Vous êtes sur la page 1sur 64

Retrouver ce titre sur Numilog.

com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

FACE À LA MORT
JÉSUS ET PAUL
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Ouvrages de
Xavier Léon-Dufour

AUX MÊMES ÉDITIONS

L e s Évangiles et l ' H i s t o i r e de Jésus


Collection Parole de Dieu, 1963.

Études d'Évangile
Collection Parole de Dieu, 1965.

R é s u r r e c t i o n de J é s u s et M e s s a g e pascal
Collection Parole de Dieu, 1971.

Dictionnaire du Nouveau Testament


Collection Parole de Dieu, 1975
et collection Livre de Vie, deuxième édition revue.

CHEZ D'AUTRES ÉDITEURS

Saint François Xavier


Itinéraire mystique de l'apôtre
La Colombe, Paris, 1953
(en dépôt chez l'auteur).

C o n c o r d a n c e des évangiles s y n o p t i q u e s
Tableaux en sept couleurs
et fascicule de vingt pages
Desclée et C Tournai/Paris, 1956
(épuisé en français; existe encore en anglais).

Vocabulaire de théologie biblique


avec le concours de nombreux collaborateurs
Éditions du Cerf, Paris, 2 édition 1970.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

XAVIER LÉON-DUFOUR, S.J.

FACE À LA MORT
JÉSUS ET PAUL

P a r o l e de D i e u

ÉDITIONS DU SEUIL
27, rue Jacob, Paris V I
Retrouver ce titre sur Numilog.com

ISBN 2 - 0 2 - O O 5 3 I 2 - 2 .

© ÉDITIONS DU SEUIL, 1 9 7 9 .

I m p r i m a t u r , P a r i s , 2 juillet 1979, P . F a y n e l , vic. ép.

L a loi d u 11 m a r s 1957 i n t e r d i t les copies o u r e p r o d u c t i o n s destinées à u n e utilisation


collective. T o u t e r e p r é s e n t a t i o n o u r e p r o d u c t i o n i n t é g r a l e o u partielle faite p a r q u e l q u e
p r o c é d é q u e ce soit, sans le c o n s e n t e m e n t de l ' a u t e u r o u de ses ayants cause, est illicite
et c o n s t i t u e u n e c o n t r e f a ç o n s a n c t i o n n é e p a r les articles 425 et suivants d u C o d e pénal.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Avant-propos

Encore u n ouvrage sur la mort! L a littérature d u sujet n'est-elle


pas surabondante ? E n q u ê t e s historiques et sociologiques sur le
c o m p o r t e m e n t des humains face à la mort, essais de type philoso-
phique, proclamations de foi... N o t r e génération semble fascinée
par le spectre que vingt ans plus tôt on fuyait, comme si elle cher-
chait à renouer avec les ancêtres des siècles passés. O n veut appri-
voiser la mort.
O n veut même la changer. Et cela est heureux, car il importe
d'alléger la souffrance des mourants. E n réalité, cet effort vise à
rendre la vie présente plus supportable, plutôt q u ' à c o m p r e n d r e
la m o r t qui, elle, nous échappe, tout en restant p o u r nous u n e
interrogation permanente.
A cette question lancinante, n o m b r e u x sont ceux qui r é p o n d e n t
« par u n froid silence au silence éternel de la divinité ». Les chré-
tiens veulent bien davantage. D ' e m b l é e , disons-le, cet ouvrage
est rédigé à la lumière de la foi. Il présuppose dans l'esprit de son
auteur que Dieu est le vivant par excellence et que Jésus de Naza-
reth, lui aussi, est vivant à jamais. S'ensuit-il que celui qui s'estime
« incroyant » doive p e r d r e aussitôt l'intérêt à ces pages ? Certes
non, car il est fort possible, et m ê m e probable, que son rejet de D i e u
concerne non pas le D i e u vivant, celui q u ' e n chrétien je confesse
par ma foi, mais telle ou telle représentation qui en est, hélas ! trop
souvent donnée.
Le Dieu vivant que la Bible révèle n'a rien à voir avec q u e l q u e
grand horloger de l'univers; il est, selon les philosophes, « t r a n s -
cendant » et donc « i m m a n e n t » ou encore, p o u r le dire avec des
mots courants, à la fois pleinement dedans et pleinement dehors,
tout autre et tout proche. Ce D i e u caché qui est présent à l'histoire
Retrouver ce titre sur Numilog.com

des hommes est le Vivant au sens propre, source et aliment de toute


vie.
Je crois en outre que Jésus de Nazareth est sorti vivant de la
mort et qu'il vit pour les siècles. Je ne puis me « représenter »
exactement comment il vit, mais j'expérimente sa présence, non
pas comme celle d'un objet qui serait à côté de moi, mais comme
celle d'un être personnel qui agit dans l'univers et en moi-même,
me donnant d'être présent à autrui par l'amour et d'avoir confiance
dans le Dieu vivant qui me fera traverser la mort même.
Fort bien! Mais cette foi ne provient-elle pas d'un beau rêve ?
N'est-il pas plus réaliste de se contenter de la résignation stoïcienne
qui accueille le fait de la mort dans sa nudité, renonçant à lui
donner un sens ? L'ouvrage que voici ne se range pas parmi les
présentations apologétiques de la croyance chrétienne ni comme
une synthèse dogmatique des données de la foi. Il voudrait modes-
tement confronter le langage du chrétien ordinaire et le langage de
l'Écriture Sainte.

Le parler courant aujourd'hui est, par exemple, celui auquel


se réfère un homme de valeur qui déclare à la radio : « Comment
admettre la religion qui présente un Dieu envoyant son Fils à la
mort pour nous sauver ? Est-il honnête aujourd'hui de croire en ce
Dieu cruel et barbare dont on ose dire qu'il est préfiguré par
Abraham sacrifiant son fils bien-aimé ? » Le parler courant est
celui qui se manifeste, par exemple en Amérique latine, à travers
les Cristos de los dolores qui étalent leurs plaies sanguinolentes
afin d'inviter les pauvres à supporter avec patience l'oppression
qui les maintient dans la misère, ou encore celui du prédicateur
qui présente la souffrance de Jésus comme le moyen par lequel
s'est opérée la rédemption.
Il n'est pas nécessaire de continuer cette évocation. Il convient
par contre d'esquisser la mentalité chrétienne sous-jacente à un
tel parler; au lieu d'évoluer au rythme des transformations théolo-
giques, elle survit à divers degrés de profondeur, mais toujours
bien enracinée, dans ce qu'on nomme la civilisation chrétienne.
Donnons-en les grands traits. Si la mort est dans le monde, dit-on,
Retrouver ce titre sur Numilog.com

c'est qu'elle est la conséquence du péché. Or l'ordre de justice


détruit par le péché ne peut être rétabli que par une sanction. Pour
réparer l'offense faite à Dieu, il fallait qu'un Dieu en personne
expie et souffre. Le Père exigeait donc la mort d'un Fils qui se
présente comme médiateur; de fait, Luc semble le dire équivalem-
ment : « Ne fallait-il pas que le Christ endurât ces souffrances ? »
Notre mort aurait pris son sens du fait que Jésus, le Fils de Dieu,
l'aurait accueillie comme le moyen de rédemption des hommes :
« Par sa mort, il nous a sauvés »; par sa mort et son sang versé il
aurait apaisé la colère de Dieu et rétabli l'ordre de la justice. Aussi
lorsque l'homme unit sa propre mort à celle du Christ, il en décou-
vre le sens. Il devrait donc accueillir la souffrance et la mort comme
des grâces de Dieu.
A quelles conséquences de telles explications ont-elles mené ?
Sans doute à des attitudes héroïques qu'il faut admirer, mais aussi
à des démissions inadmissibles devant l'injustice de ce monde.
Sans le vouloir, mais avec la complicité de l'instinct de passivité
inhérent à l'homme, une telle compréhension concourait à un
comportement de résignation devant la fatalité du mal, aussi bien
pour les nantis que pour les pauvres.
Devant de telles suites, qui ne comprendrait la révolte des
hommes bien nés ? La place est ouverte à la révolution qui tente
de tout balayer, non seulement un ordre social injuste, mais la
religion qui s'en était fait le soutien. Comment ne pas rejeter la
représentation d'un Dieu qui semble prendre plaisir à la souffrance
de son Fils et encourager les victimes de la cupidité humaine à
chérir leur esclavage, en faisant miroiter un lendemain qui chan-
tera : la souffrance, dit-on, n'est-elle pas méritoire pour le ciel ?
Faire évoluer une telle mentalité est affaire de longue haleine,
pour rejeter la paille sans perdre le bon gain. Mort et souffrance
ne devraient plus être magnifiées en elles-mêmes, mais toujours en
relation avec la résurrection qui leur donne sens. Voilà ce qu'a
montré et montre la réforme liturgique de la Vigile pascale. C'est
ce qu'ont voulu dire les théologiens qui, avec bonheur, placent
au centre de la christologie le mystère du Ressuscité; c'est ce
qu'expriment les spirituels, soucieux de fixer le regard du croyant
sur le Christ à jamais vivant, invitant à reconnaître dans la souf-
france des hommes une ennemie qu'il faut combattre sans merci,
Retrouver ce titre sur Numilog.com

tout en sachant l'accueillir lorsqu'elle s'impose à soi-même. Tous


ces chrétiens n'évacuent pas la mort du Christ, ils la situent.

C'est dans ce sillage qu'avance ce livre. Il veut, lui aussi, parler


de notre mort en fonction de la mort de Jésus. Plus précisément,
rédigé par un auteur qui est exégète, il veut comprendre les textes
qui fondent notre foi : ils ont été, hélas!, si souvent déformés,
torturés même, pour justifier des options sociologiques et, par
choc en retour, minimisés ou simplement écartés.
Nous sommes donc affrontés à un problème d'herméneutique,
parmi bien d'autres. Ces dernières années, j'ai tenté de mesurer
la portée du langage « résurrection », le sens du mot « miracle »,
ou même de préciser celui de la plupart des termes qu'emploie
le Nouveau Testament. Chaque fois je butais contre des présup-
posés d'ordre philosophique ou théologique. Qu'est-ce que le
corps ? L'homme est-il composé d'un corps et d'une âme ? Qu'est-
ce que le temps et qu'est donc l'éternité ? Enfin, sous-jacent à
tout cela, qu'est Dieu et quel rapport entretient-il avec le monde
créé ?
Il est fini le temps où l'on s'imaginait pouvoir parler de quoi
que ce soit avec la philosophie du « bon sens ». Nous devons pren-
dre conscience de notre dépendance du milieu dans lequel nous
avons été élevés et dans lequel nous vivons, sous peine d'identifier
notre langage avec le mystère visé.

Quand je projetais cet ouvrage, je croyais naïvement que sa


rédaction serait rapide. J'ai vite déchanté, mon sens biblique se
heurtant sans cesse au langage reçu. Les mots habituels sont tous
piégés : sacrifice, expiation, sang versé, mérite, satisfaction, substi-
tution... Je me permets une confidence qui éclaire mon entreprise.
J'ai été longtemps froissé par deux manières classiques de parler.
Théologiquement, on tendait parfois à isoler la mort de Jésus de
la vie qui l'avait précédée et la rendait en partie intelligible, tout
comme de la résurrection qui la suit et lui donne sens. Ainsi en
Retrouver ce titre sur Numilog.com

est-on venu à prôner le mérite du sang versé et à faire de la mort


du Christ une sorte d'acte magique qui sauve. Existentiellement,
dans la vie concrète, on a prolongé la même erreur en isolant la
mort et la souffrance des hommes, leur conférant une valeur en soi.
C'est pour échapper à ces déformations illusoires que je voulais
réviser mon vocabulaire et, à la suite des théologiens récents mais
en regardant de plus près les textes, tenter un langage compréhen-
sible aujourd'hui. C'est donc à un regard neuf que le lecteur est
convié; c'est aussi à saisir comment communiquer la foi qu'il
cherche à vivre. Puisse cet ouvrage remédier quelque peu à la
scoliose qui nous guette aujourd'hui à propos de la mort de Jésus
et de notre propre mort.

Qu'il me soit permis de dire combien m'a été précieuse et


efficace la collaboration de Renza Arrighi, pour ne point parler des
auditeurs du Centre Sèvres qui ont accueilli avec sympathie la
première ébauche de ces pages.

