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U N I V E R S I T É P A R I S 8

Diplôme Universitaire
« Techniques du corps
et monde du soin »

Projet
« Mieux-être en Mouvement »

Mise en place hebdomadaire


d’ Ateliers de pratiques du mouvement
dans le cadre d’un ACT
(Appartement de Coordination Thérapeutique)

Sous la direction de Madame Joëlle Pajot


Tuteur de stage Monsieur Thierry Yon

Mémoire pour l’obtention du DESU Techniques du corps et monde du soin

Présenté et soutenu publiquement par


Mme Cécile Jiguel Lagarde Aubertin
Le 02 Juillet 2010
Remerciements

A
SIDACTION
Diaconat protestant
Hubert Godard
Isabelle Ginot
Michel Repelin
Joëlle Pajot
Céline Chevalier
Domonique Breynat
Thierry Yon
Mary Blanche Sibille
Muriel Thorens
Laurence Bachy
Jean Louis Laurent
Chantale Vigneron
Christelle Friel
Aurélie Cholvy

2
1

« Les pensées sont des actes »2

1
Carte réalisée par une personne de l’ACT dans le cadre de l’atelier d’arts plastiques en préparation à la
journée nationale contre le SIDA , le 1er Décembre 2009.
2
LABAN , Rudolf, « Espace dynamique, textes inédits, Choreutique, vision de l‟espace dynamique »,Bruxelles,
Nouvelles de danse, Contredanse, traduit par Elisabeth Schartz,2003, p.55

3
Sommaire

Introduction p.6

Première partie : le contexte de la pratique

A)Présentation p.10

1.Le projet de terrain p.10

a)Un point de départ

b)Pré-étude de faisabilité comme un « état des lieux »

c)Lieu du projet de terrain

B)Le déroulement des ateliers p.18

1.Le temps d’observation p.18

a)Le temps du repas

b)Le temps des réunions des usagers , conseil à la vie sociale

c)Le temps des ateliers d’arts plastiques

d)Le temps de préparation avec l’éducatrice

2.Le récit d’atelier p.21

a)Aménagement de la salle

b)Le schémas postural : automassages et adossement

c)danse improvisée à partir et à travers de la « kinesphère » de Laban

d)le Qi Gong

4
Seconde partie : un regard théorique sur la pratique

A) Une hypothèse : La notion de « mieux-être » apparentée à la restauration d’une


confiance en soi p.46

B) Un regard théorique sur ma pratique p.49

C) L’évaluation p.63

1.Observations et auto évaluation

a)Tableau « des indicateurs de mieux-être »

b)Par rapport au projet d’établissement

2.Conseil à la vie sociale : Réunion des usagers

3.Entretien avec le médecin et le directeur de la structure

4.Le bilan de l’équipe éducative

Conclusion p.81

Glossaire p.84

Bibliographie p.87

5
Introduction
Le Douzième chameau3

« Un vieil homme, sentant sa fin prochaine, appela à lui ses trois fils, pour
partager avec eux, ce qui lui restait de biens.
Il leur dit : « mes fils, j‟ai onze chameaux, j‟en lègue la moitié à l‟aîné, le quart au
second, et toi, mon dernier, je t‟en donne le sixième. »
A la mort du père, les fils se trouvent bien perplexes : comment départager ?
La guerre du partage semblait devenir inévitable.
Sans solution, ils se rendirent au village voisin quérir les conseils d‟un vieux sage.
Celui-ci réfléchit, puis hocha la tête : « je ne peux pas résoudre ce problème.
Tout ce que je peux faire pour vous, c‟est vous donner mon vieux chameau.
Il est vieux, il est maigre et plus très vaillant, mais il vous aidera à départager
votre héritage. »
Les fils ramenèrent le vieux chameau et partagèrent : le premier reçut alors six
chameau, le second trois et le dernier deux.
Resta alors le vieux chameau malingre qu‟ils purent rendre à son propriétaire. »

Vinciane Despret4 utilise ce douzième chameau comme une métaphore pour donner
une définition de la notion d’héritage : « Le douzième chameau ne constitue pas en lui-
même la solution, il pose le problème de ce que nous allons en faire. Ce que les autres
sont, ce qu‟ils ont produit comme savoir et comme passion nous permet de penser
autrement, mais ne nous dit pas comment nous penser autrement, comment nous
approprier cet héritage devenu matière à pensée. »5. Dans cette histoire, ce douzième
chameau est le dénouement qui permet le partage de l’héritage. L’héritage ne concerne pas
uniquement la succession d’un patrimoine matériel. Il est aussi lié à la transmission des

3
DESPRET, Vinciane , « Ces émotions qui nous fabriquent ethnopsychologie de l‟authenticité », Le Plessis-Robinson,
Collection les empêcheurs de penser en rond, p.29
4
Vinciane DESPRET :1959, psychologue et philosophe Belge
5
DESPRET, Vinciane , « Ces émotions qui nous fabriquent ethnopsychologie de l‟authenticité », Le Plessis-Robinson,
Collection les empêcheurs de penser en rond, p.30

6
savoirs. « Il s‟agit de définir comment nous voulons utiliser le savoir des autres, le savoir
qui nous rend autres du fait d‟avoir rencontré les autres, en une nouvelle manière de poser
le problème de ce qui se transmet, et de ce que nous voulons en faire »6. Les problèmes se
transmettent de génération en génération au sein de toutes les organisations sociales et
culturelles d’une population. La famille, le monde associatif, l’univers de l’entreprise, les
courants artistiques, les hôpitaux n'en sont pas exempts.
Pour Vinciane Despret, les problèmes sont liés au contexte de l’héritage. Ils sont en
perpétuel transformations créant une mutation des savoirs faire et des savoirs être.

Pour réussir mon projet de terrain, j’ai été confronté à une succession de problèmes
liés aux contextes de la structure. Mais grâce à l’apport de nouveaux savoirs en rapport à la
formation universitaire, j’ai hérité d’une autre façon de poser les problèmes. Au lieu de
penser un problème comme une difficulté insurmontable, je me suis interrogée sur le
contexte du problème.
Tout d’abord quand j’ai présenté mon projet à l’ACT (Appartement de
Coordination Thérapeutique) , le « Centre Olivier Arnaud », j’ai appris par l’équipe
professionnelle qu’il y avait eu, dans le passé, une tentative d'atelier de sophrologie. Cette
première expérience avait été un échec car elle ne correspondait pas à leurs attentes.
J’héritais de ce problème, qui a orienté la problématique de mon mémoire vers :
« Comment mettre en place et intégrer un atelier hebdomadaire axé sur le corps dans la vie
de la structure ? »
J’ai choisi un titre générique, « Mieux-être en mouvement » pour intituler le projet
dans sa globalité, après avoir hésité avec «Bien-être en mouvement ». En effet le mot
« bien-être » est chargé de représentations différentes suivant le domaine auquel il
s’apparente, activité de loisir, paramédical, alimentaire, écologique... C'est aussi un terme
très à la mode dans notre société occidentale, ce qui affaiblit sa signification. En outre,
évoquant son direct opposé, le mal-être, il me paraissait disproportionné d’évaluer le bien-
être d’une personne porteuse d’une maladie grave, invalidante et en situation de précarité.
Donc j’ai choisi le terme « mieux-être » ouvrant vers une amélioration d’un état.
Pour nommer les ateliers, j’ai préféré utiliser le titre spécifique « les ateliers de
pratique du mouvement » au lieu de les nommer « ateliers de pratiques corporelle ». Le
terme mouvement permet d’englober un ensemble d’actions expressives, créatives,
spatiales et relationnelles. Alors que le terme corps a plusieurs sens suivant les populations.

6
DESPRET, Vinciane , « Ces émotions qui nous fabriquent ethnopsychologie de l‟authenticité », Le Plessis-Robinson,
Collection les empêcheurs de penser en rond, p.29

7
Chaque société hérite de ses propres représentations du corps. D’après David Le Breton 7, il
y a autant de corps réels que d’imaginaires culturels : « Le corps est une réalité changeante
d‟une société à une autre, les images qui le définissent, les systèmes de connaissance qui
cherchent à en élucider la nature, les rites qui le mettent socialement en scène, les
performances qu‟il accomplit sont étonnamment variées, contradictoires même …» 8. Etant
donné que le public des personnes accueillies est composé de personnes issues de
différentes cultures, subsaharienne, française, européenne de l’Est, j’ai pensé que le terme
mouvement était plus approprié.

Tout au long de ce projet de terrain je me suis questionnée sur les problèmes :


Comment ménager un espace pour l’atelier ? Comment communiquer avec l’équipe
médicale et éducative de la structure ? Comment répondre aux attentes des personnes ? Par
quels ateliers intéresser et impliquer les personnes ?
Pour répondre à ces « questions/problèmes » j’ai divisé le mémoire en deux parties.
La première partie est axée sur le contexte de la pratique : comment est né ce projet, quels
ont été mes premiers interlocuteurs. J’explique les étapes qui m’ont permis d’analyser la
faisabilité du projet. Les temps d’observation dans la structure et leurs comptes-rendus
informent sur son fonctionnement. A partir de ceux-ci, je détaille le contenu et les objectifs
« des ateliers de pratiques du mouvements ».
La seconde partie développe des axes de réflexion sur les croisements entre la
théorie et la pratique. En m’appuyant sur des théories fondamentales issues des pratiques
somatiques*, j’ai tenté de donner un autre regard, une autre approche sur des
questionnements relatifs à ma pratique. L’évaluation des ateliers s’appuie sur des
observations personnelles, des entretiens avec les éducateurs, le médecin et le directeur.

Dans les structures médico-sociales comme les ACT, les personnes accueillies sont
appelés « usagers » ou « résidents ». Pour ma part, j’utiliserai le mot « personnes ».

A travers l’histoire du douzième chameau, je perçois ce projet comme un témoin de ce que


démontre Vinciane Despret avec humour : l’interaction entre la pratique et la théorie
permet de cheminer vers de nouveaux savoirs et de fabriquer de nouveaux outils
pédagogiques. Les problèmes dont j’ai hérité à travers le contexte de la structure ont
finalement été des passerelles pour la mise en place du projet.

