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besoins fondamentaux

et vie quoditienne
en collectivité

n o 260
c a h i e r
cemea
p r i n t e m p s 2 0 1 2
s o m m a i r e

bulletin é d i t o r i a l mise à jour 1


de l’association suisse
des centres introduction 3
d’entraînement aux
méthodes d’éducation les besoins, selon Maslow 5
active (cemea). la pyramide de Maslow 7
Il traite de thèmes 1. besoins physiologiques 8
particuliers touchant
aux domaines 2. besoins de protection et de sécurité 9
de l’éducation, 3. besoin d’amour et d’appartenance 10
de la pédagogie 4. besoins d’estime de soi et de reconnaissance 11
ou de l’animation, 5. besoins d’actualisation de soi 11
il propose des fiches
techniques d’activités. contenu des besoins, selon Rosette Poletti 13
éloge de la diversité 14
60eannée rites et rythmes 17
paraît trois fois l’an les rythmes du sommeil et du repos 19
les phases du sommeil 20
les cycles du sommeil 21
copie autorisée uniquement dans les facteurs influençant le sommeil 21
les limites d’une utilisation privée
et avec claire mention de la source;
les besoins en sommeil 23
pour une utilisation publique, les adolescents et le sommeil 24
l’autorisation de l’association suisse le coucher 24
des cemea est requise.
le lever 25
le repos en journée 27
la fatigue 27
rédaction
les activités 28
administration
abonnements autour de la table 30
cemea assemblée en grand groupe: du bon usage de la démocratie 33
11, route des franchises le programme d’activités 36
1203 genève la vie collective 37
rythme de vie et rituels dans les équipes 37
composition typo
et mise en page
pierre porre premier et dernier jour du camp 40
l’accueil du premier jour 40
édition la fin du camp 41
et impression
médecine & hygiène
case postale 475 pour conclure 42
1225 chêne-bourg
bibliographie 43
tirage
1000 exemplaires liste des cahiers disponibles 44
é d i t o

m i s e à j o u r

La simple comparaison de ces deux organisations


de camp, distantes de bientôt cent ans, pointe
l’évolution de la prise en compte des besoins et de
l’organisation de la vie quotidienne.
journée type de camp en 1920 journée type de camp en 2012
5h Réveil 6 h 45 Réveil d’un moniteur
5 h 45 Soins de propreté pour préparer le petit-déjeuner
6h Petit-déjeuner 7h Lever échelonné des enfants,
6 h 30 Mise en ordre des dortoirs accueil dans la salle de jeux
7 h 30 Départ pour la promenade 7 h 30 Démarrage du petit-déjeuner
8 h 30 Fin des rangements
12 h Repas 9h Brossage des dents,
13 h Repos rangement des chambres,
14 h Travail manuel, jeux habillage
16 h Goûter 9 h 30 Présentation du programme
16 h 30 Promenade de la journée par les moniteurs,
début des activités à choix
19 h Souper 11 h 45 Fin des activités du matin,
20h Préparation des dortoirs lavage des mains
20 h 30 Culte, lecture, chants 12 h Repas
21 h Coucher 13 h Services
13 h 30 Temps calme/libre
14 h 30 Début des activités de l’après-midi
16 h Goûter
17 h 30 Fin des activités de l’après-midi,
douches, temps libre avec
activités à disposition
19 h Souper
20 h 15 Jeu calme, histoire, coucher
Bonne lecture.
Nadine Monney
besoins
fondamentaux
et
vie quotidienne
en collectivité

rédaction :
archives cemea

dessins :
Bénédicte Sambo

photographies :
archives cemea et C.P.V.
besoins fondamentaux et vie quotidienne

introduction
Un camp de vacances est une aventure pour ses participants comme
pour l’équipe d’animation. Une aventure relationnelle d’abord, vécue
par des êtres qui ne se connaissent pas au départ et qui vont vivre
ensemble un temps de vacances et de découvertes. La réussite d’un
défi tel que celui-ci repose sur une bonne préparation, un projet
faisant sens, une équipe solide, et sur une part de chance aussi. Et
c’est l’objet de ce cahier sur le rythme de vie adopté par le
groupe. Dans un camp de vacances, la notion de rythme de vie
touche bien sûr aux questions du sommeil et du repos, mais
aussi aux cadences des activités, des repas, des moments col-
lectifs et des temps de « solitude ». Ces rythmes sont liés inti-
mement à des rituels qui font la vie du groupe et la place des
individus dans le groupe. La réussite d’un séjour est liée à plu-
sieurs facteurs, dont un fondamental : l’adaptation des
rythmes de vie de chaque enfant et de chaque moniteur aux
rythmes de la vie du groupe. Prendre en compte les rythmes
de vie individuels tant des enfants que de l’équipe d’animation
peut constituer un objectif à part entière pour un camp de
vacances. Tout au moins, c’est une réflexion qu’on ne peut
s’épargner lors de la préparation d’un séjour collectif avec des
enfants ou des adolescents. Ce cahier entend évoquer
quelques points qui me paraissent essentiels et fournir des
pistes qui permettront, je l’espère, aux équipes d’animation
d’intégrer ces éléments dans la préparation de leur camp.
Dans les stages de formation de base à l’animation organisés
par les cemea, je constate souvent que l’importance de la ques-
tion des rythmes de vie est largement sous-estimée par les sta-
giaires en début de formation. Les modèles des colonies de
vacances ont certes évolué de manière spectaculaire au cours de
l’histoire, mais les souvenirs de l’enfance les amènent souvent à
des projets simplificateurs du genre « tout le monde debout à
7 h 30 ! ». Cependant, dès que la réflexion sur ce sujet est entamée,
on s’aperçoit qu’elle ouvre un champ vaste et complexe. Il s’agit non

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seulement d’avoir une bonne connaissance des besoins des enfants, sui-
vant leur âge et leur développement, mais aussi, et surtout, de prendre
conscience que chaque individu est unique et a droit au respect de ses
besoins, même quand il fait partie d’un groupe. Certes, l’organisation
d’un camp n’est pas simplifiée par la prise en compte de ces éléments,
apparemment du moins, mais il est important de savoir pour qui, pour
quoi nous mettons en place des séjours de vacances, quelles expériences
nous désirons permettre et quelle qualité de vie nous voulons mettre au
cœur de notre projet.

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besoins fondamentaux et vie quotidienne

les besoins, selon Maslow


Quels sont les besoins exprimés ?

A la base des théories humanistes, l’humain est vu comme un être fonda-


mentalement bon se dirigeant vers son plein épanouissement (l’actuali-
sation). Cette approche suppose l’existence du Moi et insiste sur l’impor-
tance de la conscience et de « la conscience de soi ». Le but recherché par
le psychologue humaniste est donc de permettre à tout individu de se
mettre en contact avec ses émotions et ses perceptions afin de se réaliser
pleinement, c’est-à-dire, atteindre l’actualisation de soi. Parmi les princi-
paux représentants de cette école de pensée, rappelons Carl Rogers
(1902-1987) et Abraham Maslow (1916-1972).
Pour Maslow (1970), le comportement est aussi notre désir de crois-
sance personnelle. Les humanistes soulignent même que certains indivi-
dus peuvent tolérer la douleur, la faim et beaucoup d’événements qui
sont sources de tension pour atteindre ce qu’ils considèrent comme un
accomplissement personnel. Selon Maslow, les besoins humains sont
organisés selon une hiérarchie où, à la base, on retrouve les besoins phy-
siologiques élémentaires et au sommet, on retrouve les besoins psycho-
logiques et affectifs d’ordre supérieur. Ce sont ces besoins qui créent la
motivation humaine. Abraham Maslow, a mené à partir de 1943 une
réflexion sur les besoins exprimés par l’être humain, aboutissant à sa
théorie de la hiérarchie des besoins.
Maslow est arrivé à la conclusion que la vie de chaque individu est ani-
mée par la recherche de la satisfaction de ses besoins. Chaque matin,
l’homme se lève en sachant très bien quel est son but, sa motivation.
Pour l’un, il s’agira chaque jour d’aller chasser, pour subvenir à ses
besoins alimentaires quotidiens. Pour un autre, l’objectif poursuivi sera
de développer son talent artistique à travers la peinture.
En poursuivant ses recherches, Maslow a abouti au constat que tout être
humain exprime les mêmes types de besoins au cours de son existence,
quelles que soient ses origines, son âge, son sexe, son expérience, et le
contexte dans lequel il vit. Ces besoins peuvent être qualifiés d’universels.
Enfin, Maslow a pu établir que les besoins surviennent dans un ordre

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logique, qui est le même pour tous. Aujourd’hui, on peut nuancer ses
propos en affirmant que la démarche de Maslow est une généralisation
sur l’ordre de priorité des besoins de la plupart des personnes, mais pas
de toutes les personnes. Cependant, dans tous les cas, un besoin physio-
logique urgent passe avant un besoin d’un niveau supérieur.

Voici donc les types de besoins classés par ordre chronologique d’appari-
tion : besoins physiologiques, de protection et sécurité, de relations sociales
(appartenance et amour), d’estime, de connaissance, d’esthétique, de réali-
sation de soi. Maslow nous apprend que la personne ne satisfait pas ses
besoins en une seule fois, car ceux-ci n’apparaissent pas simultanément.
La satisfaction de l’un déclenche la manifestation du suivant.
Schématiquement, avant d’envisager sa sécurité (avoir un abri pour dor-
mir), l’individu commencera par assouvir son besoin d’alimentation, qui
est par nature prioritaire. Un mendiant sera majoritairement préoccupé
par la satisfaction de ses besoins physiologiques (boire, manger et se
vêtir notamment). Le besoin d’estime, qui se situe plus haut dans la hié-
rarchie n’est certainement pas son souci majeur. Si nous prenons
l’exemple d’une personne venant d’être récemment licenciée, son objectif
principal sera de satisfaire à nouveau ses besoins de protection et de
sécurité, c’est-à-dire de retrouver un travail afin de maintenir son niveau
de vie. Les besoins ultérieurs sont momentanément laissés de côté, car
ils ne sont pas prioritaires (mis à part peut-être le besoin de relations
sociales, car on sait combien un chômeur se sent rapidement exclu).
Ce dernier exemple montre qu’un individu peut, en fonction des événe-
ments qu’il rencontre, avoir à un certain moment de sa vie un besoin qui
n’est plus satisfait. Alors ce dernier devient prioritaire par rapport aux
autres. La pyramide que Maslow a définie est donc (malheureusement)
en constante démolition et reconstruction en fonction des aléas de la vie.

Nous garderons la présentation habituelle sous forme de pyramide de la


hiérarchie des besoins de l’homme définis par Maslow (même si la réa-
lité n’est pas aussi statique, une boucle existant entre les besoins) car elle
facilite la compréhension initiale.