Paris, en la fête de Pâques 1979. Xavier LÉON-DUFOUR


Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Introduction

Il importe en commençant de préciser ce que j'entends par le


mot « mort », par la réalité qu'il désigne et dont je cherche à dis-
cerner le sens pour moi aujourd'hui. La mort est d'abord, indé-
pendamment de toute foi, la fin de l'existence telle qu'on la cons-
tate lorsque cessent les manifestations qu'on dit « vitales » : plus
de respiration, plus de pouls ni de battements du cœur... Laissons
aux médecins le détail des problèmes de la mort clinique et de la
mort définitive. Pour notre propos, il suffit de dire que, pour tout
homme, mourir c'est disparaître et cesser de vivre. Le mot « mort »
est nécessairement défini en fonction de celui de vie.
C'est donc selon leur compréhension de la vie que les « specta-
teurs » vont diverger dans leur appréciation de la mort. Si d'aucuns
limitent la vie à l'existence biologique, constatable par les sens,
alors il est clair que le terme « mort » ne peut être employé que de
deux façons : ou réelle, comme je viens de le faire, ou métaphori-
que, quand on parle par exemple de la mort civile, de la mort du
commerce, de la mort d'une civilisation. Mais si, par ma foi, je
pense que la vie ne se ramène pas à l'existence matérielle, si elle
connaît une source secrète qui est Dieu même, alors je serai amené
à discerner une dimension nouvelle de la mort, sans pour autant
quitter le domaine du réel. Partons donc du fait que Dieu seul est
vivant. Il s'ensuit que se couper de Dieu, c'est se couper de la vie,
c'est donc mourir réellement, quoique à un autre niveau que celui
de l'existence biologique. Tel est le péché au sens fort, rupture
avec Dieu, et donc avec la vie : c'est la mort spirituelle. De là, la
possibilité de parler avec la Bible de « seconde mort », sans qu'il
s'agisse aucunement d'une métaphore.
Mort physique et mort spirituelle, tels sont donc deux usages
Retrouver ce titre sur Numilog.com

concrets du mot « mort ». Ajoutons une précision capitale. Ces


deux types d'emploi ne sont pas proprement séparés, comme s'ils
coexistaient l'un à côté de l'autre. En fait, ils ont une relation
qu'il n'est pas aisé de préciser, mais qui est fondamentale. Le
monde « spirituel » n'est pas un monde juxtaposé au monde phy-
sique; il est d'un autre ordre. Voilà pourquoi ces deux réalités
sont « symboliquement » unies. Nous comprendrons avec la Bible,
plus précisément avec Paul et avec Jésus, la relation qui les assem-
ble, à savoir que la mort physique, sans rien perdre de sa réalité
phénoménale, peut symboliser la mort spirituelle. Elle acquiert
donc, aux yeux du croyant, une dimension qui demeure cachée
pour les mal-croyants, une dimension secrète. Je n'enlève rien
à sa réalité commune, mais je peux y lire, en profondeur, la mort
qui sépare de Dieu, la mort « spirituelle ». Autrement dit, la mort,
dans sa dureté, a pour moi un double visage, l'un et l'autre s'oppo-
sant à la vie, et donc suscitant en moi un sentiment de révolte ou
de crainte.
Le croyant certes espère que le Dieu qui l'a suscité à l'existence
ne se contredira pas en le laissant naufrager dans le néant, il est
même assuré de son pardon : Dieu ne veut pas la mort du pécheur,
mais qu'il vive. Ainsi la mort temporelle elle-même en est venue à
se présenter diversement aux yeux du croyant, tantôt comme arra-
chement douloureux, séparation, rupture, tantôt comme paisible
passage au « ciel ». Au couple mort physique /mort spirituelle
s'ajoute donc le couple mort-arrachement/mort-passage. Si le
premier est d'ordre symbolique, unissant deux réalités distinctes
et d'ordres différents, le second dit deux versants d'un même
événement.
Or, parler de « passage », c'est évoquer une vie éternelle, non
identique à la vie terrestre, même si les mots font défaut pour
décrire ce qu'aucun œil de ce monde n'a vu. La mort peut dès
lors apparaître comme le lieu d'une transformation de l'être; mais
comment est-il possible alors de concilier la destruction du corps,
à savoir la corruption totale de l'organisme vivant, avec la conti-
nuité du « moi » qu'implique nécessairement l'idée de transforma-
tion ?
Pour la foi, tous ces emplois sont concrets : mort biologique,
spirituelle, mort-arrachement, mort-passage, mort-destruction et
Retrouver ce titre sur Numilog.com

mort-transfiguration. D'autre part, le langage néotestamentaire


présente aussi des emplois métaphoriques du mot « mort », à
première vue analogues au langage courant que nous avons men-
tionné plus haut; ainsi dans la maxime que transmet la sagesse des
hommes : « Si le grain ne meurt, il ne porte pas de fruit... », ou
quand Jésus parle de « perdre son existence ». En d'autres cas,
l'emploi métaphorique paraît obscur et il faudra en préciser chaque
fois le point d'ancrage. Ainsi, par exemple, « être baptisé à la mort
du Christ » renvoie à la mort historique de Jésus de Nazareth
comprise comme un acte salvifique. Quand Paul déclare : « La
mort agit en nous, la vie en vous », il considère cette même mort
de Jésus comme ayant un effet de « nécrose » agissant en lui. On
constate en outre des usages inversés : dire qu'il faut « mourir au
péché » est un détournement de sens, puisque c'est le péché qui
fait mourir et non le contraire. Or, tous ces usages métaphoriques
suggèrent que la mort, s'anticipant elle-même, est déjà dans la vie,
bien avant que survienne l'issue dernière.
Le sens précis que prend le mot dans divers textes importants
du Nouveau Testament, voilà ce que cet ouvrage voudrait dire
en clair. Je tiens à prévenir le lecteur contre un jugement précipité.
Je ne suis pas naïf au point de penser que je vais résoudre par là le
problème du sens de la mort. La mort demeure un mystère, tout
comme l'amour.

Questions de langage

Parler de la mort, c'est viser un mystère, c'est aussi rencontrer


les langages du catéchisme classique, à savoir les représentations
par lesquelles on a tenté de le communiquer. Je voudrais énumé-
rer brièvement quelques questions délicates qui se poseront néces-
sairement au cours de ces pages. Je ne veux nullement faire par
là le procès de la théologie. Je me contente de me confronter au
langage courant.
Voici d'abord ce qui concerne les fins dernières : que devenons-
nous à la mort ? Selon la représentation habituelle, le jugement
particulier a lieu dès la mort et décide du sort de chaque individu :
celui-ci va en enfer ou au ciel, quitte à séjourner quelque temps
Retrouver ce titre sur Numilog.com

au purgatoire afin d'être rendu apte au bonheur céleste. A la fin


des temps aura lieu un second jugement, dernier et universel, suivi
aussitôt de la résurrection des corps. En attendant, l'existence
céleste des élus est celle d' « âmes séparées » qui cependant jouis-
sent déjà de la « vision béatifique ». On a en outre imaginé, pour
les enfants morts sans baptême, les « limbes », je dis bien imaginé,
car il n'en est strictement pas question dans le Nouveau Testa-
ment. Quant à l'enfer, il a longtemps servi à faire peur, en raison
des châtiments qu'on s'évertuait à nuancer en détail.
Autre imagination, la localisation de ces destinées. Jusqu'à une
époque relativement récente, on se représentait ciel, purgatoire et
enfer comme des lieux où vivent les âmes des défunts après avoir
quitté leur corps, l'âme étant une substance spirituelle et par nature
immortelle. Un temps intermédiaire s'écoule donc avant que les
corps terrestres, revivifiés et sortant des tombeaux, soient récupé-
rés par les âmes.
Il est certain que ces représentations dérivent toutes d'une cer-
taine philosophie du temps et de l'éternité, d'une cosmogonie
antique, ainsi que d'une anthropologie dont nous verrons qu'elle
n'est pas biblique. Cependant, c'est avec de telles images que nous
avons été élevés dans la foi chrétienne, en tout cas les moins jeunes
d'entre nous. La terre serait donc le lieu et le temps de la prépara-
tion au ciel, la terre vaudrait seulement en fonction du ciel. Si
nous souffrons, ce serait là une occasion de mérites qui devien-
draient source de gloire dans le paradis.
Face à cette compréhension imaginaire de l'après-mort, qui
tend à transformer la terre en une « vallée de larmes » et qui,
provoquant l'évasion vers le ciel, risque de paralyser l'action en
faveur des hommes, comment ne pas estimer légitime le reproche
de ceux qui ont lutté contre une religion « opium du peuple » ?
En outre, les idées de « châtiment » ne peuvent qu'ancrer dans
l'esprit la fausse conception d'un Dieu qui punit et se venge des
offenses à lui adressées.

Nous sommes au pied du mur, car parler de la mort chrétienne,


c'est immédiatement se référer à la mort de Jésus-Christ. En mou-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

rant sur la croix, avons-nous appris, Jésus nous a mérité le salut,


« par ses souffrances nous sommes guéris ». Et voilà que, dans
l'Office du matin, l'homme de prière est invité à redire avec le
poète :
Agneau pascal,
agneau qui sauve de l'exil,
tu es venu racheter les brebis perdues
et tu payas le prix du sang.
Que signifie donc la « rédemption », le « sacrifice » de Jésus ?
Jésus a-t-il été puni à notre place, ses souffrances étant la terrible
expiation du Fils exigée par le Père ? Le chrétien, pour sa part,
est invité à valoriser les peines de sa vie dans une perspective de
« réparation » et à édifier son être spirituel par certaine « morti-
fication » qui est destruction de soi.
Or, nous allons constater que Jésus n'a pas désiré la souffrance
ni la croix en tant que méritoires; il les a seulement accueillies
comme la conséquence inévitable de sa mission et de son témoi-
gnage. S'il en est ainsi, sa mort a-t-elle encore une portée sal-
vifique pour tous les hommes ?
Quant au mot « sacrifice », il devra être soigneusement précisé,
car il n'a, en régime chrétien, plus rien à voir avec la souffrance
comme telle, du fait de la rupture qui est advenue par rapport
à l'ordre cultuel ancien. Et voici mis en question le cortège de
mots qui accompagne celui de sacrifice : expiation, satisfaction,
sang versé... Je voudrais ici intriguer le lecteur en lui demandant,
par exemple, ce qu'il entend par « expiation ». Lisons ce qu'en dit
le dictionnaire. Expier, dit le Petit Robert, c'est « réparer, en
subissant une expiation imposée ou acceptée... Par extension,
payer pour, en subissant une conséquence, ou par sentiment de
culpabilité »; ainsi on « expie ses imprudences ». Quant à l'expiation,
ce serait « une cérémonie religieuse en vue d'apaiser la colère
céleste... Dans la religion chrétienne, réparation du péché par la
pénitence », celle-ci étant une « pratique pénible que l'on s'impose
pour expier ses péchés ». Il est aisé de reconnaître dans ces défini-
tions l'écho de certain enseignement catéchétique ou oratoire en
cours jusqu'à une époque récente.
Et voici que, à l'opposé, nous allons affirmer que pratique péni-
ble, souffrance, réparation ne sont pas immédiatement impliquées
Retrouver ce titre sur Numilog.com

par le terme « expiation ». Employer aujourd'hui un mot qui a


changé radicalement de sens, c'est induire en erreur, en particulier
du fait que seule est considérée l'activité du sujet qui « expie ».
Or, à tenir compte de l'étymologie latine du mot, expier c'est rendre
de nouveau agréable quelqu'un qui avait rompu un lien avec moi-
même : il s'agit avant tout de la relation entre deux êtres. Pour le
dire en bref, en dépit de l'évolution que l'expression a connue
dans la langue française, expier les péchés, ce n'est pas subir un
châtiment, fût-il accepté comme proportionné à la faute; c'est,
avec une foi agissante, se laisser réconcilier par Dieu.
Cette rapide enquête montre que le langage courant sur l'effi-
cacité de la vie et de la mort de Jésus-Christ est souvent condi-
tionné par des compréhensions erronées du texte scripturaire et
engendre à son tour des représentations défectueuses du mystère.
Le besoin se fait sentir de retrouver le sens des mots et des figures
employées par le Nouveau Testament, affaire confiée d'abord à
l'exégèse.

Objectif et méthode

L'exégète a une tâche limitée dans la quête du sens. Son champ


de travail, comme pour le dogmaticien, c'est la Bible. Pas plus que
celui-ci, il n'est affranchi des catégories de son époque et de l'état
des sciences connexes (linguistique, histoire, archéologie...). Pas
plus que lui, il ne prétend atteindre à une objectivité illusoire, du
type des sciences dites exactes.
Sa fonction cependant diffère de celle du dogmaticien, du fait
que la Tradition n'a pas dans sa pratique le même rôle. Tandis
que le dogmaticien se doit de tenir compte du foisonnement des
interprétations de l'Écriture données au cours des siècles, l'exégète
est requis de les écarter méthodologiquement. Seul le dogmaticien
vise à donner le sens du texte dans sa plénitude, à partir du rap-
port qui unit l'Écriture et la Tradition; l'exégète offre un résultat
limité en raison de son option méthodologique. Aussi estime-t-on
parfois que ses conclusions sont quelque peu exsangues, par com-
paraison avec les fruits de la dogmatique ou de la spiritualité.
Mais la fonction de l'exégète est nécessaire, car elle montre où
Retrouver ce titre sur Numilog.com

se situe le point originaire de la Tradition. Encore faut-il préciser.


