est ce décalage
du temps et de l’espace d’avec la réalité unique qui est à l’origine
de tous les troubles menant à l’inattention. C’était toujours
considérer « je » et « ça », et non pas l’expérience elle-même, moi
dans l’expérience et l’expérience en moi.
Acquérir de l’attention est donc avant tout le refus de
l’intellectualisme en tant que « isme ». C’est prendre un coup de
pied aux fesses lorsqu’on parle de coup de pied aux fesses, même
dans son fauteuil : le seul discours est inapte à dire la vérité.
C’est pourquoi je ne vous dirai rien de l’attention, préférant la
vivre avec vous lorsque je vous rencontrerai en tant qu’élève.

Pour sûr qu’untel fut surpris lorsque, désireux que je lui parle
d’Alchimie, et constatant qu’il était affublé d’un intellect
purulent, je l’invitai sans cesse à regarder tel arbre, à me dire
comment il trouvait ce vin, à lui demander s’il voulait que j’ouvre
la fenêtre pour avoir de l’air, etc... Il m’a quitté relativement
désabusé, ne pouvant dire à personne ce que Solazaref lui avait
raconté de l’Alchimie, car je ne lui en avais pas touché mot

332
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 333

comme son intellect le souhaitait. Son comportement reflétait


justement le manque d’attention et donc la carence de crainte de
Dieu. La plus juste initiation qu’il pouvait recevoir sur l’heure
était celle de sa réconciliation avec l’instant. Nous nommons ces
lugubres heures, celles où l’on apprend à se séparer d’un certain
nombre d’habitudes néfastes en vue de craindre Dieu, le creuset
du désert.
Il s’agit de comprendre que ces durs moments contiennent en eux
justement ce qui est de plus noble : l’expérience par elle-même.
C’est pour vous l’assurance de l’instant d’une plus grande
proximité avec Dieu et avec la Dame, car le non-formalisme corse
vos questions - le désert - en dématérialisant les événements, en
évitant les fixités et les nominations, les choses pouvant alors se
manifester elles-mêmes par leur libération. Bien souvent donc,
ne pas répondre précisément à une question est bien le meilleur
moyen d’y répondre vraiment, à condition que l’expérience ne soit
pas une autre face d’un mouvement intellectuel vide révélant en
fait l’impuissance.
Les aveux se font au creuset du désert, durant une manipulation
chymique et en présence de votre maître. La nuit est l’instant de
la plus sûre approche de Marie. Elle dépouille formes, couleurs et
contours, le regard se noie, se retourne à l’intérieur de soi, le feu
crépite, l’athanor fume et le guide se tient tout prêt. Les rythmes
du temps paraissent suspendus, la terre dort, c’est le grand
silence ... Au seuil du matin, prêt à répondre aux questions
discrètes du guide, c’est le contact absolu entre vous, la Science et
le maître comme intercesseur. C’est alors que les cieux racontent
la gloire de la Dame, l’instant est indicible, toute l’atmosphère est
annonciatrice. Ah ! Les malheureux qui n’ont pas pu vivre de tels
moments purificateurs sont bien dépourvus. La Vierge semble
vous enserrer de toutes parts comme si vous reposiez en son sein.
Il vous semble juste devoir tendre la main pour toucher
l’impossible.
Ce seront les périodes les plus chères pour vous, plus précieuses
que le jour, où les influences du monde moderne vous
envahissent : vous appartenez à la Science davantage, parce que
vos sens sont affranchis des questions de détails obsédantes
laissant votre être plus libre de rejoindre l’Art.

333
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 334

Marie se plaît à combler les cœurs attentifs. L’obscurité protège


des témoins indiscrets, des identifications. La Dame vient à
l’improviste au sein des ténèbres et, si votre coeur est pur, si
votre esprit est vigilant, pour vous la nuit illuminera le jour, le
creuset du désert marquera de son sceau filial vos opérations les
plus élémentaires. La solennité est impressionnante, la création
de la lumière comme au premier jour semble incoercible, tout
paraît sortir directement des mains de Dieu, la lune, les étoiles,
l’air prend son souffle comme si la terre respirait, comme si vous
étiez en période nourricière. C’est l’état de l’enfance.
Vous devez écouter, chaque nuit au laboratoire, ces voix du
silence et recevoir la grâce toujours agissante de ces mystères,
sans rien en attendre avec vos interprétations. Ne regrettez
jamais de quitter votre logis douillet pour rejoindre la paix
nocturne du laboratoire, en solitaire. Ne soyez pas de ceux qui ne
reçoivent pas parce qu’ils ne savent pas faire silence en eux-
mêmes, surtout parce qu’ils ne le veulent pas. La nuit, c’est
l’heure préférée de tous les saints, du Christ, des sages et des
maîtres ce sera également la vôtre. Bien sûr, elle a ses
épouvantes, la solitude enserre le chymiste, ainsi est la nuit. Elle
est en vous agissante comme un ferment pour travailler la pâte
qu’est votre être. L’absence de distraction vous fera ressentir
cette douloureuse joie qu’est l’ermitage au creuset, c’est l’obscure
clarté qui tombe des étoiles. Si vous êtes éloigné à cause de vos
préoccupations personnelles, Dieu ne fera rien pour vous par
l’intermédiaire des Pères. Car Il vous veut tout cru, comme votre
travail, sans caution, ni contre-épreuve. Vous devez être pur de
tout alliage avec l’ego, de tout alliage métabolique ... Vous n’avez
pas ici, au creuset du désert, l’entraînement de la piété ni le
soutien des amis ou des bons entretiens que vous avez pu avoir,
ni l’émulation que dégage la rencontre avec d’autres frères
sincères : vous êtes seul. Le bien que vous faites sera totalement
inconnu et il le restera. Les grâces de la Science n’auront peut-
être aucun caractère expérimental, manifesté, il se peut que vous
restiez longtemps dans la plus complète ignorance des desseins
des Pères.
Vous en serez réduit à « vouloir croire », à marcher à tâtons en
gémissant, sans plus rien comprendre. Vous devez faire comme si
la lumière éclairait vos pas, vous devez l’attendre patiemment,

334
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 335

approfondissant votre foi par le silence, et non en compulsant les


livres, en étant hâtif et en vous distrayant. Il faut vous soumettre
humblement à ce retrait de lumière, le silence du guide sera lui-
même un puissant catalyseur. Il ne vous prêtera pas main-forte,
car il connaît ce que vous vivez, il est renseigné. Sans le savoir,
dans le désarroi le plus profond, vous n’aurez cependant jamais
adhéré avec autant de force à la souveraineté divine de la Dame :
ces nuits obscures seront justement votre illumination. Vous
connaîtrez la Science par sa propre connaissance, sachant d’elle
non pas ce que les livres en balbutient, mais ce qu’elle en sait
elle-même et veut bien en révéler. Dieu vous jette par la
Providence dans ce creuset redoutable, votre maître le sait et
vous accompagne, vous allez subir le pire : la vision juste de vous-
même.
En peu de temps vous aurez fait plus d’actes que d’autres en une
longue existence, parce que vous avez accepté de regarder en face
la nuit, de vivre comme les hommes ordinaires ne veulent pas
vivre. Il faut que vous buriniez jusque dans votre chair
l’impérieuse nécessité et la conviction de l’extrême bonté de ces
instants. Patiemment, avec douleur souvent, exprimez jusqu’à la
dernière goutte de tentation, d’impatience, de confiance en vous-
même dont vous êtes plein. Quoi que vous fassiez, en donnant
votre vie à l’Alchimie, vous êtes condamné à une longue période
de ténèbres. Il est sûr que vous en viendrez là tôt ou tard. Et si
par infidélité ou pratique excessive de l’ego vous perdiez cette
grâce, repentez-vous au cours de la nuit suivante, car votre
infidélité n’entraîne pas celle de la Dame. Vous La trouverez vous
attendant avec tout ce qu’Elle s’était promis de vous octroyer.
Vite, séchez-lui ses larmes, lavez-lui les pieds parce qu’Elle a
souffert de vous avoir perdu. Vous serez désolé, vous direz de
douces paroles au bout de vos lèvres. Dans ces instants de retour,
de confession, on pourrait vous ôter la vie, vous ne douteriez pas
de votre parole.
Ne soyez pas de cette mauvaise tristesse lorsque l’Art vous paraît
si loin, même si vous observez le silence. Je le sais, rien n’est plus
lourd à porter qu’un amour dédaigné ou méconnu. Le cœur
souvent brisé vous voudrez reprocher à la Science de vous
tromper, puisqu’elle vous aurait promis ses privautés par les
dires des Pères et qu’elle vous traiterait sur l’heure en esclave.

335
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 336

Vous semblez être inconsolable de cette froideur. Voyez-vous, le


creuset du désert, dans son aridité, parle moins de magnificence
de l’Art que de sa transcendante perfection. Mais, il ne suffit pas
que vous le sachiez par la métaphysique : il vous faut
l’expérimenter et rendre à cet amour un hommage totalement
gratuit. N’ayez crainte, si l’épreuve durait trop, vous ne
dépéririez pas, l’humilité vous viendrait en aide. Acceptez de ne
pas goûter le temps qu’il faudra à la bienheureuse Science, vous
qui avez trop savouré les idées et les philosophies. Si vous laissez
poindre cette tristesse, c’est que vous vous jugez digne des
faveurs de Marie. Ne revenez pas en arrière. Ne vous en prenez
ni à votre entourage ni au cadre de vie. Celle qui vous aime se
cache dans cette obscurité et vous y donne rendez-vous. Ne vous
dérobez pas.

Soyez-en sûr, ce sont ces instants qui vous gratifient de la


visitation des Pères. Certains modernes pourraient dire qu’il
s’agit de phénomènes « parapsychologiques », tant ils sont forts
par leur réalisme et leur vigueur. Les maîtres disparus
intercèdent pour vous, les sincères, auprès de Marie, et leur
intrusion dans le monde concret se fait toujours par l’entremise
de la Providence. Rarement, ils se manifestent directement par
leur image astrale ou par d’autres témoignages de présence
personnelle. Ils préfèrent vous venir plus directement en aide et
vous donner vraiment ce dont vous avez besoin pour l’heure.
Vous pouvez être certain que la promptitude de la Providence à
réaliser pour vous une chose apparemment impossible tant elle
vous paraissait ardue, indique l’action directe des Pères à votre
égard. Mais il faut savoir écouter et, pour écouter, faire silence.
Faire silence revient à manifester intérieurement le désir d’une
rencontre. Il faut vous sortir de la tête que l’Alchimie serait une
forme d’ascèse ou d’accomplissement qui n’a pas d’autre idéal que
votre seul perfectionnement. Le silence n’est pas le fruit unique
et laborieux d’un effort humain. Il est d’abord contemplation, c’est
pourquoi les véritables ascèses façonnent l’âme par le silence,
mais elles ne sont pas le silence. Il s’agit du combat invisible. Se
retirer des choses et des hommes est utile à tous, et plus

336
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 337

spécialement recommandé aux faibles : en effet, par la seule


action extérieure, l’intellect ne peut pas devenir impassible.
L’impassibilité doit être assurée par de nombreuses aides dont
seule la solitude est le nid. Vous serez inévitablement mis à mal
par la distraction, parce que vous vous coupez de l’impulsion
d’En-Haut. Si vous ne trouvez pas l’impassibilité, jamais Marie
n’enverra sur vous les influx de l’Esprit Universel, car lui-même
serait détourné pour servir vos passions. Ne faites rien dans vos
actes quotidiens qui soit ambigu. L’ambiguïté cultive l’instabilité,
ennemi premier du manque d’impassibilité, et détruit votre
rectitude d’être. N’ignorez plus que les Pères n’attendent que le
moment où vous serez assez dégagé de vous-même pour entrer en
contact avec vous. Ils peuvent même vous venir en aide lorsque
vous butez sur des opérations particulièrement difficiles, sur
lesquelles vous peinez depuis des années. Ils vous apparaissent
alors en « rêves », image qui n’est pas du tout symbolique, à un
tel point qu’une personne parfaitement étrangère à vos pratiques
ressentirait exactement ce que vous vivez par les sens au
moment des manifestations. Bien entendu, la différence
apparaîtrait immédiatement dès les interprétations.
Pour recevoir ce mérite - car c’est un mérite - vous devez d’abord
payer de votre personne et apprendre le silence solitaire au
laboratoire. Non pas de cette solitude d’une soirée par mois, en
réalité, mais bien de ce contact prolongé avec le mystère.
Commencez, dès que vous pénétrez dans l’enceinte de votre
laboratoire et que vous allez y travailler seul, pour vous
abandonner. Vous avez quitté votre univers habituel pour celui
du contact avec les autres mondes. Vous abandonner n’est pas
seulement trouver le refuge près de votre fourneau lorsque la vie
mondaine vous trouble. Il faut vous livrer corps et âme à Celle
qui seule peut vous sauver. Utilisez l’approfondissement du
lâcher prise à la fin de quelques expirations en vue de favoriser
cet état d’abandon. Bien expirer et cultiver l’attention à ce
moment permet de laisser une forme d’abord grossière de détente
s’installer en vous. Décrispez-vous vous abandonner est
l’expérience privilégiée de la fidélité, c’est devenir disponible de
tout votre être, c’est vous livrer en toute confiance au possible et
à Marie, c’est vous laisser conduire par Celle qui sait mieux que
vous, même si vous ne comprenez pas maintenant. Acceptez le
mystère, acceptez qu’il subsiste aussi longtemps qu’il le désire.

337
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 338

Lorsque vous êtes dans une telle situation, vous mobilisez en


réalité vos énergies dont votre partie émettrice se servira pour
appeler les Pères.
Ces énergies, analogiquement sur le plan matériel, sont solaires ;
elles se manifestent sous forme de radiations d’un type spécial et
encore inconnu de la petite science, de filiation magnétique. Leur
émission est engendrée par une élasticité particulière du
diaphragme qui, en pratiquant les expirations comme je vous l’ai
dit, prend un timbre spécial. Cette résonance mobilise votre
spectre d’absorption des dérivés de l’hémoglobine. La bande
d’absorption, qui se situe normalement pour les ions Fe++ aux
alentours de 560 mou, éclate littéralement, expulsant un type
d’ions très particulier qui s’emmagasine à des endroits où il sera
« échangé » en émission magnétique. Le champ terrestre se
canalise en un lieu très précis du corps plus qu’à l’habitude,
l’accumulation d’ions Fe++ spéciaux et réunis faisant office
d’aimant. Cette aimantation entoure le lobe antérieur de
l’hypophyse au niveau de sa membrane extérieure et c’est elle qui
est à l’origine de la sensation immédiate de calme intérieur. Mais
l’incidence ne s’arrête pas là, le magnétisme inaccoutumé
s’infiltre dans les tissus de la glande.

Rien de plus clair que votre devoir est de ne rien cacher à votre
instructeur. Tout s’accomplit généralement le plus possible de
vive voix. Sans parler du mensonge, qui est un des degrés de
l’Echelle Sainte, il faut saisir qu’avant de dire la vérité, ou ce qui
se passe dans la tête, les sentiments et ce que l’on fait dans les
actes, il faut s’en rendre compte soi-même. Cela vous paraît
évident, il vous semble parfaitement savoir très exactement ce
que vous faites de votre présence générale. A l’encontre, certaines
modes psychologiques ont tendance à proclamer le danger d’être «
trop conscient », s’appuyant sur la thèse que les meilleurs de nos
organes sont ceux dont nous ignorons l’existence. Erreur.
Les modernes s’imaginent pouvoir à leur guise dire la vérité, se
connaître eux-mêmes en prétendant relater précisément ce qu’ils
ont fait. Il n’en est rien. Toutes leurs tentatives ne sont que
superficielles car, se rendre vraiment compte de ce qui se passe

338
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 339

en soi-même revient à exercer la connaissance de soi. Cela


dépasse largement, contrairement à l’habitude, les notions de
surface appelées « analyse de soi » par eux.
Par exemple, prenons tel disciple affectif que le maître envoie
chercher un ustensile de chimie chez le fournisseur en ville. Il en
revient fatigué, le dos voûté, reste immobile sur une chaise, les
yeux cernés. Questionné sur son état, il dira : « pardonnez-moi
maître - se mettant presque à genoux - mais la ville me perturbe.
J’aspire tellement au recueillement, au silence du laboratoire !
Ah ! Cher maître, quelle joie de vous servir ! ». L’instructeur, qui
est en général plus malin que le renard, connaît son loustic. Il
avait surpris, à la poubelle, ces jours derniers, quelques boîtes
vides qui contenaient une bonne crème, plus qu’il n’en faut bien
entendu, avec lesquelles se trouvait un tas incroyable de papiers
de bonbons.
Sans bouger, il questionne son disciple
- Donc, tu as été chez « Pitrochimie » ; as-tu trouvé le
nécessaire ? - Oui, maître. Ils ont été très courtois et
rapides.
- Est-ce tout ce que tu as fait ?
- Quasiment. En passant, j’ai vu la petite chapelle de Saint-
Beauzire et m’y suis arrêté pour une métanie.
- Deo gratias, mon fils. Mais, cette chapelle n’est-elle pas
plus belle que celle de Saint-Vincent juste à côté ?
- Elle est en effet merveilleuse ! De si dignes sculptures
l’anoblissent, créant cette atmosphère indescriptible ...
- Recherchais-tu l’atmosphère, ou voulais-tu prier ?
- Que voulez-vous dire, maître ?
- Prenais-tu ou offrais-tu ?
- Il me semble que je priais.
- Alors, pourquoi ne pas honorer la chapelle de Saint-
Vincent ? ... Je ne sais pas ...
La pâtisserie Museau n’est-elle pas attenante à la Chapelle
Saint-Beauzire ? En effet.
Alors, Michel ?
J’y suis passé et y ai avalé trois éclairs au chocolat.

339
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 340

A quelle heure ?
A trois heures et demie, maître.
Tu n’avais pas fini de digérer, tu te gaves de pâtisseries et
maintenant ton foie travaille indûment tu es fatigué et la ville
t’insupporte. Tu as des vertiges, parce que ton état affectif se
caractérise par des fringales subites que tu ne peux pas contrôler.
Tu sais pourtant que ces fringales sont morbides, tu en perpétues
les métabolismes en les satisfaisant.
Deux jours après, l’instructeur apprendra innocemment que
Michel a été vu par un ami en compagnie de Janine, avec laquelle
il a passé le reste de l’après-midi. Pour le disciple, il a « servi la
Science en cherchant les ustensiles du maître », pour le guide, il
n’a été qu’un sale gosse désobéissant et farfelu. Dans le meilleur
des cas, cela se passe de la sorte, car l’élève dit
approximativement la vérité. En chaque règne humain il existe
ce genre de tare. Le pire commence lorsque les mensonges vont
de pair avec les récits. Les menteurs cachent durant des années
la vérité - même sans le savoir quelquefois car il leur semble que
leurs actions sont insignifiantes - et au milieu de la route, ils
s’étonnent de craquer complètement puis de tomber très bas. Ils
se plaignent alors de l’enseignement qu’ils ont reçu, disent qu’il
n’est pas complet, accusent la faiblesse du maître, alors qu’ils
sont leur propre châtiment. Manger des gâteaux ou fumer n’est
pas grave en soi, peut-être, mais ces choses inscrites dans la
chaîne de vos métabolismes qui maintiennent votre ignorance
sont très dangereuses. Vous n’êtes pas en mesure d’évaluer vous-
même les erreurs que vous commettez, car vous n’en connaissez
pas l’incidence exacte dans votre machine humaine. Il vous faut
dire la précise vérité des faits au maître, quels qu’ils soient.
Et pourtant, le disciple Michel a quarante-neuf ans ; et pourtant,
nous vivons au XXe siècle.
Le soir, évidemment, le maître demande au disciple d’aller se
coucher, plutôt que de venir au laboratoire, sans rien manger.
L’élève pleurera et, s’il se plaint ou s’il remercie comme son règne
le lui commande, par dessus le marché, retombant dans les
manies serviles de son affect, il prendra une bonne claque. S’il se
délecte de cette correction, il se verra, à l’opposé comme on

340
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 341

pourrait le croire, contradictoirement imposé de présence


quotidienne au laboratoire à laver le sol ou les murs.
L’instructeur ne lui adressera la parole qu’en termes très banaux,
matériels et lourds. Cela durera jusqu’à ce qu’il comprenne
comment il se trompe sur lui-même.
Je sais que certains souriront à la lecture de ce qui précède - on
est d’ailleurs tenté de s’y laisser aller -, malheureusement avec la
cigarette à la lèvre ou avec le projet d’aller dépenser cinq mille
francs samedi prochain au marché aux Puces dans un objet qu’ils
ne regarderont plus l’an prochain. Vous ne fumez peut-être pas,
vous n’êtes certainement pas ce dépensier ou ce jouisseur, mais
votre ego est ce qu’il est : il a ses habitudes qui, en regard de la
Science, sont aussi grotesques que celles dont nous avons parlé.
Sourire aux descriptions précédentes ne vous autorise pas à vous
déclarer vierge de toute faute et à vous passer de ce degré.
En tant que manifestation des pensées et des gestes, ce qui doit
donc précéder le descriptif précis est l’attention avec laquelle vous
devez toujours vivre. Soyez sobre, vigilant, attentif, ce qui ne veut
pas dire radin, maniaque et pinailleur. Il faut veiller
perpétuellement à la porte de votre esprit et, à chaque suggestion
de la loi d’accident générale, demander « à qui appartiens-tu,
événement, es-tu un signe de la Providence ou une vague
régurgitation du courant de la suggestion permanente ? »
Vous vous croyez capable de distinguer le loup de la brebis,
oubliant qu’une des plus magnifiques propriétés du moi est celle
de travestir les choses pour qu’elles paraissent saines,
justifiables, dignes d’analyse, alors que tout n’est qu’illusion. Ne
soyez pas débordé, toute vie spirituelle simplifie, toute vie dans le
monde complique. Si vous trouvez ces choses complexes, c’est que
vous vous adonnez trop souvent à l’identification. Avec
l’identification, vous vous oubliez vous-même et vous vous perdez
dans tous vos problèmes. Votre intérêt et ce qui reste de votre
attention sont complètement happés par chacun d’eux, vous ne
pensez plus du tout aux buts véritables que vous vous étiez fixés.
Finalement, le seul point fixe dont vous pouvez dire qu’il vous
appartient, dans l’état actuel de votre avancement, c’est
l’identification : seuls changent les buts successifs, ce qui fait
ressortir une certaine « mobilité » suscitée par les événements.
Tantôt c’est une attention dispersée - ce que vous appelez la «

341
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 342

spontanéité » -, tantôt c’est une attention captivée qui est fixe - et


que vous appelez « concentration ». Evidemment, spontanéité et
concentration sont tout autre chose.
Quoi qu’il en soit, le résultat est le même, vous êtes entièrement
pris par les événements extérieurs, perdant de vue l’ensemble, et
surtout votre présence dans cet ensemble. Ne nous étonnons pas,
cependant, que la grande difficulté que l’on rencontre lorsqu’on
décide de se libérer de l’identification réside dans le fait qu’elle
est prise par les modernes comme une grande qualité. Toutes les
valeurs sociales pivotent autour de ce funeste comportement,
ainsi que leur promotion, c’est-à-dire l’éducation. Voilà qui
constitue la somme des interprétations personnelles, et nous
retombons dans les mêmes problèmes de centralisme aveugle.
Ces interprétations personnelles avec lesquelles vous constituez
votre personnalité et sur lesquelles vous comptez pour apparaître
dans le monde sont jalousement gardées. La moindre atteinte est
ressentie comme une menace ou une amputation : c’est ce que
l’on nomme l’amour-propre dont le dynamisme est votre volonté
propre, ou ce que j’appelle l’illusion d’être.
Lorsque vous pratiquez les dangereux mécanismes de
l’identification, non seulement vous gaspillez l’attention - avec
toutes les conséquences que vous pouvez imaginer en rapport
avec ce qui précède - mais en plus vous n’êtes rien. En singeant
tel ou tel comportement que vous prenez petit à petit pour le
vôtre parce qu’il vous a rendu des services, vous êtes celui qui
vous a montré ce comportement, lui-même l’ayant copié sur un
autre. Tout cela n’est rien. Par exemple, vous constatez en
arrivant dans un nouvel emploi que votre supérieur a une grande
influence sur son personnel. Je ne vous donne pas deux heures
avant d’observer comment ce supérieur se manifeste, quel est le
répertoire de ses gestes, la tonalité de sa voix ou certaines de ses
invectives psychologiques ; bref, vous serez surpris de faire
comme lui devant untel. Regardez comme tous les hommes
politiques se copient. Rappelez-vous leurs intonations, reprises
par tous les subordonnés. Rien qu’à les écouter, on sait de quel
bord ils sont. C’est même devenu un nouveau genre de spectacle.
Vous, vous croyez échapper au phénomène lorsque vous riez en
allant voir de tels spectacles ou en les entendant à la radio.

342
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 343

Et moi je vous dis qu’il vous faut apprendre à être vous-même,


car la Dame vous veut tout cru.

Une des nombreuses manifestations basses de l’esprit universel.

Ce cinquième degré est, sans doute, celui de l’assiduité au


laboratoire, elle-même la pierre d’achoppement du premier
œuvre. Vous ne pouvez pas mesurer combien d’artistes se sont
arrêtés là, dont la plupart des grands noms de la littérature
romanesque moderne dite alchimique : aucun n’a terminé le
premier œuvre. Je sais que vous ne voudrez pas le croire, mais
moi je vous le dis par expérience. On ne peut pas tout faire, être
présent dans les salons, dans toutes les manifestations
mondaines, écrire de nombreux livres, envoyer quelques articles
mensuels à diverses revues, vivre sa vie de gagne-pain et en
même temps travailler sérieusement au fourneau. Certains m’ont
dit que ces choses ne devaient pas se dire, parce qu’ils croient que
les postulants s’en rendent compte. Je clame exactement le
contraire, sachant très bien que très peu d’aspirants en ont
conscience, que ces choses doivent être hurlées sur les toits. Ils ne
veulent pas que cela se sache car ils défendent les intérêts de ces
nantis, tout simplement par le fait qu’ils ont leurs propres
intérêts placés avec ceux d’iceux.

343
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 344

J’affirme que les jeunes sincères ne le savent pas, même s’ils en


parlent. Ils sont d’accord sur le fait que l’on ne peut pas faire le
pitre tout en étant devant le fourneau, mais ils ont leurs livres en
reliques dans la bibliothèque, qu’ils connaissent par cœur.
L’étude livresque de la Science est en fait courte. Mieux vaut
exercer que vous perdre dans les textes, car l’expérience de
l’Alchimie est vivante. Au XXe siècle, vos consciences sont
suffisamment développées pour peu étudier. A l’encontre de vos
frères d’antan, vous êtes infirme du geste. Je réitère mon
affirmation : on ne peut pas être à la fête et au tison tout à la fois.
La fête est la source première de la beuverie en identifications et
considérations, le tison représente des années consécutives de
travail assidu au pilon. Ces deux mondes ne peuvent cohabiter,
tout simplement par le fait qu’ils n’ont pas les mêmes objectifs ...
Aussi, vous ne m’avez vu qu’une seule fois en public lors de
l’annonce de la résurgence artisanale de la conception des
ustensiles de chymie par un labourant, et c’est tout. Ce fut une et
dernière. Jamais plus sous notre filiation, il n’y aura d’autre
manifestation mondaine. Jamais vous ne nous rencontrerez dans
une de ces fêtes annuelles réunissant tout le gratin de la honte de
la spiritualité moderne. A vous, mes disciples, je vous ordonne de
suivre notre attitude, et que la foudre tombe sur celui qui fera le
coq sur le tas de fumier. Conséquemment, ce ne sera point un
secret si je vous dis que j’ai cessé durant quelques mois mes
activités au feu, afin de parachever les manuscrits de ce traité. Il
m’a fallu attendre la fin du second œuvre, par ordre, car toutes
les notes étaient prêtes depuis huit ans. Ne comptez donc pas que
je réapparaisse en public avant la grande fin, si Dieu le veut, et si
la charge que Marie voudrait bien me confier y soit rapportée.
Séduisants sont les mondains ; mais, aussi vaste que paraisse
leur culture extérieure, aussi nombreuses et apparemment
intéressantes que soient leurs publications, sachez qu’il n’y a rien
derrière eux. Après leurs réunions, il ne reste que leurs verres
vides et leurs détritus aux ordures. Après s’être ciré
respectivement les bottes, ils se quittent satisfaits de leurs plans
secrets à votre encontre. Ils disposent de tous les moyens
extérieurs de vous faire avaler n’importe quoi. Ce sont toujours
eux les bénéficiaires, d’une manière ou d’une autre, qui plus est
lorsqu’ils forment par mimique leurs dignes descendants.
Observez-les de loin, voyez qui va prendre la relève de celui-ci ou

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 345

de celui-là, vous ne tarderez pas à comprendre que tout était


prévu à l’avance, que vous ne valez pas plus cher que de
vulgaires pigeons, très respectés bien entendu en amont, mais
objets de leurs plans en aval.
L’assiduité est autre chose. Le premier œuvre est celui des
travaux d’Hercule, et c’est peu de le dire, le nom n’est pas trop
fort. A tel point que je me demande si quelques-uns d’entre vous
pourront y arriver simplement physiquement, tant je crains pour
leur santé. Qu’ils me parlent de leurs difficultés à ce niveau, s’ils
sont surpris par leur faiblesse corporelle, je leur viendrai en aide.
Maintenez-vous en bonne forme physique, pratiquez un sport
quelconque mais complet. Ne négligez pas votre chair, vous aurez
besoin d’elle plus d’une fois lorsque, par exemple, à trois heures
du matin, après trois fois huit jours de travail nocturne, le
vaisseau éclatera à cause d’une erreur de manipulation, et que
d’un seul coup vous devrez vous saisir de la barre à mine pour
extraire vivement le charbon incandescent. Ne croyez pas que le
laboratoire est ce ludus puerorum dont parlent beaucoup. Ce jeu
ne se situe pas ici, mais plus vers le langage des oiseaux. Il faut
que vous preniez conscience que le laboratoire peut tuer, si vous
vous en montrez indigne. Lorsque vous travaillez les particuliers,
lorsque vous pratiquez certaines fusions élevées en titre, vous
risquez gros, tout comme, plus subtilement, avec les poisons
redoutablement efficaces que vous devez générer en voie humide.
Les voies ne vous mettent pas à l’abri du danger : par le feu, ce
sera l’explosion ; par l’humide, les poisons. Vous préserver de ces
dangers est inutile, car vous devez en passer par là, ce sont les
épreuves voulues par la Science et vous n’êtes pas dispensé de les
endurer. Oui, vous avez bien lu, le danger est inévitable, dussiez-
vous lire tous les traités de chymie des Maîtres. Chacun de nous
avons notre quota d’explosions et de souillures en tous genres,
dont il faut par notre force réchapper. Vous pouvez vous entourer
de tous les systèmes de sécurité actuellement connus, vous
pouvez vous retourner les méninges pour tenter de prévoir
l’imprévisible, car ce doit être l’imprévisible. Vous devez
absolument montrer à la Dame comment vous la défendriez en
face du danger ; c’est une épreuve, et ceux qui ne l’ont pas passée
ne sont pas encore arrivés au stade de prétendre parler à des
frères.

345
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 346

Pourquoi est-ce une épreuve et en quoi consiste-t-elle ? C’est une


épreuve qui a plusieurs charges pour votre évolution. L’une
d’elles est que vous devez démontrer votre malléabilité mentale
et physique à réagir immédiatement en regard de la Providence.
C’est le stade qui est requis pour aller plus de l’avant. Une autre
exige la mise au point de votre capacité de sacrifice, la Dame
voyant si vous sauvez d’abord votre peau avant celle du dauphin
... N’ayez crainte, contrairement à ce que vous pensez, en sauvant
le sauveur vous vous sauvez vous-même. Mais, en pensant
d’abord à ne pas abîmer votre petit minois, vous serez certain
d’en prendre plein la face. En effet, à ce stade de l’œuvre, le
dragon devient curieusement votre allié, si vous avez su lui
montrer que vous étiez son maître. Mais vous vous rendez maître
du dragon en étant l’esclave de la Science ; vous serez alors son
geôlier, veillant à ce qu’il n’aide plus le soufre grossier à revenir
souiller la Vierge, étant attentionné au bien-être de l’Esprit
Universel.
Et n’imaginez pas qu’un « incident » est l’accident, l’épreuve. Je
sais que quelques-uns ont subi certaines mésaventures, qu’ils
prennent pour les manifestations des forces d’en-haut. Fêlure de
vaisseau, fumées subites, bruits ou craquements audibles,
vibrations parfois inquiétantes, tout cela n’est rien : le dragon est
simplement chatouillé et il rit de bon cœur. L’accident est bien
plus terrible, il vous anéantit en une fraction de seconde, vous
surprend vivement durant votre demi-sommeil, dans un fracas
épouvantable, au milieu d’une gerbe d’étincelles aveuglante, vous
êtes brusquement confondu avec l’épaisse fumée suffocante, la
pièce s’illumine et votre souffle est totalement coupé : c’est
inévitablement la première naissance du dauphin, qui ne peut se
manifester autrement, car elle présente pour vous un caractère
irréversible ( à moins que vous soyez un manipulateur hors pair
). La caractéristique de l’accident réside dans sa manifestation
impromptue. Que cela soit en voie sèche, en art bref ou encore
par la spagyrie, l’incident grave sera aussi votre lot. Comprenez
bien mes termes : je ne dis pas que la naissance du Remora
s’exprime dans le vacarme - au contraire, en voie sèche elle se
caractérise plutôt par une intense quiétude -.
Vous devez simplement noter la soudaineté avec laquelle Marie
vous rappelle à l’ordre.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 347

Si vous n’êtes pas à la mesure de ce présent, la Dame reprend son


enfant et vous pouvez errer des années. Par contre, si vous
montrez votre entraînement, vous arrivez à sauver le dauphin
pour ressortir totalement hirsute, l’air gogo vous poursuivant
pendant des semaines. Un entonnoir sur le sommet du crâne ne
ferait pas un meilleur effet ; ne vous exclamez pas ; cela est vrai,
aussi vrai que, par cette manipulation, vous intégrez un état de
non-connaissance requis pour la suite des opérations.
Je sais que certains d’entre vous auront saisi l’extrême
importance des présents propos.
L’assiduité : les travaux d’Hercule, les innombrables fusions,
entre trois et sept fois par trois cents grammes et par
purification, dont le nombre de culots étoilés, source essentielle
de mercure, d’eau, doit approcher les quatre kilogrammes pour
un bon débutant. Il vous en faudra autant, cher aspirant, pour
comprendre simplement le second œuvre, tant vous êtes
inexpérimenté et à juste titre. Les poids et les mesures annoncés
par les Adeptes, ne l’oubliez pas, sont ceux du final, lorsque vous
êtes prêt au grand œuvre. En attendant, vous pouvez aisément
faire provision de quelques kilogrammes d’étoiles, si l’on peut
dire. La même remarque concerne le caput et donc les
séparations car, avant que vous ayez trouvé le tour de main qui
vous mènera à la terre du Renard, vous en fumerez beaucoup !
Méfiez-vous de ceux qui vous « révèlent » qu’ils ont pilonné plus
de deux ou trois kilogrammes, surtout lorsqu’ils sont réputés et
qu’ils ont moins de soixante ans. Notre cas est autre, vous l’aurez
compris. Nous pouvons même dire que, si vous voyiez de visu tout
le travail pour lequel nous avons donné notre eau, certains
deviendraient fous, d’autres ne croiraient pas que c’est l’effort
d’un seul homme. Mon maître avait tant de corne sur les mains
qu’il cassait les planches avec ses doigts sans effort ; il était
insensible aux piqûres de frelon tant la peau de son visage était
cuite par le feu. Ses yeux étaient presque blancs, donnant à son
regard une extraordinaire dimension de profondeur.
On ne peut pas pilonner et avoir les paumes blanches, les ongles
manucurés, tenant dans les griffes le dernier stylo de chez
Dupont, celui qui sert aux dédicaces. Ce sont deux métiers
différents, qui sont aussi étrangers qu’un minéral l’est d’un

347
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 348

animal. Un disciple court toujours, il a le train couvert de


poussière, ses yeux sont cernés. Il n’a pas le temps d’enfiler un
costume et au moins deux ou trois de ses ongles sont noirs par les
coups de pilon désaxés à cause de la fatigue. Il ne sait pas bien
parler, parce qu’il est dans le brouillard, bref, on a l’impression
d’avoir affaire à un être complètement niais. Et pourtant, il est
en passe de devenir un redoutable philosophe. Regardez les
valets autour des Adeptes, sur les images d’Epinal, ils sont
comme je vous les décris. J’ai été comme eux. Vous serez comme
eux. Et, bien souvent, sur vos joues la poussière sera mêlée à
votre sueur en crasse discrète ; on pourra vous voir aller chercher
le pain du maître - et le vôtre - au petit matin, alors que les
larmes s’étaient frayées un chemin discret plus clair que le fond,
complètement ahuri, demander au vieux Pierre qui est le premier
paysan à aller au champ où se trouve la boulangerie, que vous
connaissez depuis dix ans ...

Vous le croiseriez, mous ne L’état du disciple au petit


lui jetteriez pas même un matin.
regard et pourtant, c’est un
des plus grands hommes
de cette terre.

Il pourrait vous paraître curieux de vous indiquer quelques soins


pour votre corps physique. Après tant de mots durs à l’encontre
des manies de l’ego, métabolisées jusque dans vos cellules,
affirmer que vous devez donner à votre corps son tribut semble

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 349

contradictoire. Et pourtant, rien n’est plus recommandable, car il


vous faut distinguer nettement les mauvaises métabolisations
issues des comportements illicites de vos manies des exigences
naturelles de vos fonctions. Rien ne serait en effet plus
dangereux que de tout ramener dans un camp ou dans l’autre. Ne
vous égarez ni dans une déification de votre petite santé, ni dans
ce que les religiosités - et non les religions - ont souvent porté en
excès de censure.
Reconnaissons que le mauvais esprit religieux, lui-même étant le
résultat de nauséabondes cogitations d’intellectuels refoulés
qu’ont été certains évêques, abusa de sanctions illégitimes sous le
couvert des nécessités soi-disant ascétiques. Cette sorte de
prétention au spiritualisme absolu, ne voyant dans le corps qu’un
tas d’immondices, a tourné les mentalités en folie interdisant le
manger, le boire, l’exercice, le repos, ne comptant que sur une
sorte de guérison spirituelle. Toute dégradation du physique
indique pour ces malades mentaux une élévation de l’âme, et le
fruit final de ces attitudes perverses n’est qu’un cœur
impénétrable à toute sensibilité et à toute réalité.
A l’opposé de ces tendances, il y a les écologistes de tous styles,
naturalistes et autres farfelus qui prennent évidemment le
contre-pied, ne s’occupant que des soins de leurs corps et croyant
fermement qu’en agissant ainsi l’âme sera inévitablement saine.
Ne s’agissant en fait que d’une éxubérance corporelle - forme
dépravée et détournée d’un animisme perverti - ces attitudes se
traduisent elles aussi par leur caractère impérieux, obnubilant,
démontrant en réalité un appétit sensuel tentant de compenser
une avidité plus profonde.
Ces deux mondes fous ont le même point commun : l’incapacité à
adopter une règle mesurée. Nos précurseurs et maîtres, dont
Paracelse, nous indiquent la route à suivre. L’homme n’est pas
un être quelconque, ressemblant à son frère. Il est Un et créé,
portant en lui le témoignage de sa fonction terrestre mais aussi
celui des déviations de son moi, c’est-à-dire sa maladie. Les
médecines employées pour tenter de guérir un homme doivent
tenir compte en premier lieu de cela. Toute décision médicale doit
être conforme et soumise au contrôle de la nature, considérant
l’être dans ses rapports avec l’univers, et non pas avec les
régurgitations de l’ego collectif : le social. Tant qu’une médecine

349
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 350

s’obstinera à cadrer exclusivement le plan social, elle sera une


médecine d’adaptation, d’aliénation. La véritable médecine
chasse l’examinateur sagace pour faire place à l’Observateur
averti qui, relatant les témoignages pris dans leur ensemble,
évolue vers une réelle connaissance adaptée au temps, à la masse
et aux mesures de la personne malade.
La maladie n’est pas un fait primitif, inné ; elle est une
conséquence. Elle est le résultat d’un désaccord entre le potentiel
d’un individu et la vie que le social lui commande de mener selon
les buts lucratifs de l’ego. Ce décalage a pour effet essentiel de
modifier complètement le temps intérieur de métabolisation,
installant des vitesses de réaction dénaturées, et donc des
résultats toxiniques : dérythmie, menant petit à petit le « malade
» à son état de malaise, à son niveau de malaise.
Le temps intérieur est désaxé, c’est le signe d’une adhésion ou
d’une intrusion des mécanismes du moi dans votre propre nature.
Il existe plusieurs étapes de cet état de choses. Bien entendu,
vous n’êtes pas de ces êtres épais qui se laissent aller d’excès en
excès. Vous avez vos propres « petits péchés mignons », dont vous
semblez garder la maîtrise et l’emprise, mais en ignorant
complètement que le monde social actuel lui-même vit dans une
totale décadence. Vivre comme ceci, manger comme cela vous
semble « normal », alors que ce sont des habitudes destructrices.
Elles ne causent pas directement votre mort physique, mais
collaborent avec tous les processus d’endormissement.
Le temps intérieur est équivalent à la succession ininterrompue
de vos réactions cellulaires dont l’horloge centrale est commandée
par la nature, et non par vos exigences personnelles. Il est une
dimension de vous-même en regard du cosmos. Votre temps
physiologique représente la longue série de toutes vos
modifications organiques, rythmiquement commandées pour
votre mission terrestre, qui n’est pas celle dans laquelle vous
vivez maintenant. Votre notion de durée mentale, s’étant
identifiée à l’ego, a pris ses dimensions et ses propres mesures.
Mais, comme les rythmes du moi ne sont qu’identifications, ils
font inévitablement marcher votre machine plus vite que la
musique, et vos glandes, votre sang, charrient les résultats de ces
abus. Votre conscience enregistre votre notion désaxée de temps-
ego, elle ne capte plus votre temps physiologique. Le temps-ego

350
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 351

n’a ni queue ni tête, malgré ses apparences. Vous pouvez très


bien désirer longtemps acquérir tel objet et vous comporter en
conséquence, comme désirer furtivement telle autre chose et vous
comporter différemment, tout en croyant que vous agissez
logiquement et d’une manière suivie.
Ces décalages et ces leurres n’existent pas dans le temps
physiologique sain. Tout entier, il vous suit à chaque instant, ses
agencements sont très complexes, faisant que votre âge
chronologique n’est évidemment pas celui qui est inscrit sur votre
carte d’identité. Certains d’entre vous, qui avez une trentaine
d’années, ont quinze ans pour quelques-uns et cinquante ans
pour d’autres. Croyez-moi, il faut en tenir compte dans le Grand
Œuvre. N’imaginez pas, parce que vous avez trente-cinq ans, que
vous avez le temps. Il vous reste en effet peut-être
statistiquement autant à vivre, mais cela ne veut pas dire que
vous pourrez développer autant de conscience. Votre âge réél est
celui de votre état organique entier. Il ne peut être mesuré qu’avec
le rythme de changement de cet état, objet essentiel de la
Médecine Universelle. Le temps intérieur, c’est vous-même, et il
est bon de ne pas le décaler dans un sens ou dans l’autre. Il est
donc convenant de vous « réinstaller » dans votre temps intérieur,
puis d’être capable d’y rester. De cette manière, vous serez
relativement bien portant, sans retomber dans vos excès ou dans
ceux du monde.
Réintégrer votre temps intérieur signifie l’emploi de médecines
appropriées. Evidemment, ces médecines doivent elles-mêmes
être des sortes d’harmoniques avec le temps réellement
organique, pour prétendre vous y reconduire. Il est hors de
question d’employer les médecines ignorant volontairement à la
base ces notions.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne s’agit pas
présentement d’établir une liste ségrégationiste des médecines
qui sont bonnes ou pas. Toutes les médecines sont valables, à
condition de respecter nos précédents propos. C’est ainsi que vous
ne trouverez pas ici l’énumération des mauvaises médecines, car
je sais que certains d’entre vous attendent que j’accuse
l’allopathie, ou les régimes carnivores. Nous reparlerons
précisément du manger en temps voulu, mais affirmons tout net

351
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 352

qu’il n’y a pas de mauvaise médecine, il n’existe que des


charlatans dans chaque discipline.
L’allopathie n’est pas une médecine à rejeter. Vous ne devez pas
avoir de préférence pour telle ou telle thérapeutique. Vous devez
simplement accorder l’emploi d’une thérapeutique aux troubles
précis qui vous assaillent. Et tout d’abord, je vous commande,
avant d’appeler une médecine à votre secours, de regarder le plus
objectivement possible vos déviations égoïstes. Engendrant
toutes sortes de maux, le meilleur moyen de les faire disparaître
reviendra à réintégrer un mode de vie normal. Soyez équilibré et
n’exagérez en rien, et vous supprimerez les trois quarts de vos
malaises. Il est inutile d’y insister, tant cela est évident, et cela
vaut pour tout, y compris les maladies psychosomatiques. Quant
à l’allopathie, elle sera la thérapeutique de votre choix chaque
fois que d’importantes déviations métaboliques d’ordre chimique
vous perturbent. C’est une médecine de choc, violente, directe et
à employer très temporairement. Il vous faut choisir un bon
allopathe, qui sait bien son répertoire, qui a de l’expérience, qui
vous connaît depuis longtemps. Vous pouvez sauver la vie des
vôtres et de vous-même par l’usage parcimonieux de l’allopathie.
Mais, dès que l’équilibre des valeurs chimiques est retrouvé dans
les formules d’analyse, intégrez immédiatement une
thérapeutique plus adaptée, plus douce et naturelle. L’allopathie
doit vous servir lorsque vous êtes fortement dévié de la source
originelle, lorsque vos productions organiques sont de ce fait
troublées jusque dans leurs réactions moléculaires.
L’homéopathie est la médecine dont le champ d’action est
essentiellement fonctionnel et psychique, où elle fait merveille.
Elle demande dans son bon emploi un mode de vie adéquat, qu’il
vous faut suivre à la lettre. Vous reconnaîtrez un bon
homéopathe à ce qu’il vous prescrit. Son interrogatoire doit
s’étendre sur l’éventail le plus vaste possible vous représentant.
Hérédité, passé personnel, habitudes, améliorations,
aggravations, préférences, douleurs, psychologie, etc... l’examen
clinique suivra avec autant de minutie vous retenant
globalement deux bonnes heures. Ensuite, votre ordonnance doit
inévitablement comporter votre remède de drainage, souvent
accompagné de votre remède aigu ou de fond ; tout dépend du
devenir de votre morbidité. Il n’est pas bon que votre homéopathe

352
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 353

soit pluraliste. Il doit être le plus possible uniciste, c’est-à-dire


employer toujours deux ou trois remèdes maximum, dont un est à
haute dilution. Une tartine de médicaments doit vous inspirer la
méfiance, ainsi que le mélange des puissances thérapeutiques.
Les médecines orientales sont d’une efficacité souveraine.
Acupuncture et auriculothérapie sont recommandées dans de
très nombreuses maladies, dont le trait caractéristique est une
déviation énergétique de votre puissance vitale, facteur principal
de dérythmie. Alors que l’homéopathie couvre le rayon d’action
des auto-intoxications, les thérapeutiques d’aiguille concernent
plus les détournements énergétiques, engendrant des malaises
dont la dérythmie est l’indice qui doit être principalement retenu.
De même, il vous faut un bon médecin, qui soit formé à ces
enseignements, et surtout qui les pratique ... Un excellent
thérapeute des médecines orientales vit comme un oriental, cela
ne peut pas être autrement, car il doit interpénétrer toutes les
subtilités ancestrales de ces savoirs, qui ne sont pas l’apanage de
l’intellect seul.
Quant au jeûne, nous en toucherons mot lorsque nous traiterons
verbalement du bien manger. Evidemment, il existe
d’innombrables autres thérapeutiques. L’utilisation des oligo-
éléments, par exemple, doit être prodiguée avec beaucoup de
prudence. L’isothérapie, elle, est efficace seulement dans le cas
d’infections chroniques. L’hydrothérapie, par contre, peut être
abondamment recommandée à tous, car sa valeur est redoutable,
lorsqu’elle est bien prescrite et convenablement suivie. J’ai vu de
très gros problèmes fonctionnels entièrement guéris par
l’hydrothérapie.
La psychanalyse a son action limitée mais très valable dans les
questions d’adaptation dues à une mauvaise incidence des
structures psychiques du passé, qui ont été déviées par des chocs
de toute nature. Bref, nous ne pouvons entrer dans le détail de
toutes ces choses, qui demandent en fait un examen individuel et
un enseignement profondément dispensé, comme il sera fait en
temps voulu.
Quoi qu’il en soit, vivez régulièrement, tentez de réparer par
l’abstinence un excès quelconque, lui appliquant l’énergie inverse
d’une manière contrôlée et équivalente. Prenez soin de régénérer

353
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 354

de bonnes forces à la suite de maladies infectieuses, appliquez-


vous à chasser de votre corps celles qui se sont installées
chroniquement. Venez au laboratoire relativement équilibré, car
beaucoup de forces vous seront demandées. D’autre part, ne vous
étonnez pas de la venue subite d’une souffrance engendrée par
l’observance de l’ascèse que vous commande votre maître. Cela
est normal. Si tel intellectuel reçoit la recommandation de
travailler énormément avec ses mains, qu’il ne prenne pas de
chlorure de magnésium parce qu’il se sent fatigué, par exemple.
Vous devez par l’ascèse non pas bannir votre corps, mais en
rectifier les mauvaises habitudes fonctionnelles, ce qui ne peut
être fait sans souffrance. Il vous faut donc discerner la souffrance
dont vous êtes la cause par vos excès, la souffrance engendrée par
vos propres efforts en vue de changer en vous améliorant, et la
souffrance que vous subissez intégralement comme étant issue de
facteurs vraiment extérieurs. Les douleurs issues de l’ascèse,
vous l’aurez compris, traduisent en fait le signe parfait d’une
désintoxication. Ce sont les processus physiologiques
habituellement bloqués et en sommeil qui, par l’artifice du Devoir
intérieur, se débloquent pour retrouver leur mouvement inné.
Appliquez alors avec sapience telle ou telle thérapeutique, et tout
rentrera dans l’ordre, en quelques semaines, même pour de
graves ou d’anciens troubles.
Pratiquez un sport complet. Natation, marche à pied, athlétisme,
cyclotourisme, ou autre, que vous puissiez faire fonctionner la
chaudière humaine en bon tirage pour favoriser les éliminations.
Ne tentez pas une thérapeutique si vous laissez de l’autre côté
l’élimination inactive. Il faut expulser les toxines d’une manière
ou d’une autre, métamorphoser les troubles fonctionnels en
matières véhiculables par les organes d’élimination. De plus, il
est bon pour vous d’exercer avec assiduité un art martial
oriental, afin de stabiliser un certain type d’énergies en vous dont
le monde occidental contemporain n’a que faire. Vous devez
acquérir la maîtrise de vous-même dans les actes en vous
adonnant au judo ou kendo, kung-fu, tir à l’arc, dessin spontané
ou tir aux armes réelles. Ne souriez pas, vous ne pouvez pas
savoir combien ces choses sont importantes. Ne vous présentez
pas à l’athanor agité, nerveux, soucieux, mais plutôt maître de
vous, détendu, calme et serein, profondément serein. Seul
l’exercice d’un art martial, dont vous ferez tous les efforts

354
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 355

possibles pour en passer maître, vous donnera ces valeurs dont


les anciens n’avaient pas besoin, car ils les avaient en eux par
leur mode de vie culturel.

L’Alchimie intéresse les puissances modernes, qui ne tardent pas à vous


solliciter désagréablement dès que vous atteignez le niveau final des
particuliers. La Tradition, Elle, vous commande d’être capable de servir la
Chevalerie.

Ici, un tir au calibre 357 magnum Smith et Wesson, section parcours de tir,
trois ans d’entraînement, 550 / 600.

ou kendo, kung-fu, tir à l’arc, dessin spontané ou tir aux armes


réelles. Ne souriez pas, vous ne pouvez pas savoir combien ces
choses sont importantes. Ne vous présentez pas à l’athanor agité,
nerveux, soucieux, mais plutôt maître de vous, détendu, calme et
serein, profondément serein. Seul l’exercice d’un art martial, dont
vous ferez tous les efforts possibles pour en passer maître, vous
donnera ces valeurs dont les anciens n’avaient pas besoin, car ils
les avaient en eux par leur mode de vie culturel.
Les temps futurs seront ceux de la torture. On viendra vous faire
la guerre, les manières des barbares vous commanderont d’opter
en retour pour une attitude chevaleresque, qui ne s’improvise
pas. Vous devrez peut-être vous défendre, ou défendre les vôtres.
Comme par le passé, des impies et des méchants s’immisceront,
et cela non plus ne s’improvise pas. Ce n’est pas sur la tombe de
votre épouse violée, regardant vos enfants à moitié fous que vous

355
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 356

devrez y penser, c’est aujourd’hui qu’il faut vous préparer. Ne


croyez pas les gens du monde, les hommes politiques qui parlent
de paix. Ils sont insensés. Tout peut arriver d’un instant à
l’autre, et les ennemis d’être chez vous en deux jours. N’écoutez
pas ceux qui disent que c’est en vous préparant au combat que la
guerre arrive. Toutes les théories non-violentes - les vraies - sont
temporelles, appliquées avec bien des subtilités. En aucun cas
elles ne sont généralisables. Défaites-vous de la maladie de ce
pseudo-pacifisme qui anime la plupart des hippies du moment et
qui serait la solution à tous les problèmes. Tout cela n’est que
faiblesse et lâcheté. Cracher au visage d’un gardien de la paix qui
se tient au garde-à-vous en le couvrant de fleurs est un acte très
violent - car il humilie -, fourbe et lâche. Lorsque les Mongols
rouges ou les Caucasiens de la même couleur viendront achever
leur conquête de l’Europe (regardez-en la carte et vous
comprendrez), l’attitude non-violente sera immédiatement
réprimée par un immense génocide.
Les diverses formes de guerre et de défense appartiennent aussi
aux divers règnes humains. La barbarie qui viendra de l’Est sera
évidemment animique, alors que la contre-attaque qui animait
nos généraux en 1914 était affective (patrie, famille). Celle de
Gandhi fut intellectuelle. Mais en face, les vainqueurs avaient le
même niveau d’ennemis. Qu’advient-il lorsque des intellectuels
rencontrent des animiques ? C’est pourtant ce qui se passera.
Vous devez être les commandos du nouveau monde. Savoir prier,
recevoir toutes les humiliations, travailler au creuset, avoir une
profonde connaissance traditionnelle, mais en même temps
savoir tirer au pistolet mitrailleur, désarmer à mains nues cinq
hommes mesurant deux mètres et pesant cent-vingts kilos, tout
cela parce que vous êtes ceux qui transmettrez la Tradition à
l’autre monde. Ecoutez bien ce que je vous dis et souvenez-vous-
en. Préparez-vous, sans tomber dans la fabulation d’un style
superman dont nous avons déjà parlé. Ne voyez pas l’Alchimie
pour vous. Vous n’arriverez peut-être jamais à la Pierre des
Philosophes, car il est possible que la Dame n’ait pas prévu cela
pour vous, mais bien autre chose ...

356
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 357

Puisque nous en sommes au degré cinquième qu’est la pénitence,


c’est-à-dire la combustion des corps engendrée par les mauvaises
pratiques de l’ego, voici la description de la bonne manière de
préparer du charbon de bois, afin que vous puissiez, si le dessein
de mes ennemis se précipitait sur moi avant l’heure, tenter la
fusion du mars en votre temps. Des instructions précises sont
déjà données à quelques-uns, que vous devrez écouter dans le but
d’aboutir à cette excellente renaissance du Fer.
Le charbon de bois que vous devez utiliser ne peut être celui que
vous achèteriez dans une grande surface commerciale. Celui-ci
est impropre à la bonne incandescence, et ne peut servir à autre
chose qu’au maintenant célèbre et agréable « barbecue ». En effet,
un tel charbon de bois n’est pas fibreux, il n’a pas la capacité de
transmettre son feu interne comme il est exigé lors de cette
fabuleuse réincarnation martiale. Les bois que les industriels
emploient sont n’importe lesquels, à peu de chose près, coupés
n’importe quand et séchés en étuve.
Vous, vous devez stocker environ dix stères de chêne et de
châtaignier, moitié-moitié mélangés entre eux et coupés en
longueur de un mètre environ. Les rondeaux doivent être
sélectionnés, d’un diamètre compris entre trois et sept
centimètres, pas plus ni moins. La coupe doit avoir lieu en
nouvelle lune, juste à la fin de la dernière lune pleine de
septembre. Rangé en tas entrecroisé, ce bois mélangé passera
l’hiver dehors, couvert de tôles ondulées et monté sur de petites
claies. Il sera ainsi prêt à la première lune de printemps, il aura
gardé une judicieuse humidité, tout en étant assuré de fournir un
pouvoir de combustion suffisant.
Ces dix stères de bois vous donneront seulement six fois moins en
poids de charbon de bois prêt à l’emploi. Le calcul de la quantité
pondérale est simple. Il vous faut auparavant examiner un peu le
fonctionnement du petit haut-fourneau. Nous savons que la
magnétite Fe3O4 donne approximativement 70% de fer pur ;
comptons quelques restes qui stagnent dans les scories et
ramenons ce chiffre à une valeur plus réaliste de 60% pour de
très bons manipulateurs. Pour recevoir 100 kgs chacun de ce
mars et si vous êtes quatre, ce qui est le minimum pour ne pas
tomber d’épuisement, il vous faut

357
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 358

400 = 0,6 x Y
puisque vous avez un rapport 0,6/1 de rendement avec la
magnétite, et que Y représente la quantité totale de minerai.
D’où
Y = 400 : 0,6 = 666 kgs, soit environ 700 kgs de minerai.
( si vous tirez 60% de 666 kgs, vous trouvez bien environ 400 ). La
densité du minerai est de 7 kgs par dm3 , ou 7 tonnes par m3 . Le
volume de vos 700 kgs représentera
700/1000 = 0,7 m3
ce qui, dans un four de 0,5 m de diamètre inférieur, ferait une
épaisseur totale de :

Sachez que, comme le laitier a une très faible densité par rapport
à la fonte tirée, de l’ordre de 2 alors que la coulée est d’une
densité 7, vous dégagerez une quantité considérable de laitier
avant les réenfournements successifs.
L’expérience montre que pour fondre les 700 kgs de magnétite, il
vous faut deux fois moins en poids de charbon de bois, soit 350
kgs. Tout dépend de sa qualité. Il est bon d’avoir une réserve, et
500 kgs de charbon de bois n’est pas trop. Les 700 kgs
consommeront environ 800 kgs d’air, ou approximativement 600
m’.

358
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 359

Les charges introduites dans le gueulard constituent le lit de


fusion. Elles descendent lentement dans le four par gravitation
au fur et à mesure de l’élévation en température, alors que
durant ce temps les gaz montent. Les coulées s’effectuent toutes
les quatre heures. Elles fournissent dans les 15 kgs de fer. La
gangue ou laitier est fusible au-dessus de 1200°C, elle doit être
retirée par une ouverture spéciale qui se situe au-dessous du
gueulard.
Nos 500 kgs de charbon de bois exigent la préparation de
500 x 6 = 3000 kgs de bois désséché qui, au stade où il se trouve à
l’entrée du printemps a perdu seulement 40% de son eau. D’où un
poids de bois vert de 5000 kgs. La densité du châtaignier et du
chêne avoisinant les 1,2 kg/dm 3 vert, il vous faudra en stocker
environ 6 m3 . 7 stères feront l’affaire.
Gardons les rapports :
- 700 kgs de minerai
- 350 kgs de charbon de bois
- 150 kgs de « mère »
ce qui donne en pour cent pondéral :
Magnétite : (700 : 1200) x 100 = 58
Ch. de bois : (350 : 1200) x 100 = 29
« mère » : (150 : 1200) x 100 = 13
Les 58% de minerai représentent 3,5 m au total avec une densité
de 7. Pour les autres corps :
« mère » : 0,8 m au total avec une densité de 7
ch. de bois : 9 m au total pour une densité 0,2
Hauteur globale pour 4 jours : 3,5 + 0,8 + 9 = 13,3 m
Hauteur globale pour 24 heures : 13,3 : 4 = 3,32 m
ce qui fait pour une journée
0,87 m de magnétite
0,20 m de mère

359
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 360

2,25 m de charbon de bois


Et toutes les quatre heures de coulée, à rajouter
- 14,5 cm de minerai
- 37,5 cm de charbon de bois - 3,3 cm de mère.
Il est facile, en fonction de ces chiffres, d’en déduire le nombre de
pelles, connaissant les densités ainsi que le volume de la pelletée.
Revenons au four de carbonisation, vous permettant de fumer
convenablement 7 stères de
bois. Le but est d’obtenir une carbonisation intégrale du bois,
régulière, homogène, de diminuer le
plus possible les pertes par flamme et d’assurer à la combustion
un fonctionnement autonome. A ces titres, il est nécessaire de
prévoir un tirage renversé, qui réunit toutes ces qualités.

Le four se compose d’un élément tronconique et d’un couvercle.


Ces différentes pièces sont bâties en murs de colmatage composés
de :
- argile plastique sableuse 70
- feuilles ou herbes vertes 30

360
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 361

La charge de bois, au lieu de reposer directement sur le sol, est


empilée sur une claie de caillebotis constituée, à une dizaine de
centimètres du sol, par des morceaux de charbonette prenant
appui sur des morceaux plus gros disposés comme des rayons,
eux-mêmes sur un grillage :

361
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 362

Sous cette estrade sont glissés les évents, tuyaux en tôle de F 10


cm qui serviront à l’évacuation des fumées. Ils sont placés entre
les rondeaux plus gros et colmatés avec de la terre.

Au centre, sur un rayon de 0,7 mètres, on empile sur toute la


hauteur un ensemble de lattes bien sèches et assez serrées, en
pyramide, qui servira à allumer le feu interne. La meule de bois à
carboniser doit ensuite être placée croisée :

362
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 363

Une fois démarrée, bouchon ouvert un instant, la combustion est


autonome. Les fumées ne pouvant plus sortir librement par le
haut, jaillissent des cheminées après avoir traversé la grille. A
partir de ce moment, l’appareil ne nécessite plus aucune
surveillance. La carbonisation dure de 20 à 24 heures, s’arrêtant
d’elle-même. On laisse ensuite refroidir deux jours ; il ne faut pas
qu’il pleuve. De plus, il est nécessaire de pratiquer cette
opération en rase campagne, près d’un gîte de terre qui colle bien,
à laquelle on peut ajouter moitié de sable si elle est vraiment
argileuse.

L’Art est aussi exigeant quant aux modalités d’exécution de votre


être ; il vous vient cependant en aide dès le départ. Si vous savez
être attentif, effectivement, c’est essentiellement par la Spagyrie
que la Science vous offre les merveilleuses médecines capables de
vous soutenir, quelles que soient vos souffrances, celles dont vous
n’êtes pas responsable.