7
David LE BRETON 1953, anthropologue et sociologue français
8
LE BRETON, David, « Anthropologie du corps et modernité » , Paris, Quadrige essais débats, PUF, 2008, p.20.

8
Première partie

Le contexte de la pratique

9
A) Présentation
1. Le projet de terrain : « Mieux-être en mouvement »

a) Un point de départ

Le point départ à ce projet est la rencontre tout d’abord avec Céline Chevalier de
l’ADMS. (Association Drômoise MST SIDA). Cette association comprend un ensemble
d’acteurs sociaux pour la prévention des maladies sexuellement transmissibles. Elle
intervient sur le vaste territoire Drômois en direction d’un large public, dont les missions
sont :

 La prévention et la connaissance de la maladie MST* SIDA* auprès des lycéens,


des détenus, des migrants, des personnes porteuses de maladies graves et
invalidantes et en situations de précarité.

 La formation du personnel encadrant dans les domaines médicaux et sociaux.

Céline Chevalier intervient régulièrement sur l’ACT (Appartement de Coordination


Thérapeutique) de Valence en tant que formatrice et chargée de projet. Elle accompagne
l’équipe éducative et met en place des espaces d’échange pour la prise de parole des
usagers sur la vie avec le V.I.H*. Le but de ses missions est la connaissance de la maladie
et l’amélioration d’un mieux être.

Je l’ai connue en 2001 au cours d’un projet professionnel, à visée culturelle pour
sensibiliser les jeunes lycéens des communes Tain-Tournon à toutes les problématiques
liées au V.I.H. Les élèves ont réalisé une pièce chorégraphique en hommage au peintre
Henri Bassmadjian.9 Ils l’ont présenté devant un public de Lycéens au théâtre de Tournon
Sur Rhône dans le cadre de la journée du 1er Décembre 2001. Céline a été sensible à cette
approche et suite à ce travail de partenariat nous avions eu de longues conversations sur la

9
Henri Bassmadjian 1958-1993 Peintre contemporain victime du sang contaminé

10
pratique artistique comme moyen de médiation pour comprendre les contextes sociaux et
politiques des maladies MST SIDA.

Nos chemins ne se sont plus réellement croisés, jusqu’au jour où je me suis


intéressée à la formation D.U « Technique du corps et monde du soin ». C’est en lisant le
contenu pédagogique que je me suis souvenue de cette rencontre et de ce projet qui m’avait
à l’époque particulièrement touchée et fait cheminer.
Ainsi, depuis quelques années, je recherchais une formation capable de me donner
des outils théoriques et pratiques pouvant nourrir mes réflexions naissantes. Mon terrain
professionnel est balisé par un ensemble de projets artistiques en milieux sociaux-éducatifs
ou médico-éducatifs mais je pressentais que mon travail ne rentrait pas dans un schéma
thérapeutique, c’est pourquoi les diplômes d’art thérapeute ne correspondaient pas à mes
aspirations. A partir de ce travail de terrain étalé sur 10 ans, je me rendais compte de
manière empirique que mes actions permettaient à des personnes fragiles, en situation de
précarité, de réveiller et développer leur potentiel de créativité et d’expressivité, ce qui
avait pour effet de les aider à construire un lien social. Au sein des structures d’accueil, je
constatais également que la réussite de ces projets spécifiques dépendait du travail de
collaboration entre les différents acteurs d’une équipe pluridisciplinaire.

Avant de commencer ma formation, je voulais trouver un terrain de stage. C'est


pourquoi j’ai contacté Céline pour me conseiller sur des structures susceptibles d’être
intéressées par mon projet. Elle m’a orienté sur l’ACT de Valence et l’infirmier Dominique
Breynat, qui est devenu mon interlocuteur pour présenter mon projet à l’équipe. C’est ainsi
que j’ai pu rencontrer le personnel au cours de trois réunions organisées entre octobre 2008
et juin 2009. Ces temps d’échanges sur le projet ont servi à sa mise en place et ont permis
de faire une pré-étude de faisabilité.

Cet « état des lieux » a été un moyen pour construire les objectifs du projet.

b) Pré-étude de faisabilité comme un « état des lieux », établi à partir des rencontres

Trois rencontres ont articulé le corps du projet. C’est en prenant connaissance des
attentes de l’équipe et en me mettant à l’écoute des usagers que j’ai réfléchi au contenu du
projet :

11
 La première rencontre, le 15 Octobre 2008, a servi à me présenter au moyen d’un
CV, d’une plaquette de la formation D.U de l’Université du Département Danse de
Paris 8 et d’un court descriptif des objectifs de mon projet, listé ci-dessous :
Les objectifs du projet :

- Mettre en place des séances de techniques corporelles hebdomadaires non


thérapeutiques sous forme d‟atelier, dans le but d‟améliorer le confort de vie des malades.
- Apporter une activité corporelle douce et facile d‟accès avec des méthodes sur la
respiration, sur l‟expression du corps, sur la détente, sur la créativité, pour aider les
patients à trouver à la fois un bien-être physique, mental et ainsi les accompagner à mieux
vivre avec la maladie.
- Permettre aux patients de pouvoir s‟approprier ces techniques afin de développer une
autonomie corporelle.
- Contribuer à la vie sociale du lieu d‟accueil en développant des projets sur l‟extérieur
et/ou en interne,
Ceci ne pouvant se concevoir sans travailler en étroite collaboration avec l‟équipe
soignante et éducative.

Les moyens à mettre en oeuvre :


- Mise en place d‟un stage de 60h entre septembre 2009 et juin 2010 avec une étudiante du
« DU Techniques du corps et monde du soin » (Université Paris 8).
- Avoir une salle qui permet l‟activité corporelle

Au cours de cette rencontre, l’équipe m’a parlé de la situation des résidents et m’a
informée du fonctionnement de la structure. Ainsi d’après l’équipe, j’ai appris que :

 les résidents ont des difficultés dans le lien social et avec eux mêmes,

 ils ont du mal à accepter de ressentir,

 étant malade ils ont besoin « d’un corps comme allié »,

 les techniques corporelles peuvent apaiser les malades car les médicaments ne
suffisent pas à tout soulager,

12
 une partie des résidents logent en appartement dans une ancienne ferme restaurée
qui se compose aussi de bureau pour le personnel, d’une salle à manger utilisée
pour certain midi de la semaine et proposer des repas conviviaux,

 une autre partie vit dans des appartements dans un quartier de Valence en dehors de
cette ferme et s’ils veulent faire les activités et partager un repas ils doivent se
déplacer,

 certains travaillent d’autres sont au chômage,

 il existe une activité d’arts plastiques animés par une éducatrice

 l’activité « marche » est régulièrement proposée,

 très peu participent aux activités proposées,

 un projet « culture du cœur » propose des sorties aux spectacles,

 il y a quelques années en arrière ils avaient proposé des séances de sophrologie


obligatoire avec un sophrologue, cela n’avait pas marché. Ils avaient dû l’arrêter car
cette pratique ne correspondait pas aux besoins des personnes.

 La seconde rencontre du 22 Avril 2009 a été une discussion où sont apparus des
questionnements et des réflexions :

Sur la mise en place de l’activité :

 ne pas imposer la pratique mais la proposer en participation libre,

 l’idée c’est de faire, sur le temps de la réunion des usagers qui a lieu une
fois par mois, une séance de présentation de l’activité à travers un atelier
dans lequel le personnel et les résidents expérimenteront ensemble la
pratique,

 commencer cette séance de présentation de l’activité dès le début du projet.

 une fois l’activité installée hebdomadairement il n’est pas envisageable de


faire participer ensemble dans les ateliers les éducateurs avec les résidents
car ceux ci peuvent être gênés par la présence de l’éducateur,

 comment accrocher et intéresser les résidents à cette pratique ?

13
Sur les objectifs de la pratique :

 Faire une approche accessible pour des gens qui n’ont pas de culture
thérapeutique dans le sens où ils ne savent pas comment se soigner

 cette approche par le corps peut donner des outils au personnel et aider à
trouver d’autres façons d’aborder les personnes malades qui ont souvent du
mal à verbaliser leurs problèmes,

 être attentif aux besoins des personnes

 la technique corporelle peut réveiller et éveiller d’autres approches de la


personne,

 est-ce qu’au cours de vos séances vous abordez plus le ressenti intérieur ou
vous faites extérioriser les expressions ?

Sur la sensibilité des personnes accueillies par l’ACT :

 comment être impliqué pour expérimenter quelque chose d’inconnu ?

 par rapport au corps ce n’est pas simple de se sentir regarder par l’autre,

 aborder le toucher peut correspondre à certain en sachant que d’autres ne


supportent pas,

 comment j’écoute et regarde la personne en sachant que j’ai un pouvoir sur


elle ?

 ce qui est le plus utile ce n’est pas de privilégier la relation avec l’éducateur
mais de faire vivre aux résidents un mieux être,

 comment habiter positivement un corps souffrant ?

 quand on est malade, on a du mal à sentir ce qu’il va bien,

 les femmes africaines sont moins inhiber avec leur corps que les femmes
occidentales,

 il y a des femmes africaines qui ne savent pas danser,

 les toxicomanes par la drogue modifient leur perception qu’ils ont de leur
propre corps,

14
 La troisième rencontre du 26 Juin 2009 a été l’occasion de présenter le cadrage, la
conduite et la conclusion/évaluation du projet de terrain à partir de la création d’une
plaquette. Nous avons pu mettre en place des dates et discuter de l’organisation
globale du projet. Il a été convenu :

Un temps d’observation dans la vie de la structure : Présence en Septembre /8h

 Réunion des usagers le 8 Septembre 2009 : de 13h30 à 15h.


Présentation aux résidents du projet « mieux être en mouvement ».

 Repas et ateliers arts plastiques le 18 Septembre 2009 : de 12h à 16h30.


Rencontre avec les résidents sur le temps du repas et dans le cadre d’un atelier arts
plastiques animés par une éducatrice. Céline Chevalier de l’ADMS sera présente
également car l’objet de cet atelier est de réaliser une carte postale sur le thème de la
prévention pour la journée mondiale du 1ier Décembre 2009.