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besoins fondamentaux et vie quotidienne

La première observation que l’on peut faire devant une pyramide c’est
que, pour qu’elle tienne droite, elle doit avoir une base solide, car une
erreur de construction du soubassement entraînera un affaissement de
l’ensemble.
De même à chaque étage une anomalie de construction aura pour consé-
quence un effondrement des étages situés au-dessus et ainsi de suite jus-
qu’au sommet.
Mais, également, une faille étendue et profonde peut, à n’importe quel
étage de la pyramide, avoir un effet destructeur de l’ensemble. Cette
digression architecturale, permet une première approche de l’interdépen-
dance des besoins.

la pyramide de Maslow

besoins
secondaires besoins de
« être » réalisation

besoins d’estime

besoins d’appartenance

besoins
primaires besoins de sécurité
« avoir »
besoins physiologiques

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1. besoins physiologiques
Dans la hiérarchie des besoins de Maslow, les besoins physiologiques
sont prioritaires. Généralement, une personne cherche à satisfaire ses
besoins physiologiques avant tous les autres. A la base de la pyramide,
on retrouve donc les besoins de maintien de la vie (respiration, alimenta-
tion, élimination, maintien de la température, repos et sommeil, activité
musculaire et neurologique, contact corporel, vie sexuelle). Ces besoins
sont fondamentaux.
En effet, un manque, une privation aura obligatoirement un impact sur
les autres besoins, car la construction des étages supérieurs est alors
impossible (par exemple : enfants en malnutrition ; mais aussi une
grande partie de l’humanité).

Ainsi, une personne qui manque de nourriture, de sécurité et d’amour


cherche habituellement à satisfaire son besoin de nourriture avant de
satisfaire son besoin d’amour.
Les besoins physiologiques sont les besoins dont la satisfaction est
importante ou nécessaire pour la survie.
Un nourrisson doit avoir de l’aide pour satisfaire ses besoins de nourri-
ture, de logement, de liquides, de maintien de la température corporelle
et d’élimination.
A mesure qu’une personne croît et se développe, elle est de plus en plus
en mesure de satisfaire ses besoins physiologiques.
Un enfant de deux ans qui veut de l’eau sait habituellement où se trouve
l’eau et comment en avoir. Bien que ses efforts puissent être mal dirigés,
s’il est très motivé et n’a personne pour l’aider, il réussira à obtenir son
verre d’eau. Généralement, un adulte en santé est en mesure de satisfaire
ses besoins physiologiques sans aide.
Les très jeunes enfants, les personnes âgées, les pauvres, les malades et
les handicapés dépendent souvent des autres pour satisfaire leurs
besoins physiologiques fondamentaux.
• En camp, il est de la responsabilité de l’équipe d’animation de permettre
une alimentation saine, variée et bien présentée. Cette alimentation doit en
outre permettre l’adaptation aux régimes particuliers. L’équilibre activité-repos
et le sommeil devront être adaptés en temps, en qualité et dans un cadre

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besoins fondamentaux et vie quotidienne

pensé pour chaque participant. Enfin les conditions de vie (logement, hygiène,
etc.) devront impérativement être adéquates.

2. besoins de protection et de sécurité (besoins psychologiques)


Les besoins de protection, de sécurité physique et psychologique vien-
nent immédiatement après les besoins physiologiques dans l’ordre de
priorité des besoins. Besoins de sécurité (protection physique et psycho-
logique, emploi, stabilité familiale et professionnelle), de propriété (avoir
des choses et des lieux à soi), de maîtrise (pouvoir sur l’extérieur) et de
constance sont issus de cet étage de la pyramide qui peut se diviser en
deux parties :

Sécurité physique
Lorsqu’un nourrisson vient au monde, sa sécurité physique dépend entiè-
rement des gens qui l’entourent. Puis, à mesure qu’il grandit et se déve-
loppe, il parvient progressivement à une plus grande autonomie pour la
satisfaction de ses besoins. Généralement, un adulte peut combler lui-
même ses besoins de sécurité physique. Toutefois, un enfant, une per-
sonne âgée, malade ou handicapée peut ne pas être en mesure de satis-
faire sans aide ses besoins de sécurité physique.
Le maintien de la sécurité physique implique la réduction ou l’élimination
des dangers qui menacent le corps ou la vie de la personne. Le danger
peut être une maladie, un accident, un risque quelconque ou l’exposition
à un environnement dangereux.
• En camp, il s’agit de définir des limites physiques claires, d’éviter la mise en
danger des enfants (par exemple à des substances ou des outils dangereux). Il
s’agit là d’évaluer les capacités des participants à prendre des risques et, le cas
échéant, de les encadrer dans leurs prises de risques.

Sécurité psychologique
Pour se sentir en sécurité psychologiquement, une personne doit savoir
ce qu’elle peut attendre des autres, y compris des membres de sa famille
ainsi que des interventions, des expériences nouvelles et des conditions
de son environnement.
Toute personne sent sa sécurité psychologique menacée lorsqu’elle fait

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face à des expériences nouvelles et inconnues. Généralement, ces per-


sonnes ne disent pas ouvertement qu’elles sentent leur sécurité psycho-
logique menacée, mais leur conversation peut indirectement révéler leurs
sentiments.
Un étudiant qui entre au collège peut ressentir une certaine insécurité s’il
ne sait pas à quoi s’attendre ; une personne qui commence un nouvel
emploi peut se sentir intimidée à l’idée d’avoir à entrer en contact avec
des inconnus ; un patient qui doit subir une épreuve diagnostique peut
être effrayé par les techniques utilisées.
• En camp, la sécurité psychologique ou affective s’exprime particulièrement
dans la constance et la compréhension des règles et des rituels, dans le posi-
tionnement affectif et pédagogique correct des adultes par rapport aux
enfants, dans les possibilités de choix (d’activités par exemple) de l’enfant,
dans les possibilités de pouvoir posséder et protéger une intimité.

3. besoins d’amour et d’appartenance (besoins sociaux)


Le troisième étage de la pyramide est représenté par les besoins sociaux :
d’affectivité (être accepté tel que l’on est, recevoir et donner amour et
tendresse, avoir des amis et un réseau de communication satisfaisant),
d’estime de la part des autres (être reconnu comme ayant de la valeur) et
d’appartenance (on vit en société et notre existence passe par l’accep-
tation des autres avec leurs différences, ainsi que par l’appartenance à
un groupe).
Généralement, une personne ressent le besoin d’être aimée par les
membres de sa famille et d’être acceptée par ses pairs et par les
membres de sa communauté. Habituellement, le désir de combler ces
besoins survient lorsque les besoins physiologiques et les besoins de
sécurité sont satisfaits, car ce n’est que lorsqu’une personne se sent en
sécurité qu’elle a le temps et la force de rechercher l’amour et l’apparte-
nance et de partager cet amour avec d’autres (Le développement de la per-
sonne, Carl Rogers, 1961).
Une personne qui est généralement en mesure de satisfaire ses besoins
d’amour et d’appartenance est souvent incapable d’y arriver lorsqu’une
maladie ou un traumatisme viennent interrompre ses activités.
• En camp de vacances un enfant est dans une situation où il lui est encore
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besoins fondamentaux et vie quotidienne

plus difficile de satisfaire ces besoins. Le participant est en effet obligé de


s’adapter à certains aspects du système comme l’organisation, les horaires, les
contraintes du milieu. Il est par essence coupé physiquement des personnes
qui lui sont proches. Bien sûr de nouveaux liens se tissent mais ils ne sauraient
remplacer les liens originels.

Si ces trois niveaux de besoins de base sont satisfaits, il y a apparition,


selon ce que l’on appelle le principe d’émergence, d’autres besoins dits
besoins secondaires de développement, qui sont plus de l’ordre de la réa-
lisation de soi, comme être libre, que du comblement de manques.

4. besoins d’estime de soi et de reconnaissance


On développe ici le sentiment d’être utile et d’avoir de la valeur, point de
départ de l’acceptation de soi et du développement de l’indépendance.
Toute personne doit éprouver de l’estime pour elle-même et sentir que
les autres ont de la considération pour elle.
Le besoin d’estime de soi est rattaché au désir de force, de réussite, de
mérite, de maîtrise et de compétence, de confiance en soi face aux
autres, d’indépendance, de solitude et de liberté. Une personne a aussi
besoin d’être reconnue et appréciée des autres.

Lorsque ces deux besoins sont satisfaits, la personne a confiance en elle


et se sent utile ; s’ils ne sont pas satisfaits, la personne peut se sentir
faible et inférieure (Devenir le meilleur de soi-même: besoins fondamentaux,
motivation et personnalité, Abraham Maslow, 1970).
• Dans le camp de vacances, il s’agit de permettre à chacun d’être
unique et différent des autres et de le reconnaître en tant que tel. Valider
l’expression des émotions et des besoins de chacun, proposer des activi-
tés où l’expérience et la créativité sont centrales, par exemple.

5. besoins d’actualisation de soi


« Deviens qui tu es », F. Nietzsche

Lorsqu’une personne a satisfait tous les besoins des niveaux précédents,


c’est dans l’actualisation de soi qu’elle parvient à réaliser pleinement son
potentiel (Maslow, 1970).
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La personne qui s’est actualisée a l’esprit mûr et sa personnalité est


multidimensionnelle ; elle est souvent capable d’assumer et de mener à
terme des tâches multiples et elle tire satisfaction du travail bien fait.
Elle peut juger de son apparence, de la qualité de son travail et de la
façon dont elle résout les problèmes sans se soumettre entièrement à
l’opinion des autres.
Bien qu’elle ait des échecs et des doutes, elle y fait généralement face
avec réalisme.
La façon dont une personne réussit à satisfaire le besoin d’actualisation
de soi dépend de l’équilibre entre ses besoins, les agents stressants et sa
capacité d’adaptation aux changements et aux exigences de son orga-
nisme et de son environnement.

L’actualisation de soi se définit par de multiples caractéristiques :


• Accroître ses connaissances
• Développer ses valeurs, « faire du neuf », créer de la beauté, avoir une
vie intérieure
• Résoudre ses propres problèmes et aider les autres à résoudre les leurs
• Accepter les conseils des autres
• Témoigner un grand intérêt pour le plus vaste que soi
• Posséder de bonnes aptitudes à la communication, tant pour écouter
que pour communiquer
• Contrôler son stress et aider les autres à contrôler le leur
• Apprécier son intimité
• Rechercher de nouvelles expériences et de nouvelles connaissances
• Prévoir les problèmes et les réussites
• S’accepter
• Etc.
• Dans le camp, cette dimension peut exister même si elle n’est pas du res-
sort des équipes d’animation, à l’exception du soutien que les adultes peuvent
apporter dans l’accomplissement des points ci-dessus.

Rosette Poletti, infirmière suisse et enseignante en soins infirmiers, dans


une conférence donnée en 1979, précisait le contenu des besoins :

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besoins fondamentaux et vie quotidienne

• Besoins physiologiques de base (par ordre de priorité)


Oxygénation - Equilibre hydrique et sodé - Equilibre alimentaire -
Equilibre acide-base - Elimination des déchets - Température normale -
Sommeil - Repos - Relaxation - Activité - Mobilisation - Energie -
Confort - Stimulation - Propreté - Sexualité.
• Besoins de sécurité (par ordre de priorité)
Protection du danger physique - Protection des menaces psycholo-
giques - Délivrance de la douleur - Stabilité - Prédictibilité - Ordre.
• Besoins de propriété
Besoin de maîtrise sur les choses, sur les événements - Besoin d’im-
pact, de pouvoir sur l’extérieur et donc besoin important de connais-
sances pour y arriver.
• Besoins d’appartenance (par ordre de priorité)
Amour et affection - Acceptation - Relations et communications cha-
leureuses - Approbation venant des autres - Etre avec ceux qu’on aime
- Etre avec des compagnons.
• Besoins d’estime de la part des autres (par ordre de priorité)
Reconnaissance - Dignité - Appréciation venant des autres -
Importance, influence - Bonne réputation - Attention - Statut -
Possibilité de dominer.
• Besoins d’estime de soi (par ordre de priorité)
Sentiment d’être utile, valorisé - Haute évaluation de soi-même - Se
sentir adéquat, autonome - Atteindre ses buts - Compétence et maî-
trise - Indépendance.
• Besoins de se réaliser (par ordre de priorité)
Croissance personnelle et maturation - Prise de conscience de son
potentiel - Augmentation de l’acquisition des connaissances -
Développement de son potentiel - Amélioration des valeurs -
Satisfaction sur le plan religieux et/ou philosophique - Créativité aug-
mentée - Capacité de percevoir la réalité et de résoudre les problèmes -
Diminution de la rigidité - Mouvement vers ce qui est nouveau -
Satisfaction toujours plus grande face à la beauté - Moins de ce qui est
simple, plus de ce qui est complexe.