363
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 364

L’étendue thérapeutique des possibilités de la Spagyrie est


absolument complète pour toutes les maladies que l’homme peut
contracter par omission, à n’importe quel degré de leur évolution
- même jusque devant la mort. Des simples états de fatigue
temporaires à une infestation de métastases cancéreuses, la
grande Chymie a des pouvoirs bien au-dessus de ce qui est pour
elle des « accidents de parcours ». Le seul problème consiste en
l’excellent diagnostic séméiotique, ainsi que dans le choix
extrêmement précis des préparations. Il vous faut inévitablement
être initié à la médecine spagyrique pour que vous puissiez
comprendre de quoi il s’agit vraiment.
L’art de guérir a ses règles, dont le serment d’Hippocrate est
seulement le premier paragraphe. Il existait, à l’époque, un
ensemble de lois communiquées aux êtres méritants, et ce que
récite mécaniquement le jeune médecin moderne est une partie
infime du colossal vade mecum de la médecine traditionnelle.
Déjà bien avant Hippocrate, la plupart des règles thérapeutiques
étaient tracées, quoi qu’en pensent les historiens, car il y eut une
très longue période sans document.
Les lois qui gouvernent l’élaboration d’une substance - d’un
substratum, devrions-nous dire - sont tellement inscrites dans la
Tradition qu’il sera à jamais complètement impossible aux
modernes de les découvrir et de les mettre en pratique. Car, pour
prétendre à ces élaborations, il faut être traditionnel soi-même, et
encore, cela ne garantirait pas le fait que vous soyez initiable :
l’exercice de l’art de guérir revient essentiellement aux « prêtres
», c’est-à-dire aux êtres doués d’un pouvoir de discernement et
d’investigation sans faille. Il est donc absolument inutile à
quiconque veut pénétrer les arcanes de la médecine
traditionnelle d’espérer quoi que ce soit de plausible tant qu’il
reste ce qu’il est dans le monde. Inévitablement, il ne verra que
son point de vue, ou celui du collectif, écartant des choses
apparemment insignifiantes alors qu’elles sont capitales sur le
plan cosmique.
De même, il serait évidemment nécessaire de revoir entièrement
les notions de ce qu’ils appellent « guérison », l’Art considérant
que les maladies du bas sont patronnées par celles d’en-haut,
c’est-à-dire que les troubles physiques du corps sont régis par les
canaux d’énergie venant des autres corps, plus subtils. Une non-

364
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 365

connaissance de ces corps entraîne irrémédiablement


l’impossibilité d’exercer vraiment une bonne médecine, la bonne
médecine étant celle qui replace l’individu dans son destin divin.
Que les modernes soient d’accord ou non avec nos propos, ils
s’apercevront très vite que les origines des maladies, s’ils veulent
honnêtement appliquer leurs récentes découvertes au sujet de la
« prévention », les amèneront indubitablement à reconsidérer de
fond en comble les structures sociales telles qu’elles sont établies
aujourd’hui. Ils en arriveront à la conclusion que durant des
centaines d’années les politiques diverses ont dirigé la vie des
hommes, alors que cela aurait dû être les nécessités de survie
humaine du point de vue des corps supérieurs, qui auraient dû
tenir la première place. Ils seront alors dans l’impossibilité
absolue, par impuissance, d’apporter la résurgence des modes de
vie favorisant l’éclosion de ces corps, car pratiquement plus
personne ne les portera en soi. C’est pour cette raison que la
médecine du futur, à cause de la tare des hommes en ce sens, ne
peut mener qu’à une fascisation du traitement médical,
doctrinairement appliqué au troupeau. Cette imposition des
méthodes de « soigner » desservira un monde dirigé par des fous
où tout sera systématisé, comme le sexe a déjà tendance à l’être
aujourd’hui. (Prenez le temps d’un petit dialogue avec les
gamines de treize ou quatorze ans et vous constaterez vous-
même).
Quant aux médecins de ce monde qui s’intéressent à la Science
par vocation, qu’ils trouvent en ces mots mes plus vives
félicitations, mais également mes meilleurs voeux de courage.
Qu’ils perdent de vue leur certitude de pouvoir utiliser l’Art dans
le but d’une sorte de « réactualisation », afin d’en tirer, à l’aide de
leurs connaissances dont la source est plus que douteuse, le
meilleur jus. Ils n’en tireraient pas le meilleur jus, mais le plus
infâme, comme tout palefrenier s’emparerait de ce qu’il pense
être le plus sacré dans un mode d’observation frelaté : entre le
calice d’or et l’hostie de pain, il se saisit du calice et jette l’hostie.
Je leur rappelle que, s’ils tiennent vraiment à approfondir les
arcanes de notre Art, c’est à eux de se réactualiser au goût de ce
qui existe depuis trois mille ans. Oh, bien sûr, ils pourront
toujours appliquer quelques recettes de spagyrie et les mettre à
la sauce des connaissances contemporaines, dont je ne nie pas la

365
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 366

valeur relative, mais pour lesquelles j’ai la certitude de leur totale


inefficacité cosmique. Ne voulant pas entrer ici dans une sorte de
plaidoirie qui n’est pas le propos de l’ouvrage, je rapporte
cependant une loi très simple de la médecine traditionnelle : est
une bonne thérapeutique celle qui replace l’individu dans son
destin, en faisant régresser ses troubles d’une manière
irréversible et sans en engendrer d’autres. Ceci est à prendre au
sens intégral, indiscutable et ininterprétable. Cela ne veut pas
dire, évidemment, qu’il faut jeter par la fenêtre l’aspirine et la
cortisone. Cela veut tout simplement dire que l’aspirine et la
cortisone ne sont pas des traitements thérapeutiques, mais
seulement des drogues de secours à utiliser avec parcimonie,
comme toute la panoplie des médicaments à fortes doses
modernes, dans laquelle j’inclus cette nouvelle mode
phytothérapique utilisée à tort et à travers, comme tout le reste.
La « médecine par les plantes » n’est pas synonyme de non-
danger, comme auraient tendance à le faire croire les livres de
ceux-ci et de ceux-là. Sachez qu’une dose de 0,05 grammes - 50
milligrammes - de belladone raffinée est suffisante pour vous
coller un bon coma. A l’opposé, il faut prendre conscience que les
tisanes que vous trouverez chez le pharmacien ne sont efficaces
que pour le palais ... Les herboristes, eux, savaient user des
bienfaits tirés des végétaux. Leurs connaissances étaient
précieuses, et il faut saluer les jeunes qui reprennent l’héritage.

Exercer l’Art de la Médecine est une vocation, avec tout ce que


cet état sous-entend. Elle suppose l’étincelle de l’âme, un
apprentissage traditionnel - et donc la modification profonde des
structures de l’ego - très long, une solide santé acquise et des
forces hors du commun.
Notre médecine reste donc dans le cadre de notre Alchimie, elle
en a ses principes ésotériques et exotériques. Par voie de
conséquence, tout comme en notre Science, seul un substrat plus
élevé en titre peut tirer le sens des métabolisations négatives en
exercice vers le haut - vers la guérison. Ce substratum, de plus,
ne doit pas avoir une identité cosmique fixe, car il enchaînerait
les processus physiologiques dans un nouveau cycle d’habitudes,

366
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 367

engendrant d’autres troubles, même plus subtils. Le substrat doit


pouvoir, en face des mauvaises réactions physico-chimiques,
tomber en déliquescence : il doit mourir, afin de restituer l’exacte
énergie dont le processus a besoin, sans en imposer une de
structure et d’intensité différente. Le « reste » s’en retourne en
simple aliment qui se trouve digéré par les différents niveaux
d’assimilation, pour être éliminé selon les modes normaux comme
une simple nourriture.
Pour qu’une telle médecine puisse s’élaborer de la sorte, il est
nécessaire qu’elle réunisse la conjonction des trois principes
philosophiques, à des niveaux de quintessence plus ou moins
élevés dépendant de la morbidité. Seule cette conjonction peut
mener la déliquescence dont nous parlons à favoriser l’usage d’un
des principes en carence et d’en annihiler les effets funestes. Le
substrat, perdant alors son titre de premier être par disjonction,
se trouve d’un côté métabolisé très justement avec les fonctions
déficientes et assimilé normalement en ayant en plus un effet
nourrissant de l’autre. Cela se déroule de la sorte dès que la
médication rencontre le mécanisme déficient : elle ne se sépare
pas en molécules, mais en principes.
Par exemple, prenons le cas d’une fatigue générale due à un
manque de fixation du sel magnésien sur la cellule nerveuse. Le
premier être de mélisse, qui représente la conjonction des trois
principes sel-soufre et mercure de mélisse, au moment où il sera
assimilé, subira la déliquescence. Le principe sel sera métabolisé,
dynamisant toute la chaîne « sels » touchant au système nerveux.
Les métabolismes vont dès lors s’affairer sur cette chaîne et,
bientôt, le malade lui-même recristallise normalement ses sels
magnésiens, sans aucune absorption de chlorure de magnésium.
Les deux autres principes, soufre et mercure, lors de la
déliquescence, nourriront à titre d’aliment le corps, s’ils ne sont
pas utilisés à d’autres fins moins nobles. C’est le mécanisme des
sels qui se trouve dynamisé, et non pas une dissociation
moléculaire massive.
Le premier être de mélisse est encore employé dans d’autres
troubles, comme l’atonie digestive due à un retard chronique des
sécrétions pancréatiques. Lorsqu’il rencontrera les mécanismes
déficients, cette fois, les effets de la déliquescence utiliseront le

367
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 368

soufre, les deux autres principes s’assimilant par digestion


simple.
Il existe une succession d’êtres de plantes, dont l’élaboration
s’échelonne en fonction de la profondeur de la maladie. La
conception d’une thérapeutique traditionnelle ne réside donc pas
dans l’emploi d’un grand nombre de substances de départ, mais
dans la multiplicité de leurs degrés de préparation. Plus bas dans
les corps sera le mal, moins fin sera le médicament. Plus haut
sera l’incident, plus subtils seront les êtres préparés. Nous les
nommons êtres car ils rectifient l’être ...
Je vais vous donner maintenant le mode de conception du
premier être de mélisse, sans vous cacher que c’est celui qui est le
plus employé durant les travaux d’Hercule contre la fatigue
générale contre les troubles digestifs d’étiologie toxique. Et,
lorsque je vous dirai que l’administration du premier être de
mélisse fait retourner une vieille poule au coq, vous en saurez
presque tout.

Rappelons avant cela quelques principes de la Philosophie.


L’élaboration d’un être de plante est scellée par la conjonction de
ses trois principes, comme en toutes les voies. Sel-Soufre-Mercure
sont, une fois conjoints, la réelle matière première isolée de l’être
en question, hermaphrodite et universelle dans le principe, ce qui
veut dire qu’un premier être de mélisse a la même puissance
thérapeutique qu’un premier être de grande consoude, ou que
celui de menthe. ( Ce dernier est d’ailleurs très précieux pour les
troubles pulmonaires issus d’infection chronique, ainsi que pour
les problèmes digestifs à bas Ph stomacal ).
Le deuxième être, bien plus subtil, emploie comme matière de
départ le premier être, et ainsi de suite pour aboutir, si
nécessaire, à un substratum totalement astral et très puissant,
dont le rayon d’action concerne les corps supérieurs. J’ai vu un
quatrième être de sauge rendre humble un animique sur le point
de se convertir, dont il ne fait aucun doute que les effets furent
impossibles à produire seulement psychiquement, tant son bond

368
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 369

a été extraordinaire. Passer du doute philosophique au repentir


sincère plein de larmes sans avoir bougé de sa chaise en une
minute, est ingénérable par les moyens normaux de la vie, même
par l’hypnose.
L’union de ces trois principes, indissoluble, présuppose d’abord
l’élaboration patiente de chacun d’eux séparément.
Le Mercure est le principe le plus volatil. Il est essentiellement
esprit au sens chymique du terme, c’est-à-dire extrêmement
vaporeux. Il est l’essence.
Le Soufre est le principe de génération. C’est le ferment, le
sperme contenant la vie, le dynamisme à l’état de devenir de
l’essence, du mercure.
Le Sel est le principe fixe, seul capable d’unir le Mercure et le
Soufre en une nature unique et dimensionnelle ment agissant.
C’est le radical.
Il vous faut préparer ces trois corps, les isoler, puis en faire la
coction. Ainsi la nature sera séparée de son imperfection et la
libération des qualités intrinsèques de la plante atteindra un état
supérieur, s’enclenchant au même niveau de métabolisation dans
votre organisme.
Voyons d’abord l’élaboration du Mercure. Nous avons dit qu’il est
très subtil, d’ordre essentiel et vaporeux : il se présente donc
extérieurement sous la forme d’un « alcool ». Bien entendu, il est
hors de question de faire macérer vulgairement la plante mélisse
fraîche dans les 800 de titre alcoolique recommandés par le
Codex. Ce genre d’alcoolature est tout-à-fait inopportun, même si
la liqueur employée est issue de la distillation des meilleurs
cépages. L’esprit très bien rectifié d’un Bourgogne de 1964 est
aussi grossier que l’usage de l’aspirine, ce type d’alcoolature ne
pouvant servir que de digestif, après un bon repas. Il vous faut
générer l’alcool propre de la plante, sans l’adjonction d’une goutte
d’esprit de vin.
Seule l’étape philosophique de la mort peut engendrer la
putréfaction nécessaire, capable de séparer le subtil de l’épais, de
dissoudre le fixe et de coaguler le substrat. C’est par elle que se
conçoit le Mercure, la partie mercurielle plus exactement, qui se

369
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 370

présente sous forme liquide, très translucide, fortement odorante


et volatile.
Afin d’obtenir une excellente putréfaction de la plante, il est
important de la recueillir au moment de sa pleine maturation,
juste avant la nouvelle lune. En nos régions, cela se situe vers le
mois de juin. La plante regorge de liquide et, au petit matin du
quartier fraîchement déclinant, sans qu’elle ait vu le jour, vous
coupez à fleur de sol net, une dizaine de kilogrammes. Vous liez
des bottes immédiatement, sur place, sans ficelle : les tiges font
office de lien. De retour chez vous, avant le lever du soleil - il faut
environ trois heures à deux compagnons, après avoir bien repéré
les lieux -, vous placez les bottes ainsi montées dans des jarres en
grès munies d’un couvercle. Vous tassez bien les bottes à
l’intérieur et vous remplissez jusqu’au col. Pas un centimètre
cube d’air ne doit subsister, la plante étant suffisamment «
aérienne ». Deux ou trois vases de vingt litres suffisent, que vous
stockez à l’ombre, en votre grenier, c’est-à-dire dans un endroit
dépourvu de lumière et légèrement chaud. Au bout de quelques
semaines - de trois à cinq - selon votre lieu -, vous observerez la
putréfaction par l’apparition du noir accompagné d’une mauvaise
odeur. Mais, cette senteur fait vite place à un parfum plus suave
que vous attendez quotidiennement. A ce stade, votre
putréfaction proprement dite est terminée. Dans la nuit, il vous
faut alors recueillir tout le noir, le mettre ensemble et le filtrer,
pour ensuite exprimer dans un linge très propre ce qui est resté
attaché aux fibres. Vous obtenez ainsi un liquide légèrement
épais et noir, qu’il vous faut distiller immédiatement. Si par
inadvertance le noir se faisait mal, il vous faudrait réitérer
l’opération mais cette fois en adjoignant un peu d’eau céleste - un
litre par jarre - au début de la mise en vase, lorsque tout est en
bottes. Cette eau devra évidemment être ramassée sur place.
La distillation est très fine de conduite. Il ne faut pas vous
imaginer qu’il suffit de placer votre compost en cornue, de vous
installer devant votre téléviseur ou votre livre et d’attendre la fin
de l’extrait : vous n’obtiendrez qu’un vague alcoolat titrant à 7°
empli de flegme, très difficile à séparer par la suite. Sur les 20
kilogrammes de plante, vous retirerez à peine cinq litres de
compost et, sur ce dernier, environ deux cents grammes de partie
mercurielle ... Pour séparer le flegme de votre esprit, il n’y a pas

370
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 371

de recette universelle. Il vous faut surveiller la distillation et


attendre l’esprit en vase clos luté à l’émeri à l’autre bout de la
cucurbite. Pas de lumière surtout, le Mercure ne doit jamais voir
la lumière. Un feu extérieur très faible est requis, car vous devez
tirer la quintessence du premier coup, à l’opposé des autres
distillations, le flegme étant ici impossible à bien séparer si
maladresse. Goutte à goutte vous verrez tomber la liqueur dans
votre ballon luté, liqueur que vous goûterez périodiquement -
toutes les cinq heures, afin de surprendre le titre le plus élevé.
Alors, vous luterez un autre vase et à nouveau surveillerez
jusqu’à ce que le titre baisse. Vous aurez ainsi la première
extraction, qu’il vous faut conserver à la cave en verre ou grès
clos à la cire durant une année. (Evitez l’air dans la bouteille ).
L’année suivante, vous recueillez à nouveau dix kilogrammes de
plante selon nos instructions et, à la place de l’eau céleste, juste
avant de les mettre en quarantaine dans les jarres, vous y placez
la première quintessence de l’année précédente, séparée au
prorata du nombre de jarres. Vous observerez la putréfaction
seconde se hâter et, vous redistillerez comme nous l’avons dit en
prenant garde de bien séparer le flegme. Vous obtiendrez cette
fois une partie mercurielle titrant aux alentours de 30°. Vous
recommencez ainsi une troisième année, pour finalement extraire
l’élixir final dont le titre se situe à plus de 75°. Vous serez surpris
de l’extraordinaire force de cet esprit, à tel point que, à comparer
avec un esprit vulgaire de quetsches, il vous sera impossible de
l’avaler tant il est volatil, vous vous étoufferiez immédiatement.
Vous aurez, au bout de ce travail colossal - le mercure est le plus
difficile à poindre - deux cents centilitres d’un fabuleux remède,
dont la force se décuplera considérablement par l’adjonction des
autres principes.
Le Soufre de la plante se présente sous la forme d’une huile. C’est
analogiquement et d’une manière très grossière ce que les
pharmaciens nomment « essence de plante ». Les mêmes
remarques vous sont commandées ici pour le Mercure. Inutile
d’acquérir la meilleure essence médicinale du pays, car il est
impératif que tout vienne du même endroit et que tout soit conçu
selon les règles de l’Art. A noter que la plupart des « essences »
modernes sont maintenant obtenues tout-à-fait chimiquement,

371
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 372

dans un mode d’élaboration qui vous ferait dresser les cheveux


sur le crâne.
Cueillez dans les mêmes conditions que précédemment une
dizaine de kilogs de mélisse - ce qui représente un volume de un
mètre cube non tassé . Séparez immédiatement les feuilles et les
fleurs des tiges, placez ces feuilles et sommités à sécher sur de
grands draps blancs, bien étendues, durant vingt-quatre heures,
à l’ombre. Au bout de ce temps, pilez le tout grossièrement en
tournant dans un gros mortier pour bien froisser. Ensuite,
enfournez successivement les magmas restants - de la taille de
quelques litres - dans votre cucurbite dont vous aurez retiré le
chapiteau, mais que vous boucherez bien, après avoir empli
seulement aux trois quarts et avoir versé dessus la même
quantité en poids d’eau céleste distillée très chaude
(insupportable au doigt). Lutez alors immédiatement le vase du
bas de votre cucurbite, placez-la en feu couvert pendant cinq à
sept heures, de façon à ce que rien ne puisse s’évaporer par
bouillonnement mais que cela reste tout de même très chaud.
Après ce temps de digestion, découvrez votre alambic et adaptez-
y promptement son chapiteau. Lutez aussitôt avec grand soin les
jointures - l’émeri est le mieux - et distillez de suite au même feu
entretenu, sans bouillir. Tirez environ la moitié de l’eau placée
dans votre alambic, retirez le récipient et le chapiteau vous
verrez surnager l’huile légèrement verdâtre par la lumière.
Séparez cette huile habilement. Pour ce faire, inclinez très
doucement la partie basse de votre alambic et attirez l’huile en
un autre récipient, elle viendra en versant un tout petit filet de
surface. Une fois séparée, replacez le flegme premier que vous
aurez tiré en première distillation et la même quantité de plantes
pilées. Faites exactement tout ce que je vous ai dit précédemment
et extrayez la nouvelle huile, et ainsi de suite jusqu’à épuisement
de votre stock de plante. Votre provision sera à la mesure de
votre sapience. Très peu de soufre est exprimé par cet art.

372
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 373

Soufre de Mélisse en une phase de travail ( transvasement) : l’huile surnage.

Veillez bien à conserver les poids et mesures de vos travaux.


Recueillez avec le même poids de départ tant de partie
mercurielle, tant de partie sulfureuse et tant de sel. Par exemple
• 15 kgs de plante fraîche = 5 kgs de compost = 0,2 d’esprit
mercuriel
• 15 kgs de plante fraîche = 5 kgs de compost = 0,05 de soufre
• 15 kgs de plante fraîche = 700 grs de cendres = 0,03 de sel
Ainsi, vous n’aurez aucun problème lors de la coction première.
Les quantités de départ étant les mêmes, la nature vous aura
offert directement les poids et les mesures requises pour
l’élaboration de la conjonction.
Pour les autres plantes aromatiques, sachez que l’on tire les trois
principes approximativement des mêmes manières. Quelques
différences subsistent, que vous trouverez vous-même avec
l’expérience, si vous y prenez garde. Vous pourrez ainsi concevoir

373
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 374

la plupart des premiers êtres de plantes, qui vous aideront


grandement lors de votre cheminement.
Notez, en outre, que les meilleurs alambics pour ce genre de
travail sont ceux qui cuisent à l’aide du bain-Marie, et que la
partie basse doit être du type « florentin » : le récipient est muni
latéralement d’un tube prenant naissance à la base et remontant
sur le côté pour se recourber en bec avant le col. L’essence, moins
dense que l’eau, se rassemble à la partie supérieure, tandis que
l’eau s’écoule par l’extrémité du col lors de l’inclinaison, laissant
l’essence au fond du récipient. Les essences lourdes, elles, se
séparent avec un dispositif inverse (tube en haut).
Le sel est très simple à concevoir. Prenez donc tant de
kilogrammes de votre plante cueillie comme précédemment.
Faites-les sécher comme dit pour le soufre, mais complètement.
Calcinez par le feu réverbère et vase clos - de gros creusets portés
à 900°C font l’affaire, bien fermés, cuits et refroidis sur vingt-
quatre heures, la combustion devant être totale.
Regroupez les cendres. Broyez-les et tamisez-les au tamis 40
mailles par pouce. Dans une bassine en tôle émaillée, versez
vingt fois en poids de quantité d’eau céleste filtrée. Faites une
lessive de cette cendre, en chauffant sans bouillir une dizaine de
minutes tout en tournant avec une cuiller en bois. Laissez
décanter trois minutes à chaud et versez habilement en laissant
le fond, dans un cristallisoir. Evaporez à froid complètement, et
vous verrez la première cristallisation.
Pilez-la dans un mortier légèrement chaud en poudre impalpable,
calcinez cette poudre en remuant constamment dans un têt-à-
rôtir vers les 350°C, très longuement - environ quatre heures :
vous verrez la cendre-sel blanchir considérablement. Attention
au feu, il ne doit pas être trop violent ; point de fusion ni d’esprit
âcre.
Pesez. Placez cette poudre dans vingt fois son poids en eau
céleste distillée et recristallisez. Recommencez l’opération encore
et complètement une fois, de façon à ce que vous obteniez un sel
très pur et très incisif. Laissez à chaque inclinaison le résiduel
lourd au fond de la lessiveuse.

374
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 375

Vous avez ainsi obtenu Sel, Mercure et Soufre. Il vous suffit d’en
pratiquer la conjonction. Pour ce faire, il est important d’attendre
la bonne période, qui est une lune montante de juin. Préparez un
neuf - un petit ballon en verre dépoli ou un grès fin. N’oubliez pas
que le mercure ne doit jamais voir le jour : la conjonction se fera
la nuit, quand la lune est au plus haut. Il vous faudra durant la
semaine fermer les rideaux le jour et les ouvrir la nuit pour, la
médecine étant scellée en élixir définitif, la conserver dans son
neuf, lui-même toujours stocké à l’abri de la lumière.
Si vous avez opéré selon les règles de l’Art, la coction consistera
simplement à laisser agir la force des trois principes conjoints.
Vous placez d’abord le soufre puis, doucement vous versez le
mercure. Ensuite, vous baignerez le sel qui doit se résoudre
immédiatement et sans mouvement, en l’espace d’une seconde.
Tout est dans Tout et Un est conjoint. Cela n’est cependant pas la
vraie coction. Cette dernière doit d’abord voir les trois principes
réunis dans un vaisseau d’Hermès, c’est-à-dire dansun vaisseau
de circulation. Vous disposerez ce vase dans l’Athanor et vous le
maintiendrez à une chaleur très douce - dans les 40°C, durant
trois semaines ou mieux, jusqu’à la prochaine lune, à l’aide d’un
petit bec Bunsen. Vous devrez apercevoir, lors de cette coction
spagyrique, les couleurs de la queue de paon s’iriser sur la
surface du bain ou sur la tête de Maure, à la lueur d’une bougie.
Ainsi la circulation est achevée et votre œuvre est suffisamment
fixée en médecine.

375
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 376

Si vous constatez l’instabilité d’un des trois principes, ressortant


d’une manière plus ou moins nette lors de la conjonction, vous
aurez agi indûment au cours de l’une des opérations. S’il reste du
sel, l’élixir sera moins fort, vous aurez hâté une des
manipulations, les éléments n’étant pas au même niveau
dimensionnel.
La posologie est fonction de l’individu. Deux à dix gouttes pures
sur la langue suffisent quotidiennement. Une dizaine maximum.
Ne vous étonnez pas si vous vous surprenez à des crises de fou-
rire et à des moments de forte décontraction, cela est le signe
premier de l’action profonde de cet élixir.

376
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 377

Les vaisseaux jumeaux, dans lesquels nous réalisons d’excellentes


conjonctions spagyriques.

Ne terminons pas ce chapitre sans toucher quelques mots sur les


mesures de température. Bien que nous ayons souligné le
caractère proprement expérimental du feu extérieur et de son
bon maniement, auquel il est vital de s’habituer, il est utile, pour
le néophyte, d’avoir quelques renseignements sur de bonnes
méthodes de mesure de température. Il pourra ainsi s’acclimater
et se « forger » l’œil à une lecture directe, de contact plus filial.
L’élémentaire ustensile est le thermomètre, connu de tous mais
inutilisable au-dessus de 150°C en général. Une des meilleures
méthodes, de 250°C à 1200°C, est celle du thermocouple. Son
usage est basé sur les propriétés thermoélectriques de la soudure
de deux corps différents soumis à une élévation de température.
On appelle cela « l’effet thermoélectrique » : une soudure
commune à deux fils métalliques de nature différente, lorsqu’elle
est assujettie à une variation de température, génère aux
extrémités un courant de faible intensité. Il suffit d’enregistrer
cette intensité plus ou moins croissante à l’aide d’un petit
galvanomètre pour connaître directement l’évolution de la
température.
Mais, auparavant, une remarque s’impose. Ne confondez pas la
mesure d’une température d’ambiance (par exemple celle d’une
atmosphère), avec celle d’une masse ( par exemple un creuset).

377
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 378

L’ambiance n’est pas le corps, elle est le véhicule qui permet aux
calories de se déplacer. Mieux vaut toujours mesurer la
température d’une masse, en faisant un tout petit trou dans votre
creuset afin d’y glisser la sonde. En effet, si vous tentez un relevé
de votre athanor sur le point d’atteindre son équilibre thermique,
vous enregistrerez une température de la flamme supérieure à
celle du creuset. Bien des erreurs sont commises de la sorte, et il
est nettement préférable de connaître la vie thermique le plus
près possible de la réalité et des matières en fusion. Mais, le fait
que votre installation situe la sonde thermocouple dans l’enceinte
d’une manière fixe n’est pas grave. Il suffit de tenir compte d’un
léger décalage, ou d’attendre - à condition que votre Athanor soit
bien réalisé et que vous en connaissiez le bon maniement -
l’équilibre thermique (la couleur du creuset identique à celle de la
sonde).
Voici le schéma d’un bon circuit thermoélectrique :

Dans la pratique, la « soudure froide » est réalisée dans une


petite boule contenant souvent de la vermiculite, isolant
permettant de ne pas céder aux phénomènes parasites avec vos
fils de liaison menant les ampères au galvanomètre. Maintenant,
il existe chez n’importe quel fournisseur de matériel pour

378
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 379

céramiste, à des prix raisonnables - dans les mille francs de 1981


- des appareils tout montés comprenant :
- le thermocouple ou sonde, enfermé dans une gaine de
porcelaine, et de longueur à la demande. - la soudure froide
placée à l’extérieur de l’enceinte.
- le lecteur de température directement gradué de 20°C à 1200°C.
Ne manquez pas de l’étalonner à l’aide de montres fusibles.
Pour des températures plus hautes, on peut utiliser d’autres
thermocouples qui résistent au-delà de 1200°C mais, le mieux est
de recourir à une nouvelle source d’enregistrement ( art bref) : le
pyromètre à radiation totale ou le pyromètre à disparition de
filament. L’un utilise un récepteur thermoélectrique placé dans
un système optique. L’autre compare le rayonnement avec celui
d’une lampe interne-étalon. Signalons qu’auparavant, les artistes
qui travaillaient dans notre voie faisaient usage d’appareils de
conception similaire. Au dessus de 1400°C, il vous faut
rechercher des enregistrements plus sophistiqués, se basant sur
des mesures spectrométriques, sur celles des tensions de vapeur
à haute température, réflexion d’une surface et son émission,
conductivité en milieux fondus, mesure des valeurs chimiques et
thermiques en phases condensées, ...

379
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 380

(prière )
Tant que je taisais ma faute, mon corps
se tortillait à gémir. Je T’ai dit mon péché,
et Toi, Tu m’as délivré du fardeau.
Il m’a simplement fallu m’en référer à Toi
comme à un bon Père.

380
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 381

Sixième degré
LA MORT
Maintenant que vous savez un certain nombre de choses que les
instructeurs ou Adeptes connaissent - quelle que soit leur
obédience -, vous ne pouvez plus mentir comme avant. Devant
eux, ou du moins devant ceux qui ont donné authentiquement
leur vie à l’Art, même en général, vous devez immanquablement
cesser de mentir, car vous
n’ignorez plus qu’au stade de développement où ils sont, ils vous
voient comme une eau limpide. Auparavant, c’était plutôt vous
qui, par ignorance, vous imaginiez que les connaisseurs ne
pouvaient découvrir votre état de mensonge. Maintenant, vous
savez qu’ils sentent au travers de vos attitudes, qui sont moins
teintées de tricherie, qui sont plus vraies.
Vis-à-vis d’eux et peut-être même d’un postulant sincère encore
niais, vous ne mentez plus aussi bien qu’avant, votre rectitude
d’être vous commande d’adopter des comportements très sincères
et dépourvus de gestes compatissants avec les états de
considération et d’identification. En regard de votre être, vous ne
pouvez plus être faux d’une façon aussi intéressante et, comme
un homme intéressant ment très bien - c’est justement la plupart
du temps pourquoi il est intéressant aux yeux des êtres
ordinaires - vous suscitez moins de curiosité autour de vous.
Vous voici en état de vous avouer à vous-même, si vous
métabolisez les précédents degrés, que vous ignorez certaines
choses vraiment et que vous ne pouvez plus parler maintenant
comme si vous compreniez tout ou comme si vous pouviez tout
comprendre. Les autres ne manqueront pas de dire sur votre dos
que vous êtes devenu curieusement moins attachant, moins
original, moins sensible. Ils feront mine de s’inquiéter sur votre
silence. Ce sera le signe pour vous que vous avez commencé à
mourir.
Mais le chemin est encore long, qui vous mènera à la mort totale
de vous-même - évidemment du pouvoir tentaculaire de votre moi

381
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 382

-, cependant vous avez déjà dépouillé une bonne couche d’idiotie.


Vous ne pouvez plus mentir à vous-même avec autant de
bonhomie et de sincérité qu’avant, car vous avez développé en
vous quelque chose qui a pris le goût pour la vérité.
Et pourtant, je sais qu’il vous semble encore moins comprendre,
vous ressentez un vide de plus en plus vaste se caractérisant par
une incompréhension générale. Il faut que vous saisissiez
justement que ce manque de compréhension est le goût de la
compréhension retrouvé, car auparavant, lorsque vous pensiez
pouvoir tout comprendre, vous étiez parfaitement imbécile. Votre
ego vous avait rassasié d’innombrables schémas sur les choses,
par lesquels vous aviez le sentiment d’accéder à leur
connaissance. Maintenant, vous savez que vous ignorez tout, et
vous avez à nouveau faim, vous n’êtes plus repu comme des porcs
des détritus du monde mécanique. Ne rien comprendre est le
signe le plus sûr du bon chemin vers la compréhension, puisque
c’en est sa faim la plus immédiate, faisant appel au
fonctionnement lui-même, et non plus à ses interprétations.
L’être se manifeste par ce retournement, en donnant naissance à
une autre forme de compréhension, qui n’a aucun rapport avec
celle du moi.
Alors, de nombreux gestes s’évaporent, comme les petits sourires
lorsque vous répondez à quelque question, comme certaines
postures confortables que vous prenez lorsqu’on vous parle, ... ,
comme toutes ces mimiques qui assuraient vos mains d’une
prestance propre au désir de persuader et d’étaler ce que vous
preniez pour des connaissances. A ce stade, les autres vous voient
diminué, apparemment affaibli, manquant de punch, retiré tels
ces individus qui auraient des problèmes. Vous êtes en train de
mourir au monde moderne et aux modes.
Seulement quelques moments privilégiés vous auront amené à
ces splendides instants de clarté, indicibles et purs, hautement
philosophiques, vécus hors du bruit, hors des autres mais avec
Dieu, avec l’Esprit et peut-être, si vous êtes particulièrement
limpide en votre vocation, avec son Fils.
De toute cette splendeur, vos premières années de travail aux
pinces ne vous révèleront que peu de choses. Vous resterez de
longs mois comme je vous ai dépeint ci-devant, et peut-être même

382
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 383

que vous n’apprendrez rien d’autre durant longtemps. Acceptez


humblement de vous ennuyer, de mourir doucement, atrocement
parfois, affreusement lentement, comme une charogne qui se
décompose au fond de la tombe. Je sais que vos nouvelles
attitudes silencieuses et loin du tumulte cachent un coeur à vif.
Sur les murs de votre laboratoire, noircis par vos nombreuses
heures au feu, rien ne se détachera que quelques images que
vous aurez mises là. Un petit crucifix, une Vierge, les ustensiles
et c’est tout. Peut-être la photo de votre maître dans un coin, un
discret mais vivant bouquet de fleurs aux pieds de Marie. Après
ces mois d’attention et de souffrance, encore le tumulte viendra
vous troubler au fond de votre laboratoire. L’envie de fuir vous
prendra quelquefois.
Prenez patience, mes fils, acceptez ce point, là où les autres sont
partis. Restez, vous. Lorsque vous ressentez le poids de ces mots,
emparez-vous d’une tâche humble, balayez votre sol, nettoyez les
cornues, remettez de la clarté sur vos objets, pour qu’ils puissent
reporter une lumière spirituelle qui vous agrée. Peu à peu, vous
verrez, vous découvrirez l’infini bienfait de rester au tombeau.
Grands sont les maîtres qui l’ont chanté en termes émouvants ;
ils n’étaient pas novices, ils étaient renseignés. Comme vous, ils
ont goûté l’austérité de l’Athanor, comme vous, ils ont eu ces
pensées, ces tentations, ces douleurs. Ils ont gémi, ils se sont
impatientés, mais ils sont restés. Ne repartez pas dans le monde
pour trouver le réconfort du bavardage : vous devez mourir. Ne
serait-ce pas une profanation que de vous livrer à des futilités en
ces instants ? Dieu ne donne-t-Il pas audience à une âme plutôt
solitaire ? Dégagé des contingences du monde, un jour, avec
émerveillement, je vous assure que vous réaliserez, à votre tour,
que vous n’avez jamais été moins seul que lorsque vous l’étiez ...
Mais pour que cela vous arrive, vous ne devez pas soupeser vos
peines ni vos sacrifices.
Vous pour qui je conte ces choses, afin que vous les relisiez
justement lorsque vous serez démuni, sachez que je n’ai pas eu
cette chance et qu’il m’a fallu faire sans. Oh, je ne vous dis pas
cela pour montrer un mérite quelconque, mais pour vous rappeler
qu’un jour vous avez tout accepté en bloc : « A toi, ma grande
Dame ... » Chaque fois que vous prenez un creuset, une matière,
un sel, l’Alchimie s’offre à vous comme une victime pure, simple,

383
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 384

sainte et innocente, entre vos mains. Si. vous comprenez le sens


de votre parole, si vous ressentez en vous tout le mystère de ces
instants, vous ne vous apitoierez pas sur votre sort. Oui, une part
de votre être souffre en vous, laissez-la gémir son volume : l’autre
partie, pendant ce temps, doit donner en riant. C’est ce paradoxe
qui crée une énergie suffisante pour hâter le processus de la mort
initiatique. Méritez-vous vraiment le choix que la Dame a fait en
votre personne ? Réalisez à tout instant la volonté de Marie, par
votre vocation. Il ne vous est rien demandé de plus.
Vous vous voudriez instruit, habile au feu : acceptez vos limites.
Jusqu’au bout, vous resterez entaché, ne pactisez pas avec votre
moi, soyez même détaché de votre perfection à séjourner au
laboratoire. Votre élévation reste jusqu’à la fin le secret de Marie,
Elle ne vous en dira jamais rien. Les consolations humaines ne
servent à rien d’autre que d’affaiblir votre être. Mourir est votre
châtiment, ne l’oubliez pas. C’est votre châtiment parce que vous
avez laissé se corrompre les bonnes fonctions de votre être par les
dégradations métaboliques issues d’une pratique excessive de
l’ego. C’est la sanction qui vous est infligée à cause de votre
désobéissance. A divers niveaux de désobéissance correspond
autant d’états de mort plus ou moins complète. Il existe
différents degrés de mort. Pour les uns, totalement corrompus et
parfaitement cristallisés dans leur moi, la mort est absolue, c’est
la fin des fins, l’ultime étreinte. Pour les autres, ceux dont nous
parlions précédemment à propos des poudres en fusion
représentant l’équilibre des principales fonctions humaines, la
mort n’est qu’un droit de passage, une frontière sans importance.
En accédant aux différents degrés que nous avons décrits, vous
avez pu emmagasiner une énergie qui subsiste après le dernier
souffle. Votre vie au-delà dépend, dans sa durée, de l’effort
général que vous aurez fourni pour engendrer vous-même cette
énergie. Il n’est pas vrai que tous les êtres sont immortels.
L’existence après la mort n’est qu’une possibilité. Ceci est une
chose : sa réalisation en est une autre. Ce n’est pas parce que
vous le savez que vous obtenez cette possibilité, car sa conception
dépend d’un certain nombre de conditions qui ne sont pas
données à tous, parce que tous ne veulent pas remplir ces
conditions. Bien évidemment, nous avons pratiquement au
départ les mêmes chances - quoi qu’en pensent les politiciens -, et

384
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 385

Dieu place chacun dans un mode de vie le mettant en contact


direct avec ce qui lui est demandé pour engendrer cette énergie.
Mais Dieu n’aurait pas été infiniment bon s’Il ne nous avait pas
permis également de Le contester, d’où naissance choisie de la
volonté propre, dont les racines, depuis le péché originel, sont
transmises de procréation en procréation. Seule votre lutte
volontaire contre les effets funestes de la volonté propre - tout ce
qui vous rattache à la terre - vous permet de bâtir les conditions
d’une existence plus dense et plus longue que la vie ordinaire. Ici,
seulement ceux qui le méritent franchissent le pas, quelle que
soit la couleur de leur peau, quel que soit leur sexe.
Ces conditions, qui sont représentées par l’ascension des degrés
de l’Echelle Sainte, créent, à l’image de la nature, d’autres corps
en vous. Tout comme les écrevisses, les serpents, les papillons, ...
, dont l’évolution semble pour eux toute tracée, l’homme qui
gravit les barreaux de l’Echelle forme en lui d’autres corps, qui
sont contenus dans son enveloppe extérieure, mais qui sont de
structure bien plus fine. La mort représente alors d’une manière
schématique la même transfiguration que l’écrevisse qui
abandonne sa vieille carapace : quelques moments avant de se
métamorphoser, le délicieux petit animal avait déjà sa nouvelle
peau tissée à l’état sous-jacent. Ainsi en est-il de l’homme qui
travaille sur lui-même et qui, en cours de métamorphose, tricote
les mailles d’un tissu bien plus dense. S’il persiste, il imprime
encore plus profondément un autre corps, subtil, pour finir dans
l’élaboration de substances complètement immatérielles,
dépassant le niveau des hormones, et qui ont atteint le seuil de
l’immortalité.

Les Frères de la Rosée Cuite ont ce niveau d’être, intégralement


acquis par leurs efforts, par l’ardeur avec laquelle ils ont fait
preuve d’assiduité, de sacrifice et d’observance. Ils sont Adeptes,
ils sont la Tradition, alors que les instructeurs représentent
seulement la Tradition et sont les serviteurs des Adeptes. Ces
derniers sont en passe de devenir. Ce que dit Fulcanelli est très
juste. Je vous recommande aussi de prendre connaissance, à
propos des Frères de la Rosée Cuite, des mots de René Guénon

385
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 386

(1) qui, s’il n’est pas objectif sur le plan général, l’est sur ce point
tout à fait. Ses Aperçus sur l’initiation reflètent bien les mêmes
parfums que Fulcanelli à ce sujet. Mais il est meilleur de vous en
référer à ce que vous vivez en réalité, et je ne dois pas vous
cacher que je viens de vous tendre un piège - ce qui n’est pas dans
mes attributions et qui m’a été demandé exceptionnellement.
Là dessus, je ne vous dirai rien d’autre que ce qu’il m’est permis.
Un jour, je fus contacté par une secte -je ne révèlerai évidemment
pas son nom précis. Ces gens contactent toujours les autres au
moment où ils deviennent intéressants. Avant, vous pouvez
rester dans votre bourbier, la « vérité » pour eux se trouve au
dessus. Quoi qu’il en soit, je pus vivre la première de leur «
initiation », qui consiste soi-disant à « mourir à soi-même ».
Pour s’accomplir, on m’avait demandé d’attendre une demi-heure
dans une pièce, seul, assis à une table sur laquelle se trouvait
une tête de mort. Je devais regarder ce bout de squelette et
méditer sur mon détachement. On vint me chercher et, devant le
« maître » de la loge, je récitai en répondant à ses questions un
texte tout fait du genre
Renoncez-vous aux vices de ce monde ? Oui.
Acceptez-vous de vivre selon ... etc...
Deux heures après, j’étais « initié ». Je ressortis de la loge et allai
boire un demi. Comment voulez-vous que quoi que ce soit change
dans de telles conditions, sans la moindre instruction ? On
m’avait pourtant affirmé que ces initiations étaient celles des
écoles de mystères - dont bien d’autres sectes se réclament. J’ai
su plus tard que ce n’étaient que fioritures et considération,
amusements pour mondain qui s’ennuie le dimanche. Bien
évidemment, on me rétorquera que c’était à moi de me surveiller,
que j’étais responsable. En réalité, ce que je veux dire est que cela
est impossible. Même un être intelligent, mais qui n’a pas
équilibré ses fonctions, est irresponsable lui-même. Il est en
dehors des réveils ; ce qui le perd est ce qu’il veut changer : le

1. Les merveilles de la Providence nous incitent à laisser le nom de René


Guénon dans l’illégalité typographique - il est coupé. En effet, l’éminent
philosophe a commis, à nos yeux, la grande tentation islamisante.

386
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 387

leurre est grand. Avec ce qu’il est, il veut transformer ce qu’il est ;
il s’imagine pouvoir le faire.
C’était la raison d’être - l’une parmi les fonctions sacerdotales -
des prêtres qui, habitant chaque village, en connaissaient tous
les gens et entraient chez eux à l’improviste. Ainsi, sur le plan
collectif, point de mensonges, point de sommeil ; la part du loup
veillait en bon gardien. Malheureusement, aujourd’hui les
surveillants sont endormis aussi.
La mort à soi-même est tout autre chose. Je puis vous affirmer,
moi, Solazaref, que pas un seul des « maîtres » qui existent dans
toutes les sectes n’est mort à lui-même ; c’est-à-dire qu’aucun n’a
intégré le degré dont ils prétendent être les dépositaires.
Regardez une seule minute un patron se titrant rose-croix
moderne, en assemblée dans son château, à la fin d’un repas
pantagruélique, entouré d’argent, de faux honneur et de fielleux
projets lui se décrète au trente-sixième degré de telle charte dont
je puis vous assurer qu’elle n’a existé que dans son imagination,
alors que dans le plus petit monastère de France on n’en voudrait
pas pour éplucher les pommes de terre.
On a dit bien des sottises à propos de prétendues affiliations
secrètes de Monsieur Canseliet. On décrétait même qu’il fut
Maçon. Je démens formellement, pour avoir vu et parlé à ceux
qui eurent l’autorisation de s’incliner devant lui.
Sachez que les hommes qui se trouvaient là unis autour de lui
n’étaient pas ordinaires. J’en ai rencontré qui avaient intégré un
niveau de connaissance très haut, dont je sais qu’ils étaient
Frères et non pas, comme certains l’ont espéré, mandataires ou
chefs de clan. Pas un seul des fiers-à-bras qui vont écrire moult
mots sur lui n’étaient là. Cela veut dire ce que cela veut dire, au
sens strict.
Fantaisie, rien que de la fantaisie. Vous êtes nourri de ce monde
extravagant. Il en est à un tel point de démagogie que rien n’est
possible, on ne peut que tricher, mentir et violer. On a permis à
Monsieur Canseliet de s’exprimer dans les mesures tolérées par
le système. De nombreuses fois, il a été censuré, que cela soit à la
radio, à la télévision, voire chez son éditeur. Ne croyez pas qu’il
suffise d’écrire quelque chose, de le présenter aux éditeurs pour

387
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 388

le voir paraître. Le monde de l’édition est un monde mesquin.


Non seulement ils se mangent entre eux, mais en plus ils
prostituent les écrivains en agissant tels des maquereaux : un
vague merci pour le travail, un dollar par ouvrage vendu avec, le
plus souvent, un coup de pied aux fesses ( exception faite de
petits éditeurs pour la poésie ).
Vous ne recevrez pas ce livre par les canaux du monde : pas un
éditeur n’en aurait voulu, parce qu’il n’est pas rentable
commercialement et qu’il parle trop. Il met trop de gens en cause,
ceux qui ont pondu leurs papiers sans pratiquer au feu. Comme
tous les souteneurs qui défendent leur volaille, les éditeurs ne
veulent pas de guerre entre eux, du moins de guerre ouverte.
Vous pouvez en être assuré : ce que vous trouvez dans le monde
du livre - du moins en très grande partie - est frelaté, parce que
tout passe par des structures instaurées qu’il est hors de question
de remettre en cause. Les éditeurs ont fait de l’argent avec les
Fulcanelli, avec les autres. Cela ne veut pas dire que ces très
estimés ouvrages sont commerciaux ; cela signifie qu’ils ont
amorcé, de leur point de vue, la pompe commerciale alchimique
car ils ouvrirent l’ère de la crédibilité. Ils éditent n’importe quoi,
pourvu que cela rapporte. Tantôt vous trouvez un Fulcanelli ou
un Canseliet - de rares ouvrages qui sont à la hauteur de leur
sujet -, mais le plus fréquemment, vous avez le résidu d’une
copulation de bureau, de rédacteur, dont l’Alchimie est le cadet
des soucis. Seul le nom se vend !
Il en est également ainsi avec les revues, où les mêmes plumitifs
ont placé les parutions, leurs directeurs ne pouvant se mettre à
dos des gens dont la réputation s’est faite sur le papier.
Vous ne pouvez imaginer combien ce monde est pourri. Sous des
dehors généreux et larges se cachent les pires jalousies, les coups
bas les plus redoutables. J’ai reçu de nombreuses lettres me
conseillant le silence, tout cela expliqué en termes sournois qui,
finalement, venaient me dire : « qu’est-ce que vous fichez là ? » Je
ne me suis pas fait importer par tel ou tel fumiste, je ne pèse
donc rien. Et si je vous le dis, c’est pour vous mettre en garde de
ne pas vous faire introduire, pour prévenir ceux qui auront la
responsabilité d’écrire. On ne vous laissera pas dire la vérité. On
vous octroiera un petit bout de papier seulement si ce que vous
écrivez ne met pas en cause quoi que ce soit d’instauré par les

388
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 389

tenants, et cela va loin, croyez-le. On vous autorisera seulement à


écrire un article gentillet, bien mignon, dans le bon ton des
nantis, répétant comme un perroquet ce que les tigres ont écrit
avant vous. Mais, si par la Providence, vous devez signifier votre
filiation - chose dont les superbes n’ont pas l’habitude - toutes les
portes vous seront bloquées définitivement, parce qu’ils croient
que vous voulez leur place.
Même là où vous pensez trouver l’équilibre et la justice, il faut
que vous sachiez que j’ai été censuré plusieurs fois, parce que
mes termes n’étaient pas du même parfum que ceux de la mode.
De par le fait, ils auraient troublé une certaine harmonie, bien
installée de longue date. Et si, à la belle époque, Monsieur
Canseliet dirigeait plus ou moins le contenu spirituel des
parutions, ceux qui furent présentés par lui se prennent
maintenant pour les mandataires, bien qu’ils affirment le
contraire dans leurs écrits. Malheureusement, ils n’agissent pas
comme lui, car ils se caractérisent par leur esprit étroit, envieux
et mesquin. Voir l’Opuscule Du Nettoyage des Ecuries d’Augias.
J’ai voulu vous dire tout ce qui est écrit dans ce traité par les
voies normales des parutions : on m’en a empêché tant qu’on le
pouvait. Vous savez désormais pourquoi. Certains avaient intérêt
à ne pas pelleter la neige devant la porte du Maître .. .
Ces méchants se dépêchèrent, pour couvrir leur état
d’impuissance, de chuchoter dans les salons que j’amassais de
l’argent avec le matériel et que, par les Arcanes de l’Alchimie,
cela est un sacrilège. Ils faisaient courir : « on ne bouleverse pas
deux mille ans de Tradition ».
S’ils savaient ce que c’est que de travailler avec les mains, s’ils
savaient que pas un seul n’aurait voulu de cet emploi une
seconde, s’ils savaient que l’on gagne à peine le salaire minimum
garanti en vivant de la sorte, ils éprouveraient de la honte.
Ils disent aussi : « les postulants doivent trouver eux-mêmes,
voire concevoir eux-mêmes, le matériel ». Comment imaginez-
vous que les Anciens oeuvraient ? Toute la structure
traditionnelle était la Communauté ; elle garantissait l’union
fraternelle qui est l’opposé de ce type de chymiste que l’on
rencontre de nos jours. Retirez-vous de l’esprit que les

389
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 390

philosophes d’antan travaillaient seuls. Nous reviendrons sur ce


point, mais je vous dis déjà que cela est faux. Ce caractère,
habilement exploité par les solitaires, est une manière éprouvée
d’attirer l’œil sur eux. Pensez que cet état de choses est
bienheureux pour les nantis, appuyant sur ce point comme s’il
était la condition primordiale. Moi, je vous enseigne qu’en vérité
cette lubie leur permet de mieux régner, parce qu’elle cristallise
l’incommunicabilité, ce qui n’est certainement pas le trait majeur
d’une société traditionnelle.
Ce qu’ils vous cachent, c’est qu’ils sont ce qu’ils chuchotent : ils
gagnent de l’argent, ils bouleversent la Tradition en écrivant
sans pratiquer, et ils utilisèrent, pour ceux qui y ont touché
quelques heures, les creusets de Paris industriels, dans lesquels
je vous défie de mener à terme une seule séparation
philosophique.
Ils ne méritent aucun dialogue. Vous devez aussi savoir cela.
Tout ce que je vous révèle, vous pouvez le constater, est
habilement voilé. Vous ne le savez pas et vous ne l’auriez jamais
appris. Vous êtes canalisé, dompté et esclave. Libérez-vous.
Renseignez-vous.

Si vous n’avez pas vécu jusque dans vos entrailles votre propre
mort, vous ignorez tout de votre évolution possible. En effet, vivre
sa mort, la ressentir omniprésente un instant par accident, par
maladie, par n’importe quel événement de la Providence,
imprime en vous une attitude intérieure irréversible : celui qui a
côtoyé sa mort - du moins qui en eut l’intime conviction - ne peut
plus jamais être comme avant.
Malheureusement, les conditions de vie du siècle, écartant toute
source de danger positif, qui serait susceptible de créer
sainement la circonstance adéquate, a calfeutré l’homme
moderne dans un univers où la « sécurité » est devenue un
dogme. La fonction animique de l’être s’est complètement éteinte,
tout comme d’ailleurs la fonction émotionnelle : le moderne vit
dans son crâne, son animisme est relégué au rang des
exagérations sexuelles et alimentaires. Le contemporain

390
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 391

ressemble étrangement aux milliers de poulets que les


industriels élèvent dans ces vastes hangars. S’il survenait un
danger naturel ou humain, il serait tout-à-fait incapable de se
défendre, il appellerait l’« armée » à la rescousse ou les « forces de
l’ordre », spécialisées pour ce genre de travail - encore heureux
qu’il reste ces derniers pour veiller sur leur sécurité.
Avant l’invasion du modernisme en « isme », c’est-à-dire du
progrès comme règle ultime de vie sociale à n’importe quel prix, il
fallait vivre. De nos jours, la vie s’écoule évidemment, plus
personne ne lutte contre le froid, contre les intempéries, contre la
faim ou d’autres données essentielles pour l’humain. Il fallait
vivre, et cette impérieuse nécessité demandait à l’homme un type
d’efforts que vous ne connaissez plus. Il était primordial de se
nourrir, de se battre contre les animaux, contre d’autres
prédateurs. Comprenez que pendant une immense période, des
millénaires, nos pères n’eurent pas une seule seconde de loisir.
Tout avait une dimension différente, le moindre geste était
empreint d’une signification autre. Maladie, douleur, mort, peur,
étaient des valeurs qui ne s’occultaient pas comme maintenant.
Aujourd’hui, tout cela se trouve refoulé au nom de quelques
principes de mode. Ce n’est que depuis une centaine d’années
seulement que ces choses ont été réellement éclipsées et réduites
en principes dits philosophiques. Pourtant, on meurt toujours,
peut-être même bien plus sournoisement, on a transformé la peur
en angoisse ou en indifférence (sa polarité inverse), on ne sait
plus avoir faim. L’absence de faim est terrible pour l’homme, il
n’y a rien de plus misérable qu’un individu perpétuellement
rassasié. Toutes ces absences, remplacées par des schémas
auxquels tout le monde s’identifie, ont engendré une santé
artificielle, des maladies nouvelles et dégénératives, des troubles
contre lesquels l’homme ne réagit plus. L’artériosclérose, le
diabète, la néphrite, les myocardites, toutes les affections
mentales dues aux excès de stress, et bien d’autres, montrent
combien les fonctions d’adaptation sont ébranlées au maximum,
les processus physiologiques s’étant modifiés définitivement de la
façon la mieux appropriée à la survie de l’organisme. Le corps
tente d’abord de s’accommoder à une fonction défectueuse,
jusqu’au jour où les agents pathogènes de toute nature qui

391
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 392

l’envahissent ne mettent plus en branle les mécanismes


d’adaptation : c’est la destruction irréversible qui commence.
Il n’est un secret pour personne que le progrès a amené avec lui
ses problèmes, auxquels il est incapable d’apporter une solution,
même à long terme. Ce n’est pas ici le procès du progrès, mais du
culte aveugle de son « isme ». Nos pères ne devaient leur survie
qu’à leurs capacités d’adaptation, elles s’ébattaient sur le terrain
de la nature. Maintenant que l’homme s’est retiré du monde pour
en tirer parti, qu’il a organisé son monde en fonction de ses
valeurs égoïstes, destructurant son inconscient, désorganisant
son endocrine et, par voie de conséquence, sa cellule, il ne réagit
plus. Ses tissus, ses humeurs ne paraissent plus discerner le mal
en lui, ils s’arrangent de sa présence et se développent
tranquillement.
C’est ainsi que le corps, qui se trouve perpétuellement dans un
milieu qui n’a pas été créé pour lui, ajuste selon la loi
d’adaptation extra-organique son état intérieur aux variations du
milieu. Les mécanismes qui maintiennent la stabilité des
activités physiologiques et mentales sont ceux que l’ego a mis en
place. Le plasma germinatif subit peu à peu les influences de
l’environnement, par l’intermédiaire du système nerveux central
et végétatif.
L’objet de la conquête humaine a changé fondamentalement. Il
fallait vivre, avons-nous dit. Maintenant, chacun veut posséder,
connaître, acquérir. La lutte pour la nourriture, pour ne pas se
faire tuer, a fait place à la curiosité, à l’envie, à l’ambition, à la
jouissance. La conscience de l’homme s’est adaptée à ces
nouvelles valeurs diaboliques. Elle modifie profondément et petit
à petit ses processus physiologiques. L’envie exerce un stress bien
différent que l’auto-défense ou que la recherche du manger :
l’édifice psychique s’en trouve chamboulé, entraînant dans sa
chute les mécanismes de défense et d’adaptation. Aujourd’hui,
pour vous adapter, il vous faut apprendre à savoir être mesquin,
jaloux, envieux. Vous devez singer les autres pour ne pas subir
leur jugement. Et, si vous retrouvez votre conscience primitive,
par un choc violent, vous verrez qu’elle répondra alors à l’inimitié
du milieu factice par un nouveau type d’effort dirigé contre ce
milieu.

392
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 393

La mort, c’est la fuite en face de cette réalité. C’est continuer de


vous laisser glisser dans le courant de la suggestion permanente,
c’est abandonner la lutte pour descendre jusqu’au bas niveau où
elle n’est plus nécessaire. Tous les prolétaires, la plupart des
syndiqués sont de cette veine. Les cadres de même mais à un
autre stade. Tous sont sécurisés dans une structure où ils
dorment, où tout marche selon la loi du groupe, étouffant
complètement les potentialités fondamentales de l’être,
n’autorisant que la régurgitation des identifications. Si vous
parlez le langage de Marx ou du Patron, on vous écoutera et vous
serez appelé Monsieur. Si vous criez que ce monde est un univers
de fous, si vous hurlez que l’usine est un camp de concentration
organisé, que la politique soutient de toutes façons le pouvoir et
qu’il mène indubitablement à la corruption, vous serez chassé.
Les hommes sont condamnés à se réfugier en eux-mêmes. Le fait
est devenu paroxystique dans le communisme soviétique.
L’univers des hommes de là-bas est réduit à ce qu’il est permis de
penser en secret. Ils ne peuvent rien entreprendre, rien décider,
rien arrêter, rien changer. On change pour eux, on marche pour
eux et ce « on », c’est un immense immeuble en briques que l’on
nomme le « Kremlin ». La mort, c’est aussi cela.
Si vous voulez arrêter la formidable marche de la machine
communiste ou capitaliste, vous serez broyé. Une seule solution
apparente : s’accommoder au milieu et à la loi générale, à l’«
opinion », à quelque chose qui n’a ni vie, ni être, ni forme ; un
veau d’or, une image floue mais qui dirige tout. S’accommoder au
milieu, et même le conquérir, c’est la voie moderniste. Ils ne
luttent pas, ils croient lutter en conquérant le milieu. En fait, ils
ne font que s’identifier, reprenant les valeurs du commun comme
base de leur volonté. Ils engrossent le système et se dissolvent en
réalité. Ils ne font partie qu’en apparence d’un monde auquel leur
vie intérieure les soustrait, pour ceux à qui il reste encore
quelque chose. Les illusions et les fausses espérances sont
devenues le plus puissant moyen d’adaptation. Observez combien
les tenants du pouvoir soignent cela. Ils font tout pour d’abord
faire briller ces mirages.
Les conditions principales de la vie moderne conduisent
insensiblement mais directement l’individu à sa dégénérescence.
Chez les uns, ce sera l’extrême pauvreté nourrie de tyrannie et de

393
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 394

révolutions, qui sera le moteur de l’abâtardissement des races.


Chez les autres, ce sera la richesse irresponsable, le trop plein, la
prospérité. Quoi qu’il en soit, l’un comme l’autre sont et seront de
plus en plus les générateurs de dysfonctions organiques
profondes. Trop d’ego ou de privations, pas assez d’être ou de
possibilités. Trop d’avoir, pas suffisamment d’amour. L’être est
laissé pour compte, alors qu’il est bien plus important que le moi,
car il peut créer d’autres corps et subsister après la mort. Ses
structures sont laissées à l’abandon, les valeurs fondamentales
de l’âme sont en friche. Conséquemment, comme tout terrain
délaissé, il y pousse n’importe quoi, selon la loi du hasard, jusqu’à
étouffement. Puis, lorsque toutes les familles de plantes, jusqu’à
présent obligées de cohabiter ensemble, se détruisent les unes les
autres pour leur survie, les potentiels de l’être réapparaissent.
Vous vous rendez alors compte que quelque chose ne va pas. C’est
le début de la lutte, du contre-courant, vis-à-vis duquel vous
n’avez aucune information, aucun moyen, aucune force.
Cependant, vous savez que rien ne pourra vous faire reculer.
Vous essayez de vous libérer de l’emprise des « autres », du «
monde » puis, vous constatez immédiatement que cela revient à
vous dégager de vous-même, de votre personnalité égocentrique.
A ce moment, vous échappez à la mort, vous êtes en voie de vivre
au-delà de vos formes immédiates, vous commencez à produire
d’autres énergies. L’Alchimie vous embrasse et vice versa, c’est le
chemin du retour.
Mais, pour avoir donné, par ignorance et plus tard
volontairement, pour avoir participé pleinement au système, vos
processus physiologiques sont perturbés. Peut-être même ne
ressentez-vous aucun malaise, aucune gêne : ce seront vos
mécanismes de défense qui se sont acclimatés. N’en doutez pas
une seule seconde, que vous éprouviez un mal ou non, vos
relations métaboliques sont à purifier. Il s’agit de retrouver votre
auto-régulation primitive, celle qui vous a été donnée en potentiel
à votre naissance. Ce recouvrement doit s’effectuer après une
désintoxication générale organique et psychologique. Il est votre
premier pas vers la Médecine Universelle. En effet, réintégrer
votre autorégulation, c’est déjà vous mettre en position cosmique
pour recevoir la Médecine Universelle. Cela veut dire que cette
dernière agit de toutes façons, quel que soit l’organisme par

394
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 395

lequel elle est absorbée ; mais, selon son état, elle vous guide vers
une finitude plus ou moins complète. Cela est très complexe et
tout en même temps merveilleusement équitable. Si vous
redonnez un sens naturel à vos processus physiologiques, la
Médecine Universelle décuple son pouvoir dans votre conscience.
Pardonnez-moi, ce sujet est trop grave pour que je vous en révèle
plus.
Par l’ascèse qui vous aide concrètement à remonter le courant, à
quitter le monde ou à mourir au moi, vous procédez à la mise en
place d’une réelle auto-pharmacologie. Les énergies que vous
libérez par telle ou telle attitude traditionnelle contrecarrent et
balayent les traces laissées par une vie adoptive illicite. Il n’y a
pas la physiologie d’un côté et la spiritualité débutante par une
saine psychologie de l’autre. On m’a souvent demandé : « ne
voyez-vous pas un danger dans cette voie que vous enseignez, et
dont la psychologie fait partie ? »
Nous avons déjà souligné ce qu’il était convenant d’entendre par «
psychologie ». Il est maintenant essentiel de vous rendre compte,
aussi complètement que possible, que vous ne pouvez pas aborder
l’Alchimie tel que vous êtes. Certes, tous La questionnent, ils La
réduisent au lieu de changer et de se placer à Son niveau. Ici, il
n’y a pas de psychologie en tant que telle. Cette dernière est
seulement un outil, tout comme votre marteau de séparation. Y-
a-t-il un danger à se servir de votre marteau de séparation ?
Certes oui, si vous lui attribuez des tâches qu’il est par création
incapable d’assumer. Il en est de même avec cette « psychologie »
: elle sert seulement à vous replacer en de saines conditions
mentales afin que vous puissiez d’une manière réaliste aborder
l’authentique spiritualité, et non plus tomber dans ce qui est
inévitablement un vague spiritisme dont l’ego tient les rênes.

On soupire volontiers lorsque les mots « péchés capitaux » sont


entendus. On lève les yeux au ciel et une petite galéjade clôt
l’entretien, dans le meilleur des cas. La plupart ne veulent rien
savoir sur ces questions d’ordre essentiel. Ils croient dans la
personnalité, ce sont les souffleurs. Ils exercent la fausse science,
mensongère et ténébreuse, faite de mots, de combines. Ils

395
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 396

s’efforcent d’abuser de ce qu’ils ignorent, alors que le sincère


dispose d’une force qu’il connaît. L’authentique laborieux exerce
les Arts alchimiques, la vraie Science, l’envieux tombe tôt ou tard
dans le vulgaire. Il existe ainsi deux sciences, la fausse et la
vraie. Notre travail est de révéler l’une, de dévoiler l’autre, à
l’image des deux polarités essence et «vous-qui-n’est-pas-vous »
(l’ego).
L’inaccès de la Médecine Universelle est tout contenu dans
l’usage exacerbé des pratiques de l’ego ou, en d’autres termes,
l’exercice des péchés « mortels », car ils font mourir, avons-nous
dit. En effet, ils se distinguent des fautes banales par le
formidable pouvoir de cristallisation de certains processus
organiques, qui empêche la licite circulation de l’influx vital. Ils
détruisent ce que notre corps est capable de créer seul par une
vie d’être, la Médecine Universelle représentant le pardon total
de Dieu, gommant jusqu’au plus profond de nous le péché
originel, c’est-à-dire les habitudes organiques qui sont ancrées en
nous depuis que l’homme a dit « moi ».
La pratique des « péchés mortels » accentue les processus de
sénescence. D’un individu saint au profane épais, du point de vue
de quelques échanges physiologiques, une perte progressive d’eau
dans les tissus est une notable caractéristique. Subsister en état
de faute grave diminue la quantité d’eau pure du corps humain.
De plus et surtout, maintenir cet état favorise la formation
accrue de sels inorganiques, qui s’accumulent dans les tissus.
C’est la présence de ces sels qui cause le durcissement de ces
tissus, qui ont tendance à se dessécher plus encore et à se
scléroser. Ils se trouvent petit à petit imbibés dans leurs
fonctions pour finalement s’atrophier. Ces sels inorganiques sont
principalement des carbonates de sodium, de calcium, des urates
et d’autres encore.
La composition moléculaire de la cellule change pour s’altérer.
Elle se modifie déjà par le déséquilibre acido-basique de sa
membrane. A ce stade de développement, les fautes n’ont pas
détruit l’homogénéité de la cellule, elles sont dites « vénielles »,
fonctionnelles, passagères et réversibles. Mais, dès qu’elles
atteignent une intensité qui trouve une structure mentale fixe
dans votre psyché, elles se stabilisent et deviennent « mortelles »,
destructrices, parce que les mêmes processus négatifs se

396
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 397

déroulent de jour en jour, inexorablement et, si l’on peut dire, en


polarité centrale.
Cette altération a pour conséquence la destruction progressive
des cellules, puis des cellules vitales. Le potentiel de l’individu
s’épuise pour, sur la corde raide, engendrer des cellules
incapables de se reproduire comme il faut : la vie de l’organisme
se réduit, l’état de misère physiologique s’instaure et c’est la
sénilité qui suit la dégénérescence.
S’adonner aux péchés mortels entraîne plusieurs types de
dégénérescence
- la dégénérescence graisseuse
- la colloïdale
- la muqueuse
- l’infiltration calcique - l’infiltration uratique
( ...) que je m’autorise à cause de certains loups, dont les
connaissances sont suffisamment élevées pour être dangereux.