 Consultation de documents : 2h à planifier


Le médecin m’a donné son accord et m’a demandé de voir à la rentrée avec la
secrétaire pour consulter les documents sur place.

Un temps de réflexion avec l’équipe de soin éducative: Présence en Octobre/10h


Pour le temps de réflexion le directeur a exigé de mobiliser uniquement deux personnes.

 Les ateliers de pratique du mouvement avec le personnel: 4h


L’infirmier et une éducatrice participeront à la pratique. Les ateliers auront lieu
dans leur salle de réunion qu’on aménagera pour l’activité.

 Les rencontres théoriques : 6h


Elles seront réparties sur le mois à l’ACT en fonction du planning de l’infirmier et
de l’éducatrice.

15
Le temps de pratique du mouvement pour les résidents :Présence Novembre à Juin/42h

 Les ateliers se dérouleront hebdomadairement de 13h30 à 15h dans la salle


à manger que je vais aménager. Je pense investir dans un lino facile à
dérouler que je peux laisser sur place.

 Je déterminerais le contenu précis de mes ateliers en fonction du temps


d’observation fait sur les moments prévus cités ci-dessus.

Le temps évaluation

 L’évaluation se fera sous différente forme :


- Au cours des entretiens entre le médecin et les résidents.
- Au cours des échanges réguliers entre les éducateurs, l’infirmier et les
résidents.
- Par le biais d’une exposition photo, arts plastiques en lien avec les ateliers
de pratiques du mouvement.
- Et d’autres idées apparaîtront au fur et à mesure du projet

Conclusion :

Ces trois rencontres ont permis d’amorcer le projet. Cela été un moyen pour
échanger afin de se mettre en accord sur ses fondements, ses intentions. Elles ont servi à
faire un prévisionnel sur le déroulement et le contenu. En prenant connaissance du contexte
j’ai pu être attentive aux attentes et aux besoins de la structure. Nous étions dans un état de
projection pour estimer la faisabilité. Cette étape a été un moyen de pouvoir imaginer le
projet. Le terme «projet» au sens latin, du préfixe pro- signifie « qui précède dans le
temps » et du radical jacere signifie « jeter quelque chose vers l'avant », voulait dire
« quelque chose qui vient avant que le reste ne soit fait ». A travers cette définition
étymologique je retrouve ma démarche qui était tout d’abords d’imaginer, de penser sur la
mise en place des ateliers hebdomadaires de pratiques du mouvements avant de pouvoir les
concrétiser dans la vie de la structure. Le projet serait-il l’expression d’un mouvement
intérieur réflexif et imaginaire (« quelque chose qui vient avant ») qui permettrait de
réaliser et de donner vie à une réalité futur (« que le reste ne soit fait »)? .

16
c) Lieu du projet de terrain : ACT Olivier Arnaud Diaconat Protestant à Valence.

Mon projet de terrain s’est déroulé de Septembre 2009 à Juin 2010 au sein de L’
ACT (Appartement, Coordination, Thérapeutique) du Diaconat protestant de Valence.

Le Diaconat Protestant existe depuis 1907 c’est une association de loi 1901.Il est un
lieu d’accueil pour les personnes en situation de détresse et de solitude. « L‟action du
Diaconat vise à faire accéder ces personnes à leurs droits en les considérant comme des
partenaires : refusant l‟assistanat. Les personnes que nous accompagnons ne sont pas des
objets. Pour toutes ces personnes , nous engageons des actions individualisées d‟écoute,
de prévention, d‟éducation et d‟accès aux droits (santé, emploi, logement, etc.…). Nous
travaillons à faire avec elle, et non pour elle. »10 . La structure comprend 4 pôles : actions
sociales, asile, personnes âgées, habitat .
L’ Appartement de Coordination thérapeutique (ACT) de Valence fait partie du
pôle action sociale et a été repris par le Diaconat le 1er Juillet 2009. Avant c’était
l’association « L’escale », fondée en 1955, qui avait créé et géré cet ACT intitulé « le
centre Olivier Arnaud ». Aujourd’hui rattaché à la FNH-VIH (Fédération Nationale
Hébergement VIH- et autres pathologies), il se nomme toujours ACT Olivier Arnaud . Au
début dans l’histoire des ACT, ces structures étaient des lieux d’accueil réservés pour
abriter des personnes malades du Sida et se trouvant en situation de précarité sociale. Au fil
des années ce dispositif a été ouvert en direction de toutes personnes (accompagnées ou
non d’enfants) atteintes de maladies graves qui nécessitent à la fois un suivi médical
régulier et un accompagnement social. Une autre spécificité de l’ACT Olivier Arnaud est
d’accueillir également des personnes poly-toxicomanes ayant des problèmes avec la
justice. L’accueil est de 18 personnes, il se fait soit en appartements, soit en chambre
individuelles, ou dans une structure semi-collective. Celle-ci en raisons des nouvelles
normes de sécurité a été fermée en Mars 2010.
« Le travail d‟accompagnement effectué par l‟équipe médico-sociale( quatre travailleurs
sociaux, un médecin, un infirmier et un animateur) vise à aider toutes les personnes prises
en charge à acquérir progressivement le maximum d‟autonomie et à accéder à un mieux-
être global. »11 .

10
DIACONAT PROTESTANT , Plaquette de présentation de l‟association « Diaconat protestant : aider, résister,
recevoir depuis 1907 », fédération entraide protestante, 2007
11
Fiche de présentation ACT , DIACONAT PROTESTANT , Plaquette de présentation de l‟association « Diaconat
protestant : aider, résister, recevoir depuis 1907 », fédération entraide protestante, 2007

17
B)Le déroulement des ateliers
1. Le temps d’observation :

Ce temps d’observation s’est fait en amont du démarrage des ateliers. Il s’est déroulé
en quatre temps forts, un premier temps au cours d’un repas convivial, un second temps
dans le cadre de la réunion de rentrée des usagers du conseil à la vie sociale, un troisième
temps en participant à l’atelier arts plastiques et le quatrième au cours d’une séance de
préparation avec une éducatrice. Ces quatre moments m’ont permis de faire connaissance
avec les usagers et l’équipe éducative. Il est essentiel de prendre ce temps pour réfléchir à
la mise en place concrète du projet par rapport à sa faisabilité dans ce contexte et à la mise
en place des moyens.

a) Le temps du repas :

Au cours du repas j’ai appris que certaines personnes éprouvaient des difficultés à
la déglutition, se plaignaient de maux de ventre postprandiaux. Mais j’étais qu’à une table
de 5 personnes sur environ 25. Mon observation a donc été limitée. J’ai également observé
que la salle était carrelée et que l’on voyait sur l’extérieur, c’est pourquoi je considérais
qu’il fallait transformer cet espace en un lieu plus approprié pour l’activité de pratique du
mouvement.

b) Le temps de réunions des usagers , Conseil à la Vie Sociale :

Conseil à la Vie Sociale

Le Conseil à la Vie Sociale, prévu par la loi du 2 Janvier 2002 et concrétisé par le
Décret n° 2004-287 du 25 mars 2004, est un outil destiné à garantir les droits des usagers
et leur participation au fonctionnement de l’établissement d’accueil. Ce décret prévoit que
le Conseil à la Vie Social doit être appliqué dans chaque établissement pour le 27
Septembre 2004.
Le Conseil de la Vie Sociale permet aux usagers de s’exprimer et d’échanger autour de
questions axées sur le fonctionnement de l’établissement qui les accueille. Il est un lieu
d’écoute pour favoriser de manière démocratique la participation des usagers.

18
Comme une instance collégiale, il a pour mission de donner son avis et de faire des
propositions sur toute questions relatives au fonctionnement de l’établissement sur :

- l'organisation intérieure et la vie quotidienne,


- les activités,
- l'animation socioculturelle et les services thérapeutiques,
- les projets de travaux et d'équipements,
- la nature et le prix des services rendus,
- l'affectation des locaux collectifs, l'entretien des locaux,
- les relogements prévus en cas de travaux ou de fermeture,
- l'animation de la vie institutionnelle et les mesures prises pour favoriser les relations
entre ces participants,
- les modifications substantielles touchant aux conditions de prises en charge12

La présentation de l’atelier « Mieux être en mouvement » s’est faite en début. Pour


m’aider à communiquer sur l’atelier j’ai distribué un dépliant présentant le contenu .
Je me suis présentée comme danseuse, professeure de danse contemporaine et aussi
comme praticienne Qi Gong, tout en leur expliquant la définition de ces deux pratiques.
J’ai expliqué l’activité comme un atelier de pratique du mouvement pour trouver un mieux
être global. Je leur ai dit que nous aborderions des mouvements faciles d’accès afin de
percevoir et ressentir son corps de manière plus détendue. J’ai précisé que l’atelier était
aussi un espace pour prendre du temps pour s’occuper de soi. Je leur ai dit que j’étais à
l’écoute de leurs besoins et que je pouvais aussi leur transmettre des exercices pour étayer
leur connaissance du corps. Nous avons eu une discussion sur la nécessité de faire une
pratique physique pour apaiser les douleurs, pour passer un moment ensemble et pour
prendre soin de soi. Mais très peu ont participé à cet échange, ce qui ne m'a pas permis de
savoir ce qu’ils pensaient réellement de cette proposition axée sur une activité corporelle.
Je me suis rendu compte également que la mise en place d’une pratique collective était
difficile à réaliser au sein d’une structure semi-collective, il faudrait du temps et beaucoup
de patience. En tout cas certains usagers ont très bien accueilli cette proposition et ont
donné des signes d’envie d’y participer. Pour soutenir le projet de la part de la structure un
éducateur a insisté sur les objectifs de détentes et de bien être.

12
http://accueil.socio.org/dossier_usager/index.asp 2010 Sébastien Kicin, source internet

19
c) Le temps des ateliers d’arts plastiques :

Je suis allée à deux ateliers d’arts plastiques, le 24 Septembre et l’autre 9 Octobre


2009 encadré par Laurence, une éducatrice. L’objectif était d’approfondir la rencontre avec
les usagers afin de mieux faire connaissance avec eux, et de m’impliquer dans la vie de
l’ACT.
Céline Chevalier de l’ADMS (Association Drômoise MST SIDA) est venue aussi
pour nous rendre visite et faire une carte.