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éloge de la diversité
Les vacances, pour nous adultes, sont synonymes d’un temps attendu où
l’on sait que l’on pourra choisir de faire ou ne pas faire, de n’avoir pas
d’horaires, de se laisser aller à la paresse ou à la découverte… C’est le
temps des choix où tout est ouvert, tous les possibles sont… possibles.
Et si nous partons en famille ou à plusieurs, c’est aussi un espace de
négociation. L’un veut lézarder au soleil, l’autre désire visiter un monu-
ment ou escalader un sommet, ou encore profiter des longues soirées et
faire la « grasse matinée ». Bref, les vacances représentent une rupture de
rythme dans l’année au cours de laquelle les activités professionnelles
nous obligent à produire, à être performants, toujours « au top ».
Et pour les enfants ? Astreints à un rythme scolaire éprouvant où le stress
de la productivité et de la compétition est omniprésent, les vacances sont
aussi pour eux le moment de souffler et de recharger leurs batteries. Les
vacances collectives se doivent donc de tenir compte de ces éléments
sous peine d’engendrer un autre stress. Il y a belle lurette que l’on sait que
les besoins et les rythmes de l’être humain sont variables d’un individu à
l’autre… sans compter les différences de personnalité ou d’appartenances
culturelles… Pourquoi diable s’acharne-t-on à vouloir, sitôt qu’un groupe
est constitué, que tout le monde fasse, pense, ait envie ou besoin de la
même chose au même moment ? Parfois, il serait tellement plus simple,
plus confortable de n’avoir pas besoin de s’interroger sur les besoins des
autres ou de se remettre en question… Je vous laisse toutefois imaginer
un temps calibré selon un idéal… Quel cauchemar ! Non, la richesse naît
des différences, et aussi de l’acceptation, puis de la prise en compte de
ces différences. Mais cela exige quelques efforts d’adaptation.
La question du rythme personnel en camp de vacances est naturellement
en relation avec celle de la place de chaque individu (équipe d’animation
comprise) dans un groupe constitué le plus souvent par le hasard. La
tentation est grande de proposer des camps où les enfants sont occupés
du matin au soir, de manière uniforme de surcroît. Il suffit pour s’en
convaincre de regarder les horaires d’une journée-type dans la plupart
des camps de vacances. Le lever est souvent simultané pour tous, de
même que le coucher. Les horaires d’activité établis à l’avance par les

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besoins fondamentaux et vie quotidienne

équipes, etc. C’est peut-être la peur qui est à la base de comportements


normalisant de la plupart des équipes d’animation : « Et si ensuite ils veu-
lent tous aller se coucher plus tard ? Et si plus personne ne veut aller faire
la balade en vélo dont nous avons si soigneusement préparé l’itinéraire ?
Et s’ils s’ennuient à ne rien faire ? » Je pense que cette tendance vient de
notre crainte de l’oisiveté et de la non-rentabilité qui nous paraissent
synonymes d’ennui pour les enfants et qui remettent en question nos
capacités d’animateurs. Un camp de vacances est un univers complexe,
et cela tout simplement parce qu’il met en scène des individus (partici-
pants et équipe). Il est vrai qu’aujourd’hui les camps n’échappent pas à
une certaine concurrence et l’on assiste à une consumérisation de plus
en plus marquée. Par exemple : le camp de voile, de VTT et de plongée,
où le timing est si serré qu’il ne souffre aucune marge d’erreur et où les
participants sont réduits à suivre le programme préparé pour eux par une
équipe dynamique de spécialistes de ces activités. Il y a derrière cet
exemple un désir de rentabiliser au maximum ce temps qui, pourtant, est
un temps de vacances. La paresse, le rythme où chacun peut trouver sa
place, le temps de la relation, les activités trouvées ne sont-ils pas perçus
comme suffisamment porteurs de valeur dans ce contexte ? Il me semble
pourtant que l’un des intérêts essentiels d’un camp de vacance réside
pour un enfant dans le contact avec d’autres enfants, dans un autre cadre
et dans les expériences de socialisation qui en découlent.
Ce cadre est censé favoriser l’autonomisation progressive par les activités
proprement dites et aussi par la participation à la vie collective où l’en-
fant peut réaliser que « je » est différent, unique, avec des envies et
besoins différents de ceux de son voisin de chambre. Si Kevin et Nathalie
ne veulent pas aller à la piscine, si Nicolas est debout une demi-heure
avant tous les autres, si Yasmina a de la difficulté à s’endormir ou si
Géraldine semble constamment dans la lune, comment pourrons-nous
(voulons-nous) gérer ces différences de rythme, de besoins ? Si nous,
équipe d’animation, ne prenons pas en compte cette diversité, comment
voulons-nous favoriser l’émergence de l’autonomie, du sens des respon-
sabilités en même temps que celui du respect et de la solidarité chez les
enfants qui nous sont confiés ? Il ne s’agit pas de faire éclater le groupe
en individus, mais de négocier avec finesse, c’est-à-dire en veillant à ce

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que l’individu ne soit pas écrasé et défini par le groupe (et inversement
d’ailleurs), à la manière dont nous voulons favoriser l’émergence de per-
sonnes responsables et autonomes sachant aussi être solidaires. Il me
semble que le défi des vacances en groupe se situe là. Bien sûr, les activi-
tés sont primordiales en camp. Mair leur valeur réelle est fonction du sens
qu’on leur attribue en relation avec l’environnement où elles sont vécues.
On pourrait même dire que pour toute activité, aussi bien l’après-midi de
peinture sur galets que la douche, la préparation du repas ou la sieste, il
importe de porter un regard attentif sur la façon dont elle est vécue.

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besoins fondamentaux et vie quotidienne

rites et rythmes
Voyons maintenant le contexte si particulier des camps de vacances sous
l’angle des rythmes et rites.
Quand on parle de rythme de la vie en camp, il faut entendre la structura-
tion temporelle, la place et les limites d’activités comme le sommeil, le
repos, les échanges sociaux, l’alimentation, les activités liées à l’hygiène,
le réveil, le coucher, les repas et les activités proprement dites.
A noter que tout prend beaucoup plus de temps dès que l’on vit en
groupe : la préparation d’un repas, le moment du coucher, le départ en
randonnée, etc. Si l’on ne veut pas passer d’une chose à l’autre en cou-
rant, il est utile de prévoir cette inertie dès qu’un groupe atteint une cer-
taine taille. Plus le groupe est important, plus le temps de réaction est
long : un groupe de 10 personnes mets moins de temps pour un repas
qu’un ensemble de 25 personnes. Les équipes inexpérimentées ont ten-
dance à sous-estimer ce facteur de ralentissement et se retrouvent dans
d’inutiles situations de stress. Le rythme de vie d’un groupe est inti-
mement lié au rituel de ce groupe. On peut être surpris de trouver les
termes de rite, de rituel dans ce contexte, car on les emploie le plus sou-
vent en rapport avec les pratiques traditionnelles ou religieuses. A noter
que les sociologues et anthropologues ont de la peine à se mettre d’ac-
cord sur une définition et souvent ils utilisent indifféremment l’un ou
l’autre terme pour rendre compte d’un comportement répétitif à portée
symbolique. Le débat est largement transdisciplinaire, et donc d’une
grande complexité. Il n’est pas question de développer ici.
On s’arrêtera sur une définition qui consiste à dire que le rite est une
conduite répétitive, réglementée de manière explicite ou implicite, liée à
une situation précise, et dont le sens est symbolique. Le champ religieux
n’est de loin pas le seul où la notion de rite s’exprime ; comme nous
allons le voir plus loin, on le retrouve dans notre quotidien. Mais je vais
commencer par élargir le propos. On entend souvent dire que les rites de
passage dans certaines ethnies sont cruels (les aborigènes d’Australie,
par exemple, couvrent les corps des adolescents d’une épaisse couche de
feuilles pourries sous laquelle ils restent immobiles et sans manger pen-
dant trois jours) ; cependant l’absence de rites serait plus cruelle encore,

17
c a h i e r c e m e a n o 2 6 0

car dans ce cas, les liens qui nous unissent aux autres, au sacré, à nos
ancêtres sont fragilisés, voire inexistants. Notre appartenance (le senti-
ment de « faire partie ») est une des bases de notre équilibre psychique.
Notre conscience des étapes du déroulement de notre vie ne seraient pas
suffisamment marquées et nous souffririons d’une forme de « manque
de repères »
Actuellement dans nos pays, nous avons perdu la plupart des rites reli-
gieux et les rites de passage qui reliaient les générations précédentes
entre elles, et l’un des effets pervers de ces mutations est l’isolement
social, l’exclusion, les difficultés de la transmission intergénérationnelle
ou l’insécurité psychologique. Pourtant, nos vies sont truffées de rituels
collectifs (par exemple, les festivals d’été, les vacances, l’armée, les jeux
olympiques, les grands rassemblements sportifs, etc.) ; familiaux (la
réunion de famille à Noël, les mariages et enterrements), personnels (la
confrontation avec le miroir le matin ou la cigarette – de véritables rituels
mais qui sont néanmoins plus que des habitudes). Chacune de nos
appartenances sécrète des rituels plus au moins reliés à un sens. A ce
titre, l’adolescence est une période particulière en ce qui concerne le
besoin d’appartenance et d’identification et la nécessité de rites censés
valider et représenter cette appartenance. D’ailleurs, les jeunes sont une
cible de choix pour les « constructeurs de rites » que sont les fabricants
de grandes marques de vêtements, d’appareils électroniques, de jeux
vidéo ou pour les chaînes de restauration rapide. Ces méga-entreprises
manipulent ce public particulier de la manière la plus efficace possible en
vue de créer les signes de reconnaissance indispensables aux nouvelles
tribus urbaines et d’augmenter ainsi leur chiffre d’affaires.
Les rituels scandent donc la vie quotidienne comme autant de points de
repères fixes et nécessaires à la construction de l’individu, du groupe, à la
sécurité affective et au développement de ses membres et il appartient à
chacun de s’interroger sur la valeur des rites auxquels il participe.
Evidemment, la mission des centres de vacances n’est pas de pallier le
manque de rites qui marquent les étapes de la vie mais d’avoir
conscience de l’importance des rituels dans le niveau de sécurité affective
d’un groupe.
En camp, je pense au lever, aux repas, aux moments de solitude (la