Pour avoir gagné sa belle carte de visite, l’un des deux en est mort.

Ces sept types de décadence sont évidemment en rapport direct


avec les sept péchés capitaux, les uns et les autres engendrant
plutôt tel ou tel type de destruction, à savoir
- l’orgueil
- l’avarice - la luxure -la colère - la paresse - l’envie
- la gourmandise

397
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 398

Si vous pouviez voir, dans l’état actuel de vos consciences, comme


dans un miroir ou sur un écran, les processus physiologiques
précis qui s’établissent par l’exercice abondamment répété des
sept péchés capitaux, vous deviendriez moine.
Arrêtons-nous schématiquement sur l’avarice, par exemple. Il
s’agit d’abord de déterminer les causes qui sont dans le moi et
pour lesquelles un individu est avare. Sa psychologie le fait vivre
dans un certain type d’habitudes qui touchent, par le système
nerveux, le cycle de ses humeurs et de ses sécrétions endocrines,
exocrines. Les digestions ne sont plus les mêmes, les absorptions
non plus, les nourritures assimilées suivent le degré croissant ou
décroissant des incidences de l’avarice. Puis c’est la surcharge
abondante et hors proportion d’urate de sodium, parce que les
organes touchés par ce péché sont spécifiquement tous ceux qui
appartiennent à l’arbre génito-urinaire. Les urines ne portent
plus leur taux normal d’urates, qui se déposent dans les
cartilages, sur les ligaments et sur les membranes articulaires.
Rhumatisme, arthritisme s’installent pour former des êtres
rabougris et noueux les avares ...

La fixation de vos certitudes égoïstes détruit les plus belles expressions de la


vie.

398
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 399

Le processus est simple : afin de neutraliser l’acide urique, le


sang se dessaisit de soude et de chaux qui, en se combinant avec
ledit acide, forment des urates. Soude et chaux sont des éléments
essentiellement actifs, généreux, chaleureux. L’avare est un être
froid, sans cœur, dur. Le remède est donc son inverse, qui
engendrera de son côté une dissolution des cristaux d’acide
urique en vue de leur élimination. Donner provoque chez eux plus
de chaux et de soude, ils « prennent une chaleur » chaque fois
qu’ils sont contraints de donner, fabriquant les acides adéquats
et dissolvants.
Cela ne veut évidemment pas dire que si vous prélevez l’urine de
quelqu’un qui vous refuse un dû, vous lui trouverez trop d’acide
urique ! Ces phénomènes se déroulent à la longue, par pointes
très intenses, les défenses réduisant au plus tôt les excès mais,
malheureusement trop violents, ils sont rapidement transformés
en urates cristallisés avec d’autres substances dans les
articulations.
Il en est ainsi de tout, sur différents plans.
Lorsque l’homme ordinaire se laisse aller avec consentement à
l’exercice routinier des facultés de son ego, nous savons
maintenant qu’il se particularise, qu’il se matérialise et se fixe en
une quantité incroyable de masses pesantes dont la seule finitude
est la décomposition. Aucune sublimation de ce qu’il a fait de sa
vie ne s’effectue, puisqu’il n’a donné son existence que dans les
domaines matérialisés, ne créant autour de lui que des valeurs
dans les mêmes rapports de quantité, c’est-à-dire de poids.
Un homme qui n’a vécu que pour lui toute sa vie a complètement
paralysé les facultés de son troisième cerveau, seuls ont
fonctionné les deux qui caractérisent les êtres bicérébraux -
comme le mouton. Ses instincts organiques l’ont soutenu, par
l’intermédiaire de son bulbe, et de sa moelle épinière, premier
cerveau. Ce qu’il nomme improprement « cerveau » n’a été
employé que pour régler quelques affaires sommaires, qu’il a pris
comme centre de giration de sa vie, ignorant d’abord
volontairement les fonctions normales dudit cerveau pour, une
fois atrophiées, décréter que cet organe a « des pouvoirs
inexploités ». Le cerveau n’a pas de « pouvoirs latents ou inusités

399
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 400

», ce n’est que l’idiotie de l’homme qui l’a entouré d’une épaisse


glue ; il est affaibli, c’est tout.
Lorsque l’on vit uniquement pour soi, tout le tube digestif, par
l’intermédiaire du vagosympathique en relation commandatrice
avec le cervelet dans le fondement de sa fonction, remplace
indirectement le cerveau. Ces êtres - la plupart qui meublent
actuellement cette planète - peut-être aussi une grande partie de
vous-même, vivent, pensent, agissent essentiellement sous
l’emprise de la cristallisation du péché originel. La connaissance
et l’exploitation maligne de l’ego, si elle séduit au premier abord
et si elle semble utiliser une pseudo-intelligence fine, ne sont en
fait que la conséquence directe du péché originel. C’est à partir
du moment où l’homme a dit « moi » qu’il s’est retiré du monde en
un point central - lui-même - et qu’il n’a plus pu, par sa propre
faute, garder le Jardin des Hespérides. Il s’est exilé
consciemment, son particularisme l’enfonçant petit à petit vers
un fonctionnement indubitablement orienté vers une autonomie
limitée. C’est dire combien lui, petit, basant ses fonctions sur sa
propre individualité, se croit immodérément grand, son cerveau
ayant gardé la mémoire de quelques structures universelles lui
donne l’impression que son « moi » s’étale hors de lui-même et
gagne l’ensemble de l’univers. D’où ses comportements superbes,
démesurés et de Méphisto, les possibilités réelles de son
intelligence étant parfaitement incapables d’assurer la moindre
finitude à ses aspirations orgueilleuses. Il s’est exilé au bout de
l’univers, destiné à la poussière, à la chaux vive, au phosphore et
à l’armoniac, seules valeurs résiduelles qu’il a pu créer, et encore
pas par son propre vouloir. Il ne reste rien de lui, seulement
quelques traces de civilisation que les arbres et les insectes
détruiront au bout de cinquante ans. Il s’est adonné toute sa vie
aux principes involutifs. Il s’est dirigé dans l’autre sens de la
spirale ascendante du monde : au lieu de se sublimer vers
l’Absolu-un, vers l’objectivation, remontant la cascade des
mondes, s’assujettissant à un nombre de lois de moins en moins
grand, il s’est étalé vers la généralisation, vers l’uniformisation,
vers la matière et les masses, vers le bout du monde en tant que
dimension : vers la lune ( ou en d’autres termes et d’une manière
analogique, vers une poussière dans l’univers qui est dépendante
de tout).

400
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 401

Si vous comprenez cela, vous êtes désigné. Dans le cas contraire,


il est convenant de vous sortir de votre propre hypnose le plus
rapidement qu’il se peut.
La terre est une des portes de l’enfer, sur laquelle la possibilité
de retrouver sa véritable nature est donnée. Elle est une des
portes de l’enfer parce qu’elle est au bout de l’univers, dans les
processus de matérialisation les plus lourds. Croyez-moi, lorsque
vous pratiquerez vraiment sérieusement au fourneau, vous
saurez quel est le sens de ces termes, vous en saisirez l’ampleur
et la signification, vous en aurez une preuve devant les yeux.
Preuve que, tout comme le Sujet de départ, vous êtes empli en
vous-même de soufre grossier, vulgaire et vil. En même temps,
vous recelez au fond de votre âme la quintessence la plus subtile.
L’enfer, c’est la mort définitive, sa préparation consistant en la
pratique assidue des valeurs de votre amour-propre, cristallisant
toutes les conditions de métabolisation vers les masses dégradant
l’esprit en matière. Le processus est à l’image d’une mauvaise
distillation : aucun esprit ne s’élève du chaos, tout se réincrude
pour son propre engrossement, créant un précipité lourd et fixe.
La mort, c’est exercer habituellement vos « péchés mortels », le
dynamisme qui y mène étant le laisser-aller dans les petites
manies, ou sommeil, ou « péchés véniels », ou encore une
mauvaise régulation de vos processus physiologiques.
L’embrasement et le déluge sont la finitude, l’aboutissement de
la somme des comportements particuliers des hommes. Ce sont
eux qui refusent d’associer le travail sur soi à celui du fourneau.
Ils pensent qu’ils peuvent très bien bricoler au charbon tout en
restant en friche eux-mêmes. Ils croient que ce sont les
manipulations qu’ils exercent au feu qui règlent toutes leurs
souillures. Alors, ils braillent « Solazaref est dans la voie d’une
pseudo-mystique, il essaie de nous convertir au christianisme » ;
se référant à ces quelques jeunes qui s’adonnèrent en leur temps
à cette science ainsi qu’aux aspects superficiels de la religiosité
des sectes, ils concluent que nous « bousculons deux mille ans de
Tradition ». Cela est évidemment tout le contraire. Ces faux ne se
rendent pas compte que, par la pratique exacerbée de leur ego, ce
sont eux qui se sont écartés de la voie et que, s’ils rencontraient
un Maître, ils seraient tout juste bons à lui cirer les chaussures.

401
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 402

Il n’y a pas le fourneau, les expériences d’un côté, et ce que l’on


nommerait une vague évolution de soi de l’autre. Tout est lié :
pour travailler au Feu, il faut vous bonifier vous-même dans le
quotidien. Comment imagineriez-vous bien œuvrer à la pince
d’un côté, et vous laisser aller à vos fautes à l’extérieur, à vos
habitudes et à vos certitudes ? Ce sont précisément ces choses qui
vous obstruent aujourd’hui - c’est cela qui a changé avec le
modernisme - c’est pourquoi, de nos jours, vous devez
impérativement aborder la Science par cette porte et non pas par
une autre, par celle de votre choix. C’est justement la porte de
votre choix qui représente le résultat fielleux de vos cogitations
morbides, car ce choix est la compilation des manies de votre moi,
comprenez-vous ?
Vous devez immanquablement retrouver, avant tout espoir, un
équilibre relatif mais suffisant des valeurs intérieures, équilibre
qui doit être matérialisé jusque dans vos processus
physiologiques, détruisant par contre-poison des années
d’habitudes néfastes. Sans cette résurgence des qualités de votre
être, vous n’arriverez pas à l’orteil du moindre aspirant d’antan,
qui avait pour lui toute la saine culture de son environnement. En
passant outre, non seulement il est inutile d’envisager le plus
petit résultat philosophique, mais en plus, quand bien même
vous auriez un ami qui trouverait, l’absorption de la Médecine
Universelle vous tuerait, car vos structures métaboliques
n’auraient pas atteint le niveau de perfection suffisant pour en
permettre l’intégration : comment penseriez-vous qu’un
substratum pur puisse se lier à l’impur ? Il chasse l’impur et, que
resterait-il de vous-même si vous n’étiez qu’impur ?

Visualisez quelques instants de vie d’un simple néophyte, voici


encore une cinquantaine d’années. il passait devant un calvaire,
il se signait, quand il ne récitait pas un chapelet par pénitence.
Vous, vous passez devant en automobile ou en train à plus de
cent kilomètres à l’heure, lorsque vous le voyez. Lui, s’il oubliait
un ustensile à la ville principale de la province située souvent à
trois jours de route, il recevait en rentrant une correction avec le
bâton, pour repartir réparer l’omission sur le champ et sans

402
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 403

manger. Vous, vous passez un coup de fil et les transporteurs


vous livrent un moment plus tard. Lui, les ampoules aux mains
et les sandales trouées, il balaie encore à deux heures du matin le
laboratoire, alors que le Maître écrit. Vous, vous lisez,
tranquillement assis au fond de votre fauteuil, un des
innombrables ouvrages que vous avez acquis.
Loin de moi de vous retirer les bienfaits de la civilisation
moderne, ni de vous reprocher tel ou tel comportement : il s’agit
seulement que vous compreniez vraiment à quel point la vie
d’aujourd’hui vous a éloigné de l’Art. De nos jours, toujours
confortablement installé, vous seriez tenté de dire « l’attitude de
servitude qui contraignait le disciple était là pour servir le
fabuleux pouvoir de la chrétienté de l’époque ». Et vous oublierez
tout ce que cette attitude sous-entend pour le disciple et pour les
autres, vous oublierez également les années de travail par
lesquelles tel artisan a sué sang et eau pour sculpter cette petite
croisée de chemins, comme s’il l’avait faite intellectuellement. Si
de nombreux hommes étaient aussi doués aux Arts, c’est que le
fondement du social était très spirituel. La condition d’élève de
l’époque ne stipulait pas, en plus, qu’elle fût suffisante pour
mener ledit élève à l’Adeptat. Vous, simplement par le fait de lire
quelques heures et de toucher à quelques piètres manipulations,
toute la structure sociale instaurée dans votre mental vous rend
certain que vous pouvez prétendre, simplement prétendre.
Auparavant, de tels êtres étaient jetés à la rue avec du pain sec.
Mesurez, je vous prie, la distance qui vous sépare au jourd’hui
d’un petit aspirant traditionnel.
Cette distance représente en poids et en longueur, en matérialité,
très concrètement, l’état de cristallisation de vos processus
physiologiques dégradés qui, s’ils ne sont pas jusqu’au fond
entachés de fautes mortelles, le sont par vos manies vénielles, au
moins. Qu’est-ce à dire sur le plan biochimique ? En d’autres
termes, que sont les péchés dits « véniels » qui vous mènent droit
à la mort, s’ils se perpétuent ?
La materia gravis est directement liée à la fois au degré de
perversion installé au fond de votre cœur et à la fréquentation de
son exercice. Extérieurement, il est primordial de vous rendre
compte comment, pour l’homme engoncé dans sa chair jusqu’au
cou, l’erreur devient péché. Car en fait, votre niveau

403
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 404

d’imperfection vous place inévitablement devant une succession


d’erreurs, qui se transforment en fautes dès que la personnalité
s’en mêle. Il ne s’agit donc pas d’un manque d’instruction -
comme certains le penseraient de ceux qui n’ont pas suivi
d’études, les bienheureux ! -, ni d’un manquement d’analyse. La
question se réduit à ce que l’homme se prend pour son corps. Il
s’identifie à sa masse, il exerce son sentiment d’exister aux
limites de sa forme. Le châtiment dont nous parlons, c’est tout
simplement que cette faute grave mais vénielle dans sa pratique
devient une réalité : l’homme devient son corps. Il est charnel et
il ira là où vont les choses charnelles. Et l’âme ?
Si vous avez une âme, cela ne signe pas que vous soyez cette âme.
L’âme, seul véhicule capable de subsister au delà de la
pourriture, est celle dont l’Esprit s’empare pour la mener à son
terme. Je vous conseille, comme dans tout voyage, de vous
installer dans le véhicule avant le départ ... Voici qui est pour le
péché mortel. Reste maintenant à savoir avec quels bagages vous
partirez, au moment de votre dernier souffle, afin de subir votre
propre sublimation. La question reste entière avec la Médecine
Universelle, son absorption détruisant en quelques heures ce que
votre ascèse n’a pas remblayé. Aussi, ne vous hasardez pas à
cette ingestion, si par le plus fou des accidents cette Médecine
vous tombait entre les mains, sans que vous l’ayez vous-même
conçue : vous seriez foudroyé, car seul son père en connaît
l’intime posologie. Il sait aussi à qui elle est destinée.
Si les fautes capitales sont relativement claires quant à leur
manifestation, les vénielles se caractérisent essentiellement par
un degré plus ou moins grand de paresse. En effet, les petites
manies sont entretenues par un comportement cossard.

404
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 405

Monsieur Canseliet, je vous l’assure, avait sur lui les signes d’éclosion
intérieure : sa face était sigillée du sceau des êtres bienheureux. A l’image de
mon cher père dont le masque mortuaire porte le rayonnement des actions
qu’il a entreprises dans sa vie :jusqu’au plus profond des cellules les forces de
l’âme, lorsqu’elles sont vécues pleinement, donnent au Caput mortuum le
signe que c’est bien le chemin de la vraie délivrance.

Il existe bien évidemment plusieurs niveaux de paresse. Le


paresseux passif est le plus fameux des fainéants, de notoriété
publique, dans toute sa splendeur. Il traîne tout le temps, au lit,
dans sa démarche, ne termine jamais une chose, tout est chez lui
en désordre. Il use ses semelles avant les autres, il ne ferme pas
les portes derrière lui, le parfait bon à rien, la limace, le fumiste
dans son plus grand accomplissement, car il ne fait même rien
pour cacher son mal et n’en a pas envie. Le second type de
colimaçon est plus tempéré. Il paraît. Son extravagance est à la
mesure du degré de sa faute, il est influençable et suit le courant
général tout en se distinguant des autres par facilité, ce qui le
rend intéressant. C’est le grand vent, chez lui, il parle, parle et
l’on ne voit jamais rien venir. La troisième classe vénielle de
paresseux est celui qui s’adonne en tous sens. Il a choisi une sorte
de but et s’agite autour, distrait, badaud, il est aux frais de tout
le monde, c’est un joueur qui demande toujours de l’argent en
prétextant son but. Enfin, les paresseux actifs sont les plus
nombreux, au point tel que nous pouvons même affirmer que la
plupart d’entre vous en font partie. Il s’agit simplement des
hommes modernes qui cultivent la société des « loisirs » par la

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 406

puissance dominante de la technique. L’eau au robinet n’a qu’à


couler, toutes les masses de se laisser glisser vers la gueule.
Passion du confort, paresse du cœur - indifférence qui fait encore
plus de mal que la méchanceté -, préjugés - adoption sur tout
point de vue général. Irréflexion.
Le péché mortel de paresse, c’est la réunion de l’ensemble de ces
tendances dans le même homme. Il en est de même pour toute
faute. Elle est vénielle, c’est-à-dire engendrant des disfonctions
organiques au stade seulement réversible, lorsqu’elle n’est qu’une
des faces du prisme global qui, lui, est l’erreur totale, mortelle.
Le remède ?
Vous remarquerez qu’une faute est toujours due à une mauvaise
séparation des gestes. Par exemple, le paresseux ne sait pas bien
dormir, s’arrêter vraiment, ne rien faire. Lorsqu’il sommeille, il
rêve tout le temps, il ne dort pas véritablement, il s’agite dans
une demi-veille. Le jour, il n’est plus vigilant. C’est une question
essentielle de rythmes : vous distinguerez une faute en ce que les
rythmes restent constants. Le fainéant perpétue sa nuit autour
de lui le jour : ses coussins, ses tapis, son air chauffé, ses divans,
... , en témoignent. Séparer consiste à retirer alors tout ce qui a
trait à la mollesse. On se lève et on se lave à l’eau froide, on se
tient droit et la chaise suffit. Voilà pour l’exotérique.
Ensuite, vous remarquerez qu’une faute est intérieurement due à
une erreur de destinataire. Le paresseux s’abandonne en lui-
même alors que le véritable repos est dans l’abandon à Dieu. Ils
aiment tellement leur chair qu’ils refusent de mourir un peu
chaque soir au lit, de se laisser complètement aller afin de
perpétuer leur désir de jouir : ils sont toujours en contact avec
eux, il n’y a pas de cassure, ils ne veulent pas d’alternance
rythmique.
Bien des choses seraient encore à dire là-dessus, mais vous
comprendrez que cela n’est pas réellement utile au fond. Si vous
saisissez les présents termes, vous en mesurerez le principe.
Sinon, cinq cents pages n’y suffiront pas, parce que vous seriez
exactement ce que j’écris ... à le lire confortablement installé ...

406
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 407

Certains ne croient pas que les fautes font mourir. Ils s’imaginent
que l’action de l’intellect est séparée de celle du système nerveux,
elle-même étrangère à l’endocrine, cette dernière encore
différente des métabolismes glucidiques et lipidiques, nourritures
principales du corps, ce avec quoi l’individu subsiste. Ne
ressentant pas les relations intimes qui lient cette chaîne, ils
concluent comme n’importe quel imbécile qu’elles n’existent pas,
traduisant justement le méfait de leur déconnexion.
L’action du système nerveux sur la régulation des processus
physiologiques est capitale. Elle se déroule schématiquement
sous trois rapports
- d’abord en exerçant son propre rôle d’adaptation de l’organisme
aux conditions changeantes du milieu extérieur,
en influençant notoirement la sécrétion des glandes endocrines,
et donc les échanges, en interférant avec l’action des hormones.
Cela signifie que, outre vos comportements du point de vue de
votre évolution spirituelle, chacun de vos gestes au laboratoire et
dans le monde vous oriente ou non vers la Dame. Cela signifie
également que, une fois une quantité de processus suffisamment
importants enclenchée, il est très difficile de faire route arrière,
que cela soit dans un sens ou dans l’autre. Vous conformer aux
Arcanes de l’Art vous dirige indubitablement vers lui et,
inversement, vous y soustraire vous en éloigne, tout aussi
imperturbablement, jusque dans votre chair. C’est pour cette
raison précise qu’il ne s’agit pas de faire de l’Alchimie, mais d’être
Alchimie.
C’est la régulation nerveuse de l’activité viscérale qui est
directement concernée par les erreurs que l’on commet. D’autre
part, l’électrophysiologie générale cellulaire permet d’apporter la
preuve des mécanismes relationnels qui existent entre la
gestualisation motrice d’un homme et ce qu’elle implique sur sa
commande végétative. C’est pourquoi je vous ai longuement parlé
du type d’observation de soi dans la motricité, relativement
facile, qui autorise non seulement une vision de ce que vous
faites, mais aussi de ce qui a commandé ce que vous faites, c’est-
à-dire de ce que vous êtes il subsiste un lien étroit, organique
entre ce que vous faites et ce que vous êtes. Toute la question de

407
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 408

votre transfiguration est dans le bon accomplissement de cette


relation.
Auparavant, les hommes pensaient par exemple qu’une
distinction histologique fondamentale séparait le myone de la vie
relationnelle de la fibre lisse viscérale. Une différence
anatomique capitale était la source de cette conclusion, qui
permettait évidemment d’affirmer que ce que l’on fait n’a pas
d’incidence sur ce que l’on est. Cette différence était basée,
comme d’habitude, sur des observations extérieures hâtives : les
muscles striés de la vie de relation sont des éléments rapides,
alors que les lisses sont lents, ainsi que certains effecteurs
viscéraux. On croyait, à cause de cette disproportion histologique,
que les vies de ces deux familles principales qui engendrent le
mouvement n’avaient aucune relation entre elles, jusqu’au jour
où ils se sont aperçus que tout dépend en fait d’une sorte de
séparation du matériel chimique qui alimente ces muscles,
l’existence d’une plaque motrice étant le facteur de rapidité.
L’intervention du système nerveux sympathique et
parasympathique est la clef de ces échanges, l’appareil
dynamique concret chargé de transmuter ce que vous êtes jusque
dans votre chair.
La connaissance ancestrale de ce système nerveux - appelé celui
de la vie de relation - était très poussée, bien plus qu’elle ne l’est
aujourd’hui. Effectivement, elle fut tellement profonde que les
hommes avaient établi un ensemble de lois qui représentaient
l’éthique d’une vie dans le milieu social, rendant impossible toute
déviation importante, elle-même menant l’individu à une sorte
d’accomplissement automatique ( ce que les sots nomment les «
tabous » ). De nos jours, la petite science démontre son
incompétence quant à bien cerner ces questions, puisqu’elle n’a
pas été capable d’en imposer concrètement les principes : les
hommes vivent comme des fous, leur système nerveux
sympathique est totalement déréglé ; ils ne sont plus à même de
saisir la valeur de la relation entre ce qu’ils sont et ce qu’ils font,
la machine étant cassée.
Le rôle de la Médecine Universelle n’est autre que celui d’une
formidable désintoxication, accompagnée d’une action
absolument régulative sur vos systèmes nerveux. C’est pourquoi
la médecine blanche restitue votre quota de vie qui vous a été

408
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 409

programmé à votre naissance, comme si vous n’aviez pas vécu


d’une manière illicite. La Pierre des Philosophes, elle, a un rôle
bien plus extraordinaire. Non seulement elle vous donne ce que
l’œuvre au blanc produit, mais en outre elle modifie jusqu’au fond
la plupart de vos échanges physiologiques, imprimant à votre
organisme d’autres constantes biologiques. De plus, elle est cette
sage-femme qui accouche complètement et à terme votre « astral
» ou second corps, en lui offrant de quoi le nourrir un certain
temps ; tout dépend de sa qualité. Ainsi, celui qui est élu ne
meurt pas. Il connaît le jour où il devra déposer son enveloppe
charnelle comme un vulgaire habit, son deuxième corps ayant
atteint un tel degré d’accomplissement qu’il a une densité
suffisante pour se manifester par transparence dans le monde
immédiatement inférieur et supérieur.
Comprenez que vous ne pouvez avoir aucune notion du troisième
corps, capable d’atteindre le niveau objectivant des galaxies, tant
que vous n’avez pas intégré le second. Comprenez de même qu’il
est fort rare qu’un « être » du troisième monde s’abaisse à
contacter un homme ordinaire du premier, de la terre. Ceux qui
intercèdent auprès des Pères, des Adeptes, peuvent toujours
attendre les bras levés au ciel, et continuer d’imaginer que ce
sont eux qui font crisser les gonds de porte. Rien de cela n’arrive,
car un homme ordinaire, comme vous l’êtes actuellement en
abordant l’Alchimie, ne mérite qu’un instructeur, parce qu’il doit
être d’abord instruit. Ce n’est que lorsqu’il sera à son tour
instructeur qu’il servira un maître et qu’il aura une notion bien
plus précise de ce dont nous parlons à propos des maîtres. Tant
que vous resterez ce que vous êtes, vous pouvez toujours espérer
d’une manière au fond prétentieuse que les Adeptes vous
contactent - comme s’ils n’avaient que cela à faire ! - vous qui êtes
tout juste bon à exprimer le jus d’une orange pour votre
instructeur. N’ignorez plus que les maîtres ont leur propre rôle là
où ils se trouvent, qu’ils sont couverts de travail, sur un autre
plan, que vous serez digne de les côtoyer selon la place qui vous
sera assignée seulement le jour où vous aurez donné, pas avant.
Nous insistons sur les caractères de la vitesse fonctionnelle des
effecteurs viscéraux et de leurs nerfs, parce que c’est d’eux que
découle le mouvement-principe de la commande sympathique. Le
nerf sympathique dont la chronaxie est de l’ordre du millième de

409
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 410

seconde est au contact de son effecteur, dont la chronaxie est cent


à mille fois plus grande : c’est là un hétérochronisme
considérable, et c’est le motif majeur qui engendre l’apparente
dissociation dont il fut question ci-devant. Ce serait sans compter
sur les mécanismes de médiation chimique, dont le rôle est loin
d’être secondaire.
Non seulement ce que vous faites ou les stress influent sur les
commandes sympathiques par l’entremise des influx nerveux,
mais votre propre chymie tient une place majeure. Les fibres
nerveuses, pour assurer la commande sympathique, produisent
des substances telles que l’acétylcholine et l’adrénaline. C’est
dans l’origine et le destin de ces substances que se règle une part
importante de votre métamorphose, issue de votre mode de vie.
Ces deux élaboras doivent pouvoir se former rapidement à la
commande de l’influx, mais aussi disparaître très vite une fois
qu’elles ont rempli leurs tâches. C’est dans les débordements, qui
concernent les limites d’élaboration de ces matières, que se situe
le départ de nombreux troubles. Il en est de même avec l’influx et
sa régulation. Une anomalie perpétuelle des potentiels
produisant les influx, à cause de stress qui ne sont pas adaptés à
votre nature (les « il faut s’y faire »), est la principale genèse de la
plus grande maladie du siècle après le cancer : la spasmophilie.
Cette maladie, maintenant généralisée, traduit un mode de vie
de stress que l’individu est contraint de supporter et pour lequel
il n’est pas conçu. En ce qui concerne les déviations métaboliques
des relations chimiques, ce sont plus les névroses et les troubles
de l’arbre nerveux qui sont désignés.
Les modernes ignorent pourquoi certains nerfs sont
adrénergiques et d’autres cholinergiques. Schématiquement,
nous pouvons dire qu’il s’agit du même processus que celui qui
anime les thermocouples : ces deux substances se retrouvent aux
terminaisons nerveuses pour engendrer un autre type d’influx,
au contact de leurs natures différentes, que le nerf conduit aux
organes spécifiques. C’est ici le grand lien entre la finitude de la
matière et le début d’une matérialité autre, plus subtile.
Tout cela veut dire, très grossièrement, que pour accéder à
l’élaboration et à la lente construction des structures de votre
deuxième corps, vous devez vivre conformément à votre nature ou,

410
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 411

en d’autres termes, à la Nature, c’est-à-dire vous conformer à


Marie. Ce n’est qu’à partir de ce moment que vous recouvrez les
conditions capables de mettre en mouvement d’autres facteurs,
eux-mêmes permettant l’élaboration des fondations de votre
deuxième corps. Sans cela, vous avorterez toujours d’un embryon
plus ou moins difforme ; vous aurez bien des manifestations «
astrales » dues aux influences de vos manipulations mais, non
encadrées par l’ascèse, vous ferez « fausse-couche sur fausse-
couche ». A la fin de votre vie, il ne vous restera rien que des
souvenirs d’événements para-normaux, alors que l’aspirant
méritant et zélé aura conçu le véhicule nécessaire au grand
voyage. Il est inutile de vous dire que ces choses se retrouvent au
moment de l’ingestion de la médecine blanche ou de la Pierre,
c’est pourquoi tant de gens sont morts à son contact, parce qu’ils
ne s’étaient pas préoccupés de l’ego. Vous, nettoyez d’abord vos
écuries d’Augias.

J’avoue que cela a de quoi jeter en votre conscience le trouble et


notamment au sujet de ce qui s’est déroulé pour Monsieur
Canseliet. N’aurait-il rien métabolisé ? Qu’en est-il, maintenant
que vous pouvez mieux comprendre, plus exactement ?
La question est très simple. La Mission du Maître de Savignies
était de faire renaître le fondement juste et initiatique de
l’Alchimie, en indiquant les publications traditionnelles
auxquelles il faut vous référer, pour toutes les voies.
Les personnes qui ne sont pas arrivées au stade de l’Adeptat tel
qu’il est et tel que nous le concevons, par l’obtention de la Pierre,
et qui ont oeuvré comme Monsieur Canseliet, en sacrifiant leur
personne, sont élevés au rang de saint. Ils ne doivent pas
disparaître comme les maîtres dans les couches des mondes plus
élevées, ils doivent rester présents pour l’exemple. Tout comme
les saints et martyrs, ils sont ensevelis sur terre de façon à ce que
leur sépulture soit un lieu de pélerinage.

411
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 412

Renouez avec les valeurs du pèlerinage. Mise au tombeau de Monsieur


Canseliet.

La fonction précise de la tombe d’un saint a toujours été tenue


mystérieuse, tout en recevant de la part des plus grandes
autorités temporelles de ce monde - quelle que soit leur
confession - la plus haute vénération. La raison est que cela fait
partie intégrante de la transmission initiatique : la tombe d’un
tel être est le véhicule concret vis-à-vis duquel je vous commande
de faire pèlerinage à chacune des grandes étapes de votre
accomplissement. Sans cela, vous ne pourriez rien, car c’est une
des conditions de ce siècle.
Comme futurs dépositaires de la Tradition - je considère votre
évolution possible de cette qualité par les preuves d’assiduité que
vous m’avez fournies -, vous devez savoir comment les serviteurs,
les instructeurs préparent le corps des maîtres qui sont appelés à
ce destin. N’oubliez pas qu’il faut que l’Adepte soit responsable
devant Dieu et devant les hommes d’un grand tournant dans
l’Alchimie, afin que la tombe représente un point de ralliement,
une base de départ, une référence indiscutable.
Cette préparation est ancestrale. Elle est à effectuer par les
disciples qui ont été désignés, habilement et aussi parfaitement
que possible : il s’agit d’élever le corps physique à un degré de
non-décomposition afin qu’il puisse être l’habitat perpétuel et à

412
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 413

volonté du second corps du Maître. Ce dernier, par la subtilité de


ses vibrations, est capable de communiquer avec votre être à
l’aide des mécanismes que vous avez mis en place en vous
bonifiant par l’ascèse.
Tout d’abord, le décès doit être reconnu sur le plan clinique par
un médecin qui signe le permis d’inhumer. Si le corps est à la
morgue d’un hôpital, il doit en être retiré le plus rapidement
possible. Vous pouvez rencontrer d’innombrables difficultés
administratives pour disposer du corps. Déléguez une personne
spéciale, qui réglera ces détails absurdes, pendant que vous, à
l’aide de quelques billets bien placés, vous vous emparerez
littéralement de la dépouille.
Il est préférable d’assister discrètement à la fin du Maître,
dussiez-vous rester sur le pas de la porte, afin de vous occuper du
corps immédiatement. En effet, les raideurs peuvent survenir au
bout d’un quart d’heure, comme de plusieurs heures : il vous faut
placer de suite un bandeau autour de la tête afin de maintenir la
mâchoire, pour que la bouche ne soit pas béante. En même
temps, bien fermer les yeux en abaissant doucement mais
fermement les paupières.
C’est sans tarder qu’il vous faut disposer intégralement du corps.
Vous devez vous retirer avec lui dans un endroit silencieux et loin
des regards indiscrets, le placer sur une grande table munie
d’une toile cirée, pour en effectuer la toilette. Il se peut que les
membres soient déjà raides ; que cela ne vous effraie pas, tout
comme l’aspect mat et froid du contact.
Dénudez complètement le Maître et, à l’aide de plusieurs
bassines remplies d’eau la plus fraîche qu’il se peut, lavez-le avec
un savon neutre, genre savon de Marseille. Renseignez-vous sur
ce qu’il a pu ingérer avant le dernier souffle, sur trois jours. S’il
n’a rien absorbé ou très peu, vous ne laverez que l’extérieur de la
dépouille. S’il s’est alimenté normalement, il vous faut procéder à
un lavement important. A cette fin, vous n’aurez pas de mal à
placer la canule dans l’anus, qui se trouve toujours très ouvert,
comme tous les sphincters d’un décédé. L’eau de lavage doit être
également très froide, sa quantité avoisinant trois litres, de façon
à ce que le grêle soit lavé lui aussi. Inclinez le corps sur le côté,
placez la canule assez profondément - sur une dizaine de

413
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 414

centimètres - entourez-la de coton en bourrant autour et dans


l’orifice. Pratiquer le lavement doucement, en levant bien haut le
vase contenant l’eau. Laissez séjourner un quart d’heure en
massant légèrement l’abdomen pour que l’eau circule un peu et,
le bassin placé au-dessus d’un récipient adéquat, exprimez
fortement en exerçant une force opposée dorsale et ventrale, tout
en pressant vers le bas, les jambes levées et écartées. Vous devez
récupérer au moins deux litres de liquide. Si la quantité
d’excréments est importante, recommencez l’opération une autre
fois. Lavez ensuite le corps normalement. Deux boules de cire
dans vos narines peuvent vous aider à vaincre les faiblesses de
votre nature sensible.
Une fois la dépouille lavée, introduire dans l’anus deux litres
d’esprit de vin rectifié, placez un bouchon de coton bien au fond, à
l’aide d’une pince chirurgicale, suivi d’un autre bouchon de
caoutchouc - comme ceux qui ferment les ballons - d’un diamètre
de deux à trois centimètres. Scellez à la cire de bougie, en
débordant sur la peau anale. De même, par l’entremise d’un petit
tuyau que vous glissez dans la bouche, profondément, déposez un
litre du même esprit dans l’estomac en pinçant le nez, puis
scellez à la cire translucide le bord des lèvres. Voici le premier
travail terminé.
La seconde phase doit suivre immédiatement la précédente.
Prenez la tête du Maître et redressez-la, la face en haut. Tracez
une ligne de la partie interne de la clavicule à l’apophyse
mastoïde. La première se reconnaît à une pointe osseuse placée à
côté de la fossette du cou, la deuxième est une éminence osseuse
très saillante placée derrière le lobule de l’oreille. En dedans de
cette ligne, à sept ou huit centimètres de la clavicule chez
l’homme, à cinq ou six chez la femme, faites une incision de six
centimètres de long, en suivant la ligne, à l’aide d’un bistouri.
Vous diviserez alors la peau et une légère couche charnue que
l’on nomme le muscle peaucier. Un peu au-dessous, vous
trouverez en poussant du côté de la trachée-artère un muscle
nommé sterno-cléido-mastoïdien, dirigé suivant la ligne que vous
avez tracée à l’extérieur. Au-dessous encore, vous trouverez une
gaine commune embrassant deux tubes vasculaires, dont le
premier est la veine jugulaire et le deuxième l’artère carotide.

414
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 415

Si vous avez du mal à trouver cette gaine, aidez-vous d’un


homme de même taille en touchant et en sentant les pulsations,
afin de la localiser.
Tirez cette gaine, même si elle fait courber un peu la tête, de
façon à pouvoir placer l’index au-dessous. Pincez-la avec une
pince chirurgicale qui reste close après la fermeture. Après la
pince, vers la tête et non vers le corps, coupez seulement la veine
jugulaire dans le sens de la longueur sur deux centimètres, sans
entamer l’artère :

Il est facile de distinguer l’artère à son tissu jaune grisâtre,


beaucoup plus résistant que celui de la veine, qui s’affaisse sur
elle-même alors que la carotide reste béante. En tenant le bout
pincé, introduisez la canule étroite d’une seringue dans le
vaisseau le plus profond, que vous lierez autour d’elle avec un fil
très serré et noué solidement. Injectez ensuite, après avoir enlevé
la pince, le liquide conservateur, dont voici la formule
Chlorure de zinc : 200 grammes
Sel nitre : 200 grammes
Sel commun non raffiné : 2 kilogrammes
Dissolvez dans six litres d’eau chaude, qui doit être maintenue
tiède lors de la transfusion. En outre, agitez doucement afin
qu’aucune partie des sels ne vienne à se déposer.
L’injection doit s’effectuer d’un seul coup, parce que la chaleur,
trop longuement appliquée, racornit le tissu de l’artère, qui n’en
admettrait pas une seconde. Adaptez un tuyau de trois
centimètres de diamètre et de trois mètres de haut, pour verser
la solution à l’aide d’un entonnoir. Tenir ce gros tuyau bien droit
verticalement.
Lorsque le corps est saturé de liquide salé, on voit celui-ci
ressortir par les orifices du nez. Arrêtez alors, nettoyez le nez et

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 416

scellez-le à la cire translucide. A partir de cet instant, évitez de


trop bouger le corps. Cousez bien votre ouverture, après avoir
solidement ligaturé l’artère au préalable. Placez le cadavre dans
un local sec et légèrement échauffé pendant quelques jours,
enroulé dans un épais linceul imbibé d’esprit de vin.
Ensuite, au bout d’une semaine, déroulez délicatement le linceul,
séchez le corps, roulez-le sur un autre linceul saupoudré de
chlorure de calcium. Enroulez tout aussi délicatement et,
déposez-le dans le cercueil au fond duquel vous aurez placé une
couche de un centimètre du même sel, qui absorbe l’humidité.
Attention, lors du transport du corps dans la bière, de ne pas
tordre ce dernier : il est bon d’être trois pour ce, afin que la
dépouille reste absolument droite. (Les sels ont en effet cristallisé
dans les conduits circulatoires : des mouvements trop amples
casseraient certaines veines ou artères. Ne vous étonnez pas si le
mort est dur comme de la pierre, ce sera le signe que votre
mission est accomplie).
Pratiquez les offices religieux commandés par le Maître, cercueil
ouvert. Lorsque tout est terminé, au moment de fermer la bière,
il vous faut sceller à la cire le couvercle.
En ce qui concerne le côté spirituel de votre service, de précises
instructions sont en général données, qui dépendent de chaque
Maître. Il est évident que vous devez vous appliquer ici mieux
encore.

Que cette description macabre ne jette pas le trouble en vous. Ce


n’est qu’en l’état de disciple que vous comprendrez toutes ces
choses. Lorsque cela arrive, vous êtes de toutes façons
complètement dépassé. Vous agissez comme une bête qui
garderait ses petits car, un Maître aimé déclenche une somme
d’attitudes profondément primitives en vous. Son « décès » vous
place dans une situation d’esclave, vous êtes au plus noir du
sépulcre, vous êtes serviteur dans toute la splendeur du terme.
Si vous avez aimé sincèrement, vous n’éprouverez aucun dégoût
ni aucune gêne. Votre âme sera perpétuellement émue, tout en

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 417

étant dans une atmosphère de recueillement, de larmes et


d’émerveillement. Vous ne pouvez pas vous imaginer ce
qu’engendre un tel contact avec lui. C’est là un des mystères
impénétrables de la transmission directe, inaccessible à tous.
Vous pourriez connaître votre Maître seulement depuis quelques
mois, vous en apprendriez plus en quelques heures qu’en des
années de contact.
Monsieur Canseliet n’était pas le premier sage dont j’avais reçu
la charge du corps. Ceux que la grâce de Marie m’a permis
d’embaumer ne sont pas connus du grand public ésotérique. Ils
étaient simples moines ou hommes mystiques, Adeptes en leur
être. Les méthodes différaient évidemment selon leur ordre. C’est
ainsi que la préparation du corps du maître de Savignies fut
différente de la précédente description. Mais in eo positum est
secretum. Sachez pour l’heure que, pour toute l’occulte parure,
Isabelle fut seule à la tâche avec moi-même : que cet hommage
lui soit rendu, elle qui se montra en ces heures terribles d’une
force bien supérieure à ceux qui chuchotent sur elle dans son dos.
Tout cela explique le désarroi de certains qui se disent « disciples
» ou qui le pensent secrètement en leur ego. N’ayant connu
Monsieur Canseliet que peu de temps avant sa disparition, voilà
que par la Providence cette charge me donna de les objectiver.
Imaginez la jalousie et la surprise générale : on ne m’avait jamais
vu dans les salons et, d’un seul coup, nous combattions sur la
place mondaine. Peu importe, j’espère seulement qu’au fond
d’eux, le jour où ils auront accompli l’effort suffisant en leur
conscience et par leurs actes chrétiens, ils s’apercevront combien
ils étaient fiers, mesquins et lâches. Lâches, en effet, car je sais
qu’aucun d’entre eux n’aurait pu entreprendre ce travail, tant ils
sont enfermés en eux-mêmes et sont près de leur chair. Quelques
désistements habiles ont d’ailleurs séparé les faux des sincères.
Aussi, présentement en ces termes, je ne dirai rien de plus,
laissant la honte opérer en eux son occulte office.
Surprenant, le fait de fréquenter un maître et, éventuellement,
de passer complètement à côté ? Certes non, parce que tout
dépend du type de relation que vous avez avec lui. Nous avons
déjà précisé bien des choses sur cette question, ajoutons que le
temps n’est pas le facteur à retenir comme étant celui d’un
critère, mais la conscience.

417
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 418

C’est, au fond, la seule différence, qui sépare les envieux des élus.
Cette conscience jette son rai sur plusieurs de vos comportements
ascétiques. Par exemple, à l’image du décès et de la mort
initiatique, le creuset du désert dont nous parlions ne vous
commande pas de devenir étroit d’esprit et renfermé. Tout
comme il en est qui saisissent l’occasion de raconter tout haut à
tout le monde qu’ils connaissent un maître de longue date mais
qui détalent dès les vraies difficultés, s’assurant que personne ne
l’apprendra, il en est de même de ceux qui usent de leur avarice
pour se replier sur eux-mêmes plus encore. Ces derniers
prétextent l’ascèse ou les difficultés du monde « qui ne leur sont
pas inhérentes » pour justifier leur fausse attitude.
Le creuset du désert vous commande au contraire la charité. Ce
n’est pas parce que vous êtes alchimiste qu’il vous faut être coupé
du monde au sens strict. Entendons-nous bien : la mort
initiatique concerne votre ego, auquel il faut faire subir le même
sort que Saint-Michel au dragon. Pas question de prétexter la
Science pour en réalité attirer l’oeil du monde sur votre petite vie
égoïste. Vous devez aider les autres, à chaque fois que la
Providence vous le montre, comme vous le pouvez. Les autres, ce
sont les hommes et les femmes qui ne sont pas alchimistes, qui
sont dans le monde, affublés de leurs défauts et qui sentent au
travers de ce que vous vivez l’étincelle d’une espérance. Cette
aide doit se conformer aux exigences de la Providence : elle peut
être matérielle, spirituelle ou autre, peu importe ; je vous interdis
de vous y soustraire. Bien évidemment, obéir n’est pas subir la
contrainte totale des egos. Que la « charité ne se transforme pas
en poire », si l’on peut dire. Les limites qui vous sont assignées
sont celles de la Providence, rien de plus, mais rien de moins.
Un nouveau genre de christianisme vous affirmerait : « si vous
êtes charitable, il vous faut l’être jusqu’au bout » ; sous-entendu,’
tout abandonner. Ces gens confondent la loi d’accident avec le
destin réel. Vous n’avez pas à souffrir, vous qui êtes missionné,
les caprices conscients des egos d’autrui : en cela vous sacrifieriez
la mission. Il n’en est pas question. Cela veut dire que si tel fier-
à-bras vous frappe, vous ne lui tendez pas indubitablement
l’autre joue, contrairement à ce que les animiques attendent de
vous. Ces actes ne sont pas systématiques. Vous devez tendre
l’autre joue seulement si la Providence vous place dans les

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 419

conditions telles que cela est utile pour l’autre. L’Esprit vous
instruira.
La vie des missionnés est différente de celles des hommes
ordinaires. Ils ont des devoirs importants - comme parvenir au
but -, mais aussi un certain type de privilèges, qui assurent
essentiellement le service de la mission, évidemment pas celui de
l’individu. Le missionné doit écraser l’ego conscient des autres
pour mener à terme la quête, sans pitié ni distinction, comme le
firent nos Pères chevaliers. Par contre, il doit impérativement
venir en aide à ceux qui pèchent par omission, qui ne sont pas
renseignés sur les qualités de l’être, quelle que soit la grandeur
de leur faute. Un moi conscient qui lance un soufflet à un autre
est bien plus coupable que l’épais qui tue un animal de sang froid
mais par éducation malsaine.
Les nouvelles théories en vogue ne doivent pas vous écarter de la
mission.

Vous aurez saisi la saveur de ce sel d’harmonie qui, lors de la


putréfaction des corps, est l’agent transmetteur des qualités
intrinsèques de l’astral - astris -. Effectivement, si ce sixième
degré marque la fin réelle d’Introitus ad Philosophorum
Lapidem, c’est-à-dire la séparation philosophique au sens
complet du terme, le point, le pont de jonction qui relie cette
finitude avec les purifications mercurielles, s’effectue par ce
fameux sel. Bien peu d’Adeptes indiquèrent, dans leurs traités,
l’usage précis de l’ammoniac. Et pourtant, ô combien capital est
ce sel astral car, au cours des lixivations étoilées, il est
parcimonieusement ajouté au 1/15e des deux autres acolytes.
Que l’on me pardonne cette notoire divulgation, elle se justifie
par le fait qu’il est temps. Ajoutons que nous retrouvons ce
précieux composé volatil lors de la préparation sacrée de la Terre
du Renard, comme étant le seul être capable de donner l’essor au
soufre philosophique, lors de vos sublimations.
Bien entendu, vous savez à l’avance qu’il est hors de question que
vous traitiez en traître avec le carbonate d’ammonium ou son

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 420

chlorure. Comme tout, il vous faut le cristalliser, et je vais vous


indiquer plus bas la bonne manière d’y parvenir.
Signalons auparavant l’extrême valeur de ce liant. Lors des
séparations, les deux sels suffisaient pour scinder par Mars le
soufre grossier du métal filial. Les laveures, elles, requièrent,
pour que vous laissiez se dessiner l’astre canonique sur les deux
faces du bain, un niveau de matérialité que les deux autres sels
n’ont pas. Et cependant, ces derniers se doivent d’être
impérativement présents afin de permettre Spiriti descensionem
jusque dans la Terre purifiée, en l’état d’eau des Sages par le feu.
C’est le sel d’ammoniac qui, en sa finesse et son haut degré de
quintessence, tend la main aux premiers rayons apportés par
l’Esprit Universel. Il est, par sa structure cosmique, capable de
transfuser littéralement la part céleste au sel qui lui est
immédiatement inférieur en titre : le nitre, lui-même plus intime
avec l’eau-qui-ne-mouille-pas-les-mains. Enfin, le sal petri se
charge de passer le témoin au tartre, ce dernier résidant au plus
dense de la matière. Vous assistez de la sorte à une véritable
transmission du haut en bas, offrant à votre eau les moyens
efficaces d’attirer l’Esprit Universel jusque dans ses entrailles les
plus stables, et de l y fixer : le passage de l’influx cosmique
détruit en effet le pouvoir du sel ammoniac, fermant la porte
derrière lui et sur la matière, si l’on peut dire.
La charité de nos propos est évidemment une lame tranchant
double, parce qu’elle exige de vous l’effort de fabriquer ce digne
sel chymiquement. Si, par le plus grand des malheurs, vous vous
hasardiez à employer le carbonate d’ammonium ou son chlorure,
vous obtiendriez un résultat extérieurement similaire, mais
intérieurement vide. Une illusion supplémentaire qui vous
mènerait plus loin dans le monde des souffleurs et de la folie.
Notez que ce ne sont pas de vains mots.
Vous êtes à même de mesurer maintenant la richesse de ce sel
qui, conçu d’une manière particulière et différente de celle qui est
décrite ci-dessous, traite la plupart des cancers.
Certains observateurs légers pourraient, lors d’une première
lecture superficielle, trouver quelques contradictions apparentes
dans mon discours. Qu’ils sachent que cela est voulu, de même
que le fait de le signaler en cet endroit précis du texte.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 421

Les contradictions qu’ils relèveraient ne sont pas entières. Elles


ne sont qu’apparentes, tout comme les deux bouts différents
d’une même ficelle. Bien souvent, afin de faciliter un type
particulier de compréhension, il est nécessaire de dépeindre les
deux faces d’un objet identique : l’endroit et l’envers. Ce n’est que
de cette manière que le triangle - l’élévation -, peut surgir, c’est-à-
dire la transcendance. C’est ici, sur le plan philosophique, l’exact
rôle du sel d’harmonie. Ne conservez donc pas votre esprit dual,
un des plus grands fléaux du matérialisme moderne. Il y a plus
que les fonctions mentales : oui, non, ou, et.
D’autre part, à l’image d’une classe d’hommes ordinaires qui
vivent la Médecine comme une idylle, les fondements pour
lesquels le sel d’ammoniac philosophique - dûment préparé -
soigne la majorité des cancers ne sont pas imaginaires. Il est
d’ailleurs nécessaire que nous retracions quelques directions de
raisonnement accompagnées d’explications concrètes et
abordables pour la pensée de ce monde, avant de décrire la digne
élaboration. Vous comprendrez ainsi pourquoi ce sel est une clef à
la fois de cette terrible maladie, ainsi que des questions de
transmutations métalliques jusqu’au « macro » : tout simplement
par le fait que le chymiste dispose, par l’entremise de
l’ammoniac, d’un corps capable d’évoluer selon les desseins de la
mécanique quantique, dont le degré est celui qui est requis pour
atteindre la profondeur histologique du cancer, et aussi du noyau
de notre Sujet. Car comment penseriez-vous générer vraiment
l’amorce transmutatoire dans la matière, sans l’usage d’un
catalyseur tel qu’il puisse descendre dans les entrailles de la
Terre ? De plus, auriez-vous déjà oublié que ce combattant
dansant est missionné en votre eau dès l’Etoile, éveillant les
processus transfiguratifs (marquant l’étape réellement
philosophique), mais aussi dans la terre adamique, afin que tout
soit du même ordre filial, à l’ultime phase des aigles ? Les élus
auront saisi notre main tendue, et ils ne cesseront de méditer nos
termes. Ce sel et le karma sont indissolublement liés ...
Précisons, en ce qui concerne le cancer, que la pensée
traditionnelle n’est pas en accord avec la science moderne. En
effet, si quelquefois les deux s’accordent relativement bien, le cas
du cancer ne trouve pas ici son terrain d’entente. On dit
volontiers que cette maladie se constate par la « formation de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 422

cellules malignes qui se développent en détruisant les cellules


saines ». Rien de cela n’est vrai, car les cellules saines, pour
laisser cette prolifération se perpétuer, ne le sont tout
simplement plus.
Le problème est cependant difficile, parce que l’observation
minutieuse - même au microscope électronique - d’une cellule
appelée saine a gardé sa structure extérieure et matérielle
identique à celle d’une qui l’est vraiment : sa vie astrale a
disparu. Livré à lui-même, son « cerveau », si l’on peut dire, ou le
substratum qui est responsable des coordinations de ses
fonctions, s’est centré sur lui-même et, comme tout centralisme, il
produit des éléments anarchiques n’ayant pas leur place en cette
dimension. Le cancer est un rabaissement traduisant l’oubli de
l’ethnie, un refus définitif de non-transcendance au niveau
cellulaire.
C’est pourquoi on ne diagnostique pas la maladie par l’étude de
la composition et de l’aspect de la cellule malade, mais plutôt, par
son comportement, en ce qu’elle est dynamique. C’est justement
là que les scientifiques, habitués à disséquer des choses
essentiellement statiques (qui n’ont trouvé que de piètres
modèles mathématiques pour le dynamique), sont incapables de
résoudre ce fléau, parce qu’ils appliquent au problème un mode
d’investigation qui ne lui est pas destiné. Ils ne peuvent pas
comprendre les phases intermédiaires, les traitements se bornant
au chimique - stade moléculaire d’un bout - et au rayonnement -
stade au-delà du nucléaire à l’autre bout. Ils appliquent une fin
fixe à un problème toujours en voie de devenir, jamais statique.
L’évolution ainsi traitée est parfaitement incernable.
La thérapeutique, car il s’agit d’une thérapeutique, ne peut être
la prescription d’un rayonnement, d’une chirurgie ou d’une
molécule. Alors, certains, plus intelligents, s’orientent
maintenant vers les métaux irradiés à l’état d’oligo-éléments, car
ils ont la preuve - et cela est vrai - que certains métaux, dans la
structure de l’ADN de la cellule, ont une place illicite. Le malheur
est qu’ils continuent à investir avec le même type de
raisonnement mort, duquel rien ne peut sortir. C’est toute la
différence qu’il y a entre l’anglais et l’hébreu ancien, par
analogie.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 423

Nous savons que c’est le Cuivre et le Fer qui sont déstabilisés


dans l’ADN et son hélice double, étant remplacés par d’autres
métaux en quantité bien plus grande. Perpétuant leur funeste
raisonnement, les cartésiens vont se saisir d’isotopes stables, par
voie moderne. Ils ne pensent pas qu’ils devraient générer ces
isotopes par voie alchimique, en obtenant d’abord un Mars et une
Vénus philosophiques, puis en leur faisant subir un traitement
chymique par l’Art Brevia.
Ce traitement consiste principalement à travailler ces métaux à
l’état de plasma - gaz ionisé à haute température - et donc
d’atteindre le point d’ébullition des deux planètes en pression
contrôlée, leur imposant la polarisation d’un rayonnement
lunaire amplifié par miroir courbe, en pleine phase lunaire
rousse. Ils aboutiraient alors à un résultat presque complet, mais
qui n’égalerait pas en valeur le dynamisme dont nous parlions ci-
devant et qui est contenu dans l’évolution possible d’une certaine
classe de molécule ammoniacale.
Evidemment, sa prescription n’est pas comme on l’imagine. Il est
nécessaire d’employer les voies lymphatiques, et le mode
d’injection sous-cutané est le mieux approprié. Quant aux doses,
nous nous permettons d’arrêter ici notre propos.
La petite science ignore actuellement s’il existe des
caractéristiques communes à la totalité des cellules cancéreuses.
Les observations phénotypiques sont très différentes et, de
surcroît, les propriétés caryotypiques, antigéniques, des cellules
néoplasiques se modifient au cours de l’évolution tumorale. Les
recherches contemporaines concluent au pléiomorphisme et à la
variabilité des propriétés des cellules cancéreuses. Les savants
n’ont pas encore orienté leurs travaux vers les domaines plus
biologiques - et non biochimiques. Le statut biologique du cancer
est celui d’une culture qui a un statut endocrine. Par dessus le
marché, ce statut est immédiat : il est contemporain de la
première cellule et, dès ce moment, son clône est déconnecté de
toute régulation nerveuse de l’ethnie originelle. Les recherches
modernes négligent ce fait essentiel. Ce faisant, ils délaissent un
facteur de différenciation important de la cellule orthoplasique.
La végétation néoplasique, alors en aberrance, est identique à
celle d’une culture artificielle, dont le lavage du milieu est

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 424

assumé par le jeu des émonctoires et le renouvellement


plasmatique.
Il en est de même du statut endocrinien. Il est immédiat parce
que le clône cancéreux, dès son aberrance, décharge directement
dans la circulation ses élaborats métaboliques et les cyto-
nécrohormones qui constituent ses déchets cellulaires. Ce fait est
également négligé, et c’est à ce niveau précis qu’intervient la
métabolisation de la préparation ammoniacale à l’état de maser,
elle-même ayant été « filtrée » par les voies organiques et ajustée
au potentiel de manière à détruire ces hormones. D’autre part, il
faut considérer plusieurs degrés de prolifération cellulaire
maligne, qui conditionnent la puissance thérapeutique au niveau
de sa dilution, à l’image du processus prolifératoire. Les états de
quintessence ne sont pas les mêmes pour 1 à 10 cellules, pour de
103 à 106 , pour de 106 à 109 , et enfin au-dessus de 109. Bien des
facteurs sont ignorés des modernes, qui sont tous liés au cancer
lui-même, et non à ses types divers, ni à leurs structures
anatomiques. Il existe de nombreux autres exemples de
constantes biologiques propres à tous les cancers.
Mais voyons l’évolution possible de notre armoniac.
Je sais qu’il peut paraître curieux de lier cette molécule à la
physique quantique. Et pourtant, les propriétés générales de la
molécule d’ammoniac permettent de créer une sorte de structure
autonome, se plaçant elle-même au milieu des bains où elle est
déposée, capable d’engendrer des ondes électromagnétiques. Les
scientifiques nomment cela un « maser » ( appareil ou sorte
d’amplificateur propre à émettre une radiation de fréquence
particulière, inférieure à celles qui sont lumineuses, au profit
d’un corps qui les absorbe - en rendant donc l’énergie émise
supérieure à l’énergie absorbée, d’où mesure ). En notre Science,
ce phénomène se déroule de la même manière, sauf que l’énergie
résiduelle s’emmagasine dans le vitriol et dans l’extraction
adamique, porteuse du soufre fixe, à l’état de mémoire, restituée
plus tard dans la Remore. C’est pourquoi les « petits neufs » font
monter la masse de la Pierre lors de la coction, qui représente
sous un angle particulier schématiquement une réaction
thermonucléaire contrôlée.

424
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 425

La molécule d’ammoniac possède de nombreux états possibles,


qui « dansent » selon deux types principaux de mouvements :
rotatif et translatif. Placée dans des conditions qui l’éveillent, elle
bouge tout le temps selon ces deux axes :

Dans ces cas, n’importe quel état du système giratoire ou


translatif peut toujours être écrit comme une combinaison
linéaire de deux états de base, c’est-à-dire qu’il existe à la fois
une amplitude relative A pour qu’il soit dans l’un des états de
base, accompagnée d’une seconde amplitude B pour qu’il soit
dans l’autre.
Ainsi, d’une manière imagée, on peut écrire son équation de
situation
y = 1 > A + 2>B (> : se rapporte à )
Les facteurs 1 et 2 représentant toutes les conditions qui
caractérisent chaque état secondaire. En résolvant cette équation

425
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 426

selon les modèles hamiltoniens en vogue, on démontre que la


molécule d’ammoniac se comporte comme un pendule double, les
états intermédiaires étant devenus aléatoires du point de vue des
émissions électromagnétiques. Elle se comporte comme un
oscillateur, balançant l’azote d’un côté et de l’autre par rapport
au plan triangulaire formé par les trois atomes d’hydrogène :
c’est ce mouvement oscillatoire qui est générateur possible
d’ondes électromagnétiques. En effet, n’étant pas à l’état isolé -
les molécules sont empilées les unes sur les autres - dans l’axe
azote, à une probabilité se croisant tous les p/4, ce qui, en durée,
est considéré comme continu, l’atome azote cogne sur son voisin
en provoquant un battement autonome, dont la fréquence est
stationnaire : un rayonnement électromagnétique très stable en
est la conséquence permissive.
L’intervention du phénomène, dans l’expérimentation brève et
sèche, est dirigée par les vibrations extérieures émises par
l’artiste, à l’aide d’appareils adéquats. Ces vibrations se déploient
en harmoniques de très haute fréquence, dont une « embraye »
sur une stationnaire de l’ammoniac, et le processus commence.
La musique produite par le manipulateur fait office de cage de
résonance dans les matières, cage où les faisceaux d’ammoniac
sont les acteurs. A l’intérieur de cette cavité, l’état ionique du
doublet Sujet-Sels engendre de son côté un champ électrique de
faible intensité, mais qui varie dans le temps.
Alors, comme le souligneraient les modernes, « l’hamiltonien
varie dans le temps », c’est-à-dire que la conséquence est la fin
des états de transition, qui font place à la résonnance propre, les
sels faisant office de «filtres » en séparant les faisceaux
multidirectionnels et soustractifs. En effet, s’il n’y avait pas de
sels, la cavité formée par les vibrations serait le siège d’une
agitation aléatoire : il y aurait autant de molécules qui
prendraient de l’énergie que d’autres en libéreraient, d’où
l’absence de réaction : c’est pourquoi de mauvais sels barrent la
naissance à la Remore.
Les molécules, dans cette cage, ne possèdent pas 100% d’efficacité
pour toutes à la fois. Le rayonnement lunaire, par l’entremise
d’un miroir spécial, canalise un type de luminosité variable selon
le cosmos, celui qui est exactement et parfaitement dosé pour les

426
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 427

matières : aucune machine ne pourrait fournir autant de


précision. La lune est le régulateur, le bouton de commande,
organisant les sels - le filtre - et donc par répercussion l’énergie
résiduelle.
Il est inutile de préciser que toutes ces conditions doivent être
requises en ce qui concerne la thérapie cancéreuse à base
d’armoniac à l’état mercuriel. Vous vous imaginez maintenant
sans peine qu’il est illusoire d’espérer arriver à quoi que ce soit
en vous contentant seulement d’injections souscutanées. Vous
observerez, je vous prie, que d’autres appareils sont nécessaires,
ainsi que des conditions de vie précises. De même, dans le
processus lui-même, je vous prie également de noter la similitude
de ce que nous venons de dire avec les conditions biologiques
oubliées par les chercheurs. Que ceux qui s’intéressent à la
question y réfléchissent, ils découvriront dans ces données,
traditionnelles, plus de résultats que ceux élaborés durant les
trente années de travaux scientifiques contemporains. Toutes ces
pertes à cause de l’ego.
N’oubliez pas qu’un singe, enfermé dans une cage, réduit
considérablement son répertoire de gestes. Il fait toujours la
même chose et il croit vivre ... C’est l’aspect nombrilique de la
recherche scientifique.

Phénomènes de luminescence déployés par l’armoniac au 2ème Œuvre sec, lors


de la première partie de la gamme musicale (radiolumiscence).