L'exégète n'est pas à confondre avec l'historien qui se soucie avant
tout d'atteindre, par-derrière les interprétations des évangélistes,
l'arrière-fond historique en quoi consistent par exemple les ipsissima
verba de Jésus ou ses actes propres. L'exégète doit aussi tenir
compte des interprétations qui sont données dans le N o u v e a u
T e s t a m e n t lui-même. L a relation qui u n i t ces interprétations et
le point focal historique, voilà ce que, avec les i n s t r u m e n t s de notre
époque, l'exégète peut produire.
A son tour, le dogmaticien, mis en face d ' u n résultat o b t e n u
par le décapage des superfétations ultérieures, est invité à m i e u x
entendre le r a p p o r t de la T r a d i t i o n et de l'Écriture elle-même. Ces
r e m a r q u e s ne sont pas inutiles p o u r saisir la portée limitée de
cet ouvrage, par exemple sur la manière d o n t Jésus a présenté
sa propre mort.

L e problème traité dans les pages qui suivent concerne donc


le langage dans lequel a été t r a n s m i s le message du N o u v e a u T e s -
t a m e n t sur la mort. Cela va requérir u n e attention spéciale à la
compréhension de la m o r t du Christ qui, seule, d o n n e sens à toute
mort. Cet ouvrage prolonge ainsi, p o u r u n e part, celui qui a été
rédigé sur Résurrection de Jésus et Message pascal à propos des
divers langages utilisés p o u r c o m m u n i q u e r le mystère du Christ
vivant après sa Passion. P o u r parler d u sens de sa mort, nous cons-
taterons également u n e pluralité de langages; elle i m p o r t e gran-
dement à la foi, car elle en conditionne l'intelligence et la c o m m u -
nication.
Dire langages, c'est dire interprétations multiples d ' u n m ê m e
et unique événement — p o u r notre propos, la pensée et le c o m p o r -
tement de Jésus de Nazareth face à la mort. Voilà donc l'exégète
affronté à l'enquête historique. Afin de viser ce que Jésus a pu
dire et faire, l'historien interroge les textes de deux manières :
soit, en dépit de leur perspective particulière, p o u r atteindre, en
deçà d'elle, les paroles que Jésus a réellement prononcées et les
actions qu'il a accomplies; soit en accueillant successivement les
divers points de vue des textes. C'est par ce double m o u v e m e n t
Retrouver ce titre sur Numilog.com

que l'historien a quelque chance de cerner l'attitude de Jésus de


Nazareth. Il n'est donc pas limité à produire un « Jésus historique »,
personnage falot qui ne peut refléter la pleine réalité du passé; il
veut aussi interroger les interprétations évangéliques majeures et
les confronter avec le premier butin.
Deux critères fondamentaux permettent de reconnaître l'authen-
ticité d'une parole ou d'un comportement de Jésus. Le premier
est celui de la différence : en confrontant ce qui est attribué à
Jésus par les évangélistes avec ce que nous savons du monde juif
contemporain et du christianisme primitif, on constate des ressem-
blances et des différences. Peut être tenu pour authentique ce qui
ne peut provenir ni du milieu juif ni du christianisme primitif.
Ce critère est toutefois unilatéral : Jésus a tout de même pu parler
et agir comme un bon juif, par exemple en croyant qu'il ressus-
citerait un jour. Analytique, ce critère n'autorise nullement, en
additionnant les résultats, une « reconstitution » de la personnalité
de Jésus. Aussi doit-il être complété par un second critère, celui
de la cohérence : les expressions diverses d'une personnalité pro-
viennent d'un foyer unique. On peut donc faire réagir prudemment
la connaissance globale obtenue par ailleurs sur les textes analyti-
quement moins sûrs. Ayant une valeur de synthèse, puisqu'il
s'efforce de prendre la personnalité de Jésus comme une totalité,
ce critère dépend, bien plus que le précédent, du regard de
l'exégète. Cela dit, il reste que ces deux critères sont l'un et l'autre
indispensables pour atteindre la réalité, grâce à leur jeu réci-
proque.
Quant aux diverses perspectives des textes, dont l'exégète doit
tenir compte, qu'en est-il du traitement des évangiles synoptiques ?
Trop souvent, et récemment encore, les ouvrages ne manquent
pas de pécher en ce domaine. On s'imagine atteindre le but en se
basant sur ce que disent les traditions les plus anciennes, estimées
« primitives ». Il y aurait deux sources fondamentales : Marc et
Q ( = les matériaux communs à Matthieu et à Luc et absents de
Marc), à partir desquelles on pourrait élaborer la pensée même de
Jésus. Et, sans sourciller, on se permet de construire des édifices
sur la vie de Jésus ou sur l'être chrétien, alors qu'on s'est montré
esclave des résultats de telle ou telle école exégétique. Deux cri-
tiques doivent être élevées à l'encontre de cette lecture. En premier
Retrouver ce titre sur Numilog.com

lieu, on n'atteint pas l'événement proprement dit, mais une tradi-


tion estimée primitive; alors pourquoi oser présenter ce résultat
comme la chose même ? En second lieu, il est certain que l'on n'a
pas ainsi rendu compte des autres traditions; or l'herméneutique
véritable requiert que l'on examine toutes les traditions (ainsi
celle de Luc ou celle de Matthieu, et même celle de Jean) pour
pouvoir établir le rapport qui, unissant ces diverses interprétations,
permet de mieux viser l'événement.
Je viens d'évoquer le IV évangile. J'ai moi-même longtemps
pensé qu'une étude historique de la pensée de Jésus devait se
limiter aux trois Synoptiques, car ils ne sont pas aussi élaborés
théologiquement que le texte de Jean. Or, les témoins doivent être
tous interrogés et sur ce qu'ils affirment et sur la manière dont ils
le présentent. Jean lui aussi vient à nous comme un évangéliste;
il veut éduquer la communauté de son temps en faisant revivre
par la foi un certain Jésus de Nazareth. C'est donc un impérieux
devoir de tenir compte du IV évangile aussi bien que des Synop-
tiques. A chaque étape de mon discours sur Jésus face à la mort,
je me suis donc efforcé de tenir compte de l'interprétation johanni-
que. Sans doute y aura-t-il des chrétiens qui seront heureux de me
voir récupérer ainsi le IV évangile, mais ils se tromperaient du tout
au tout s'ils s'imaginaient que je le fais indépendamment des
méthodes critiques, dans le style des anciennes « vies de Jésus ».
Il ne s'agit en aucune façon de combiner artificiellement les don-
nées de Jean avec celles des trois premiers évangiles — ce concor-
disme est intolérable —, mais de connaître et de situer sa tradition.
A l'inverse, il ne manquera pas d'exégètes pour me reprocher
cette intervention de Jean dans un ouvrage qui implique au pre-
mier chef une visée historique. Je me permets de récuser leur
manière de voir. Si je recours à Jean, c'est pour le faire intervenir
comme interprète de la tradition et pour montrer le rapport qu'il
a avec l'interprétation synoptique. J'ose même ajouter que le texte
johannique est une clef pour l'authenticité de ce qu'on peut retenir
des Synoptiques. Voilà pourquoi dans cet ouvrage je me suis per-
mis de reprendre à nouveaux frais l'interprétation de l'épisode
de Gethsémani ou celle du dernier cri de Jésus. Si le lecteur veut
apprécier la méthode mise en œuvre ici, qu'il se rapporte à ces
chapitres. En tout cas, la tradition johannique offre un tout autre
Retrouver ce titre sur Numilog.com

portrait du Christ allant à la mort de la croix, portrait qui


importe grandement à la compréhension de la mort en géné-
ral.

Pour viser cette compréhension selon le Nouveau Testament,


il m'a paru nécessaire de ne pas me contenter de l'examen de la
tradition évangélique; j'ai jugé indispensable de rechercher aussi
la manière dont Paul se situe face à la mort de Jésus et à la mort
même. Cela est de toute évidence requis par la quête de langage
qui nous a mis en mouvement. En effet, ce que Jésus n'a pas
explicité, Paul le présente ; non pas sous la forme d'une théorie sur
la mort, mais comme l'expression de son expérience : en fonction
des demandes de ses correspondants, il offre une intelligence du
mystère du Christ sans pour autant faire revivre, tel un évangé-
liste, Jésus de Nazareth. Non seulement il atteste, mais il réfléchit
sa foi : Jésus crucifié est vivant; nous participons à sa mort et à sa
vie. Paul a été d'abord saisi par le mystère pascal : son discours
théologique sur la croix est allé en se précisant et en s'amplifiant;
il a tenté, en outre, de montrer à ses destinataires le sens que pou-
vait avoir la mort de leurs amis; enfin il a été lui-même affronté
à la souffrance et à la mort menaçante. Nous pourrons entrer ainsi
dans l'esprit d'un simple croyant, et du premier théologien du
christianisme, abordant du même coup le difficile problème du
langage de Paul sur la mort de Jésus.
Cet ouvrage ne constitue pas une théologie néotestamentaire
exhaustive sur la mort. Pour une telle œuvre il aurait fallu exposer
la perspective de tous les textes du Nouveau Testament. L'épître
aux Hébreux, à elle seule, représente une certaine lecture de la
mort de Jésus et de son efficacité sur le genre humain; nous ne
pourrons l'évoquer qu'en passant. Et il y a encore ce que disent
Pierre et Jean dans leurs Lettres, pour ne point parler de l'Apo-
calypse. Il aurait donc fallu étudier exégétiquement les points de
vue de tous les écrivains du Nouveau Testament et manifester
leur relation avec le résultat que nous obtenons ici même. Je laisse
ce soin à d'autres, et au théologien du dogme celui de confronter
ce résultat avec les données de la tradition dogmatique tout entière.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Alors on pourrait estimer avoir visé authentiquement le sens de


la mort selon la foi chrétienne, immense entreprise !

Itinéraire

Nous voilà à pied d'œuvre. Les options précédentes commandent


la distribution de ce livre. Au lieu d'un exposé synthétique, le
point de vue, face à la mort, de deux hommes prestigieux, Jésus et
Paul.
Dans une première partie, nous nous efforçons d'entrer dans
le mystère de la personne même de Jésus, soit en recherchant le
substrat historique le plus solide derrière les interprétations des
évangélistes, soit en éclairant ce résultat grâce à leurs diverses pers-
pectives. Là encore, il fallait se limiter courageusement, sous peine
d'être écrasé par l'abondance des matériaux. J'ai réparti l'examen
en fonction du regard que Jésus a porté sur la mort en général,
et donc spécialement sur la mort des autres (I) et ensuite sur sa
propre mort (II-IV). Pour celle-ci, une autre division a permis de
distribuer l'attitude de Jésus selon que la mort lui apparaissait
menaçante (II), imminente (III) ou vécue (IV). Cette répartition
présente l'avantage de suivre, autant que faire se peut, un certain
ordre chronologique. Elle risque d'induire en erreur celui qui
voudrait tirer des conclusions avant d'avoir lu tous les chapitres,
comme je le préciserai plus loin.
Bien des questions soulevées dans cette partie à propos de Jésus,
et d'abord celle de sa mort « rédemptrice », ne trouvent de réponse
qu'avec la présentation de la théologie de Paul. De fait, cet ouvrage
voudrait faire prendre conscience de la distance qui sépare la
théologie de Paul et l'existence même de Jésus. Non pas pour
insinuer faussement que Paul serait infidèle à Jésus, mais pour
manifester la différence qu'il y a entre le comportement et les
paroles d'un homme qui s'exprime existentiellement et les cons-
tructions qu'élabore un théologien.
L'itinéraire sera ici le suivant : d'abord le juif Paul, affronté
à la mort de Jésus dont l'expérience de Damas lui a révélé la
valeur (v), ensuite s'interrogeant sur l'essence et le pouvoir de la
mort d'une part (VI), d'autre part sur la souffrance qui demeure
Retrouver ce titre sur Numilog.com

dans le monde après la victoire du Christ (VII), enfin Paul face à


sa propre mort (VIII).