18
besoins fondamentaux et vie quotidienne

sieste, par exemple), aux assemblées en grand groupe, à la toilette, aux


chants ou jeux du matin, aux activités de bien-être (vaisselle, nettoyage,
etc.), aux veillées, au coucher, etc. Chaque groupe va organiser ses
propres rituels, pour une part de manière spontanée et, pour l’autre, de
façon consciente et sous l’impulsion des adultes le plus souvent.
Dans la vie collective d’un camp de vacances, le défi sera de trouver un équi-
libre entre les rituels du groupe d’un côté, et le respect de la diversité des par-
ticipants (et des moniteurs) de l’autre. Il y a là une grande tension à laquelle
aucun groupe (du couple à la population d’un Etat) ne peut échapper.
Dans le domaine des activités de jeunesse, le mouvement scout va, par
exemple, assez loin dans la ritualisation de la vie du groupe en intégrant
des rituels pour chaque étape de la vie du jeune scout. Il est vrai que le
scoutisme s’inscrit dans une durée beaucoup plus large que celle d’un
camp de vacances et que donc l’action du groupe sur l’individu est plus
prégnante. Néanmoins, si l’aspect collectif est fortement ritualisé, il est
d’autant plus nécessaire d’offrir des espaces où chacun sera amené à vivre
son individualité sous peine de provoquer un déséquilibre dommageable.
La particularité du camp de vacances est que nous pouvons y expérimen-
ter cette tension et cet équilibre pendant une durée limitée. En avoir
conscience et l’utiliser au mieux peut permettre une éducation favorisant
l’autonomie et la solidarité.

les rythmes du sommeil et du repos


La gestion du sommeil et du repos représente un des enjeux majeurs
d’un camp de vacances et cela doit faire partie intégrante de la réflexion
des équipes autour du projet pédagogique. De plus en plus de camps
proposent des couchers et levers échelonnés (c’est-à-dire permettant à
chaque participant de se coucher et de se lever dans une tranche horaire
plus ou moins étendue et non pas tout simultanément), et c’est tant
mieux. Mais, je le constate souvent, de nombreuses équipes partent
encore avec des idées (issues d’habitudes) héritées du temps où l’on
était soi-même participant. Cette tendance à reproduire une même struc-
ture génération après génération a pour conséquence que la réflexion sur
ce sujet est parfois bâclée. Des solutions faciles («tous au lit à 22 heures!»)
sont fréquemment adoptées souvent par simplification, car l’on pense

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c a h i e r c e m e a n o 2 6 0

que « c’est trop compliqué », que « l’on ne pourra pas démarrer les activi-
tés à l’heure » (!), que « vivre en groupe suppose une certaine disci-
pline ». Dès que le camp propose des activités intenses – sportives, par
exemple –, le repos sera un point particulièrement aigu sur lequel il fau-
dra réfléchir avec beaucoup d’attention. D’expérience, il est beaucoup
plus difficile de gérer les problèmes de santé, affectifs ou de sécurité, qui
surviennent immanquablement, si les participants ne parviennent pas à
un équilibre entre activités et repos. Cela suppose une observation sen-
sible des enfants qui, même si nous pouvons favoriser leur autonomie
par rapport au sommeil, ne sont plus toujours capables de se rendre
compte qu’ils sont fatigués. Le jour et la nuit, le sommeil et la veille, sont
les rythmes biologiques les plus évidents mais aussi les moins respectés :
l’éclairage électrique, la télévision, les devoirs scolaires, les loisirs, impo-
sent des rythmes qui ne correspondent pas aux besoins physiologiques.
Et pourtant le sommeil est le régulateur le plus important des autres
rythmes corporels. La durée du sommeil ainsi que sa qualité ont une
influence prépondérante sur le bien-être tant de l’enfant que de l’adulte.

les phases du sommeil


Les phases de sommeil sont bien connues et se divisent, en gros, en
séquences distinctes :
• le sommeil lent : l’attention baisse progressivement, le tonus muscu-
laire diminue, les yeux picotent et se ferment, les bruits sont perçus mais
de façon floue. Lorsque la personne s’endort vraiment, ses yeux font des
rotations, et elle fait des rêves dont elle peut se souvenir au réveil.
• le sommeil profond : c’est la phase de récupération de la fatigue phy-
sique, le dormeur n’entend plus rien, il lui arrive de parler en rêvant.
Durant cette phase, l’enfant peut ressentir des terreurs nocturnes en lien
avec ce qui s’est passé pendant la journée. C’est pendant le sommeil pro-
fond que le corps sécrète l’hormone de croissance. Le réveil est difficile,
la pensée consciente inexistante, et éventuellement une phase de som-
nambulisme est susceptible de s’y produire.
• la phase de sommeil paradoxal : L’activité cérébrale est élevée, la respi-
ration et le pouls sont irréguliers et les mouvements oculaires rapides.
Le réveil est facile, les rêves importants (et l’on s’en souvient). Il peut y
avoir des cauchemars.
20
besoins fondamentaux et vie quotidienne

les cycles du sommeil


Nous dormons par cycles de 90 à 100 minutes. Chaque cycle comporte
toutes les phases sauf le premier qui ne contient pas de sommeil para-
doxal. Quand nous nous couchons le soir et que nous nous levons à
heures régulières, nous agissons de concert avec la nature et, en général,
nous dormons mieux. Les signaux extérieurs (baisse de la luminosité) et
nos rythmes organiques nous préparent au sommeil nocturne. Le
manque de sommeil a des conséquences perceptibles immédiatement :
manque de concentration, irritabilité, stress, anxiété et paradoxalement
difficultés de récupération. Les risques d’accidents deviennent très pré-
sents à partir d’un certain stade de fatigue. Mais c’est aussi les relations
interpersonnelles qui sont affectées quand la fatigue est trop grande :
mauvaise humeur, agressivité, nervosité. A plus long terme, un sommeil
insuffisant peut altérer les systèmes de défense immunitaire et donc
entraîner le risque de ne pas pouvoir résister aux infections.

les facteurs influençant le sommeil


La génétique. Nous ne sommes pas égaux devant le sommeil, certains
ont besoin de plus d’heures de sommeil que d’autres. L’enfant en centre
de vacances n’est pas dans son cadre habituel (c’est une lapalissade) et
son sommeil va donc s’en ressentir. Durant les premières nuits, il pourra
être sujet à des manifestations nocturnes inhabituelles chez lui : som-
nambulisme, énurésie (pipi au lit), difficulté d’endormissement. En prin-
cipe, ces difficultés s’atténueront les jours passant et l’enfant
s’habituera à ce nouveau cadre de vie. Cela ne doit pas empêcher les
équipes d’être particulièrement attentives à différents facteurs influençant
le sommeil.
Les facteurs psychologiques. Nous touchons là à quelque chose d’impor-
tant dans les camps de vacances. En effet, le cadre du camp, la journée
écoulée, l’attitude des animateurs, l’atmosphère au moment du coucher,
se répercutent sur la qualité et la rapidité de l’endormissement. En camp
de vacances, la présence d’adultes attentifs au moment du coucher est
nécessaire (y compris avec des adolescents). La sécurité et le bien-être
affectif se construisent aussi autour de ce moment (surtout pour les
petits, mais pas seulement). Un petit chagrin ou un souci peuvent se
raconter plus facilement dans ces moments où l’enfant va affronter la
21
c a h i e r c e m e a n o 2 6 0

solitude de la nuit. Une histoire à raconter, un bisou si les enfants le dési-


rent, quelques mots pour s’assurer que tout va bien, parler de la journée
ou du lendemain, du chien et du petit frère, sont autant de moment pré-
cieux dans la relation adulte-enfant. Les participants doivent aussi savoir
comment trouver les moniteurs en cas de besoin pendant la nuit. Il est
nécessaire de les informer clairement sur ce sujet.
L’environnement. L’altitude, le climat, la température de la chambre, le
bruit, l’aération, le nombre de personnes dans la même pièce, sont pri-
mordiaux pour la qualité du sommeil. En camp de vacances, les dortoirs
de type militaire sont à bannir. Il faudra leur préférer de petites chambres
pour 6 enfants au maximum afin que chacun ait son intimité et son petit
coin avec ses affaires, sa peluche, etc. Les chambres doivent être suffi-
samment aérées matin et soir. Une veilleuse dans le couloir rassure la
plupart des enfants. Dans un camp sous tente, on veillera à ce que
chaque participant ait une lampe de poche et que, si possible, les locaux
collectifs (toilettes, douches) restent éclairés pendant la nuit. Les adoles-
cents éprouvent eux aussi ce besoin de sécurité même si, parfois, ils fan-
faronnent ou réorganisent les lieux à leur manière.
Les conditions de vie. Le type d’activités vécues en journée et l’alimentation
influencent aussi le sommeil. En camp de vacances, les activités de la soi-
rée ont une importance capitale pour la qualité de l’endormissement.
Combien de fois l’on s’étonne que les chambres soient bruyantes une
heure et demie après le coucher, alors qu’on a terminé la soirée par des jeux
dynamiques, voire carrément excitants ! Des repas trop riches le soir ralen-
tissent la digestion et rendent pour certains l’endormissement difficile.

22
besoins fondamentaux et vie quotidienne

les besoins en sommeil


A gauche : âges ; à droite : durée moyenne du sommeil à chaque âge
(l’écart sur la moyenne peut être d’environ 2 heures). En blanc : état de
veille ; en noir : sommeil nocturne ; en hachuré : sommeil diurne (siestes).
(tiré de Rythmes de vie et scolarité, Pierre Crépon, Retz, 1993)

1 semaine 15 heures

1 mois 15 heures

3 mois 15 heures

6 mois 15 heures

1 an 14 heures

3-5 ans 12 heures

10-12 ans 10 heures

adulte 8 heures

18 h minuit 6h midi 18 h

Il est très délicat de fixer la durée optimale du sommeil, tant les variations
d’un individu à l’autre sont importantes. Cela est valable bien entendu
pour les adultes aussi et l’on sait combien cela peut avoir d’effets sur la
bonne marche d’une équipe d’animation. Dans une collectivité de type

23
c a h i e r c e m e a n o 2 6 0

camps de vacances, on trouve bien sûr de gros dormeurs, des couche-


tard, des amateurs de siestes, et j’en passe. La meilleure gestion de cette
diversité est de pouvoir offrir à chacun la possibilité de vivre son rythme
propre. Néanmoins, on peut considérer que les enfants ont un besoin de
sommeil avec des variations de plus ou moins deux heures, comme indi-
qué page précédente.

les adolescents et le sommeil


Il faut nous arrêter un peu sur le sujet des adolescents et de leur gestion
du sommeil. Le camp de vacances représente pour eux une opportunité
de vivre des expériences sociales en dehors de la présence constante des
adultes, même si celle-ci est ressentie de manière contradictoire (à la fois
étouffante et sécurisante). Faire la fête, se raconter des histoires pendant
des heures, vivre des nuits blanches, font partie des rituels propres aux
adolescents, à fortiori en camp de vacances. Il ne sert donc à rien de
méconnaître ou de vouloir nier cette dimension largement liée au déve-
loppement affectif et social de cette tranche d’âge. Je pense qu’une négo-
ciation portant sur une fourchette d’heures de coucher et de lever, menée
avec le groupe, représente souvent la meilleure stratégie. Les conditions
du lever seront aussi déterminées, par exemple, l’aide au lever : qui
réveille qui, à quelle heure et comment ? Néanmoins, les équipes qui par-
tent avec des adolescents doivent s’attendre de toute façon à devoir faire
preuve de souplesse car des transgressions se produiront sans doute.