Compendieusement, le sel qui nous intéresse en votre investiture


chymique doit sa naissance hétéronome à une concorde des

427
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 428

différents éléments mis en présence. Animal, planta, mineralia,


il ne peut en être autrement, dont le naturel assemblage des trois
portes le nom du sel en question : ammoniac - armoniac, l’art
harmonieux.
L’harmonie, par définition, ne peut se gratifier de son degré
luminescent qu’en étant le témoignage d’un état d’équilibre entre
toutes les parties en présence. Il n’en manque donc pas une seule,
c’est pourquoi ce sel est quasiment l’unique à avoir véhiculé la
quintessence des trois règnes. La difficulté réside, vous vous en
doutez certainement, en l’atteinte d’une fixité suffisante qui
serait la Table Ronde des valeurs cosmiques ignées dans les
règnes, jusqu’à notre bas niveau terrestre.
Les inconvénients de toutes les fixités se rencontrent justement
en leur état : tout radical dur est le parfait contraire du subtil
mouvement volatil. Voici la question de l’armoniac. Vous n’userez
donc pas de sels industriels, car la préparation alchimique
élèvera votre exercice vers les cimes d’un sel dont le degré
d’hydratation autorise la visitation du volatil en une intensité
bien précise, que vous ne sauriez contrôler vous-même par une
fallacieuse élaboration. Comme d’habitude pourrions-nous dire,
partes natura ipsa implet, réglant le ballet merveilleux des
dynamismes aboutissant aux justes poids et mesures.
Une des nombreuses origines du nom « ammoniac » provient du
fait qu’autrefois, il nous fallait le chercher en Ammonie, contrée
de la Lybie où se trouvait le temple de Jupiter - Ammon. On le
retrouve plus tard en Perse, dans le Turquestan, puis, plus
récemment, dans les grottes du Thibet, de Sibérie et du Vivarais :
partout là où coexistent des conditions géophysiques adéquates.
Voulez-vous vous souvenir de l’adage essentiel qui garde les
portes de notre Science : age ut natura agit. Si vous ne vous
arrêtez pas aux frontières cupides d’un intellectualisme dévorant,
vous conviendrez de mettre la main à la pâte, comme tous les
frères, et d’être renseigné sur la méthode par le langage des
oiseaux.
Or, que nous enseigne ce dernier ? Que le sel d’ammoniac est
celui de l’harmonie, stabilisante des conditions d’élaboration qui
échappent aux spéculations plumitives : les lieux de son histoire

428
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 429

nous montrent la route des éléments qui, assemblés en de justes


proportions, constituent les exactes exigences. Examinons donc
ce qu’il en est ; constatons que, partout où cristallise ce sel
naturellement existent en famille des facteurs de température et
de pression très judicieux.
En Egypte, dernier lieu de son exploitation - car le sel
d’ammoniac est un produit de l’Art -, on apprend en sus, par
l’observation minutieuse des sources excrémenteuses en usage
dans l’artistique élaboration, que les animaux ruminants se
nourrissent principalement de plantes salées.
Veuillez donc choisir les excréments des bêtes qui broutent en
leur temps des végétaux à tendance alcaline, dont voici le tableau
analytique, révélant les précieuses indications du rapport
acidobasique, sur végétal calciné : (% )

Cendres Silice Alumine Phosphore Sels K2O, CaO, MgO,


SiO2 Al2O3 P2O5 et sulfates Na2O

Paille 78 10 1 11

Herbe d’automne 57 5 2,5 35,5

Foin 45 7 2 46

Gazon 40 17 9 34

Fougère 41 10 4 45

Maïs 68 4 2 26

Il faut conclure, à l’examen de cette table, que l’échelle croissante


en éléments basiques - salés - des végétaux couramment absorbés
par les bovins en France, s’établit comme suit :
- paille
- mais
- gazon
- herbe d’automne
- fougère
- foin.

429
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 430

Observez donc la nourriture de vos animaux sélectionnés qui,


vous le savez maintenant, doit être à dominante foin, fougère, et
herbe d’automne. Mais, tout dépend des lieux.
Si vous avez des doutes quant au rapport silico-basique d’une
cendre végétale, qui détermine sa teneur en alcali, vous pouvez
facilement mesurer sa part approximative de sels par calcination.
L’expérience montre que plus votre poids de cendres recueilli par
rapport au poids du végétal sec est grand, plus votre cendre est
acide
- basique : au dessous de 2% ( par exemple 5 kg de végétal sec
calciné vous donnent moins de 100 grs de cendre : elle est basique
; c’est cette herbe qu’il vous faut choisir ). - mixte : de 2 à 8%. Peu
conseillé.
- acide : au-delà de 8%. Proscrit.
Recueillez donc les excréments des bêtes qui ont absorbé les
végétaux dont les cendres sont les plus basiques. Faites-les
sécher contre un mur de chaux, à l’abri du soleil, et après les
avoir laissés en fermentation trois semaines dans des vases de
putréfaction à demi-pleins. Une fois secs, calcinez-les dans un
four réverbère muni d’un long tuyau de poêle deux ou trois fois
coudé :

430
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 431

La calcination doit être « forcée » : peu de fumée doit sortir, car le


but de l’opération est d’amasser la suie. Une bonne quantité est
une cinquantaine de kilogrammes d’excréments secs à brûler. Le
gaz est le plus pratique. Monter jusqu’à 500°C une demi-heure
par calcination.
Recueillir avec soin la suie issue de la combustion, en démontant
les tuyaux habilement, après avoir bien laissé refroidir le tout,
sans avoir pratiqué la moindre ouverture. Placez cette suie dans
de gros ballons de verre de six litres, emplis par moitié, sur
lesquels s’adapte une tête de Maure d’un volume presque égal ou
par moitié maximum, munie d’un bec assez long et très fin :

Vous nicherez le bas de la cucurbite dans un feu de sable, car le


régime extérieur doit se faire avec grande sapience. Il est
important que le feu soit très graduel. Vous le surveillerez durant
plus de trente heures. Lorsque la sublimation est commencée,
veillez à ce que l’orifice de sortie du bec ne se bouche pas avec les
cristaux. A cette fin, glissez par celui-ci une fine verge de mars :
les cristaux obstruant tombent dans la rigole de la tête de Maure.
Au fur et à mesure, vous verrez se cristalliser un premier sel.
Faites cela pour toute votre quantité, et réservez de côté, en vase
clos et impénétrable aux rayons lumineux, tout votre premier sel.
Chimiquement, vous aurez obtenu un muriate d’ammoniac ou
chlorure d’ammonium.
Pour les pauvres philosophes qui demeurent en ville, une autre
méthode consiste à se servir d’os d’animaux légèrement putréfiés
en vase clos et broyés au préalable. Il vous faut alors distiller

431
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 432

cette mixture dans une grande cuve munie de tuyaux de fonte


assez longs, eux-mêmes lutés à un bout :

A l’autre extrémité du tuyau se dégage du gaz ammoniacal que


vous conduisez dans un gros ballon empli d’eau, elle-même
devant barboter doucement par artifice. Vous observerez
rapidement une huile qui surnage, que vous séparerez avec
dextérité de l’eau une fois la calcination terminée et refroidie.
Ensuite, vous filtrez cette solution huileuse - essentiellement
composée de carbonate d’ammoniac dissous - à travers une
couche finement broyée de gypse. Vous ferez cette opération de
filtration trois fois, le gypse étant étalé sur une toile bien tendue.
Saisissez cette solution de sulfate ammonique et dissolvez jusqu’à
saturation du sel marin non raffiné. Evaporez la liqueur jusqu’au
point de cristallisation : le sel ammoniac cristallise en premier, le
sodique ensuite. Séparez évidemment le sel ammoniac qui
cristallise d’abord, et mettez-le à égoutter dans des formes
coniques. Tassez au fur et à mesure du séchage.
Ce second type de sel est moins bon que le premier, car il contient
des sulfates et des carbonates, alors que le précédent est un
chlorure relativement pur.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 433

Au sortir du fumier.

Le degré de la mort est celui de la délitescence du caput


mortuum. Merveille de la Nature, image fidèle de ce qui se
déroule au fond du sépulcre, que l’on n’oublie pas que la terre
morte doit, elle aussi, vivre sa période d’assation, tout comme le
cadavre se prépare à l’accueil du sel d’ammoniac pour sublimer
sa quintessence.
Vous broierez alors finement le caput délié, et de le tamiser fin,
seulement après une période bien normale de mise en
quarantaine en harmonieuse compagnie (...)
Vous savez maintenant de quelle manière il convient d’user pour
la mise en œuvre de la Terre du Renard propre aux aigles : offrir
plus de clarté serait lapider le manteau de la Dame, les envieux
n’attendant que cette occasion. Aussi, soyez assuré que toutes les
saintes indications vous ont été données, à condition que vous
puissiez lire sans la participation de votre intellect obnubilant.
Sachez en outre que ce dernier est par mes termes servi à sa
manière, une analyse trop poussée ou trop imaginative de nos
propos l’entraînant inexorablement sur la pente de souffleuses
bigarrures. Et si je ne vous ai pas révélé comment il vous faut
incruder le sel issu des cendres de la combustion, c’est pour que
cela affûte votre fixité. Dans la voie humide, le noir le plus noir de
Raymond Lulle est l’habitat de notre Soufre fixe. L’ingénieuse

433
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 434

distillation sépare subtilement la partie vitriolique de la tête de


merle, qui devient sous l’effet tête de corbeau. Auparavant, vous
aurez pris soin de ne point confondre l’eau des laveures de la
dissolvante.
La dissolution des minéraux, par voie humide, précède bien
évidemment les laveures philosophiques, elles-mêmes vous
dirigeant patiemment vers l’obtention du mercure fixe. Quoi qu’il
en soit, il vous faut savoir employer la judicieuse putréfaction.
Car la dissolution fait appel, dans ses toutes premières
nécessités, aux lixivations minérales.

La lixivation minérale des minerais sulfurés met principalement


enjeu des réactions d’oxydoréduction, dont le but est une action
évidente sur le soufre grossier. Elle induit un ensemble de
phénomènes qui appartiennent quasiment intégralement à ce
que la petite science nomme « électrochimie ».
En milieu acide et en présence de mars, la dissolution du Sujet
s’effectue selon un mode « incongruent » avec précipitation de
soufre. C’est, bien sûr, la phase majeure des laveures, dans
laquelle le noir recueilli est bien la partie sulfureuse qui, dûment
traitée, vous mène sur la voie du Soufre fixe et rouge. L’union des
deux natures, en milieu acide, débouche sur la décomposition
lente et ionique des deux métaux et du soufre, l’opération
s’effectuant entre 30 et 75°C.
Les eaux, patiemment recueillies, sont placées en cornue, que
vous mettez en putréfaction, selon la bienheureuse méthode de

434
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 435

Cyliani. La putréfaction philosophique dure quarante jours. C’est


vers l’équinoxe d’automne que vous aurez creusé le trou et
entassé le fumier. Les forces descendantes de la Dame
corrompent complètement le bain : la liqueur colloïdale devrions-
nous dire.
L’usage du fumier est essentiel : c’est le Dq/ DL, ou gradient de
température évolutif, qui est le premier agent de conception
enzymatique. Dans votre liqueur déjà diluée à la limite du
possible par le broyage et les laveures, seule en effet une
fermentation peut dissoudre complètement, jusqu’à la molécule,
les particules en présence : la création d’enzyme particulièrement
élaborée est requise.
Voici deux tableaux de valeur, que les labourants en voie humide
recevront avec grande joie. Vous autres, sachez que le résultat de
ces tableaux nous a pris quatre années de travail continu.
Volume du vase Quantité de fumier de cheval

6 litres 1,5 m

20 litres 2m

40 litres 3m

Type de fumier Température de fermentation à


coeur
( pour un volume de 1 m )

cheval 55°C

mouton 45°C

vache 40°C

cochon 35°C

D’autre part, voici un petit diagramme qui montre la puissance


de divers fumiers en fonction du temps :

435
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 436

Vous aurez compris que, pour nos quarante jours de putréfaction


philosophique, vous mettrez en présence
30 parts de fumier de vache
70 parts de fumier de cheval

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 437

La mort ?
Ils me disent avec bravade
Où est donc ton Christ ?
Sa tombe est vide !
Je réponds, étonné
d’où vient l’Esprit qui me ramène à Lui ?
Et je suis heureux, heureux !
Car il n’est question que de Lui.
Puis, la tristesse me donne les larmes
-je les plains de ne pouvoir espérer la vie éternelle.
Alors, je prie pour eux.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 438

Une laveure ( cave ).

Cet ouvrage contient un code judicieusement disposé ainsi que


quatre gravures pochées, rendant quasiment impossible sa
profonde compréhension au profane. En outre, quelques
volontaires omissions techniques - rares - ont émaillé les pages
purement descriptives. Point de mensonge ni d’importante
coupure ; cela est la manière de notre blason, afin de respecter la
tradition chymique. Nous avons été contraints de destiner le pêne
de ce code seulement aux disciples effectifs. La situation filiative
n’étant pas la vôtre, vous n’avez pas en votre possession cette
clef. Cela est normal car, comment prétendriez-vous obtenir cette
faveur par simple lecture, comme si vous vous engagiez alors que
tout reste à faire ?

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 439

De tout temps, cette situation fut d’usage. Même dans la


transmission de la plupart des métiers, la porte ne s’ouvrait qu’à
l’issue d’un véritable effort, autre que celui de lire un livre. En
cela, l’emprise de la mode démocratique n’a aucune signification
pour nous, pas plus que les critiques intellectuelles que cette
traditionnelle attitude pourrait suggérer.
Peut-être un jour viendra où, à l’image des autres durant des
millénaires, vous vous présenterez. La Providence vous réservera
sa plus sûre indication, qui ne passe pas inexorablement par la
voie brève. En votre heure, rencontrerez-vous ces frères
cosmopolites qui sont mes disciples ? Si vous y aspirez, soyez
patients, travaillez effectivement au feu, écartez-vous
définitivement du monde des plumitifs : alors vous serez en
mesure de les reconnaître.
Nous vous aimons.

439
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 440

Quatorzième degré
DU VENTRE
Comme tout ce qui s’est particularisé de nos jours, le « bien
manger » a subi, à l’image de la division de l’ensemble,
l’involution générale. Toutes les tendances s’opposent, les
chapelles se harcèlent de preuves. Pendant ce temps, les
néophytes ne comprennent rien devant autant de rigidité, et les
pauvres meurent par milliards dans le Tiers Monde.
Car ne les ignorons pas. Vous rendez-vous compte que nous
abordons un sujet avec toutes les données, avec les plus grandes
facilités, avec les choix les moins faméliques ? Paradoxalement,
la difficulté est d’autant plus grande : parmi tous ceux d’entre
vous, aucun ou presque ne sait plus ce que c’est que d avoir faim.
Saisissez-vous, par ce fait, que les hommes oublient toujours : il
est absolument impossible et il sera à jamais impossible pour les
modernes d’aider le Tiers-Monde, parce qu’un homme rassasié
est incapable de comprendre un homme qui a faim.
Nous assistons ici à la plus grande démonstration de l’incapacité
totale de l’intellect, tumeur du siècle, qui prouve par son analyse
mastoïdienne et venteuse qu’il traite, une fois de plus, un sujet
dont il ignore complètement les plus élémentaires traits. En
d’autres termes et d’une manière plus naïve, tant que les
modernes n’éprouveront pas ventralement la sensation atroce de
faim, ils ne pourront jamais apporter l’aide juste aux affamés.
Nous tentons de refléter l’exacte image du Remora, ou des
particuliers - accidents voulus de la Science et nécessaires à
l’artiste -, parce que ce stade est celui d’une faim véritable pour
l’Art, d’une faim vorace, (inextinguible, inaltérable, considérable),
touchant toutes les parties de votre présence générale. Le niveau
de la Remore en est, par l’acte, irréversible. Il n’a plus rien de
commun avec ce que vous pouvez éprouver aujourd’hui sur votre
désir - fût-il ardent - d’œuvrer à la pince. Vous ne pouvez que
difficilement comprendre de quoi il retourne, parce qu’il vous faut
auparavant métaboliser les précédents degrés aboutissant à une
profonde soif. Une description, même sommaire, ne servirait à

440
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 441

rien, si ce n’est qu’à une coutumière masturbation intellectuelle,


ce contre quoi nous tirons le glaive. (C’est le seul cas où l’on nous
octroie le droit à la sainte colère).
Soulignons donc sans attendre que nous vous engageons
vivement, une fois au moins dans votre vie, à éprouver la
véritable sensation de faim. Mais nous y reviendrons au sujet du
jeûne.
Pour l’heure, il vous faut être renseigné sur le fait qu’être
toujours rassasié a perverti vos goûts. Vos goûts sont ceux de
votre ego, de vos manies, et non pas de votre propre nature, de ce
qu’elle demande. Vos habitudes, nous le savons maintenant plus
précisément, ont défiguré vos sens de ce qu’ils furent à votre
origine. Ce que vous aimez n’est pas ce qui est bon pour vous. Ce
que vous aimez est ce qu’affectionne votre moi. Vous n’avez pas
idée combien vous êtes perturbé, combien cette déviation a
d’emprise sur votre conscience et sur votre devenir.
Votre état général pathologique, physique et psychique, quel que
soit son niveau d’accomplissement, a façonné pour vous un
ensemble de « préférences » qui ne sont pas celles de ce que vous
êtes en propre, mais celles qui sont issues des mille et une
identifications responsables dudit état. Il est essentiel que vous
compreniez cela et que vous vous en libériez. La cristallisation de
vos structures physiologiques a orienté vos glandes, vos
excrétions, vers des goûts particuliers, déconnectés du véritable
goût des aliments. Il est pourtant normal de préférer à une bonne
salade la saveur de son assaisonnement, par exemple. Vous ne
mangez pas, dans ce cas, la salade ; vous décalez la saveur propre
d’un aliment. Tout est ainsi, et vous de ne plus recevoir les
exactes informations de la nourriture, qui contiennent un code
secret élaboré pour votre être. Vos manies, vos « goûts »
choisissent des schémas moléculaires prévus à l’avance, les
vôtres, ce qui fait que vous ne sortez jamais de vous-même, alors
que le but de la nourriture, évoluant en fonction des événements
cosmiques, est le plus fameux des facteurs d’adaptation dont
nous disions plus haut qu’il se caractérise aujourd’hui par un
manquement grave.
Par le fait, vos habitudes physiologiques « découpent » les
ressources des aliments en séquence dont elles s’emparent en

441
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 442

rejetant souvent l’essentiel. La salive, les sucs, ... , ont acquis


d’une manière stable un Ph particulier, image de votre fixité, qui
sélectionne tel ou tel type de protéine, qui alimente en réalité la
rigidité de vos processus métaboliques. C’est pourquoi le contrôle
du manger est un point central dans toutes les traditions, car il
conditionne grandement l’évolution possible.
Auparavant, les dures conditions de la vie rendaient impossibles
ce genre de déviation. Maintenant, vous ne savez plus que vous
êtes gourmands. Vous seriez surpris d’entendre que vos goûts
représentent fidèlement votre gourmandise. Mais, diriez-vous
d’un ton familier, « un petit péché n’est pas grave ». Ce serait
oublier quel est le rôle exact de la nourriture, ce serait ignorer la
déroute que vous avez patiemment et insensiblement élaborée en
vous : les informations exactes que les aliments doivent vous
transmettre sont faussées par votre degré de perversion. A
l’image d’un journal tendancieux et récupéré par une politique
quelconque, vous vous abreuvez sans cesse de codes illicites, qui
renforcent les structures que votre ego a mises en place.

Dès lors, pourquoi vous étonner de l’inefficacité de vos gestes


excessifs, de l’exagération des poids et des mesures dont vous
usez par manque ou par excès, pourquoi éprouveriez-vous de
l’impatience, alors qu’en vous-même tout est comme ce que vous
mangez ?
Ne pas savoir exactement ce qu’il faut ajouter, lors d’une
manipulation, ne reflète-t-il pas très fidèlement l’incapacité dont
vous faites vous-même preuve au niveau de la faim ?
Soyez assuré qu’un bon équilibre, un vrai appétit, vous placera
dans des conditions d’investigation telles, du même niveau
dimensionnel que celui de la nature, qu’il vous est enfin possible
de connaître d’une manière précise et temporelle l’exacte
demande de vos matériaux. Des vôtres, affirmons-nous, et voici
qui sort du carcan des principes de philosophie, car les vôtres
sont ceux que vous avez engendrés avec votre signature,
irremplaçables, uniques et véritablement traditionnels, puisque
le Verbe en est la source.

442
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 443

Le néfaste particularisme vécu de siècle en siècle, transmis par


les mauvaises habitudes alimentaires, a créé une pseudo-
croyance supplémentaire chez les modernes : ils sont persuadés
que le manger est la seule source de nourriture, oubliant celle de
l’air et celle des impressions, tout aussi importantes et
malheureusement reléguées au rang d’une mécanicité
inconsciente ou culturelle.
Le libre arbitre que Dieu donne aux hommes, afin qu’ils puissent
librement assumer leur évolution possible, offre à ces derniers
trois sortes de chocs conscients répétitifs : la nourriture
alimentaire, la nourriture de l’air que nous respirons, et celle des
impressions avec lesquelles nous vivons. Ces trois sortes de
nourriture sont toutes trois d’égale importance.
Tentez d’imaginer le désarroi dans lequel est plongé le moderne :
non seulement il s’alimente mal dans son manger, mais il ignore
tout des deux autres sortes d’aliment. Son évolution est
indubitablement bloquée à un degré précis de l’objectivation
humaine, d’une manière totale et dans une fixité sans appel.
C’est pourquoi il lui est impossible de résoudre certains
problèmes d’ordre plus général, plus ardus, comme l’organisation
des sociétés, comme la transcendance de sa conscience. Il n’a
aucune notion de transcendance, parce qu’il vit dans un mode
complètement horizontal, mécanisé à un seul type d’expérience
pour ce qui concerne les nourritures. Il est bloqué, sans le savoir,
car il ne métabolise pas, faute d’ignorer les deux autres sources
majeures de nourriture, les sublimations issues du premier choc
du manger. Il les transforme en graisses, en eau, en déchets,
c’est-à-dire en des basses qualités de matérialisation qui reflètent
le niveau de son sommeil. Sa psyché ne reçoit rien de lui par
sublimation.
Pour comprendre cela, examinons sommairement le trajet
naturel de la nourriture en l’homme tel qu’il devrait être sur le
plan traditionnel et tel qu’il est dans la réalité de l’homme
ordinaire. La fréquence pluriquotidienne de ce premier choc
représente la direction générale, l’inertie consciente qu’il se
donne. Cette inertie, plus ou moins conçue en chacun de vous, est
celle qui vous rend plus ou moins dur à « bousculer » par les
événements accidentels de la vie : plus vous stabilisez l’équilibre
de ces trois nourritures, moins vous êtes sensible aux aléas du

443
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 444

monde. Ce sont là les bases matérielles de l’impassibilité, qui se


transmute plus tard, se sublimant en sagesse, se combinant avec
d’autres états plus subtils à un niveau précis de métabolisation
élevé.
La bouche peut être considérée comme l’entrée du tube digestif.
Elle est le siège du goût et aussi l’organe du langage. Du point de
vue digestif, sa fonction est celle de préparer les aliments. La
voûte palatine forme sa partie antérieure. Elle se compose d’une
plaque osseuse recouverte d’une membrane. Le voile du palais est
un repli membraneux qui prolonge la voûte palatine en arrière et
s’attache sur les bords de la langue. C’est à travers ce voile qu’il
convient de ne point laisser trop de paroles s’étendre au dehors,
et c’est pourquoi il garde le palais, situé juste au-dessous de
l’hypophyse, elle-même septième et dernier stade de
transcendance fixe possible pour l’homme.
L’arrière bouche s’ouvre dans une cavité musculaire, le pharynx
qui communique avec les fosses nasales au-dessus du voile du
palais. Ces dernières en sont évidemment le « vase d’expansion ».
Les joues, parois latérales de la bouche, sont tapissées d’une
membrane riche en glandes muqueuses. Le mucus se mêle aux
aliments dans la bouche et joue le rôle de lubrifiant pour la
mastication et la déglutition.
Les glandes parotides sont les plus volumineuses des glandes
salivaires. Situées de chaque côté du visage au-dessous et en
avant des oreilles, leur canal sécréteur transporte la salive.
Même rôle pour les glandes sous-maxillaires et les glandes
sublinguales, situées respectivement entre les branches du
maxillaire inférieur et disséminées dans la muqueuse du
plancher de la bouche, sous la langue. La langue est l’organe
essentiel du goût. Ses papilles portent à leur base les corpuscules
gustatifs, d’où partent les fibres nerveuses. Les aliments, mêlés
au mucus et à la salive, stimulent les corpuscules gustatifs, qui
déclenchent à leur tour une information. C’est à ce niveau que
commencent déjà les problèmes dont nous parlions ci-devant. En
effet, lorsque l’individu vit selon les lois de la Nature, son mucus,
la qualité de sa salive ne sélectionne pas tel ou tel type de
molécule. Automatiquement, pourrions-nous dire, les
caractéristiques de ces premiers fondants recueillent dans les
aliments les éléments les plus qualitatifs. Au contraire, l’homme

444
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 445

qui a pollué ses goûts - et donc ses sécrétions primaires - par


l’abus du péché transposé sur la qualité des sécrétions salivaires,
commence déjà à sélectionner tel ou tel empilement moléculaire
qui, une fois digéré, représente le continuum de cette sélection,
rien d’autre. C’est ainsi que le monde extérieur ne lui apporte en
réalité vraiment rien de nouveau. Il métabolise déjà au premier
degré ce qu’il est, il reste lui-même et, jusque dans les plus bas
niveaux de matérialité, il est condamné à y séjourner. La rançon
du plaisir est lourde, car pour cette fugitive jouissance
temporaire, il se trouve sans le savoir emprisonné toute sa vie, en
étant persuadé d’être libre. Il ne peut pas comprendre qu’un
certain type de pensées lui est interdit, à cause de cette sélection,
et qu’il ne peut rien espérer d’autre s’il ne change pas.

l’homme animique l’affectif

l’intellectuel l’être permanent le caducée

Zones de fixité de l’énergie vitale chez les hommes ordinaires.


L’équilibre des trois fonctions, lui, aboutit à l’harmonie requise

445
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 446

pour dépasser les niveaux de matérialité du premier corps (le


corps physique).

Premier choc volontaire : première nourriture, tube digestif.


Ingestion sanguine.
En mettant de côté volontairement l’aspect mécanique de la
prédigestion (action de la langue, rôle des dents, ...), voici que les
aliments, réduits en bouillie, mêlés à la salive et dûment
façonnés par la langue, traversent le pharynx et passent par
l’œsophage. Le péristaltisme de celui-ci, ou mouvement provoqué
par les couches musculaires de ses parois, fait descendre le bol
alimentaire dans l’estomac.
Situé sous le diaphragme, l’estomac et sa paroi externe se
composent de trois couches de fibres musculaires lisses
d’histologie différente, dont le rôle est de provoquer des
contractions multiples et d’assurer ainsi un mouvement du bol
alimentaire, afin que celui-ci subisse un brassage avec les sucs
gastriques. La paroi interne de l’estomac est tapissée d’une

446
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 447

épaisse membrane elle-même parsemée d’innombrables glandes


minuscules. Trois sortes de sécrétions sont conçues par les petites
corolles l’une est enzymatique, la seconde acide à type
chlorhydrique et la troisième de type muqueux. C’est l’union de
ces trois substances qui forme le suc gastrique.
A ce second niveau de dissociation, le cloisonnement moléculaire
subit une seconde orientation personnelle et soustractive.
L’homme ordinaire, par la mauvaise qualité - du point de vue de
la Nature - de son suc gastrique, continue à découper en sécantes
les chaînes d’éléments. Le mélange du bol alimentaire avec le
particulier attribut du suc gastrique forme une masse plus ou
moins bien brassée, en sus, par les muscles stomacaux. Ce
mélange contient déjà, en poids et en caractère, la carte grossière
du code des manies de l’ego. En effet, l’estomac est le premier
organe que les aliments rencontrent et qui soit en relation avec la
nature des désirs.

Deuxième choc volontaire : deuxième nourriture, appareil


respiratoire. Second choc sur le sang.

447
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 448

Ici encore, ne confondons pas la nature des désirs en tant que


description statique, et celle qui en est le dynamisme profond,
émotionnel. C’est cette dernière qui entre évidemment dans le
cadre de ce dont nous parlons, car elle est à l’origine nerveuse de
la sécrétion gastrique. La pensée, le plus souvent pure et «
honnête », provoque dans les métabolismes l’enregistrement
d’idéalismes ou d’ambitions personnelles. Jusque là, tout est
normal. Puis cette énergie mentale se mêle inconsciemment mais
insidieusement au plan émotionnel, astral (tout ce qui favorise ou
ne favorise pas ces ambitions est la source d’émotions). Là où le
mal commence, précisément le lieu où le second type de sécances
naît, c’est quand vos émotions sont brouillées sans que vous le
vouliez à des réactions émotionnelles ou astrales de caractère
indésirable, parce qu’elles sont d’un même niveau d’énergie : le
processus mental passe par ce filtre, qui fait ressortir une
information mentale parasitée, déviée de l’originelle, qui eut été
saine. Mais le processus mental ayant un type d’énergie, le
processus émotionnel en ayant un autre bien plus violent sans
que vous le sachiez, la résultante de cette copulation
malencontreuse provoque un effet qui n’a en réalité plus rien à
voir avec la pulsion mentale de départ. Vous croyez réaliser un
bon malaxage du mental avec l’émotion, alors que vous dissolvez
votre pulsion mentale dans un champ émotionnel immense, que
vous ne contrôlez pas.
Par exemple, votre but serait de bâtir une maison. Lorsque vous
passez à l’acte, vous allez chez tel ou tel fournisseur de matériaux
chez lequel vous vous rendiez avec votre ex-épouse dont vous êtes
séparé avec douleur. Le processus mental est alors détourné : au
lieu de rencontrer une énergie émotionnelle douce, il se mêle à
une vaste mer d’émotions négatives inscrites quelque part en
vous. Les sécrétions gastriques seront inexorablement
différentes. Dans un cas, elles seront normales, dans l’autre elles
porteront toutes les raisons pour lesquelles vous avez divorcé,
d’une manière matérielle. Un type particulier de suc gastrique en
découle, et vous sélectionnez tel ou tel empilement de chaîne
moléculaire : votre maison ressemblera à celle que vous auriez
bâtie avec votre femme, parce que vos actes découleront de ce que
votre tube digestif aura métabolisé.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 449

Troisième nourriture : les impressions. Conjonction entre les


impressions et le sang irriguant le cerveau, imprégné des deux
chocs précédents.
Bien entendu, vous n’avez peut-être pas divorcé, vous ne
construisez peut-être pas de maison. Mais vous ne pouvez
visualiser le nombre incalculable d’éléments psychiques sains qui
sont dissous dans le champ astral au cours d’une journée. En fait,
sachez que toutes vos fautes en sont là, et que, quotidiennement,
les événements de la -vie vous placent en face de ce schéma,
d’une manière implacable. C’est pourquoi il vous semble vivre
différemment qu’auparavant, alors que vous êtes le même, et que
tout, autour de vous, sur des plans autres, montre que vous ne
changez rien.
A ce stade un second processus, analogique sur le plan
psychologique, s’enchaîne : le mensonge, les auto-justifications.
L’inconscient sent bien toutes ces choses, mais il aide l’ego à

449
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 450

masquer le résultat de vos activités en les teintant d’une saveur


frelatée de « nouveauté », parce que l’ego est son ami en le
nourrissant secrètement. Pour s’effectuer, il use du fin
stratagème de l’incidence de votre intégration au péché originel -
par exemple la curiosité, ou un autre type de péché mortel qui
vous est propre. Alors ce qui est nouveau est curieux, ou vous
êtes curieux, ce qui engendre chez vous la sensation de
nouveauté, même si les structures restent identiques. En fait,
vous répétez les mêmes mimiques que lorsque vous exerciez vos
fautes mortelles. Que cela soit sur la plage de la Costa Brava,
lorsque vous contempliez telle femme, ou à une terrasse de café
ailleurs, vous êtes le même ; la femme est différente, mais elle
rentre dans le même type de structure mentale. C’est pourquoi
les sages disent que le péché est, de plus, une souillure au
deuxième degré : il souille le prochain en ce qu’il le place sur un
plan où il n’a pas de raison d’être, le vôtre. C’est également la
raison pour laquelle ils vous conseillent de vous soustraire aux
actions extérieures du péché, mais aussi aux ambiances du péché,
que vous ne pouvez côtoyer d’une manière innocente, à moins
d’être très fort, ce que vous n’êtes pas. C’est ainsi que tel homme
qui a connu par péché telle femme grecque ou japonaise peut se
voir interdire par son maître de parler le grec ou le japonais. S’il
sait ce qu’il fait sur le plan psychologique, qu’il contrôle d’ailleurs
toujours, il ignore ce qui se déroule sur le plan émotionnel, car s’il
le savait il n’aurait pas fauté. Il vaut mieux donc pour lui être
coupé de ce type de jonction, et l’aborder par d’autres côtés
invécus, afin que le formidable poids des habitudes inconscientes
ne barrent pas la route à une visualisation objective du problème.
On peut donc vous demander de ne pas passer en voiture sur le
pont de l’île de Ré, ou d’éviter la Place Saint Michel à Paris, ou
encore une autre sorte de comportement qui pourrait vous
paraître complètement stupide en apparence. En fait, le maître
veille ainsi sur vous jusque dans votre estomac : c’est comme cela
qu’il vous change, avec vous.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 451

Nous ne continuerons pas la description de l’enchaînement du


processus de digestion traditionnel, car il est secret, et il faut que
vous le découvriez par vous-même : cela fait partie de votre
libération intégrale du péché originel.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 452

Imaginez maintenant, à la suite de tout ce que vous venez de lire,


quel poids peut avoir l’examen analytique des régimes
alimentaires. Vous savez, indépendamment de sa valeur, qu’il
vous faut avant tout discerner d’où vient telle ou telle
recommandation. Vient-elle d’un animique, qui vous prouvera à
l’aide de forts raisonnements que la viande constitue le seul
apport de protéines sérieux ? Vient-elle d’un affectif, qui vous
infligera la consommation de sous-produits animaux et de
céréales, en usant d’une argumentation où le terme « astral » se
rencontre toutes les dix lignes ou tous les dix mots ? Vient-elle
enfin d’un intellectuel, écœuré de viande et d’animalité, qui vous
ordonnera, sous peine de punition cosmique, de n’ingérer que des
végétaux ?

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 453

Prenez conscience des modes - et tentez d’observer où leurs


présentateurs veulent vous mener. Objectivez leur desiderata et
visualisez-vous quelques années après comme si vous suiviez
leurs conseils. Méfiez-vous tel du serpent de tous ces fous
cristallisés en eux-mêmes dans leur règne et ressentez qu’il n’y a
pas de régime alimentaire généralisé, sauf évidemment dans le
cadre de maladies précises. Un intellectuel, pour changer
vraiment, doit consommer de la viande crue, à cause de son ego.
Par contre, tous les hépatiques doivent éviter le bœuf en daube,
comprenez-vous ? Si vous concoctez les meilleurs petits plats à
votre intellectuel, ou à votre affectif, etc . . . , vous renforcerez
plus encore le fabuleux pouvoir de ce que nous venons de décrire
précédemment. C’est pourquoi ils deviennent encore plus puants,
plus précieux, plus exigeants, plus intransigeants. Si vous ne leur
servez pas le pain biologique accompagné de la confiture de chez
Fauchon, ils hurlent comme si vous leur coupiez le bras. Ils vous
jugent, ils ne veulent pas s’en référer à la Providence, qui les
enverrait chez un épais animique qui baffre du porc mal cuit.
L’idée d’attraper au vol un tænia est pire que si un groupe de
voleurs les pillaient. Et pourtant, ils ne peuvent pas comprendre
combien ce tænia serait leur planche de salut.
Bien évidemment, les tenants nous exhortent : « nous avons des
preuves qui démontrent le bien-fondé de notre choix ». Tout le
monde a des preuves, démontrant le bien-fondé de ses actes,
même les criminels. « Mais les preuves scientifiques ? » Et
rapportées à quoi, s’il vous plaît, dans quel ensemble, pour quelle
finalité objective, en regard de quel système de référence ? Il est
fatal d’aboutir à une conclusion analytique positive, en partant
de bases hypothétiques calculées en rapport avec les conditions
même de l’analyse. Mais si l’objectivation s’étend sur d’autres
plans, apparemment opposés, qu’advient-il de la validité « sans
faille » de votre particularisme ? Et pourtant, c’est bien de cette
manière qu’il vous faut considérer les choses.
La question des régimes alimentaires n’est pas une question de
choix personnel ni de mode. En aucun cas votre ego ne doit
préférer telle ou telle ascèse miraculeuse du bien manger, et s’y
conformer comme source sûre d’évolution de l’être. Ce que vous
devez ingurgiter n’a aucun rapport avec les caprices de votre -
personnalité, quand bien même cette grande menteuse vous

453
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 454

pousserait à croire qu’il s’agit du meilleur moyen dont vous


disposez pour vous transcender. Ce n’est certainement pas en
crachant sur la viande et en emprisonnant vos structures
physiologiques dans un carcan de manies que vous les libérerez.
Identiquement, ce n’est pas en vous moquant des végétariens que
vous sublimerez votre intellect afin de vous rendre moins
ignorant.
J’ai connu de nombreuses personnes exclusivement
végétariennes qui étaient puantes d’orgueil. Apparemment, leur
régime les avait ancrées dans une suffisance dédaigneuse et
horriblement ségrégationniste. Secs, vaniteux, avares, ces fous
procréent des enfants qu’ils tuent à petit feu, parce que, comme
tout ce qui ressort de l’ego, ils leur imposent, sans tenir compte
du formidable pouvoir du libre-arbitre, leur manière fallacieuse
de vivre. Ce n’est pas ici le végétarisme qui est odieux, mais ce
qu’ils en ont fait, comme d’habitude. Leurs dents se
déchaussaient, ils étaient sales et emplis de principes
considérants, écœurants de certitude et d’intransigeance.
Malheureusement, ces malades mentaux sont souvent les frères
de pseudo non-violents, d’écologistes maniaques, autres imbéciles
du même genre. Je ne dis pas que les écologistes sont tous des
détraqués ; c’est le « isme » qui est le leurre. Comme toutes les
hordes, ils se galvanisent par leur propre mental, vivent en
autarcie, repliés sur eux-mêmes et refusant l’autre. Très sûrs
d’eux, ils se réunissent en clans apparemment libéraux, alors que
l’ambiance reflète le plus dur des totalitarismes. Rien n’est assez
beau pour eux, ils sont absolument égoïstes : les meilleurs
produits, les plus beaux sites, les très excellentes conditions de
vie, ils détaillent tout et s’observent sans cesse eux-mêmes.
Partout où ils passent, ils laissent leurs traces de gêneur. Ils
cassent les pieds à tous ceux qu’ils croisent, font vingt kilomètres
pour chercher une plaque de 250 grammes de beurre « bio » qui
ravira leur immonde palais, en invoquant l’étiquette de
l’économie mondiale.
Mais, comment s’y rendent-ils ? Avec la voiture qu’un brave
ingénieur s’est décarcassé à inventer et à mettre au point, qu’ils
critiquent dès qu’ils ouvrent la bouche. Ils s’y rendent avec les
pistons en aluminium silicé, les soupapes au sodium,
l’alternateur enrobé de résine synthétique, assis dans les sièges

454
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 455

en polyuréthane, bien souvent en écoutant l’autoradio et la


dernière bande des Pink Floyd, en matière conçue par les plus
grands trusts sur lesquels ils vomissent. Fermant la porte de
l’automobile, ils sortent une cigarette - une bonne brune lorsque
ce n’est pas une blonde fabriquée aux US -, l’allument avec un
briquet en plastique conçu à dix mille exemplaires quotidiens,
discutent avec leur acolyte sur la manière de casser la figure aux
CRS qui se trouveront chez Rhône-Poulenc dimanche prochain, là
où l’on fabrique le plastique de leur briquet.
Ensuite, ils rentrent chez eux, s’assoient dans leurs coussins en
laine brute, tissés à la main à l’aide d’un métier vendu à l’issue
d’un stage de trois semaines, mangent les carottes que le pauvre
vieux d’en face a fait pousser dans son jardin, se couchent en
s’assurant que la femme a bien pris sa pillule, fabriquée chez
l’autre industriel. Le lendemain, ils ne se lèvent pas parce qu’ils
sont inscrits au chômage, touchant les allocations de l’Etat sur
lequel ils défèquent, etc ...
Ceci concerne les « istes ». Ils sont tous comme cela ; la
précédente et hâtive description est encore bien au-dessous de la
vérité. Croyez-moi, je connais le problème. Lorsque j’étais potier,
c’était tous les jours que nous rencontrions ce genre d’égoïste
parfait, le plus souvent camouflé derrière une vague profession
d’éducateur. La plupart couchaient d’ailleurs avec leurs élèves,
avec leur directeur, avec les kinésithérapeutes.
Ils partent souvent à l’étranger, pour aider leurs amis allemands
à « lutter contre le nucléaire », alors que les soviets s’arment
jusqu’aux dents. Ne voyant que leur conformisme limité, ils
appliquent à ces questions un raisonnement léger, oubliant les
viols et les tueries faute d’armes durant la dernière guerre
mondiale. Pendant la prochaine, ils s’assoiront par terre. Le
problème, c’est qu’ils n’auront pas les Anglais en face d’eux, mais
les russes jaunes. Le problème, c’est qu’ils ne trouveront pas
l’Armée de sa Majesté, mais des troupes d’élite dressées pour
tuer. Cela, ils ne le croient pas, parce que selon leur mentalité
malade, les hommes ne peuvent plus tuer, « ils sont trop évolués
pour ». Ce seront ceux contre lesquels ils auront frappé qui
viendront à leur secours, qui se feront trouer la peau pour eux,
avec leur PM et leur fusil d’assaut sur lesquels ils avaient
auparavant versé du pétrole et mis le feu.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 456

Tous ces gens dorment profondément. Il leur suffirait de lire ce


qui est présentement écrit sur eux pour les entendre déclarer nos
propos d’« extrême-droite », oubliant qu’il faudra de piètres
individus pour fabriquer les balles de 9 mm parabellum qui
sauveront leurs gosses. Du mensonge, rien que du mensonge et
de l’égoïsme plus infects qu’un industriel, qui a au moins le
mérite - même s’il l’exerce mal - d’employer des milliers de
personnes et de les faire vivre. Quel est donc le plus égoïste,
entre celui qui prend ses vingt ou trente mille francs français
mensuels et s’offre des gadgets, mais qui établit des centaines
d’emplois, et celui qui prend tout à la société, qui l’injurie et qui
ne produit rien ?
L’écologie ne peut être un mouvement, ni une politique. Elle est
une mentalité : cela est intérieur et non pas extérieur.
Comme dans toutes les sortes de clans, il existe ceux qui sont
évolués et ceux qui ne le sont pas. Précédemment, nous avons
parlé du tout-venant écologique, celui que l’on rencontre à tous
les coins de rue, à l’image de ces super-marchés qui fleurissent
partout. Il s’agit en effet de la même chose, du même phénomène
de croissance, parce que les conditions par lesquelles cela leur
arrive sont les mêmes que celles qui font croître le modernisme
(les media, collectivisme, phénomènes culturels).
Il se trouve, par contre, des gens plus subtils, mais tout aussi
endormis. Récemment encore, j’eus l’occasion d’avoir un entretien
tout-à-fait infructueux avec quelques-uns de cette noble caste,
qui se réclamaient d’anthroposophie (que les purs me pardonnent
l’absence de majuscule ...). Ils m’ont questionné pendant trois
heures sur la guerre. Ils ne voulaient pas admettre qu’elle serait
bientôt inévitable, comme étant la synthèse précise de
comportements crétins : une somme d’attitudes néfastes ne peut
aboutir qu’à une résultante tout aussi néfaste. Cela, ils ne
semblaient pas le comprendre. Ils évoquaient sans cesse les
valeurs positives du karma en face de l’esprit luciférien, en
dernière ressource. Il n’y aura pas de dernière ressource, et il
faudra vous saisir du fusil, que cela vous plaise ou non. Voici quel
était tout le dilemne. Bien entendu, ils conclurent qu’il était
impossible que je sois alchimiste, car un « alchimiste ne peut
penser de cette manière ». Il doit penser comme au début du XXe
siècle, c’est-à-dire comme leur maître. Ils se défendaient

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 457

d’ailleurs de faire référence à tout maître, ce dernier lui-même


enseignant conférence sur conférence le danger de se présenter
comme maître, alors qu’on l’écoutait comme tel ... Ils ont tout
trouvé, ils savent tout et ne se trompent jamais. Pires que les
scientifiques bornés, tout ce qui n’est pas « arrondi » selon leur
mode de pensée est à rectifier. Voici, une fois encore, pour les « -
ophes » d’anthroposophes.
A l’encontre, et de surcroît fort malheureux de l’existence des
précédents, j’ai rencontré deux véritables êtres dont on peut dire
qu’ils sont en anthroposophie. Leur vie intérieure était d’une
qualité au-dessus de tout ce qui peut se rencontrer chez les
hommes ordinaires. Nous avons pu travailler ensemble, et je sais
que je peux m’adresser vers eux pour toute question relative à la
vie cosmique. On ne les aperçoit ni dans le monde ni aux endroits
où les autres se réunissent, et pourtant, ils occupent des
situations très importantes en France.
Si nous examinons quelques principes dénommés aujourd’hui «
écologiques », nous nous apercevons aisément qu’ils furent de
tout temps sous le manteau de notre Dame. Sorte d’éclats de la
Tradition, autant affirmer sans l’ombre d’une hésitation que les
vrais écologistes ont raison de les rappeler. Mais,
malheureusement, comme tout ce qui s’est éparpillé en ce siècle,
ce rappel se noie dans l’océan des incertitudes et des multiples
options modernistes, sans se dégager de la voie qu’il faudrait
suivre.
La raison majeure de cet échec, la cause de l’impuissante
transmission du message écologique contemporain réside dans le
choix exotérique que les sincères établirent en leur juste mais
dérouté combat antipollution. Précisément par le fait qu’il est
ésotérique en lui-même, il ne peut aboutir au-delà de la forme,
alors que la source des problèmes et le mouvement réellement
productif de transmission se situe dans l’essence. A trouble
d’essence doit correspondre un traitement du même ordre, et ce
n’est certainement pas en cassant tout dans les manifestations
que cela se déroule de la sorte. Nous affirmons que la solution
dynamique siège dans une attitude de prime abord intérieure.
Actuellement, ce qui grève l’essor des bons principes d’écologie,
c’est que ceux qui sont censés les représenter sont vides. Les

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 458

quelques autres, qui en sont réellement dépositaires, sont écrasés


dans la masse quantitative et pseudo-« démocratique », nivelant
les options à l’avis général des plus imbéciles. La valeur, une fois
de plus, est noyée dans la multitude. Cela ne manque pas de
troubler notre psyché, car cette attitude va évidemment à
l’encontre des éléments les plus évidents de l’écologie.
Prenons par exemple l’observation majeure nommée à juste titre
la « contre-productivité ». Schématiquement, il faut craindre un
outil qui, dans son emploi, engendre par ses effets une production
globalement négative par rapport à la positive pour laquelle il fut
destiné. Cet outil devient alors indubitablement contre-productif,
parce qu’il est nécessaire d’en concevoir d’autres pour corriger les
troubles causés par le premier, affublés à leur tour de leur dose
de contre-productivité, et ainsi de suite.
Nous retrouvons exactement la même saveur en notre Science.
Créer plus d’énergie négative que de positive revient à poser
toute la question de l’Echelle Sainte, ou du cheminement de
l’œuvre en général. Si vous cristallisez durant plusieurs semaines
vos sels - dur labeur - et qu’au dehors vous agissiez tel le libertin,
le jour où vous emploierez ces sels, ce sera comme si vous les
jetiez par la fenêtre : le bilan global de votre activité générale («
alchimique » et sociale), durant ce temps où vous vous imaginerez
avoir travaillé comme un forçat, sera involutif, parce que vous
aurez créé plus de négativité que de bons usages.
Insistons donc sur la nécessité d’exercer ce premier principe
écologique d’abord en vousmême et, surtout, en dehors de vos
propres schémas. Comprenez justement que c’est le fait d’être
ancré dans vos schémas personnels qui, s’étendant sur le plan
collectif, engendre votre quote-part de contre-productivité
cosmique. En d’autres termes, ce n’est pas en ayant une idée
personnelle de la contre-productivité (ce qui est illusion), dont
vous débattez les traits dans telle manifestation (ce qui est), que
vous ferez correspondre ce qui est avec ce qui n’est pas. Comment
voulez-vous qu’une bonne transmission se déroule de la sorte,
alors que tout est faussé dans la nature même dès le départ ?
Soyez d’abord en vous-même « anti-contre-productif », et vous
exercerez dynamiquement ce principe par la même filiation de son
essence. Par la suite, voulez-vous rechercher en vous-même les
motifs pour lesquels vous êtes devenu infirme à de telles

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 459

constatations ? Alors seulement, vous comprendrez un petit peu


de quoi il est question par « écologie ».
D’une manière identique, vous apprendrez ainsi à ne pas
confondre le qualitatif avec le quantitatif, ce que font tous leurs
organes d’information. Ils diffusent magnum numerum de
descriptions de phénomènes essentiellement qualitatifs.
S’effectuant, ils n’appliquent pas la relation la plus élémentaire
qu’ils prônent pourtant à grand renfort de mots savants - «
l’écosystème » -. Il nous semble plus évident d’être en soi un
exemple portant le témoignage, établissant par sa nature un
système relationnel et transmissif tel qu’il soit indestructible par
le quantitatif, par l’extérieur.
Si nous examinons maintenant sommairement le second de leurs
principes, le « monopole », nous constatons qu’il en est de même.
Un monopole est unilatéral lorsqu’un outil prend la direction de
la satisfaction d’un besoin, sur un plan général. Par exemple,
l’automobile a pris le monopole de la circulation ; l’allopathie
celui de la médecine ; la pornographie celui du sexe, ... Nous
assistons ici à un effet d’intoxication, de drogue, par la diffusion
massive d’une déviation indue qui devient illusoirement vérité.
Ne parlons donc même pas du communisme qui, dans ses plus
élémentaires traits, est contre tout monopole ; voyez combien ce
leurre est grand, car il impose cela d’une manière totalement
monopolisante.
Comment ne pas observer les identiques poisons au sein de notre
communauté d’artistes ? Celui dont le nom est connu du grand
public, importé par les manigances d’éditeurs modernes, est celui
qui serait dépositaire de notre Science, même s’il n’y exerce pas
dans les actes. Dans une structure réellement traditionnelle, cela
aurait été tout-à-fait impossible, de tels mensonges n’auraient
pas pu passer sur un plan collectif. En ces tours de main
morbides, ils monopolisent l’intérêt des néophytes, les
intoxiquant à des pratiques détournées de celles de la recherche
pieuse et solitaire, effective et manipulatoire. N’est-ce pas ce que
font les agitateurs, lorsqu’ils prennent sans s’en rendre compte la
direction de toutes les revues paramédicales, de tous les
mouvements à consonance « naturelle », en exerçant une main-
mise quasi inexpugnable sur tout ce qui est en dehors des
sentiers battus ? Non seulement ils s’adonnent en toute impunité

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 460

à ces actes, mais ils envoient par dessus le marché leurs troupes
qui se jettent dans les vents de la stérile contestation. Dans ce
cas, l’outil - l’information - ne prend-il pas le pied sur la direction
de la satisfaction d’un besoin ?
Ici encore, ils font ce qu’ils semblent réprouver, puis s’étonnent
par la suite de l’inefficacité de leur « message ». Il en est ainsi de
l’ensemble des bons principes d’écologie : ceux qui s’en réclament
ne les appliquent pas dans le fond, alors que les purs sont,
comme toujours, les bafoués. Nous examinerons plus bas
quelques problèmes essentiels - mais en dehors de la couverture-
mode « écologique » - qui retracent les incidences terribles de la
pollution en regard de notre Art.

Les régimes alimentaires concernent vos activités d’être. Il est


impossible que vous viviez selon tel ou tel régime toute votre vie,
parce que, en vertu de ce que nous avons relaté ci-devant, ce
serait scléroser votre être dans des schémas rigides qui, par
définition, ne peuvent convenir au Verbe ni à la Providence.
C’est un certain type d’action qui exige une alimentation
appropriée, et non pas un mode de pensée subjectif duquel il ne
sort rien d’autre que les interprétations encore erronées du moi.
Avant tout, il vous faut établir un répertoire précis de vos manies
alimentaires, afin de les classer dans la catégorie d’individus vers
laquelle vous tendez : animique, affective ou intellectuelle.
Ensuite, il est nécessaire, pour la nourriture ingérée, d’absorber
d’une manière équilibrée votre dose quotidienne d’éléments,
après en avoir au préalable déterminé la valeur moyenne.
Ajustez donc d’abord ce quota indépendamment de votre règne.
Puis, apportez ce qui vous manque par les autres tendances.
Exemple : vous êtes affectif marqué, et vous jugez bon d’absorber
« x » calories justement réparties en lipides-protides-glucides. Vos
préférences et vos habitudes ont sclérosé vos goûts dans une
nourriture axée sur les céréales. Tentez alors d’apporter,
insensiblement et avec douceur, la même valeur calorique tout
aussi bien disposée par des produits dont les autres règnes sont

460
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 461

friands (viandes, poissons ou végétaux). Réduisez votre goût et


remplacez le manque en énergie par d’autres aliments.

Types Préférences

Animique Viandes crues, charcuteries, plats cuisinés, épices,


alcools, excitants, ...
Règne du Premier œuvre, travaux d’Hercule.

Affectif Sous-produits animaux, abats, laitages,


légumineuses, céréales,
pâtisseries, pains, ...
Règne du 2e œuvre, stabilité émotionnelle.

Intellectuel Végétaux crus et cuits, eaux minérales, thés, fruits,


oléagineux,
galettes sèches, ...
Règne du Troisième œuvre, intégration cosmique.

Voici le tableau des valeurs principales de quelques aliments


courants.

ce qui donne :
Lipides = 1
Protides = 2
Glucides = 16

461
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 462

Reprenons notre exemple. L’affectif, au lieu d’absorber 780


calories par 200 grammes de pâtes, les réduira soit par l’apport
de jambon cru ou par celui de chou et autres légumes, pourvu
qu’il garde le rapport Lipides = 1, Protides = 2, Glucides = 16.
En l’absence de travail précis sur une fonction particulière, il
vaut mieux que vous vous nourrissiez en suivant la précédente
description.
Evidemment, le cadre du travail spécial sur une ou deux autres
fonctions change les données de la question. A la place d’une
alimentation équilibrée comme nous venons de la décrire, il vous
faut accentuer le phénomène de partage encore plus vers les

462
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 463

autres règnes, et spécialement vers les règnes concernés. L’affectif


ci-devant, s’il s’exerce à un effort moteur, doit effectuer son
apport principal avec les préférences animiques, et ainsi de suite
pour les autres règnes. Voici quelques exemples.
Un animique doit fournir un intense et long travail intellectuel :
apport de l’ensemble protides-glucides-lipides par les végétaux,
les fruits. Le même animique doit ranimer sa foi : sous-produits
animaux, laitages et céréales, miel .. .
Un intellectuel construit sa maison : la base de son alimentation
sera essentiellement carnée.
Dans tous les cas
- boire de l’eau entre les repas, en fonction de l’équilibre que vous
choisissez - tenir compte de la teneur en eau des aliments).
- bien veiller aux justes doses de l’ensemble protides-glucides-
lipides, qui sont plus importantes que l’apport d’énergie calorique
par lui-même.
- éliminer convenablement par un exercice physique doux en
l’état normal, plus intense, s’il y a un blocage quelconque
(hépatique, rénal, intestinal,...) - absorber des produits les plus
sains qu’il se peut.
Examinons maintenant les points soulignés dans ce tableau.
Donner une eau convenable à votre corps est indispensable pour
d’innombrables raisons. Ne buvez qu’une eau de source ou ne
recevez que celle des fruits ou légumes. Il est important que vos
cellules soient aidées dans leur équilibre acido-basique par la
filtration d’une eau assez pure et relativement peu minéralisée.
Laissez le soin à votre physiologie d’assumer l’élaboration des
sels ; ne court-circuitez pas, par la saturation d’une eau
fortement ionisée, vos propres charges électroniques : vous
créeriez des schémas de drainage qui entraîneraient d’autres
processus plus lourds, par répercussion.
L’absorption de bon vin, durant les repas, est quasiment
indispensable. Raisonnables et très qualitatifs, les grands crus
verts ou convenablement vieillis sont les mieux indiqués.
Abstinence à jeun, cependant. Le digne macérat de raisin est un

463
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 464

véhicule mercuriel et salin appréciable. Ceux qui savent en faire


bon usage sont initiés à d’insoupçonnés bienfaits. Jamais la dose
ne doit dépasser le tout début de la gaieté intérieure, bien en
deçà du rire ventral et vulgaire. Cette dernière dépend de
l’individu, elle ne dépasse pas 0,30 litre dans tous les cas, même
pour de chevronnés animiques, apparemment solides. En outre,
la ration bi-quotidienne est un maximum. Et si vous voulez vous
adonner au classique « 10 h » après vous être levé tôt, vous
préférerez un jus de fruit ou une macération phytothérapique,
que vous ingérerez en abondance mais avec lenteur quant au
transit.
Les autres points, dont l’importance est considérable, nécessitent
que l’on s’y étende quelque peu.

Nutrition cellulaire. Pour vivre, se développer et se reproduire, la


cellule doit se nourrir, c’est-à-dire absorber des éléments
chimiques engagés dans des composés particuliers ou ionisés par
l’eau qui constitue les 65% de l’organisme. De plus, elle doit les
transformer par son anabolisme, en carburants ou en matériaux
spécifiques de ses structures.
Ses besoins incessants sont d’abord : le carbone, puis l’hydrogène,
l’oxygène et l’azote, enfin le phosphore, le soufre, le sodium, le
calcium, le magnésium, le potassium, etc. En effet, le corps
humain contient en moyenne
- oxygène : 62,81 % - carbone : 19,3% - hydrogène : 9,3 1% - azote :
5,14% - calcium : 1,38% - soufre : 0,64% - phosphore : 0,63% -
sodium : 0,26% - potassium : 0,22% - chlore : 0,18% - magnésium
0,04% - fluor 0,009% - fer : 0,005%, etc.
On voit que les quatre premiers éléments, vraiment
fondamentaux (carbone, hydrogène, oxygène et azote)
représentent les 96,63% du poids corporel. C’est l’alimentation
sous forme solide et liquide qui les apporte.
Une partie des métabolites alimentaires (glucides, lipides et
protides) ne sert ni à ioniser le milieu intérieur, ni à bâtir les

464
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 465

édifices cellulaires. Elle est dégradée par l’oxydation, grâce à


l’oxygène apporté par l’oxyhémoglobine du sang, pour libérer au
cours d’un long processus en paliers ascendants, les énergies dont
l’organisme a besoin, et rejetée sous forme de gaz carbonique,
d’eau, d’urée, etc
En effet, la cellule vivante est un microcosme dans lequel se
manifestent sans cesse des mouvements moléculaires qui
consomment de l’énergie mécanique. Le cœur bat ; le muscle se
détend ou se contracte. Tout cela représente un travail assuré
par la combustion de certains aliments, surtout des glucides, puis
des lipides et enfin des protides. Par ailleurs, la température du
corps humain est maintenue entre 37° et 37°3, afin que le
métabolisme cellulaire soit optimal, que les enzymes digestifs
agissent pleinement, d’où la nécessité que les tissus libèrent une
énergie calorifique incessante et en fonction de la température de
l’environnement. Enfin, la cellule est une sorte de pile électrique
complexe, qui échange des ions entre ses parties et avec le milieu
où elle baigne. Ses membranes filtrantes sont polarisées, la face
extérieure étant chargée positivement et la face intérieure
négativement. D’un point à un autre de l’organisme hétérogène et
conducteur, où sang et lymphe ionisés se déplacent, existent des
différences de potentiel électrique, qui génèrent des
microcourants électriques nécessaires au métabolisme général
rayonnant d’ondes infrarouges et provoquant des réactions
électrochimiques. L’ensemble de tous ces déplacements
d’électrons et d’ions met en jeu une énergie électrique, dont
l’origine, comme celle des précédentes, se situe principalement
dans la dégradation oxydante de la nourriture digérée.
L’activité cellulaire se traduit par des mouvements d’électrons,
par leur passage d’un atome à l’autre, par la variation de
positions des uns par rapport aux autres. Les degrés de
quintessence essentiels du mouvement de la vie matérielle sont
des effets électriques et des effets photoniques, la cellule étant un
récepteur et un émetteur d’ondes électromagnétiques sous forme
de photons.
Les structures cellulaires sont composées de matériaux azotés
universels (les acides aminés) dont le nombre ne dépasse pas
vingt. Ils sont les mêmes pour toutes les cellules connues, aussi
bien végétales qu’animales ou humaines. Comme notre intestin

465
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 466

et notre foie ne les synthétisent pas, notre organisme doit les


extraire de la nourriture, puis les bâtir, suivant des règles
précises et imposées par nos gènes.
L’élimination des déchets cellulaires est d’une haute importance.
Sans elle, les tissus accomplissent mal leurs fonctions et se
détériorent. L’intoxication générale ou toxémie se manifeste très
vite, provoquant des troubles graves et même la mort dans un
temps plus ou moins long. Rien n’étant simple en biologie, chaque
type de dégradation des métabolites est une chaîne de réactions
dont chacune exige la présence d’ions et de biocatalyseurs
spécifiques. Par exemple, la production d’énergie à partir du
sucre le plus simple qu’est le glucose, nécessite plusieurs paliers
chimiques déclenchés chaque fois par une enzyme spécifique,
dans un milieu aqueux, ionisé, où se rencontrent, en particulier,
l’anion phosphorique et le cation magnésium. Autrement dit, on
n’a pas affaire à une combustion brutale, comme dans un foyer,
car elle amènerait une élévation de température très forte qui
détruirait le tissu à saturer d’énergie. Normalement, il n’y a pas
combustion du glucose : mais une cascade d’oxydations réduites
qui, à la fin, donnent eau et gaz carbonique, comme dans un
premier cas, mais à la température de 37°C.
Si des sels et des enzymes font défaut, si l’oxygène n’arrive pas en
quantité suffisante, la dégradation en escalier s’arrête à une
marche, plus ou moins éloignée du palier final. A ce stade
d’inachèvement, on trouve non pas l’acide carbonique, mais des
acides organiques, tels que l’acide malique, l’acide pyruvique,
l’acide citrique ou l’acide lactique. Dans tous les cas de
combustion incomplète, les cellules se trouvent en présence de
composés qui, à partir d’une certaine dose, deviennent dangereux
pour elle. Ainsi, par exemple, la présence d’acide lactique
tétanise les muscles qui travaillent.
Evidemment, seule une nourriture variée et saine fournit tous les
éléments nécessaires sous une forme utilisable et qui ne contient
pas d’antibiotiques ou de pesticides, susceptibles de paralyser des
enzymes de la digestion intestinale, ou de la dégradation
oxydante précédente, évite le coinçage du mécanisme
métabolique ; mais il faut aussi que l’évacuation des déchets soit
rapide, grâce à une circulation sanguine active et à des
émonctoires vigoureux. Cela signifie que la sédentarité doit être

466
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 467

combattue, afin que les reins et la peau rejettent sans difficulté


les composés uréiques, que les poumons chassent le gaz
carbonique et le remplacent par l’oxygène de l’air et enfin que le
merveilleux laboratoire qu’est le foie transforme les composés
toxiques du torrent sanguin en substances moins nocives que les
émonctoires élimineront à temps, sans trop de difficultés et sans
se nuire.
La glande hépatique peut réaliser de nombreuses réactions pour
épurer l’organisme de ses propres poisons ou de ceux venus de
l’extérieur, à condition que les doses toxiques ne dépassent pas
ses capacités destructrices.
L’organisme reste un excellent défenseur, tant qu’on ne le
surmène pas, tant qu’on ne le sature pas de graisses inutiles par
des abus alimentaires.
Le sang et la lymphe - Le sang est le liquide nourricier, épurateur
fondamental de l’organisme qu’il parcourt sous l’impulsion
rythmée du cœur. Le treizième du poids corporel de l’adulte
correspond à celui du sang (cinq à six litres). En première
approximation moderne, c’est de l’eau salée, dans laquelle
baignent des globules rouges (hématies) et des globules blancs
(leucocytes), avec un pH moyen de 7,35, donc alcalin. Si ce
nombre s’élève, on a affaire à l’alcalose ; s’il s’abaisse à l’acidose,
deux états électriques aussi dangereux l’un que l’autre.
Le sérum sanguin est la partie purement liquide et exempte de
fibrinogène. Le plasma est le sérum enrichi de fibrinogène. Cette
dernière substance peut se dissocier à l’air en fibrine, qui
rassemble les globules en caillot dépourvu de sérum.
Plus précisément, le plasma est une solution jaune (90% d’eau)
contenant 6 grammes de chlorure de sodium, des sels de calcium,
de potassium, de magnésium, sous forme de bicarbonates, de
carbo-phosphates, des traces de composés de fer, manganèse,
cuivre, plomb zinc, iode, brome, arsenic, etc., du glucose (environ
1 gramme par litre), des traces de lévulose (isomère du
précédent), des traces de maltose, des corps gras (2 à 5 g), des
acides aminés, des protides tels que sérine (50 g), globuline (25
g), fibrinogène (5 g), divers déchets rejetés par les cellules et le
foie tels que : urée (0,3 g), acide urique (0,05 g), ammoniac (0,001

467
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 468

g), etc., du cholestérol (1,4 à 1,8 g), de la créatine, des diastases,


des vitamines, des hormones, des anticorps, de la properdine
(anticorps sans spécificité), de l’acétone (traces : plutôt rarement),
des cellules mortes, des toxines, des microbes, des virus, etc., des
gaz en dissolution tels que l’azote, l’oxygène, l’anhydre
carbonique, etc.
Les globules rouges (hématies) formés dans la moelle rouge des
os, à partir des cellules énuclées - perte du noyau - vivent quatre
mois et vont mourir dans la rate qui en récupère le fer. Chaque
jour, naissent et meurent dans le corps de l’adulte, quelques cinq
cents millions d’hématies correspondant à 100 grammes de sang,
dont par conséquent le renouvellement a lieu en cinquante jours.
L’hématie apparaît comme un petit disque biconcave (diamètre
moyen : 7µ, épaisseur maximale : 2µ) jaune verdâtre, mais rouge
sous grande épaisseur, visqueux, élastique, déformable, pouvant
former de petites piles et s’agglutiner dès que le sang est
immobilisé. On en compte cinq millions par millimètre cube chez
l’adulte.
L’hémoglobine, qui colore l’hématie, est un protide cristallisable
et colloïdal, aux propriétés à la fois basiques et acides, de masse
molaire très élevée (68000. Se rappeler que celle de l’eau est 18 ).
L’oxygène de l’inspiration pulmonaire transforme l’hémoglobine
en oxyhémoglobine instable, qui assure le transport de cet agent
oxydant jusqu’à la lymphe et, par elle, aux cellules, grâce au fer
qu’elle contient (0,5 g /1). Le gaz carbonique qui résulte des
oxydations cellulaires libère l’oxygène de l’oxyhémoglobine et l’y
remplace pour la transformer en carbohémoglobine qui est
rejetée dans l’air, à travers la muqueuse des alvéoles
pulmonaires, pendant l’expiration.
Les globules blancs (leucocytes) sont de véritables cellules
vivantes, contrairement aux précédents. Ils sont transparents,
d’une grande mobilité et rampent contre les vaisseaux sanguins.
Ils peuvent se frayer un passage entre les cellules de la tunique
des capillaires - diapédèse -, grâce à leur élasticité et leurs
mouvements amiboïdes.
On rencontre un leucocyte pour sept cent hématies, ce qui
correspond à quelques sept mille par millimètre cube de sang. Ce

468
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 469

nombre s’élève pendant les digestions anormales. On les classe


en :
- mononucléaires (32%) à noyau sphérique, que l’on divise en
microphages ou lymphocytes (22%) et en macrophages
(monocytes moyens et gros monocytes : total 10%) ; -
polynucléaires (68%) microphages dont le noyau comporte
plusieurs étranglements. Suivant leurs affinités envers les
colorants, on distingue les neutrophiles (65%), les basophiles, les
acidophiles et les éosinophiles (3% ).
Les leucocytes représentent les gendarmes de l’organisme. Ils le
protègent des poisons, des substances étrangères, des microbes,
etc. Plus précisément, les lymphocites et les polynucléaires
s’attaquent aux bactéries, tandis que les monocytes sont plutôt
des macrophages qui digèrent les gros déchets.
En plus de leurs diastases digestives, les leucocytes, véritables
laboratoires mobiles et défensifs, secrètent des antitoxines qui
inhibent les toxines microbiennes, des agglutinines qui
paralysent des microbes et des bactériolysines qui les
décomposent. Le pus des plaies représente la fin du combat
protecteur qu’ils ont livré contre les envahisseurs, puisqu’il
contient des cellules blessées ou mortes, des microbes neutralisés
et des globules blancs tués dans cet assaut.
A côté des hématies et des leucocytes, on rencontre les globulins
ou thrombocytes en forme de grains transparents tout petits (2 à
4µ), souvent amassés entre les piles de globules rouges. Dès
qu’un vaisseau sanguin est blessé, ils tentent d’en colmater la
brèche en s’agglutinant (clou hémostatique) et d’arrêter
l’hémorragie.
Les globules blancs se forment dans les ganglions lymphatiques,
dans la rate ou dans la moelle rouge, suivant le rôle qu’ils ont à
jouer, et achèvent leur vie fort brève dans les tissus.
Sauf au niveau des laboratoires du foie et de la rate, le sang n’est
jamais en contact direct avec les cellules de l’organisme. Il en est
séparé par les tuniques des vaisseaux et des capillaires, en
particulier. L’importance de ces derniers est énorme parce que le
réseau atteint des proportions étonnantes cent mille kilomètres
de long, ce qui leur permet d’étaler le sang sur une surface de

469
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 470

soixante trois mille mètres carrés. La vitalité, la jeunesse d’un


individu dépend beaucoup de leur souplesse et de la facilité qu’ils
offrent au passage des leucocytes (... ).
La lymphe est le véritable milieu extérieur qui baigne la grande
majorité des cellules. C’est le fameux sang blanc, étroitement
associé au sang rouge pour assurer le ravitaillement des tissus et
le drainage de leurs déchets. On distingue la lymphe interstitielle
qui est le plasma sanguin (privé de globules rouges et en grande
partie de globules blancs) qui a filtré à travers les capillaires
sanguins. Liquide ambré, moins riche que le plasma en protides
et surtout en fibrinogène, elle circule lentement entre les cellules
qui y puisent leur nourriture et qui y déversent leurs détritus.
Issue des capillaires sanguins, elle gagne, après avoir joué son
rôle, les capillaires lymphatiques où elle se charge de
lymphocytes microphages, devient la lymphe circulante qui se
déverse finalement dans le sang pour recommencer son cycle.