Malgré sa division en deux grandes parties, cet ouvrage forme


un tout, de sorte qu'il ne faut pas dégager de tel ou tel chapitre des
énoncés qui, nécessairement, sont partiels et doivent être situés
dans l'ensemble du livre. C'est de l'itinéraire patiemment suivi
que doit se dégager une vision chrétienne de la mort. Si je déclare
que Jésus n'a pas explicitement qualifié sa mort de « sacrifice »,
cela ne veut pas dire que Paul ne l'a pas fait; mais il convenait de
souligner la manière seigneuriale dont Jésus se situe dans son
langage, sans jamais s'inféoder à telle coutume de son temps. Alors
on s'aperçoit de l'universalisme de Jésus, qui domine de haut tous
les langages possibles. Quant à Paul, il importe également de ne
pas ramener à un seul langage ses formulations du mystère; je
marque soigneusement que le langage sacrificiel n'est pas son
langage principal; il existe, mais doit être situé parmi les autres
langages utilisés par le même Paul, qui occupent bien plus de
place dans sa pensée et sont plus clairement dans le droit fil de la
pensée ou de la conduite de Jésus. Il n'est pas possible en effet,
disons-le encore une fois, d'enfermer le mystère en un seul lan-
gage. La chose est d'autant plus importante que, abordant des men-
talités géographiquement ou sociologiquement différentes de la
mentalité européenne propre à certaine époque théologique, il
serait insensé de leur imposer le véhicule culturel dans lequel non
seulement Paul mais surtout des théologiens ultérieurs ont cru
opportun d'exprimer le message évangélique. Toute interprétation
du reste ne vaut que si elle maintient fermement le rapport avec
l'événement fondateur.
Le lecteur est invité à une lourde tâche. Pour ne pas se décourager,
que dans une première lecture il se contente de renseignements à
glaner ici et là, renvoyant à une seconde lecture le souci de maîtri-
ser la totalité des analyses, ce que j'ai tenté de faire dans la conclu-
sion.
Enfin, redisons-le, je n'ai pu écrire ce livre qu'en raison de ma
foi. Je ne cherche pas à démontrer la vérité de ma vision chrétienne
Retrouver ce titre sur Numilog.com

de la mort; je suppose que, comme moi, le lecteur reconnaît en


Dieu celui dont son existence dépend radicalement. Mettre en
question le mystère de Dieu, c'est renoncer à entendre le message
de Jésus. En revanche, quiconque admet que Dieu soit présent
et vivant pourra sûrement, après un premier dépouillement de ses
habitudes de catéchisme, aborder avec plus de sérénité le mystère
de la mort auquel nous sommes tous conviés, mystère qui demeure
et qui cependant éclaire la vie présente.
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

PREMIÈRE PARTIE

Jésus face à la mort


Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

CHAPITRE I

J é s u s face à la m o r t des autres

Comme la plupart d'entre nous, Jésus n'a pas d'abord été affronté
à la mort qui le menaçait lui-même. Il l'a expérimentée en voyant
d'autres hommes disparaître. Selon toute vraisemblance, il vit
mourir son père Joseph et il eut connaissance de la répression
sanglante par laquelle, en l'an 6 de notre ère, Varus crucifia 2 000
révolutionnaires galiléens; cela se passait probablement à Sep-
phoris, à 4 km 500 de Nazareth 1 et Jésus devait être âgé de quel-
que douze ans. Ces événements, les évangélistes n'ont pas jugé
opportun de les rapporter, mais à nous ils peuvent servir d'exemple
de ce que Jésus, fils de son peuple, dut vivre. Si en Israël la
mort est reconnue et acceptée comme le destin normal de tout
homme, elle n'en est pas moins repoussée avec horreur lorsqu'elle
vient frapper des êtres jeunes ou des guerriers courageux.
Voici ce qui peut être discerné de l'attitude personnelle de Jésus
à travers certaines de ses paroles et de ses actions. Héritier d'Israël,
Jésus ne parle expressément de la mort qu'en fonction de la vie,
car, pour un juif nourri de la Bible 3 la vie seule est digne d'inté-
rêt. Et pourtant la mort sous son aspect brutal est souvent évo-
quée dans les évangiles : il suffit, pour s'en rendre compte, de rele-
ver dans une Concordance les nombreux termes grecs qui expri-
I. Josèphe rapporte que Varus s'empara de la ville de Sepphoris, qui avait été à
l'origine du développement de l'insurrection de Judas (celui-ci avait dévalisé le stock
d'armes de la cité); Varus l'incendia et réduisit ses habitants en esclavage (Guerre juive,
2,5 = § 68). Par la suite, 2 000 rebelles furent crucifiés, sans que soit précisé le lieu de
l'exécution (ibid., 2,5 = § 75).
2. En plus des Théologies de l'Ancien Testament, le lecteur peut se référer à R. Martin-
Achard, De la mort à la résurrection d'après l'Ancien Testament, Neuchâtel, 1956; P. Grelot,
De la mort à la vie éternelle, Cerf, 1971.
3. Ainsi les promesses de vie chez les prophètes, comme Ez 18 et 37. R. Martin-
Achard commence son ouvrage par un chapitre entier sur « la Vie » (p. 11-20).
Retrouver ce titre sur Numilog.com

ment l'idée de « tuer ». C'est que, si Jésus est annonciateur de paix,


il est livré à un monde de brutalité.
Laissant pour le prochain chapitre les menaces de mort qui
concernent Jésus lui-même, évoquons l'atmosphère qui entoure
le j e u n e p r o p h è t e . H é r o d e fait t u e r J e a n le B a p t i s t e 4 les p r o p h è t e s
d'Israël o n t été assassinés, les e n v o y é s de Dieu sont mis à mort,
les disciples de Jésus seront demain persécutés 5 La mort violente
est si présente à la pensée de Jésus que lui, l'homme doux par
excellence, ne craint pas de rappeler la loi condamnant à mort
celui qui n'honore pas ses p a r e n t s Les paraboles elles-mêmes
reflètent un monde cruel. Les bandits laissent le voyageur à demi
mort sur le chemin qui descend de Jérusalem à Jéricho7, les
vignerons tuent les serviteurs et le fils du propriétaire 8 le roi
lui-même fait périr les meurtriers 9 ou ceux qui ne voulaient pas
qu'il r è g n e En ces conditions, que vaut le commandement
de la Loi : « Tu ne commettras pas de meurtre »? Même si Jésus
dénonce la colère qui est la source principale de l'homicide 11 il
reste que le monde de violence n'entend pas le message de pardon,
d'accueil et d'amour fraternel proclamé par Jésus, et il semble
triompher de celui qui se présente doux et humble de cœur.
Tel est le contexte de la pensée de Jésus. Il ne faudrait pas pour
autant ramener son expérience de la mort à celle de la mort vio-
lente. Tout homme, et Jésus lui aussi, est affecté au plus intime de
soi par le départ de ceux qui lui sont chers et qui se sont acquittés
de leur vie sur terre, les « défunts » au sens propre. Mais la mort
violente secoue davantage nos habitudes et nous situe face au
mystère plus profond d'une existence livrée à la mort.
Nous voilà acheminés vers les développements de ce chapitre.
La mort coexiste avec la vie (I), la mort cependant doit être vaincue
par la vie (II), une vie qui déborde (III) et intègre (IV) la mort.

4. M t 14,1-12 p; cf. Le 3,198; M t 17,12 p.


5. M t 10,218; M e 13,12; M t 23,30-35 = Le II,47-51.
6. M t 15,4 p = Ex 21,17.
7. Le 10,30-37.
8. M t 21,35-39 p.
9. M t 22,68.
10. Le 19,27.
II. M t 5,21s; 19,18; cf. Ex 20,13 ; D t 5,17.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

En inaugurant son annonce par la proclamation du règne de


Dieu, Jésus mène à son terme l'authentique tradition juive : le
Dieu vivant, de qui toute existence se reçoit, apporte avec son
Envoyé l'accomplissement de l'existence; dès maintenant il accorde
la vie que le IV évangile qualifie d' « éternelle 12 ». Telle est la
certitude qui habite Jésus et qui éclaire son attitude face à la mort
des autres. D'une part, la mort fait partie de la condition humaine,
qui est éclatement de vie. D'autre part, en raison de sa brutalité,
la mort en vient à symboliser une autre réalité : la mort éternelle.

Mort et condition humaine

A la différence de tant de philosophes, Jésus n'a pas élaboré de


théorie sur la mort, et les évangiles n'ont pas transmis ses réactions
face à des morts que nous dirions « normales ». Aussi, pour appré-
cier à sa valeur l'originalité de Jésus, il faut tenter de manifester le
non-dit des textes évangéliques.
Pour Jésus, comme pour ses contemporains juifs, tout homme
un jour « goûtera la m o r t ». Selon le langage biblique, on va
« se coucher avec ses pères », si possible « rassasié de jours », dans
une « heureuse vieillesse » 14 : tel est le chemin de tout le monde 15
La mort en effet est le destin ordinaire de l'homme.
O mort, ta sentence est bienvenue
pour l'homme dans le besoin, dont les forces diminuent,
dont l'extrême vieillesse est accablée de toutes sortes de soucis,
qui se révolte et qui a perdu la patience !
A ces réflexions terre à terre, le sage ajoute :
Ne crains pas la sentence de mort,
souviens-toi de ceux qui t'ont précédé et de ceux qui te suivront.
Telle est la sentence du Seigneur à l'égard de tout être de chair.
Pourquoi discuter sur le bon plaisir du Très-Haut ? Si 41,2-4
12. Jn 3,15.36; 5,24; 6,47.68; 10,28; 17,3.
13. M t 16,28.
14. G n 25,8; cf. 35,29; 49,29.
15. 1 R 2,2.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

En homme sage, Jésus ne proteste pas contre la condition humaine


qu'il reçoit du Créateur : aucun sentiment de révolte devant le
caractère inéluctable de la mort. Cette tranquille constatation se
reflète dans la sobriété de son langage, par exemple :
Or, le pauvre mourut et fut emporté par les anges au côté d'Abraham.
Le riche mourut aussi et fut enterré. Le 16,22
L'expérience commune de la mort alimente un langage symbolique,
par exemple pour dire la perte de l'enfant prodigue :
Mon fils était mort (et il est revenu à la vie). Le 15,32
Pourtant n'y a-t-il pas lieu de se révolter lorsque la mort vient
frapper l'homme dans sa vigueur ?
O mort, que ton évocation est amère
à l'homme qui vit tranquille au milieu de ses biens,
à l'homme qui n'a pas de soucis, à qui tout réussit
et est encore assez vigoureux pour s'adonner au plaisir! Si 41,1
Comment ne pas dénoncer encore davantage cette mort lorsqu'elle
s'attaque prématurément à l'homme pieux ?
Dans mon existence, j'ai tout vu :
un juste qui se perd par sa justice,
un méchant qui survit par sa malice. Q 7,15
Pour répondre à ce scandale, le psalmiste proclame bien la toute-
puissance de l'amour du D i e u fidèle 16 m a i s les sages n e proposent

que la théorie de la r é t r i b u t i o n aussi Job ne peut faire autre


chose que de crier son désespoir, d ' a v o u e r le m y s t è r e impénétrable

et de se prosterner dans la poussière et la c e n d r e 18

M o r t et culpabilité

Cette lourde interrogation se fait encore entendre dans le N o u -


veau Testament. A propos de la maladie de l'aveugle-né, les dis-

ciples d e m a n d e n t à Jésus :

R a b b i , q u i a p é c h é p o u r q u ' i l soit n é a v e u g l e , lui o u ses p a r e n t s ? J n 9 , 2

16. Ps 18,1-4; 27,1-2; 73,23-26.


17. Si 1,13 ; 11,18-28.
18. Jb 42,6.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Selon la doctrine de la rétribution immédiate 19 le scandale d'une


mort ou d'une maladie qui frappe de façon imprévue et brutale
doit être levé : si vraiment Dieu rétribue ici-bas les hommes selon
leur justice, comment ne pas dénoncer quelque péché à l'origine
du malheur ou de la mort précoce ?
Jésus prend position, nettement. D'abord par un « Non » caté-
gorique : « Ni lui ni ses parents » n'ont péché, répond-il aux dis-
ciples, se refusant à établir un lien intrinsèque entre maladie et
faute. Fort bien, mais cette réponse peut-elle calmer l'inquiétude ?

En une autre circonstance, Jésus se déclare sur le sens qu'il


convient de donner à deux malheurs tout récents :
A ce moment survinrent des gens qui lui rapportèrent l'affaire des
Galiléens dont Pilate avait mêlé le sang à celui de leurs sacrifices.
Il leur répondit : « Vous pensez que ces Galiléens étaient de plus
grands pécheurs que les autres Galiléens pour avoir subi un tel sort ?
Pas du tout, je vous le dis, mais si vous ne vous convertissez pas, vous
périrez (apoleisthe) tous de même. Et ces dix-huit personnes sur
lesquelles est tombée la tour de Siloé, et qu'elle a tuées (apekteinen),
pensez-vous qu'elles étaient plus coupables que tous les autres habi-
tants de Jérusalem ? Non, je vous le dis, mais si vous ne vous conver-
tissez pas, vous périrez (apoleisthe) tous de la même manière. »
Lc 13,1-5
Face à ces deux événements, qu'on peut déclarer « historiques »
Jésus réagit en deux temps. Il commence par tenir compte de ce
que pensent ses contemporains avant de tirer lui-même une conclu-
sion. Selon le principe de la rétribution indiqué plus haut, les gens
établissent une relation de cause à effet : pas de malheur qui ne soit
punition divine venant sanctionner quelque faute; s'il y a eu mal-
heur, c'est qu'il y a eu péché ou culpabilité. Dès lors, les victimes

19. Billerbeck, II, p. 193-197.


20. La brutalité de Pilate est notoire. En l'an 35, il a fait tuer des pèlerins montés sur
le Garizim (Ant. juives, XVIII, 4,1, § 85-87). Dans le cas présent, lors d ' u n sacrifice au
T e m p l e , Pilate ayant massacré les fidèles venus offrir des dons, il s'ensuivit une double
profanation : du Temple où eut lieu le meurtre et du sang des offrandes qui appartient
à Dieu. Quant à la chute de la tour de Siloé, elle n'est pas mentionnée ailleurs; on sait
cependant que le m u r méridional de Jérusalem s'étendait j u s q u ' à Siloé (Guerre juive, v,
4.2 § 145) et que Pilate en a démoli une partie pour bâtir la conduite d'eau (Ant. juives,
XVIII,3,2 § 60-62; Guerre, 11,9,4, § 175). Selon toute vraisemblance, un événement
est sous-jacent au texte de l'évangile.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Et cependant la mort continue de faucher sans pitié. Et Dieu


continue de se taire. Elles ont disparu, les figures de ceux que nous
avons tant aimés; un jour je disparaîtrai moi-même au regard de
mes amis. Pourtant je sais en qui j'ai mis ma confiance. Ce n'est
donc pas par un froid silence que je vais répondre au silence de
Dieu : l'Esprit me fait dire Abba, mon Dieu c'est toi!, toi qui es
Amour, plus fort que la mort.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

APPENDICE *

Par-delà la m o r t . . .