le coucher
Aller au lit ne devrait jamais être brandi comme une menace ou une puni-
tion. Il est vrai que les enfants et les adolescents n’aiment généralement
pas ce moment, synonyme de séparation et, pour certains, d’angoisse
devant la nuit et la solitude. C’est pourquoi il faut faire preuve de beau-
coup de respect et de douceur vis-à-vis des enfants dans ces moments-là.
Créer ou respecter des séquences rituelles permettra à chacun de se repé-
rer et de se sécuriser au moment de l’endormissement. Rappelons-nous
que nous aussi, adultes, avons nos petites manies ou nos habitudes au
moment d’aller au lit (lectures, tisanes, musiques, etc.). Le coucher éche-
lonné permet à chacun de satisfaire à la fois ses besoins de sommeil

24
besoins fondamentaux et vie quotidienne

particulier et ses besoins affectifs ; en outre, cela évite les bousculades


autour des toilettes et de la brosse à dent. L’excitation et l’agitation empê-
chent souvent les plus fatigués de s’endormir et si l’on s’est amusé pen-
dant la soirée de jeux, il est important d’amener un retour au calme avant
d’aller au lit en utilisant des moyens favorisant la relaxation. Un dernier
jeu faisant appel à la concentration et au calme, un chant qui se termine
tout doucement à voix basse, un moment de relaxation en groupe, une
histoire apaisante racontée dans les chambres, sont quelques exemples
qui augmentent le niveau de tranquillité au moment du coucher.

un jeu de retour au calme


le roi du silence
dès 5 ans
Le groupe est un cercle. Au milieu, un joueur volontaire, le roi du
silence, est assis sur une chaise, les yeux bandés. Sous celle-ci est
placé un objet « bruyant », par exemple un trousseau de clés ou un
verre contenant des crayons (la difficulté est à adapter suivant l’âge
des participants). Le but du jeu est de ravir au roi son trésor, sans
se faire entendre. A tour de rôle, de manière volontaire, les joueurs
du cercle s’approchent le plus silencieusement possible du roi, ten-
tent de lui voler son trésor et de retourner à leur place. Dés que le
roi du silence perçoit un bruit, il désigne du doigt la direction du
joueur. Si celle-ci est correcte, le joueur retourne à sa place (ou va
se coucher).

le lever
Point de départ de la journée, il est vécu différemment par chacun :
certains sont frais et dispos dès le pied posé au sol, d’autres ne sont
guère abordables avant d’avoir quelque chose sous la dent, d’autres
encore aiment à rêvasser dans leur lit… Le lever doit tenir compte de
cette diversité, qui touche autant les besoins en sommeil que les compor-
tements que nous manifestons en nous levant. Pour cette raison, il est
préférable d’organiser un lever échelonné, et reléguer définitivement au
placard les Diane à la trompette, les Quatre saisons de Vivaldi ou pire
encore, le concert de couvercles de casseroles. En fin de nuit, les

25
c a h i e r c e m e a n o 2 6 0

périodes de sommeil paradoxal sont plus nombreuses et plus longues, et


c’est ce sommeil qui est le plus réparateur de la fatigue physique.
Réveiller tous les enfants en même temps est une aberration au point de
vue non seulement des rythmes biologiques mais aussi de l’ambiance du
début de la journée, à moins évidemment que les activités prévues pour
la journée ne nécessitent un réveil collectif (une grande randonnée, par
exemple). On peut donc organiser un réveil et un petit-déjeuner échelon-
nés sur deux heures. L’organisation doit permettre à ceux qui ont le désir
de se lever de le faire sans réveiller leurs camarades. Certes, l’agencement
des lieux, la qualité des constructions ont une influence sur l’efficacité
d’un tel système : une maison insonorisée, des dortoirs de 12 enfants, un
agencement des pièces mal conçu, rendent le lever échelonné compliqué.
Le choix d’un lieu approprié à tout niveau est aussi un facteur de succès
de camp de vacances. Dans une maison traditionnelle, il faut prévoir un
moniteur ou deux dans le couloir des chambres, un autre dans la salle du
petit-déjeuner et un autre prêt à démarrer une ou plusieurs activités tran-
quilles : un bricolage rapide, une lecture, un dessin, un jeu de cartes ou
de plateau, un jeu de bâton chinois, etc.

26
besoins fondamentaux et vie quotidienne

le repos en journée
Chez les petits (4-7 ans), il est souhaitable de prévoir un moment de tran-
quillité après le repas de midi, mais cette possibilité doit aussi exister
pour les plus grands. Il ne s’agit pas d’imposer ce repos mais à tout le
moins d’offrir un moment calme où chaque enfant peut choisir de dormir
ou non avant la reprise des activités. Ce moment privilégié peut être
consacré par certains à une somnolence et par d’autres à des activités
calmes et solitaires. Il peut aussi contribuer à la récupération de nuits
parfois difficiles ou agitées, ou constituer un temps d’intégration néces-
saire au centre de temps de mouvement et d’activités. On n’organisera
donc aucune activité pour ne pas faire envie à ceux qui ont besoin de ce
temps de repos. C’est aussi un temps apprécié par les moniteurs pour
boire un café et faire le point sur la journée ou simplement se détendre.

la fatigue
On peut parler de deux types de fatigue : la fatigue physique et psychique.
La fatigue physique consécutive aux activités se récupère assez facile-
ment par le sommeil. Il n’en est pas de même de la fatigue psychique qui
est difficilement mesurable et parfois difficilement perceptible sauf par
certains comportements (agressivité ou au contraire passivité, état
« dans la lune », manque de concentration, tension nerveuse, pleurs).
Elle ne se résorbe pas aussi vite que la fatigue physique et l’accumulation
de stress supplémentaire va encore ralentir la récupération.
Le surmenage scolaire, les tensions familiales, l’abus de télévision ou de
jeux vidéo, engendrent une fatigue que l’enfant risque de « traîner » avec
lui pendant de longues périodes. Et, bien sûr, il débarque au camp avec
ce bagage. De plus, l’arrivée au camp porte en elle une charge supplé-
mentaire de stress (séparation de la famille, intégration dans un groupe
et un lieu inconnus, changement de rythme, d’alimentation, etc.).
Vivre en groupe 24 heures sur 24 est à la fois épuisant et excitant. C’est
un peu comme un tourbillon dont les enfants et les adultes ont parfois de
la peine à s’extraire pour « recharger les batteries » dans le calme et la
solitude.
Un climat sécurisant, de la place pour les moments de repos, de solitude
ou de dialogue, des activités intéressantes et à la conception desquelles

27
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les enfants prennent une part active, doivent contribuer à la récupération


de tous ces stress accumulés. C’est aussi un des buts des vacances. Cela
paraît évident mais quand on regarde le programme des certains camps,
on peut malheureusement en douter.

les activités
Le mot « activité », dans la bouche d’animateurs, de moniteurs (et des
enfants aussi…) semble être un mot sacré :
« Il faut que je prépare mon « activité bougies » de demain »
« On fera quoi comme activités ? »
« A quelle heure commencent les activités aujourd’hui ? Faut qu’on se
dépêche sinon on n’y arrivera pas ! »
Bref, c’est un sujet de préoccupation constante dans les équipes d’ani-
mation (et à juste titre d’ailleurs). Il semble toutefois que les activités
soient considérées comme des temps à part, où les enfants font quelque
chose (du vélo, ou des bricolages en papier mâché), bref un temps où
l’on produit ce qui fait le sens du camp. Ce n’est pas pour rien qu’on
annonce dans le programme « dessin et sculpture », « théâtre » ou « VTT ».
Le temps d’activités est souvent considéré comme un temps de producti-
vité et de rentabilité. Nous allons souvent voir des bricolages stéréotypés,
tirés d’un manuel d’activités créatrices, à ramener aux parents comme
« preuve d’activité », voire même pour « montrer aux parents qu’ils n’ont
pas payé pour rien ». Combien de cendriers, de sous-plats en pince à
linges, des colliers en pâtes alimentaires ont fini dans les armoires paren-
tales au retour du camp ? Combien d’activités manuelles se terminent
comme une corvée « parce qu’il faut finir le collage » ? Aller au bout d’une
activité est certes pédagogique, mais à quel prix et dans quel but ? Les
questions de rythmes de vie prennent ici tout leur sens.
Il n’est pas anodin de voir des programmes de camp toujours plus char-
gés, toujours plus « fun », collant à ce que l’on croit être les envies des
enfants et des adolescents d’aujourd’hui, dans un contexte marqué par la
concurrence et le rendement. Ce « toujours plus » pousse les équipes à
fonctionner essentiellement en termes d’activité au mépris parfois de ce
qui fait la vie quotidienne et relationnelle du camp.
Loin de moi pourtant l’idée de vouloir nier l’utilité et le bien-fondé des

28
besoins fondamentaux et vie quotidienne

activités, je voudrais plutôt en élargir le sens. L’activité n’est pas seule-


ment un temps de production, mais elle est étroitement liée à ce qui fait
la vie du camp, la vie du groupe et des individus dans le groupe. L’activité
prend tout son sens dans une relation avec l’environnement humain et
matériel, et trouve sa source dans le désir de l’enfant d’explorer et de
s’approprier ce milieu. Autrement dit, l’activité n’a de sens que si l’enfant
est impliqué en tant qu’acteur du projet et non pas dans le rôle d’exécu-
tant docile. C’est dans cette relation au projet que nous avons, nous les
adultes, notre rôle à jour en étant présents et en suscitant la naissance
d’une envie, et non pas en proposant une liste d’activités comme la carte
des mets d’un restaurant (si nous le faisons, ayons au moins à cœur
d’offrir la garantie d’un choix librement consenti de la part des partici-
pants). Aux côtés de l’enfant construisant son projet, le rôle de l’adulte
est celui d’un accompagnant attentif, apportant les aides et informations
quand elles sont ressenties comme nécessaires et demandées par l’enfant.
Ceci est d’autant plus important avec les adolescents, qui ont un grand
besoin d’autonomie et, paradoxalement, de la présence de l’adulte.
Il existe toutes sortes d’activités à faire en camp et il est judicieux de les
intégrer en pensant en termes de variété et de rythme. Des activités
comme un tournoi de beach-volley, ou une après-midi de surf ne sont
certes pas comparables à la fabrication de masques en plâtre ou au des-
sin dans la nature. Il y a des activités déterminées par la taille du groupe
(en grand groupe – un grand jeu de piste –, en petit groupe – la fabrica-
tion d’un repas –, plutôt solitaire – lecture – ou à deux – certains jeux
comme les échecs). Il y a des activités très structurées (où l’on suit un
déroulement, comme par exemple certaines activités créatrices) ou au
contraire peu structurées (baignade). Il y a des activités qui nécessitent
une concentration importante, notamment pour assurer la sécurité (esca-
lade). Il y a des activités longues (création d’une pièce de théâtre) ou très
courtes (un jeu, un chant).
Une réflexion sur l’équilibre de ces activités est nécessaire pour éviter le
stress et pour amener des ruptures de rythmes qui apporteront de la
variété et éviteront la monotonie. Le rythme de la journée doit comporter
des moments où les participants peuvent « vivre leur vie » seuls ou en
petits groupes sans la présence des adultes. Ces moments, d’une impor-