Il s’agissait de créer des cartes postales pour la journée nationale contre le SIDA ,
er
le 1 Décembre 2009. Laurence nous a proposé de découper des textes, des symboles, et
images à partir de revues sur le Sida ou d’articles de presse tirés de différents journaux.
Elle nous a demandé de créer des textes à la fois poétiques et porteurs de messages forts
autour du thème du Sida.
Ces deux ateliers ont été un moment riche en émotions (rire, pleurs) et en échanges,
ponctués par des longs temps de silence car nous étions tous très concentrés sur le
découpage, le collage et la recherche d’idées. Mme R. se livre à moi ouvertement en
m’expliquant qu’elle a contractée le virus du V.I.H par transfusion sanguine suite à un
accident au Bénin. Elle me parle de sa nationalité, m’explique avoir appris sa séropositivité
après avoir fait un check up pour avoir une carte de « résident étranger », « Heureusement
dit-elle je n‟ai pas contaminé mon mari ». En fait à l’époque ne supportant pas les
contraceptions orales elle prenait d’autres précautions pour ne pas tomber enceinte,
« Imaginez ce que j‟ai ressenti quand j‟ai appris ma maladie, ça m‟a tétanisée, aussi je
devais l‟annoncer à mon mari. En tout cas ma fille qui a 25 ans aujourd‟hui ne sait
toujours pas que je suis séropositive ».
Une autre résidente Mme C. dit qu’elle est très touchée par cette maladie non pas en
tant que contaminée mais en tant que personne témoin .
Mr C. a de grosses difficultés à parler, à utiliser ses mains. Il lui est très difficile de réaliser
une carte car le maniement de ciseaux ou du tube de colle est éprouvant, alors je lui
propose de réaliser une carte avec lui. Il accepte mais se lasse au bout d’un moment, il
nous propose de nous faire un café. Il me fait aussi comprendre avec une élocution
saccadée qu’il a une hépatite et une paralysie du côté droit, boire du café et manger des
croissants lui est déconseillé.
Au cours de ces deux ateliers, des discussions se sont également portées sur le sens
de l’existence.

20
Suite à cette observation j’ai proposé à l’éducatrice de faire des portraits photo des
personnes à partir des ateliers de pratiques du mouvements. Elle a rebondit sur l’idée de se
servir de ces portraits dansants pour les traduire en volume dans le cadre de son atelier
d’arts plastiques.

d) Le temps de préparation avec l’éducatrice :

Pour démarrer je lui ai fait une séance de schéma postural* avec les auto massages, le
Cobra* et la kinesphère*. Nous étions dans un petit bureau ce qui a limité l’exploration
spatial mais ces trois exercices ont suffit pour discuter et échanger sur le contenu des
ateliers. Aussi j’ai appris qu’il y avait un projet d’établissement, un conseil de la vie social
obligatoire avec un ordre du jour préparé séparément par les résidents et le personnel un
mardi sur deux. On a préparé la séance, elle pense comme moi qu’au début il vaut mieux
faire des mouvements qui demande pas trop de contact direct. D’après elle les ateliers
pourront être un bon moyen aussi d’aborder une connaissance du corps. Nous avons
convenu que l’atelier aurait lieu les jeudi après-midi de 14h à 15h. En outre, comme j’étais
sur les lieux j’en ai profité pour mesurer la salle à manger afin d’acheter des morceaux de
lino noirs pour créer une isolation du sol carrelé. Aussi l’administratrice Chantal m’a remis
des documents sur la structure : plaquette de présentation, projet d’établissement. Ces
temps d’observations m’ont permis d’apprendre aussi par l’éducatrice que très peu
d’usagers participaient au séance collective et que la présence des personnes à mon atelier
ne sera pas évidente, il faudra du temps pour susciter leur intérêt, de tout manière je
comprends que l’équipe éducative fera de son mieux pour les motiver.

2. Le récit d’ateliers

Les ateliers s’articulent autour de 4 axes, l’aménagement de la salle, le schéma


postural, la danse et du Qi Gong. Ces ateliers se déroulent selon un ordre chronologique et
se réalisent autour de variations et d’explorations du mouvement. Ils se font sur des
musiques de mon choix. Les différents axes d’exercices sont abordés de manière ludique
dans le but d’aborder des diversités d’actions qui permettent à chacun d’approfondir la
perception de lui-même et en interaction avec son environnement.

21
a) Aménagement de la salle :

L’aménagement de la salle a contribué à la mise en place de l’atelier, au fil du


temps il s’est comme ritualisé . Il ne se passe jamais de la même manière car il se fait en
fonction de la volonté de chacun.
Durant les 15 ateliers j’ai démarré l’installation avec ceux qui voulaient et
pouvaient m’aider. C’est à partir du16ème atelier que les personnes ont pris l’initiative
d’installer et que je les ai rejoins dans l’action. En fin d’atelier tout le monde participe à la
désinstallation qui dure à peine un quart d’heure. Nous rangeons les tapis et les tissus dans
un coin de la pièce. Au fil de l’année à travers cette étape liée à l’installation je constate et
suppose que l’atelier s’est inscrit dans l’organisation de la structure qui l’accueille.
J’arrive toujours une heure avant le démarrage de l’atelier pour pouvoir aménager
l’espace de la pièce qui sert de lieu de repas et de salle d’activité pour l’ensemble des
résidents. Comme il y a un carrelage , j’emprunte des lais de lino noir à l’association pour
laquelle je travaille la « Compagnie Des Soli Danse Contemporaine »13 pour le couvrir.
J’ai également fait le choix de délimiter l’espace avec de grands tissus noirs ( pan drillons),
donnés par la MJC de Tain l’Hermitage, afin de diviser « la pièce à vivre » en deux : d’un
côté un espace vide, ouvert pour faciliter la pratique du mouvement, de l’autre côté un
espace rempli, caché pour être à l’abri des regards extérieurs et favoriser la concentration
des participants. Je me préoccupe de bien ordonner le rangement des tables et des chaises
afin que l’espace rempli laisse un accès libre vers la sortie respectant la sécurité incendie.
Cela prend du temps car il faut pousser les tables, les chaises, dérouler les tapis, les
scotcher, suspendre les pan drillons et disposer les tabourets. Une heure après nous nous
trouvons comme sur une mini scène de 24 mètres carrés, éclairée par des plafonniers qui
donnent une lumière douce et apaisante. L’objectif est de transformer un espace collectif
en un espace plus intimiste afin que chaque participant puisse oser aborder son corps dans
la confiance face à mon regard et celui des autres.
Le moment de cette installation est aussi pour moi un moyen d’être à l’écoute des
personnes pour encore mieux cerner leurs besoins. Parfois elles discutent ensemble sur des
sujets liés à leur maladie, leurs problèmes sociaux. Par exemple un jour cette installation
qui se fait en musique à partir du MP3 d’une personne et pour laquelle nous sommes trois à
installer. La musique comble les silences de nos regards qui se croisent. Une personne
arrive elle a l’air contente d’être là, comme la salle est prête avant l’heure nous discutons
en attendant d’autres personnes et la conversation se porte sur le poids. Une dit qu’elle se

13
« Compagnie Des Soli Danse Contemporaine », association Ardéchoise pour promouvoir la danse
contemporaine en milieu rural.

22
sent mal dans son corps car elle a pris beaucoup de poids après qu’elle ait arrêtée l’usage
de la drogue, une autre personne dit qu’elle a honte de son corps car elle se trouve trop
maigre à cause de sa maladie et qu’elle espère trouver le médecin qui va l’aider à reprendre
du poids. Après cette discussion je constate que la perception de leur propre image du
corps dévalorise l’estime qu’elles ont d’elles mêmes. Elles expriment un mal –être.

Cela me fait réfléchir à comment mes ateliers pourraient contribuer à leur apporter
un mieux-être et une meilleure estime de soi ? Par une pratique corporelle douce et
adaptée, serait-il possible de retrouver des états de mieux-être pour renouer avec un corps
souffrant et susciter l’autonomie suffisante pour prendre soin de soi ?
Pour commencer une pratique axée sur le corps, il est essentiel avant tout d’installer
un environnement sécurisant afin que les personnes se sentent à l’aise d’explorer
intérieurement des sensations, des ressentis, sur leur corps.

b) Le schémas postural : automassage et adossement

En premier lieu, j’aborde l’axe du schéma postural basé sur l’adossement et les
automassages. Tout d’abord, les automassages permettent d’installer une détente, un
certain confort pour préparer au travail de l’adossement.
Le travail sur le schéma postural est un des axes enseigné par Hubert Godard 14 qui a
pour principe fondamental l’ « exploration de l‟espace d‟action »15. Un ensemble
d’exercices composant sa technique, vise à développer la relation qu’entretient le corps
avec l’espace : « on ne peut pas séparer le corps de la dynamique qui construit l‟espace.
C‟est l‟agencement d‟une histoire particulière de modes perceptifs, de dynamique
spatiales qui peuvent engendrer finalement un espèce de carcan dans lequel le corps va
être pris. La réouverture vers de nouveaux mouvements, c‟est un retour vers un nouvel
espace d‟action ». Sa définition de l’espace est « …l‟espace, c‟est l‟imaginaire, c‟est
l‟espace de chacun, non pas l‟espace métrique, celui de la topologie* »16. Ses axes de

14
Hubert Godard : Théoricien de l’analyse du mouvement* , Instructeur Mouvement Rolf, Conférencier
international, danseur, professeur d’Université Paris 8, chercheur dans les domaines de la réadaptation
fonctionnelle la biomécanique et la fonction du système nerveux dans la motricité et à l’Institut national de
Cancérologie à Milan.,. Professeur d’analyse du mouvement, nommé à la direction du Département Danse
Université Paris8.
15
GODARD, Hubert, « Des trous noirs ». Un entretien avec Hubert Godard », in Scientiquement Danse.
Bruxelles, Nouvelles de Danse,2006.
16
GODARD Hubert, « Des trous noirs ». Un entretien avec Hubert Godard », in Scientiquement Danse.
Bruxelles, Nouvelles de Danse,2006.