« Je crois en la résurrection de la chair et en la vie éternelle »,


telle est la formule par laquelle je professe, comme tout chrétien,
ma foi en une vie sans fin après la mort, en une vie nouvelle qui
transfigure la vie terrestre en l'accomplissant sans rien laisser
perdre de ce qui la caractérise.
Or, qu'est la « chair » dont parle le Credo? Est-ce bien ce corps
que nous voyons et par lequel nous nous exprimons, et la résur-
rection consiste-t-elle à reprendre le corps laissé en terre ? D'autre
part, quand a lieu cette résurrection ? Il ne manque pas de théolo-
giens pour déclarer que nous ressusciterons dès notre m o r t
en ce cas, pourquoi parler encore de la fin des temps, qui verra
la résurrection de la chair ?
Nous nous proposons d'esquisser le sujet en tirant quelques
conclusions de la science exégétique 2 nous voudrions même nous
faire l'écho du témoignage de la tradition chrétienne. Ces pages
ne sont pas le simple énoncé de données objectives, mais une
annonce de foi. On ne peut parler authentiquement, même comme
historien, de la résurrection, sinon en produisant un témoignage
personnel, et donc une annonce.
Trois moments dans cet exposé. Nous devons d'abord prendre
conscience de la manière dont nous pensons la résurrection des

* Ces pages ont été publiées dans la revue Études, novembre 1972, p. 605-618. Elles
traitent un sujet que l'ouvrage présent n'a abordé qu'indirectement, à savoir la naissance
du langage classique sur ce qui se passe « après ; la mort.
1. Cf. Concilium n° 60, 1970, avec les articles de L. Boros et de P. Benoit.
2. Et spécialement du résultat de notre enquête sur Résurrection de Jésus et Message
pascal, Seuil, 1971. Une somme a paru récemment sur le sujet, par G. Greshake, Die
Auferstehung der Toten. Ein Beitrag zur gegenwärtigen theologischen Diskussion über die
Zukunft der Geschichte, Ludgerus Verlag, Essen, 1969.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

morts, à la suite du catéchisme et de l'enseignement classique de


la théologie. Ensuite, nous rappellerons les données bibliques et
le langage dans lequel les sémites, qui sont nos pères dans la foi,
disaient leur foi en la résurrection. Cela permettra, dans un troi-
sième point, de confronter le langage classique et le langage actuel.

A l'origine du langage habituel

Classiquement, on se représente la résurrection des morts


comme la reprise des corps par l'ensemble des hommes à la fin
des temps. Tel est le jugement dernier, par lequel le monde vient
à être consommé, la fin du monde. Toutefois, notons-le, cette
perspective de la résurrection dernière ne suffit pas à dire quelles
sont les destinées de l'homme. On tient compte aussi de la fin indi-
viduelle; ainsi le catéchisme classique parle du jugement particulier,
par lequel est fixé le sort de l'âme séparée de son corps. Dès la
mort, l'âme est destinée ou bien à la vision béatifique, au besoin
par un passage à travers le purgatoire, ou bien à l'enfer, c'est-à-dire
à exister séparée de Dieu. Ces deux affirmations — jugement
dernier et jugement particulier — soulèvent un problème à celui
qui tente de voir comment elles peuvent coexister. On pense
parfois le résoudre en affirmant que, par hypothèse, l'âme est
foncièrement bienheureuse, quoique séparée de son corps jusqu'à
la fin des temps. Et cependant que vaut la béatitude d'un être
qui n'est pas pleinement en état de jouissance avec son corps ?
Sous-jacente à cette question, la représentation des « âmes
séparées » a été officiellement utilisée pour définir ce qui se passait
à la mort. Ce fut à l'occasion d'une controverse théologique qui
mit aux prises deux papes successifs, vers la fin du Moyen Age.
De fait, un Cadurcien, le pape Jean XXII, se montrait homme fort
sensible à la tradition et à certaines représentations scripturaires.
Ainsi, avec Jean de Patmos, il assimilait les âmes séparées aux
martyrs qui attendent sous l'autel, avec impatience, le moment où le
nombre des témoins sera complet (Ap 6,9). Prenant à la lettre de
telles paroles, nombreux ont été les Pères de l'Église qui, pour
sauvegarder contre les gnostiques la valeur de la matière, n'ont pas
craint de souligner le caractère imparfait de la béatitude des justes :
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Origène, Hilaire, les deux Cyrille, Chrysostome, Augustin; même


un homme du XI siècle, réputé pour sa pitié individuelle, se fait
l'écho de cette vénérable tradition :
Ils sont déjà nombreux ceux d'entre nous qui se tiennent sur le parvis,
attendant que soit complet le nombre des frères; ils n'entreront pas
sans nous dans la Maison bienheureuse, je veux dire que les saints n'y
entreront pas sans le peuple 3
Saint Bernard ne craint donc pas de dire que les saints attendent
que les justes soient tous rassemblés à la fin des temps. Jean XXII
tira les conséquences de ces affirmations dans quelques sermons
célèbres, allant jusqu'à dire que, même si elle montait au ciel dès
sa mort, l'âme du juste ne jouissait pas de la vision béatifique.
Henri de Lubac, dans Catholicisme, ce livre auquel nous devons tant,
rappelle trois raisons qui ont orienté les Pères et saint Bernard sur
cette voie. L'Écriture lie la récompense au jugement général.
L'homme est incomplet sans son corps. La croyance au millé-
narisme — c'est-à-dire en une période de mille ans qui, avant la
parousie, doit prolonger en quelque sorte la vie terrestre — a
favorisé l'idée d'une attente des hommes jusqu'à la fin des temps.
Et le même auteur ajoute une motivation plus profonde que les
trois précédentes, qui donne la part de vérité d'une telle représen-
tation : c'est la foi en l'essence sociale du salut.
On se représentait volontiers l'Église entrant au ciel après avoir rem-
porté la victoire. Tant qu'elle est encore militante, pensait-on plus ou
moins confusément, aucun de ses membres ne peut jouir d'un plein
triomphe. C'était donc la traduction temporelle, fautive, d'un lien
de causalité très réelle 4

Traduction fautive... En effet, Jean XXII était allé trop loin en


refusant la vision béatifique à ceux qui cependant étaient déjà des
justes. Il avait suscité une vive réaction de la part de ses contempo-
rains, au point qu'à la veille de sa mort il rétracta ses opinions pri-
vées et professa ce que son successeur allait définir solennellement.
De fait, Benoît XII (Ariégeois d'origine) publia une Bulle qui dit
la foi commune, Benedictus Deus, selon laquelle les justes entrent

3. Cf. S. Bernard, In festo omnium sanctorum, sermo 3, cité par H. de Lubac, Catho-
licisme, Cerf, 1947, p. 99.
4. Cf. H. de Lubac, Catholicisme, p. 94.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

dès leur mort en possession de la vision béatifique, sans attendre la


résurrection. Cette réaction provenait d'une conviction profonde
et authentiquement chrétienne, à savoir que la personne humaine
ne peut demeurer longtemps dans une sorte d'inertie sans jouir
de la vision de Dieu. Il ne suffit donc pas de projeter sur la destinée
chrétienne la manière dont les juifs concevaient l'existence des
morts avant la résurrection finale, quitte à la compléter par quelque
endroit ; trop de textes néotestamentaires affirment que, dès la mort,
on vit avec Dieu. Ainsi saint Paul dans l'épître aux Philippiens
(1,21) : « Je désire mourir et être avec le Christ. » En outre, toute
créature libre est en relation intrinsèque avec le Dieu créateur.
En raison d'une longue et lente pénétration d'un certain hellénisme
de type néoplatonicien, ces certitudes de foi avaient fini par s'expri-
mer à l'aide d'une anthropologie qui voyait dans l'âme et le corps
non seulement des aspects de l'être, mais des substances qui compo-
saient l'homme, si bien qu'à la mort l'âme se séparait de son corps
pour aller dans le bonheur ou le malheur éternels 5 En somme, pour
Benoît XII et pour le catéchisme qui s'en est suivi, l'essentiel
est déjà accordé avec le sort de l'âme du juste qui va au ciel dès la
mort. S'ensuit-il que la résurrection soit un complément accidentel
de la béatitude essentielle ? Saint Thomas se refusa à pareille déduc-
tion : mais le non-théologien, peu expert en philosophie, ne parvient
pas à comprendre la tension qui doit unir les deux affirmations
et finit par faire de la vision béatifique et de la résurrection deux
réalités qui s'additionnent et se complètent. Les termes du problème
sont sans doute mieux définis, mais la question demeure posée :
si tout est donné avec la vision béatifique, que vient ajouter la
résurrection ? Parvenus à une telle impasse, ne devons-nous pas
reconnaître que le problème a été mal posé ? La tension existe-t-elle
entre deux réalités ou entre deux représentations complémentaires,
deux langages par lesquels on s'efforce de dire la totalité du mystère
unique de l'après-mort ?

5. Cf. K. Rahner, « Pour une théologie de la mort », dans Écrits théologiques, III, D D B ,
1963, p. 105-167.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

Face à cette représentation, la conception biblique

Rappelons d'emblée que, en abordant la conception biblique,


nous ne voulons pas jeter le discrédit sur le langage qui nous est
familier, mais nous efforcer de le mieux comprendre, afin d'en
manifester la pleine valeur. En effet, les langages successifs em-
ployés par l'Église pour dire la foi aux hommes de chaque époque
doivent toujours se référer au langage biblique; celui-ci est donc
privilégié, même s'il dépend de représentations sémitiques nulle-
ment privilégiées.
Deux postulats commandent cette conception biblique. Le pre-
mier concerne Dieu. Tandis que, pétris que nous sommes de
certaine philosophie naturaliste, nous pensons que nous sommes
vivants par n a t u r e pour la Bible, YHWH seul est vivant. Ce Dieu
vivant, qui ne peut être confondu avec les divinités des autres
religions, c'est lui qui « fait mourir et fait vivre », dit le cantique
d'Anne : « Dieu fait descendre au chéol et il en fait remonter »
(1 S 2,6). Selon ce premier postulat théologique, Dieu seul est
vivant. La conséquence, c'est que l'homme n'est jamais vivant
par nature, il l'est toujours par grâce, ce qui veut dire : il est en
relation de dialogue avec Dieu. Telle est la relation qui constitue
l'existence même de l'homme. On ne peut pas dire : « Dieu, et moi
nous sommes là », mais il faut dire : « Dieu est là, et moi aussi,
je le suis, de par Dieu. » Je ne puis faire nombre avec Dieu, quoique
j'existe face à Dieu, grâce à Dieu : ma vie n'est que participation
à la vie de Dieu.
Le second postulat est d'ordre anthropologique. Alors que nous
considérons volontiers l'homme comme un composé de deux subs-
tances, corps et âme (l'âme étant immortelle, le corps est un matériau
mis provisoirement à sa disposition), pour la Bible l'homme est un ;
le corps n'est pas une partie composante de l'homme, il est l'homme
même en tant qu'il s'extériorise. L'homme, en effet, se manifeste
tout entier à travers l'âme, la chair, l'esprit, le corps. L'homme
est conçu comme un corps animé, et non comme une âme incarnée.