29
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tance capitale pour les adolescents, sont aussi essentiels pour de plus
jeunes enfants. Les relations qui se nouent là sont riches et nécessaires
au développement social entre pairs. Les enfants et les adolescents peu-
vent y expérimenter l’affirmation de soi, notamment dans les conflits qui
ne manquent pas de se produire. Ils ont aussi la possibilité de faire
confiance, de se mesurer, de partager des moments de complicité. Les
adolescents ont, en particulier un grand besoin de discuter entre eux pen-
dant des heures, de refaire le monde. Ils ont aussi de grandes envies de
« ne rien faire », c’est-à-dire d’être ensemble, d’écouter de la musique, de
rêvasser seuls ou en groupe. Il est important de respecter cette revendi-
cation propre aux adolescents.
Là aussi, grande est la tentation, pour nous les adultes, de « savoir » ce
qui se passe, voire d’intervenir et de garder ainsi une forme de contrôle
sur le groupe. Mais ce qui s’y vit ne regarde fondamentalement pas les
animateurs, sauf en termes de sécurité bien sûr. Gardons-nous d’interve-
nir à tout bout de champ ! On peut aussi favoriser l’émergence d’activités
autonomes en mettant à disposition le matériel nécessaire dans un cadre
approprié, en créant des « coins permanents ». Pour la peinture, on pro-
pose aux participants papiers, crayons et peinture, par exemple aux
enfants levés avant les autres et qui désirent passer là un moment. On
peut imaginer également un coin jeux, un coin lecture, un coin relaxation
ou bricolage, etc.
Dans cette optique, je crois qu’il est erroné de séparer le temps dit
« actif » des autres temps de la vie quotidienne, en camp de vacances,
comme si ceux-ci étaient porteurs d’une valeur moindre. Les activités
enrichissent la vie collective et réciproquement. Les enfants apprennent à
se connaître pendant un bricolage, un jeu, enrichissant leurs relations
entre eux et avec les adultes. Ils ont du plaisir à collaborer à la fabrication
d’un repas ou au montage des tentes. Ils vivent toute une vie relation-
nelle également (et peut-être surtout) en dehors des activités (repas,
douches, nuits, etc.) et c’est à cette richesse-là qu’il faut donner une
chance en laissant aux enfants de l’espace et du temps.

autour de la table
Rituel des rituels qui ponctuent la journée, le repas nourrit les corps et les
relations. On sait depuis longtemps l’importance de ce qui se joue autour
30
besoins fondamentaux et vie quotidienne

des tables, que ce soit en famille ou en camp. Manger n’est pas qu’un
acte banal qui sert uniquement à apporter du carburant à notre corps
(quoique la tendance fast-food aille dans ce sens) mais il constitue un
moment d’arrêt où l’on prend le temps d’être ensemble, de partager le
plaisir de la convivialité. Dans le camp, la qualité de la nourriture, sa
variété, sa présentation, jouent, on s’en doute, un rôle capital.
Les moniteurs se plaignent souvent de l’agitation régnant pendant les
repas. Si les lieux s’y prêtent, je pense que l’on peut atténuer ce problème
avec de petites tables, plutôt qu’une unique tablée. Avec les enfants, un
moniteur à chaque table est la formule la plus adéquate, ne serait-ce que
pour faciliter l’organisation du service. Avec les adolescents, en revanche,
il me semble qu’il faut « sentir » l’ambiance et savoir ne pas être omni-
présent si cela n’est pas désiré par les participants.
L’organisation du service en buffet avec une circulation adéquate (c’est-à-
dire que chacun passe son tour devant le buffet, dans le même sens)
atténue les va-et-vient et permet à chacun de choisir à son rythme les
mets et leur quantité de manière autonome. Le service à table présente
aussi des avantages, surtout avec des petits enfants, mais nécessite
autant de plats que de tables.
En sachant que le repas reste l’un des principaux moments de dialogue,
de discussion et de retrouvailles, un silence monacal serait un indicateur
inquiétant de l’ambiance du camp.
Et pour considérer les repas ainsi que ce qui concerne la nourriture comme
une véritable activité en soi, il est nécessaire d’y penser à l’avance en équipe
et avec le cuisinier. Il est aisé de prendre des dispositions pour que les parti-
cipants aient la possibilité d’aller et revenir dans la cuisine, de participer à la
composition et l’élaboration des repas et aux courses. Cela facilite aussi
l’intégration du cuisinier dans le groupe et l’équipe d’animation.

Elodie se sent un peu larguée en surf depuis deux jours. Elle n’est plus très
motivée pour partir le matin. Et aujourd’hui, elle dit se sentir fatiguée et
manifeste son désir de rester à la colo. Après une grasse matinée, elle vient à
la cuisine au moment où Louis, le cuisinier, part faire les courses au supermar-
ché. Elodie l’accompagne et c’est elle qui tient la liste des commissions. Au
retour, Louis et Elodie préparent ensemble le repas et un dessert car Elodie a
proposé de faire des biscuits au chocolat. Au moment de présenter le dessert
31
c a h i e r c e m e a n 0 2 6 0

d’Elodie aux autres, de retour de leur journée de surf, Louis annonce que c’est
Elodie qui les a préparés, selon sa recette personnelle.

On voit bien dans cet exemple que la cuisine peut jouer un rôle d’intégra-
tion et de valorisation pour un enfant qui éprouve de la peine dans cer-
taines activités ou ressent d’autres envies et besoins.
Souvent la cuisine est le lieu de multiples confidences de la part des par-
ticipants (et des moniteurs aussi !). Les petits bobos du corps et du cœur
se racontent dans cet endroit chaleureux. Un cuisinier enfermé dans son
atelier comme un alchimiste et ne tolérant aucune intrusion, n’a pas sa
place, à mon sens, dans une équipe d’animation. Créons donc des lieux
ouverts où les enfants et adolescents peuvent aller et venir, faire un brin
de causette avec le cuisinier, goûter une sauce ou grignoter un fruit. Le
rôle et les qualités humaines du cuisinier sont aussi décisifs que ses
capacités techniques.
Nous avons déjà parlé du petit-déjeuner échelonné. Un buffet varié
(pains, confitures, céréales, yoghourt, fromage, fruits, etc.) où les enfants
se servent de manière autonome me semble être la formule la plus
simple et qui respecte l’autonomie et les goûts de chacun (avec les petits,
un moniteur sera présent pour donner un coup de main).
Le goûter aussi est un repas important pour les enfants et il se prévoit à
l’avance sinon l’on risque de proposer systématiquement le tandem pain-
chocolat, goûter mal équilibré s’il en est mais qu’on pourra offrir une fois
ou l’autre vu qu’il est souvent plébiscité par les enfants. Fruits, tartes, fro-
mage, biscuits et autres varieront l’ordinaire.
Pour que l’alimentation prenne véritablement une place dans les activi-
tés, on peut imaginer aussi des repas exotiques en fonction des partici-
pants ou une soirée crêpes, une fabrication collective de tartes ou pizzas
fantaisistes, l’agencement d’un buffet imaginé par les participants ou
encore toutes sortes de fêtes gourmandes liées au thème du camp. Les
repas pris à l’extérieur offrent une pléiade d’activités, comme par
exemple la cueillette de plantes comestibles ou de champignons, la
construction d’un four ou plus simplement la cuisson du repas au feu de
bois. Des jeux de découverte des goûts donnent aux participants la possi-
bilité d’appréciation, au-delà des préjugés qu’ont parfois les enfants, de
tel ou de tel type d’aliments.
32
besoins fondamentaux et vie quotidienne

Les repas en camp offrent de magnifiques occasions de tenter des expé-


riences. La participation active de chacun permet une grande richesse
relationnelle ainsi qu’un approfondissement de la conscience de ce qui
touche l’alimentation : respect de la nourriture, sens du goût, conscience
du travail et du temps que prend l’élaboration d’un repas, etc.
Ces moments laisseront non seulement de beaux souvenirs, mais aussi
une riche empreinte dans la perception parfois mécaniste que les jeunes
ont de l’alimentation.

assemblée en grand groupe : du bon usage de la démocratie


Réunion du cinquième jour, camp d’adolescents sous tente (12 participants,
3 moniteurs), activités principales : escalade et activités autour de la rivière.
La réunion démarre sur l’état des douches (petit baraquement en dur) :
Caroline se plaint de la saleté dans les douches (restes de sable, humidité,
insectes, etc.). Yasmina surenchérit et Arnaud se moque de la délicatesse des
filles. Le moniteur-animateur de la réunion rappelle que chacun a le droit de
dire comment il vit tous les aspects du camp, avec sincérité, et que chaque
avis ou sensibilité peut être respecté. Puis il demande si quelqu’un d’autre est
gêné par l’état des douches. Quelques-uns se manifestent encore.
L’animateur demande maintenant au groupe de proposer des solutions.
Yacine suggère que l’on nettoie au jet avant de prendre les douches en fin de
journée. Caroline est d’accord mais s’interroge sur qui va le faire. Quentin
veut bien s’en occuper s’il ne doit pas faire la vaisselle en plus. Un moment de
confusion s’installe car plusieurs participants réagissent et s’expriment en
même temps. L’animateur reprend les choses en main en rappelant la règle
selon laquelle on parle chacun à son tour. Arnaud propose alors que Quentin
soit dispensé de vaisselle en échange du service de nettoyage au jet du local de
douche. Quentin approuve. L’animateur résume la solution trouvée et la sou-
met au groupe et particulièrement à celles qui ont soulevé la question pour
voir si elle est satisfaisante ou si quelqu’un n’est pas d’accord. Tout semble ok
et l’animateur rappelle que si cela pose à nouveau un problème, on pourra en
rediscuter lors d’une prochaine réunion.
Un des rituels les plus importants, dans un camp de vacances, est consti-
tué par les réunions en grand groupe (participants et équipe). Ces
réunions régulières ont plusieurs objectifs dont les plus significatifs sont
la mise au point de certains aspects de la vie collective (vaisselles,
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c a h i e r c e m e a n 0 2 6 0

douches, repas, levers-couchers, activités, relations équipe-participants,


etc.) et également du choix ou de la mise en place des activités. Ces
assemblées peuvent être organisées avec des enfants de tous âges, il suf-
fit simplement d’en adapter la forme et la durée comme nous allons le
voir. Les réunions avec les petits doivent être courtes, les moniteurs
seront bien répartis dans le groupe et mèneront l’animation de manière
vivante sur des sujets bien circonscrits et compréhensibles par tous.
Avec des adolescents, l’animation peut être un peu plus spontanée, voire,
après quelques jours, être prise en charge par l’un ou l’autre des partici-
pants. Les sujets de discussion seront plus vastes et l’autonomie des par-
ticipants adaptée à leur âge. Il me semble clair que la participation active
des adolescents à la mise en place des « règles de vie du camp » va favo-
riser leur adhésion, ce qui n’empêche pas qu’il soit sûrement nécessaire
de rappeler les termes du contrat.
Se réunir a pour but d’améliorer la vie des individus et du groupe, de
poser des questions, de résoudre les problèmes éventuels. C’est l’outil
majeur d’un fonctionnement démocratique, le plus transparent et ouvert
possible, où chacun peut dire comme il vit.
La réunion est une sorte de conseil d’administration avec des pouvoirs
plus au moins étendus. L’équipe est au clair sur ce qui est négociable et
ce qui ne l’est pas (et cela se prépare avant le camp !). On peut parfaite-
ment décider que l’heure du coucher ne se négociera pas et l’équipe res-
tera ferme sur cette décision en expliquant et argumentant. Parfois, selon
les propositions du groupe, l’équipe peut demander un délai de réflexion
et donner une réponse plus tard.
La réunion est, pour chaque membre du groupe, l’occasion de s’exprimer
et aussi d’être entendu de chacun. Ce type de fonctionnement n’est pas
encore répandu dans les écoles, les enfants n’y sont donc pas habitués et
cela présente quelques difficultés. La première, c’est de parler-écouter. Je
parle, vous m’écoutez et ensuite c’est toi qui peux parler si tu le désires.
La distribution de la parole sera gérée par un moniteur qui en rappellera
les règles au début de chaque réunion. Avec un groupe impatient de s’ex-
primer, nous pouvons utiliser le bâton de parole (tradition amérindienne)
qui ne donne la parole qu’à celui qui le tient dans sa main et qui le passe
à celui qui le demande quand il a terminé. On peut aussi diviser le groupe