Les composants du sang qui sont, aux concentrations près, ceux


de la lymphe interstitielle, nous montrent que les cellules ont
besoin d’ions, de vitamines, c’est-à-dire de catalyseurs - les uns
minéraux, les autres organiques - de glucides, de lipides et de
protides. L’alimentation, par la digestion, doit les leur fournir
constamment, en quantité suffisante et dans des proportions bien
définies.
Les constituants nécessaires interviennent les uns à doses
élevées, les autres à l’état de traces, parfois impondérables. Dans
le cas des substances alimentaires pondérables, citons les
protéines (composés azotés), les glucides ( matières sucrées ) et
les lipides (corps gras). Ils sont les matériaux principaux des
structures cellulaires et les carburants biologiques, les uns à
production rapide d’énergie ( glucides et protides ), les autres à
production lente ( lipides ).
Viennent ensuite les ions. Certains entrent dans les cycles vitaux
en quantité quotidienne faible, mais pondérable tels que le
chlore, le sodium, le potassium, le calcium, le magnésium, etc.,
pour rendre les humeurs conductrices ou pour « armer » les

470
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 471

structures organiques (os, dents), tout en jouant parfois le rôle de


catalyseurs dans des hydrolyses. D’autres éléments minéraux
sont nécessaires à doses infimes . . . Ce sont les oligo-éléments,
proprement dits, surtout puissants catalyseurs qui, très souvent,
entrent dans des complexes organiques. Tel est le cas du
manganèse, du cuivre, du cobalt, etc.
Parmi les substances impondérables, à côté de ces « amorceurs »
minéraux de réactions biologiques, existent d’autres catalyseurs
à dominante organique, qu’on nomme vitamines. En réalité, on
ne doit pas séparer oligo-éléments et vitamines dans le chimisme
cellulaire. Les dernières sont inactives ou peu actives, sans la
présence des premiers. Ce qui dirige les réactions biologiques, ce
sont des couples « oligo-éléments + vitamines » spécifiques.
L’organisme secrète de nombreuses diastases, véritables
catalyseurs organiques pour réaliser ses synthèses ou digérer sa
nourriture. Là encore, il s’agit de substances à des doses presque
impondérables. Ces ferments sont caractéristiques pour chaque
réaction et ne sont pas empruntés à l’extérieur, en général.
Contrairement aux vitamines que le corps humain ne sait pas
synthétiser - sauf la vitamine K et la vitamine D2 -, les enzymes
digestives ou des constructions protidiques ou des dégradations
moléculaires sont propres à ce dernier, grâce à ses glandes
spéciales. Il n’en demeure pas moins que ces catalyseurs
enzymatiques n’agissent efficacement qu’à une température
optimale et en présence de certains ions. Ici aussi, ce n’est pas
l’enzyme seule qui compte, mais une association binaire ou même
ternaire telle que : diastase + kinase + ions métalliques, dans
laquelle l’activation de l’enzyme est assurée par le catalyseur
minéral et le catalyseur organique (la kinase).
Revenons à la cellule, microcosme fondamental. Elle est enfermée
dans une membrane cytoplasmique poreuse et électrisée qui règle
le passage de l’oxygène, d’ions et des aliments vers l’intérieur
(endosmose), du gaz carbonique, d’ions et de déchets de
désassimilation vers l’extérieur (exosmose). Cette frontière
sélective entoure le cytoplasme, substance visqueuse, parfois
analogue à une gelée où se forment des courants variables et où
l’on observe des inclusions. Dans le cytoplasme existe une sorte
de boule séparée de lui par une membrane nucléaire, analogue à
la membrane cytoplasmique et qui constitue le noyau clair et

471
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 472

réfringent. Il est gonflé de « suc nucléaire ». Très complexe,


possédant un ou plusieurs globules luminescents (nucléose), il
renferme un enchevêtrement de filaments, les chromosomes (48
chez l’homme), qui en constituent les éléments essentiels et
caractéristiques.
Toute cellule privée de son noyau meurt. Tout noyau privé
totalement de cytoplasme meurt ; mais il survit si l’ablation
cytoplasmique n’a été que partielle. Donc, la vie cellulaire exige
l’union constante noyau-cytoplasme. Nous vous tendons la perche
pour le Remora.
L’édifice cellulaire est extrêmement complexe. Il demande des
structures spécifiques construites à partir d’acides aminés
fondamentaux, puis de lipides, enfin de glucides et parfois d’ions.
Les matériaux essentiels en sont les composés azotés que la
digestion a extraits des aliments. Théoriquement, on pourrait ne
se nourrir que de protides. Pratiquement, cela correspondrait à
un travail excessif du foie pour synthétiser à partir d’eux glucides
et lipides, et pour les désassimiler sous forme d’urée et d’acide
urique. A ce surmenage très vite dangereux, s’ajouterait une
grande fatigue des reins et de l’épiderme.

Les protides. Les protides (protéines) sont des corps organiques


constitués nécessairement par des atomes de carbone,
d’hydrogène, d’oxygène et d’azote et parfois en supplément par
des atomes de soufre, de phosphore, etc. Leurs bases structurales
sont les acides aminés, de formule générale :

où apparaissent les fonctions amines ( NH ) et acide organique


(COOH) et où R est un radical plus ou moins complexe,

472
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 473

susceptible de contenir d’autres atomes que le carbone,


l’hydrogène, l’oxygène et l’azote.
Tous les protides connus, aussi géants soient-ils, dérivent par
perte d’eau de quelques acides aminés universels (une vingtaine
environ). Inversement, les aliments azotés au cours des
hydrolyses digestives libèrent ces substances simples et
fondamentales que chaque cellule introduit dans ses structures.
Dans ces synthèses, des enzymes associent des acides aminés avec
élimination d’eau pour donner des polypeptides, que d’autres
enzymes réunissent en composés plus complexes : soit en
holoprotéides (uniquement formés en carbone, d’hydrogène,
d’oxygène et d’azote), soit en hétéroprotéides (holoprotéides
enrichis d’autres atomes tels que le soufre, le phosphore) - caséine
du lait - le fer - hémoglobine du sang - qu’on désigne sous le
terme général de protides.
Dans chaque espèce vivante, chaque type de cellules construit ses
protides spécifiques, bien personnalisées par son hérédité à partir
des acides aminés communs à toutes les formes de vie.
Cycle de l’azote. Le réservoir d’azote est l’air. Eclairs, rayons
ultra-violets, flux électronique du soleil, rayons cosmiques, etc.,
unissent l’azote à l’oxygène et à la vapeur d’eau, pour donner des
traces non négligeables d’ammoniac, d’oxydes d’azote, etc.,
qu’absorbe le sol. Plus activement, certaines bactéries de l’humus
qui s’alimentent de déchets et de sucres sécrétés par les
radicelles des plantes, arrivent à froid aux mêmes synthèses. A
partir de ces dérivés azotés simples, les végétaux, sous l’action de
l’énergie solaire, élaborent par photosynthèse des acides aminés
fondamentaux. C’est dans leur variété que l’on trouve tous les
matériaux azotés de base.
L’herbivore, le carnivore et l’homme ne savent pas combiner
l’azote qu’ils respirent. Ils sont contraints de trouver les acides
aminés fondamentaux dans la digestion des aliments, donc
directement ou indirectement dans les tissus végétaux ( feuilles,
tiges, fruits, graines, tubercules).
La désassimilation des protides - destruction de tissus
défectueux, blessés ou morts ; destruction de protéines pour
libérer de l’énergie - donne des dérivés tels que l’urée (peu

473
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 474

toxique), l’acide urique (très toxique) et l’ammoniac (toxique) que


l’organisme rejette dans l’urine et la sueur. Des fermentations les
décomposent en carbonate d’ammonium; en ammoniac et un peu
en azote. Par ce moyen, elles font revenir cet élément dans le cycle
minéral où la vie le reprendra pour ses synthèses.
Voici les valeurs moyennes des concentrations de substances
azotées en grammes par litre chez l’adulte sain :

Plasma Urine Sueur


sanguin

Eau 900 960 990

Urée 0,30 20,0 1

Acide urique 0,05 0,3 0,02

Ammoniac 0,01 0,3 traces

Créatinine 0,01 1 traces

Acide 0 0,1 à 0
hippurique 1,00

Pour éviter la fatigue hépatique, le surmenage rénal et


l’encrassement de l’organisme par des dépôts d’acide urique, la
quantité quotidienne de protides doit être limitée au plus juste et
ne servir qu’à l’édification des cellules, et non pas de carburants,
rôle que jouent beaucoup mieux les lipides et surtout les glucides.
Pour l’adulte, il s’agit d’une sorte de « ration d’entretien », qui
permet le renouvellement incessant des tissus et la réparation
des blessures. Pour l’enfant, s’ajoutent les protides de croissance.
Pour le convalescent, ceux de réparation et de reconstruction.
Si le poids corporel d’un adulte normal est de (P) kilogrammes, la
ration (Rp) quotidienne de protides en grammes se situe entre
(P/2) et 2P. Par exemple, pour un homme de soixante-dix
kilogrammes, elle oscille entre 35 g et 140 g. La ration d’entretien
minimale est donnée par
Rp = P/ 2

474
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 475

En pratique, le « rendement digestif » n’est pas parfait. Des


protides sont entraînés avec les excréments. Pour tenir compte
des pertes, on modifie quelque peu la formule, en la suivante
Rp = (2/3) P
ce qui, dans l’exemple ci-dessus, conduit à environ 47 g de
protides par jour.
Dans les conditions courantes, la ration est comprise entre la
valeur précédente minimale et la valeur maximale ;
Rp = P,
soit ici 70 g, pour un adulte de 70 kg. Nous sommes assez loin de
la consommation moyenne du moderne
Rp = (4/3)/P
et surtout de celle des gros mangeurs, qui atteint
Rp = (8/3)/P
Le travailleur de force n’a pas besoin de suppléments protidiques,
parce que la ration azotée ne sert qu’à la construction des tissus,
et non pas à fournir de l’énergie. L’excès énergétique qui lui est
nécessaire, il le puise dans les lipides et les glucides, dont la
dégradation normale est atoxique.
Passons maintenant au délicat problème qualitatif. Parmi la
vingtaine d’acides aminés que synthétisent les végétaux - acide
aspartique (1 atome d’azote), acide glutamique (1 azote), alanine
(1 azote), arginine ( 3 azote ), cystéine (1 azote, 1 soufre), cystine
(2 azote, 2 soufre), hydroxyproline (1 azote), isoleucine (1 azote ),
leucine (1 azote), lysine (2 azote), méthionine (1 azote, 1 soufre),
phénylalanine (1 azote), proline (1 azote), sérine (1 azote),
thréonine (1 azote), tryptophane (2 azote), tyrosine (1 azote),
valine (1 azote) -, neuf au moins, onze au plus, sont
indispensables à l’entretien et à la construction des cellules. Il
s’agit de : cystéine, histidine, isoleucine, leucine, lysine,
méthionine, phénylalanine, thréonine, tryptophane, tyrosine,
valine.
Les autres peuvent être remplacés par les précédents ou
intervenir dans certains cas contre la maladie ou dans des

475
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 476

processus de croissance, ou comme simples carburants. (Par


exemple, dans la ration de croissance de l’enfant, en plus des
acides aminés essentiels, on doit trouver : l’acide glutaminique,
l’arginine, la proline, la sérine et la tyrosine).
Chaque aliment a sa composition azotée particulière qui, chez le
végétal, dépend du mode de culture, des engrais et des facteurs
climatériques de l’année, d’où des proportions d’acides aminés
sous la dépendance des codes héréditaires et de l’environnement.
Aucun d’eux ne convient parfaitement à l’homme, même quand
l’agronomie n’intervient pas, d’où la nécessité d’une certaine
variété pour être certain d’apporter au total, chaque jour ou
presque, tous les acides aminés essentiels d’entretien au moins,
et en quantité suffisante. Sans ce souci, des carences azotées
aussi graves que des carences minérales ou vitaminées se
produisent. Par exemple, l’insuffisance des cinq acides aminés
limitants (cystine, isoleucine, lysine, méthionine et tryptophane ),
risque en peu de temps d’empêcher la formation d’acides
nucléiques en quantité convenable, car il suffit de l’absence d’un
seul acide aminé dans une chaîne protidique fondamentale pour
que cette dernière ne se forme pas, malgré la présence des autres.
Ainsi, le facteur limitant du maïs est le tryptophane, ceux des
viandes la cystine et la méthionine, celui de l’avoine, du blé, du
riz et du tournesol la lysine ; ceux du soja la cystine et la
méthionine, celui de l’arachide, de la levure et du pois la
méthionine, .. .
Enfin, pour qu’un aliment soit digéré à bon rendement, il faut
qu’il soit sain originellement et bien préparé, donc exempt
d’additifs chimiques toujours plus ou moins toxiques. Cela veut
dire ceci
- un produit d’origine organique a une structure moléculaire
dissymétrique. En outre, elle est douée d’un pouvoir rotatoire,
elle dévie ses plans de polarisation. Elle multiplie ses chances de
combinaison, et c’est pourquoi on dit qu’elle est active.
- un produit de synthèse chimique est mort. Sa structure est
symétrique, son état se stratifie. Sa molécule ne s’oriente pas
préférentiellement, mais aléatoirement, c’est pourquoi elle est
source de désorganisation cellulaire, de cancers.

476
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 477

Si, en théorie, l’homme trouve aussi bien des acides aminés dans
les viandes et les poissons que les céréales, les fruits gras et les
légumes, en pratique, le problème est différent car dans le
premier groupe, à côté des protides existent les toxines des
maladies microbiennes, les ptomaïnes de la fatigue et de la peur
si redoutables pour nos nerfs, le cholestérol, et enfin des purines
animales. Ces dernières proviennent de la dégradation des
nucléoprotides - protides essentiels du noyau cellulaire - sous
l’action d’enzymes (nucléaires) qui libèrent des substances
pyrimidiques dont la destruction finale est l’acide urique très
toxique et qui fait tant souffrir les rhumatisants par ses dépôts
aux articulations.
Le tableau suivant donne des pourcentages de purines calculées
en acide urique, pour quelques aliments :

Il montre qu’on doit d’abord se méfier des nervins (café, thé, etc.),
puis des abats. D’une façon générale, les végétaux apportent
moins de purines que les viandes et les poissons. Ainsi sept cents
grammes de pain n’en contiennent pas plus que cent grammes de
steak. C’est pourquoi les régimes carnés exigent une excellente
élimination.

477
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 478

Une remarque doit cependant être soulignée, en ce qui concerne


la part du régime carnivore. Cela semblera a priori - comme
d’habitude - choquant à certains, mais il est de règle générale de
tuer soi-même la bête que l’on mange. J’en vois déjà certains qui
hurlent d’horreur, comme ces psychos qui, après avoir ( mal)
égorgé un pauvre lapin, se firent analyser durant deux ans. Les
couards, parce qu’ils avaient vu ce que d’autres font à leur place
afin de gaver leur ventre repu, eurent en face de leur pseudo-
conscience la vision de toute la lâcheté du système dans lequel ils
dorment. Le choc d’éveil fut trop violent, trop réaliste, trop dur
pour eux qui ne pensent pas à l’abattage du boeuf vis-à-vis
duquel ils acceuillent le morceau en goguette, ajoutant d’un ton
suffisant « à point, s’il vous plaît ».
« A point, s’il vous plaît » stipule qu’il a fallu tuer. Cet acte remet
les idées en place : tuez votre animal, et vous serez moins
gourmand de viande. Ajoutons à cela l’estimable valeur, tout de
même limitée, du fait ancestral de vous saisir de l’esprit de la
bête. Consommez la viande dont vous avez besoin, choisissez
l’animal en fonction de votre activité animique, sacrifiez comme
les Pères de l’Ancien Testament et tout rentrera dans l’ordre.
Mais, de grâce, évitez de vous attabler, sans faim, et de laisser
aux chiens la moitié du steak que vous avez trouvé trop raide.
Quant aux « je ne peux pas », qu’ils ne consomment plus de
viande, ou alors qu’ils revoient leurs notions éthiques.

Les glucides. Les glucides sont des composés ternaires de


carbone, hydrogène et oxygène dont les plus fréquents se
représentent par la formule générale des hydrates de carbone
Cn (H2O)m
où (n ) et (m ) sont des nombres entiers. Par exemple, dans le
glucose, glucide ( ou sucre ) le plus simple. n = 6 et m = 6 ; dans le
saccharose ( sucre blanc ), n = 12 et m = 11.
Les composés sucrés les moins complexes sont les oses - glucose,
saccharose, lévulose, galactose. etc., - donc les plus rapidement

478
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 479

assimilés. Les plus structurés sont les holosides, hydrolvsables


par des acides et des diastases, en oses.
Les oses - ces sucres non hydrolysables -, par conséquent
absorbés sans action des diastases, existent dans les fruits. Les
deux plus connus sont le glucose qu’on retrouve dans le sang et le
lévulose, de même formule (C6 , H12, 06), le premier déviant le plan
de polarisation de la lumière à droite (dextrogyre), le second à
gauche (lévogyre ).
Le glucose ne passe pas dans l’urine - sauf dans le cas du diabète.
Même dans cette maladie, son isomère, le lévulose ne filtre pas à
travers les reins, d’où sa recherche pour nourrir les diabétiques.
Le galactose est le produit final de la digestion du sucre de lait ou
lactose.
Les holosides sont divisés en diholosides et en polyholosides. Les
uns et les autres dérivent de la condensation d’oses avec
élimination. Inversement, la digestion diastasique décompose les
polyholosides en phase aqueuse et par degrés successifs jusqu’à
l’obtention des oses utilisables par les cellules.
Parmi ces isomères, nous trouvons le saccharose - sucre de
betterave, sucre de canne -, le lactose - sucre du lait -, le maltose -
sucre de l’orge germé ou malt, donc issu d’une première hydrolyse
diastasique de l’amidon.
Les polyholosides sont des sucres beaucoup plus complexes. Le
type le plus connu est l’amidon végétal du blé, des céréales, de la
châtaigne, des féculents où il joue le rôle de réserve nutritive. Les
divers amidons végétaux n’ont pas le même degré de
polymérisation, c’est-à-dire la même complexité. Plus ce nombre
est élevé, moins le composé est digeste. Sa dégradation par
hydrolyse exige davantage d’opérations diastasiques en phase
aqueuse. Les dextrines sont des amidons un peu plus simples, à
la suite de cuissons en milieu acide ou d’attaques enzymatiques.
Le maltose correspondant au saccharose est le résultat de
l’hydrolyse des dextrines ou des amidons quand le stade
précédent est sauté. Cette réaction chimique a lieu sous l’effet
des diastases. Les inulines sont des amidons assez simples,
contenus dans l’artichaut, le bulbe du lis ou le topinambour dont
le glucide de dégradation finale est le lévulose. C’est pourquoi on

479
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 480

conseille aux diabétiques de consommer ces substances


amylacées.
Les cellules ont un fort degré de polymérisation, surtout en
vieillissant. L’intestin humain ne les transforme pas en glucose
ou en lévulose, sauf très partiellement, si elles sont très jeunes.
Le glycogène ou amidon animal est du glucose condensé avec
perte d’eau que le foie met en réserve pour fournir à l’organisme
l’énergie glucosique au moment voulu. De cette façon, la cellule
hépatique libère le glucose quand il devient nécessaire aux
muscles et elle maintient son taux constant à environ un gramme
par litre de sang.
Dans l’état de bonne santé, l’organisme maintient le taux du
carburant principal qu’est le glucose à cette valeur, malgré les
efforts musculaires ou le froid. On appelle cela la constance
glycémique.
Quand l’hyperglycémie alimentaire tend à se manifester, foie et
muscles mettent le glucose en réserve, sous forme de glycogène,
grâce à l’insuline du pancréas. Il sera libéré au fur et à mesure
des besoins. Dans certains cas, il est en plus éliminé en partie
par les reins qui contribuent à la constance glycémique.
L’hypoglycémie momentanée est dûe à un travail trop grand par
rapport aux possibilités organiques ou à une nourriture
insuffisante. Aussitôt, le foie puise dans ses réserves
glycogéniques et libère du glucose. A défaut, il le fabrique à
partir de ses stocks de lipides et de protides.
Ces effets antagonistes sont contrôlés par des hormones -
adrénaline des surrénales, hormone hyperglycémiante de
l’hypophyse antérieure, thyroxyne de la thyroïde, etc. -par des
centres nerveux - centre diabétogène du bulbe, centre glyco-
régulateur de l’hypothalamus. L’excitation du système nerveux
orthosympathique conduit à l’hyperglycémie. Celle du
parasympathique à l’hypoglycémie.
La salive basique par sa ptyaline ou amylase salivaire amorce la
dégradation des amidons et des dextrines en maltose. Dans le
duodénum, le suc pancréatique basique, par son analyse
pancréatique, poursuit le maltosage des amidons et des dextrines.
Par sa maltase pancréatique, il attaque les maltoses pour libérer

480
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 481

du glucose. Dans l’intestin grêle, le suc intestinal basique met


enjeu ses amylases entériques qui achèvent de transformer
amidons et dextrines en maltoses puis ses maltases entériques
qui hydrolysent les maltoses en glucose ou en lévulose, ensuite
ses saccharoses qui dédoublent le saccharose en glucose et en
lévulose ; enfin ses lactases qui scindent le lactose en glucose et
galactose ou ses inulinases qui amènent les inulines à l’état de
lévulose.
Par conséquent, contrairement aux glucose, lévulose, galactose,
saccharose, lactose, les dextrines et surtout les amidons exigent
une digestion longue compliquée, risquant de freiner des cellules
vieillies, d’où les fermentations, les flatulences pour ceux qui
abusent de pain blanc, de farineux et de féculents. A la longue,
cette mauvaise alimentation malmène le tube digestif, l’irrite et
favorise la constipation. Par ailleurs, le sang voit son Ph baisser
et sa viscosité augmenter. Il en résulte une intoxication
grandissante de tout l’organisme qui peut l’amener au cancer.

Les lipides. Les corps gras ou lipides sont des substances


ternaires (carbone, hydrogène, oxygène) insolubles dans l’eau
mais qui peuvent s’y disperser en très fines gouttelettes en
présence de substances tensio-actives, telles que la bile du foie. En
pratique, ils constituent des mélanges d’esters, c’est-à-dire de
composés dérivés de l’association d’un alcool et d’un ou plusieurs
acides gras, avec élimination d’eau. Le plus souvent, l’alcool est le
triol glycérine, caractérisé par deux fonctions alcool primaire et
une fonction alcool secondaire donnant la formule développée
[CH2, OH, CHOH, CH2 OH ]
Les acides gras sont caractérisés par la fonction acide - COOH.
Qu’ils soient liquides (huiles) ou solides (beurres et graisses), les
corps gras se divisent en lipides simples formés d’acides
organiques et de glycérol (glycérine) et en lipides complexes
contenant des alcools compliqués, des bases azotées, des acides
gras et parfois de l’acide phosphorique (phosphatides) ou
sulfurique (sulfatides ).

481
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 482

Dans les membranes cellulaires, dans les cytoplasmes, dans les


noyaux cellulaires, on rencontre de nombreuses associations de
lipides et de protides qui forment des complexes lipido
protidiques.
Dans la digestion des lipides, la salive n’agit pas. Les lipases
gastriques du suc gastrique acide hvdrolysent des lipides déjà
émulsionnés (lait et neuf). Dans le duodénum, les lipases
pancréatiques plus puissantes que les précédentes en présence de
la bile émulsionnante du foie libèrent acide gras et glycérine,
fabriquant des « savons solubles ». Dans l’intestin grêle, les
lipases entériques achèvent l’action précédente.
En définitive, la digestion des lipides donne des acides gras
émulsionnés, de la glycérine et des savons que les laboratoires
entéritiques absorbent et modifient plus ou moins. Ce complexe
gras, par les capillaires chylifères et les vaisseaux chylifères, se
rassemble dans une citerne. De là, il emprunte le canal
thoracique et, par l’oreillette droite du cœur, se disperse dans le
torrent sanguin, auquel il donne un aspect opalescent. La
concentration lipidique du sang varie de 2 à 6 grammes par litre,
suivant l’heure et la composition des repas.

482
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 483

La digestion des protéines est possible grâce aux sucs gastriques,


pancréatiques et intestinaux. La digestion des sucres commence
avec la salive et se poursuit avec les sucs pancréatiques et
intestinaux. La digestion des matières grasses est favorisée par
la présence de la bile et dépend des sucs pancréatiques et
intestinaux.
Le foie, par la bile qu’il secrète dans le duodénum, met les corps
gras en suspension, ce qui permet leur digestion. Par ailleurs, le
foie entrepose des corps gras en réserve pour les restituer dès que
la nécessité s’en fait sentir. Quand l’alimentation est trop «
maigre », il en fabrique à partir du glycogène et du stock de
protides ( fonction lipogénique du foie ). Dans la lutte contre le
froid, il en brûle pour produire suffisamment de calories. Il
constitue donc un régulateur du taux lipidique dans l’organisme.
Le corps humain a besoin de plusieurs sortes de lipides
- pour lubrifier l’appareil digestif en. entier et faciliter le transit
intestinal ; - pour isoler les nerfs ;
- pour véhiculer les vitamines liposolubles ;
- pour assouplir la peau, lui donner des formes agréables et la
protéger contre les chocs et les écarts de température ;
- pour constituer les réserves énergétiques de secours dans le foie
et les tissus ;
- pour libérer une énergie élevée pendant les froids et au cours de
travaux fatigants et soutenus ;
- pour édifier les structures de la cellule, telles que les
membranes de filtration.
Théoriquement, on peut se passer de lipides alimentaires,
puisque certaines cellules sont capables de les synthétiser à
partir des glucides et même des protéines ; mais cela représente
un gros travail pour elles, plus utiles à épurer le sang et défendre
l’organisme.
Mais un excès d’aliments gras entrave dangereusement la
digestion, surmène, encrasse et alourdit le foie jusqu’à provoquer
des stases sanguines. Il conduit, comme l’excès d’amidons, à

483
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 484

l’obésité dont pâtit le cœur et qui abrège la vie. De plus, il


engendre des troubles hépatiques et contribue à l’hémogliase.
Pour bien vivre, sans surmener ses organes, l’organisme a besoin
d’une ration lipidique quotidienne très variée, comportant des
corps gras liquides et solides ( des acides gras saturés et
insaturés mono-insaturés, di-insaturés, etc., dits essentiels ).
Les lipides animaux ne sont pas à conseiller car ils sont en
général solides, donc plus difficiles à digérer et surtout parce
qu’ils servent de refuge aux microbes des maladies de la bête, de
lieu de concentration de leurs toxines, de drogues vétérinaires,
d’insecticides tels que l’HCH. Les lipides végétaux,
particulièrement ceux qui proviennent de culture
orthobiologique, sont plus sains et beaucoup plus digestes. Ils
nécessitent un cycle d’élimination moins intense.
La ration lipidique d’entretien chez l’adulte (R1) exprimée en
grammes, vaut environ la moitié du poids pondéral (P) en
kilogrammes :
R1 = P/2
Pour un homme de 70 kg, elle est donc de 35 g. Chez le gros
travailleur, ou par temps froid, on peut l’augmenter en tenant
compte de la capacité hépatique, mais sans exagérer, car
l’énergie qu’elle procure dérive d’une digestion assez difficile. On
l’obtient plus simplement et avec moins de risques, à partir de
fruits gras et de céréales.
Acides gras saturés et insaturés. Tous les corps gras sont des
mélanges dans lesquels se trouvent des esters d’acides gras.
L’importance de ces acides ne se discute plus. Les uns sont à
chaîne carbonée saturée plus ou moins longue - acide butyrique
(4 carbones), palmitique (16), stéarique (18), arachidique (20),
etc. Les autres à chaîne carbonée insaturée contenant une double
liaison ou deux, ou même trois - acide oléique (18 ; une double
liaison), linoléique (18 ; deux doubles liaisons), linolénique (18 ;
trois doubles liaisons), etc. De toute évidence, les acides gras
insaturés sont les plus précieux parce que les plus réactifs, les
plus aptes à s’inclure dans une structure cellulaire. En
particulier, les acides palmitoléique (16 ; une double liaison),
oléique, linoléique et linolénique sont essentiels ; ils doivent

484
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 485

figurer dans la ration lipidique quotidienne. On les trouve de


préférence dans les huiles végétales, telles que l’huile d’amande,
d’arachide, de noix, d’olive et de tournesol.
En moyenne la ration lipidique quotidienne doit apporter 5 à 10%
d’acides saturés ; 30 à 80% de mono-insaturés ; de 5 à 15% de di-
insaturés et de 3 à 5% de tri-insaturés, ce qu’on réalise
facilement en consommant des huiles variées, quelques fruits
gras (amande, arachide, noisette, noix, olive noire, sésame, etc.)
et des céréales.
Stérols. Tous les corps gras alimentaires contiennent des
insaponifiables dans lesquels la glycérine fait place à des alcools
à noyau cyclique. Les stérols, dont deux seulement sont absorbés
par les intestins : l’ergostérol ou vitamine D et le cholestérol.
Le cholestérol aide à émulsionner les corps gras dans le sang. Il
défend l’organisme contre les infections, combat l’anémie, règle le
taux des phospholipides dans les humeurs et les cellules. Par
contre, quand il est trop abondant et imbriqué dans un complexe
trop riche en acides gras saturés, il précipite sous forme de boues
contre les artères qu’il oblitère et durcit, provoquant des troubles
cardiovasculaires.
Par conséquent, on doit de préférence, en activité normale,
consommer des corps gras pauvres en cholestérol, ce qui exclut
beaucoup de produits animaux, et riches en insaturés. Les
phytostérols que l’on rencontre dans les lipides végétaux et qui
sont les analogues des stérols et du cholestérol, n’ont aucun des
inconvénients de ces derniers.
Pour éviter donc les dépôts de cholestérol qui nuisent aux
artères, et maintenir le cholestérol à dose convenable dans le
sang sans qu’il en précipite, il faut utiliser des huiles naturelles
végétales insaturées et peu de corps gras animaux, pas plus que
les huiles hydrogénées que la chimie industrielle a privées de ses
meilleurs constituants, en les rendant inactives (symétriques).
L’organisme se renouvelle sans arrêt et dépense des énergies. Par
conséquent, il doit quotidiennement absorber des aliments pour
bâtir ses structures tissulaires et produire de l’électricité, des
ondes électromagnétiques et des mouvements. Etant donné sa
physiologie, sa nourriture doit lui fournir de l’eau, des ions, des

485
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 486

protides, des glucides, des lipides, des vitamines, des oligo-


éléments dans des proportions bien définies.
Les calories qu’il met en jeu, il les obtient dans de meilleures
conditions, avec le moins de toxicité. en oxydant d’abord des
glucides, puis en secours des lipides et au besoin des protides.
La ration d’entretien pour la construction, le développement ou la
réparation des tissus, est assurée en premier lieu par les
indispensables protides. Ces composés servent plutôt à la
structuration des cellules, et fort peu à la production de chaleur,
car leur digestion est difficile et leur dégradation coûteuse pour
l’organisme, puisque l’excès de leurs déchets malmène le foie, les
reins, le cœur et les nerfs et qu’il est vite toxique pour tout
l’organisme - toxémie généralisée qui accélère le vieillissement et
favorise les états précancéreux.
Ne pas oublier que la valeur quantitative ne conditionne pas
tout. La qualité importe autant. On évitera tout aliment dont les
protides sont accompagnées de purines et de cholestérol. On les
variera pour être certain d’absorber les dix acides aminés.
Vient ensuite la ration lipidique qui sert d’abord à protéger
l’épiderme et les nerfs et qui participe à la structure cellulaire.
Elle doit être assez réduite afin que les digestions ne soient pas
trop lentes et susceptibles de fermenter.
Enfin, intervient la ration glucidique qui sert peu dans les
structures cellulaires, à peine dans la synthèse des lipides par le
foie, chez l’adulte qui se nourrit bien. Elle est surtout satisfaite
par les fruits sucrés de bonne maturité qui donnent du glucose et
du lévulose directement utilisable, sans processus digestif
compliqué ou toxique ; ensuite, par les céréales riches en amidons
peu polymérisés (blés) et dextrinisés par de sages cuissons ou des
fermentations convenables (levains), enfin par des légumes. On
peut proposer les formules suivantes
adulte au travail Rg = 7 ou 8 (P)
enfant Rg = 6 (P )
adulte au repos Rg = 5 (P)
vieillard Rg = 4(P)

486
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 487

Avec les formules ci-dessus, les rations pour un adulte au repos


ou au travail, de 70 kg et exprimées en grammes, par jour, sont :

Ces règles ne sont pas strictes. Elles se modèlent au gré des


circonstances, des efforts et des saisons.
On ne parlera pas des vitamines ni des sels minéraux, dont vous
trouverez l’essentiel de leur fonction dans un ouvrage sérieux de
biochimie. La partie « sels minéraux » entre dans le cadre de la
transmission orale.
Nous vous indiquons que ce qui est souligné précédemment, par
analogie, révèle bon nombre d’opérations philosophiques.
Quant à la valeur énergétique globale, ou calorique, voici un
tableau qui donne quelques indications

Age Hommes Femmes

6 ans 1600 1600

10 ans 2000 2000

20 ans 3600 2600

25 ans 3000 2300

45 ans 2900 2100

65 ans 2600 2000

487
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 488

Activité Hommes Femme


s

bureau 1700 + 1400 +


800 900

travaux 1700 + 1400 +


moyens 1500 1400

gros 1700 + 1400 +


travaux 3000 2200

La question du jeûne, bien qu’elle fasse partie intégrante de ce


degré, sera examinée dans le tome II d’Introitus. En effet, son
efficacité, actuellement, hors des circuits traditionnels, voit son
accès barré par vos pratiques modernistes.
Cela veut dire qu’il vous faut auparavant appliquer ce qui est dit
sur les nourritures de l’étage du bas, pour rendre réellement
opérant le jeûne.

Après avoir examiné schématiquement l’essentiel des


transformations de matières à bas niveau d’intégration cosmique
- les aliments -, voyons quelques grands traits engendrés par le
deuxième choc conscient : la respiration.
Subtilement classés dans les grandes familles que nous venons
de décrire, les élaborats, dans leur premier état d’assimilation
transfigurative, sont charriés dans le sang par les diverses «
sorties » qui sont illustrées ci-devant. Vient maintenant la
deuxième grande phase sur laquelle l’homme peut avoir une
action ( voir page 333 ).
Les quatre cavités du cœur constituent deux pompes distinctes
qui fonctionnent côte à côte. Chacune d’elles donne des
impulsions dans les subdivisions du système circulatoire qui leur
sont propres. Le « cœur droit » reçoit le sang pauvre en oxygène
et l’envoie dans la circulation pulmonaire, alors que le « cœur

488
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 489

gauche » distribue le précieux liquide à tous les tissus de


l’organisme.
Par l’infinie quantité d’artérioles, le sang saturé en carbone, lui-
même dissous par les processus précédemment décrits au cours
des métabolisations successives et respectives aux différents
organes, cède son gaz CO2 pour recevoir de l’oxygène. Il transmet
ainsi sa part d’oxygène aux cellules, dont chacune d’elles capte
une infime quantité.
Il existe donc deux sortes de respiration chez l’homme la
pulmonaire, dont vous pouvez contrôler la qualité par votre
mental ; la cellulaire, que vous dirigez indirectement par le bon
usage du manger, puisque ce dernier entre dans une grande part
des processus d’oxydo-réduction cellulaire.
La régulation de l’amplitude et de la fréquence respiratoires -
dont dépend la qualité du deuxième choc conscient -, est sous le
joug de facteurs nerveux et d’éléments chimiques. Des filets
nerveux partent des poumons, du diaphragme et des muscles des
côtes, pour gagner le bulbe rachidien - deuxième cerveau. A ce
niveau de commande, l’interdépendance de facteurs nerveux et
moléculaires est fondamentale. Ce subtil équilibre est
directement soumis, par le haut, à l’incidence de l’idéalisme
frustré.
En effet, chez un tel être qui n’accomplit pas ce pourquoi il est
créé, se fabriquent des déviations fixes entre les pôles électriques
et moléculaires. Ici encore, la vie émotionnelle, qui subit et stocke
les contrecoups d’une vie intérieure et extérieure inadaptée,
colore les activités de l’individu et dépolarise l’énergie mentale,
tout en organisant un trouble d’alimentation bulbaire. Le
transfert de la pensée ne s’effectue pas à l’intention du premier
cerveau, mais de la fonction émotionnelle. Ce transfert n’est plus
le facteur déclenchant de l’énergie vitale ; la pensée s’oblitère et
s’abaisse au niveau de l’émotivité : les fonctions supérieures ne
reçoivent pas leur énergie sublimée, cette dernière se dissout en
d’épaisses ondes dont la fréquence vient parasiter celles qui
commandent le fonctionnement de l’appareil endocrinien, d’où «
mauvaise santé », pour finalement se perdre dans les indus
élaborats issus de vos particularismes alimentaires ( ce qui leur
donne encore plus de fixité ).

489
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 490

Au lieu de remplir leurs rôles réciproques, les fonctions, ainsi


troublées, travaillent les unes dans les autres. Cela réduit
considérablement les échanges, car l’énergie vitale s’éparpille,
contrainte d’agir comme si une multitude d’incendies se
déclaraient dans mille points du corps, au lieu d’exercer son
dynamisme essentiel : celui de la compréhension. Un gaspillage
énorme d’énergie s’ensuit, rendant inefficaces les nobles pulsions
mentales, réduisant à l’impuissance la volonté. Ce perpétuel état
déviateur, concernant d’illicites opérations intérieures qui ne
devraient pas être, est à l’origine du fait que vous dépensez bien
plus de force qu’il n’en faudrait pour résoudre une question reliée
au but. D’un côté, vous ne savez pas alimenter vos trois étages
comme il convient, de l’autre vous ne savez pas non plus
économiser l’énergie résiduelle produite tant bien que mal par
votre organisme, qui a toutes les difficultés à neutraliser vos
réactions négatives parallèles.
La volonté, ainsi détournée, ne porte plus sa dimension
qualitative d’amour, car ce qu’elle produit s’est métabolisé en
grande partie sous forme d’émotions personnelles. Alors au faîte
de cette castration, vous êtes tenté d’employer plus de volonté
encore, de déployer une immense énergie, qui vide vos autres
fonctions, vous rendant par la suite inapte à réagir sainement en
face d’une question qui les concerne. Vous devenez faussement
efficace et l’utilisation de mimiques collectives, tout en venant à
votre secours, renforce ces néfastes structures.
Vous usez alors d’innombrables exercices dont le but est de «
concentrer votre volonté », voire de l’associer avec la communauté
qui a les mêmes schémas problématiques, et vous soumettez sans
le savoir votre propre libre arbitre - comme celui des autres -.
N’ayant plus la volatilité requise, votre libre arbitre se cristallise
en options fixes dépourvues d’amour, qui se métabolisent et qui
véhiculent dynamiquement la maladie. C’est ici le véritable
vecteur de contamination, car la fixité de la volonté en certitudes
s’accommode des processus d’identification. Voici le plan
moléculaire.
Bien plus utile est la manifestation de l’amour, acte directement
lié à ce second choc, à la respiration. C’est pourquoi le souffle est
la correspondance de l’Esprit, et c’est aussi la raison pour
laquelle, au fond, l’amour est la source la plus puissante de

490
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 491

désintoxication. En effet, les poumons massent selon un rythme


cosmique le plexus solaire, réseau nerveux capital situé
matériellement au dessous du sternum. Ce dernier marque la fin
des trois centres (gonades, surrénales, pancréas) qui organisent
la vie de l’étage inférieur, charnière entre les fonctions animiques
et émotionnelles : son activité est considérable. En fait, le plexus
solaire n’est pas un lieu précis, il est un carrefour reliant d’une
manière majeure le cœur et l’hypophyse, du point de vue de leur
rôle traditionnel.
Le plexus solaire est donc pour vous, aspirant, le siège des
stimulations le plus important. C’est lui qui est l’appareil
sublimatoire chargé de véhiculer en haut de vous ce que votre
ascèse sur le ventre vous aura apporté. Les Pères prêtent la plus
grande attention au fonctionnement de votre plexus solaire. C’est
par ce lieu qu’ils vous voient, qu’ils savent quel est le degré précis
de votre accomplissement.
En effet, dans la mesure et seulement sous cette condition, où
vous êtes en contact stable avec votre âme, un flux d’énergie
descend vers ce centre par l’hypophyse, avec comme conséquence
des fruits dont vous ignorez la teneur. Si vous pouviez seulement
établir en vous une permanence suffisante pour que cette pulsion
soit constante, vous constateriez que le plexus solaire est
l’exutoire de votre corps astral, de votre vie émotionnelle. Mais,
malheureusement inexistant, cette absence crée une situation «
tampon » à votre fonction émotionnelle, qui est alors contrainte
de se métaboliser en processus physiologiques, s’alliant aux
élaborats par mouvements ondulatoires, plus tard délégués c’est
à ce point précis que les influx nerveux se transforment en
molécules parasites, dont l’association aux transformations
alimentaires compliquent plus encore les assimilations.
Autant vous dire que l’estomac est le premier organe qui souffre
dès que vous vous placez en situation d’élève. Votre propre
volonté, qui fut toujours fixée, est focalisée davantage, alors que
du côté intérieur vous savez que votre aspiration est toute
empreinte d’amour. Ce n’est qu’à ce niveau, vous vous en doutez,
que le mental commence à fonctionner normalement, car il est en
mesure de poser d’authentiques interrogations, au lieu de
véhiculer mécaniquement ses identifications habituelles.

491
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 492

L’aptitude à contrôler votre vie émotionnelle, et par voie de


répercussion votre plexus solaire, est une condition impérieuse
d’accession à la Sainte Assemblée des Philosophes. Là où il ne
règne qu’amour et loyauté, les liens collectifs se doivent d’être
alors plus aspiratoires que désireux.
Etant l’échappée de votre vie émotionnelle, le plexus solaire est
donc le régulateur de l’idéalisme - au sens positif du terme -
frustré ou accompli. Sa relation au plan astral est très aiguë. Et,
comme il est la charnière entre votre fonction animique et
affective d’une part, et qu’il est le véritable cerveau de votre vie
émotionnelle, sachez que tant que vous serez lié par l’ego en vos
décisions - c’est-à-dire prisonniers de toutes vos assimilations aux
mimiques sociales -, le collectif pèsera sur vous de toutes ses forces
involutives, car l’humanité est soumise à une pression
insoutenable en regard des forces quantitatives, puisqu’elle les
consomme abondamment.
Les processus d’attirance aux énergies inférieures sont dictés par
l’acquisition massive d’attitudes multiples, pesantes, quelle qu’en
soit leur appartenance. Suivre la route généralisante actuelle
vous polarise vers un mode de centralisation néfaste, dont le
raffinement solaire - sol - rend impossible votre résurrection -
Lazare. Leur transmutation, s’effectuant quasiment sur place,
vous rend idiot, car il déconnecte essentiellement votre mental
qui ne fonctionne que comme un procédé « vidéo ».
Seul un effort vivant peut venir à bout de ce terrible
automatisme, et c’est pourquoi un instructeur se charge d’abord
de vérifier si vous êtes prêt à subir la métamorphose.
Immanquablement, un authentique instructeur questionne
toujours sur la fonction émotionnelle de ses interlocuteurs, car il
est à même de constater vraiment par là si le postulant est apte
ou non à poursuivre.
La respiration se manifeste superficiellement sous deux formes
d’existence : celle qui est automatique, celle qui est artificielle.
Bien entendu, deux types d’impulsions musculaires commandent
ces respirations ; elles ne sont pas mises en mouvement par les
mêmes muscles. Il est même convenant de dire que l’automatique
est de filiation nerveuse, alors que l’artificielle subit plus
l’influence moléculaire. Le groupe des muscles commandés par la

492
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 493

fonction motrice n’a rien de commun avec celui qui est capable de
prendre en compte le contrôle conscient de la respiration.
La fonction émotionnelle, lorsqu’elle est mal assumée, étend sa
zone d’influence nerveuse et chimique sur le bulbe, lui-même
directeur de la respiration automatique. Lorsque la fonction
émotionnelle est autant perturbée qu’elle l’est de nos jours,
l’activité respiratoire imputable au bulbe acquiert une certaine
dose d’inactivité, de sommeil, parce que les émotions « contrôlent
» plus ou moins l’acte de respirer. Alors, le bulbe commence à
travailler en imitant les rythmes indus imposés par vos stress
émotionnels. Il s’ensuit une seconde barrière, qui s’oppose aux
sublimations des élaborats issus du bien manger et passent dans
vos poumons par le sang. Une fois de plus, vous empêchez les
substances de se rendre encore plus volatiles, afin qu’elles soient
transmutées par la juste respiration - automatique -, en un état
tel qu’elles puissent être métabolisées par votre mental.
Tous les efforts, qui doivent retenir votre attention sur ce
deuxième choc conscient, impliquent la restitution du bien
respirer par les muscles qui le concernent. Avant tout espoir de
contrôler quoi que ce soit par la respiration, réapprenez à vivre
votre souffle normalement, en l’absence d’incidence émotionnelle
ou mentale. Aussi, je ne vous autorise pas la pratique d’exercices
respiratoires enseignés dans les livres ou par de pseudo-
connaisseurs, parce qu’il est préférable, avant cela, de changer
bien d’autres choses en vous, et notamment de rendre impossible
la jonction de votre affect avec votre bulbe. En d’autres termes, il
vous faut « ponter » convenablement votre hypophyse à votre
plexus solaire. Cela, vous ne pouvez y parvenir seul, par votre
propre initiative.
La rare pratique efficace concernant vos poumons ou ce deuxième
choc, est le contrôle de la respiration à l’aide de pratiques
traditionnelles : psalmodies, prosternations qui, outre leur
caractère propre à la bonification de l’humilité, peuvent
efficacement, par influence traditionnelle, même en l’absence
d’une compréhension mentale parfaite, restituer les pulsions
respiratoires aux muscles concernés. Par voie de conséquence,
exercitatio paralyse le schéma mécanique fixe des stress
émotionnels. C’est pourquoi, d’une part la prodigalité de la prière
est ordonnée dès que vous subissez une contrainte intérieure ou

493
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 494

extérieure mettant en branle vos émotions et, d’autre part,


certains prêtres peu accomplis intellectuellement sont
effectivement les véhicules de la Tradition, pourvu qu’ils se
conforment aux rites ancestraux. L’évolution de ces derniers, si
elle est arrêtée sur le plan personnel, est tout de même suffisante
pour transposer les énergies traditionnelles, parce qu’ils se
conforment à un ensemble de rites dont le but est d’assumer
malgré tout cette sainte jonction.
Aussi, même si votre ego réprouve le rite, même si vous souffrez -
et a fortiori - toutes les difficultés face au Te Deum, je vous
conseille vivement d’exercer quotidiennement ce qu’enseigne la
Tradition, afin d’amorcer, sur un plan qui n’est pas vôtre, le
processus transfiguratif, d’une manière assurée.
Mais de quelle nature est ce rayonnement qui, une fois le plexus
dûment régulé - et seulement sous cette condition - se manifeste
en de précis événements de l’Œuvre philosophique ? Quel est ce
lien réellement indissoluble, unique et providentiel, à l’image des
Tables de la Loi, qui monte les gammes vibratoires crescendo
vers les polarités d’ouverture aux mondes irréversiblement
transfiguratifs ? Comment stabiliser l’énergie émotionnelle, afin
d’être digne de recevoir la clef du grade d’Artiste ?
Lorsque la fonction astrale a pu acquérir, par exercice, la densité
requise, l’être est alors gratifié de l’« ange gardien ». Ce dernier
devient un interlocuteur sacré, tout comme les sens sont sur le
plan inférieur les organes de relation. Mais, traditionem ab ipso
magistro accipietis.

Mes fils, sachez que je viens de vous décrire, par analogie, le


processus précis des aigles. Ce qui est en haut est comme ce qui
est en bas : outre ce que vous avez pu apprendre précédemment
sur vous-même, sur le second corps qui est de dimension solaire,
je vous astreints à l’exercice de l’analogie parce qu’il est celui qui
est le plus utile dans l’ascension chymique. Entendez bien et ne
perdez jamais cela de vue.

494
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 495

En outre, vous avez pu remarquer que nous sommes plus entré


dans le détail, sur ce chapitre du ventre, que pour les autres
degrés. Cela est voulu. Nous aurions pu agir identiquement pour
les treize précédents barreaux, mais il ne le faut pas : vous devez
apprendre par vous-même.

Ce serait une faute de ne point souligner l’extrême importance de


l’alliance du souffle avec le son humain, surtout sur le plan
capital de la liaison vocale avec la Science. C’est, en effet, à partir
du deuxième œuvre en général que les sons, dûment générés à
l’aide d’instruments et ce dans l’intonation juste, apportent leur
salutaire et impérative contribution.
Notez présentement la charité de nos termes, qui donnent un
élément de réponse concret à la vitale question précédente. Le
chant traditionnel, accompagné d’accords canoniques, est
littéralement l’instrument d’une formule sacrée. Alléluia,
Hosanna, ... , nombreuses sont les invocations d’ordre divin, dont
la racine est universelle : autant le divin est unique, autant le
rythme est le seul langage chanté accessible à tous. L’éclatement
de la Tradition a repoussé ce fait cosmique en appendice des
curiosités passéistes ; et pourtant, je vous assure que cette magie
est tout aussi importante que la langue des oiseaux. Notoire
divulgation, dont la gravité est extrême, car elle est l’appareil
concret qui assure efficacement, et en dehors du tumulte actuel,
la régulation vobis invito de votre émotivité. Visualisez les
conséquences qui en découlent, puisque vous savez maintenant
que l’énergie émotionnelle, dûment restituée à son Destinataire,
vous autorise l’émission de ce rayonnement, sans lequel il est
absolument illusoire de prétendre au second œuvre. Révélation
qui vous autorise tout en même temps à vérifier qui est digne ou
non du second œuvre, l’accomplissement de ce dernier ne pouvant
s’effectuer sans une profonde connaissance de la rythmique
traditionnelle et, surtout, sans la pratique effective et
quotidienne de son exercice. Autant vous dire que cette
réalisation ne peut se consommer sans la métabolisation des
précédents degrés, ni par pur et simple désir fantaisiste de votre
prétention. Ce n’est pas parce que vous écouterez quelque

495
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 496

musique grégorienne que vous serez gratifié de sa force. En effet,


pour recevoir cette indispensable initiation, il faut que les
muscles du larynx fonctionnent, que votre souffle obéisse à des
règles sacrées, afin que votre thyroïde et les autres glandes soient
équitablement stimulées en dehors de la sphère de vos désirs.
C’est ainsi que de nouvelles substances peuvent naître en vous,
et c’est pourquoi la communauté est inévitable à un certain degré
d’accomplissement, temporairement.
Cessez d’imaginer que l’alchimiste est cet être éternellement
solitaire et qu’il aboutit par l’observance rigide d’une vie
érémitique absolue. Si la retraite est impérative pour un temps,
tout comme la continence, elles doivent cesser dès que les
processus physiologiques et intérieurs ont acquis une dimension
de permanence.
Dans le passé, les Artistes se voyaient entre eux, ils travaillaient
ensemble une période, afin de vivre tous les bienfaits de la
communauté, c’est-à-dire appliquer les concrets préceptes
dogmatiques. Voici pourquoi il me faudra vous réunir quelques
fois, pour que vous soyez extraits du courant des suggestions
sociales et modernistes, et pour que vous puissiez de même vivre
l’indémaillable par la lettre.
Les écrivailleurs de tous milieux, qui osèrent s’aventurer en
termes pompeux dans les sentiers d’une investigation théorique
du deuxième œuvre - alors qu’ils n’ont pas même accompli le
premier - prétendent que leurs indications sont susceptibles
d’être utiles aux néophytes. Non seulement elles ne le sont pas,
mais vous pouvez maintenant constater à quel point elles sont
dangereuses. Car, pour véhiculer un ensemble d’émotions
capable de contenir en lui-même l’essentiel du second œuvre - sur
le plan affectif -, il est impératif d’être ce qui ressort
intrinsèquement dudit. Vous aurez dès lors compris que, si le
premier œuvre peut être décrit, le second doit se ressentir, et le
troisième contentum esse. Combien donc sont nombreux les
palabreurs de toute teinture qui projettent au-delà du tolérable
leur licencieux exercice de style.
La musique canonique constitue une part importante du juste
redressement de votre fonction émotionnelle. L’énergie de la
parole produit dans ce cadre des émanations de vibration

496
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 497

primordiales. Le but essentiel de cette cosmogonie rituelle est de


rassembler, autour d’un thème donné, différents aspects d’une
même source, afin que son émission intégrale projette la
manifestation éprouvée à travers vous de son essence originelle.
Ce n’est que par cet artifice que votre œuvre prend l’identité dont
vous portez le nom, lui-même inscrit quelque part dans le destin
divin qui vous embrasse. Il est en effet fondamental - car c’est le
signe même de la filiation - que la matière contenue dans le
vecteur rituel du chant rencontre votre formulation intérieure et
émotionnelle. Ce n’est que par cette condition que ce vecteur peut
se poursuivre au-delà de vous vers vos matières, de manière plus
nette encore vis-à-vis d’elles. Elles sortent alors du monde de
l’indifférenciation, reçoivent le Verbe par l’entremise des
vibrations dont vous êtes les signataires. Au-delà de la densité de
présence que contient l’acte lui-même, cette dernière se teinte de
votre murmure subtil, astral. La vibration contient alors l’énoncé
de votre aspiration intérieure. Il s’agit là en réalité de deux
vibrations harmoniques, dont la première reste l’outil d’ouverture
essentiel, alors que la seconde - la biréfringente - représente
l’énergie de votre volonté aimante.
Les litanies sont avant tout, vous vous en doutez suite aux
précédents propos, la manifestation même de l’amour. Elles sont
l’impulsion même, loin d’être un assemblage de plusieurs
intonations ennuyeuses, qui atteint un état de complète
unification entre les événements qui se déroulent au laboratoire :
Dieu, vous, la manipulation et ses matières. Source de la force
efficace, elles présupposent évidemment l’état de béatitude de
votre conscience, c’est-à-dire l’absence totale de vos egos
omniscients. C’est pourquoi elles sont inefficaces récitées par des
suffisants : elles n’agissent jamais seules, comme par une
causalité purement mécanique qui serait attachée uniquement
au son émis. Les litanies n’existent que prononcées avec le cœur.
Outre l’exactitude de leurs termes nécessaire, l’essentiel se situe
dans l’énergie spirituelle avec laquelle elles sont chantées. Elles
ne peuvent être envisagées vivantes en dehors de cette
impérieuse condition, car elles sont le substrat énergétique de
toute vie et de toute efficacité.
La béatitude préside la Direction merveilleuse, dont la
responsabilité vous incombe totalement, reliant par l’artifice

497
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 498

sonore l’éducation de votre souffle à la sublimation (vers votre


mental) des substances chargées de vibrations divines.
L’apprentissage de ce deuxième choc conscient est, par voie de
conséquence, tout contenu dans l’état de béatitude. Il est inutile
d’espérer quoi que ce soit au seuil du deuxième œuvre, si vous
persévérez à rester hautain et entêté dans vos certitudes égoïstes
et votre indocilité. Vous devez apprendre, tout en même temps
que l’aspect technique des litanies, la félicité parfaite. Et, comme
d’habitude, cette faculté de l’âme ne s’acquiert pas par le
descriptif de ses manifestations extérieures, mais par l’exercice
des conditions de sa réalisation intérieure.

Beatitudo. Il a deux jours. Regardez-le dans les yeux un instant.

Qu’est-ce à dire ? Aux êtres innocents sont donnés les songes


initiatiques : vous savez ce que cela signifie. Votre destin en

498
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 499

Alchimie est celui de la sanctification : ce que l’oeil ne voit pas, ce


que l’oreille n’entend pas, ce qui est inné en patience et douceur
spirituelle, ayant expulsé à jamais toute forme de malice. La
volonté est balayée par la grâce de Dieu.
Les plans d’expression musicaux restent assujettis aux
structures psychiques - quand bien même elles leur sont
complices -. Elles ne sortent pas du cadre de ces dernières : leur
extension ne dépasse pas la terrible limite du mental pour, par
effet « boomerang », ne desservir que lui-même. Voici qui rend la
confusion entre les plans d’expression et la béatitude impossible.
Le psychique, jusque dans sa quintessence la plus fine qu’il lui
est permis de métaboliser, n’est pas l’appareil formateur chargé
de transmettre une conviction. Pour ce, la seule condition à
requérir est celle de croire. Nous ajouterons même que plus le
mental se retire du mouvement en question, mieux la conviction
passe et garde sa force. L’individu lui-même ignore qu’il est en
train de convaincre car, dès qu’il le sait, le sujet est ramené à
l’objet, le privant de son contenu. Le dynamisme cesse pour se
stratifier en monolithe doctrinal. Le mouvement est capté par
l’ego, cessant alors d’être le mouvement.
La musique canonique, qu’elle soit interprétée
instrumentalement ou vocalisée, demande bien entendu de
diriger l’action dans un optimisme créateur. Nous retrouvons ici
tous les blocages, tous les conditionnements entreposés jusque
dans les processus physiologiques. La transmission orale doit
donc s’effectuer avec un maître, par sa propre conviction
communicative, afin que vous puissiez puiser votre flamme, en
dehors de vos schémas cristallisés. En d’autres termes, cela
revient à vous donner faim de la nécessité impérieuse de rendre
des actions de grâce. Cet acte sacré est celui qui est à l’origine de
votre re-connaissance envers Dieu et la Dame, auquel votre piété
filiale adhère, afin que le vase de vos louanges ne se répande pas
au dehors vulgairement, car il contient vibratoirement cette
communion destinée à Dieu.
La spontanéité ne s’atteste ici que par la fidélité à la personne
transcendante, ce qui lui garantit l’universalité ainsi que son
renouvellement perpétuel. Les structures musicales sacrées ne
répondent donc pas à une éthique, mais bien plus à une foi

499
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 500

observante de ses devoirs. Soli Deo Gloria, le sacré n’est pas


séparable de son sanctuaire, et ce sanctuaire, c’est vous.
La grande confusion moderniste, celle qui est responsable de la
fausseté d’innombrables manifestations dites musicales à
prétention « sacrée », ne sait pas discerner entre la prière que l’on
chante et la prière qui se chante d’elle-même. Dans la première
trône l’interprétation, alors que la seconde est le témoignage de
la liaison entre Dieu et l’homme.
Tous ceux-là, contemporains ou non, oublient le fait le plus
important de l’histoire de votre civilisation : celui de l’avènement,
du Verbe fait chair dans le sein d’une Vierge, demeurant présent
physiquement et spirituellement dans l’Eucharistie. Le fait
historique engendra une succession d’actes qui lui sont
directement rattachés. Il s’ensuivit la chronique des rapports
entre Dieu et les hommes et, puisque l’avènement originel fut
d’ordre verbial, il est naturel que le déploiement de son
dynamisme, au fur et à mesure des siècles, garde cette
empreinte. Le sacré ne s’est donc pas « désacralisé », car ce sont
les interprétations qui ont éloigné les hommes du vécu direct.
Autant rappeler la disponibilité immédiate dont les êtres
jouissent, comme de tous temps, de même que leur éloignement :
manifestement, leurs interprétations musicales desservent
d’autres buts que sa signification profonde par elle-même ; telle
une forme de plaisir intellectuel, une somme de considérations
collectives, et tant d’autres tares dont les modernes sont affublés
et qu’ils ne veulent pas délaisser pour un empire.
Le chant ou la mélodie divine, ramagé par les hommes, n’est pas
(seulement) une œuvre musicale, elle est la substantielle parole.
Texte actif proclamant l’adhésion fraternelle, elle est la
manifestation immédiate des esprits communiant à la vérité
permanente. Diction réfléchie, à l’opposé d’une traduction ou
d’une répétition même parfaite, sa force est ce que la voix orando
reste totalement dépourvue des inclusions capricieuses et
personnelles. Et, contrairement à ce que les contemporains
imaginent, ce n’est pas en parfaisant les modes d’interprétation,
selon des techniques qui n’ont plus aucun rapport avec le
message, que la cantillation garde ses caractéristiques mystiques.