23
recherche l’ont amené à découvrir qu’une déficience de la perception de l’espace impactait
sur l’organisation fonctionnelle du corps. Sa théorie de l’adossement abrite une pratique
qui permet de réorganiser la relation entre le corps et l’espace. Dans la notion de
perception de l’espace, il parle de « trou noirs »17 qui sont « des zones de l‟espace qu‟une
personne a du mal à percevoir ou qui sont perçues d‟une manière uniquement focalisé ou
menaçante »18. Il reprend la notion de schéma postural selon Henry Head19 pour englober
un système d’organisation qui structure notre relation au monde .Cette organisation
posturale s’articule « autour du rapport au sol par la fonctionnalité du pied et de ses
différents capteurs de pression, du regard (particulièrement du regard périphérique) et de
l‟oreille interne». C’est l’interaction de ces trois systèmes qui nous permet de bouger sans
tomber mais surtout qui prédéfinit notre rapport à l’espace. Un dysfonctionnement de cette
organisation suite à des traumatismes, des accidents, des maladies va interférer la relation à
l’espace. A travers un travail sur l’adossement, il est possible d’accéder à une
réorganisation du schéma postural pour élargir les champs d’actions. L’ adossement est
une posture de relation entre soi et l’environnement. Elle se met en pratique au moyen d’un
certain nombre d’exercices (« Cobra », « Envol de l’aigle » …). C’est aussi une pratique
du mouvement qui sollicite la chaîne des muscles profonds pour renforcer une
stabilisation globale du corps. L’adossement est une action posturale qui permet de
prendre appui sur l’ensemble du système perceptif : oreille interne, regard périphérique,
proprioception, kinesthésique, imaginaire. En travaillant sur le schéma postural il est
possible d’amener une personne fragilisée par la maladie et qui vit dans des conditions
sociales précaires vers une amélioration de ses capacités physiques.
Ces ateliers proposent un espace où il est possible de prendre le temps d’investir une
intériorité nécessaire pour trouver un état paisible. En reprenant contact avec leur corps, les
personnes peuvent retrouver un pouvoir d’agir. Ainsi des sensations plus agréables, liées
au plaisir, peuvent contribuer à un soutien moral.

17
GODARD, Hubert, « Des trous noirs ». Un entretien avec Hubert Godard », in Scientiquement Danse.
Bruxelles, Nouvelles de Danse,2006.
18
GODARD, Hubert, « Des trous noirs ». Un entretien avec Hubert Godard », in Scientiquement Danse.
Bruxelles, Nouvelles de Danse,2006.
19
Henry HEAD, Neurologue Anglais. 1861-1940

24
Les automassages

Le début de l’atelier se fait assis sur des tabourets pour remplacer les chaises de la
structure. Je veux essayer la pratique du schéma postural sans l’appui d’un dossier afin
d’aborder la dynamique de la posture globale.
Chacun dispose d’une petite balle de couleur (habituellement utilisées pour les jeux de
plage). J’ai abordé deux types de massage avec une balle. Soit axé uniquement sur la voûte
plantaire et soit axé sur l’ensemble des articulations.: mains, poignets, coudes, épaules,
genoux, nuque au niveau de l’occiput. Chaque zone articulaire est massée par le roulement
de la balle. Chacun gère la pression de la balle sur le corps en fonction de ses sensations.

C’est à partir du quinzième atelier que j’ai pu introduire le massage sur une autre personne.
Il s’agit d’être à deux, un masseur et un massé. On l’utilise en danse contact et en Qi Gong
pour procurer à la personne à la fois une détente et une perception globale du schéma
corporel. Il se pratique soit assis, soit debout et par un palper enveloppant le masseur
cherche à faire ressentir à la personne :

 Ses membres supérieurs de l’épaule jusqu’au bout des doigts pour détendre les
coudes, les épaules,
 Ses membres inférieurs du genou jusqu’à l’extrémité des orteils pour faire
ressentir l’ancrage au sol,
 Son dos en effleurant du centre de la colonne jusque sur les côtés pour percevoir
la partie postérieure du corps,
 Sa tête en la soulevant délicatement par la base de l’occiput pour donner une
sensation d’allègement axial.

Une détente du pied et des articulations permet un meilleur contact proprioceptif*. Un


meilleur appui au sol peut contribuer à la mise en place d’une stabilisation posturale plus
fiable pour une personne fragilisée par la maladie. Cette base d’appui est le point de départ
pour placer l’assise au niveau du bassin de manière à ériger l’axe vertébral.

Ce sont des massages simples qui permettent d’installer efficacement un mieux être, de
façon assez dynamique. Ils procurent une sensation d’apaisement réconfortant et sont un
moyen de prendre soin de soi. Comme dit une des résidentes « celui qui ne connaît pas le
massage ne connaît rien de la vie ».

25
 Objectifs des automassages :

 Stimuler les muscles profonds pour décontracter les muscles superficiels,


 Augmenter la vigilance proprioceptive,
 Stimuler les récepteurs d’équilibre,
 Installer rapidement un état de bien être, de détente
 Changer l’état tissulaire
 Aborder les zones réflexives du pieds pour influer sur l’ensemble du corps : dos,
organes, circulation sanguine et lymphatique.
 Préparer l’échauffement de tous le corps.
 Amener le mouvement à travers la notion de qualité d’intention
 Prendre conscience de la mobilité et la détente articulaire
 Porter une attention sur un mouvement articulaire
 Identifier les articulations comme une charnière
 Percevoir au niveau articulaire ses propres zones de tensions
 Identifier des zones douloureuses du corps.
 Stimuler le retour veineux

26
Observation tirées de la pratique des automassages :

Dès le premier atelier tout le monde a apprécié et a ressenti une détente globale
s’installer. Ce début de séance qui commence par les automassages permet d’ouvrir un
temps d’échange verbal. Il est facile de dialoguer car l’action du pieds qui fait rouler la
balle met en branle une action commune. Les personnes disposées en cercle peuvent
parler de ce qu’elles ressentent « j‟ai un coup de jus », « j‟ai des fourmillements » « j‟ai
des crampes la nuit ». Certaines parlent de leurs courbatures dues au travail, de leurs
difficultés à dormir, de leurs maladies, de leur histoires ou tout simplement expriment que
tout va bien, « j‟ai la pêche ». Je remarque par contre que pour les personnes avec des
pathologies plus importantes, accompagnées de séquelles dues à des accidents, ressentent
des douleurs plus vivent sous le pieds. Cependant quand une personne vient à plusieurs
ateliers cette douleur s’estompe, elle devient supportable au bout de la troisième séance.
Cela à été flagrant pour deux personnes.
Au bout du huitième atelier les personnes éprouvent du mieux être quand la balle roule
sous la plante des pieds, ils le disent avec des phrases toutes simples comme « ah ça fait du
bien », « j‟ai envie que ça dure des heures ».
A partir du 9ième atelier, une des personne prend l’initiative de se masser les deux pieds
avec une balle à chaque pied, certaines personnes ont même acheté leur propre balle pour
le pratiquer chez elle. Une des personnes qui a souvent mal sous les pieds dit que c’est
mieux de faire les deux pieds en même temps car elle ressent moins de crispation plantaire.
Une autre fois, une personne a démarré l’atelier avec une crise douloureuse et violente
au niveau de son bras droit. Elle a fait l’exercice de la balle du côté gauche, à droite la
balle lui envoyait des décharges de douleurs, son visage était très crispé et aplati par la
souffrance. Je lui donne une explication en parlant des zones réflexes du pied. J’ai
d’ailleurs laissé à disposition des photocopies d’une cartographie du pied tiré d’un livre20
prêté par un éducateur. La pression de la balle agit directement sur les barocepteurs du
pieds qui sont constamment sollicités dans la proprioception*. La peau du pied fragile et
souple est extrêmement sensible au moindre contact. Un léger massage de cette zone
permet de procurer rapidement une sensation de détente et en fonction des personnes elle
est plus ou moins agréable. Quand les muscles superficiels se relâchent, on ressent par

20
KUNZ, Barbara et Kévin, « Réflexologie pour les mains et les pieds », Le courrier du livre, , 2005, p.18.19

27
étape leur relâchement et on sent davantage les muscles profonds d’où parfois l’apparition
d’une douleur vive ou sensible. Je lui propose d’arrêter mais elle veut continuer ce
massage du côté gauche car ça lui fait du bien. A un moment elle joue à se passer la balle
d’un pied à l’autre. Je la laisse varier l’exercice car je la vois se servir de son pied droit
dans une intention minutieuse et en alternance avec son pied gauche, apparemment la
douleur est moins envahissante.
Durant un autre atelier, pendant ce temps privilégié où il s’agit de faire passer la balle sur
les articulations, les personnes révèlent des souvenirs en lien avec la partie du corps auto-
massée. Une personne, au moment de passer la balle sur l’épaule droite, me dit que son
articulation est douloureuse et craque souvent. Elle me raconte que cette épaule a été
déboîtée suite à une bagarre avec un policier, et pendant une période d’emprisonnement
son épaule n’a pas été soignée, comme elle dit « ça s‟est remis tout seul ». Pour d’autre, les
automassages sont accompagnés d’ yeux fermés et de sourires de détente.
En référence à Hubert Godard « Le visage est le dernier lieu de l‟expression de la chaîne
profonde » je constate que les automassages sont un moyen d’ouvrir des temps de paroles
nécessaire à la prise en considération des ressentis de personnes souffrantes de maladies
graves et invalidantes.