34
besoins fondamentaux et vie quotidienne

en plus petits groupes (avec un moniteur, en fonction de l’âge des parti-


cipants) avec une tâche, par exemple de faire des propositions sur le
programme d’activités, ou encore d’établir un ordre du jour en début
de réunion.
La réunion ne doit pas représenter une corvée (en début de camp, ce
n’est pas toujours facile…) mais bien plutôt un plaisir, celui de discuter
ensemble et d’avoir par là une influence sur ce qui se passe dans le
camp. La durée sera variable, mais il est préférable qu’on ait l’impression
que c’est trop court plutôt que trop long et ennuyeux. Le moment et le
lieu choisis pour la réunion seront toujours les mêmes afin d’établir un
repère. La périodicité sera fixée en fonction des besoins.
L’animateur de la réunion joue un rôle important et il est nécessaire de
bien connaître les besoins et les capacités liés à l’âge des participants
afin d’adapter le mode de réunion. Le ton ne sera évidemment ni bêti-
fiant, ni paternaliste, ni racoleur (notamment avec les adolescents) et
l’adulte restera un adulte. Une réunion efficace tient en grande partie de
la rigueur et de la cohérence entre les mots et les actes : prendre des déci-
sions collectives et ne pas en tenir compte dans la pratique peut avoir
des effets très négatifs dans la relation équipe-participants. On améliore
grandement la qualité des échanges en adaptant le lieu de manière à ce
que chacun puisse avoir un contact visuel avec tous les participants et en
utilisant des supports de prise de notes (flip chart, par exemple).
Certains enfants s’expriment facilement tandis que d’autres éprouvent
plus de difficultés. Ceux-ci ont besoin d’aide pour le faire : nous pouvons
donc solliciter leur opinion de manière douce et progressive, ou organi-
ser des réunions en sous-groupes dans un premier temps. Ils y prendront
plus facilement la parole. Les rires et les moqueries parasitent souvent ce
genre d’exercice inhabituel pour les enfants, répétons-le. L’animateur de
la réunion canalisera sans moraliser ni casser les moments de bonne
humeur, ce qui est, je l’avoue, un exercice difficile ! Les sujets de discus-
sion sont innombrables mais en gros, ils se classent dans deux grandes
catégories :

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le programme d’activités
Nous allons utiliser ce moment pour discuter des activités (moi moni-
teur, je peux présenter l’activité « vidéo » que j’ai préparée et les partici-
pants pourront choisir entre plusieurs activités pour le lendemain ou les
jours suivants). Une des difficultés de ce type de fonctionnement réside
dans la manière dont les équipes gèrent le moment du choix des activi-
tés. On a vu trop souvent des manipulations grossières pour compléter
un groupe ou pour influencer un participant à notre convenance ou
encore pour aller plus vite.
C’est une évidence que de dire que les choix se font sur des critères
propres à chaque participant (Manuel veut être avec Emir mais pas avec
Christophe le mono, Aude
est trop fatiguée pour
faire du vélo mais aime-
rait bien être avec ses
copines qui, elles, vont à
vélo à la piscine, Nicolas
ne veut rien du tout sauf
écouter du rap sous sa
tente, etc.). Nous cher-
cherons la satisfaction
(ou l’absence de non-
satisfaction) des désirs de
chacun et non seulement
ceux de la majorité. Le
système ne sera donc pas
celui du vote mais celui
de l’expression des besoins individuels. Au groupe, avec l’aide de
l’équipe, de trouver un système qui permette cela. C’est un défi très inté-
ressant mais passablement complexe et nous ne parvenons pas toujours
à un résultat idéal. Mais si les moniteurs n’ont pas peur de remettre en
question le cadre tel qu’ils se l’étaient eux-mêmes figuré, ils ouvriront la
discussion et seront surpris par la créativité du groupe : souvent ce sont
les participants qui proposent les compromis les plus astucieux ou qui
réunissent par exemple deux envies qui naissent, à condition que l’équipe

36
besoins fondamentaux et vie quotidienne

d’animation vive ces réunions dans un climat de confiance et d’humour


et non dans la crainte de perdre le contrôle ou dans l’intention de faire
passer un projet préconçu.
Et, s’il n’y a vraiment pas de possibilité de concilier toutes les envies, les
enfants le vivent moins négativement vu qu’ils ont été partie prenante de
la recherche de solutions. Ils ne peuvent donc pas ressentir d’attitude
arbitraire ni de prise de pouvoir des adultes dans la décision finale.

la vie collective
Est concerné par ce chapitre tout ce qui a trait à la vie du groupe et à son
organisation. Rappelons-le, l’équipe peut décider de ce qui sera mis en
discussion avec les participants et de ce qui ne le sera pas. Les levers-
couchers, les activités de bien-être (vaisselle, nettoyage, cuisine, etc.), les
relations au sein du groupe, sont en général des sujets chauds et por-
teurs d’enjeux mais qui apportent aussi une grande richesse relation-
nelle. On y aborde forcément des notions telles que la justice, la santé, le
respect, la solidarité, ce qui fait de ces réunions des moments d’une
grande richesse éducative.
La réunion en grand groupe est donc un rituel qui, s’il n’est pas facile à
mettre en place et à gérer, permet à chacun d’exprimer ses idées, ses envies
et ses besoins et, par conséquent, d’être acteur de son séjour en camp.

rythme de vie et rituels dans les équipes


Le monitorat représente une expérience sociale structurante pour la plu-
part des jeunes qui le pratiquent ; c’est aussi, pour certains d’entre eux,
les premières périodes non seulement d’autonomie, mais aussi de res-
ponsabilité (en l’occurrence de groupes d’enfants), Responsabilité et
conscience de soi sont deux aspects intimement liés : une personne res-
ponsable connaît ses besoins et ses limites et peut les faire entendre
et les négocier avec les autres membres de l’équipe d’animation. C’est un
pas parfois difficile à franchir car notre peur d’être inadapté au cadre,
au groupe, à l’ambiance, à la tâche, peut nous conduire à ne pas recon-
naître nos besoins personnels. Si nous voulons montrer une image cohé-
rente de nous-même aux enfants, il n’est de loin pas nécessaire (et
même pédagogiquement contre-productif) de tenter de ressembler à un

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Superman au sourire permanent et avec des solutions clefs en main pour


tous les problèmes. Même si on peut faire illusion pendant quelques
jours, on risque de finir le camp sur les genoux.
Evidemment, pour les moniteurs aussi les questions de rythme de vie et
de gestion de la fatigue sont primordiales, car comment être présent
dans la relation avec les enfants, dans les activités, dans la gestion de la
sécurité, si l’on est épuisé et en manque de sommeil ? Bien sûr, il arrive
qu’un moniteur soit « au bout du rouleau » et c’est dans ces moments-là,
quand la pression est trop grande, que l’on craque en s’en prenant à un
enfant, au mauvais temps, au cuistot, ou à tout ce qui nous tombe sous
la main. Là, il faut savoir aller chercher de l’aide auprès d’un collègue et
prendre un moment de repos. Il n’y a pas de honte à se reposer, au
contraire, c’est aussi montrer aux enfants une image d’adulte qui sait
prendre en compte ses besoins.
Nous l’avons vu dans le chapitre sur le sommeil, nous ne sommes pas
égaux devant nos besoins de récupération, d’où l’importance du dia-
logue, avant et, bien sûr, pendant le camp, au sujet de nos rythmes et de
nos besoins personnels. L’épuisement d’un ou plusieurs membres de
l’équipe peut conduire à des situations conflictuelles, voire, plus grave, à
des situations dangereuses pour les participants.
Le moniteur est debout avant les enfants et couché bien après eux ; il est
attentif toute la journée alors qu’il n’est pas un surhomme. Une journée
de congé par semaine (dès 15 jours de camp) me paraît indispensable à
la récupération, même si, d’ailleurs, le besoin ne s’en fait pas sentir
immédiatement. Il est évidemment préférable de ne pas attendre d’être
épuisé pour prendre un jour de repos, car, à ce stade, la récupération
devient problématique. Sortir du camp, du groupe, prendre du temps
rien que pour soi, se détendre ou simplement dormir, permet un recul
bénéfique dans la plupart des cas.
Une écoute et une attitude solidaires entre animateurs devraient pouvoir
faire le reste dans la gestion des rythmes de l’équipe, en sachant qu’un
camp de vacances reste une période intense et épuisante malgré tout.
Les modalités (moment, durée, rôle de chacun) de la préparation des
journées, des bilans et des colloques, du partage des responsabilités,
bref, de tout ce qui fait la vie de l’équipe, doivent être discutées avant le

38
besoins fondamentaux et vie quotidienne

camp en tâchant d’avoir à l’esprit la gestion de l’énergie de ses membres.


Sur place, les bilans et autres « raccords » se feront le soir après le cou-
cher des enfants, car il ne faut pas compter sur le temps du café de midi
pour faire un travail sérieux et conséquent. La réunion du soir, en
revanche, est un rituel primordial qui permet aux membres de l’équipe
d’échanger sur le vécu quotidien, et donc, entre autres, de poser les pro-
blèmes et les soucis rencontrés pendant la journée. Les enfants sont
donc couchés, la maison est (presque) calme, c’est le moment du bilan
de la journée écoulée et de la préparation du lendemain, le temps aussi
de discuter des participants (du cafard de celui-ci, de l’agitation de celui-
là ou encore des fous-rires de l’après-midi au bord de mer). La réunion
des moniteurs, pour être efficace et ne pas traîner en longueur, doit être
bien organisée avec, entre autres, un animateur de séance et un ordre du
jour (ou du soir !). Puis la discussion dévie tranquillement, on boit un
verre, on croque un bout de fromage, une plaque de chocolat et l’on
démarre une partie de cartes ou l’on refait le monde… L’équipe construit
sa cohérence, sa solidarité à travers les liens dessinés dans ces moments
de liberté. Et c’est là que l’on « oublie » d’aller se coucher… tant pis ou…
tant mieux ?
La confiance et le dialogue sont des éléments capitaux mais fragiles dans
un contexte stressant, il s’agira donc pour chaque membre de l’équipe
d’en être co-responsable.
Le rôle joué par l’équipe est central dans la réussite d’un camp de
vacances. Une équipe soudée peut venir à bout de bien des difficultés qui
ne manqueront pas de se présenter pendant le séjour, tandis qu’une
équipe qui ne « fonctionne » pas risque d’accentuer les problèmes. Il
s’agit donc de porter une attention particulière au bon fonctionnement
de l’équipe : une répartition judicieuse des rôles selon les envies et les
compétences, de l’humour et de la souplesse, de temps de réunion et
aussi des temps de détente ensemble sont des ingrédients qui contribue-
ront au succès de cette expérience intense et riche qu’est l’animation
d’un camp de vacances.