6. Nous prenons ici le mot « nature » au sens courant aujourd'hui, mais non traditionnel
(cf. H. de Lubac, Surnaturel, Aubier, 1945, p. 325-428; Athéisme et Sens de l'homme,
Cerf, 1968, p. 96-98) : ce qui appartient à la constitution même de l'homme en dehors de
Dieu, en dehors d'un sur-naturel qui alors équivaut à « sur-ajouté ».
Retrouver ce titre sur Numilog.com

La conséquence, c'est que, tandis que trop souvent nous concevons


la mort comme la séparation de l'âme et du corps, pour un homme
de la Bible, quand l'homme meurt, il descend tout entier au lieu
souterrain qu'est le chéol, pour y mener une existence encore
corporelle, mais si amoindrie qu'elle ne mérite plus d'être appelée
vie. Quand il meurt, l'homme cesse de vivre, bien qu'il existe
encore.
Ces deux postulats commandent la compréhension biblique
de la résurrection. La première constatation, c'est que la foi en la
résurrection n'est pas une conséquence ni un complément de la
croyance en l'immortalité de l'âme. Tandis que les peuples avoi-
sinants, les Grecs ou les Égyptiens, sont arrivés très tôt à une cer-
taine notion d'immortalité, les juifs n'ont pas eu cette foi avant le
I I siècle avant Jésus-Christ. La résurrection a été admise à partir
d'une nouvelle certitude : le Dieu de toute justice ne pouvait pas
laisser dans le chéol ceux qui avaient été les témoins du Dieu
vivant. C'est ainsi que le prophète Daniel déclare :
En ce jour-là, beaucoup parmi ceux qui dorment dans le pays de la
poussière se réveilleront, ceux-ci pour la vie éternelle et ceux-là pour
l'opprobre, pour l'horreur éternelle. Dn 12,2
Les exégètes sont d'accord pour penser que le facteur détermi-
nant fut l'expérience de la mort des martyrs durant la persécution
d'Antiochus Epiphane vers 167 av. J.C. Ce langage de la résurrec-
tion avait été, du reste, préparé par un certain nombre de méta-
phores, de manières de s'exprimer, qui parlaient de la résurrection
non pas encore comme d'une vraie résurrection après la mort, mais
comme une sorte de surgissement hors des griffes de la mort,
au moment où le malade est sur le point de perdre la vie ;
Lui qui a frappé, il bandera vos plaies, après deux jours il nous fera
revivre, le troisième jour il nous fera resurgir et nous vivrons en sa pré-
sence. Os 6,1-2
Dans ce texte, comme dans la fameuse prophétie d'Ezéchiel 37,
qui décrit les morts se dressant et revivant sous le souffle de Dieu,
il est affirmé que Dieu est capable de préserver de la mort : en
même temps, on demeure convaincu que, malgré tout, après la
mort l'existence au chéol ne mérite pas d'être appelée vie. C'est
donc au I I siècle avant Jésus-Christ que les juifs ont cru que la
Retrouver ce titre sur Numilog.com

justice de Dieu est capable de redonner vie. La résurrection ne


consiste donc pas à réanimer le corps, soit, selon le pythagorisme,
en donnant à l'être un corps nouveau lors de la migration des âmes,
soit, selon le christianisme hellénisé, son propre corps qui était
devenu cadavre, mais à donner accès à la vie pleine selon un mode
nouveau d'existence et d'expression. C'est ainsi que, grâce à ce
langage, les chrétiens ont pu exprimer leur expérience du Christ
vivant, disant que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts. Déjà, à
partir de ce premier langage, nous mesurons une distance énorme,
par rapport à la conception hellénisée de l'immortalité de l'âme.
La résurrection de la chair, c'est-à-dire la résurrection de la per-
sonne tout entière, ne s'ajoute pas à l'immortalité de l'âme, elle est
la définition même du sort ultime du juste.
Voilà pour le fait. Peut-on préciser la nature de cette résurrection ?
Les conceptions que nous livrent les Écritures ou les textes juifs de
l'époque sont assez variées. Elles oscillent entre des représentations
de type matérialisant et des représentations tout à fait spirituelles.
D'un côté nous voyons, par exemple, la manière dont parle l'Apo-
calypse de Baruch, texte juif apocalyptique datant du I siècle
ap. J.-C. et contemporain de la rédaction des évangiles.
Dans ce texte, une question est posée :
Sous quel aspect vivront ceux qui verront ton Jour? Qu'adviendra-t-il
de leur splendeur après ces événements ? Reprendront-ils leur figure
actuelle ?

Cette question est, notons-le, semblable à celle que Paul se


fait poser par les Corinthiens : « Comment les morts ressuscitent-
ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? » (I Co 15,35). Voici la réponse
qu'entend le visionnaire Baruch :
La terre rendra les morts... tels qu'elle les reçut et, comme je les lui
remets, ainsi les fera-t-elle ressusciter. Car il importera alors de mani-
fester aux vivants que les morts vivent... Et lorsque ceux qui aujour-
d'hui se connaissent se seront reconnus mutuellement, alors le juge-
ment entrera en vigueur... Alors l'aspect de ceux qui auront été condam-
nés et la gloire de ceux qui auront été justifiés seront changés... Leur
splendeur sera rendue glorieuse.
Une telle représentation est très proche de ce que dit le Nouveau
Testament. Pour Paul également, la transformation est contre-
Retrouver ce titre sur Numilog.com

distinguée de la résurrection, du moins à la parousie : « Nous ne


nous endormirons pas tous, mais tous nous serons changés »
( 1Co 15,51). C'est ainsi que, du reste, Jésus de Nazareth s'est fait
reconnaître des siens. Telle est la manière un peu matérialisante,
objectivante peut-on dire, par laquelle le Ressuscité se présente
à ses disciples.
Selon une autre tradition, le même visionnaire Baruch termine
sa description des élus en annonçant : « Ils ressembleront aux anges,
ils seront comparables aux étoiles. » Et, de même, aux sadducéens qui
veulent ridiculiser la résurrection et le monde à venir, Jésus répond
dans les termes mêmes des Paraboles d'Hénoch (passage qui date
du I siècle ap. J.-C.) : « En ces jours-là, tous les justes deviendront
comme des anges dans le ciel. » On ne peut dire que les représen-
tations matérialisantes l'aient emporté sur des conceptions « spiri-
tuelles » (ce qui ne veut pas dire « non corporelles »). L'intérêt
de cette double tendance est de montrer que les hommes s'efforcent
de représenter un statut, un état qui est irreprésentable; et c'est
pourquoi l'on affirme de cet état à la fois le caractère matériel,
ce qui veut dire non « spirituel », non « évaporé », non « gnostique »
et, d'autre part, le caractère spirituel, afin de dire qu'il ne s'agit pas
d'un simple prolongement de l'existence terrestre. La Bible nous
invite donc à rester très sobres dans tout ce qui concerne la des-
cription des corps glorieux.
D'autant que le langage de la résurrection n'a pas été le seul
pour dire ce que deviennent les croyants après leur mort. Il existe
un second langage qui tend à dire la même chose que le premier :
il s'agit du langage « exaltation » Tandis que le premier langage
obéissait à un schème de type historique, où l'on parle d'avant
et d'après, où l'on projette sur une ligne spatio-temporelle le devenir
de l'existence avant et après la mort, voici qu'un autre schème,
d'origine apocalyptique, va s'efforcer de dire la même chose à
travers le rapport du bas et du haut. Un mot sur la cosmologie des
juifs : ils concevaient la terre comme une galette sous laquelle il y
avait un souterrain, les enfers et, au-dessus de leurs têtes, l'habita-
tion de Dieu même. Selon une tradition très ancienne, plus ancienne
même que celle de la résurrection, Dieu est tellement juste qu'il

7. S u r le langage « exaltation », cf. notre ouvrage, supra, p. 291, n. 2.


Retrouver ce titre sur Numilog.com

ne peut laisser celui qui est juste descendre dans l'abîme de la mort.
C'est ainsi que l'on a conçu la mort du juste comme un enlèvement,
une exaltation, une assomption au ciel. Hénoch a été transféré
(Si 44, 16), Élie a été emporté au ciel dans un tourbillon de feu
(Si 48,9). Antérieurement donc au développement de la foi en la
résurrection des morts s'était déjà fait jour une espérance dans
l'enlèvement au ciel du juste. Le psalmiste prie ainsi : « Dieu rachè-
tera ma vie des mains de la mort, il m'enlèvera » (Ps 49,16), ou
encore : « Tu m'as saisi par la main droite, tu me conduis d'après
ton plan, puis, avec gloire, tu m'enlèveras » (Ps 73,23-24). Toujours
reviennent les verbes « prendre », « enlever », qui expriment le désir
profond de n'être jamais séparé de Dieu, comme on l'est quand
on meurt, quand on descend au chéol. Cette tradition s'est pour-
suivie dans la prophétie du Serviteur de Dieu, qui, après une souf-
france volontairement acceptée, a été glorifié, exalté (Is 52, 13 ;
53,12). Le livre de la Sagesse, à son tour, se fait l'écho de cette foi
(Sg 4—5). C'est dans une telle tradition, concurrente avec celle de la
résurrection, que les chrétiens ont exprimé l'expérience qu'ils
ont eue de Jésus vivant après sa mort. C'est ainsi que, dans des
hymnes, par exemple dans celui que Paul rapporte lorsqu'il écrit
aux Philippiens, au chapitre 2, pour dire le sort de Jésus qui s'est
abaissé volontairement jusqu'à la mort et à la mort de la croix,
il n'est pas fait mention de la résurrection, mais seulement de
l'exaltation au ciel. Ce faisant — et il y a d'autres textes encore qui
reflètent de cette manière la foi au Christ vivant après la mort —,
les chrétiens s'exprimaient à l'aide d'un langage qui n'est plus
une projection, de type horizontal, sur l' avant et l' après ; il n'est
pas question de fin des temps, ni même d'anticipation de la fin
des temps pour Jésus; si l'on arrête le temps ordinaire, c'est que
l'on obéit à un autre schème, spatial celui-ci, le haut et le bas.
C'est du bas que le juste est élevé au ciel. Pour montrer la valeur
durable de ce langage, il suffit d'évoquer le dogme de l'assomption
de la bienheureuse Vierge Marie qui est « assomptée » au ciel.
Lors de la définition de ce dogme, on n'a pas jugé opportun de
rappeler que Marie était morte; on se référait alors à une donnée
traditionnelle selon laquelle Marie s'était « endormie » à la fin de
son existence (la dormition de Marie); je pense que, plus profondé-
ment et sans doute inconsciemment, on obéissait à un langage qui
Retrouver ce titre sur Numilog.com

réserve au seul Jésus-Christ la résurrection dans le temps. En


s'abstenant de rappeler que Marie est morte, on évite de laisser
entendre qu'elle est ressuscitée; par contre, on affirme qu'elle est
exaltée corps et âme au ciel dès la fin de la vie, pour ne pas dire dès sa
mort. Le devenir de Marie est conçu selon le langage du haut et du
bas, ce qui est la deuxième manière de présenter le sort du juste.
De toute manière, en parlant de résurrection ou d'exaltation,
on affirme que l'homme juste dans sa totalité est auprès de Dieu,
ou bien à la fin des temps, s'il s'agit de la résurrection, ou bien dès
la mort s'il s'agit de l'exaltation. Ces deux langages ne s'excluent
pas mutuellement, ils s'appellent l'un l'autre pour viser pleinement
le mystère ; mais, en un certain sens, ils sont tout de même contraires
puisque l'un affirme une durée de l'après-mort et l'autre la nie;
l'un projette sur une ligne temporelle le devenir de l'homme après la
mort, l'autre refuse le temps pour parler d'emblée de la glorifi-
cation céleste.

Les formulations de Jean XXII et de Benoît XII

Après cette confrontation avec les données bibliques, tentons


de purifier le langage classique. Essayons donc de préciser quelle
est la quête de vérité chez Jean XXII et Benoît XII.
Le temps intermédiaire qui sépare la mort de la résurrection
était pensé par Jean XXII dans la perspective du Vieux Testament,
celle du chéol. Ce faisant, il semblait méconnaître que déjà, dans
le Christ, nous avons la totalité du bonheur : la résurrection qui aura
lieu pour tous à la fin des temps est déjà actualisée en Jésus-Christ.
Mais, comme l'a si bien dit H. de Lubac, il souligne à juste titre un
aspect de la vérité, le souci de maintenir la dimension sociale du
bonheur. En effet, si je déclare purement et simplement que, dès
ma mort, je suis dans la béatitude, je tends à méconnaître un aspect
fondamental de la révélation chrétienne, à savoir que nous sommes
tous liés les uns aux autres et que, en raison de notre conditionne-
ment temporel, nous ne pouvons pas penser à un bonheur indi-
viduel sans le rattacher intrinsèquement à celui de tous nos frères.
Il s'agit là d'un langage, en effet; je ne peux pas dire le bonheur
sans le lier à la présence de tous mes frères. Telle est la part de
Retrouver ce titre sur Numilog.com

vérité que manifeste si bien l'attente de la résurrection des morts.