500
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 501

Bien au contraire, c’est dans le mouvement même de la foi que se


retire toute forme extérieure et sujette au temporel.
Faut-il voir ici une sévérité excessive ? N’y-a-t-il pas justement,
dans l’observance de cette précieuse règle, la garantie de
conscience ? Peut-être vous plaindriez-vous de l’austérité de mes
termes. Moi, je vous mets en garde de ne point trahir cette
fidélité, de ne point renoncer à son esprit car, s’il perd son sens,
la relation divine n’existe plus : les bruiteurs n’ont plus qu’à se
retirer du temple, lui qui fut destiné à un usage bien différent.
Que l’on ne nous en veuille donc pas d’inclure, dans nos propos,
les innombrables imitations à vocation prétendument de «
musique sacrée », voire la plupart des chorales dont leurs gens se
soucient plus de la couleur de leur robe que du contenu du texte
qu’ils interprètent. Déviation qui pour nous reste fondamentale,
retraçant l’exacte saveur du pharisaïsme sous toutes ses formes,
ces modernes cantiques, sur lesquels on n’hésite pas à placer les
mots « hymne », « psalmodie », démontrent la disparition de la
liaison substantielle entre Dieu et l’homme. La forme extérieure,
d’une magnificence frôlant la superbe, est le seul motif pour
lequel on aime palabrer entre amis autour d’un verre. Le
message, lui, est laissé, à ce qu’ils disent, aux malades mentaux.
On ne distingue pas le religieux pour soi et le religieux en soi .. .
C’est Michael Meier qui fut le premier Adepte à souligner, pour
les fils de Science, l’extrême importance de la psalmodie. Par sa
filiation opérative, sine qua non, la Chymie et sa mélodie sacrée
dépasse infiniment l’esthétique. Ici plus que jamais, l’acte de
prière prédomine sur l’extériorisation musicale. Le plan
surnaturel est l’unique référence, par votre foi et votre amour
pour Marie. S’il n’était pas question que de musique pure,
croiriez-vous que je quitterais mon laboratoire ?
En Alchimie, il est impossible de bien chanter sans bien prier.
Or, pour qui s’intéresse vraiment à ce que le Maître
précédemment cité eut l’extrême charité de révéler - c’est peut-
être la plus grande bonté qu’un Adepte nous prodigua -, vous
remarquerez que les clefs, introduisant les notes savamment
équilibrées, ne sont pas les mêmes que celles de notre temps : il
est a priori irréalisable d’entrer en relation avec le langage
musical, initiateur à la Langue des Oiseaux.

501
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 502

Je sais que certains détracteurs nous rétorqueront que l’époque


ne dispensait que cette écriture musicale, démontrant, une fois
encore, le bien-fondé de leur lâcheté : car en effet, si le bon
Michael - et vous voudrez bien réfléchir à la signification de ce
prénom qui, dans son siècle, voulut indiquer la bonne route -
insista fermement sur cette écriture, ce fut justement Pour
mettre l’accent sur tout ce que nous venons de dire sur la
musique canonique. Sans être dans la plus droite tradition, le
deuxième œuvre vous est irrémédiablement fermé, quand bien
même vous seriez un savant méritant. Votre participation
émotionnelle est impérative. Cela s’apprend par l’ascèse, cela ne
s’interprète ni ne se formule intellectuellement.
Aujourd’hui, le monde qui gravite autour de la Science ignore
tout ce dont nous parlons. Et le fait qu’il en retrace
extérieurement quelques traits ne suffit pas à vivre cette relation
d’extrême valeur. Certains pourront comprendre bien des choses
sur l’histoire et les événements alchimiques de ces dernières
années. L’attente du maître de Savignies ne concernait pas tant
le temps météorologique - bien qu’il soit primordial sur un autre
plan -, que la métabolisation de l’énergie émotionnelle nécessaire,
qu’il attendait par la venue de Fulcanelli. Tout était prêt, et
l’immense savoir dont il était dépositaire pouvait exorciser les
caprices météorologiques. Notez comme personne n’a souligné la
profonde nostalgie des termes avec lesquels il relatait l’attente. Il
amorçait ainsi intérieurement le processus émotionnel qui
émettait une onde capable de correspondre avec Fulcanelli ou sa
filiation. Il obtint sa réponse, son ordre de mission, que je vous
répète : allez, pèlerins, vous recueillir sur sa tombe.
L’amorce de l’interprétation des hymnes de l’Atalans Fugiens
nécessite l’apprentissage du langage d’antan ou, en d’autres
termes, la réintégration au vocabulaire cosmique ineffable.
Le chant canonique, pour les non-initiés, présente une difficulté
qui vous est inconnue. Sa notation est très loin d’avoir la
précision de la notation « musicale » actuelle. Là ne réside pas
une tare quant à l’essentiel, au contraire, parce que le système
traditionnel tient éminemment compte du libre arbitre et de
votre mouvement d’adhésion, qui ne trouve aucune introduction
possible dans la moderne partition, si ce n’est qu’en la déformant.

502
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 503

Paradoxalement, la rythmique sacrée contient en elle toute la


valeur de votre conversion possible.
La notation musicale contemporaine, nous le savons tous,
comporte d’abord tout un système de valeurs proportionnelles
précises, déterminant le rythme, et indiquées par des signes - ou
notes - de formes différentes : la ronde, la blanche, la noire, la
croche, la double-croche, etc. De plus, elle emploie des jalons
matériels, les barres de mesure, dont on peut dire tout le mal que
l’on voudra, mais qui n’en ont pas moins l’incontestable avantage
de fixer le rythme dans les yeux, en précisant de façon certaine la
place de certains touchements rythmiques qui aident à retrouver
les autres. Quiconque est musicien, et a le sens du rythme, ne
peut s’y tromper.
En notation canonique, rien de tout cela : pas de barres de
mesure (les barres qu’on y rencontre ont une tout autre
signification, ce sont des signes de ponctuation logique musicale)
; aucun signe matériel de rythme ; bien mieux, les formes
réellement différentes des notes ne correspondent à aucune durée
différente des sons représentés, puisque toutes ces notes, quelle
que soit leur forme matérielle, valent également un temps
simple.
Sans doute, il y a des indices, et précieux : les neumes d’abord ;
mais encore faut-il faire à leur sujet les distinctions qui
s’imposent, et que nous indiquerons plus tard ; et puis, il n’y a
pas de neumes partout : les passages purement syllabiques ( une
note par syllabe) abondent dans le chant sacré, même dans les
pièces les plus ornées.
Peut-être me direz-vous qu’alors, dans ces passages syllabiques,
l’accent tonique latin est un facteur rythmique. Sans doute ; mais
encore faut-il en préciser le sens : la question est beaucoup plus
complexe qu’elle ne semble tout d’abord. Et puis, il arrive souvent
que l’accent tonique, du moins d’après la conception que s’en font
volontiers les modernes, semble en contradiction avec le neume
qui suit immédiatement.
Qu’est-ce exactement que le rythme ? En quoi consiste-t-il ?
Ecartons d’abord une conception par trop simpliste, encore fort
répandue malgré le démenti constant que lui apportent les faits.

503
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 504

Pour beaucoup en effet, qui se contentent de formules toutes


faites et de tout repos, le rythme est une question d’intensité : le
rythme consisterait dans une alternance de sons forts et de sons
faibles, et serait produit par le retour régulier ou fréquent de
temps forts, appelés « accents ».
Le rythme n’est pas une question d’intensité. C’est une question
de mouvement, de mouvement ordonné ; c’est un groupement,
une synthèse. A parler d’une façon générale, le rythme est
essentiellement une synthèse ; son rôle est de soustraire chacun
des sons à leur individualité propre, pour les fondre tous dans un
grand mouvement unique, par une suite d’unités de plus en plus
grandes et compréhensives, qui s’enchâssent les unes dans les
autres et se complètent mutuellement, pour arriver à l’unité
totale.
Mais, ici également, pour la valeur des préceptes traditionnels :
Traditionem ab ipso magistro accipietis.

Lorsque les élaborats digestifs sont sublimés par le second choc,


selon les lois prescrites par la Nature - la respiration équilibrée
en fonction de votre deuxième cerveau et « aimantée » par les très
exactes doses émotionnelles -, ils sont alors assimilables sans
apport déviationniste par le mental qui, en exerçant le troisième
choc conscient de la nourriture des impressions, les transmute en
énergie spirituelle.
Malheureusement, vous aurez saisi qu’il suffit d’une erreur, dès
le départ, en absorbant d’indus aliments ou plus loin, au cours de
votre vie émotionnelle, pour rendre inutile le bon rôle des
impressions. Vous aurez compris pourquoi toutes les théories en
vogue sur le bien manger, sur les yogas de la respiration, sur le
fait de vous entourer d’un ensemble d’impressions exclusivement
positives, échouent toujours : il faut toutes les conditions réunies.
Non seulement il ne s’agit pas de vous cantonner dans
l’observance bornée d’une bonne alimentation, non seulement il
est illusoire de prétendre au nirvâna par la pratique, aussi
assidue soit-elle, d’un yoga occidentalisé, mais, par dessus tout, il

504
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 505

est encore plus chimérique de vous en tenir seulement à une vie


psychiquement et en apparence parfaitement « équilibrée ».
Toutes ces attitudes sectarisées sont dangereuses, même si vous
vous en référez aux docteurs et savants desdites. Vous pouvez
rencontrer un maître yogi, suivre ses conseils durant des années
et rester ce que vous êtes aujourd’hui. Vous n’aurez acquis que de
la souplesse et l’illusion d’être initié. De même, voyez ce que
deviennent les prisonniers de tous ces régimes alimentaires mais,
intérieurement qui restent méchants, menteurs, ou autre.
N’oubliez pas d’observer ceux qui ne se préoccupent que de
psychologie, réduisant le ventre et le second étage à un piètre
rôle, et vous verrez que ce sont des gens malades d’orgueil.
Tous se réfugient en fait dans la partie qui leur convient le
mieux, précisément là où ils réussissent, où ils sont forts. Ils
accentuent comme une tumeur leur force. Vous ne les trouverez
jamais à travailler leurs points faibles. Ils sont tous vaniteux et
remplis de vaine gloire cachée. Ils briguent une secrète aspiration
dans laquelle la superbe tient la plus grande part. Placez-les
dans les étages où ils n’ont pas coutume de vivre, et ils pesteront
contre vous, ils vous rabaisseront et évoqueront toutes les bonnes
raisons pour réintégrer le fond de leur libido.
Nous retrouvons les mêmes avatars au laboratoire. Vous serez
tenté de recommencer les expériences qui marchent, sur
lesquelles vous avez un pouvoir. Vous écarterez celles où vous
peinez. Vous ne vous vanterez que des bons résultats. En fait,
tous ceux qui se cristallisent dans un des trois étages dont nous
parlons avec tant d’insistance sont et seront limités tôt ou tard à
un certain stade de l’Œuvre. La Nature vous veut entièrement
accompli, et c’est au fur et à mesure de votre avancement au
fourneau qu’il vous faut parfaire en même temps les étages dans
lesquels vous êtes pauvre. Ne cherchez aucune excuse, vous
constaterez par vous-même que nous disons la vérité.
Inutiles, les échappatoires, pour vous intellectuels, en face d’un
mur de parpaings à monter troussez-vous les manches au béton
et bâtissez jusqu’à en perdre le souffle, c’est le meilleur service
que vous pouvez vous rendre. Contrairement aux apparences,
c’est le chemin le plus court pour que vous aboutissiez à
l’Adeptat. Idem pour les affectifs et les animiques, sortez-vous de

505
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 506

vos manies, je vous en conjure. Comprenez l’extrême importance


de mes mots.
N’oubliez pas, je vous prie, n’oubliez pas. Ne soyez pas comme ces
superbes qui restent fixes dans leur règne et qui transpirent
l’idiotie. Ils se mettent en colère dès que les circonstances de la
vie les détournent de leurs habitudes. Us prennent le. plus grand
soin pratique et mental à s’entourer de mille barrières qui les
renferment dans leur pseudo-force. Là n’est pas la force. Les forts
ne le sont pas en extériorisant leur facilité, mais en surmontant
leurs faiblesses. Intellectuels, salissez-vous les mains, acceptez
les engelures, éteignez votre psyché en face d’un sentiment.
Affectifs, objectivez vos émotions, rendez-leur la place qu’elles
occupent dans la réalité cosmique, évitez de rester bornés en vous
lamentant sans cesse sur vos petites douleurs corporelles.
Animiques, apprenez, mieux que les autres, à vous mettre à
genoux, à subir l’humiliation dans votre chair, ne réduisez pas
mentalement des pensées à vos structures épaisses.
Vous tous, vous ne pouvez subir les mêmes épreuves. Vous savez
maintenant pourquoi. Vous savez également l’illusion que
camouflent toutes les sectes, vous proposant des degrés comme si
vous étiez tous identiques. Vous devez vous mettre en route tels
que vous êtes. Si les principes de transcendance sont universels,
les modes de leur application sont particuliers, et c’est pourquoi
une organisation ne peut exister que sur les bases inspirées par
Dieu.
La nourriture des impressions, captée par les cinq sens, est peut-
être celle qui est la plus importante du point de vue de ses
possibilités. Evidemment, la plupart des âniers modernes ont
hâtivement conclu que les cinq sens sont les organes de référence
de la vie terrestre. « Je ne crois que ce que je vois », « un tien vaut
mieux que deux tu l’auras », « repu, il se plaint du poisson et du
riz », autant d’adages populaires qui gardent la sagesse des
simples, mais qui sont souvent accaparés par les méchants pour
justifier leurs fourbes comportements, dont les fautes secrètes
passent toujours par les sens à une étape ou à une autre de leur
funeste accomplissement.
Le sonore, le visuel, l’olfactif, le tactile, le gustatif, chaque
récepteur unitaire d’un type particulier de sensations capte une

506
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 507

quantité d’énergie qui dépend de nombreux facteurs, comme leur


propre état de fonctionnement, l’interdépendance des vibrations
émises, les relais nerveux qui les relient au cerveau, la qualité
des énergies de départ, ... Ressentez d’emblée le degré de
subjectivité des sens communs.
Toutefois, toutes ces vibrations sont vitales pour l’homme, dans le
fait qu’elles sont en mouvement, plus qu’en nombre. Elles
pénètrent dans l’organisme à un état davantage quintessent que
l’air respiré. Ondes sonores, couleurs, odeurs, ondes de choc,
réactions chimiques buccales, tous ces doux frémissements
agissent sur nos organes avec une sensibilité extrême dont la
Nature est le moteur.
Le monde environnant nous transmet, à l’aide d’un ensemble de
vibrations, l’énergie par laquelle le troisième choc conscient est
possible. Elle produit, à partir des élaborats imprégnés du
résultat de votre second étage, les substances nécessaires à la
création et à la croissance des corps supérieurs. Le corps astral
s’en nourrit abondamment, après les avoir filtrées à travers le
premier cerveau.
Les processus de transformation en substances plus fines encore
sont régis par une loi spéciale. connue seulement de hauts
dignitaires religieux et de quelques Adeptes. Il en est ainsi
simplement parce que l’homme ordinaire n’a pas idée de ce dont
nous allons parler. Pour lui, l’ensemble des impressions qu’il
perçoit est directement lié à ce que produit son moi. Il s’entoure
de ses procréations égoïstes et, sans le savoir, s’emprisonne dans
un répertoire de sensations qui maintient son sommeil en cette
néfaste composition. C’est pourquoi il ne peut et ne veut surtout
rien changer à cet état, parce que ce dernier lui permet
d’engrosser automatiquement son ego et, par dessus le marché,
sans effort.
Autant le bien manger exige de bons usages, dont l’application
n’est pas à la portée du premier venu, présupposant déjà l’option
intérieure du sacrifice ; autant le bien respirer est plus exigeant,
dans le contrôle des émotions, présumant la rectitude d’être ;
autant ce troisième choc découpe une part de l’ascèse à laquelle
peu accèdent, par le fait qu’il faut déjà avoir atteint les deux
grandes réalisations précédentes, d’une manière quasi

507
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 508

permanente. Seulement ceux qui ont cristallisé la naissance de


leur astral peuvent avoir une idée de ce dont il est présentement
question. Car nous voici aux prémices psychologiques et
spirituelles de la stabilité intérieure propre au troisième œuvre.
Nous avions souligné l’importance d’éduquer la fonction
émotionnelle comme étant celle qui est le centre de la vie
intérieure du disciple au second œuvre. La coction, dont certaines
tares s’imaginent encore qu’il ne s’agit que d’une manipulation
subtile, requiert un type de choc spécial, qui concerne les élus. En
effet, auparavant, l’artiste méritant entrait dans le monde
accessible à tout un chacun, pourvu qu’il suivît assidûment les
préceptes de la règle des Pères. Mais maintenant, arrivé à ce
stade de l’œuvre, il atteint le seuil d’oraison tel qu’il ne subsiste
plus aucune distance entre la Dame et son propre
accomplissement. Il est renseigné, il est instruit, et il reçoit les
clefs de Pierre. Dès lors, il n’a plus de commerce avec le monde. Il
prépare et enseigne aux disciples du premier et second œuvre. De
cet accomplissement dépend directement la qualité de la Pierre.
C’est pourquoi, et contrairement à certains bruits qui circulent
dans les salons, les souffleurs malins qui « arriveraient » par
esprit déluré à une pseudo-coction n’engendreraient rien d’autre
qu’un petit particulier à l’or, sous forme saline, capable de
transmuter seulement une à dix fois son propre poids. La Pierre
est bien autre chose. Outre ses capacités transmutatoires
grandement supérieures -jusqu’à cent mille -, elle vit et n’a
rien de commun avec un particulier. Aussi, que cette crainte qui
sévit et sert de support à tant de ragots cesse : aucun envieux ne
fera sauter la planète par la libération considérable d’énergie
emmagasinée dans l’œuf, tout simplement par le fait qu’il est
incapable d’atteindre ce degré d’accomplissement. Seul un
usurpateur, donnant la mort à son maître, pourrait libérer ce
fabuleux savoir. Que je sache, il n’en est rien de nos jours, sauf en
ce qui concerne le travail de Monsieur Canseliet, resté en exergue
à quelques fanatiques qui en pourront faire un usage indu,
comme nous l’avons déjà expliqué. Le danger ne saurait dans ce
cas dépasser la sphère de ce groupement, par lequel ils ne
trouveront que mort et folie : l’œuf, mal cuit par ces non-
méritants, déliera par accident de manipulation et par non
correspondance d’identité ses vibrations astrales, qui absorbent
l’intégralité de celles des spectateurs.

508
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 509

C’est la folie assurée, pour le moins, avec en prime la fin abrupte


de la descendance des personnes en présence. Mais, comme cela
arrivera, nous ne conseillerons rien à ces violeurs, car il est
inutile de prodiguer sagesse à des êtres sans conscience. Bien
entendu, cela ne concerne nullement Isabelle Canseliet - bien que
nous sachions que certains cupides aiment à faire circuler ce
bruit -. Comment osent ils penser qu’un être aussi doux puisse
être le jeu de méchants qui l’influenceraient ? Moi, je vous dis
qu’Isabelle est protégée - au moins par moi-même -. Les
mauvaises langues savent ce que cela veut dire, et s’ils
l’oubliaient par excès de couardise, je le leur rappelle : laissez la
servante du maître en paix. Que les imbéciles interprètent ces
termes selon leurs plans.
En ce qui nous concerne, toutes les précautions sont déjà prises.

Le choc spécial, restituant aux impressions les vibrations


objectives transmises par Nature, est en relation intime avec
l’instant où les sensations sont perçues. Représentez-vous une
seule seconde l’état de veille requis pour arriver à percevoir
l’ensemble des vibrations par les cinq sens, en même temps :
seule une longue préparation peut y aboutir et, praeterea à
condition d’être élu. Cela veut dire qu’un philosophe méritant
n’est pas encore sûr d’aboutir. Il est, d’une manière analogique,
dans une situation parallèle à celle du Christ ( Saint est Son
nom) juste devant Sa fin, à l’instant même de l’épreuve de la
confiance absolue. Cet état d’abandon total est impératif. Tentez
de constater ce qu’il implique. Outre tout ce que nous venons de
relater au sujet de la maîtrise de l’ego, et bien plus encore, la
condition humaine d’élu présuppose la baraka, c’est-à-dire l’aide
directe de Dieu - le don des étoiles -, se traduisant par ce que l’on
peut dénommer une « cause sur le monde ».
Vous aurez saisi aisément que la maîtrise de la première sorte de
nourriture - les aliments - autorise l’homme à être cause sur la
matière environnante. Le second niveau d’accomplissement est
celui qui le rend, en sus, cause sur lui-même. Mais ce dernier état
atteint encore un stade de transcendance tel que l’homme n’est

509
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 510

plus seul : il s’agit de la liaison même entre l’homme et Dieu qui


se manifeste, et c’est la raison pour laquelle le philosophe est
alors cause sur le social (sur sa réelle évolution, bien entendu, et
non sur celle de la loi d’accident).

L’art traditionnel religieux, source principale d’impressions sacrées. Cinq


siècles séparent ces deux églises. L’évolution ? Observez la pauvreté moderne.

510
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 511

Cela sous-entend une intégration plus substantielle que celle de


la permanence - cette dernière représentant l’aboutissement des
effets du second choc -, car non seulement le philosophe agit
d’une manière irréversible, mais en plus il connaît exactement les
exigences de son but. Il sait où il va, alors qu’auparavant il avait
l’énergie émotionnelle demandée, ou la foi suffisante, pour
simplement s’être mis en route. Mais ce savoir n’est pas une
vague visualisation du dessein auquel son âme souscrit : il en est
l’essence même. Il est ce savoir, il devient dépositaire.
La situation du total abandon, qui est celle de l’ultime
destruction des doutes les plus cachés, place l’artiste en état de
disponibilité complète. Il montre qu’il accepte l’éventualité d’un
sacrifice intégral de tout le travail qu’il a pu accomplir au fil des
ans. Souffrance, patience, labeur, à la disposition absolue de la
Dame, qui en use comme bon lui semble : cette dernière épreuve
révèle d’une manière parfaite la loyauté du philosophe.
Pour en arriver là, non seulement il a fallu convenablement
nourrir les deux étages inférieurs et utiliser à bon escient leur
production, mais pratiquer en sus ce dernier type de choc, afin
qu’il soit de filiation objective. Cela nécessite une sorte d’effort
spécial, qui s’opère à l’instant même où les impressions se
perçoivent.
Il a été précisé antérieurement que vous ne vous rappelez pas, à
cause de vos liens fixes avec votre moi. Et bien, ce troisième état
démontre votre rappel incessant et omniprésent, apportant la
preuve que les relations avec votre moi ne sont plus salines. Vous
êtes alors en mesure d’être instruit de valeurs solaires (car vous
êtes alors capable d’assumer le plus faible nombre de lois qui
assujettit ce niveau transcendé de la terre), qui ne sont plus
humaines en tant que telles, parce que vous avez créé les bases
suffisamment solides pour recevoir l’indépendance nourricière du
second corps.
Pour la stabilité de votre fonction émotionnelle, l’air que vous
inspirez est très finement absorbé par votre sang. Si l’analyse
scientifique moderne dénombre une certaine quantité d’éléments
connus composant l’air, l’Art nous indique qu’il contient des
substances bien plus subtiles, imperceptibles à la microscopie ou
à la chimie contemporaine, comme une certaine qualité de

511
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 512

vibration moléculaire, comme le rayonnement lumineux retenu


par certaines chaînes d’ions, etc... Chez l’homme ordinaire,
aucune imprégnation de ces présents sacrés ne s’effectue. Il les
rejette lorsqu’il exhale l’air. Par contre, celui qui travaille sur lui-
même en stabilisant sa fonction émotionnelle emmagasine et
métabolise ces valeurs solaires, qui subliment les élaborats
digestifs. Capable de les retenir, l’organisme d’un ascète, bien
qu’il respire le même air qu’un homme ordinaire, est mieux
nourri que ce dernier.
Pour extraire le plus possible la filiale nourriture de l’air - celle
qui aidera à ce troisième choc -, il est nécessaire que votre
organisme dispose d’une quantité non négligeable de substances
fines correspondantes, dont l’élaboration s’est réalisée par votre
propre ascèse. C’est alors et seulement que les corps que vous
aurez conçus en vous agiront comme des aimants sur les
substances sacrées contenues dans l’air. Travaillant à l’aide du
second choc automatique - celui de la juste restitution
respiratoire par le bulbe -, aidé du second choc conscient - le
contrôle des émotions dont l’approche est contenue dans le fait de
ne pas exprimer de sentiments désagréables -, votre corps
produit alors un type d’énergie insoupçonné pour le moderne qui,
avec le temps, vous transforme du tout au tout.
Cela explique la raison pour laquelle un suffisant ne perçoit rien
dans un monastère, par exemple, du fait qu’il n’a rien élaboré en
lui par ses propres efforts qui lui en auraient autorisé l’accès.
C’est également pourquoi il n’existe aucun secret en Alchimie,
comme ailleurs : un authentique dialogue reste impossible pour
ceux qui se sont laissés aller à leur ego continuellement. Ces
derniers interprètent mais ne communient pas.
Améliorer vos impressions est conseillé, de manière à introduire
de fines substances qui subliment la résultante du deuxième choc
conscient, à condition que vous vous contraigniez à l’ascèse.
Prenez garde à votre cadre de vie, et à votre manière d’être dans
ledit. Préférez la nature, les bâtisses conçues de main d’homme
avec le temps, les œuvres d’art traditionnelles. Evitez les
mélanges, le tumulte, le bruit, la saturation de couleurs, la foule
sur une certaine surface, etc ...

512
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 513

La mauvaise absorption des impressions justes, filtrée selon la


filiation par la résultante du contrôle de votre vie émotionnelle,
tient à la collaboration que vous entretenez avec votre moi, ainsi
qu’à certaines tares qui vous incombent plus ou moins
directement un mauvais exutoire du plexus solaire ; des
dominations astrales plus fortes, auxquelles vous êtes soumis ;
des états supérieurs qui sont contenus en vous sous forme de
germes, qui se manifestent prématurément et que vous ne
pouvez contrôler ; des obsessions qui occultent votre
discernement ; l’absence d’activité mentale saine ; l’absence
d’activité d’être.
Toutes ces carences filtrent vos impressions d’une façon tout
aussi fixe que les autres tares dont vous êtes affublé dans vos
étages inférieurs. Elles impliquent, dans leur exercice, la
pratique perpétuelle d’une surestimation de la valeur de la vie en
tant que forme, et non en tant qu’essence.
A l’étage inférieur, vous prenez conscience de la possibilité d’une
forme de la vie. Au second étage. vous subodorez l’existence de
l’essence par delà la forme, et les précédentes lacunes
représentent la charnière de jonction entre les deux derniers
étages. C’est là le stade critique où vous devez comprendre que la
libération par la maladie et la mort n’est pas nécessairement
malheureuse. Une nouvelle attitude en face de la mort et de la
souffrance vous devient possible, alors que les manquements
énoncés ci-devant en empêchaient l’accès. Observez donc en vous-
même, au temps voulu et une fois les autres degrés atteints, si
votre mental n’est pas sujet à l’une ou l’autre de ces défaillances,
et vous parasiterez moins les impressions, offrant à la Nature la
possibilité de vous transmettre ce troisième message, à l’état pur.
Vous constatez que le contrôle mental constitue une part
importante de la bonne réception des impressions. Votre mental -
qui englobe l’intellect - livré à lui-même et aux autres attitudes
libertines de l’ego depuis tant d’années, a besoin d’un véritable
dressage car, par rapport à Marie, vos réactions psychologiques
sont quasiment toutes à composante psychasthénique.
Bien entendu, vous ne souffrez pas de schizophrénie ou de
paranoïa franches - par exemple - en regard du social. Mais, du
point de vue de la Dame, votre cerveau fonctionne d’une manière

513
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 514

décalée. Comme d’habitude, ce n’est qu’en étudiant ce qu’est le


contrôle cérébral que vous en observerez vraiment la
défectuosité. Absence, insuffisance, le plus souvent instabilité,
l’équilibre entre votre cerveau conscient et votre cerveau
inconscient s’effectue très mal. Chaque sensation, chaque pensée
est mise normalement au point pour servir ce pourquoi vous êtes
créé, alors qu’en vérité tout est dévié par automatisme involutif.
Aucune régulation - le but pris comme système de référence et
non le moi - ne s’établit. Pas de frein, pas de direction à
composante cosmique, livré à toutes les pulsions centrales, à tous
les particularismes, jouant ce jeu en s’adonnant abondamment à
la considération et à l’identification, soumis à toutes ses phobies,
voilà comment fonctionne le cerveau de l’homme ordinaire.
Les psychonévroses, auxquelles vous êtes tous sujets à l’état
embryonnaire, trouvent leurs causes primaires dans l’hérédité,
qui en favorise l’éclosion, ainsi que dans certaines intoxications.
Les causes secondaires se situent dans les chocs moraux,
chagrins, soucis ou surmenage. La caractéristique essentielle qui
permet d’identifier à coup sûr un germe de psychonévrose est la
manifestation d’un état de vagabondage cérébral.
Nécessairement, la répétition de cet état engendre la fatigue
mentale et le sentiment d’instabilité intérieure, qui amènent peu
à peu l’indécision et le manque de confiance en soi. Vous discutez
alors tout ce que vous faites, vous commentez vos moindres
gestes, vous raisonnez tout ce que vous pensez, revenant sans
cesse sur vos réflexions, ouvrant la porte à bon nombre de péchés.
Cela s’opérant d’une façon répétitive, vous en venez à ne
considérer que l’activité morbide, en réalité vide de dynamisme :
sa manifestation seule s’exerce, qui ne contient rien de solide. On
se trouve à palabrer ainsi des heures sur des détails, à
questionner mille fois sur n’importe quelle peccadille, et c’est
l’état d’obsession qui survient insidieusement : vous perdez de vue
ce que vous faites - le « blabla » - pour n’insister que sur ce qu’il
contient, et vous êtes surpris de n’obtenir aucune réponse
satisfaisante, d’où succession d’angoisses et de focalisations. Vous
êtes en réalité servi-conscient, alors qu’il vous semble faire
preuve d’une très intense activité mentale, dont l’ampleur ne
démontre que le caractère obsessionnel.

514
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 515

Cet état existait normalement comme délassement du cerveau.


Maintenant, il est devenu volontaire : vous pouvez rêver ou non,
alors que chez l’homme spirituel, cela lui arrive comme exutoire.
Vous contractez ainsi l’habitude, vous installant dans la paresse
mentale. Vous ne cherchez plus à vous en sortir, vous redoutez
même le contact avec le réel. L’effort devenant douloureux, votre
rêve ne devient créatif que pour établir des attitudes dans
lesquelles vous pourrez mieux rêver encore. Vous êtes décalé avec
les choses qui vous entourent et toute une somme de réactions
secondaires s’ensuit sentiment de fatigue, d’infériorité,
d’angoisse, aboulie et obsessions. La vue s’exagère d’un côté et
dépérit de l’autre. Vous vous mettez à voir des événements
merveilleux là où il n’existe que banalité, alors que par ailleurs
les images qui marquent votre rétine ne semblent pas atteindre
le cerveau. Un certain type de manies s’installe, un voile épais se
tisse, vous regardez sans voir, vous écoutez sans entendre.
Seul un dressage mental viendra à bout de ces petits problèmes,
inhérents au siècle et à votre participation. Il consiste à
répertorier patiemment les impressions, après avoir accepté de
subir un dérangement par l’instructeur, faisant lui-même suite à
votre prise de conscience de l’insupportabilité de la situation. Le
traitement - si l’on peut dire -, s’effectue sur deux plans :
fonctionnel et psychique. Contrôle des actes, présence en eux,
actes volontaires, contrôle des idées, concentration,
déconcentration, travail sur la volonté, ... Tout ceci se vit dans le
cadre d’un lien intime avec votre instructeur, en une direction
spirituelle assurée.

Vous vous doutez bien que ce dont il est question dans ce chapitre
n’a été que survolé, comme d’ailleurs l’ensemble de ce qui
constitue cet introitus. Scriptum non est rerum actus.
Quant aux techniques de laboratoire, à quoi servirait-il d’entrer
plus loin dans le détail de ce qui a été révélé dans les précédentes
pages ? Vous butez au second œuvre : il s’agit précisément de la
sécante dont nous parlions plus haut. Aller plus avant reviendrait
à observer un plan d’expérience avec des verres biréfringents.

515
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 516

Gare aux téméraires - voire insensés - qui osèrent rapporter tels


des singes quelques renseignements propres à la coction. Outre
ce qu’il est permis de divulguer sur les principes, détailler
l’expérience revient à décrire, usant de voyeurisme, les formes de
la Dame : ils tombent inéluctablement dans les bassesses
matérialistes, quand bien même ils s’imaginent traiter de
grandes choses.
Vous devez rencontrer cet autre monde, par delà le point sécant,
seul.
Plus abordable est l’examen de ce que devient la sphère des
désirs, dans cette grande sublimation dont nous rappelons avec
insistance qu’elle concerne les trois œuvres.
Les désirs involuent en rapport avec le feu secret que vous
développez en vous, comme nous l’avions précédemment indiqué.
Votre lutte intérieure, donnant naissance au feu secret croissant,
dissoud les désirs par crémation interne. C’est pourquoi cette
pratique est de règle en Orient, à l’ultime phase de la mort.
En Alchimie chrétienne, c’est au fur et à mesure de votre
métamorphose que vous consumez l’énergie négative des désirs,
agents dynamiques de l’ego. Ils représentent les mille petits
diables qui envahissent votre conscience et vos songes, influx qui
stabilisent les mauvaises orientations de vos structures
physiologiques. Ils sont surtout les particularismes qui vous
cristallisent dans vos certitudes, en vous éloignant du même coup
de l’esprit de synthèse propre à l’œuvre chymique.

L’ascèse brûle l’énergie mouvante des désirs. Ils sont l’expression


d’un appétit illicite de l’ego, traduisant le seuil atteint par
l’activité secrète de ce dernier. Ils expriment avec vigueur
l’avidité des instincts sensibles, qui ont dépassé le seuil
d’indépendance libre en se soumettant à une des multiples
focalisations du moi.
Tenter d’évaluer la fonction concernée par un désir, c’est déjà
diviser son funeste pouvoir par deux. Les glandes endocrines sont

516
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 517

l’extériorisation matérielle des centres sacrés de l’homme.


Lorsque vous « gelez » l’influence d’un désir simplement par le
fait d’identifier à quelle fonction il appartient, vous élaborez, tout
en même temps que ses molécules toxiques, un feu qui sera
adjoint à cette chaîne et qui, par l’ascèse, trouvera sa scindante
luminescence. Par contre, si vous vous complaisez, en l’absence
de regard intérieur, à l’exultation de vos désirs, vous les
métabolisez en matières fixes qui participeront à la construction
de vos tissus, de vos cellules : vos organes contenant l’incidence
matérielle de vos particularismes, seront de moins en moins
capables de générer ce feu interne s’alliant aux molécules
néfastes. Finalement, le laisser-aller aidant, vous finissez
complètement identifié à vos désirs pour n’être qu’eux.
C’est pourquoi la seule véritable médecine qui doit être ordonnée
au monde moderne est celle qui concerne l’orientation des
énergies en rapport avec les glandes à sécrétion interne. Inutile
de vous cacher la similitude des précédents termes avec la
médecine universelle.
En fait, ce qu’il importe que vous saisissiez le plus intégralement
possible, dans l’immédiat, c’est que la focalisation de vos
processus physiologiques, véritablement entraînés à la suite de
l’émission ferme d’un désir, empêche vos étages de recevoir les
nourritures convenables. Vous mesurez ainsi la valeur de l’ascèse
et, surtout, celle de la filiation. En effet, l’absence complète de
relation avec un Maître, ce dont se targuent avec orgueil tous les
modernes, court-circuite la possibilité d’intervention de l’ascèse,
c’est-à-dire analogiquement, la combustion interne et irréversible
de l’incidence de vos désirs. C’est la raison pour laquelle un
peuple dit « libéral », que je nomme libertin, se dirige
inexorablement vers sa propre auto-destruction. Mais, que
peuvent-ils comprendre, eux qui ne s’adonnent qu’à leurs valeurs
personnelles ?
Les élèves studieux remarqueront plutôt que l’ensemble de mes
termes repousse la question des désirs - liée à celle des maladies -
aux confins de l’origine des mondes. Où vous êtes inapte à
pénétrer, l’ascèse représente le chemin à rebours, vous aidant
grandement à élargir le champ d’absorption de toutes vos
fonctions. La Nature, dans son extrême générosité, offre aux
hommes les mêmes nourritures pour tous, en de mêmes niveaux

517
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 518

qualitatifs. Il n’incombe qu’à l’homme de se parfaire afin d’en


absorber la quintessence. Ainsi, si un palefrenier, par sa vie
délurée consciemment, accueille moins d’Esprit qu’un saint
homme, est-ce « la faute de Dieu » ? Recherchez pourquoi toutes
les théories politiques, de ce qu’il est convenant d’appeler « la
gauche » ou « la droite », s’appuient sur le fait de l’inégalité en
face de la Nature. Nous, nous affirmons que les hommes sont
responsables de leurs inégalités, et non le Créateur. Jusque sur
leur descendance, ils en sont intégralement les auteurs. Preuve
en est qu’ils peuvent changer, à condition de payer en retour.
Mais ils ne le veulent pas, alors ils font croire que la faute est
sous l’égide de l’Autre. De plus, ils oublient tout. Ils oublient ce
qu’ils font, ce qu’ils furent, ce que leurs géniteurs furent.
Les facteurs importants, ce sont les causes instaurées par
l’homme d’une vie à l’autre. Ce sont elles qui paralysent, plus que
les effets funestes immédiats, les efforts d’évolution, parce qu’ils
sont toujours intégrés en fin de vie en un substrat solide, puis
transmis. Qu’est-ce à dire ?
Nous abordons là le précieux principe cosmique de l’expression
du second corps - du corps astral -. Vous savez maintenant
comment ce second corps naît en l’homme, que tous n’en
disposent pas faute d’exercice abondant d’ego. Vous savez
également que l’astral est sevré seulement à partir d’une certaine
permanence de la fonction émotionnelle, portant en lui ses
nouvelles possibilités, comme l’intuition, la prémonition, etc ...
Tout cela est permis uniquement à celui qui a atteint un stade
certain de développement.
Vous, mes fils, vous naissez immanquablement à ce second corps.
Par votre intérêt pour la Science, par vos questions, par vos
actes, vous savez que le monde contemporain ne peut plus
répondre à la faim de votre étage émotionnel. Il me faut donc
vous entretenir sur ce point précis, plus spécialement, voire y
revenir.
Notez d’abord la distance qui vous sépare de la compréhension
des précédents propos, et admettez que vous soyez tel un enfant
nouvellement né et qui ne sait pas encore se nourrir seul. Bien
que l’essentiel des propos se rapportant au présent sujet soit plus

518
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 519

dense dans le second tome d’Introitus, il convient déjà de vous


informer superficiellement sur ce qui va suivre.
Premièrement, quand bien même vous auriez entendu de ma
bouche que vous devez vous perdre vous-même de vue, cela ne
vous suffirait pas pour comprendre, dans toutes les parties de
votre présence générale, que la fonction émotionnelle est le
champ de bataille de l’Initiation.
Votre constante habitude de vous soupeser, de vous mesurer, si
dans le meilleur des cas a une lointaine parenté avec la sagesse
du discernement, elle évince l’amour. La dimension « amour » de
votre fonction émotionnelle ne s’exprime pas convenablement.
Elle est détournée au profit de la considération que vous avez
pour vous-même, ce qui implique par répercussion que vous
n’accordez pas à tout travail votre franche contribution.
Les émotions ne sont pas dangereuses, contrairement à ce
qu’enseignent plusieurs types d’ésotérisme sectaire. C’est la
focalisation émotionnelle tournée vers vous-même, qui est
mortelle, prenant souvent le prétexte d’un désir intense
d’exprimer ses valeurs. Voici qui traduit une déviation
individuelle profonde, mais surtout collective. En effet, vous êtes
intégré à votre propre « groupe », en votre sphère d’influences,
dans laquelle vous partagez vos émotions avec les personnes qui
éprouvent à peu près les mêmes en énergie vibratoire. Cela vous
rassure et tout en même temps vous renforce.
Malheureusement, il vous faut maintenant apprendre que ce fait
- c’est-à-dire votre dépendance au groupe choisi - rend impossible
un élargissement du rayonnement amour, car votre inconscient
travaille d’un côté replié sur vos apitoiements émotionnels, alors
que le groupe prétend l’inverse de l’autre.
C’est cette position consciemment adoptée seulement sur la face
visible, qui, au fond, est à l’origine de ma condamnation de
l’existence des sectes. Leur défaut principal consiste à exprimer
en fait un genre d’indifférence issue d’une préoccupation quasi
indéracinable de leurs idées et de leurs entreprises personnelles.
Cette dramatique attitude s’oppose en vérité à l’intégration
effective du groupe en question à la Communauté. Elle détourne
le sens des gestes, le sens des valeurs humaines, et c’est ce que

519
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 520

vous faites lorsque vous vous cantonnez en vos essaims. L’amour


en souffre grandement.
Vous ne pouvez mesurer les implications catastrophiques de ces
douces habitudes. Je vous dis que c’est une des raisons majeures
qui a rendu l’Alchimie - entre autres - incomprise et interprétée.
Voyez comme les gens ont tendance à se scléroser en leurs
croyances personnelles. Comprenez que cela s’oppose au caractère
universel de la connaissance. Observez que cela est arrivé parce
que les hommes, par leurs particularismes, se sont séparés de la
Hiérarchie cosmique, bradant au profit de leurs certitudes
égoïstes les valeurs comme la fidélité, le service et tant d’autres.
C’est la conséquence du péché originel.
Rendez-vous compte que votre manière de servir vraiment la
quête se dédouble. D’une part, le service vous apporte la leçon de
l’humilité, parallèlement à l’exercice de la charité. Mais il y a
plus important. Servir détermine toutes vos activités et
subordonne votre existence à la Hiérarchie. Vous vous mettez en
situation de quelqu’un qui peut recevoir sans dépareiller.
La capacité d’un véritable groupe à rester uni tient à ce que tous
ses composants témoignent en leur vie quotidienne du contact
permanent entre tous les plans d’expression de la Hiérarchie. Du
plus petit jusqu’à Dieu, tous vos actes doivent se rapporter à tel
ou tel degré, d’une manière parcimonieuse et équilibrée. Non
seulement vous rendez grâces au Créateur, mais vous vous placez
en résonance avec la cascade des mondes, par laquelle l’évocation
des niveaux successifs de l’activité de votre âme trouve toute sa
plénitude. C’est alors qu’elle reçoit la Force.
Je vous exhorte donc à ne pas vous replier sur vous-même dans
un groupement borné. Cela ne veut pas dire que vous devez
élargir vos adhésions et vos investigations sociales. Il est
meilleur de rendre témoignage, où que vous soyez, à quelque
communauté que vous apparteniez, à la Hiérarchie comme je
vous l’ai dit. Sinon, vous collaborerez à la destruction effective de
votre groupe, de votre ethnie. Vos propres vibrations ne
pénétreraient plus ledit ; il acquiert alors ses propres rythmes
fixes, avec le temps. Ce groupe devient impénétrable. Rien ne
semble pouvoir l’animer, le changer, en rectifier les tares. En fait,
chaque membre s’endort dans son but qui, par focalisation

520
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 521

émotionnelle, se personnalise, perdant son efficacité spirituelle


par détournement.
L’apitoiement sur vous-même, cette sorte d’introspection
constante, est le point sur lequel vos efforts doivent porter le
plus, car c’est celui qui vous sépare de l’enseignement des Pères,
de leur contact et de leur influence. Ses rapports intimes avec le
ventre, toutes les formes d’abstinence dûment régulées,
représentent dans leur contrôle le moyen le plus sûr de retrouver
la Hiérarchie.

Nous terminerons cet important chapitre par une analyse


concrète relative à l’incidence de la pollution moderne sur les
méthodologies de notre Science. Effectivement, les excès qui ont
été canalisés par les schémas matérialistes, sous forme de
souillures en regard de la Nature, doivent vous être révélés afin
de vous venir charitablement en aide.
De plus, vous comprendrez, si vous vous montrez appliqué,
pourquoi nous introduisons la troisième partie sur le nouvel âge ;
pourquoi le choix d’une voie chymique ne peut s’effectuer d’une
manière intellectuelle et livresque ; pourquoi, tout comme la voie
humide fut en quelque sorte évincée par la voie sèche, cette
dernière ne peut aujourd’hui constituer l’exclusif chemin.
Car, imagineriez-vous exercer dans une voie nonobstant les
conditions extérieures, simplement parce que le monde de
l’édition - par pur commerce - vous place entre les mains les
textes qui s’y rapportent ? Et la réalité immédiate, pensez-vous
être capable de la contourner ?
A l’époque Fulcanelli, il n’existait aucune centrale nucléaire, le
taux de soufre natif n’avait pas subi la dégradation chimique
industrielle, ainsi que la qualité vibratoire de l’azote dans l’air ...
Finies, les années de ces nuits vierges et merveilleusement pures
d’Esprit. Finies, les belles pages du Mutus Liber, la valeur
intrinsèque des conseils concrets de tel ou tel maître. Gardez-en
les principes très estimés, rendez-leur hommage par leurs
renseignements techniques se rapportant aux méthodes, mais

521
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 522

n’agissez pas de même : cela est impossible, à cause des


incidences issues des productions du siècle présent, outre le plan
spirituel dont nous avons parlé précédemment.
Vous ne pouvez pas « faire comme les maîtres », sur tous les
plans. Par analogie, oui, mais non par similitude. Que l’allégorie
ne vous anesthésie pas dans le rêve ; ne rêvez plus : vous vivez
dans un monde de fous, pollué, déstabilisé et, à moins de vous
retirer en Espagne ou en Corse - ce qui perdra sa valeur dans
cinq à quinze ans - vous êtes contraint de compter avec les tares
de cette humanité. Voilà qui modifie grandement l’épistémologie
de notre Science, au niveau des concrètes opérations au feu.
1920 (époque où Fulcanelli élucida le Grand Œuvre) n’est pas
1982 (date de clôture de ce manuscrit), et encore moins 1995
(moment où quelques-uns d’entre vous seront au seuil du
troisième œuvre). Rappelez-vous la différence exponentielle qu’il
y eut entre 1955 et 1980. Visualisez ce qui sera, de 1985 à 1995.
Cela veut dire que les conditions extérieures de 1995, pour les
plus avancés d entre vous, seront celles de ces temps. Impossible,
une lune de soleil complète ; impossible, la sereine stabilité
naturelle exigée à la coction. Monsieur Canseliet éprouvait déjà
d’énormes difficultés, dès 1950, à propos de sa grande cuisson et
vous, vous vous dirigez dans les mêmes pas, alors que vous n’êtes
ni le Maître de Savignies, ni en 1950. Constatez à quel point vous
dormez.
Vous devrez, tout au long de votre travail, compter avec les
troubles du monde. Ecartez de votre esprit que votre
incommensurable grandeur d’alchimiste occulterait les radiations
issues de la fission atomique, ou l’aléatoire de la régénération de
l’azote par les ondes hertziennes, par exemple.
Prenons le premier sujet en face duquel nous souhaitons vous
mettre en garde : le nucléaire. En Europe, son développement est
maintenant tel qu’il est illusoire de prétendre échapper à cette
transformation humaine. Fait moderne, histoire de l’humanité,
que vous soyez d’accord ou non, l’ampleur de cette pollution est
générale. A l’opposé de souillures localisées, les troubles dont
nous vous entretenons ici sont maintenant intégrés à la nature,
d’une manière irréversible du point de vue de votre vie
personnelle ( si, en effet, on supprimait d’un seul coup les

522
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 523

centrales nucléaires aujourd’hui, dans vingt ans, leurs effets


contrecarrant la chymie se feraient encore sentir ).
Il faut bien comprendre que le nucléaire est un fait de
l’humanité, faisant partie de son évolution cosmique, compte
tenu de la loi de l’équilibre du bien et du mal. Vous n’avez pas à
être « contre » ni « pour ». Vous ne pouvez que constater, tout
comme l’avènement de l’Economie en tant que mode
d’organisation des sociétés modernes, comme l’âge du fer, du
bronze, etc... Cela est voulu cosmiquement et cela tient à la place
de la terre qui évolue dans les mondes, comme nous l’avons déjà
expliqué. Etant là, vous n’y échappez pas et vous ne le pouvez
pas. De plus, il est stupide de lutter contre, parce que la lutte
contre les forces du mal n’est pas celle du nucléaire par lui-même
- par exemple -, mais de sa maîtrise, c’est-à-dire comme
d’habitude et plus globalement, de la sagesse humaine. Gardez
donc vos forces là où vous pourrez efficacement les appliquer, et
ne vous dispersez pas dans un illusoire combat qui, finalement et
par voie de fait, serait inéluctablement voué à l’échec.
La Nature ne sera plus jamais vierge, à l’image de la dégradation
des mœurs, et vous êtes contraint de compter à partir de sa
souillure. Cela ne l’empêche pas de garder ses principes et ses
lois, qui représentent pour nous les seuls présents sensibles et
qui, eux, sont restés intègres. Soulignons, petitement, que c’est ce
qui la différencie de Marie, qui reste digne et parfaite au-delà de
toute intervention humaine, la Nature étant Son image
matérialisée, Sa production, nous dirions même Son saint
excrément. La Nature est maintenant ce qu’elle est pour vous. Ne
vous isolez pas et ne l’idéalisez pas selon votre imagination car,
s’effectuant, vous vous leurreriez.
Il existe des moyens d’accomodation que nous allons survoler et
qui vous aideront à surpasser ce cap difficile. Mais auparavant, il
est nécessaire que vous soyez informé de la dimension réelle des
diverses pollutions généralisées.
En 1962, tout de même, les hommes - en dehors de l’Union
Soviétique, évidemment - décidèrent de cesser leurs expériences
d’explosion nucléaire en atmosphère. Malheureusement, les
produits de fission de quelques cent soixante-dix mégatonnes
avaient déjà été libérés dans l’air, pour les essais répertoriés.

523
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 524

Cela équivaut à environ huit mille bombes de l’importance de


celle d’Hiroshima.
D’autre part, les centrales nucléaires rejettent dans l’atmosphère
divers gaz radioactifs. La plupart ne sont pas incidents sur la
variation qualitative de l’air, mais quelques-uns sont cependant
suffisamment stables en tant que radioéléments solides pour être
considérés comme non-négligeables.
Les conséquences immédiates, en ces jours, sont très simples :
l’ensemble de la communauté européenne a été marquée sur
plusieurs zones à long pouvoir dispersif (des dizaines d’années
sur des milliers de kilomètres carrés), d’une énergie équivalente
à 2 curies par kilomètre carré, c’est-à-dire entre trente et
soixante fois la valeur naturelle uniformément répartie dans la
biosphère. Aucun danger présent et suffisamment gros pour
l’homme pour qu’il soit constatable « scientifiquement », mais une
catastrophe pour l’Alchimie. En effet, nous pourrions vous
prouver aisément que ces conditions nouvelles rendent impossible
le dépassement du second œuvre, et ce depuis 1970, par les deux
grandes voies classiques, à savoir la voie humide et la voie sèche.
Tous ceux qui vous affirmeraient qu’ils ont atteint la Remore par
voie sèche, depuis cette date et en Europe, sont des imposteurs.
En outre, cela est sans compter avec les zones à fort type
d’absorption, comme les sols acides (siliceux), ainsi que les terres
à dominante argilo-humique. Dans les milieux acides, le
strontium 90 et le césium 137 sont particulièrement retenus. De
même, le strontium 90, par les eaux d’infiltration, est
véritablement capté par les sols argileux. Visualisez-vous les
implications de telles constatations ?

524
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 525

Prenons par exemple le cas d’une terre qui contiendrait


seulement une dizaine de mictogrammes de strontium-métal. Le
cas est banal. Cette terre, en Europe et par les eaux d’infiltration,
retient quasiment perpétuellemnt 0,5 millicurie de strontium 90,
isotope stable du métal en question. Le phénomène pour le
césium est tout aussi dramatique. Sachez qu’un sol peut retenir
jusqu’à cinq curies de Césium 137 par gramme ! Cela est très
faible en soi, bien entendu ; mais n’oublions pas que le démarage
des procesus chymiques s’opère sur des transmutations à faible
énergie, et que c’est précisément à ce niveau que se situe le
pouvoir de la pollution. Il s’agit d’une barrière, qu’il vous faut
apprendre à dépasser.
Quoi qu’il en soit, la question importante, du point de vue de
notre Science, est celle qui détermine que ce sont les colloïdes
minéraux qui fixent le mieux les isotopes stables radioactifs. Cela
signifie que la voie humide exige l’application d’un très haut
niveau actuel de savoir. Egalement, la préparation philosophique
des sels pour la voie sèche se voit affublée d’une dose non
négligeable d’influences, dont il faut indubitablement tenir
compte.
Malheureusement, comme tout ce qui est d’étiologie scientiste, la
rectification est illusoire, voire prétentieuse, sans mesures
sérieuses. Vous voici renseigné sur la validité de certains «

525
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 526

artistes » qui survoleraient la question en haussant les épaules :


sachez que c’est justement par l’intermédiaire des colloïdes que
l’esprit salin trouve son essor dans les bains successifs en le
communiquant à la part « métal ». De nos jours, cette sorte de
pompe cosmique est souillée. Elle détourne d’un côté et affaiblit
préférentiellement certains métaux, pour grandir
considérablement l’importance d’autres qui ne nous sont pas
utiles.
Plus gênante encore est la pollution nucléaire d’origine
industrielle. Si les extractions minières ne sont pas très
souillantes - car leur rayon d’action est limité -, les piles et le
recyclage des combustibles. eux, sont très nocifs.
Outre le danger par manquement de connaissance au niveau
sécurité (une simple rupture du circuit primaire de
refroidissement d’un réacteur peut provoquer une fission
partielle du cœur), les réacteurs à eau, dénommés « PWR »,
constituent la source la plus significative de contamination par
les gaz rares à période longue. Mais cela ne résoud pas la
question du traitement des déchets. Leur stade actuel de
stockage, dit à dilution inerte, est une ineptie, parce qu’il
constitue en fait un potentiel de contamination terrible. En
aucun cas ce stade ne peut être le support de normes
internationales, ce qui est aujourd’hui. Mais demain ?
Pour ce qui nous intéresse - la destinée des résidus dans la
biosphère -, à l’exception du krypton 85 chimiquement inerte, la
plupart des résidus radioactifs rejetés par l’industrie nucléaire
s’incorporent à l’hydrosphère. Bien évidemment, le rayonnement
émis est le e, le plus dangereux pour nous, parce qu’il est
composé d’électrons dont la vitesse approche celle de la lumière (
l’énergie est puissante ). Dans les autres types de rayonnement
(X ou a ), les ondes électromagnétiques sont de très haute
fréquence. En d’autres termes, leur pouvoir de pénétration est
moins grand.
L’hydrosphère, c’est aussi, pour nous, l’eau céleste, qui se trouve
marquée en ses colloïdes d’une manière notable, c’est-à-dire d’une
manière susceptible de fournir, à un moment donné ou à un autre
de son utilisation, des facteurs déclenchants parasites, rendant
les étapes de l’œuvre différentes de celles que la Tradition nous a

526
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 527

toujours rapportées. Certes, il ne s’agit que de possibilités, mais


si elles existent, il faut le savoir et en tenir éventuellement
compte.
Ce ne sont malheureusement pas les seules victimes, ces pauvres
colloïdes. La rosée se charge d’être le véhicule, par attraction, du
soufre natif. En outre, sa qualité varie grandement avec celle de
l’azote qui se trouve dans l’air.
Il faut que vous compreniez dans son ensemble le ballet naturel.
La veille d’une bonne cueillette d’eau divine, l’air se sature de
soufre natif par la vibration particulière de son azote. Le
lendemain, la rosée se saisira de l’union subtile et résultante de
ces deux éléments, elle se chargera d’une certaine qualité de
fréquence vibratoire, qui elle-même donne l’impulsion nécessaire
aux colloïdes. Vous noterez l’analogie qui existe entre ce qui vient
d’être énoncé ci-devant et ce qui a été dit de la sublimation du
second choc chez l’homme. En d’autres termes, actuellement, la
masse humaine est en train de perturber ce second choc au
niveau de la planète entière : la terre ne retire plus les influences
célestes comme auparavant.
Si la divulgation est notoire, elle le sera plus encore lorsque vous
apprendrez que l’obtention du Soufre fixe ne peut s’espérer qu’en
période de grand azote, le petit baigneur ou particulier de la
Pierre n’évoluant que dans une eau qui lui est adéquate, qui
vibre à son rythme. Vous ferez aussi, évidemment, la liaison
étroite entre ceci et la molécule d’ammoniac précédemment
décrite. Vous serez alors en mesure de saisir l’ampleur des
implications de la pollution. Il serait aisé mais inutile ici d’entrer
dans le détail et de démontrer scientifiquement toutes ces
assertions.
La perturbation du cycle biogéochimique du soufre et de l’azote
est une des conséquences de l’activité indue de l’homme (sans
compter celle du carbone, et de l’ozone).
La première source de soufre grossier est le volcanisme, la
fermentation des sols marécageux et la formation d’embruns
marins, du point de vue de l’atmosphère. La seconde source de
soufre grossier, qui est maritalement liée à la première mais
dans un monde qui lui est transcendant, est constitué de la

527
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 528

fermentation anaérobie des matières organiques. Dans le premier


niveau se constituent les sulfates, alors que le second niveau les
réduit par réaction bactérienne en hydrogène sulfuré. Il vous faut
comprendre que ce sont les hiérarchisations successives du soufre
vulgaire qui déterminent son intégration au cosmos et son sens
philosophique, à l’image de l’homme et de sa liaison avec la
grande Hiérarchie, dont nous parlions précédemment. C’est
pourquoi la destructuration des relations entre les cascades des
mondes reliant les niveaux d’existence du soufre engendre la
mort du Soufre philosophique, qui prend lui-même le pas à un
certain stade de saturation du soufre natif de l’Azoth ... Il en est
ainsi de tous les corps de la Nature, en face desquels le tableau
de Mendeleev est une simple description fixe à un seul niveau
d’observation. Cela ne permet pas d’identifier un élément ni, par
voie de conséquence, de les classer. Seules les variations
successives de leurs états possibles, en différents degrés de
sublimation, définissent leur identité essentielle. Le jour où la
petite science le comprendra, ce sera la fin d’une part importante
de l’obscurantisme moderne.
Remerciez les Pères de toutes ces révélations, et prenez
conscience de notre petitesse et de la grandeur de Dieu.
Tout comme vous, déraciné, irrespectueux de la Hiérarchie, le
principe Soufre se particularise en un état inaccessible par les
anciennes voies thymiques. De tous temps, les philosophes
employèrent les conditions opérationnelles exactement adaptées
aux conditions extérieures. De nos jours, il doit en être de même.
Ce n’est qu’en travaillant au-dessus des niveaux de saturation et
de pollution que vous pouvez maintenant rejoindre la valeur des
principes de la Philosophie. C’est la raison pour laquelle nous,
artistes de la voie brève, intervenons pour vous mettre en garde
sur ces choses.
Inutile donc, mes fils, de vous retirer du monde, de tenter de fuir
: la terre même est devenue la prison. Et ne vous lamentez pas
comme de vieilles femmes, je vous prie ! Il vous faut, à l’image de
nos vrais Maîtres, nous comporter en hommes responsables en
face de cette situation. En substance, cela veut dire, sur le plan
du laboratoire

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 529

- Evitez de demeurer à moins de cent kilomètres d’une centrale


nucléaire ou d’un entrepôt de déchets. Prenez un soin tout
particulier à votre travail sur l’eau céleste.
Ce dernier conseil, de même que les nouvelles méthodes de
travail qui tiennent compte de cet horrible réalisme, ne peuvent
être dispensés qu’aux êtres sûrs et méritants. Auparavant, il
vous faut vous former à tout ce que nous avons écrit
précédemment.
Plus tard, je vous assure que nous perpétuerons, d’une manière
ou d’une autre, la transmission initiatique. Quelques-uns d’entre
vous s’y emploieront avec nous. Sur la manière d’anoblir au rang
de l’Art nos matières appauvries par ce monde : Traditionem ab
ipso magistro accipietis.

La préparation spirituelle dont il a été question dans cet ouvrage


ne doit pas vous faire oublier la question matérielle, pour laquelle
vous montrerez application.
Outre ce que nous avons signalé à propos des armes et de leur
bonne utilisation, à laquelle vous vous initierez en des lieux
spécialisés, il est important de vous pencher sur le problème de
l’engrangement des denrées alimentaires. Vous devez, le plus
rapidement possible, préparer et maintenir un petit stock de
nourriture, à l’abri de tout ce qui serait susceptible de lui nuire.
Il faut vous rendre indépendant des événements et accidents que
le monde va connaître ces prochaines années.
De nombreuses grèves et autres mécontentements paralyseront
la circulation des nourritures de première nécessité. Les Forces
de l’Ordre auront un travail considérable, celui d’éviter panique
et vols. L’économie sera gelée et le tout débutera par un ensemble
de tremblements de terre qui troubleront les pays France,
Allemagne, Italie, Espagne et Benelux. Si ces incidents naturels
ne surviennent pas, ces mêmes pays seront contraints de
combattre d’une manière ou d’une autre avec les nations arabes,
tant les problèmes seront immenses d’ici quelques années. Peu
importent au fond les raisons et divers facteurs déclenchants.

529
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 530

L’essentiel est que vous puissiez, à ces difficiles moments,


conserver une autonomie suffisante de manière à ce que la
transmission initiatique ne souffre aucunement de ces avatars.
Vous êtes responsable de cela.
N’écoutez pas les optimistes et ne vous dissolvez pas avec les
pessimistes. Préservez votre indépendance pour protéger la
souveraineté de la Tradition.
A cette fin, voici quelques conseils utiles. Il serait bon que les
diverses préparations suivantes soient éxécutées dans la
fraternité de ceux que ce livre a unis. Que chacun apporte sa
contribution effective et matérielle. Echangez-vous denrées et
préparations. Voyez vous souvent et préparez ensemble. Partagez
entre vous fraternellement, équitablement. Que les dames se
mettent à l’ouvrage pour ce qui leur incombe et que les hommes
recherchent et stockent matières, sels et eaux diverses, énergies
et moyens de défense.

Toute précaution revient à prévoir vos besoins en énergie,


énergie d’environnement et énergie personnelle, biochimique.
L’énergie d’environnement correspond à votre vie extérieure :
bois, charbon, fuel, essence. Nous avons déjà énoncé les
difficultés que vous connaîtrez pour travailler au fourneau : ces
mêmes difficultés se manifesteront dans votre vie quotidienne.

530
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 531

Glanez du bois que vous empilerez en bûches, bien abritées (de


simples plaques, genre everite. posées judicieusement sur votre
tas sont suffisantes, pourvu qu’il soit correctement exposé.
protégé de la pluie et du vent d’ouest). Amassez également du
charbon et de l’essence. Vous stockerez l’essence en fûts d’un
demi-hecto ou en jerricans de vingt litres, à l’abri de la chaleur et
de la lumière.
Quant à l’énergie biochimique, elle concerne votre vie intérieure.
Souvenez-vous de ce que nous vous avons appris antérieurement
à ce sujet. Songez à ce qui vous nourrira bien, sous peu de volume
et sans la nécessité d’une cuisson. Recherchez donc les aliments
de bonne qualité et conservez-les de la meilleure façon, qu’ils ne
s’altèrent ni du point de vue bactériologique ni en qualité. Les
temps difficiles seront les temps du peu à partager : il faudra
alors que ce peu soit suffisant et conséquemment d’une qualité
supérieure. Vous vivez aujourd’hui dans l’abondance où la qualité
est absente. Le futur devra être vécu en sens inverse : peu mais
bien, où la misère côtoiera la richesse par la qualité.
Prévoyez du grain
- du blé et du seigle - surtout si vous êtes amené à faire vous-
même votre pain - qu’il faut placer au sec en grandes jarres de
grès bien fermées et que vous moudrez et tamiserez au fur et à
mesure de vos besoins ; de l’avoine, de l’orge et du millet (en
moindre quantité)
- du riz, que vous choisirez plutôt demi-complet et que vous
conserverez de même, en truffant votre réserve de gousses d’ail.
A cela s’ajoutent les légumineuses : pois, lentilles, qui de nos
jours, malheureusement, n’ont pas l’égale faveur de leurs
excellentes qualités nourricières.
Il n’est pas le lieu de vous indiquer les propriétés et les façons
d’accommoder ces céréales vous trouverez de bons ouvrages qui
en traitent. Sachez cependant qu’elles sont indispensables en cas
de pénurie alimentaire et quasiment miraculeuses si elles sont de
qualité.
Pour les lipides, choisissez des huiles de première pression à
froid, des huiles végétales de tournesol, d’olives, principalement,

531
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 532

qui ne ranciront aucunement si elles sont mises en bouteilles de


verre, hermétiquement closes et dormant à l’abri de la lumière et
de la chaleur. Du saindoux, de la graisse d’oie en pots de grès
bouchés, en petite quantité, seront une bonne source de
vitamines rares.
Pensez aux deux sels qui vous donneront la possibilité de
préserver légumes et fruits. Le sucre sera préféré non raffiné et
en provenance de la canne ou des fruits - cf le poiré - ou animal,
élaboré par les abeilles. Le sel, sous sa forme la plus naturelle,
proviendra des marais salants de Bretagne, des îles de Batz par
exemple ; un bon quintal vous permettra, à l’occasion, de mettre
en conserves des produits animaux et des légumes sous forme
lacto-fermentée (procédé ancestral de conservation du chou).
C’est par ce procédé également que vous engrangerez des
protéines d’origine animale ou végétale. Vous apprécierez
d’agrémenter votre maigre brouet d’une bonne cuillerée de
tamari, autant pour votre palais que pour votre santé. Cette
sauce, qui est obtenue par fermentation et digestion d’un
mélange de grains de soja et de blé, est la base de la nourriture
du continent asiatique. Il en est de même du nuoc-mam, qui est
l’expression d’une digestion de poisson au sel, à l’image du garum
de notre bassin méditerranéen. Ces autolysats de protéines sont
à l’homme jaune ce que le beefsteak est à l’homme blanc. Ne vous
méprenez pas sur ces conseils : je ne vous dis pas de ne manger
que des céréales et des protéines d’origine asiatique dans leur
mode de préparation, je vous fais juste remarquer que cela existe,
que cela est simple de conservation et d’emploi - cela n’exige
aucune cuisson -, alors que la viande de boucherie risque de se
faire rare.
Dans cet ordre d’idées, réservez quelques bonnes conserves
industrielles de sardines, de thon. Une bonne source de protéines
et de lipides végétaux se trouve aussi dans les graines
oléagineuses, riches en vitamines essentielles : noix, et amandes
de toutes sortes.
Vous n’oublierez pas également de faire dormir, bien couchées,
quelques bouteilles d’un bon vin, rouge de préférence, qui sera un
tonique apprécié pour les jours de force.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 533

La prévoyance vous commandera aussi de tenir prête une petite


pharmacie de secours, d’usage simple et efficace
coton, compresses stériles ou à défaut linge de coton blanc bouilli
et repassé, bandes, sparadrap ; seringues IM et sous-cutanées
jetables ;
catgut. aiguille stérile, lames de scalpel, pour les petits points ;
argile verte
cataplasmes à la farine de moutarde ;
onguent à l’arnica, à l’huile de foie de morue pour les coups et les
brûlures ; éther, alcool, antiseptiques locaux ;
eau de Javel, pour désinfecter et prémunir du tétanos (1 part
pour 3 parts d’eau bouillie) ; Calendula TM, 500 cc, pour nettoyer
les plaies ;
Phytolacca TM pour les gargarismes et la désinfection de la
région bucco-pharyngée ; la plupart des essences de plantes ;
arnica, arsenicum album, belladona, calendula, china,
colocynthis, echinacea, ferrum phosphoricum, gelsemium, hepar
sulfur, hypericum, kali bichromicum, ledum palustre, mercurius
cyanatus, nux vomica, phosphorus, pulsatilla, pyrogenium, ruta
graveolens, symphytum, rhus toxicodendron en SCH. 15CH.
30CH, en granules ;
doses d’oscillo-coccinum ;
oligo-éléments : Cuivre, Soufre, Magnésium, Zinc, Iode, Cuivre-
Or-Argent ; sérum antivenimeux ; vitamines courantes .