L’adossement de la colonne et de l’oreille interne à partir du « Cobra » :

Assis sur un tabouret dans la pratique de l’adossement il s’agit de mettre en action


l’ensemble de la colonne par enroulement et déroulement des vertèbres en mobilisant le
mouvement d’antéversion et rétroversion du bassin : l’appui est distribué dans les deux
pieds et au niveau de l’assise des ischions, les mains sont posées sur les cuisses avec les
coudes légèrement ouvert sur les côtés. Ce mouvement a pour objectif de travailler
l’adossement. C’est un exercice, enseigné par Hubert Godard intitulé le « cobra » car la
colonne serpente d’avant en arrière. Puis, suite à ce mouvement du cobra, il va s’agir
d’incliner son buste en extension au dessus des jambes de telle sorte que le dos se
positionne parallèle au sol, que la tête se trouve dans le prolongement de l’axe vertébral.
Une fois le dos positionné, il s’agit de se lever et de se rasseoir en prenant appui
uniquement dans ses pieds et ses cuisses. Toute la partie supérieure du corps se maintient
au dessus de la partie inférieure sans provoquer de flexion vertébrale. Au moment de se
rasseoir le dos est maintenu dans la dynamique de l’allongement.

28
 Objectifs de l’adossement

 Percevoir l’espace intéroceptif : organes, viscères.


 Stimuler les multifidi* (transverses épineux) des vertèbres pour une meilleure
extension de la colonne.
 Explorer une meilleure assise à travers une colonne érigée afin d’éviter les
tassements des disques vertébraux et éviter la compression des organes comme
l’estomac et le diaphragme.
 Aborder la notion de posture pour être ouvert aux autres.
 Percevoir la pression des pieds dans le sol.
 Soulager les douleurs dorsales provoquées parfois par des mouvements répétitifs et
traumatisants.
 Stimuler l’oreille interne et le regard périphérique pour un meilleur équilibre de la
posture debout.
 Trouver l’économie du geste dans une dynamique de mouvement pour éviter
l’épuisement à travers l’effort.
 Sentir le positionnement du corps dans la verticalité aussi bien assis que debout.
 Stimuler les muscles de la chaîne profonde qui maintiennent le squelette et assurent
un meilleur fonctionnement organique.
 Percevoir le mouvement de la colonne dans une dynamique de verticalité
 Soulager les disques inter vertébraux
 Prendre conscience de l’allongement dans l’ensemble du dos
 Trouver l’assise en avant des ischions
 Allonger le dos pour ramasser un objet
 Identifier la mobilité et l’ensemble du bassin
 Se lever et s’asseoir de la chaise en gardant une stabilité dans le mouvement
 Prendre conscience du positionnement de la tête dans le schéma postural.
 Ouvrir l’espace sur les côtés en rotation
 Ouvrir l’espace thoracique

29
Observations tirées de la pratique de l’adossement de la colonne et de l’oreille
interne

A chaque fois j’ai observé que les personnes prenaient plaisir à bouger leur dos et à
explorer sa mobilité. Une personne ferme les yeux, elle semble être dans le bien être, et
quand je passe à côté d’elle, elle m’interpelle pour m’avouer que quand elle attend
longtemps à la CAF elle fait cet exercice du « Cobra » et le regard des autres ne la gêne
pas. Elle en parle même autour d’elle. Je suis surprise de son initiative publique. Comme
les zones de flexions sont différentes suivant les personnes, je passe auprès de chacun et
leur demande si je peux poser mes mains sur elles de sorte à pouvoir les aider à trouver
l’allongement du dos et le positionnement de la tête. Elles acceptent et ainsi arrivent à se
concentrer pour réaliser le mouvement. Les personnes n’hésitent pas à me questionner
« comme ça » ? me demande la personne qui a une paralysie du côté droit. J’ai rajouté une
étape qui est d’incliner le buste en descendant un côté du dos tout en soulevant le talon du
côté baissé. Il s’agit d’ouvrir la partie médiane du corps, un bras est en direction du talon
soulevée et un autre est orienté vers le plafond, le tête se tourne pour regarder vers le haut.
Puis se lever et s’asseoir. Le mouvement de rotation du buste procure une sensation
d’étirement pour tout le monde, je leur demande de ne pas aller trop loin dans cette posture
pour éviter la douleur. Je les aide à orienter leur bras qui a tendance à partir vers l’arrière,
je leur donne comme image de viser le plafond avec leur main. Au bout d’un moment elles
parviennent à placer l’axe de leurs épaules de sorte à ouvrir leur dos.

Se lever et s’asseoir , garder le dos allongé et placer la tête dans l’axe de la colonne
sans fermer la nuque est assez difficile , certaines ont plus de mal à la descente. Elles
n’hésitent pas à exprimer leur douleur. Comme l’effort se situe au niveau des cuisses
certaines personnes se fatiguent rapidement, mais grâce à des temps de pause elles
n’abandonnent pas. Et ce n’est qu’au bout du cinquième atelier que ces personnes arrivent
mieux à contrôler cette descente.

Pour aborder ce mouvement, je leur donne comme indication de se représenter leur dos
en trois parties : une basse (bassin), une moyenne (dorsale) et une haute (thoracique). Le
mouvement du Cobra, est une manière de bouger l’ensemble du dos en identifiant ces trois
zones. L’appui des pieds dans le sol et le positionnement de la tête sont également abordés.

30
Pour continuer à aborder de manière plus pédagogique l’assise dans le mouvement
du Cobra j’ai expliqué et montré un dessin anatomique du bassin21 qui donne une
représentation des ischions sur lesquels on est assis dans la posture du cobra. Je leur ai
parlé également du petit bassin et du grand bassin.
Dans le mouvement du cobra je leur explique pourquoi nous pratiquons le
mouvement de l’extension de la colonne : lorsque notre dos est trop en flexion, nos disques
vertébraux sont compressés. Pour une meilleure santé du dos, il est intéressant de stimuler
les petits muscles profonds qui se trouvent attachés entre les vertèbres afin qu’ils puissent
agir au niveau de l’allongement global de la colonne. Il ne s’agit pas d’apprendre à se tenir
droit mais d’amener les personnes à percevoir leur corps à travers leur ressenti.
Je vais souvent aider la personne qui a une paralysie du côté droit à ressentir cet
allongement et c’est très troublant, car elle passe très rapidement d’un dos « avachi »à un
dos érigé. Je conseille à celles qui ressentent des douleurs de chercher un autre moyen de
bouger sans douleur, de ne pas forcer. Une personne semble surprise par ce rapport au
mouvement car elle dit « ce qu‟on cherche c‟est de faire doucement sans se faire mal ? ».

Parfois j’utilise des métaphores pour amener les personnes à trouver un autre
rapport au mouvement, par exemple pour faire ressentir l’ancrage au niveau des pieds
j’utilise l’image des racines de l’arbre. Dans le mouvement du « cobra » je leur propose
d’aborder la cage thoracique, avec les mains je les invite à sentir le mouvement des côtes,
de la clavicule, du sternum à travers la respiration. Ils sont concentrés. Je perçois que mes
explications avec des références théoriques les aident à rentrer dans la posture et donne une
dynamique dans leur exploration du mouvement du dos.
Pour certain c’est encore difficile et éprouvant de maintenir une assise avec une
colonne érigée, pour d’autre cela commence à devenir agréable. Il n’est pas évident de
faire comprendre pourquoi il est utile pour la santé du dos de travailler l’assise.
A chaque début d’atelier les personnes manifestaient une lassitude, une fatigue,
perceptible dans leur manière de s’asseoir, les épaules tombantes, le dos « avachi ». Ce
n’est qu’après les automassages et l’exercice du « cobra » que leur attitude change. Pour le
« cobra » le mouvement du bassin reste encore pour beaucoup inexistant mais je constate
pour la plupart un gain en amplitude au niveau du dos. L’une des personnes qui avaient
beaucoup de mal à ériger son dos en posture assise lors des premières séances a gagné en
maintien global spinal*.

21
CALAIS-GERMAIN, Blandine « Anatomie pour le mouvement », édition Desiris, année 1991, p.43

31
A travers cette étape de l’adossement il a fallu dépasser les représentations que l’on
a du dos droit en rapport avec la discipline militaire et éducative du « tiens-toi droit ». Une
personne m’a fait remarquer que ça lui faisait penser à sa mère qui l’obligeait à se tenir
droit, j’ai même eu des remarques sur le nazisme. Il a fallu du temps pour faire ressentir
que cet atelier du « Cobra »n’ était pas un moyen pour avoir un contrôle sur leur corps
mais un outil pour maintenir une santé du dos.

c) La danse improvisée à partir et à travers de la « kinesphère » de Laban.

En second lieu, j’aborde l’axe de la danse improvisée à partir et à travers la


« kinesphère » de Laban22. Chacun explore son espace dynamique assis sur son tabouret.
Puis le « jeu » consiste à déambuler dans l’espace de manière à faire des rencontres,
d’aller dans la « kinesphère » d’un autre pour créer des interactions entre leur danse.
A partir de l’exercice du « cobra » j’aborde la kinesphère en position assise. Je leur
propose à leur tour d’investir leur colonne au grès d’une musique, et d’y impliquer les bras,
les mains pour investir dans un premier temps dans l’assise tout autour d’eux mêmes puis
progressivement se redresser au moyen de cette exploration spatiale. Avec le support de la
musique une danse apparaît dans l’alternance assis/debout.
La technique de la danse improvisation se base sur une conscience spécifique du corps
dans sa globalité, elle met en pratique la relation à l’autre et à l’espace, elle éveille une
combinaison des sens , elle ne cherche pas la forme d’une posture mais une dynamique du
mouvement présent qui donne à voir et à ressentir un état d’être.
Cette exploration spatiale n’est pas évidente car cela demande un autre rapport au
corps. En effet bouger un membre n’est pas seulement un mouvement mécanique et
musculaire mais bien aussi une relation à l’espace environnant. Cette approche demande
une certaine compréhension de son corps et fait appel à une capacité de pouvoir se
représenter dans une spatialité.
C’est de ce point de vue que la danse est nécessaire car implicitement elle fait ressortir une
certaine expressivité de la personne. Le fait de diriger, d’orienter son corps dans un espace
peut construire nos modalités d’actions. Comme dit Hubert Godard « arriver à pousser les
murs du dedans » pour se sentir aimanter par l’extérieur, accepter l’ouverture et le
déséquilibre vers l’autre.