Voilà pourquoi on peut et l'on doit dire que le Christ est à l'œuvre
avec nous pour transformer le monde. Voilà pourquoi saint Paul
déclare qu'un jour viendra où le Christ lui-même doit remettre
à son Père le monde transfiguré en son Royaume. C'est une erreur
de dire que le Christ n'est plus dans le temps et que, selon le mot
de Jean Giono, le Christ jouit, dans son ciel solitaire, d'un bonheur
sans fin. Nous ne pouvons pas penser et dire le Christ sans le
mettre dans le temps et, par conséquent, nous parlons à juste titre
de l' « espoir » du Christ. La difficulté pour nous, c'est d'arriver
à saisir qu'il s'agit d'une condition de la pensée qui a besoin d'un
langage temporel pour pouvoir se dire adéquatement. Sans cette
projection à la fin des temps, je ne peux pas penser la totalité du
bonheur des hommes. Aussi, je puis et je dois continuer à prier
pour les morts; c'est pourquoi je dois continuer à vibrer d'espérance
dans le travail que je fais pour le royaume de Dieu. Ce langage
est donc nécessaire, et telle est la part de vérité contenue dans ce
que disait Jean XXII, ce qui risque d'être brutalement méconnu
lorsque l'on s'arrête sur la béatitude « essentielle », comme on dit,
qui est accordée aux élus dès leur mort. C'est pourquoi aussi je
n'accepte pas de dire que nous ressuscitons dès notre mort. En
effet, dire qu'à notre mort nous ressuscitons, c'est méconnaître
la part de vérité qui se cache dans l'évocation de la fin des temps;
parler de résurrection dès notre mort, c'est indûment mélanger
deux langages.
Cela dit, il faut maintenant chercher la part de vérité contenue
dans la réaction de Benoît XII. Sans doute, dans cette réaction
qui souligne la réalité de la vision béatifique dès la mort, le pape
obéissait-il à une certaine philosophie et à une certaine croyance
de l'immortalité de l'âme spirituelle, opposée à la mortalité du
corps matériel. Mais à l'aide de ce langage plus ou moins adéquat,
il voulait dire une réalité fondamentale. C'est qu'en effet, l'homme
n'est pas simplement défini par la relation qu'il a avec les autres
hommes; il est aussi, dans sa personne même, en relation avec
Dieu. L'immortalité n'est pas naturelle 8; à la différence des Grecs
qui voyaient dans l'âme une émanation de la divinité, l'immortalité

8. Cf. la remarque de la n. 6.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

est un don de Dieu. Cela signifie que nous sommes toujours


en relation avec Dieu; l'immortalité consiste en ce que Dieu, dès
qu'il a créé un être, entre de façon permanente en dialogue avec lui.
C'est pourquoi à la mort une telle relation ne peut être supprimée;
plus précisément, le juste ne peut pas demeurer dans le chéol;
sa relation avec Dieu devient alors parfaite : c'est ce qu'on appelle
la vision béatifique. Par conséquent, au fondement de la réaction
de Benoît XII se trouve l'affirmation essentielle de la valeur de la
personne humaine. Tout en utilisant une anthropologie qui conçoit
la mort comme séparation de l'âme et du corps, elle signifie que
l'homme est un être subsistant, en relation avec Dieu même. Par-
ler ainsi, c'est donner l'équivalent de l'autre langage, celui de la
résurrection. Et c'est pourquoi la vérité de la proposition de
Benoît XII se trouve dans le langage exaltation auquel nous recou-
rions tout à l'heure avec la Bible pour viser le sort de l'homme dès
sa mort.
Jean XXII et Benoît XII représentent donc deux tendances qui
doivent être l'une et l'autre respectées. En quoi ? Non pas en leur
commune anthropologie, qui adopte la représentation des « âmes
séparées », mais en leur différente attitude à l'égard du « temps »
qui surgit au moment de la mort. Avec Jean XXII, j'utilise un langage
qui continue à être temporel et je situe l'après-mort sur la ligne de
l'avant et de l'après. Avec Benoît XII, je nie ce temps et lui substitue
l'affirmation du terrestre/céleste, du bas et du haut.

Pour un langage actuel

En fonction de cela, essayons maintenant de préciser quel peut


être le langage actuel sur la résurrection. Rappelons d'abord ceci :
lorsque l'on parle de résurrection de la chair, le mot chair ne désigne
pas le corps en tant que matière séparée de l'âme, mais l'homme
dans sa condition mortelle. Résurrection de la chair, cela signifie
résurrection de la personne entière, au point que, dans certains
apocryphes datant de l'époque de la Sagesse ( 1 siècle av. J.C.), on
parle même de la résurrection des âmes 9 le mot « âme » désignant
9. Cf. P. Grelot, « L'Eschatologie de la Sagesse et les apocalypses juives », dans De
la mort à la vie éternelle, Cerf, 1971, p. 198.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

non pas quelque essence spirituelle, mais l'être en relation avec


Dieu.
Deuxièmement, les deux langages ne peuvent pas s'additionner,
ils doivent se situer l'un par rapport à l'autre. Le langage de la résur-
rection ne complète pas celui de la vision béatifique, mais l'un et
l'autre sont nécessaires pour viser une réalité mystérieuse qui,
de soi, échappe à nos prises. On n'additionne pas ces deux lan-
gages, on les situe pour mieux viser le r é e l
Troisièmement, quelle va donc être la fonction pour nous aujour-
d'hui de notre foi en la résurrection des morts ? C'est là qu'il est
important de bien saisir sa double dimension. Elle concerne
l'homme tout entier : sous son aspect vertical, elle vise sa relation
avec Dieu, qui peut être caractérisée par « l'âme »; sous son aspect
horizontal, elle vise sa relation avec les hommes et l'univers, qui
peut être caractérisée par « le corps ».
La foi en la résurrection des hommes n'a son vrai sens qu'enra-
cinée dans notre foi en la résurrection de Jésus par l'amour de Dieu.
Par cette foi, nous sommes certains que l'amour est plus fort
que la mort et que, par conséquent, dès la mort nous sommes vain-
queurs avec Jésus-Christ; en Jésus-Christ, la vie a triomphé.
La relation personnelle qui est inaugurée avec Dieu dès ici-bas
devient parfaite. Le dialogue avec Dieu est désormais un face à face.
Telle est la relation verticale avec Dieu. Quant à la relation hori-
zontale, elle nous maintient dans ce qu'on peut appeler l'espérance.
C'est le langage de l'espérance qui pourrait, pour nous, aujourd'hui,
être le plus parlant. La foi qui m'a permis de rejoindre Dieu assure
l'authenticité de mon espérance; et cette espérance n'est pas simple-
ment une espérance individuelle. Ayant compris que la résurrection
de Jésus, c'est l'affirmation de la seigneurie du Christ sur l'univers,
c'est que le Christ est déjà le Seigneur de l'univers, c'est que le
Christ est maintenant à l'œuvre dans l'univers pour instaurer
l'amour par-delà la haine; cette affirmation de ma foi me confirme
dans une certitude que l'amour est plus fort que la mort, non seule-

10. J. Ratzinger, Foi chrétienne, hier et aujourd'hui, M a m e , 1969, p. 252 : « Originaire-


ment, il ne s'agissait pas de deux représentations complémentaires [représentation
grecque de l'immortalité de l'âme et message biblique de la résurrection des morts];
nous nous trouvons plutôt devant deux conceptions globales différentes, que l'on ne
saurait additionner simplement » [traduction modifiée].
Retrouver ce titre sur Numilog.com

ment pour moi, mais aussi pour tous mes frères. Si je peux lutter
pour l'instauration du règne de l'amour dans l'humanité, cela
dérive de la conviction que je ne suis pas seul : ma solitude est
désormais occupée par une présence, la présence de celui qui est
vivant, présence d'un être dont je dépends, à travers lequel j'entre
en communion profonde avec mes frères; présence du Ressuscité
qui m'a été donnée par la foi et qui ne tient donc pas à mes humeurs
et à mes dispositions intimes; présence qui me ramène toujours
à Jésus de Nazareth, qui a vécu jadis; présence qui m'ouvre à
l'avenir, qui m'ouvre à un monde dans lequel l'unique commande-
ment de Jésus peut enfin trouver sa valeur et sa place : « Aimez-vous
les uns les autres. » En toute vérité, parce que je crois que Jésus de
Nazareth est sorti vivant de la mort et demeure vivant au-delà
de la mort, je suis capable d'espérer que le monde peut être trans-
formé. Ce dynamisme crée en moi une parfaite liberté à l'égard
de tout ce qui se passe, puisque, en principe, je suis libéré de la
grande peur de la mort. Et non pas libéré en paroles, comme si
on pouvait faire abstraction de la mort ; mais libéré en ce sens que,
positivement, la vie divine, c'est-à-dire l'amour de Dieu, est déjà
présente et active au travers de tous les ferments de mort qui sont
à l'œuvre en moi-même.

S'il en est ainsi, bien des questions nous apparaissent, non pas
futiles, mais secondaires. En quoi consiste le corps glorieux?
Qu'il suffise de dire que, après la mort, nous serons pleinement
nous-mêmes. Comment se maintiendra l'identité entre l'individu
que j'ai été et celui que je suis maintenant ? La théologie laisse la
réponse ouverte. Les uns ont cru qu'il était indispensable de
maintenir une relation spéciale avec le propre cadavre, ne se rendant
pas compte à quelles difficultés ils se heurtaient en parlant ainsi.
Inutile d'insister. D'autres, au contraire, sont portés à penser qu'il
s'agit simplement d'une relation à l'univers, cet univers dans lequel
est retourné notre cadavre. De toute manière, ce qui est certain,
c'est que, à travers l'apparente discontinuité, une continuité
plus profonde unit le ressuscité à l'homme qui a vécu sur terre,
continuité qui n'est pas déterminée par l'assomption de quelque
Retrouver ce titre sur Numilog.com

particule chimique ou organique de ce qui fut son corps, mais


par deux facteurs conjugués. D'abord, et essentiellement, elle est
assurée par le même Dieu qui a fait exister et qui fait revivre :
comment Dieu pourrait-il avoir pour terme de son action un autre
que celui que j'ai été ? Et cette action consiste à donner à mon
Je de ressaisir son identité avec le corps que j'ai été. Le second
facteur de cette continuité, c'est le fait que, au cours de ma vie,
l'amour s'est peu à peu incarné en moi-même; ma personnalité
a été tissée par l'amour accueilli et l'amour donné; la manière
dont j'ai exprimé cet amour par le corps qui est ma capacité de
présence à autrui et à l'univers, cet amour a constitué à jamais
ma personnalité. On se pose parfois le problème de la relation
avec les autres : sachons que cette relation n'est pas adventice,
additionnelle, mais qu'elle est constitutive même de notre être.
Je suis tissé par l'amour que j'ai reçu et que j'ai donné. Et s'il est
vrai que l'amour seul traverse la mort, on peut dire que, à la mesure
de l'ouverture de mon être à la totalité de Dieu et des autres, je
serai à jamais cet être que j'ai constitué au long des jours.

Ainsi présentée, la foi en notre résurrection peut-elle encore


être dite opium du peuple, consolation pour les déshérités de la
terre ? Étrange méprise sur le ciel qui, loin de me rassurer dans une
illusoire sécurité, dynamise ma volonté d'agir sur terre, en me pres-
sant de m'ouvrir aux autres et de lutter pour que l'amour règne
dès ici-bas. En cela, nous apparaissons semblables aux meilleurs
des hommes qui ne partagent pas notre foi. Ce qui nous différencie,
c'est la certitude enthousiasmante qui nous fait reconnaître le
Seigneur vivant à l'œuvre ici-bas, l'Amour même de Dieu, cet
amour qui, un jour, s'est montré plus fort que la mort en ressuscitant
Jésus de Nazareth, prémices de notre propre résurrection : oui,
dans l'unique corps du Christ, sans qu'il y ait confusion des per-
sonnes, nous serons un jour tous parfaitement transparents à Dieu
et aux autres, à la mesure de l'amour accueilli et donné sur la
terre.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

BIBLIOGRAPHIE

La bibliographie du sujet est si abondante que j'ai renoncé à la publier


ici. Je me contente de signaler trois ouvrages qui abordent partiellement
le thème traité :

J. GUILLET, Jésus devant sa vie et devant sa mort, Aubier, 1971.

P. GRELOT, Péché originel et Rédemption à partir de l'épître aux Romains.


Essai théologique, Desclée, 1973.

H. SCHÜRMANN, Comment Jésus a-t-il vécu sa mort?, Cerf, 1977.


Retrouver ce titre sur Numilog.com

SIGLES DES LIVRES BIBLIQUES

Ac Actes des Apôtres Mi Michée


Am Amos Ml Malachie
Ap Apocalypse Mt Évangile selon saint M a t -
thieu
1 Co 1 Épître aux Corinthiens
2 Co 2 Épître aux Corinthiens Nb Nombres
Col Épître aux Colossiens
Os Osée
Dt Deutéronome
1P 1 É p î t r e de Pierre
Ep Ëpître aux Ephésiens 2 P 2 e Épître de Pierre
Ex Exode Ph É p î t r e aux Philippie ns
Ez Ézéchiel Phm Épître à Philémon
Pr Proverbes
Ga Épître aux Galates Ps Psaumes
Gn Genèse
Qo Ecclésiaste (Qohélet)
Ha Habaquq
He Épître aux Hébreux 1 R 1 livre des Rois
2 R 2 e livre des Rois
Is Isaïe Rm É p î t r e aux R o m a i n s
Jb Job 1S 1 livre de Samuel
Jc Épître de Jacques 2 S 2 e livre de Sa mu el
Jg Juges Sg Sagesse
Jn Évangile selon saint Jean Si (Siracide) Ecclésiastique
Jon Jonas
Jos Livre de Josué Tb Tobie
Jr Jérémie 1 Th 1 É p î t r e aux Thessaloni-
Jude Épître de Jude ciens
2 Th 2 e É p î t r e aux Thessaloni-
Lc Évangile selon saint Luc ciens
Lv Lévitique 1Tm 1 Épître à Timothée
Tt Épître à Tite
2M 2 livre des Maccabées
Mc Évangile selon saint Marc Za Zacharie
Retrouver ce titre sur Numilog.com

SIGLES DES LIVRES


N O N BIBLIQUES

Ant. juives Antiquités juives


Ap. Bar. Apocalypse de Baruch
Aq. Traduction grecque de la Bible, par Aquila
Ass Moïse Assomption de Moïse
4 Esd IV livre d'Esdras
Guerre Guerre des Juifs
Hen Livre d'Hénoch (éthiopien)
LAB Liber Antiquitatum Biblicarum (Pseudo-Philon)
4M 4 livre des Maccabées
Ps. Sal. Psaumes de Salomon
1 QH Hymnes découverts à Qumrân
1 QpH Pésher d'Habaquq, à Qumrân
1 QS Règle (séder) de la communauté, à Qumrân
Sanh. Traité du Talmud (Sanhedrin)
Sim. Traduction grecque de la Bible, par Simmaque

ABRÉVIATIONS COURANTES

A.T. Ancien Testament


cf. se rapporter à
gr. grec
LXX Version grecque de l'Ancien Testament par les Septante
N.T. Nouveau Testament
p et les textes parallèles
Q Source (Quelle) — matériaux communs à Matthieu et Luc
8 et le verset suivant
Retrouver ce titre sur Numilog.com

SIGLES DES OUVRAGES,


PÉRIODIQUES E T COLLECTIONS

Bib. Biblica (Rome 1920ss).