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 534

En allopathie, pour les « coups durs », qui devront toujours être


diagnostiqués convenablement par un médecin, substances à
base de : - acide acétylsalicilique, adrénaline, antibiotique à large
spectre, arginine, atropine, caféine, camphre, cortisone,
digitaline, furosémide, gamma-globulines, gluconate de calcium,
iodure de sodium, lévoprémazine, morphine, oxygène, plasma
sanguin, quinine, tanin, tripsyne.
Vous pourrez avec profit vous reporter à un bon petit manuel
d’urgence qui vous guidera. L’avantage de l’homéopathie en ces
occasions est sa simplicité d’emploi alliée à une quasi
inaltérabilité des produits conjointes à une efficacité souvent
spectaculaire.
Voici pour le rudimentaire ; pour l’agréable, apprenez à
appertiser vous-même vos fruits et légumes au fur et à mesure
que la saison s’avance et que la Providence vous en gratifie.
Tout compagnon sensé ne souhaitant pas laisser sa famille ou ses
amis livrés au hasard des événements se doit d’aménager dans sa
maison un endroit réservé aux provisions, provisions devant
permettre à la famille de faire face à tous les événements fâcheux
qui ne manqueront pas d’arriver un jour ou l’autre.
Ne parlons pas tant des quantités qui sont fonction du nombre de
personnes vivant au foyer, mais plutôt de la qualité, de la
manière de préparer et de conserver les aliments.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 535

Tout d’abord, il vous faut posséder un certain nombre d’outils de


travail pour la préparation des conserves en verre ainsi que pour
les confitures : les bocaux sont un moyen simple de conserver les
légumes et les fruits au moment où la nature nous les offre à
profusion. Utiliser des bocaux en verre recuit munis de
caoutchoucs appropriés. Avant usage, les nettoyer avec de l’eau
additionnée de 10% d’eau de Javel ; les rincer, puis les
ébouillanter : ils peuvent alors être remplis avec soin.

Il est impératif d’effectuer l’ensemble des opérations avec des


mains très propres. Ne mettez en conserve que des produits frais.
Evitez toute perte de temps entre les différentes phases de la
préparation : épluchage, lavage, ébullition ou blanchiment,
remplissage des bocaux, stérilisation. Remplir le bocal jusqu’au
niveau de remplissage gravé sur le corps en prenant soin de
maintenir propre le bord du bocal. Mettre le sirop, le jus ou la
saumure bouillant chaque fois que cela est possible. Attendre que
le liquide soit bien réparti. Vérifiez la parfaite propreté du joint
de caoutchouc et du couvercle sur lequel il est placé. Agrafez à
fond le système de fermeture. Placez les bocaux dans le
stérilisateur. Il est absolument indispensable de les disposer
debout, calés les uns contre les autres afin d’éviter tout
déplacement pendant la stérilisation ; ne pas les coucher ni les
retourner. Si vous utilisez un autre récipient qu’un stérilisateur,
intercalez entre le fond du récipient et les bocaux un linge propre

535
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 536

bien épais. Séparez les bocaux les uns des autres avec des linges
propres et versez l’eau afin que le niveau dépasse les couvercles
de deux à trois centimètres et faire bouillir.
Il est essentiel de surveiller le temps et la température de
stérilisation recommandés. La température de 100°C correspond
normalement à l’ébullition de l’eau. L’observation visuelle de
l’eau en ébullition est dans tous les cas nécessaire. Très souvent
les thermomètres, dont sont munis les stérilisateurs de
construction légère sont faux ou deviennent faux à l’usage. Ne
sortez jamais un bocal alors que d’autres sont encore en
stérilisation, les bocaux restants étant décalés pourraient se
coucher. Pour éviter tout risque de projection et d’échec, on ne
doit jamais solliciter le système de fermeture d’un bocal chaud. Si
vous utilisez un autocuiseur, les temps de stérilisation sont
différents. Reportez-vous au carnet de recettes édité par le
fabricant de votre appareil.
Dès que le temps de stérilisation est écoulé, laissez s’abaisser la
température de l’eau vers 50°C pour éviter de vous brûler.
Retirez les bocaux afin d’obtenir un vide immédiat. Les placer sur
un linge à l’abri des courants d’air, jusqu’à complet
refroidissement.
Contrôlez alors que la stérilisation a réussi : lorsque les bocaux
sont complètement refroidis, solliciter le premier système de
fermeture (agrafe ou couvercle à vis). Si la stérilisation est
correcte, le couvercle lui-même ne doit pas s’ouvrir. S’il se
soulève, il y a eu soit stérilisation incomplète (temps trop court,
température trop faible), soit mauvaise fermeture. Vérifiez à
nouveau la fermeture et recommencez la stérilisation.
Empilez ensuite les bocaux dans un endroit sec et frais
(température inférieure à 15°C), à l’abri de la lumière de
préférence. L’étiquetage vous permettra de les retrouver
facilement au moment de l’utilisation. Pour mémoire, nous vous
rappelons qu’il existe deux systèmes de bocaux en verre, avec
joint caoutchouc et couvercle de verre, ou avec capsule métallique
et couvercle métallique à vis.
Voici maintenant trois recettes de conservation, deux utilisant le
sel, et une la chaleur.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 537

Le sel agit sur les aliments en attirant à leur surface l’eau qu’ils
contiennent et s’y dissout ; la saumure ainsi constituée, si elle est
assez concentrée, arrête le développement des microbes et permet
une conservation de plusieurs mois à un an.
Les procédés de salaison du porc, par exemple, diffèrent selon les
régions. De même que la préparation du saloir, récipient destiné
à recevoir la conserve.
Dans les Vosges, on lessive et on ébouillante le saloir que l’on met
à sécher. Puis on le fait passer cinq bonnes minutes au-dessus
d’un bon feu de genévrier, et lorsqu’il est encore enfumé, on y
jette un mélange de sel, salpêtre, poivre et vinaigre pour en
imprégner les parois durant la nuit entière. A la découpe du porc,
que l’on divise en morceaux d’environ un kilogramme, on lève le
lard en larges bandes. Celles-ci sont disposées au fond du saloir
et recouvertes de la préparation suivante : pour 10 kgs de sel, 1
kg d’oignons grossièrement hachés, persil et thym à volonté. On
range sur ce lit salé et aromatisé les morceaux de porc frais, de
nouveau on recouvre de sel préparé et ainsi jusqu’à épuisement.
On termine par une couche de sel, sur laquelle on place un
couvercle chargé d’un bon moellon.
En général, la quantité de sel varie de 16 à 22 kgs par 100 kgs de
porc. 5 à 10 grammes de salpêtre par 100 kgs, conserve à la
viande sa couleur rouge.
Le saloir est placé au frais et si au bout de quinze jours, la
saumure n’apparaît pas à la surface, on ajoute un peu d’eau
froide bouillie. On peut alors consommer le salé, qui est à son
apogée au bout d’un à deux mois, bien qu’il puisse se conserver
ainsi une année.
Comme nous l’avons indiqué plus haut, le sel est également la
base du procédé de lactofermentation, dont voici l’exemple le plus
connu : la choucroute.
Prévoir 75 grammes de sel marin sec pour vingt-cinq
kilogrammes de choux. Le chou est coupé assez fin et disposé en
couches alternées avec le sel, puis tassé au fur et à mesure avec
un fouloir en bois. Des condiments sont répartis lors du montage
des couches : baies de genièvre, poivre, laurier, romarin. On
ménage assez de place en haut du pot pour pouvoir placer une

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 538

planchette chargée de pierres. Exposer le pot pendant les dix


premiers jours à la température ambiante (entre 18° et 20°C),
pour déclencher la fermentation et, lorsque l’on entend glousser
et chanter le couvercle, on lave les planchettes et on descend en
cave au frais. Au bout de quatre semaines, la consommation peut
commencer.

Pour ce genre de conserve par lacto-fermentation, avec lequel


vous pouvez apprêter bon nombre de légumes, il est recommandé
d’utiliser de forts pots en grès munis d’un système de joint à eau
pour le couvercle.
Le procédé de dessication pour les fruits et certains légumes est
également très avantageux pour les prunes dites d’Ente, il faut
cueillir des fruits parfaitement mûrs et sains. On les étale sur
des claies au soleil afin de les flétrir et on les porte à l’étuve
pendant une bonne douzaine d’heures d’abord à 45°C. puis le
lendemain on réitère l’opération mais à 65°C. Le surlendemain,
on les termine au four à 85°C, en laissant cette fois-ci la porte
ouverte. Ce procédé peut être appliqué aux poires, aux pommes,
aux pêches et aux abricots.
Pour les champignons, un seul passage à l’étuve à 45°C, lorsqu’ils
sont enfilés en chapelets, suffit.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 539

Les degrés suivants de l’Echelle Sainte ne peuvent être expliqués


qu’aux êtres qui ont déjà métabolisé en eux-mêmes les
précédents.
Appliquez-vous donc à réaliser concrètement ce qui vient d’être
dit, le temps viendra plus tard pour de plus hautes valeurs de
l’Esprit.
Le tome II d’Introitus ad Philosophorum Lapidem, tout comme la
manière dont a été distribué le présent, fera l’objet d’épreuves
spéciales, qui témoigneront que vos forces sont capables de vous
faire poursuivre la route.
En d’autres termes, sur terre nous sommes exilés, loin de notre
origine, car nous avons fauté contre Dieu, en détournant les
qualités de notre second corps pour nos fins personnelles.
Tous les hommes de cette planète en sont là. Ils doivent, à force
d’efforts sur eux-mêmes, regagner la permanence de ce corps afin
d’avoir l’autorisation de sortir de la prison terrestre.
Nos Pères, les Saints, les Prophètes, Jésus et tous les Adeptes
sont venus pour nous remémorer qui nous sommes. Nous devons
leur obéir, c’est la seule solution qui nous est offerte pour
retrouver ce monde dans lequel le véritable état d’homme est
gardé à ce prix.
La bienveillance des lois de là-bas montre encore jusqu’ici sa
bonté : nous avons le choix. Seul notre second corps est capable
de réintégrer ce lieu natal. Alors véhicule de l’authentique pensée
- comme notre enveloppe charnelle est le lieu de déstabilisation
du second corps -, au-delà d’une permanence irréversible, nous

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 540

pouvons, nous avons la possibilité de retourner de là où nous


venons. Mais le reconquérir est la condition pour être pardonné.
Les religions permettent cela, mais seulement dans leur exercice
fervent.
La Science le permet également, à condition de vous rappeler
sans cesse qui Elle sert et votre propre position vis-à-vis de Dieu.
Et, au-dessus de tout ce que vous aurez pu faire de bon dans ce
sens, à l’heure de quitter cette planète, il vous faudra, en sus,
demander humblement l’autorisation de retourner. Croyez-moi, il
n’est pas certain qu’ils vous l’accordent, car notre faute est
grande.
Priez sans cesse.
Souvenez-vous en avec beaucoup plus de persévérance encore et
surtout, exercez.

(Prière)
Vierge douce et secourable,
Ecoute mon chant d’amour.
Brille en ma nuit misérable,
Toi l’aurore, Toi le jour.
Sois, ô tendre Mère
l’azur du ciel,
Et viens à l’heure amère
de notre dernier sommeil.
Fleur immaculée,
Parfum de nos cœurs,
Fontaine scellée,
Recueille nos pleurs.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 541

Douzième partie qui traite de la façon d’apprendre cet art


Division - Cette partie est divisée en quatre parties
1 e partie - La première est que l’artiste sache bien par cœur
l’alphabet, les figures, les définitions, les règles et la façon d’être
à Table.
2e partie - La seconde est qu’il explique bien le Traité aux élèves,
et qu’il ne se tienne pas lié par des autorités étrangères.
Il faut que les élèves lisent et relisent ce traité et qu’ils éclairent
leurs doutes en consultant l’artiste ou le maître.
3e partie - La troisième partie est que le maître ou l’artiste pose
des questions devant les élèves et les résolve raisonnablement
selon la suite de cet art. Car, sans la raison, l’artiste ne peut bien
se servir de cet art. C’est pourquoi il faut savoir que cet art a
trois amis : la subtilité d’esprit, la raison et l’attention. Et sans
ces trois, nul ne peut apprendre cet art.
4e partie - La quatrième partie est que l’artiste pose aux élèves
des questions pour qu’eux-mêmes y répondent, qu’il leur dise de
multiplier les raisons en une seule et même conclusion, et de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 542

trouver les lieux dont ils relèvent, et où ils trouvent la façon de


répondre et de multiplier. Et si les élèves ne savent répondre,
multiplier les raisons ni trouver les lieux, alors il faut que le
maître enseigne par sa parole ses élèves.
Raymond LULLE.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 543

TROISIÈME PARTIE LE NOUVEL AGE


LA VOIE ETROITE
Vous aurez compris, pour toutes les raisons qui ont été
précédemment énoncées, que le cheminement des travaux doit
passer par des méthodes de purification plus strictes que jadis.
Bien entendu, ce seront les sublimations, les distillations, les
congélations, les cuissons, qui seront les étapes où vous devrez
apporter le concours de ce redressement.
Pour ce qui nous concerne, l’opuscule Du Nettoyage des Ecuries
d’Augias vous a renseigné sur diverses déceptions que nous
avons rencontrées au fur et à mesure de la grande élaboration.
Durant des années nous avions refusé l’incidence de la pollution,
les influences négatives issues d’une humanité de plus en plus
croissante en nombre et dont l’uniformisation est le seul horizon.
Par influences négatives, qui émanent du consortium social, nous
entendons la formidable aspiration qui crée une véritable
ceinture autour de la terre, empêchant l’Esprit Universel de
pénétrer le centre des âmes sereines. Nous avons éprouvé ce
manque de nourriture divine, tout comme vous certainement, lui-
même dû au siècle et à la situation de la terre dans le cosmos.
Terrain de l’ultime épreuve, nous renaissons au milieu du
capharnaüm dans un but bien précis.
En fait - et bien que de nombreuses théories à vocation dite
spirituelle l’infirment - notre situation générale se caractérise par
une absence voulue d’influence divine. Car il est illusoire de
prétendre que la terre est éternellement baignée du courant
céleste, comme si elle était un soleil qui seul préoccuperait le
Créateur. Nous sommes loin de cette vue paranoïaque, qui a
engendré tant de douleur dans le passé. Plus modestement, un
grand nombre de preuves chymiques nous indiquent que la
possibilité de retrouver la petite porte s’amenuise peu à peu et
que la plupart d’entre vous vit sur son acquis astral. Nous devons
tous payer une grave erreur, que nous avons commise autrefois
sur le plan du second corps, et dont la gravité s’est étendue dans
les fondements de nos ethnies respectives.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 544

Sans prétendre jouer les sonneurs de l’Apocalypse, il serait vain


de se voiler la face, sous n’importe quel prétexte - fut-il
d’appartenance « religieuse » ou matérialiste -, et d’espérer en
l’homme plus qu’il n’est permis. La situation est bien plus simple
dans la réalité : la masse d’êtres humains sur terre est suffisante
pour avoir une influence continue sur les climats, sur les sols, sur
la géophysique du territoire. Vous observerez dans quelques
années des tremblements de terre croissant en nombre avec le
temps. Puis vers 2020, le formidable cataclysme, que tous les
stratèges militaires préparent dans les faits, donnera au monde
d’innombrables peuplades essentiellement gérées par la fonction
animique. Mutilés, dégénérés par les rayonnements,
complètement changés par des années vécues sans la lumière
solaire (poussières atomiques), .... les hommes seront encore plus
démunis que nos primitifs. Tueries, viols, on égorgera n’importe
qui pour une simple pomme qui pousserait là.
Assumez votre situation en êtres responsables : le rachat des plus
grandes fautes s’effectue par la réparation au cours des plus
grandes épreuves. Si vous vous trouvez là, ce n’est pas le fait du
hasard. Si vous avez rencontré vos frères, c’est que vous devez
assumer le même type d’épreuve ensemble.
Il ne faut pas limiter votre esprit au niveau du terrien. Vous
n’êtes plus à proprement parler un habitant de la terre. La terre
est un bagne. Tous les êtres qui ont commis certaines fautes
particulières contre leurs ethnies se sont incarnés sur cette
planète pour purger et laver leur fonction émotionnelle jusque
dans sa racine. Nous allons être des milliards sur ce plan, et le
cataclysme général constituera la grande sublimation. Certains
s’en rendent compte, d’autres non.
Ainsi en est-il du destin de l’homme, mais non de sa destinée. Le
destin contient en lui-même l’implacable, l’irrémédiable route
tracée par la propre faute de l’humain. Par exemple, si quelqu’un
boit sans cesse, son destin est inexorablement celui du
cirrhotique. Sa destinée est cependant autre. Il peut en effet
rencontrer mille événements qui, selon le consentement de son
libre arbitre, l’aideraient à ne plus boire. Ainsi en est-il de
l’homme en général. Son destin, par sa faute grave, l’a catapulté
sur cette boule de feu qu’est la terre, alors que sa destinée, dans
l’infinie miséricorde divine, lui offre toutes les occasions d’une

544
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 545

évolution possible. Il n’appartient qu’à lui-même d’en faire usage


ou non, selon les caprices de son ego. Il a encore ce choix ultime
et intime.
Bien évidemment, c’est dans la destinée que se trouve toute la
force de la Providence. Alors oui, le destin de l’homme est tracé,
mais non sa destinée. Le destin concerne les choix de son ego, qui
trace littéralement les incidences de ses options en
métabolisations fixes ne pouvant elles-mêmes qu’aboutir à une
situation absolument connue et irrémédiable. Mais, à l’encontre,
et grâce à la miséricorde de Dieu, celui qui s’écarte par ses
propres efforts du circuit de la suggestion permanente se voit
octroyé un certain nombre de possibilités où tout peut arriver, où
la Providence, par l’Esprit Saint, se manifeste, libre, à l’image de
ce qu’elle est vers les centres qui sont alignés sur l’Absolu.
Nous ne sommes pas les seuls habitants de l’univers. Dans le
cosmos, il existe des millions de « terres », dont le degré
d’évolution générale est voisin du nôtre. Comme sur cette
planète, il se trouve dans l’univers des lieux où certaines choses
se font et où d’autres ne se font pas. Si dans le macrocosme on
exile les vilains au bagne, dans l’infini planétaire il en est de
même. C’est pourquoi la plupart d’entre vous n’est pas terrestre
en son second corps, elle vient astralement d’une multitude de
galaxies. Et, tout comme les bagnards, vous serez un jour en
mesure de dire, entre vous, « je viens de là ... et toi ? »
Du bagne, on ne s’évade pas. On y meurt misérable. C’est le juste
sort qui nous est réservé, quand bien même les matérialistes le
contesteraient, quand bien même les humains de cette planète se
fabriqueraient un monde dans lequel le confort permet d’oublier
un peu. Eux, ils ne veulent pas s’évader. Vous, vous le devez.
Nous sommes dans la situation d’un petit groupe qui prépare un
plan d’évasion. Les autres dorment. Ils disent que vous êtes fous.
Ils disent qu’il vaut mieux ne pas tenter ce genre d’acte sous
peine de sanction.
Mais, tout comme dans les prisons, il y a des espoirs permis et
d’autres non. Il ne faut pas rêver. Certains absorbent du LSD et
finissent écrasés au pied d’une fenêtre, s’imaginant qu’ils ont
vécu ce plan d’évasion. D’autres ne veulent surtout pas qu’on leur
parle de quoi que ce soit. Ils exigent de vous le silence et la paix.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 546

Ils écrivent même des livres pour endormir les gens, qui rêvent
d’évasion mais qui n’osent la mettre en pratique. Ils projettent
des films dans lesquels il ne s’agit que de s’enfuir, afin d’éponger
l’impuissance des dormeurs. Pour nous la situation est différente
: nous partons vraiment.
Alors, on nous combat, on ne nous aime pas, on ne veut pas
savoir si nous avons réussi ou non : pour eux, il est impossible de
réussir. Ils ont fait de leur bagne une communauté idéale dont il
serait, selon eux, vain de sortir. D’ailleurs, ils réfutent les
moyens par lesquels on s’en va : pour eux, point de religion, point
de navire, de barque, point « d’autre côté ». Ne voyant pas la
nécessité de partir, ils affirment que les moyens n’existent pas.
Ils demandent à ceux qui leur posent la question : « s’il existe une
quelconque réalité dans vos moyens, montrez-nous-les et
ramenez-nous des gens qui ont effectué le voyage. »
Evidemment, ceux qui étaient partis ont réussi pour ne pas
revenir, alors que ceux qui en sont revenus ont subi une
préparation spéciale qui les rend invisibles aux autres. Ils sont
seulement vus par les nouveaux qui veulent partir : les élèves
reconnaissent les Maîtres, alors que le palefrenier moderne n’y
voit rien.
Les élèves - ou les aspirants du départ - sont évidemment pressés
de questions par les autres qui vivent avec eux et qui ne veulent
rien savoir. On leur demande pourquoi, comment, et les élèves de
répondre que la construction des moyens qui permet le départ est
un art, une grande Science, que son étude repose sur des moyens
spéciaux, qu’elle ne peut être prise que dans son ensemble,
qu’elle ne peut être examinée par fragments, comme les autres le
demandent. Ils ne peuvent donc fournir aucune réponse
satisfaisante, parce que cette construction suppose l’usage d’un
véhicule particulier - la Remore -, forme de subtilité qui ne peut
pas être montrée.
Comme les élèves sont dans l’impossibilité de fournir une
quelconque réponse et qu’ils dérangent les dormeurs, on les pend,
on les brûle ou on les enferme avec les fous. La destruction de ces
révolutionnaires est accueillie partout avec soulagement. Elle
sera de plus en plus sélective, on en viendra bientôt à engloutir
les autres manières de penser, à considérer comme fait de base -

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 547

cela l’est déjà en URSS - que la normalité est rationnellement


prouvée et qu’il est impossible de la contester sans présenter un
trouble profond, démontré rationnellement. Et puis, plus tard, «
rationnel » se transformera en « naturel », et tout ce qui
s’opposera au « naturel » sera à détruire, à exterminer. Il ne faut
même plus douter. De nouveaux mots sont détournés. «
Déplaisant », « désagréable », ... , sont maintenant employés pour
définir ce qui n’est pas normal, ce qui ne tombe pas sous le coup
de cette rationalité.
La situation ne peut mener qu’à la terreur, dès que quelqu’un
pense quitter ce monde. C’est ainsi que la terre est devenue la
meilleure des prisons, sans barreau, sans gardien. Votre
inconscient collectif est votre gardien, votre juge.
Actuellement, les postulants sont dans la situation suivante
Bonjour maître. Je veux quitter ce monde.
- Il vous faudra d’abord faire un marché avec lui.
Pas question d’un marché ! Je veux immédiatement prendre la
route avec une tonne de cigarettes. Quelles cigarettes ?
La nourriture dont j’aurai besoin une fois arrivé.
N’y pensez pas, il y a là-bas toutes les nourritures qu’il vous faut.
Je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Je ne peux pas en
être sûr et vous ne pouvez pas me le prouver.
Mais enfin, vous ne pourrez jamais marcher avec une tonne de
cigarettes, soyez sérieux. Alors, je ne peux pas partir. Vous
appelez cela un fardeau, c’est pour moi ma nourriture essentielle.
Je vais porter mes cigarettes à un autre maître qui comprendra
mes besoins.
Que les élus comprennent.

Votre mission est de devenir les Frères invisibles. Mais


auparavant, il vous faut partir, afin d’apprendre comment vous
pourrez répondre aux exigences des postulants que vous

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 548

rencontrerez plus tard. Car, pour vous, le temps sera à la


sauvegarde des valeurs traditionnelles. Vous devrez recueillir
soigneusement les « miettes du Festin », généreusement laissées
par nos Pères, en vue de les entreposer en lieu sûr.
Ce n’est seulement que bien plus tard, lorsque la situation
générale sera à nouveau propice au déploiement des forces d’en-
haut, que les élus d’alors pourront par le signe des anges
réinstaurer des structures traditionnelles.
Bien entendu, la préservation des forces patiemment mises à
l’abri ne pourra s’effectuer que dans une très excellente
transmission, dont le trait caractéristique est la verbialité. En
effet, nul livre, nul document, nulle assemblée ne sera capable de
subsister au cataclysme. Seuls des êtres, dont vous aiderez à
l’accomplissement effectif, tout comme je le fis pour vous, seront à
même de devenir les dépositaires opératifs de la Tradition. Il
faudra les protéger dans l’âme et dans le corps, car ils seront
persécutés. D faudra les préserver comme un trésor précieux et
leur donner tout ce dont ils auront besoin. En aucun cas et sous
aucun prétexte, dussiez-vous vous sacrifier, il ne faudra laisser la
mort les atteindre. Vous formerez à cette fin des aides capables
de subvenir à cet impératif, qui entoureront les futurs dignitaires
de leurs corps afin que la Chevalerie subsiste.
Entendez-moi bien.
La terre pourra alors repartir vers une autre destinée.

Pour l’heure, souvenez-vous de la variance des régimes


extérieurs, directement liée aux états de pureté. Seuls des
régimes très intenses peuvent venir à bout des incidences de la
pollution. Intense ne veut dire ni violent ni forcément haut en
température, mais judicieux.
Il vous faut apprendre, outre les bonnes manipulations dûment
requises en Alchimie, comment générer un plasma, comment
user de certains artifices inaccessibles aux troubles du monde.
Mais, avant tout, vous unir fraternellement comme le firent tous

548
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 549

vos Frères d’antan, autour de la Dame et dans la Quête, avec


toutes les implications que comporte cette impérieuse nécessité.
En effet, sachez qu’à l’issue du rituel de Pentecôte vous re-
unissant tous autour d’une manipulation liminaire au quatrième
art, je déclare solennellement agissante votre communauté
d’artistes.
Que personne du monde n’apprenne votre existence. Que les
Judas soient sévèrement châtiés. Tenez secrètes vos réunions,
gardez confidentielles vos activités, afin que les méchants ne
puissent pénétrer vos plans et profiter de votre crédulité. Croyez-
en l’histoire : ces conseils ne sont pas vains. Agissez toujours pour
le seul intérêt de la Science, balayez comme poussière ce qui
entrave sa gloire, quand bien même l’apparence de cette gêne
paraît grande. Passez vos craintes, souvenez-vous de vos
douleurs, des injustices, des victimes tombées sous la plume
hypnotisante des envieux. N’oubliez jamais que la Dame vous
donne toujours ce qui est nécessaire pour surmonter les épreuves
qui vous sont assignées.
Vous aurez sans doute mesuré l’extrême importance de la
fonction émotionnelle. Celle-ci n’a pas - nous l’avions déjà
souligné, mais rappelons-le - le moindre rapport avec les
simagrées affectives chères aux diverses manifestations
égocentriques permises, mais plutôt avec ce moteur capable de
vivre la foi : il s’agit ici de l’image du cœur du Christ, véhicule de
toutes les forces spirituelles de l’homme. La voie étroite, de nos
jours, consiste à dépolariser vos émotions du système social
actuel, afin de les diriger vers les Personnes auxquelles elles sont
destinées : ceux que vous aimez, ceux que vous choisissez pour
vos guides, vos Pères, l’Esprit Saint, le Fils, Marie et Dieu. Sur le
plan des concrets contacts avec la matière, vos investigations
devront porter sur des orientations nouvelles bien qu’ancestrales,
que nous allons survoler plus bas.
Ce n’est qu’à ces conditions que vous pourrez accéder au second
corps, c’est-à-dire au deuxième œuvre. Que ceux qui ont
remarqué la primeur de nos termes pour la vie intérieure se
félicitent de leur discernement, car c’est bien la conversion qu’il
vous faut entreprendre. N’oubliez pas ce dont il fut question au
début de cet ouvrage. Votre déracinement avec la Tradition doit

549
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 550

cesser impérativement au plus tôt, et c’est en traitant


convenablement votre fonction émotionnelle que vous trouverez
la puissance nécessaire à ce retournement.
L’émotion touche de très près les forces de la vie. C’est la raison
pour laquelle les Notables passés - les purs bien évidemment -
prenaient le plus grand soin à préserver l’atmosphère générale
du tissu social souvent au prix de sacrifices indispensables. Toute
la teneur émotionnelle de chacun était liée à celle de son frère,
homme ou femme, et les valeurs traditionnelles se chargeaient,
automatiquement pourrions-nous dire, de véhiculer les énergies
nourricières des êtres. Aujourd’hui, la force salvatice dont vous
devez faire preuve immédiatement est toute contenue dans ce
transfert.
Approximativement scindables en deux grandes familles, vous
savez que les émotions peuvent être négatives ou positives. Par
négatives, j’entends celles qui s’opposent à la vie et, par positives,
celles qui la favorisent. Auparavant, nous avions signalé quels
sont les principaux vecteurs émotionnels capables d’atteindre la
psyché, selon la nourriture appropriée : les positives.
Maintenant, il s’agit de vous attarder sur les ficelles qui vous
lient avec ce social décadent, c’est-à-dire les énergies négatives
qui sont émises dans le corps et qui prennent forme dans les
principaux métabolismes pour vous rattacher à la terre.
Les émotions indues se déploient principalement sur deux
niveaux de la sphère psychique, se traduisant extérieurement
par la colère et par l’apathie. Engendrant et alimentant peurs,
angoisses, agitation en paroxysme, nourrissant l’indifférence,
l’ennui et la paresse sur le second niveau, les mauvaises
impulsions traduisent le fait que vous croyez en ce monde, et que
vos intérêts immédiats y sont liés. Bien entendu, cela n’a pas de
rapport avec la « sainte colère », la seule qui soit permise par les
Pères, courroux qui s’abat sur les détracteurs de la Tradition
crachant au visage des morts.
Dans le cas de ce qui vous lie indissolublement au présent
monde, le décalage trouve sa nourriture dans votre niveau de
nécessité. Vous, qui êtes alors celui qui se trouve en face d’une
situation inhibitrice du point de vue des projets de l’ego, vous
vous efforcez de chercher à prévoir les suppresseurs futurs,

550
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 551

humains ou matériels, qui viendraient contrarier vos plans. Ce


point précis est très important. Parce que vous êtes occupé à vos
milliers de calculs qui concernent le présent, votre mental est en
prise avec une quantité incroyable de facteurs vis-à-vis desquels
votre moi trouve le matériel de son accomplissement.
Ce fait creuse une force supplémentaire avec tout votre vécu en
vous, cristallisé jusque dans votre chair, ce qui engendre la
symbiose apparente chair-émotion-mental. Le poids de ces
enregistrements passés est considérable. Il vient en aide
immédiate à l’ego afin de lui fournir la « pâtée » disponible avec
laquelle vous allez pouvoir justifier votre action, et donc éprouver
de droit.
L’authentique postulant chymiste se doit d’être sans aberration.
Cet état est celui qui est requis afin d’aborder la Science sans
particularisme, et donc en encourrant le moins de danger
possible quant aux interprétations futures. Outre ce que cela
signifie du point de vue de la libération symbiotique dont nous
relations l’omniprésence ci-devant, cette exigence induit celle de
vous libérer intégralement de ces enregistrements passés, surtout
en tant que référence à votre expérience présente. Etre sans
aberration signifie essentiellement trouver toujours les
meilleures solutions en face d’un problème, non pas de votre
propre point de vue, mais plutôt dans le champ d’existence du
problème en question, en relation intime avec les autres plans
qui l’ont induit.
Le néophyte doit apprendre à se désaisir de ses enregistrements
négatifs passés, qui par une malencontreuse restimulation
occultent la vision objectivante. Dans ce cas, des données cachées
et fausses seraient introduites dans les circuits de vie immédiate,
tarant d’emblée l’ensemble du champ d’expérience possible : c’est
pourquoi un très gros travail doit être effectué avec le guide sur
ces enregistrements, afin de visualiser l’étendue de leur pouvoir
non pas en fonction de la subjectivité analytique au moment de la
tentative d’investigation de ce travail, mais en regard de
l’ensemble des données traditionnelles. C’est ici que la
psychanalyse nous lâche pour rester dans le vase clos du
nombrilisme scientifique. Effectivement, dans le cas
psychanalytique, l’individu ne dispose que de sa subjectivité
présente comme moyen comparatif en face duquel il tente

551
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 552

illusoirement de resituer le pouvoir de ces enregistrements,


subjectivité qui est précisément le résultat desdits. C’est la raison
pour laquelle cette science ne peut aboutir au-delà d’un certain
résultat, car l’ensemble des expériences passées ne doit pas être
pris en compte avec la subjectivité, mais être mis en face de deux
pôles : à la fois la subjectivité présente, par le mode d’observation
de synthèse, mais sans cesse conjointe aux données
traditionnelles.
La subtilité de ces termes trouvera son éclaircissement dans cet
exemple. Imaginez que votre subjectivité du jour - selon
l’emplacement de l’intérêt immédiat de votre énergie vitale
détournée en fonction de la fixité de vos fonctions organiques -
vous place dans une situation de discussion sur tel thème qui
vous est cher, avec un ami. De prime abord, il vous semble
important de causer de cela avec votre ami, pour la chose elle-
même (du moins en êtes-vous persuadé). Puis, au fur et à mesure
du discours, votre interlocuteur, par ses mots, engendre des chocs
suffisants pour vous rappeler un enregistrement négatif passé.
Dès cet instant, vous perdez l’objectivité de la parole. Vos mots se
détournent selon le contenu de cet enregistrement, devenu
référence : en vérité, vous êtes en train de vous mettre en colère.
C’est le premier stade d’attachement, celui où l’influx vital colle
exactement à la justification de ce détournement, par lequel tous
les circuits s’éveillent et se confortent. C’est l’identification.
Choisissons un deuxième exemple, celui de votre présente
lecture. Immédiatement, vous lisez ces mots. Il se peut qu’il y en
ait quelques-uns qui vous dépassent ou que vous ne comprenez
pas très bien. Dans ce cas, convenez que vous êtes en train de lire
au-delà d’un mot mal entendu. Vous savez que cela entraîne un
brouillard mental, ce qui rendra le passage difficile à
comprendre, mais ce qui permet insidieusement et
éventuellement à tous vos mécanismes d’interprétation subjectifs
de vous mettre en situation de particularisme. Voici comment
vous dormez. Vous savez que l’étude deviendra confuse et que
vous abandonnerez le message essentiel. En vous autorisant la
pratique d’aller au-delà d’un mot difficile pour vous (ou d’une
idée), vous témoignez non seulement du fait que personne ne
vous a jamais surveillé au cours de votre vie, mais en plus que
votre effort reste à effectuer. Bien évidemment, les dispositifs qui

552
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 553

vous permettent d’avoir toujours raison vous pousseront à


relativiser ce que je viens de dire et, ce faisant, vous exercerez
exactement cette tare.
Veuillez remarquer à quel moment, en vous-même, tout ce qui
vous arrive change de vitesse. Bon an, mal an, vous suiviez avec
difficulté ces termes puis, d’un seul coup, un mot, une intonation
a provoqué en vous une situation de laisser-aller, qui est elle-
même en relation avec vos enregistrements passés. Les circuits
de l’ego, à cet instant précis, se mettent en branle et accélèrent la
marche de votre intellect. C’est le signe de votre participation
particularisante à l’événement ; c’est le signe de l’absence de
compréhension. Tout dépend, accidentellement, de la place de
votre énergie vitale en fonction de la fixité de vos fonctions
organiques. Tel animique réagira comme ceci, tel intellectuel
comme cela, sur le même sujet, qui demande en réalité une
réponse unique.
Conséquemment, tout dépend, par répercussion, du niveau
d’intégration de votre force vitale à vos fonctions. Il est donc
convenant de prêter aussi votre attention à cette fixité et de vous
la rappeler sans cesse. C’est la raison pour laquelle la
confrontation de tout ce fatras humain doit impérativement
s’effectuer en face de la Tradition. Livré à lui-même, par auto-
analyse, il ne peut s’objectiver et reste infiniment prisonnier de
ses circuits. Voilà pourquoi le monde moderne, qui a rejeté la
Tradition, est indubitablement voué à un aveuglement suprême,
inévitable et sans appel.
Si nous reprenons l’exemple premier ci-devant - ce qui vous
oblige à le relire et qui traduit en même temps la solution requise
pour le deuxième exemple -, vous observerez, si vous vous êtes
replacé dans l’ambiance des mots, deux plans d’existence de votre
endocrine. Avant le choc issu de votre champ d’expérience passée,
vos efforts étaient globaux, car relevant de tout votre être mis en
éveil (affect : joie d’avoir rencontré votre ami ; mental : intérêt de
longue date sur le sujet en question pour lequel vous attendiez un
interlocuteur ; moteur : disponibilité du corps à prendre des
mesures concrètes pour avancer). Après le choc, votre ego a
bloqué la disponibilité de deux fonctions, pour se fixer sur un
intérêt immédiat dont il a le secret. A partir de cet instant, votre
endocrine se particularise. Vous commencez à vouloir convaincre,

553
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 554

par exemple : l’adrénaline sera générée par un facteur


déclenchant de stress, et non de nécessité. Les deux autres
fonctions, paralysées, chercheront à inhiber la substance pour
laquelle ils n’ont eu aucune information et, durant ce travail,
vous les mobilisez pour une tâche qui n’a plus de rapport avec
l’intention originelle.
Une heure après, vous passez par Providence devant une œuvre
de sculpture, qui vous crie combien il serait primordial pour vous
de l’admirer selon la fonction émotionnelle. Vous avez tout oublié
de votre rencontre précédente, vous l’avez systématisée. Mais,
comme la fonction émotionnelle a donné toute sa force pour un
travail vis-à-vis duquel elle n’est pas conçue, elle est en train de
réparer ses dégâts, ce qui engendre une totale indisponibilité de
sa part.
Alors, si vous êtes dans la situation générale d’un de ces
plumitifs qui serait en train d’écrire un livre-mode sur l’Art, vous
relateriez l’observation vécue intellectuellement, avec toutes les
tares dont il est question ici, mais en plus avec l’ensemble des
déviations aléatoires permises par ce choc. L’imbécile
rencontrant un ami, se considérera en face de cette statue, et
l’ami, par identification (parce qu’il a par exemple obtenu une
signature auprès de son éditeur et qu’il l’admire à cause de cela)
sera d’accord avec cette interprétation. En réalité, tout cela n’a
rien à voir avec l’Alchimie, et vous de lire les propos démoniaques
de tel et tel idiot. C’est pourquoi l’expérience vivante prime sur
l’expérience intellectuelle. Aussi, ne confondez donc jamais le
principe cosmique qui vous enseigne que «l’Esprit précède la
matière » : cela est vrai, mais de l’Esprit-Saint, qui vous permet
justement de vous rendre compte de toutes ces choses, et non pas
d’un mental malade. Dans leur bouche, ce principe se transforme
en « l’Etude précède la pratique », ce dont, mes fils, je doute fort
...
Pour ce donc, évidemment, Traditionem ab ipso magistro
accipietis.

554
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 555

Tout ceci vous explique les raisons qui sont à l’origine que nous
ne dévoilerons aucune opération précise d’art bref. Car, comme
d’habitude, les vautours s’en empareraient avec leur sottise et
perpétueraient ce qu’ils ont toujours fait, c’est-à-dire la
transformation selon leur mental enflé de principes, par copiage
honteux dans le seul but de se faire valoir, et vous d’être à
nouveau nourri de ce lait frelaté.
Foi de Solazaref, cela cessera avec l’introduction des préceptes de
la voie brève et, pour une fois, les nantis en feront les frais : nous
allons seulement décrire quelques matériels.
Evidemment, les élus, en fonction de la densité de présence de
leur second corps, comprendront exactement de quoi il s’agit,
parce qu’ils savent déjà, alors que les faux se verront refoulés
comme des excréments, pour lesquels l’usage de la fosse
sceptique est encore trop d’honneur. Place donc au réel.

Etudiez avec beaucoup de prudence, l’alliance du vif-argent avec


les trois métaux les plus lourds parmi les sept. Un cinquième à
un tiers de part maximum du coulant suffit, avec l’adjonction
d’un sel en quinzième partie du total en poids. Analysez les
scories, et vous comprendrez quelle est la méthode pour préparer
un métal en vue de lui incruder le Particulier.
Votre vaisseau doit être conçu selon l’Art. Sa terre doit être de la
même facture que celle dont il est question dans Du Nettoyage
des Ecuries d’Augias. Il sera conçu épais, testé au feu violent
puis patiemment vérifié, car il faut qu’aucune fente ne s’immisce
par l’exercice.
Prendre la part de métal, celle du vif-argent, puis du sel :

D’abord, placez le métal réduit en limaille dans un mortier fonte,


puis adjoignez-lui sa part sel en broyant. Introduire lentement,
tout en malaxant fermement, le poids de vif-argent : vous verrez

555
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 556

le sel absorber le liquidus. Introduisez le mélange dans l’œuf


philosophique spécialement conçu. Tassez à l’aide d’une petite
verge de fer applatie sur le bout. Saupoudrez à l’intérieur la pâte
de verre finement broyée comme il a été dit dans l’Opuscule
précité, de manière à venir au raz. Fermez l’œuf et entourez-le de
fil d’acier. Déposez-le dans un fort creuset, dans lequel vous
aurez également mis la poudre :

Mettez au feu lent. Le rouge ne doit être atteint qu’en deux ou


trois heures. Cuire, une fois au jaune, deux heures. Munissez-
vous des précautions d’usage : un conduit de cheminée qui ne
laisse rien échapper dans le laboratoire, une porte d’Athanor
solide, convenablement fermée durant l’opération. En effet, le
mélange détonne d’un seul coup aux alentours de 500°C, mais il
est impératif que cette détonation ne s’effectue pas au dehors. Il
faut qu’elle s’exprime en vase clos, sans laisser échapper sa
pression, ou très peu. Les conditions de pression sont capitales,
elles doivent subsister à chaud.
Vous verrez que le verre fond et, au fur et à mesure, vous
rajouterez de la poudre jusqu’à ce que la pâte de verre recouvre le
tout. Ensuite, une fois cuit, vous laisserez refroidir toute la nuit,
pour déluter au matin avec le marteau.
Il ne vous restera par la suite qu’à recommencer l’expérience avec
des poids et des mesures différentes, parce que le phénomène
dépend grandement de la qualité de vos matériaux de départ. En
effet, sachez qu’à un certain équilibre il se passe ce que vous
attendez en votre âme, et qui vous en dira long sur la

556
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 557

Philosophie. J’ai mis cinq années avant de trouver ce que je vous


écris en ces quelques lignes, et j’ai cuit une bonne centaine
d’œufs.

Vous observerez les scories, et vous saurez ce qu’est le soufre de


Geber qui souille et alourdit les métaux.
Le lendemain et les jours suivants, laissez le transfuge obtenu
dormir à tous temps. S’il y a une terre épaisse qui s’en dégage,
collante, visqueuse et de couleur rouge, c’est que votre opération
n’a pas été de l’Art. Si rien ne suppure, alors je vous commande
de travailler le transmuté par la méthode de Vigenère. Mais
auparavant, il vous faut fondre lentement la pastille et la laisser
refroidir d’elle-même dans le four, tout aussi doucement. Lorsque
vous verrez apparaître les premiers cristaux, saisissezvous
promptement mais habilement de votre petit têt-à-rôtir, puis
videz l’excédent non cristallisé vous serez alors sûr que l’esprit
métallique est emprisonné dans les mailles des cristaux. C’est
cette pastille étoilée qu’il convient de travailler en surfusion. Ne
vous étonnez pas d’observer, au cours du refroidissement du
cristal, toutes les couleurs du paon. La dernière doit se fixer
comme celle du soleil, pour témoigner de cette filiation. Alors
seulement le métal est redevenu vivant, il respire enfin à
nouveau, car auparavant il était trop souillé et trop endormi pour
livrer son particulier.
Sachez que cette voie n’est pas unique. Il se peut que la
Providence vous octroie d’autres lumières. L’essentiel est que
vous subodoriez, vous mes fils praticiens, la quintessence
principicielle de ce que je viens de vous dire. N’oubliez pas les
précautions comme, par exemple, fil de fer comme corde à piano
de 0,7 à 1 mm de diamètre, etc ...

557
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 558

La surfusion de Vigenère, contrairement à l’opinion courante


dans quelques publications, s’effectue avec le puissant catalyseur
que vous connaissez en voie sèche, de ses rayons argentés.
Votre vaisseau doit être celui de la caverne des anciens. La
divulgation sera grande, je vous engage à veiller à sa non-
propagation. Effectivement, puisque vous avez préparé le métal
précédent par archimie, vous pouvez maintenant lui faire subir
sa première opération philosophique, qui rendra son Particulier
ou matière première de la Pierre en Art Bref. Apprenez que c’est
l’ensemble des lentilles qu’il vous faut cuire en vase spécial, avec
la colère de Dieu, selon un régime tout aussi spécial, dans lequel
les étés se succèdent aux hivers glaciaux, jusqu’à ce que le signe
vous gratifie du second œuvre bref. Ne touchez jamais à l’œuf, car
la Mère n’en voudrait plus !
Si vous avez observé des oiseaux se désaltérer aux familières
fontaines conçues de main d’homme, vous saurez reconnaître
votre vaisseau.
Vous n’ignorez pas - et si cela était le cas, que soit comblée cette
lacune - quelle est la haute valeur de l’équilibre de l’atmosphère
environnant les cristaux. Sachez que la surfusion trouve toute sa
force dans le contrôle de cette atmosphère : c’est justement là que
se situe le dilemme. Bien des labourants s’éteignirent en ce point,
à cause de leur psychisme horizontal. Ils ne raisonnaient qu’en
termes de « creuset ouvert ou fermé », afin de contrôler cette
atmosphère tout en pouvant regarder le bain et maintenir la
cristallisation entre liquidus et solidus. Ils ne veulent rien
sacrifier.
Demandez au potier chymiste cette forme d’Athanor miniature,
dans lequel votre métal cuira :

558
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 559

Disposez ce vaisseau dans votre Athanor, accompagné d’un


simple creuset clos dans lequel vous fondez la pastille cristallisée.
Dès qu’elle est liquidus, pincez très habilement votre vaisseau
spécial, inclinez-le et introduisez la liqueur par le seul orifice,
jusqu’à ce que vous ayez atteint le niveau par lequel les oiseaux
se désaltèrent :

Commencez alors votre surfusion. Vous pourrez observer à votre


aise la cristallisation sans que votre bain en souffre, lui qui sera
en l’atmosphère appropriée, puisque c’est lui qui l’aura générée.
Vous saurez que le petit baigneur se fixe lorsque le niveau visible
de l’eau glaciale baisse nettement d’un seul coup. sans raison

559
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 560

apparente. Alors il vous faut le pêcher, ce que je ne vous enseigne


pas présentement.
Le point de cristallisation liquidus-solidus doit être le plus stable
possible. Votre vaisseau sera conséquemment épais, de façon à ce
que son inertie thermique autorise cette constance engendrée par
un apport calorifique modulable. D’autre part, un moufle sera
l’idéal pour uniformiser l’ambiance, lui-même situé dans votre
athanor à gaz (ou réverbère charbon).
Vous constaterez que le régime baisse en fonction du temps. Cela
est normal, parce que la recristallisation est source de chaleur,
comme nous l’avons expliqué dans l’Opuscule. Il est donc
nécessaire, conséquemment, de prendre garde à ne pas vous
entêter à conserver votre régime extérieur stable. Il sera
convenant de le baisser au fur et à mesure de l’élaboration, à
partir du moment où l’image que vous observerez reste la même.
La période - c’est-à-dire la durée de l’expérience -, peut varier
selon votre dextérité et l’état de votre pureté intérieure, reflétant
évidemment la subtilité avec laquelle vous avez régénéré le métal
de départ. Si les 24 heures sont dépassées, vous vous trouverez
bien de placer sur le bain visible, en saupoudrant, un sel spécial,
de manière à éviter la croûte formée. Ici également, votre
recherche, du point de vue de ce sel, devra correspondre à celle
d’une simulation en température d’un bain identique, par
laquelle vous aurez auparavant élaboré votre mélange de sels
dont l’eutectique se situe entre 450°C et 550°C, sans
volatilisation rapide. Le sel tartan sera évidemment celui qui est
le moins volatil, avec lequel, en parts, vous patienterez à
équilibrer l’apport d’un ou de deux autres acolytes. Vous
prendrez garde à ce que ce sel, qui n’a pas la fonction de fondant,
n’apporte pas au bain sa part de chaleur interne et ne vienne
troubler la cristallisation. En fait, pensez plutôt en émail qu’en
sel, dans lequel le borax peut entrer dans sa forme la plus
hydratée qui soit, mais de nature. Facilité opératoire je vous
l’accorde, les anciens utilisant certaines fientes animales.
Je vous conseille de concevoir votre borax par l’eau des marais,
qui est la meilleure tourbe pour ce car elle contient en surcroît du
sulfate d’ammonium, du vitriol de mars et du gypse. Il vous faut
attendre une période de l’année, celle où les eaux sont couvertes

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 561

d’une efflorescence saline, amie du ver luisant. Vous voudrez, à


l’aide de la plume, faire provision de cette efflorescence, que vous
calcinerez dans un creuset en métal. Vous tirerez le sel comme en
toute manipulation spagyrique, pour le mêler (peut-être selon ses
qualités diverses) avec de la pierre silice en poudre, avec le sel du
tonneau ou autre. Ce que je dois vous dire, de plus, c’est que vous
devez le recristalliser jusqu’à ce qu’il perde son odeur. Les parts
de dissolution en eau se situent autour de vingt-cinq fois en
poids, à froid, alors qu’au crépitement il n’en demande que trois.
Il faut en outre qu’il soit soluble dans un esprit de vin.
Prêtez grande attention à cet acide fixe, car bien qu’il soit un des
plus faibles à la température des hommes, il déplace la plupart
des autres au rouge ...
Cependant, avant de l’employer, juste après la cristallisation,
vous lui appliquerez une douce chaleur, pour lui retirer son eau,
jusqu’à ce qu’il fleurisse complètement. Et vous l’enfermerez de
suite en vase clos.
Il se combine avec les bases salifiables en si grand nombre de
proportion qu’il ne faut point l’ignorer. De plus, en notre sainte
Médecine, sachez que sa philosophique préparation est un
puissant sédatif.

Donnons maintenant encore quelques renseignements sur le


carême du minerai magnétite avant son usage dans l’Athanor de
fusion du mars.
Cette assation s’effectue en deux temps, au sortir de la mine. Il
s’agit essentiellement d’enrichissement, afin d’offrir plus de
possibilités au feu externe. Effectivement, immédiatement après
la cueillette en gîte, votre magnétite est emplie de soufre, d’eau,
de gaz carbonique, et de bien d’autres composants qui risquent de
retarder l’emprise du feu externe. Il est plus intéressant de
disposer d’un minerai sec à tous points de vue, ceci dit pour les
philosophes qui se risqueraient à cette élaboration, si le destin
m’empêchait soudain de leur offrir l’initiation.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 562

Premièrement, lavez toute votre provision. Après l’avoir


concassée au grain requis, comme il vous a été dit, vous l’étalez
sur une grille forte et y passez un puissant jet d’eau durant
quelques bonnes minutes, afin de le débourber. Par la suite,
survolez toujours ce grillage à une hauteur constante, à l’aide
d’un fort aimant, qui attirera les éléments les plus riches ; triez
ainsi votre trésor.
Deuxièmement, vous ferez sécher au soleil votre choix, sur des
claies ou sur la précédente grille. Une fois sec, vous calcinerez
votre magnétite à feu oxydant en grand tirage. Ce grillage,
effectué en présence d’excès d’air (prévoyez donc une ventilation),
transforme plus complètement votre minerai en oxyde FeO . En
outre, il vous offre les avantages suivants
- enrichissement par élimination des éléments volatils CO et HO.
- facilité de la réduction du minerai pour deux raisons : l’une
tient au meilleur accomplissement du cycle oxydation-réduction,
l’autre rend vos concassages plus poreux, ce qui aide grandement
la circulation interne et l’éveil du mars.
- épuration plus ou moins complète par élimination du soufre de
la gangue ( et non celui qui serait lié au fer), et qui en cet état est
sous la forme SO
Dans ce but, le grillage est dit grillage à mort. Il doit commencer
doux, et vous de remuer sans cesse, jusqu’à une assez forte
température, un peu plus de 500°C ; continuez jusqu’au moment
où l’exaltation des parasites cesse, et que la circulation devienne
stable. Ne dépassez pas 600°C. En effet, si la magnétite est la
plus chargée en fer, il vous faut savoir que c’est elle qui, parmi
ses sueurs, est la plus difficile à réduire. Il est donc convenant de
l’ouvrir à bon escient, de manière à déjouer ce défaut.
Bien des modernes classifieront notre obtention du mars de
démodée. Nous les invitons à réfléchir en concept de qualité. De
ce point de vue, ils savent très bien que notre préparation est la
seule qui permette d’obtenir un produit de grande classe qui, par
la suite, est le seul capable par refusion au creuset de fournir un
fer de haute pureté.

562
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 563

Alors évidemment, notre production n’est pas de masse. Et, si


nous insistons tout spécialement sur cette conception à bas foyer,
si nous y revenons, c’est que son importance est considérable
jusque dans la voie brève.
Au sortir de la première élaboration, vous avez obtenu des boules
dans lesquelles le fer pur sommeille. Juste avant l’opération de
cinglage, vous devez vraiment l’élaborer. En effet, la globale
naissance n’est pas celle que j’ai décrite auparavant : cette
dernière débouche sur la matière première. Je ne pouvais pas
vous expliquer ce qui suit sans vous avoir aiguillonné sur les
différents aspects de la fraternité, parce que cette impérieuse
condition, vis-à-vis de l’union de vos seconds corps pour cette
cause commune, est ce qui sépare réellement cette philosophique
élaboration d’une préparation simplement métallurgique. Oui,
tous les frères doivent être là, et vous comprendrez que
l’ensemble de l’opération reflète tout en même temps l’image
fidèle de votre propre action mâle en vous, précisément ce que
vous allez cristalliser en la Remore. Au second œuvre, quelle que
soit la voie que vous suivrez, vous apportez par l’entremise du
second corps l’énergie spirituelle capable d’unir les innombrables
particules de soufre fixe en une et même pastille. C’est pourquoi,
analogiquement, vous devez impérativement vivre cette
similitude au feu avec tous les frères, vous tous représentant ces
particules de soufre fixe. Il faut que vous soyez émotionnellement
présent dans le creuset au second œuvre.
Récapitulons donc :
- cueillette du minerai au gîte, - lavage, séchage et triage,
- grillage.
Toutes ces opérations s’effectuent par petits groupes de trois ou
isolément. A partir de ce stade, vous devez être ensemble. Dans
un vaste hangar, vous aurez installé spécialement
- votre four d’élaboration de la fonte, petit haut fourneau comme
nous l’avons décrit sommairement précédemment. De ce four
sortent les boules dans lesquelles le fer pur sommeille. Dès
qu’elles se forment, d’autres frères - ceux qui ne sont pas affectés
à la fusion directe - se saisissent des boules incandescentes, les
mènent à la forge et les frappent de manière à les contraindre en

563
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 564

briquettes parallélépipédiques de 22 x 8 x 8 cm, qu’ils disposeront


sur les grilles chaudes d’un feu spécial toujours entretenu, afin
qu’elles ne cessent de rougir.
- le deuxième point, cette forge, servira plus tard également ; ce
feu s’ébat dans une simple cheminée assez grande, munie d’une
forte grille surélevée et posée sur des braises.
- les briquettes de fonte encore rouge jaune, vous les disposerez
au moment voulu dans le four de purification. Ce dernier est le
plus important dans le cycle de la phase sublimatoire. Cet
Athanor est, nous l’avons dit, appelé à bas foyer, comme ce qui se
déroule dans le haut-fourneau. Naguère, il était conjoint à ce
dernier pour travailler directement les boules, mais cela
demande encore plus de moyens techniques de construction, fort
complexes, doublés d’une dextérité hors pair. Ce four est
vraiment celui qui mérite la dénomination « à bas foyer », alors
que c’était auparavant l’élaboration même de la fonte qui était à
bas foyer dans son mode de fusion, en bas du puits. L’un concerne
la cuisson elle-même, l’autre l’objet, c’est-à-dire l’Athanor.
Le four à bas foyer est, contrairement au petit fourneau de
régule, fermé et muni d’une voûte en briques. Une chambre de
préchauffage, un récupérateur de chaleur pour l’air en
constituent les accessoires. Ici, les opérations s’effectuent à la
sole. Mais avant, les briquettes doivent être placées sur la
murette de préchauffage.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 565

Le four est pourvu de deux tuyères latérales conduisant le vent


réchauffé à la sole. Ce vent est soufflé en force à la température
de 350°C, à la demande et selon l’ordre de la manipulation.
Dans le bas foyer, sur le plan du principe, la fonte liquide va se
trouver directement en contact avec le charbon de bois. Chargez
la sole d’une couche de poussier dudit. Placez les scories du fer
que vous avez pu récupérer dans l’Athanor d’élaboration, puis
une autre couche, plus épaisse, de rondeaux du même
combustible. Faire grand feu oxydant. Une fois que
l’incandescence est proche, vous placez les gueuses de fonte (les
briquettes) sur un rampant en réfractaire où elles sont fortement
échauffées. Une fois à la même température, plongez-les
directement dans le charbon de bois, et recouvrez immédiatement
d’une bonne couche de combustible.
Laissez fondre la fonte, qui descend à travers le charbon mais,
avec un ringard (verge de fer puissante), vous brassez en
remontant la fonte constamment au-dessus des tuyères qui, à
partir de ce moment, crachent l’air chaud. Ce travail est le plus
fastidieux. Il doit être effectué avec grande sapience et force.
N’ayez pas peur des innombrables étincelles, la bouche de four
devra être prévue pour vous éviter tout incident. Ne vous étonnez
pas non plus de la fusion éventuelle du ringard, car elle est le

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 566

seul repaire dont vous disposez. Si votre ringard fond


prématurément, diminuez le vent chaud, et inversement.
Remontez en tous cas constamment la fonte dans la zone
oxydante. Vous poursuivez le brassage jusqu’à l’obtention d’une
masse spongieuse, pâteuse. Lorsque toute la masse est en boule
ainsi rassemblée, la « loupe », sortez-la vigoureusement du four,
portez-la à la forge et battez-la en barres cylindriques fines (entre
5 et 15 mm). Maintenez ces barres toujours rouges sur la même
grille qui servait à chauffer les briquettes. Reprenez-les, pliez-les
et rebattez-les, jusqu’à ce qu’il n’en sorte plus de scories. Ainsi
sera conçu votre vrai mars.
Sur 100 kilogrammes de briquettes, vous retirez environ, avec les
pertes, 60 kilogrammes de fer pur.
Si vous êtes particulièrement saints, vrais fils de Science, vous
appliquerez à vos boules, directement sorties de votre Athanor à
bas foyer, un procédé longtemps tenu secret par les forgerons,
mais que nous dévoilons aujourd’hui parce que le mur de l’acte
est tellement immense pour les intellectuels que nous ne
risquons rien. N’oubliez pas de remercier et de prier les Pères
pour de tels bienfaits.
Pour rendre le fer réellement malléable, blanc comme la lune et
fort comme le Chevalier, vous devez lui appliquer l’art de
l’adoucir. Il s’agit en fait de décarburer complètement les boules,
que vous aurez battu comme précédemment mais que vous
laissez en boules, le battage devant juste servir à retirer les
impuretés. Votre masse ne doit jamais supporter l’absence
d’incandescence. Aussi, une fois convenablement battues, vous
les disposerez sur la grille du feu précédemment décrite.
Parallèlement, d’autres frères auront fait jaunir un creuset par
boule - grosse comme celles d’un jeu favori méditerranéen et de la
forme d’un neuf -, dans lequel ils auront placé la terre du fer.
Vous déposerez une boule par creuset, et la recouvrez d’oxyde
puis du fort couvercle. Vous maintenez le feu entre 980°C et
1050°C, durant cent heures. Vous aurez évidemment disposé tous
les creusets dans le même four.
Durant ce recuit, il se produit la décomposition du carbure de fer
en graphite dans la masse de la pièce. Des petites billes de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 567

graphite se forment dans les boules, décarburant complètement


votre mars. Plus tard, par sciage, vous pourrez les observer et les
retirer simplement par grattage. Vous aurez ainsi un fer
parfaitement pur.
Mais, après cette période de cent heures de recuit, vous
refroidirez à la vitesse de 10°C par heure l’ensemble, ce jusqu’à
650°C. A cette température, vous pouvez défourner, car cette
dernière est inférieure au domaine de transformation eutectoïde.

Il peut paraître paradoxal, le fait que nous ayons atteint un stade


de développement effectif au laboratoire, en ces temps où les
lunaisons ne sont pas très favorables. Nombreux seront ceux qui
se posent à juste titre des questions sur ce, se demandant
comment, en l’absence des conditions requises, nous sommes
parvenus.
Le trouble vient de ce qu’ils étendent les exigences naturelles à
l’ensemble de la Philosophie, alors que l’art bref - tout comme
d’autres voies - ne calque pas avec similitude les conditions
extérieures à celles de la voie sèche. En effet, les impératifs
naturels changent pour tout ce que nous avons pu énoncer ci-
devant, mais également par le fait de l’appartenance brève de
cette voie à la Science. Autant réitérer la révélation capitale, du
point de vue de ce chemin, de l’énergie de la foudre, ce qui nous
rappelle la courte anecdote suivante.
Alors que nous nous confrontions malencontreusement aux gens
qui fuient le geste, ces derniers, d’un ton parfaitement suffisant,
nous jetèrent
« - Selon les textes, vous n’avez pu effectuer quoi que ce soit, vous
ne rencontrerez donc aucun auditoire.
- Là n’est pas notre vocation, Monsieur, que celle de « rencontrer
un auditoire ». Pour le reste, vous avez bien interprété : pas de
lune pure ce printemps.
Alors ?