22
LABAN ,Rudolf 1879-1958 danseur, chorégraphe, pédagogue et théoricien de la danse hongrois.

32
Cette danse est inspirée de ce que Rudolf Laban appelle la « kinesphère » : « Kinesphère
c‟est le volume sphérique imaginaire qui entoure le corps, et dont l‟étendue se limite à la
portée maximale des membres, sans que la personne ne change de place. On utilise
habituellement ce terme afin de démarquer l‟espace individuel du mouvement, de l‟espace
général alentour dans lequel l‟action et le déplacement prennent place. Laban qualifie de
plusieurs manières le mouvement au sein du volume de la Kinesphère ; il peut être
- « postural », lorsqu‟il se déploie dans l‟ensemble du corps, d‟une manière
conséquente, et qu‟il accentue et souligne l‟espace autour de la personne
immobile,
- « périphérique », lorsqu‟il est initié par les extrémités du corps et qu‟il
survient dans les limites externes de la kinesphère individuelle,
- « central », lorsqu‟il est initié depuis le centre du corps ou lorsqu‟il passe
par lui,
- « transversal », lorsqu‟il passe entre le centre du corps et la périphérie de
la Kinesphère.» 23.

Schémas de la Kinesphère
Du grec kinêma « mouvement » et graphein « écrire ».

23
BRUN , Dominique, Le Faune – un film ou la fabrique de l‟archive © ,Ligne de Sorcière 2007 – © CNDP 2007/Tous
droits réservés. Limitation à l'usage non commercial, privé ou scolaire, source internet. Dossier Laban
Anne Collod, Jacqueline Challet-Haas et Dominique Brun, université Lilles

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 Les Objectifs de la danse à travers la Kinesphère:

 Prendre du plaisir à bouger au gré de ses sensations internes.


 Découvrir une expression ludique.
 S’étirer à travers une gestuelle.
 Déployer son corps en vue d’explorer l’espace autour de soi.
 S’exprimer à travers un espace dynamique.
 Prendre conscience de la kinesphère.
 Déployer une liberté de mouvement.
 Investir un espace autour de soi pour explorer l’extension du corps.
 Elaborer une gestuelle diverse et variée à travers une dynamique spatiale.
 Ressentir le positionnement de son corps dans l’espace.
 Explorer son potentiel d’action.
 Etre en contact avec l’autre.
 Installer une écoute dans la relation à travers la gestuelle de l’autre.
 Trouver une liberté d’expression à travers l’exploration spatiale.
 Trouver le plaisir de se mouvoir sur une musique.
 Rencontrer une diversité dans les modalités de bouger.

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Observations : la danse à travers la Kinesphère:

J’ai fait le choix pédagogique de leur expliquer la notion d’espace autour de soi à
travers le terme de la « kinesphère » avec l’appui d’un livre24 ce qui a permis de donner des
représentations visuelles de ce qu’est cet espace personnel. Ils ont été très attentifs et
intéressés par ce support théorique.
Sur l’ensemble des ateliers, pour pouvoir les amener à déployer leur mouvement, j’ai
utilisé plusieurs variantes et toujours de manière ludique. Par moment, j’arrête la musique
pour qu’ils s’immobilisent dans une posture aléatoire. Une autre fois je leur propose un jeu,
celui du « dialogue »,dans lequel il s’agit de se mouvoir à tour de rôle, avec pour consigne
« quand l‟autre s „arrête, je bouge ». Je leur propose de commencer par un bras et de se
laisser guider par l’orientation du bras dans toutes les directions en impliquant le dos.
Ensuite de tester avec l’autre bras puis les deux. En outre je leur propose de faire la même
exploration en gardant les yeux fermés.
Dans un second temps, je leur propose de se lever grâce au mouvement des bras et
j’enlève les tabourets pour laisser la place à un déplacement libre. Nous abordons le
contact au sol , puis un jeu dansé qui consiste à aller explorer des gestuelles au sol, de les
alterner avec des mouvements debout, avec comme consigne de se mouvoir pendant 8
temps et de s’immobiliser pendant 4 temps, et ce, au gré de la musique . Et enfin
progressivement il s’agit de rencontrer l’autre pour imbriquer les danses. Au fur et à
mesure des ateliers je constate des changements dans leur manière de se mouvoir, ils osent
aller plus loin. Une recherche d’un propre mouvement s’installe. Une personne se met à
faire un grand écart entre ses deux pieds et une autre personne l’imite et elles restent
ensemble un petit instant les jambes à l’écart. Une autre personne qui explore vers le bas
dit « tant que je peux toucher le sol avec mes mains et avec la tête en bas c‟est que je suis
encore en bonne santé ». Au sixième atelier, les personnes ont un rapport à l’espace plus
étendu. Chaque mouvement jaillit du corps des uns et des autres, chacun se concentre,
s’applique à réaliser des successions de positions spatiales. Dans la danse improvisée des
couples dansants se forment. On passe du temps à regarder ce que font les autres. Ce
moment est très intéressant car nous passons un bon moment de joie. En effet des rires se
déclenchent non pas pour se moquer mais bien parce qu’il y a une surprise de voir l’autre
autrement, « c‟est joli » dit une personne . La personne qui a une paralysie du bras droit
fait des grimaces de douleurs au moment de l’exploration spatiale car elle a du mal à

24
LABAN , Rudolf, « Espace dynamique, textes inédits, Choreutique, vision de l‟espace dynamique »,Bruxelles,
Nouvelles de danse, Contredanse, traduit par Elisabeth Schartz,2003, 302 pages.

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l’orienter. Je vais l’aider en lui tenant la main pour la soutenir dans son action, elle grimace
encore mais donne l’impression de vouloir continuer l’expérience. Cette même personne
au cours de cette exploration esquisse toujours des pas de danse Hip Hop. C’est à partir de
la danse à travers la « kinesphère » que j’ai pu prendre des photos des personnes. Neuf ont
participé à ce projet avec beaucoup d’intérêt. Pour chaque personne j’ai fait un montage à
partir de postures de sorte à donner à voir d’eux un portrait en mouvement. Le choix des
postures s’est fait pour pouvoir les inspirer plus tard au cours de la réalisation de leur
statuette en fil de fer. Je leur est également remis un cd-rom gravé avec tous leurs clichés.
C’était intéressant d’avoir pu faire cet atelier photo car cela a permis de donner un autre
regard sur la personne. C’est une image qui offre la possibilité d’être perçu autrement car
les postures représentent généralement des attitudes inhabituelles. Elles valorisent et
permettent de se rendre compte du côté expressif de la personne. Les positions sont des
moments qui mettent en avant leur capacités d’équilibre, de souplesse, d’expression et de
dynamisme.

d) Le Qi Gong :
En troisième lieu, j’aborde le Qi Gong par l’apprentissage d’un enchaînement de
mouvement. A travers les enchaînements, c’est une autre dynamique de groupe qui se
réalise. Chacun est à la fois dans la préoccupation de mémorisation, de coordination et de
réalisation collective. Un enchaînement permet d’aborder une continuité dans le geste et
met la personne en situation d’effort de concentration. Le Qi Gong est une pratique
chinoise traditionnelle qui allie respiration, concentration et mouvement lent. Il est chargé
de représentations symboliques et poétiques ce qui permet d’aborder le mouvement par
l’imaginaire. L’imaginaire est aussi un autre support pour développer un potentiel d’action.
Le Qi Gong (tchi gong) est une pratique ancestrale apparentée à la médecine
traditionnelle chinoise. Il se divise en deux branches principales le Qi Gong médical et le
Qi Gong martial. Le mot Qi signifie habituellement Energie, mais il peut être aussi traduit
en rapport avec l’idéogramme qui représente la vapeur d’eau qui monte au dessus du riz et
symbolisant ainsi le Souffle. « Pour de nombreuses autres raisons, on peut dire que le Qi
s‟apparente au Pneuma des Grecs et à l‟Anima des latins »25 . Le mot Gong peut être
traduit par travail, méthode, exercice. Qi Gong se traduit par « travail sur l’énergie ».
« Au XVIII ième siècle le Père Amiot26 a longtemps été invité par l‟empereur Qian
Long qui le fit instruire dans les voies du Qi Gong par ses propres maîtres ».27 Une

25
Dr ANGLES, Michel, Dr DARAKCHAN, Siavoch, Pr ZHU Mian Sheng,« Souffle et énergie, le Qi Gong » , Rodez,
Du Rouergue,2007, p.25
26
Le Père Amiot 1718-1794 , Jésuite, missionnaire en Chine

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anecdote raconte qu’il aurait écrit à son retour en France de nombreux ouvrages avec des
dessins et explications sur les bienfaits thérapeutiques mais personne n’a porté d’intérêt,
sauf un Suédois Pehr Henrik Ling28 qui utilisa les œuvres pour créer la gymnastique
Suédoise, ancêtre de notre gymnastique moderne.
Le Qi Gong est une discipline de santé. Les exercices Qi Gong sont considérés
comme une voie efficace qui permet d’accroître les capacités physiques, de préserver la
santé, de restaurer l’équilibre.
Les enchaînements Qi Gong sont très nombreux et se transmettent au fil des siècles, de
génération en génération et sont répandus dans le monde . Les exercices sont fondés sur
une symbolique, une poésie, une gestuelle lente et douce. La respiration naturelle, la
concentration, maintiennent une mobilité corporelle et apporte ainsi un état de mieux-être
global. Le fait de pratiquer une gestuelle lente et douce agit sur le plan profond du corps.
En effet l’exécution de micros mouvements au niveau de la colonne vertébrale, des bras,
des jambes vont solliciter la chaîne des muscles profonds nécessaire au maintien de
l’équilibre.

27
Dr ANGLES, Michel, Dr DARAKCHAN, Siavoch, Pr ZHU Mian Sheng,« Souffle et énergie, le Qi Gong » , Rodez,
Du Rouergue,2007, p.20
28
Pehr Henrik Ling 1776-1839 pédagogue Suédois fondateur de la gymnastique Suédoise

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 Les Objectifs du Qi Gong

 Aborder une coordination du mouvement.