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premier et dernier jour du camp


Moments importants pour les enfants, les parents et l’équipe d’anima-
tion que le départ et le retour du camp, En effet, ces deux temps sont
marqués par toutes sortes d’émotions chez les uns et les autres : tris-
tesse, anxiété, enthousiasme, stress… Pour bien négocier ces circons-
tances particulières, il est préférable de prendre quelques mesures.

l’accueil du premier jour


Isabelle (huit ans) arrive à la gare accompagnée de sa mère et encombrée
de lourds bagages, Les moniteurs l’accueillent chaleureusement et pren-
nent en main le chargement des sacs. La responsable du camp salue la
maman d’Isabelle visiblement émue par le premier départ de sa fille loin
de sa famille, Elle a un grand besoin d’être rassurée par la responsable,
tandis qu’Isabelle cherche ses repères parmi les autres enfants, Le temps
des au revoir est arrivé et quelques larmes coulent ici ou là. Après un
voyage en train, l’arrivée se fait dans la maison qui a été préparée et déco-
rée par l’équipe. Des dessins sur les portes donnent des indications sur
l’emplacement des toilettes, des chambres, des douches, de la salle à
manger, etc.
Le groupe est accueilli par le reste de l’équipe et le cuisinier, puis fait
quelques jeux de connaissances. Steve, qui était déjà là l’année passée,
est très agité et fait un peu le fanfaron en racontant des anecdotes sur la
colo de l’été dernier. L’installation dans les chambres a lieu dans le calme,
tous les moniteurs étant mobilisés pour que chaque enfant trouve son
coin et l’aménage à sa guise. Isabelle s’est installée avec Vanessa et
Myriam dont elle a fait la connaissance dans le train. Ses sacs sont débal-
lés, son ours en peluche est placé sur l’oreiller. Elle semble un peu perdue
dans ce nouvel univers. Catherine, la monitrice, est présente pour lui
donner un coup de main et bientôt le groupe démarre un jeu de piste
pour faire connaissance de la maison et de ses alentours avant de
prendre un goûter bien mérité. Pour les enfants, ce moment du départ en
camp peut être vécu de manière très diverse selon le contexte familial, la
motivation. Certains enfants ont choisi leur camp tandis que d’autres
sont là « par obligation ». Il y en a qui ont plus de facilité que d’autres à

40
besoins fondamentaux et vie quotidienne

s’insérer dans un groupe et un contexte nouveaux mais d’une manière


générale, ce temps d’arrivée est une source de stress importante pour les
participants.
L’équipe d’animation (elle aussi stressée par son désir de bien faire…) doit
mettre tout en œuvre pour rassurer et favoriser l’insertion de chaque
enfant. Il s’agit d’avoir un soin particulier pour les détails de confort et de
prendre suffisamment de temps pour découvrir ce nouvel univers.
A l’arrivée sur le lieu du camp, les participants doivent pouvoir se repérer
facilement, ils doivent également savoir avec qui ils vont vivre ce séjour.
L’équipe peut organiser, par exemple, un jeu qui regroupe la découverte
des lieux et des environs et qui permette également de faire connaissance
avec l’équipe et les autres participants. L’exploration d’un nouveau lieu, le
contact avec de nouvelles personnes, l’adaptation à un rythme de vie
inhabituel prennent quelques jours et, s’il faut accorder beaucoup d’at-
tention à ceux qui semblent éprouver des difficultés, il ne faut pas s’en
inquiéter et dramatiser trop rapidement.

la fin du camp
Les derniers jours du camp constituent aussi des moments particulière-
ment forts. La nécessité de faire le deuil du groupe, souvent le désir de
rester en contact, la crainte ou au contraire l’attente du retour dans la
famille et dans le contexte habituel de vie, sont des éléments variables
pour chacun (participants et équipe) et qui donneront une couleur mar-
quante à cet événement. Les nettoyages de la maison, faire ses valises (et
retrouver toutes ses affaires disséminées dans la maison), donnent une
ambiance un peu chaotique de fin de règne où chacun est dans un no
man’s land, encore là et à la fois déjà parti. Aux équipes de trouver un
moyen pour éviter d’entrer trop vite dans cette atmosphère tout en lais-
sant du temps pour ce processus naturel de séparation.
Je pense qu’en ayant des activités jusqu’au dernier moment, en évitant
d’empaqueter le matériel trop tôt, en organisant avec les participants une
dernière soirée festive, on arrive à vivre des derniers jours enthousias-
mants, sans sinistrose, tout en faisant encore réellement partie du camp.
Le dernier jour, il faut néanmoins prévoir suffisamment de temps pour
les adieux, échanges d’adresses, de photos, etc.

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Sur le quai de gare ou à l’arrivée du car, il est bien difficile d’éviter une
certaine agitation au milieu des bagages et des parents, qui veulent tout
savoir de leur enfant et questionnent sans relâche les moniteurs, des
enfants qui ont de la peine à se séparer, ou d’autres encore qui partent en
vitesse sans saluer personne. Cette excitation est parfaitement normale,
mais là encore, les moniteurs doivent veiller à la sécurité des partici-
pants, à ce que personne n’abandonne ses bagages, à saluer chaque
parent et évidemment à accorder suffisamment de temps pour se dire au
revoir. Si l’on en a la possibilité, on peut faire venir les parents le dernier
jour au camp pour chercher leur enfant. Cela peut être l’occasion de leur
faire découvrir les lieux, de leur raconter le camp, de partager un repas
ensemble et surtout de prendre le temps de se quitter. Cette formule doit
être préparée et annoncée bien avant le camp, il n’est pas question d’im-
proviser.
Quoi qu’il en soit, au bout du compte, l’équipe se retrouve seule et par-
fois un peu désemparée, souvent épuisée, mais en tout cas riche de sou-
venirs. C’est le temps des bilans et de différentes évaluations, travail de
comptabilité, de retour du matériel et… du repos aussi.

pour conclure
ce voyage à travers les rythmes de vie d’un camp de vacances laisse appa-
raître la nécessité d’une vue globale des besoins des enfants et de
l’équipe d’animation. Ce qui constitue la vie d’un camp ne peut être déta-
ché en petits morceaux envisagés de manière séparée les uns des autres.
La qualité relationnelle dans le groupe, la prise en compte de la diversité
des besoins, l’importance des rituels, participent à l’équilibre et la réus-
site du camp. Tout déséquilibre à des effets sur l’ensemble du système.
Souvent, nous fonçons tête baissée dans un projet de camp où tout
tourne autour du thème ou de l’activité principale. Il s’agit donc de
prendre un rythme plus posé qui nous permette de réfléchir à la cohé-
rence entre le projet et des valeurs pédagogiques, éducatives que nous
voulons mettre au service des enfants. Bien sûr, il est parfois très complexe
de prendre en considération ces multiples facteurs, mais les différents

42
besoins fondamentaux et vie quotidienne

acteurs du secteur des loisirs pour la


jeunesse doivent, plus que jamais, se
poser des questions sur les valeurs aux-
quelles ils croient et qu’ils souhaitent
mettre en avant.
Céder aux sirènes de l’habitude, de la
facilité, de la productivité, de la rentabi-
lité, me semble être, évidemment, le
départ sur une fausse piste. La qualité
des camps de vacances est au prix de
grands efforts de la part des organisa-
teurs et des équipes d’animation ; le
plaisir et le bien-être des enfants en
sont la plus belle récompense.

bibliographie
Crépon, Pierre (et al.) : Rythmes de vie et scolarité : de la naissance à l’adolescence ; Retz, 1993
(Pédagogie pratique)
Desmeuzes-Balland, Sylvette : La grande enfance 6-11 ans ; Albin Michel, 1998 (Biblio-
thèque de la famille)
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Planchon, Jean. Le repos et le sommeil des enfants à la colonie de vacances ; Scarabée, 1961
(Faits et doctrines pédagogiques)
Reinberg, Alain : Les rythmes biologiques, P.U.F., 1978 (Q.S.J. ? ; 734)
Ségalen, Martine : Les rituels contemporains, Nathan Université, 1998 (128)
Les dossiers de l’éducation nouvelle, N°19 : Agir au fil de la journée, Cemea, s. d
Les dossiers de l’éducation nouvelle, N°1 : Pour une bonne adaptation des jeunes enfants en
centres de vacances, Cemea, s. d
Les dossiers de l’éducation nouvelle, N°9: L’alimentation en centres de vacances, Cemea, s. d

cahiers cemea
Une colo sans programme, tout un programme (163-164)
Quelques notions sur l’élaboration et la préparation des repas en centres de vacances (162)
Démarche pour l’élaboration d’un projet personnel de camp (181)

43
eux
60 j tifs
éra
cahiers-cemea d i s p o n i b l e s co o p

195 Rondes et jeux chantés 5.–


199 Trois réflexions sur les centres de vacances :
les enfants abusés, les émotions des moniteurs, l’évaluation 5.– anim
d’im e
p r o rv un ateli
211 Rythmes de vie en camps de vacances 5.– no 255
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213 Cuisine en plein air, cuisine itinérante 5.– h i e
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214 Les jeux sportifs 5.–
220 Frisbee : du jeu de plage aux jeux sportifs 8.–
222 Responsable de centres de vacances
(le cahier des charges, le projet pédagogique, l’équipe…) 8.–
225 La cuisine en camps de vacances 8.– cc ea m
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226 Cahier de jeux 8.– à la rando encadrer
la re sp des mineurs :
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228 Responsable de centres de vacances j u r i dbi li té
ique
(les règles de vie, la discipline, animer une activité…) (réimpression) 4.–
229 Bricolages faciles et sympas 8.–
231 Questions de santé en centres de vacances 8.–
232 Activités nature pour tous… nos sens en éveil 8.–
no 257
233 L’organisation des camps de vacances pour adolescents 8.– ic ea rh
p r i n
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p s 2 0 1 1

c a h a
cemceem i e r hors-sér
234 Chanter, créer et jouer en musique, c’est facile ! 8.– ea a u t o
m n e
2 0 1 1
ie

234.1 CD accompagnant le cahier 234 : Chanter, créer et jouer en musique, c’est facile ! 12.–
235 Comment raconter des histoires 10.–
236 Bricolages volants 10.– le cahier-cemea
237 Et si on faisait du cirque ? 10.–
238 Mettons-nous en mouvement 10.–
paraît trois fois
239 Jeux de piste et grands jeux 10.– par année
24o +241 Gestion écologique d’un camp – I & II (les 2 numéros) 16.–
242 Autorité et punition (réimpression) 4.–
244 La cuisine avec les enfants et quelques recettes 10.–
chaque numéro
245 Activités créatrices autour de la cueillette ? 10.– traite d’un thème
246 Bricorecyclages 10.– particulier touchant
247 Quel avenir pour les camps de vacances ? 10.–
248 Créations éphémères dans la nature, une invitation au land art 10.–
aux domaines
249 A propos du développement de l’enfant 10.– de l’éducation ou
250 Le lieu de camp : des espaces à vivre 10.–
de la pédagogie
251 découvrir l’eau en dix expériences 10.–
252 de la laine cardée à la laine feutrée 10.–
comment préparer
253 de l’atteinte à l’intégrité corporelle aux abus sexuels 10.– une activité
254 créer soi-même des marionnettes 10.–
255 60 jeux coopératifs 10.–
256 animer un atelier d’improvisation théâtrale 10.–
257 de la balade à la randonnée 10.–
258 créer un spectacle de marionnettes 10.–
259 comment animer une activité 10.– c a h i e r
n o 259

cemea
h i v e r 2 0 1 1

260 besoins fondamentaux et vie quotidienne en collectivité 10.–


hors série encadrer des mineurs: la responsabilité juridique 12.–

"
*Frais de port en sus. Prix en francs suisses.

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A retourner à cemea, 11, route des franchises, 1203 genève
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