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 568

Nous avons par contre été gratifiés de nombreux orages. »


Et nous nous sommes quittés là, les laissant pantois, bien
évidemment sceptiques. A la limite, ils se demandèrent si nous
nous payions pas leur tête. Pas du tout ! Voici qui était la plus
stricte vérité.
Nous voici, ceux-ci étant énoncés pêle-mêle dans cette troisième
partie, au seuil de quelques renseignements touchant les
plasmas. Plutôt placés dans le domaine physique - en ce qui nous
concerne - des courants électriques dans les fluides, on appelle
plasma l’état de la matière caractérisé par une ionisation élevée
de ses particules gazeuses.
Nous avons souligné, précédemment, que cette ionisation
s’effectue évidemment dans les gaz, c’est-à-dire dans le métal
bouillant, avec contrôle de pression et d’atmosphère. Or, le Sujet,
même faiblement allié au mars, entre en ébullition à 1400°C.
Rien n’est comparable aux manipulations modernes, puisque
notre matière de départ a été ensemencée, son point d’ébullition
étant plus bas que le vulgaire - 1600°C pour celui-ci -.
Le second œuvre bref concerne la conception d’un métal mutant,
qui naît de l’extraordinaire force de la foudre dans la liqueur
gazeuse. De très faiblement ionisée, la tourbe aérienne devient
alors totalement ionisée. Analogiquement, notre ionosphère est
l’image d’un plasma faiblement ionisé, alors que notre soleil l’est
totalement. Seule la foudre, colère sainte de Dieu sur terre, nous
offre la force directement disponible pour, en pression contrôlée,
donner l’essor au mutant. Le phénomène dissocie les grains de
matière. Entre les particules chargées du plasma agissent les
forces électrostatiques, alors qu’entre les particules chargées et
les neutres naissent des forces de nature quantique.
Tout le secret consiste à stabiliser l’apport de l’énergie de la
foudre, de manière à ce que le phénomène de dissociation
précédemment décrit dure suffisamment longtemps pour
dépasser les quantités infinitésimales. En outre, un puissant
catalyseur se doit d’être au cours de l’expérience, pour condenser,
si l’on peut dire, les agglomérats microscopiques séparés et
chargés de forces quantiques. Il s’agit de générer une turbulence
ionique acoustique puissante.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 569

Au début de l’ébullition, le liquidus se trouve dans une situation


de plasma raréfié. Puis, lorsque le courant très intense, induit
par l’éclair sous-tendu, parcourt ce type de gaz, on observe une
accentuation brutale de sa résistance, ce qui fut à l’origine de
nombreuses explosions. Mais, comme ce formidable apport
d’énergie céleste s’accompagne en même temps d’une grande
élévation de chaleur - d’où le dispositif de refroidissement prévu
et qui vous a été révélé plus bas -, on met à profit cette énergie
thermique pour déjouer cette résistance. Les échecs passés
tiennent à ce que les hommes ne purent moduler l’éclair de la
foudre. Alors, soit la résistance restait suffisante et le plasma ne
naissait jamais (ce qui barrait la route à tous les postulants en
cette voie), soit le phénomène foudre était mal contrôlé (ce qui
engendrait l’explosion pure et simple du laboratoire entier).
Les effets de la foudre, dont nous retracerons les grandes lignes
un jour et qui ne sont pas seulement utilisées en Art Bref, sont
souvent difficiles à maîtriser, malgré la haute connaissance et la
dextérité des philosophes. Cela tient souvent aux lieux, aux
périodes, mais aussi à la qualité de notre atmosphère. Il importe
peu au fond, et vous pourrez plus simplement surveiller le
baromètre, d’attendre des moments où il grimpe suffisamment
pour indiquer une atmosphère chargée d’ions (le temps lourd). A
ce stade, vous apprendrez à observer certains animaux, qui
s’agitent avec l’« électricité de l’air », comme le mouton. En effet,
lorsque la nature va s’équilibrer par l’orage, au sol se forme un
effet de couronne. jadis nommé « feu de Saint-Elme ». C’est cette
couronne, par l’entremise du bulbe des moutons, qui perturbe
leurs informations de sensations. Et bien, à ce stade précis, vous
vous trouvez dans les conditions idéales pour engendrer de
nombreuses expériences, dont je répète que leur étendue ne
touche pas seulement le quatrième Art.
Les « foudres du ciel » ne représentent pas uniquement la colère
de Dieu. Elles sont également l’image de la puissance des Tables
de la Loi, c’est-à-dire, métaphoriquement, ... , des Pères. Les
éclairs sont porteurs de concentrations astrales puissantes qui
viennent nourrir la terre.
Les valeurs du champ électrique au sol, en ces heures, dépend
aussi des aspérités du relief. Ne soyez plus sans ignorer que toute
aspérité, par un effet de concentration des lignes de force et par

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 570

tassement des ignes équipotentielles, augmente


considérablement le champ superficiel local. C’est pourquoi, entre
autres, l’emplacement des dolmens et des menhirs était si sacré,
outre leur forte liaison avec les courants telluriques. En effet, une
civilisation en paix n’a pas besoin de l’énergie du plasma, parce
qu’elle n’a pas à recevoir de connaissance. Il lui faut mettre en
terre la foudre du ciel, parce qu’elle modifie l’équilibre du second
corps. C’est pourquoi la fameuse et tristement célèbre boutade
gauloise « le ciel nous tombe sur la tête » ne traduit pas du tout
un manque de connaissance, bien au contraire. Qui d’entre vous
penserait que les Sages contemporains le sont plus que ceux
d’antan ? Vous constaterez combien toute civilisation docile prête
un sens sacré à la foudre, canalisée avec attention en divers
émonctoires terrestres, car le noyau de cette planète reçoit encore
les corrections de son Père .. .
L’énergie négative cosmique, celle qui est responsable du
tassement de la valeur humaine, est également transmise par les
phénomènes météorologiques. Il vous faut apprendre à vous
libérer de ces phénomènes de leur influence directe sur votre
être. Vous savez que notre monde se matérialise de plus en plus.
La foudre constitue un des moyens employés par le cosmos pour
transmettre cette énergie, qui n’est ni négative ni positive : elle
entre dans le cadre du cycle divin. Mais vous -je vous rappelle
que vous êtes sur le point de vous évader de l’infernal
contemporain -, vous devez vous libérer du joug du « comment ça
va » et du « temps qu’il fait ».
Le seuil d’ionisation de l’air est de 30 kV/cm (trente kilovolts par
centimètre). Seuls 10 kV/cm créent une couronne au sol, capable
d’activer un effet de pointe, que vous aurez vous-même capté puis
transmis au creuset. Ainsi, sans risque, vous offrez au bain une
ionisation suffisante, capable d’être mise en résonance par des
ondes acoustiques, et de se démultiplier suffisamment afin de
créer le métal mutant.
Les sons seront provoqués par la configuration générale de votre
four et son alimentation en gaz. aidé par un instrument de votre
conception. Il vous faudra concevoir des buses, qui donneront des
notes en fonction du régime que vous imposerez, notes claires
avec lesquelles vous pourrez chanter émotionnellement. Calculé
selon la distribution de Maxwell moderne, l’incrément (c’est-à-

570
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 571

dire l’augmentation minimale de la variable qui caractérise


l’instabilité du plasma sans excitation) suit la formule suivante :

amicalement livrée aux scientifiques de ce monde, et qui


permettra aux studieux de calculer les fréquences d’émission
sonore.
La foudre, ajoutons-nous sur ce, est le résultat d’un processus
pour lequel en fait seule sa venue nous intéresse. La maîtrise de
l’éclair est encore autre chose et, si vous le désirez, j’en donnerai
les indications précises plus tard. Un dispositif protégeant donc
votre installation de l’éclair, tout en étant capable de capter le
champ électrique grandissant, doit être mis en place
efficacement.
Un nuage orageux est en général du type cumulo-nimbus. Il
s’étend sur une grande surface, sa base se trouvant à deux ou
trois kilomètres au-dessus du sol. Son épaisseur est souvent
supérieure à dix kilomètres. Aussi, lorsque vous constatez la
montée du baromètre et que l’horizon se couvre de cumulo-
nimbus, vous pouvez, à n’importe quelle heure du jour ou de la
nuit, rejoindre vos creusets d’Art Bref. En ces temps troublés par
la pollution, par d’innombrables tares, croyez que l’usage de cet
artifice est très précieux. Dieu (Saint est-Il) donne toujours aux
sincères les moyens de leurs aspirations, quand bien même le
monde où ils se débattent est navrant.
A l’approche d’un tel nuage, le champ électrique atmosphérique
au sol est de l’ordre de la centaine de volts par mètre, lorsqu’il
fait encore soleil. Puis, au fur et à mesure de cette approche, le
phénomène croît dans d’immenses proportions. Voici la
configuration approximative de l’étalement du champ électrique
en fonction de la distance, pour un nuage habituel :

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 572

Vous aurez compris, certainement, qu’il s’agit ici de capter non


pas un éclair, mais un champ électrostatique, moyen puissant et
surtout naturel.
Bien d’autres applications découlent de ce phénomène en
Philosophie, comme par exemple la conjonction des sept métaux,
qui ne peut s’effectuer outre ; de même, l’élaboration de certaines
médecines spagyriques très puissantes, de filiation métallique.

Les précédents propos nous amènent tout naturellement à


envisager maintenant quelques notions sur les résonateurs,
tellement utiles au cours du troisième œuvre. Autant placer le
doigt sur ce point, présent supplémentaire du deuxième œuvre,
par lequel vous pouvez engendrer un métal cosmique capable de

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 573

reconnaître un type de vibration du même ordre, du même niveau


de monde. Ainsi situé auprès de votre Athanor, votre résonateur
appelle littéralement les fréquences spéciales en les concentrant
sur ce point de la terre où vous êtes au cours de la manipulation,
après avoir été capable de traverser les inconvénients dus à notre
matérialisation croissante.
Entendons-nous bien : il est évident que le terme du second
œuvre vous livre, en principes essentiels et hautement purs, les
trois composantes de la Pierre. Ce que je veux dire ci-devant,
c’est que l’acquisition de ces trois présents divins vous rend, en
sus, capable d’extrapoler ce que votre labeur vous a enseigné,
afin d’élaborer des ustensiles vitaux pour le bon déroulement du
troisième œuvre.
Dans les systèmes vibratoires et acoustiques capables de
produire des ondes sonores, il est nécessaire de distinguer
plusieurs types d’appareils. Cordes, vents ou percussion, le
principe père de votre investigation retiendra comme critère
central la valeur d’une onde la moins parasitée possible. En effet,
il vous faut savoir que toute production vibratoire sonore n’est
pas dissociable de son instrument, et que ce dernier absorbe une
partie de l’énergie émise.
Par exemple, les cordes frottées, pincées ou frappées, si elles
émettent les sons les plus subtils, n’en retiennent pas moins une
partie notoire : le secteur excité consomme une quantité
vibratoire certaine, qui se soustrait de la somme du processus
musical. Et, si dans la mélodie l’homme recherche une harmonie,
justifiant les instruments à cordes, il en est tout autrement dans
notre Science, pour laquelle l’onde émise se doit d’être la plus
pure possible. C’est pourquoi ici, seul l’air ambiant sera à la fois
parasite et serviteur, si l’on peut dire, impliquant nécessairement
l’usage d’outils à vent, à moins d’être un grand maître. La
dynamique des fluides, si elle est convenablement soumise,
donne de meilleurs résultats que celle qui anime une matière
pesante comme les cordes.
Mais, comme pour tout instrument, les problèmes sont les
mêmes. Il faut considérer d’une part le système excitateur -
biseaux et anches diverses -, et d’autre part celui du corps sonore
lui-même.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 574

En réalité, il n’existe dans la pratique que deux moyens d’exciter


une colonne d’air : celle de souffler sur un biseau ou arête de
tuyau, et celle d’adapter une anche qui, par le vent, émettra une
vibration. Notons immédiatement la prééminence des systèmes à
tuyau, plus fiables que les anches, et moins absorbants.

La bonne vieille loi des tuyaux nous indique avec précision


quelles sont les équations élémentaires régissant les ondes de ce
type. L’air étant un milieu élastique dont la célérité est de 340
m/s à 20°C, on dit qu’une onde plane est engendrée par la
compression brutale d’une tranche d’air par une surface plane.
Vu l’élasticité, il s’ensuit une dépression, poussant les molécules
de l’air dans une direction définie - par exemple si la colonne est
contenue dans un cylindre et comprimée par un piston (une
pompe de bicyclette) -. Par contre, si l’on ouvre ce cylindre par un
bout, les molécules d’air vont pousser leurs voisines, qui en
pousseront d’autres à leur tour : il y a ici déplacement du
mouvement de proche en proche, l’onde se propage, on dit qu’elle
est progressive.
De simples calculs de physique des fluides nous indiquent que la
fréquence obtenue à l’aide du tuyau de longueur donnée, bouché
à un bout - ce que l’on nomme le « bourdon » -, est donnée par
l’équation
f = V : 4L

574
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 575


f est la fréquence exprimée en Hertz
V la célérité du son, soit 340 m/s
L la longueur du tuyau en m.
C’est la loi de Bernoulli pour les tuyaux fermés à un bout. Si le
tube est ouvert aux deux extrémités, la « hauteur » du son change
et devient
f = V : 2L
ce qui signifie sur le plan auditif que la fréquence est deux fois «
plus aiguë ». Choisissons par exemple un bourdon de 0,325 m. On
aura
4 L = 0,325 x 4
F = 340: 1,3 = 261 Hz
ce qui correspond approximativement à un ut 3 . Pour un tuyau
ouvert aux deux bouts, on aurait 523 Hz, c’est-à-dire un ut 4 .
La pratique exige un simple ajustement de longueur « sur le tas
». En outre, lorsqu’on réalise la synchronisation de la fréquence
propre du tube avec la fréquence excitatrice, l’instrument devient
le siège d’une onde stationnaire d’amplitude maximale et stable.
Ici interviennent des questions de diamètre.
Bien de l’expérience est nécessaire pour mettre toutes ces
données au service effectif d’un son pur. Seuls les facteurs
d’orgue ont les qualités requises pour mener à bien ce travail. Il
vous faudra leur confier vos désirs et, contrairement à ce que l’on
croit, la réalisation d’un ensemble de tuyaux d’orgue n’est pas
très onéreuse (environ sept cents francs pour une octave, en sons
aigus). Trois octaves suffisent, le plus grand soin devant être
accordé au timbre. Ce dernier est tributaire d’un important
nombre de conditions, qui vont de la pression d’attaque de l’air
sur le biseau à la qualité des matériaux constituants votre tuyau.
C’est là que vous intervenez, chers chymistes, et de fournir à
votre facteur d’orgue le métal philosophique adéquat. De plus,
vous lui spécifierez quel sera le mode d’excitation (bouche,
soufflet, ...).

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 576

Il vous faudra concevoir quelques kilogrammes de Jupiter


refondu selon l’Art du point de vue des particuliers, jusqu’à ce
qu’il ait atteint une cristallisation suffisante, et y adjoindre un
peu de Sujet purifié. A peine 3% sont nécessaires. Alors
seulement, l’artiste pourra concevoir vos tuyaux, les sons émis
par cet artifice seront ainsi signés du timbre filiatif.
Que d’instants ineffables vécus en compagnie de mon maître,
pour lesquels une vie d’écriture ne suffirait pas. O mes fils, je
souhaite ardemment du fond de mon cœur d’artiste, que votre
âme rencontre, pour le plus grand bien du Tout, ce que j’ai pu
vivre. Inqualifiable, inaltérable et hautement émotionnel, ce feu
me dévore le ventre chaque seconde, je brûle et me retiens les
larmes, je n’ose vous en parler tant je crains l’explosion
intérieure et pourtant, il faut que vous sachiez, il est vital que
vous éprouviez vous aussi, à votre tour, les vibrations de Marie
appliquées directement sur votre chair.
Fascinante épouse, belle brune vêtue de noir, les yeux
extrêmement doux, la Perenelle de mon maître ne manqua pas de
m’initier à la musique canonique à l’aide d’un instrument bizarre.
Il était confectionné avec des cordes tendues sur une peau de
bête, très longues et de formes imparfaites ; mais, quels sons ! La
moindre excitation provoquait immédiatement une image sonore
développant une somme d’harmoniques puissantes.
Elle était là, éminemment éblouissante, dégageant une noblesse
d’âme indicible ; ses doigts dansaient au bout de ses bras
majestueux. Magistral était son être, radieuse sa manière de
vous dire d’un simple regard ce que vous êtes, considérable de
force intérieure. C’était la femme au sens le plus fabuleux du
terme qu’il me fut permis de rencontrer. Seules ma mère et mon
épouse, seules quelques rares dames surent me rappeler ce
sentiment étrange de profondeur, cette permanence.
Sa présence dans une pièce était musicale ; je suis sûr qu’elle est
une vraie magicienne, car elle ne savait pas, elle ne provoquait
rien, elle était, elle n’avait qu’à respirer. Mon maître lui portait
un respect comme je n’en avais jamais vu. Il lui parlait,
s’adressant comme à des anges, les yeux fermés, infiniment
amoureux, avec des mots qu’il inventait. Ces dialogues étaient
insupportables de candeur. Elle lui répondait en chuchotant,

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 577

terminant ses phrases en joignant les mains et en baissant les


yeux. Ah ! mes fils, comment mieux vous conter ? Lorsque ce
murmure troublait doucement l’atmosphère, un halo se dégageait
de ce couple, l’enveloppant ; elle, avec la musique de ses paroles,
les mains tournées vers le Maître comme si elle le caressait ; lui,
attendait, entendait, les yeux clos ; il percevait de toutes les
fibres de son être.
Je me souviens d’avoir été fort troublé. Agité en tous sens, j’avais
vraiment du mal à assister à ce ballet merveilleux, quotidien,
surtout lorsqu’elle se mettait à chanter. Je sortais au dehors, les
cheveux hérissés sur le crâne, j’échappais les objets et tremblais
comme une feuille. Ses hymnes à la Vierge étaient tellement
vécus qu’on eût dit qu’elle pleurait aux pieds du Christ. Ses
soixante ans n’existaient pas. Notre communion autour de Dieu
fut d’autant plus grande qu’elle jouait elle-même la musique
sacrée, du temps où j’étais soufi lorsque je me trouvai de leur
rendre visite. Je souhaite à tout être sincère de telles rencontres.

Les lunettes en verre de Sujet sont, sous bien des angles, très
utiles durant le travail. Elles sont notre apprentissage du
troisième œil, les verres de la vision sûre que porte le philosophe
de la XLIIII planche de notre cher Michaël, existant à la fois sur
le plan symbolique et sur celui du concret usage.
Déjà chaussées lors des purifications mercurielles en voie sèche -
bien que la plupart des philosophes n’en touchent mot et ne se
servissent pas de cet artifice sous cette forme - éminemment
nécessaires au cours du quatrième art en notre siècle : fort
recommandable dès les premières lixivations en voie humide, le
verre canonique, autrefois donnant l’essor mystique de nos
cathédrales par leurs saints vitraux, est une des « astuces » de
l’œuvre.
Effectivement, par ses qualités consanguines, portant le mystère
astral de son devenir à l’état occulte, vous serez grandement aidé
par le port de ces oculaires spéciaux, à des moments déterminés
de votre travail. En outre, ils peuvent également vous secourir en
face d’un philosophe intrus dont vous auriez à mesurer la loyauté

577
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 578

car, à condition que vous soyez effectivement libre au sein du


second œuvre, avec tout ce que cela comporte en tant que
réalisation de l’Echelle sainte, vous serez à même d’apercevoir la
qualité de ce que certains nomment l’« aura » d’un être, surtout
du point de vue de sa permanence. Mais je n’en dirai plus sur ce,
car bien des dangers minent les pouvoirs convoités de la Science,
alors que ces derniers ne doivent servir que Dieu dans les mains
de philosophes les plus sages qu’il se peut.
Juste quelques mots sur leur conception, prévenant les envieux
qui outrepasseraient mon avertissement. Je vous dis, vils
superbes, que vous encourrez la folie pure, au cas où vous seriez
tentés par ce verre. Bien que je sache que vous n’écoutez rien,
que vous ne lirez même pas les présents termes d’une manière
attentionnée, que votre envie vous possède à un tel point que
vous ne résisterez pas à cette élaboration, je vous mets en garde
sévèrement contre la folie qui vous attend au bout ; que cela soit
clair. Plus vous porterez ces oculaires, vous qui êtes indignes de
la foi, plus vous serez plongés dans le mauvais côté du
kaléidoscope des rêves lascifs et schizophréniques. Et, si mes
récents propos vous avaient quelque peu convaincu sur la validité
de mes connaissances scientifiques et philosophiques, écoutez
mon ordre, quand bien même vous seriez cette monstruosité
rationaliste qui se sente si sûre d’elle. Méfiez-vous du pouvoir de
l’Art. Moi, philosophe, je vous dis qu’il dépasse comme vous ne
pouvez l’imaginer celui de votre science. Celui-ci touche vos
consciences, même si vous reléguez vos minables observations sur
un plan purement logique. Quelque chose se passera à votre insu
et, lorsque votre sottise épaisse le découvrira, il sera trop tard
pour vous : vous deviendrez vous-même un champ d’expérience et
d’observation tout aussi bête pour vos collègues. Vous êtes
prévenus.
Il n’est pas évident de fabriquer le verre du sujet. Bien que
certains loufiats en parlent, comme Lémery (qui pour l’Art est
devenu loufiat), il faut beaucoup d’adresse et de savoir.
Premièrement, il est nécessaire de bien connaître les réactions
métallurgiques du Sujet, à un tel point que vous pouvez prévoir
exactement son devenir, sans la moindre faille. Cela requiert
évidemment l’usage parfait du régime extérieur, et c’est pourquoi
ces lunettes sont au premier œuvre ce que le métal mutant est au

578
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 579

sortir du second. Ici encore, l’Art vous vient en aide, et ce n’est


qu’après avoir accompli le premier ouvre que vous tenterez la
conception des oculaires canoniques. Toutes ces raisons induisent
notre préférence nette à l’élaboration selon le mode du Père
Basile Valentin, que vous réaliserez avec profit. Vous prendrez
pieuse connaissance de ses chapitres II et III, le Char Triomphal
vous guidant vers les cimes d’une authentique pratique. Ainsi,
lorsque vous aurez conçu la vitreuse provision, il ne faudra pas,
selon le conseil du Maître, la verser dans un plat de Vénus ;
l’obtention des oculaires exige ici une autre méthode. En effet,
nous recherchons un verre non bullé et qui ne s’écaille pas, en
vue de concevoir une plaque uniforme et la plus parfaite possible.
De plus, le bloc ou la plaque ne devra pas être habité de stries,
source de biréfringence et donc d’illusions. Votre substance
première doit être exempte de défauts.
Une simple plaque de verre sera le résultat de votre
manipulation, car dans vos montures vos oculaires seront plats.
Lorsque les bulles ont disparu de la masse vitreuse, en votre
creuset - ce qui suppose le maintien de la pleine fusion un temps
suffisant -, vous pouvez couler. Diminuez alors le feu et bouchez
tous les ouvreaux de votre athanor, afin de ne laisser tomber que
très lentement le régime, en atmosphère neutre (ni oxydante, ni
réductrice). Les maîtres verriers disaient de cette phase « faire la
cérémonie » ; à l’époque où l’on cuisait au bois, on cessait de tiser,
c’est-à-dire d’apporter du combustible.
Cet abaissement de température a pour but de rendre le liquidus
moins fluide, tout en lui conservant une consistance assez
épaisse. Cela force les bulles restantes à remonter à la surface.
Lorsque vous sentez que la « cérémonie » se termine, vous vous
assurez concrètement que le verre est prêt. Pour ce, vous plongez
furtivement une verge de fer dans le creuset et de la tirer pour
former un fil. En retirant, par son propre poids, le fil restant,
verticalement disposé, doit prendre la forme d’une petite goutte
ou poire. Bien évidemment, ce test s’exécute dans l’enceinte,
verge de fer à la même température que le creuset. Pendant ce
temps, un ami philosophe fait chauffer à l’aide d’un fort
chalumeau et très uniformément une plaque de fonte de 3 à 5
centimètres d’épaisseur et de un mètre carré de surface.

579
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 580

Lorsque tout est prêt, c’est alors le branle bas de combat.


L’opération de coulée s’exécute avec la précision d’une manœuvre
d’artillerie et la dextérité d’un derviche tourneur. Le four est
ouvert, le vase incandescent est saisi, promptement placé à une
vingtaine de centimètres de la plaque en fonte polie et chauffée à
150°C. Au signal, le vaisseau s’incline et, la belle liqueur d’opale,
transparente et onctueuse, s’étend comme une cire ductile !
Mais, tout comme l’ami artiste chauffait la plaque, il avait
également porté son feu sur un fort rouleau du même métal, d’un
diamètre compris entre 100 et 150 mm, muni de paliers aux
extrémités afin de ne point se brûler. On aura au préalable placé
deux réglettes d’identique épaisseur sur la table à coulée, de
manière à ce que les faces soient parallèles.
Sitôt la liqueur pâteuse sur la table, l’acolyte l’étend à l’aide du
rouleau reposant sur les deux réglettes d’une épaisseur de 8 mm.
Il roule en croisé jusqu’à ce que le rondin roule facilement sur les
réglettes. Cette opération ne doit point refroidir le verre au-
dessous du rouge, en aucun cas. Si cela était, il vous faudrait
chauffer plus votre plaque et votre rouleau, car tout dépend de
votre quantité mise en œuvre. Il vaut mieux avoir suffisamment
de masse, et trois kilogrammes sont le minimum.
Tandis que la glace est encore rouge et ductile, vous relevez sur
trois à cinq centimètres un de ses côtés, et de former avec cette
portion un angle de 45° sur une des longueurs (comme une feuille
de papier pliée). Vous glissez rapidement une large pelle très
biseautée en bois dur et mouillée pour la circonstance, par l’angle
ainsi formé, pendant que votre ami retient à l’autre bout la glace
à l’aide d’un fer plat en acier. Vous la placez ensuite dans un four
à recuire, maintenu à la même température que votre verre ainsi
travaillé (environ 450°C, selon la qualité de votre produit), sur
une plaque réfractaire saupoudrée finement d’alumine hydratée.
Vous laissez refroidir le restant de la nuit. L’ensemble de ces
opérations ne doit pas dépasser cinq minutes, montre en main .. .
Le lendemain, vous faites subir à votre glace le test du diamant.
Vous coupez une extrémité et vous l’analysez dans sa cassure
pour observer les défauts. Ne vous attendez pas à obtenir un
verre poli et parfait. Il sera mat et un peu ondulé en surface.
Vous le glacerez bien à plat comme il sera indiqué dans un

580
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 581

chapitre suivant, traitant du polissage des miroirs plans. A


l’intérieur de la cassure, aucun défaut ne doit apparaître. Taillez
alors, avec le diamant, des pastilles rondes de cinq centimètres
de diamètre, autant que vous le pourrez, afin de choisir les
meilleures plus tard, après le polissage.

L’usage de l’optique est fréquent au cours de plusieurs


manipulations, et quelles que soient les voies. Il permet bien des
possibilités de dynamisation en transformant les rayons
lumineux solaires ou lunaires comme il est souhaitable pour la
réception des influx.
Nous limiterons volontairement nos renseignements sur le
rayonnement solaire, pour des raisons confidentielles : en effet, la
lune nous envoie un type de rayonnement dont il serait
dangereux de décrire l’emploi aux gens du monde.
Le rôle de l’atmosphère est évidemment très important, et
notamment pour nous chymistes celui de la troposphère, couche
qui s’étend de notre sol jusqu’à 10 à 15 kilomètres de hauteur.
Dans cette couche, la température décroît verticalement de 6,5°C
par kilomètre, ce qui la porte, à la limite de la stratosphère, à -
90°C. La composition gazeuse approximative de notre
troposphère est celle-ci
78% N2
21% O2
0,9% A
0,03% CO2
En haut, vers dix-huit kilomètres, plus d’ozone O3 ; en bas, au
voisinage du sol, évidemment plus de vapeur d’eau, ce qui nous
intéresse grandement. Il existe également d’innombrables
poussières, des gaz rares, des cristaux de glace : le rayonnement
solaire qui atteint le sol a été diffusé, absorbé et réfracté par une
grande quantité de corps de densité et de température
croissantes.

581
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 582

La vapeur d’eau, elle, est concentrée surtout au voisinage du sol.


0 à 5000 m contiennent 95% de la vapeur qui existe en totalité
dans l’atmosphère globale. 0 à 2000 m en contiennent déjà 50%,
ce qui est considérable lorsque l’on pense à la hauteur de
mouvance de la plupart des nuages.
On appelle « hauteur d’eau condensable » la hauteur d’eau que
l’on précipiterait sur un centimètre carré de surface horizontale
au sol si toute la vapeur d’eau située au-dessus (comme un tube
imaginaire) était recueillie à l’état liquide. Sa valeur est donnée
par la formule empirique
W = 0,17 e
où e est la tension de vapeur d’eau au sol exprimée en millibars,
en l’absence de rayon solaire direct ; W la hauteur d’eau en
centimètres.
En ce qui nous concerne, il est intéressant de décrire
schématiquement quelques principes de diffusion moléculaire. Il
est nécessaire de savoir que lorsqu’une radiation passe d’un
milieu à un autre d’indice de réfraction différent, il y a d’abord
déviation des rayons lumineux : la réfraction. Et, si la variation
d’indice est brutale sur une faible épaisseur comparativement à
la longueur d’onde de la radiation, une certaine quantité de
rayonnement incident est renvoyée dans le premier milieu dans
une direction privilégiée : c’est la réflexion. Enfin, lorsque le
rayonnement passe à travers des trous ou heurte des obstacles
dont les dimensions sont de l’ordre de grandeur de la longueur
d’onde émise, il est encore dévié, non plus dans une seule
direction, mais dans plusieurs directions privilégiées : c’est la
diffraction. A l’opposé, si le faisceau incident est réfléchi dans
toutes les directions par des irrégularités de surface réparties au
hasard et dont les dimensions sont de l’ordre de grandeur de la
longueur d’onde ou inférieure, on est en présence de la diffusion.
Tout ceci peut vous paraître complexe, mais il est important de
vous familiariser avec ces principes. Par exemple, en voie
humide, il est absolument impératif de placer le vitriol dans une
fiole dépolie, sablée à une granulométrie aléatoire. Vous aurez
donc saisi pourquoi, les phénomènes de diffusion devant primer

582
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 583

sur tous les autres, car le vitriol se décompose avec certains types
de rayonnement.
Ainsi, le soleil émet des rayons au sol dont une partie importante
est diffuse, alors que l’autre part est directe. Pour plus de facilité,
nous désignerons
Rayonnement direct : S
Rayonnement diffus : D
Rayonnement global : G
L’éclairement énergétique, qui est la puissance reçue par unité
de surface ( donc des Watt par mètre carré) sera désigné par I.
On aura compris que le rayonnement diffus provient donc
nécessairement de toute la voûte céleste, parce qu’il n’a pas
d’orientation privilégiée. Entre toutes ces données, il existe les
relations
S = I . sin h
G = S + D = I . sin h + D

Bien sûr, si le ciel est couvert, le rayonnement global n’est autre


que le diffus.
Nous donnons ces quelques indications pour orienter le
philosophe vers les chemins de l’investigation sérieuse. Nous ne
nous étendrons pas davantage à ce sujet, afin de laisser à l’artiste

583
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 584

la possibilité de réfléchir convenablement intellectuellement :


cela fait partie de son initiation. Ajoutons simplement la
confidence suivante, et bien des choses s’éclaireront pour les
disciples. Quelques mots sur le rayonnement tellurique d’une
onde perçue sur la surface du sol en un lieu donné est
directement proportionnelle
- à la qualité géophysique du sol,
- à la présence de masse. d’eau, qui véhicule une quantité
imposante d’ions, eux-mêmes porteurs de rayons
spécifiques,
- à la qualité des corps qui jonchent le sol, et qui font office
de corps noirs du point de vue de l’énergie émise par la
masse volcanique souterraine.
- à la présence ainsi qu’à la qualité des nuages du ciel,
Les prolixes auront compris que la stabilité d’une onde tellurique
est donc grandement accrue la nuit : instant où le bilan radiatif
au sol est le plus constant, par ciel clair ...
Citons maintenant le nom de quelques appareils utiles qui vous
permettront de mesurer l’énergie rayonnante au sol : radiomètre,
pyradiomètre, pyranomètre, pyrhéliomètre, bilanmètre,
héliographe.
Examinons le cas particulier du miroir paraboloïde, et calculons
sa concentration réelle en énergie effective.
Un paraboloïde de révolution s’obtient par rotation d’une courbe
parabole autour de son axe. Nous examinerons plus loin comment
réaliser concrètement cela. Mais, du point de vue mathématique,
une parabole est une courbe dont l’ensemble des points est situé
à égale distance d’une droite fixe appelée directrice, et d’un point
fixe F nommé foyer. L’intersection de la parabole et de son axe
est le sommet S. Si l’on choisit ce sommet comme origine,
l’équation de cette courbe est
y2 = 4 f x
en désignant par f la distance focale SF. En coordonnées polaires
de pôle F, l’équation devient f

584
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 585

expression dans laquelle 0 représente l’angle d’ouverture au


point courant I d’ordonnée h’. On a :

Il en résulte immédiatement que la surface incidente est :

L’aire du paraboloïde est :

585
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 586

La propriété fondamentale d’un miroir paraboloïde est d’être


stigmatique pour le point à l’infini :

586
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 587

Cela résulte de la particularité suivante de la parabole : si IH est


parallèle à Sx, la bissectrice externe de l’angle HIF est normale à
la courbe. Dans la réalité, l’image réelle du soleil n’est pas
ponctuelle, il existe toujours un diamètre apparent fini. Le
diamètre de l’image du disque solaire est
d = fe
Comme on sait que E = 0,0093 radian, d sera sensiblement égal à
0,01 f. On aboutit à la règle suivante : le diamètre de l’image
exprimé en centimètres est approximativement égal à la distance
focale exprimée en mètres.
Dans notre cas, on cherche à récupérer le plus d’énergie possible
au voisinage du foyer, parce que l’énergie ponctuelle très pure est
irrecevable selon l’Art : on doit impérativement « amener » un
champ d’onde et, comme d’habitude, créer un espace où les
harmoniques sont possibles. Cela revient à modifier la formule
précédente qui, dans la réalité, devient
D/f = 4
Cela se traduit par une tache circulaire dont la partie centrale,
très chaude, a le diamètre D correspondant à la formule
précédente, mais entourée d’une auréole à température
décroissante. On nomme ce phénomène l’image de Gauss.

587
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 588

Je vous fais grâce du calcul précis de la concentration, qui, pour


un tel miroir, est la suivante :

On observe que la concentration maximale s’obtient avec e = 90°.


Prenons un exemple. Dans ce cas ( e = 90° ), la formule donnera :

En moyenne raisonnable par temps légèrement couvert, au


printemps et dans l’ensemble de la France, l’énergie solaire reçue
au sol vaut 1 kW/m2, c’est-à-dire 0,1 W/cm2. Si notre miroir a une
distance focale de 1 m, la surface de l’image de Gauss vaudra
environ 0,68 cm2 , dimension moyenne d’un particulier. Cela nous
offre sur le creuset, au minimum
E = C x 0,68 x 1 = 3 100 W
Cette énergie suffit grandement à quelques opérations d’assation
en art bref. Pour des températures plus hautes, l’usage d’un
miroir plus grand est nécessaire, avec une focale
approximativement double.

588
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 589

L’emploi de plus grands miroirs s’effectue, pour nous qui sommes


peu fortunés, par l’intermédiaire de concentrateurs à champs de
miroir :

Voici qui revient à concevoir vous-même vos plans argentés, car


les « miroirs » dans lesquels on se regarde ne sont évidemment
pas appropriés. Il vous faut d’abord choisir un verre épais, afin
d’éviter les déformations dues au poids, ainsi que les
imperfections causées par une élaboration industrielle dont le but
n’est pas le qualitatif.
A ces fins, vous taillerez vous-même des petits carrés de 5 x 5 cm,
dans un verre épais (10 mm suffisent), mais après avoir poli votre
plaque mère de la manière suivante.
Sur une table de bois fixe et bien plate, vous posez, sur un
molleton, le polissoir ainsi conçu le même verre que votre plaque
à polir, taillé dans les dimensions équivalentes au tiers de cette
dernière. Entourrez le polissoir d’une bande de papier adhésif qui
dépasse en hauteur de 7 mm, puis couler la poix pure d’optique
- résine des sapins du nord de l’Europe, que vous chauffez
doucement jusqu’à une consistance liquide, sans la brûler

589
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 590

(plusieurs types de poix sont utilisées pour donner l’adhérence


nécessaire aux cordes de l’archer du violon).
Une fois la poix refroidie, taillez, à l’aide d’une forte lime, une
rainure à 45° :

Lorsque votre outil est conçu, rectifiez-le avec du papier de verre


assez fin et une plaque de marbre (la plaque de marbre
mentionnée dans les ustensiles de voie sèche ne sert pas à cette
fin, mais au second œuvre).
Votre polissoir est donc prêt sur son molleton, calé avec des clous,
car l’on travaille verre au-dessus du polissoir. Avec un
mouvement lent et constant, en traits croisés, exercez votre
patience durant une bonne heure avec un grain émeri 600
mélangé à l’eau (on ne polit jamais à sec), et ajoutez de la pâte
dès que vous sentez la poix gripper.
Ensuite, vous finissez avec le même outil, mais cette fois en
employant le rouge à polir des opticiens. Si vous n’en trouvez pas,
il vous suffira de calciner de l’oxalate ferreux. Dans ce cas,
étendre votre oxalate dans un poêlon en tôle sur une épaisseur de
deux à trois centimètres et chauffez fortement. Dès que la masse
se teint en brun par endroits, remuer avec une verge de fer (ou
d’acier). Lorsque toute la masse est devenue brune, elle
s’enflamme spontanément. Laissez le feu s’éteindre de lui-même.
Refroidir et laver à grande eau. Ce rouge sera ensuite conservé à
l’état de boue, comme les émeris, dans un pot fermé.
Vous voici donc nantis d’une somme importante de petits carrés
parfaitement polis. Il vous faut maintenant procéder à

590
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 591

l’argenture. Vous pouvez, si vous le désirez, l’exécuter avant la


coupe, mais vous risquez de la rayer en manipulant. Soyez
habiles.
L’argenture de vos futurs miroirs n’est pas difficile à effectuer.
Pour une surface de un mètre carré, il faut prévoir
- 1800 g d’acide nitrique
- 180 g de chlorure d’ammonium
- 360 g de soude caustique
- 180 g de nitrate d’argent
- 1200 g d’alcool à 90°
- 20 litres d’eau distillée
- 360g de chlorure stanneux
- 360 g de sucre de canne
Il vous faut également rassembler : du coton, des gants de
caoutchouc, des lunettes de protection, un compte-gouttes, un
agitateur, des éprouvettes graduées, quelques récipients en
verre, quelques bocaux, une casserole en tôle émaillée, une cuve
pouvant contenir le miroir (genre cuve de photographe), du
papier buvard, du savon, quatre petites cales de bois tendre de
même épaisseur deux par deux, mais dont deux sont plus
épaisses que leurs sueurs.
Lavez la casserole à l’eau tiède et au savon. Rincez à l’eau
distillée puis à l’alcool à 90°. Versez trois litres d’eau distillée, 24
g d’acide nitrique et 360 g de sucre. Faire bouillir à feu doux 10
mn. Pendant ce temps, enfilez les gants, lavez-les à l’eau tiède et
au savon, puis rincez-les à l’alcool. Il faut laver très
méticuleusement tous les ustensiles, sauf le miroir.
Pour la bonne conduite de tout travail et ici tout spécialement,
prenez le soin de marquer d’une étiquette précise le contenu de
chacun de vos récipients.
Lorsque la solution sucrée est froide, ajoutez-y 600 g d’alcool.
Réservez 600 g de ce mélange dans un flacon : c’est le « réducteur
».
Lavez à l’eau et au savon le miroir que vous frotterez
vigoureusement d’un premier coton imbibé d’alcool et d’un second
imbibé d’acide nitrique coupé à 50%, jusqu’au crissement

591
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 592

caractéristique du verre propre. Dès lors, le verre ne doit plus


sécher. Rincez-le à l’eau distillée et frottez-le à nouveau avec un
coton trempé dans du chlorure d’étain. Rincez-le à l’eau tiède,
puis à l’eau distillée, et déposez-le dans la cuve, sa face optique
vers vous. Si besoin, rajoutez de l’eau distillée pour l’en recouvrir.
Dissolvez en bocal la moitié du nitrate d’argent avec 1200 cc
d’eau distillée. Mettre de côté 200 cc de cette solution ; c’est la «
réserve ».
Préparez un autre récipient avec 60 g de soude caustique et 1200
cc d’eau distillée ; c’est la « solution de soude ».
Ajoutez au bocal contenant la solution de nitrate d’argent 12
cuillerées à café d’ammoniaque, ce qui fait virer au brun foncé.
Ensuite, à l’aide d’un compte-gouttes, sans cesser d’agiter,
ajoutez l’ammoniaque jusqu’à ce que le liquide s’éclaircisse d’un
coup. Puis, toujours au compte-goutte et sans cesser de remuer,
ajoutez une dizaine de gouttes de votre « réserve » jusqu’à ce que
le liquide se trouble très légèrement.
Après avoir protégé vos yeux avec les lunettes, versez lentement -
sous peine d’explosion - la « solution de soude ». Ajoutez 300 cc de
« réducteur ».
Videz la cuve où le miroir repose sur ses cales de bois (les deux
cales hautes sur un diamètre, leurs deux sœurs sur le diamètre
perpendiculaire au précédent). Versez le mélange préparé plus
haut sur le miroir et agiter la cuvette, pour faire basculer le
miroir sur ses cales, ce qui rendra la couche d’argent le plus
uniforme possible. Le liquide, noir au départ, s’éclaircit ; et sans
sortir le miroir, qui doit baigner un quart d’heure, enlevez avec
un tampon de coton les petits dépôts qui se seraient formés.
Rincez alors le miroir à l’eau distillée, arrosez-le d’alcool et faites-
le sécher rapidement au séchoir à main, le miroir étant maintenu
sur sa tranche, sur une surface absorbante (feuille de buvard ou
linge plié).
Fabriquez un bon tampon, avec un coton enveloppé de peau de
chamois bien lisse, qui servira à frotter le miroir en décrivant des
« huit », pour « fouler » la couche d’argent. Quand la surface est
bien foulée, mettez quelques grains de rouge à polir sur le

592
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 593

tampon et passez-le sur le miroir. Un brillant parfait doit venir et


sinon une légère buée, que vous provoquerez en soufflant, y
aidera grandement.

Terminons ces quelques données matérielles par des


renseignements qui donnent une notion plus concrète des
précédents calculs.
Le rayonnement solaire est caractérisé par une courbe de
répartition énergétique qui, aux confins de la stratosphère,
s’apparente à un corps noir (parfaitement absorbant) porté à
6000° Kelvin. Le degré Kelvin est celui de l’échelle
thermodynamique des températures absolues dans laquelle la
température du point triple de l’eau est 273,16°C. Bien entendu,
sur la surface de la terre, le rayonnement est atténué dans
l’ensemble car de nombreuses bandes d’absorption - et
notamment des couches de vapeur d’eau - en affaiblissent
considérablement l’intensité.
La température peu élevée de la terre, par rapport à la
formidable puissance du rayonnement à la stratosphère, est de
300°K, c’est-à-dire 27°C dans les pays chauds. Cette température
est due au faible angle solide sous lequel le soleil éclaire la terre,
de l’ordre de 7.10 stéradian. Mais l’apport énergétique
intermittent du soleil sous ce faible angle solide est compensé par
le rayonnement permanent infrarouge de la surface terrestre
sous un angle solide de 2 stéradian ( angle solide : sorte de cône
dans l’espace. Le stéradian : unité de l’angle solide, dont le
sommet est placé au centre d’une sphère et qui découpe sur sa
surface une aire d’une valeur égale à celle d’un carré qui aurait
pour son côté le rayon de la sphère).

593
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 594

Nous recevons en moyenne du ciel 1kW/m2 ( 1 kilowatt par mètre


au carré ), sur une surface perpendiculaire à la direction des
rayons solaires. Ceci n’échauffe pas beaucoup la surface de la
terre, à cause du faible angle solide sous lequel le soleil nous
éclaire. Il suffit tout simplement d’augmenter cet angle sous
lequel nous percevons l’émission pour accroître très sensiblement
la température. Cela revient à superposer, sur une même surface
ou dans un même volume, un certain nombre d’images du soleil
et, pour des températures très élevées recherchées, le nombre
d’images doit être très grand.
Pour ce, il est nécessaire de pratiquer une déviation de l’image
optique du rayonnement incident. Les hautes températures
exigent une accumulation sur la tache focale, c’est-à-dire que les
appareils à grande concentration sont toujours paraboloïdes. Les
meilleures réceptions ne se font pas, comme on pourrait le penser
primairement, d’une manière directe. Il est nécessaire d’utiliser
un héliostat : appareil composé d’un miroir plan qui est mû par
un système d’horlogerie, afin de suivre précisément le
mouvement solaire et ne point perdre en énergie.

594
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 595

Cependant, une dispersion est toujours créée aux abords du


miroir plan dans les conditions suivantes :

595
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 596

Ce miroir devra être légèrement plus grand que la parabole, pour


que cette dernière soit toujours placée dans le champ d’énergie
constante.
La luminescence du disque solaire décroît du centre du disque
jusqu’à la périphérie. Bo est la luminescence maximale du centre.
On a
- à la périphérie : 0,39 Bo
- en moyenne : 0,79 Bo à réception.
==> 0,79 B à réception est la luminescence moyenne B; .
Il existe, entre la luminescence moyenne B; et l’éclairement
énergétique E en W/cm2 la relation
E = 7p Bi . sin2 eo
E = 7 p Bi . sin2 16’
car eo = 1/2 de 7. 10-5st.
Il vient
E = 7 p Bo . sin2 16’ x 0,79 et, exprimé en Watt par centimètre
carré, on obtient
Bo = 18445 E
B ; = 14680 E
car on perçoit sur terre 1 kW/m2 .
La densité de flux, c’est-à-dire l’énergie par unité de surface, est
répartie dans le plan focal en fonction de l’ouverture du miroir.
On a sensiblement :
l = (0,93/100)f
f = distance focale
l = largeur du miroir
Tout cela nous a permis de déterminer :

596
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 597

Nous signalons qu’il existe des paraboles parfaites toutes


réalisées, avec film d’argent et renfort cuivré, mais nous devons
taire la provenance dont les élus auront le privilège.
Si j’ai longuement insisté sur l’usage du soleil, c’est pour mettre
le doigt sur une des rares issues de secours offerte à l’artiste
moderne. Qu’il n’oublie pas cependant la collégialité de cet astre
sur nos seconds corps, de même que la dimension mathématique
des paraboloïdes. C’est à ce niveau que se situe la première
frontière du temps, et non, comme l’enseigne la relativité
restreinte, dans l’aspect linéaire d’un ensemble référentiel à un
seul mode d’introspection.

597
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 598

598
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 599

Ainsi, le seul reproche que l’on puisse adresser à la science


chimique, c’est de ne point tenir compte de l’agent igné, principe
spirituel et base de l’énergétisme, sous l’influence duquel
s’opèrent toutes les transformations matérielles. C’est l’exclusion
systématique de cet esprit, volonté supérieure et dynamisme
caché des choses, qui prive la chimie moderne du caractère
philosophique que possède l’ancienne alchimie.
(...) Qu’on veuille bien ne voir, en cette discussion, aucune
critique injuste ou tendancieuse dirigée contre les chimistes.

599
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 600

Nous respectons tous les laborieux, à quelque condition qu’ils


appartiennent, et professons personnellement la plus profonde
admiration pour les grands savants dont les découvertes ont si
magnifiquement enrichi la science actuelle. Mais ce que les
hommes de bonne foi regretteront avec nous, ce sont moins les
divergences d’opinion librement exprimées que les fâcheuses
intentions d’un sectarisme étroit, jetant la discorde entre les
partisans de l’une et de l’autre doctrine. La vie est trop brève, le
temps trop précieux pour les gaspiller en de vaines polémiques,
et ce n’est guère s’honorer soi-même que mépriser le savoir
d’autrui. Peu importe, au surplus, que tant de chercheurs
s’égarent, s’ils sont sincères et si leur erreur même les conduit à
d’utiles acquisitions ; errare humanum est, dit le vieil adage, et
l’illusion se pare souvent du diadème de la vérité. Ceux qui
persévèrent malgré l’insuccès ont donc droit à toute notre
sympathie. Malheureusement, l’esprit scientifique est une qualité
rare chez l’homme de science, et nous retrouvons cette carence à
l’origine des luttes que nous signalons. De ce qu’une vérité n’est
ni démontrée, ni démontrable à l’aide des moyens dont la science
dispose, on ne peut inférer qu’elle ne le sera jamais. « Le mot
impossible n’est pas français », disait Arago ; nous ajoutons qu’il
est contraire au véritable esprit scientifique. Qualifier une chose
d’impossible parce que sa possibilité actuelle reste douteuse, c’est
manquer de confiance en l’avenir et renier le progrès.
Fulcanelli.

600
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 601

GLOSSAIRE
Alchimie : Science traditionnelle qui n’est pas, comme on se
l’imagine aujourd’hui, la source de la science moderne. On la
nomme la Science car elle regroupe d’une manière globale toutes
les spécialités, de surcroît transcendées par la foi. L’Alchimie n’a
donc aucun caractère passéiste ; cette déviation tient à la très
mauvaise qualité des contemporains qui portent les lauriers.
Objectivant le caractère moderne scientifique essentiel - nous
vous rappelons qu’il est de « cause à effet » - l’Alchimie est l’Art
de Dieu, c’est-à-dire celui qui préside au principe (et non pas celui
qui analyse le principe). Chymie, Science, Art, Alchimie sont
quelques termes qui désignent les larmes de Marie.
Par conséquent, les manipulations étant d’ordre cosmique
(généralisantes), la Providence leur retire tout caractère répétitif
tout en les gratifiant d’une quintessence hors du commun.
L’alchimiste est dès lors un opérateur qui sait simplement
observer les moments propices vis-à-vis desquels il met en
présence un ensemble de corps - et aussi lui-même -, afin de
rendre subtil ce qui est emprisonné dans les mailles de la nature
inachevée.
Cette Science bonifie tout aussi bien l’individu que les matières
qu’Elle anime. Son rôle est donc intérieur et à la fois extérieur :
intérieur parce qu’il met le manipulateur en situation du
serviteur ; extérieur en ce que cette bonification débouche sur
une connaissance objective - la Pierre des Philosophes - capable
de rendre témoignage de la résurrection de l’infinie bonté de
Dieu.
Arcane : principe de la Science de filiation divine à l’état
manifesté (par exemple, la hiérarchisation des mondes, les
modalités de la liaison de l’âme à Dieu, ...).
Art : avec une minuscule, désigne aussi les manifestations
concrètes de la vocation, à l’opposé du vomissement de
phantasmes issus de l’ego et chers aux modernes.
Capitalisme : caste de bourgeois née de la dégradation de la
noblesse. Détournement et pourrissement des valeurs
essentielles de l’être par l’abus de pratiques du même ordre que

601
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 602

celles de l’Inquisition. Perte sur quelques générations de la


direction et du sens des choses. Permission néfaste
d’interprétations multiples.
Christianisme : le seul dont sont dépositaires les ordres
bénédictin, trappiste et chartreux. Sur le plan laïc, vous en
référer à ces ordres qui vous indiqueront les prêtres qui peuvent
encore porter ce nom.
Communisme : soviet ou bolchevique du Kremlin sorti de la
révolution de 1917. Ensemble d’hommes dont l’ego s’est
cristallisé et qui ont paralysé ou détruit leur âme. Destruction de
la fonction émotionnelle, c’est-à-dire de l’étage intermédiaire
rendant possible la jonction de l’homme au cosmos. Système
philosophique moderne visant à l’organisation des egos sans les
transcender. Disparition complète des vocations sur quelques
générations.
Démocratie : nivellement et brassage de toutes les opinions de
chaque individu, sans distinction d’appartenance à l’ego ou à
l’être : uniformisation en référence à une majorité forcément
bornée. Système politique mélangeant toutes les tendances sans
nuance d’appartenance selon la Hiérarchie, indubitablement
voué à une évolution horizontale moyenne, étouffant l’essor de
l’esprit.
Dieu : Celui du Christianisme. Trinité ineffable, éternelle.
Personne inaccessible à l’ego.
Ego : vous-même dans vos états lamentables. Personnalité
façonnée, menteuse et considérante dont l’unique but est
l’engrossement superbe de son dynamisme. Autrement nommé
volonté propre, moi, superbe. Support psychique de toutes les
considérations et de toutes les identifications. Radical opposé de
votre être, c’est-à-dire de votre personne innée, liée au cosmos -
l’âme -.
Elite : traduit les qualités essentielles de l’être - les dons -.
Elitisme : tout système qui favorise cela, point d’éclosion des
vocations.
Envieux : occultiste, ésotériste, menteur, .... individu qui
s’intéresse à la Science à des fins d’ego. esprit : mouvement de

602
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 603

sublimation dans les appareils de chymie ainsi que dans la


nature. esprit universel : plus apparenté à l’Esprit Saint chrétien.
Homme : petit être perdu au fond des degrés de matérialité les
plus lourds de la création, mais en devenir possible. Dans
l’affligé, individu bourré de particularismes subjectifs le rendant
inapte à comprendre la réalité cosmique, sans transcendance.
Inquisition : pouvoir d’une caste de bourgeois imbus de
religiosité, dont la puissance, du point de vue du social de
l’époque, fut suffisante pour occulter temporairement la
Tradition. Simple déviation issue de quelques envieux dont le
tour de main essentiel fut de se faire passer pour l’autorité
religieuse. Il existe la même différence, sur des plans autres,
entre un religieux de cette époque et un membre actif de
l’Inquisition, qu’entre un communiste du Kremlin et vous, si
votre foi est communiste.
Marie : la Très-Sainte-Vierge, mère du Christ. Elle est également
patronne des alchimistes en ce qu’Elle est la régente des
dynamismes naturels. C’est pourquoi les philosophes La tiennent
comme intercesseur essentiel.
Matérialité : il n’existe pas, dans la Nature, à proprement parler
un côté matériel et l’autre spirituel. Cette vue dualiste est celle
d’une philosophie limitée n’englobant pas le réel. Depuis l’absolu
Dieu jusqu’aux corps les plus lourds, les plus fixes, la «
matérialité » représente cette dualité variant en densité de
présence : plus vers l’absolu, le spirituel et, en descendant
l’échelle du manifesté, plus de corps fixes.
Mécanique : les milliers d’ego dirigeant le monde sont enfermés
dans un tel particularisme que le brassage de leurs traits
principaux ne peut être qu’aléatoire. Mécanique stipule donc que
la probabilité dirige les événements au gré de cet aléatoire et en
fonction de ses chocs.
Particulier : grain-fixe de toute matière ou sa part de soufre-
principe.
Père(s) ou Maître, encore nommé Adepte, être qui a atteint un
niveau de relation permanent avec Dieu. Absence complète d’ego,
exaltation totale de l’âme. Ils sont la Tradition.

603
SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 604

Philosophe : ou chymiste, encore « artiste », labourant, laborant,


nommé aussi le sincère. Personne qui s’adonne à l’Alchimie par
vocation.
Philosophique : adjectif qui anoblit le mot qu’il qualifie en le
gratifiant de l’état dimensionnel de l’Alchimie. Se dit de
matières, de comportements humains, afin de traduire à la fois le
haut degré de quintessence lié à l’ordre filiatif cosmique. En ce
qui concerne les matières, est encore bien au dessus de la
dénomination « naturel » (au sens écologique), parce qu’il porte
en lui tous les niveaux de devenir possibles, c’est-à-dire
l’éventualité selon l’Art de dépasser le niveau matériel strict.
Philosophique signifie également implicitement l’existence
cachée (mais en devenir) de tous les plans de la Hiérarchie. En
d’autres termes, il traduit l’ensemble des différents plans de
matérialité dont les uns se transcendent par rapport aux autres à
l’aide de l’artifice. Différence essentielle entre ce qui est
scientifique et ce qui est alchimique. Par exemple U 238 des
modernes n’est pas la matière philosophique du minerai
d’uranium ; par contre, le principe mercuriel issu d’une minière
est sa quintessence philosophique, tout comme son Soufre ainsi
que son Sel.
Religiosité : déviation maniaque d’une religion venant des
particularismes d’ego humain, eux-mêmes transposés par une
éducation d’identification.
Remore : ou Remora, étape importante de l’Œuvre alchimique qui
traduit l’intégration irréversible d’un certain nombre de qualités.
Intérieurement, la permanence née des six premiers degrés de
l’Echelle Sainte (elle-même, moyen d’élévation millénaire de la
chrétienté orientale et occidentale). Extérieurement, elle
correspond à l’obtention du Soufre fixe, lui-même représentant la
partie générative - l’ensemencement de la Pierre des Philosophes.
Science : avec une minuscule, nomme les sciences de spécialités
contemporaines ou la science de ce temps qui représente le
détournement des qualités intrinsèques de l’être en vue de la
satisfaction immédiate de besoins collectifs. Confusion majeure
entre la subjectivité et l’objectivité. Paralysie complète de tout
transfert référentiel, monopolisation fixe de celui de la logique.
Ambiguïté entre le probable et le possible, entre le hasard et la

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 605

Providence, se basant principalement sur l’existence irréelle du


concept d’unité en tant que nombre.
secte : détournement moderniste de la Tradition au profit d’une
tentation illusoire de la transcendance de l’ego. Détournement
des arcanes de la Science en vue de la satisfaction subjective. Est
classé secte, tout mouvement dont les actions et les
dénominations ne sont pas inscrites dans la Tradition. Point fort :
usurpation des termes à consonance traditionnelle en vue
d’asseoir leur crédibilité.
Tradition : ensemble ancestral, immuable, éternel des arcanes
transmis de Père en fils de Science, par expérience concrète et
religieuse. Sur le plan des époques humaines successives, se
déploie dans le social et n’est pas, contrairement à l’opinion des
egos, malléable selon les modes.
Ambiguïté importante qui s’est cristallisée depuis l’Inquisition :
la Tradition ne sépare pas la Science de la Foi. Elle ne désincarne
pas complètement l’homme et ne le déifie pas dans sa matière.
Elle refuse la scission nette et interprétable « corps-esprit » : de
l’infini Absolu Dieu à la matière la plus lourde se trouvent tous
les degrés parfaitement ordonnés sans que l’un, du point de vue
de l’Absolu, ne soit privilégié par rapport à un autre, en regard
du Créateur.
Transcendance : mouvement de l’être capable d’élever l’âme d’une
dimension naturelle assujettie à un nombre de lois donné, à une
autre dimension orientée vers l’Absolu et contrainte à un nombre
de lois moins élevé.
Vocation : don de l’être qui trouve un écho concret dans une
société traditionnelle en vue de son épanouissement dans les
structures de ladite. Nourriture essentielle d’une telle société.
Déploiement des Vierge : quelquefois le qualificatif « Vierge » est
employé afin de désigner une étape de l’Œuvre dont le niveau de
perfection est à l’image de Marie sur le plan sensible.
Conséquemment :
L’omniprésence de Dieu dans le temps et dans l’espace entraîne
implicitement

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 606

- premièrement, l’unité dénombrable n’existe pas en tant qu’être ;


le hasard ne concerne donc que la probabilité, etc .... c’est-à-dire
tous les modèles mathématiques se rapportant uniquement aux
systèmes dans lesquels l’unité est le concept de base : du point de
vue de l’être, le hasard est une notion inappropriée.
- deuxièmement, toute expérience n’est pas reproductible dans sa
qualité ; - troisièmement, il n’existe pas d’hypothèse ;
- quatrièmement, en fonction des trois précédents points, leur
inverse signifie inexorablement que les expériences qui s’y
rapportent ne peuvent être liées qu’à des notions purement
quantitatives. C’est pour cette raison que la science sera à jamais
limitée à des vues horizontales.

* L’absence de référence bibliographique des citations est voulue,


en rapport avec l’enseignement du présent ouvrage.
Tant que vous n’effectuerez pas la synchronisation précise entre
tous les éléments de ce traité, il est inutile, voire dangereux, de
prendre connaissance du Tome II. Par voie de conséquence, ce
dernier ne pourra, contrairement à celui-ci, être diffusé selon le
même mode. Il sera confié aux Fils de Science qui auront
démontré dans les actes la parfaite symbiose entre tous les plans
d’expérience alchimique ; auront intégré le plus parfaitement
qu’il se peut les degrés de l’Echelle Sainte qui sont précités.
Autrement dit, ils feront preuve de la permanence et de la

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 607

densité de leur état chrétien. Ils n’hésiteront pas, pour ce, à


suivre les conseils spirituels de pères dignes ;
- auront saisi concrètement les manipulations essentielles de la
Spagyrie, les auront réalisées au feu. Auront complètement
terminé le premier œuvre dans une des quatre voies de l’Art ; -
seront morts au monde et vivront de leur art.

Que les hâtifs, eux qui auraient commencé leur lecture à cette
dernière page, retournent à la première et se signent triplement.
Que les autres frères relisent maintenant au moins deux fois
complètement l’ouvrage. Maintenant, vous savez : vous n’êtes
donc plus pardonnables.

Introitus ad Philosophorum Lapidem a été tiré à :


- 50 exemplaires, dont 23 marqués de A à W réservés à l’auteur,
et 27 numérotés de 24 à 50, sur Vélin d’Arches 160 g, reliés en
Chèvre du Cap avec papiers à la cuve ; - et 300 exemplaires sur
Centaure à grains Ivoire 120g.

Achevé d’imprimer pour l’Annonciation de l’an de grâce mille


neuf cent quatre vint-quatre de notre Seigneur Jésus-Christ, sur
les presses de l’imprimerie Dole à Moulins.
Introitus ad Philosophorum Lapidem a été édité à compte
d’auteur. Sa réalisation graphique a été assumée en totalité par
les propres soins de l’auteur et de ses disciples, exception faite de
l’impression offset proprement dite et des reproductions
photographiques qui ont été exécutées par l’imprimerie Dole.
Face au souci d’une consciencieuse élaboration, les tares
humaines et mécaniques se sont farouchement manifestées. Nous

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 608

avons corrigé les textes sept fois. Les véritables calamités dont
nous parlons ci-devant, et dont vous ne mesurez pas
l’assujettissement qu’elles provoquent, sont à l’origine de
concrètes dispositions, prises d’une manière définitive pour nos
prochains ouvrages. Aussi, ce labeur a-t-il été enduré à l’image de
ce symbole, mais grâces à Dieu, il est !
Es
L’année 1983 a vu Monsieur SOLAZAREF
quitter « l’intelligentsia » des êtres qui n’exercent pas au feu.
Seuls sa proche famille et ses amis n’ont pas à souffrir de cette
mesure.
Ce jour de la Résurrection de Notre Seigneur 1984, ce singulier
personnage se retire pour tous au laboratoire. Conséquemment à
cette pieuse charge, il ne consacrera du temps qu’aux frères qui
peinent vraiment au fourneau, pour le bon enseignement.
Qu’il soit bien clair que son apparition exotérique fut voulue,
jusque dans ses détails les plus fins, et qu’elle fut animée dans le
cadre précis d’une action globale qui ne sera comprise que plus
tard dans ce siècle.
Ses disciples, au sens qu’il convient de l’entendre dans le présent
ouvrage.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 609

Septième degré
DE L’AFFLICTION QUI PRODUIT LA JOIE
(Degré vécu avec le Maître, par nécessité traditionnelle)
Comme le feu secret sépare et purifie,
l’affliction,
par ses larmes pures,
détruit toutes les impruretés
visibles ou cachées.

Au laboratoire
• les purifications mercurielles
• (rectification des sels adéquats)
• Traditionem ab ipso magistro accipietis.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 610

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 611

Huitième degré
DE L’ABSENCE DE COLERE ET DE LA DOUCEUR
Tome II d’Introitus ad Philosophorum Lapidem

Au laboratoire
les purifications mercurielles
quelques tours de main au fourneau
la persévérance
(Voie sèche et voie humide)

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 612

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 613

Neuvième degré
DU RESSENTIMENT
(Degré vécu avec le Maître, par nécessité traditionnelle)
Les hommes ne pardonnent pas à leurs frères,
parce qu’ils ne savent pas distinguer
les fautes des êtres de leur origine réelle.
N’en veuillez pas aux hommes, mais aux causes qui les ont
perdus.

Au laboratoire :
Les purifications mercurielles : les échecs.
Traditionem ab ipso magistro accipietis.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 614

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 615

Dixième degré
DE LA MÉDISANCE
(Degré vécu avec le Maître, par nécessité traditionnelle)
Nul homme sensé n’ignore que la médisance
est le produit de la haine et de la rancune.
Le chuchotement en est sa fille directe,
même s’il est de « bon ton ».

Au laboratoire
Les purifications mercurielles : l’absence de la qualité vitriolique
ou la canonicité première. Traditionem ab ipso magistro
accipietis.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 616

Bla, bla, bla, Bla, bla, Bla...

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Onzième degré
DU BAVARDAGE ET DU SILENCE
Tome II d’Introitus ad Philosophorum Lapidem
In spiritu et veritate oportet adorare.

Au laboratoire :
La préparation des aigles, les vaisseaux. (voie sèche et voie
humide)

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 618

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 619

Douzième degré
LE MENSONGE
Tome II d’Introitus ad Philosophorum Lapidem
Vous êtes tellement habitué à mentir, à vous-même et aux
autres, qu’il est impossible de nous comprendre sans d’abord
apprendre à dire la vérité.
Actuellement, comme vous tenez pour « vérité » ce que vous
montre votre ego, vous êtes donc persuadé d’être capable de dire
la vérité, et cependant, je vous montrerai que cela vous est en
réalité parfaitement impossible.
Pour dire la vérité, il faut acquérir une énergie spéciale, dont le
trait caractéristique est l’absence de considération.

Au laboratoire
Le bilan intérieur du premier œuvre.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 620

En toutes circonstances, garde courage.


La médecine capable de soigner ta maladie ne se trouve pas dans
le monde ordinaire : ne la cherche donc pas là.

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SOLAZAREF INTROITUS AD PHILOSOPHORUM LAPIDEM 621

Treizième degré
DE L’ACEDIE
Tome II d’Introitus ad Philosophorum Lapidem
Le bilan intérieur du premier œuvre est le seuil qui vous autorise
à traiter d’une manière irréversible toutes vos maladies de l’âme.
Accession au second corps.

Au laboratoire
Médecine du deuxième être minérale, propice à l’acquisition des
conditions psychiques et spirituelles nécessaires au deuxième
œuvre sec et bref.

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