BZ Biblische Zeitschrift (Paderborn N.F. 1957ss).
CBQ The Catholic Biblical Quarterly (Washington 1939ss).
EvT Evangelische Theologie (Munich 1934ss).
KuD Kerygma und Dogma (Göttingen 1955ss).
LV Lumière et Vie (St-Alban-Leysse/Lyon 1950ss).
MD La Maison-Dieu (Cerf 1945ss).
MelSR Mélanges de Sciences Religieuses (Lille 1944 ss).
NTS New Testament Studies (Cambridge 1954 ss).
PG Patrologia Graeca, éd. J.-P. Migne, Paris 1857-1866,
Suppl. 1959ss.
PL Patrologia Latina, éd. J.-P. Migne Paris 1844-1864,
Suppl. 1958ss.
RB Revue biblique (Gabalda 1892ss).
RevSR Revue des Sciences religieuses (Strasbourg 1921 ss).
RSPT Revue des Sciences philosophiques et théologiques (Vrin
1907ss).
RSR Recherches de Science religieuse (Paris 1910ss).
SC Sources chrétiennes, éd. H. de Lubac, J. Daniélou, L. Mon-
desert, (Cerf 1941ss).
SDB Supplément au Dictionnaire de la Bible, Letouzey et Ané
1928 ss.
TOB Traduction oecuménique de la Bible. Nouveau Testament,
Cerf/Bergers et Mages 1972.
TWNT Theologisches Wörterbuch zum Neuen Testament, Stuttgart
1933 ss.
VTB Vocabulaire de Théologie biblique, éd. X. Léon-Dufour,
J. Duplacy, A. George, P. Grelot, J. Guillet, M.-F. Lacan,
Cerf 2
ZNW Zeitschrift für die neutestamentliche Wissenschaft und die
Kunde der älteren Kirche (Giessen/Berlin 1900ss).
ZTK Zeitschrift für Theologie und Kirche (Tübingen 1891ss).
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com

CHOIX DE RÉFÉRENCES BIBLIQUES

Sont imprimés en italiques les textes majeurs et les pages


les plus importantes
GENÈSE 53 : 96-97.
2,7: 218. 53,10.12 : 93, 110, 299.
3,15 : 249 EZÉCHIEL
EXODE 9,4-6 : 67.
19,5 : 9 2 37 : 44, 218, 296.
24,8 : 110, 205. DANIEL
PSAUMES 12,2 : 44, 296.
OSÉE
16,10 : 149.
22 : 87, 146, 153, 161, 6,1-2 : 296.
1 6 3 164. MATTHIEU
22,16 : 157. 8,21-22 : 41.
31 : 156, 161, 164. 9,13 : 90.
31,23 : 121. 9,18 : 42.
39,13 : 121. 10,28 : 36-38.
40,7 : 207. 10,29-31 : 37.
49,15-16 : 39, 299. 10,38 : 6 5
63 : 158, 161. 10,39 : 3525 62-68.
69,22 : 1 4 6 157. 11,23 : 39.
73,23-24 : 32, 299. 13,57 : 84.
88 : 39. 15,21 : 88.
110 : 240. 16,24 : 65-67.
16,25 : 3 5 4 1 , 62-66.
QOHELET 16,27 48.
3,19-21 : 221. 20,28 : 92.
7,15 : 32. 21,33-44 : 86-87.
SIRACIDE 22,31 : 215.
1,13 : 32. 22,31-32 : 47-48.
11,18-28 :32. 23,27 : 40-41.
38,17.20-21 : 232. 23,29 : 41, 85.
41,1 : 32. 23,31 : 41.
41,2-4 : 31. 23,34-35 : 85.
23,37-39 : 86.
ISAIE 25,31-46 : 52-54, cf. 48-49.
11,6.8 : 55. 26,17-35 : 101-103.
25,8 : 39. 26,20-25 : 103.
26,19 : 44. 26,26-29 ; 101-113.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

26,28 : 93. 23,46 : 146, 154-156, 164, 165,


26,36-46 : 113-134, 139-143. 166.
27,45-54 : 147-154, 158-166. 24,7 : 88.
27,47-49 : 157, 160-161. 24,50 : 156.
MARC JEAN
2,19-20 : 78. 4,34 : 157.
5,23.35.41 : 42. 4,44 : 84.
5,38-40 : 45. 5,24 : 57-59, 70.
6,4 : 84. 5,36 : 157.
8,31 : 8 4 88. 11,33-38: 45-47.
8,34 : 65-66. 12,23-32 : 115, 137-139, cf. 130.
8,35 : 35 62-65. 12,25 : 62-64, 69-71, cf. 126.
9,11-13 : 83-84. 12,27 : 46, 47, 128, 130, 136-
10,38 89. 139.
10,42-45 : 94-96. 13,1-20 : 112.
12,1-2 : 86-87. 15,22 : 142.
14,8 : 102. 15,28 : 163.
14,22-25: 101-113. 17,4-5 : 157.
14,32-42: 113-135, 139-144. 17,19 : 99.
15,33-39: 147-154, 159-165. 19,26.27 : 145.
15,34 : 149-154, 165. 19,28 : 145, 147, 148, 156,
15,39 : 150. 159, 163, 164. 157-158, 161.
19,30 : 99, 147-148, 156-158,
Luc 165-166.
4,24 : 84. ACTES DES APOTRES
7,14 : 42. 7,57-60 : 156, 165.
9,23 : 65-67. 8,3; 9,1-2 : 178.
9,24 : 62-67, cf. 35
9,59-60 : 41. AUX ROMAINS
11,44 : 40- 1,21 : 248, 2 5 5
11,47 : 41, 85. 2,7-16 : 228.
11,47-51 : 85. 2,12 : 183.
12,4-5 : 36-38. 3,9 : 188.
12,6-7 : 37. 3,23-25 : 208.
12,37 : 49, 111. 3,27 — 4,25 : 228.
12,49-50 : 90. 4,17-21 : 241, cf. 253.
13,1-5 : 33-36. 5,1-5 : 192, 242, 245.
13,33.34-35 : 86. 5,6.8 : 193, 195.
14,27 : 6 5 5,10 : 192.
15,32 : 32. 5,12-21 : 35, 224.
16,22 : 32, 39. 5,12 : 225-227.
17,25 : 68, 88. 5, 13-14 : 227-228.
17,33 : 35 62-64, 68-69. 5,15-17 : 228.
22, 14-20 : 101-113. 5,18 : 184, 225.
22,15-18 : 104-109. 5,19-21 : 228-229.
22,22 : 88. 6,3-4 : 186.
22,25-27 : 94-95, cf. 111. 6,5-11 : 186-187.
22,40-46: 113-132, 135-136, 6,12-14 : 189.
139-143, 155. 6,15 : 188.
23,28-31.34 : 145, 155. 6,16-23: 189-190.
23,36.44-47 : 146-148. 7,1-6: 201.
23,43 : 56, cf. 145. 7,14 : 188.
Retrouver ce titre sur Numilog.com

8,2 : 202 5,14 : 185.


8,3 : 183, 229, 271. 5.21 : 152, 184, 271.
8,15 : 167, 253. 12,10 : 273.
8,17 : 272.
AUX GALATES
8,18-30 : 244-245.
8.18 : 246-247. 2 , 1 9 - 2 0 : 66, 1 0 3 , 1 9 4 , 2 7 0 .
8,19-22 : 247-250. 3,1 : 180.
8,23 : 251. 3,6-29 : 199-200.
8,24-25 : 252. 3,10 : 188.
8,26-30 : 253-256. 3.13 : 152, 200, cf. 178.
8,29 : 191, 255. 3,14 : 202.
8,32 : 195. 3,23 : 188, 190.
8,35.38-39 : 193. 3,25 : 190.
12,1 : 203, cf. 210. 5,1 : 190, 201.
5,13-25 : 270-271.
1 AUX CORINTHIENS 6.2 : 201, cf. 202.
2,2-5 : 180. 6,12 : 181.
4,9-13 : 264, 273. 6,17 : 274.
5,7 : 207.
6,12 : 181. AUX ÉPHÉSIENS
8,3 : 255. 5,22 : 44.
8,11 : 194. 5,25 : 194.
10,II : 1 9 8 246. AUX PHILIPPIENS
10,16-17 ; 196-197. 1 , 1 8 . 2 0 - 2 4 : 260, cf. 294.
10,16-22 : 207-208. 1,23 : 259-261.
10,23 : 181. 2,6-11 : 195-196, 229-230.
11,23-25 : 110-111, 203, cf. 2,27 : 233.
127 3,5 : 178.
11,26 : 180. 3,8-11 : 179, 272, cf. 181.
15 : 214. 3 , 1 8 - 1 9 : 181, cf. 180.
15,3-4 : 198. 3 , 2 0 - 2 1 : 191, 2 6 0 - 2 6 1 , 267.
15,20-28 ; 214, 239-240. AUX COLOSSIENS
15.21-22 : 230.
15,35-36 : 214-215, cf. 297. 1 , 1 9 - 2 0 : 193, cf. 180.
15, 36-38 : 185, 217. 1,24 : 275-277.
15, 42-43 : 217. 3,1-5 : 271-272.
15,44-49 : 214, 218-219. 3,15 : 272.
15,49 : 191, 218. 1 AUX THESSALONICIENS
15,50 : 214, 219-220. 4,13 : 231, 232.
15,51-52 : 214, 215-216, 298. 4,14 : 233-234.
15,53-54 : 214, 219-220. 4,17 : 216, 232, 234.
15,55-57 : 214, 222. 4,18 ; 5 , 1 1 : 2 3 1 .
2 e AUX CORINTHIENS AUX HÉBREUX : 1 7 1 - 1 7 2 .
1,6-7 : 263. 5,7-8 : 1 2 1 , 1 7 1 , 2 3 7 , c f . 141.
1,8-10 : 262-263. 8 — 10 : 2 0 6
3,18 : 191, 255, 264. 10,4-10 : 207.
4,6 : 191, 264. 1 DE PIERRE
4,7-12 : 264-265, cf. 275.
4,13-18 : 265-266. 2 , 2 1 - 2 4 : 97.
4,16 — 5,10 : 263-269. APOCALYPSE
5,1-5 : 266-268. 6,9 : 292.
5,6-10 : 269. 20,14 ; 2 1 , 4 : 2 4 0
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Retrouver ce titre sur Numilog.com
Collection « Parole de D i e u »

dirigée par Xavier Léon-Dufour

I. XAVIER LÉON-DUFOUR
Les Évangiles et l'Histoire de Jésus, 1963.

2. XAVIER LÉON-DUFOUR
Études d'Évangile, 1965.

3. CHARLES HAROLD DODD


Conformément aux Écritures, 1968.

4. WILLIAM DAVID DAVIES


Pour comprendre le Sermon sur la montagne, 1970.

5. GUNTER STEMBERGER
La Symbolique du bien et du mal selon saint Jean, 1970.

6. Exégèse et Herméneutique, 1971,


sous la direction de Xavier Léon-Dufour.

7. XAVIER LÉON-DUFOUR
Résurrection de Jésus et Message pascal, 1971.

8. JOACHIM JEREMIAS
Abba, Jésus et son Père, 1972.

9. GUNTHER BORNKAMM
Qui est Jésus de Nazareth?, 1973.

10. Le Ministère et les Ministères selon le Nouveau Testament, 1974,


sous la direction de Jean Delorme.

II. EDUARD SCHWEIZER


La Foi en Jésus-Christ, 1975.

12. XAVIER LÉON-DUFOUR


Dictionnaire du Nouveau Testament, 1975.

Vous aimerez peut-être aussi