 Donner une aisance articulaire
 Mémoriser un mouvement.
 Mobiliser les bras sans contracter les épaules.
 Travailler sur équilibre.
 Trouver une écoute commune à travers un mouvement.
 Expérimenter une gestuelle douce, lente et profonde.
 Apprendre un enchaînement.
 Développer l’écoute à travers un mouvement commun pour découvrir l’unisson.
 Arriver à visualiser un mouvement d’ensemble par le regard périphérique.
 Travailler la concentration.
 Rentrer dans les détails de coordination d’un mouvement.
 Découvrir un rapport poétique au mouvement.
 Rencontrer le moindre effort à travers une pratique douce.

38
Observations : Qi Gong

J’ai abordé le Qi Gong de différentes manières soit par le biais d’une exploration
des mouvements de base pour amener à la création de danses improvisées, soit de manière
plus académique par le biais d’un apprentissage des enchaînements fondamentaux pour
aborder la mémorisation. Mais je l’ai introduit à partir du troisième atelier car au
démarrage du projet je n’étais pas sûr que cette pratique intéresse les personnes. En fait
elles ont été curieuses dans un premier temps et ont pris du plaisir au fur et à mesure des
ateliers. Je me suis aperçue de leur soif de découvrir et de connaître d’autres cultures de
pratiques du mouvements. Comme le Qi Gong nécessite de trouver un calme intérieur cela
a été l’occasion pour une personne de nous révéler ses savoirs sur le Yoga, elle nous a
montré diverses postures méditatives.

Entre le troisième atelier et le douzième atelier nous avons abordé quatre


mouvements tirés du Ba Duan Jin , qui comprend 8 mouvements dont chacun, d’après la
culture de la médecine chinoise, est relié à une fonction organique. Ce qui m’intéresse
aussi en tant que danseuse et professeure de danse, c’est qu’ils sont simples, lents et doux.
En outre, la pratique du Qi Gong n’exige pas la compréhension immédiate d’une forme
mais celle d’une posture globale. Il existe une cohérence entre la posture codifiée et le titre
du mouvement. Les images données par le titre des mouvements sont en lien avec la
gestuelle proposée. Cela permet à des personnes qui n’ont jamais fait de pratique
corporelle d’accéder facilement à son apprentissage. Par exemple dans « l’écume de la
mer », les mouvements de bras signifient le va et vient des vagues sur la plage. La
mémorisation étant rapide cela permet aussi à une personne qui se sent incapable de
ressentir un sentiment de réussite et de satisfaction personnelle, « je ne pensais pas que je
pouvais y arriver moi qui ne suis pas souple » dit une personne.

Au dixième atelier les personnes enchaînent les 4 mouvements (« Prendre appui au


ciel » Séparer le ciel et la terre », « Viser un aigle au loin », « Regarder en arrière ») et
chacune s’applique à coordonner sa gestuelle. J’aborde le placement du bassin en parlant
du centre de gravité. Je passe auprès de chacun pour expliquer et faire ressentir cette notion
qui n’est pas évidente à percevoir. Quand le centre de gravité est bien placé le haut du
corps trouve une aisance et n’entraîne pas le bassin en torsion. Une personne qui avait des
problèmes d’équilibre me dit qu’elle se sent plus stable sur ses pieds et elle sent une
puissance dans ses jambes. Une autre personne passe outre sa paralysie pour tenter de
réaliser cette coordination, elle a aussi gagné en amplitude.

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Souvent les personnes parlent de la chaleur qu’elles sentent dans tout leur corps.
J’ai constaté leur plaisir à ressentir cette sensation de chaleur pas trop étouffante. En effet
le Qi Gong procure une sensation tempérée du corps. Les mouvements sont toujours dans
une dynamique d’extension. Il s’agit d’étirer un mouvement de manière à ressentir une
élasticité articulaire pour ne jamais verrouiller, bloquer les articulations. La lenteur permet
de prendre conscience de chaque étape du mouvement dans l’espace ce qui donne accès à
une amplitude. Le plus difficile à été de les faire rentrer dans la lenteur du mouvement car
cela demande un effort de concentration. Ce n’est qu’à partir du septième atelier qu’elles
sont arrivées à ressentir cette sensation d’apaisement pour réaliser cette lenteur et surtout
ce qui semble les avoir aidé, c’est quand elles sont parvenues à une meilleure
mémorisation et une perception de l’unisson avec le groupe.

Au bout du onzième atelier je me suis rendue compte que sur une heure on passait
plus de temps à danser et comme je ne voulais pas abandonner la pratique du Qi Gong j’ai
amené un mouvement plus court (« l’écume de la mer »)et abandonné les quatre
mouvements du Ba Duan Jin.

Conclusion :

Les cinq premiers ateliers ont permis de prendre connaissance des personnes et de
me faire connaître auprès d’elle mais surtout d’installer une confiance mutuelle. En
moyenne sur l’ensemble des 18 ateliers concernés par mon mémoire, la présence varie de 3
à 8 personnes. J’ai constaté que l’assiduité des personnes dépendaient en partie de leur
motivation mais aussi de leurs contraintes sociales et médicales. Souvent les jeudis après-
midi, les personnes avaient des rendez-vous à Pôle Emploi, chez le médecin, le
kinésithérapeute. Il arrivait aussi que certaines personnes ne viennent pas pendant
longtemps car elles suivaient soit des stages, faisaient soit du bénévolat soit avaient des
périodes d’embauche ou de longues hospitalisations. Par contre, sur l’ensemble des
personnes qui ont participé, on peut dire que les ateliers ont concerné en tout 12 personnes.
Quand c’était possible, il est arrivé qu’une personne motivée pour participer à l’atelier
demande à faire déplacer avec l’aide de l’éducateur référant, son temps de bénévolat sur un
autre créneau horaire que celui du jeudi.

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Les ateliers ont révélés des potentialités chez les personnes :

 Une personne qui n’était pas venu depuis longtemps se surprend entrain de faire
des mouvements qui marque une certaine souplesse : « je me souviens au début de
l‟année j‟avais du mal à aller au sol, aujourd‟hui ça va mieux, j‟ai moins mal
qu‟avant », en effet elle exécute des séries de postures originales et qui lui donne
une grâce.
 Une personne qui pensait ne pas avoir d’équilibre, se surprend au bout du
quatrième atelier à tenir sur une jambe, me dit qu’elle se sent plus stable sur ses
pieds et qu’elle sent une puissance dans ses jambes.
 Une personne qui a des tremblements permanents à cause d’une paralysie retrouve
des pas de danse Hip Hop.
 Une personne d’origine Africaine se souvient de danse traditionnelle, elle montre
un bref extrait de celle qui ritualise les ablutions.

Pour étayer l’idée que les ateliers permettraient de révéler des potentialités, je vais
développer à partir d’observations faites sur 20 ateliers , comment une personne, la plus
assidue, est passée d’un état refermé à un état d’ouverture ?

La personne P. a intégré l’activité à partir du septième atelier de l’année. A son


premier atelier, elle paraît très réservée et aux premiers abord ne semble pas vouloir
communiquer avec moi car je lui parle et elle ne me répond pas. Je l’invite à venir nous
rejoindre dans la salle, elle s’assoie sur un tabouret contre le mur. Elle ne veut pas venir
avec nous, puis une fois qu’on est tous disposés en cercle, tout le monde l’appelle et elle
finit par se joindre à nous. J’ai l’impression qu’elle n’est pas intéressée par l’activité. En
faisant le « Cobra » je constate qu’elle est très souple, son dos est complètement parallèle
au sol et très allongé. Mais pour cette première séance elle doit partir plus tôt car elle a un
rendez-vous médical.

A son second atelier, elle participe au mouvement mais ne parle pas et n’échange pas
avec les autres. Elle traîne les pieds pour s’installer. A son troisième atelier, elle arrive
tard au moment du Qi Gong. Elle se glisse très discrètement sans perturber le groupe, et je
constate qu’elle a une capacité à s’intégrer très facilement dans un mouvement. Elle
« capte » le sens de la gestuelle de manière très spontanée. Elle arrive souvent en retard et

41
une fois, elle est arrivée en mangeant quelque chose. Une autre personne présente lui dit
que cela ne se fait pas, alors elle sort et revient une fois qu’elle a fini son gâteau. Ma
posture face à son attitude est sans jugement, je la laisse comprendre par elle même nos
codes sociaux. Pendant ses quatre premiers ateliers P. reste très réservée, repliée sur elle
même, arrive toujours en traînant ses pieds, sa démarche montre une lassitude, une fatigue
lourde et pesante. J’ai l’impression qu’elle se force à venir. Je constate aussi qu’à travers
ses tenues vestimentaires elle cherche à cacher son corps, ses habits sont amples et de
couleurs ternes.
Dès qu’on a commencé à faire les ateliers avec plus de danse et surtout au moment du
projet photo je remarque que P. se fait belle, prend soin de son image. Elle n’arrive plus en
retard, et s’implique de plus en plus dans les ateliers de telle sorte qu’elle n’a jamais
manqué une seule fois. A partir de son 7ième atelier, elle a commencé à dire ce qu’elle
ressentait, pour elle le mouvement c’est la santé, et souvent en fin d’atelier elle dit qu’elle
se sent légère et que l’atelier lui fait oublier ses problèmes. Elle n’a plus la même
démarche, ses tenues sont colorées et la mettent en valeur. Au bout du 20ième atelier elle
s’exprime ouvertement et parfois en fin d’atelier elle s’étire au sol toute seule.
Par sa présence P. est devenue un des piliers de l’atelier.

Afin de situer en quoi les ateliers « mieux-être » contribuent à la prise en charge globale
de cette personne, j’ai demandé l’avis du médecin :

Retranscription d’un extrait de l’entretien avec le médecin concernant P. :

« …Cécile . C‟est vrai que P. est arrivée en cours d‟année, à partir du septième atelier,
je l‟ai vu se transformer, de part son attitude, sa tenue vestimentaire, dans sa façon d‟être,
d‟échanger, de l‟ouverture qu‟elle a eue.

Médecin : il a joué tout un ensemble de points pour la personne P qui est très positif. Moi
je la connaissais des « Lits Haltes Soin Santé », elle était dans une extrême précarité, et
elle était très mal sur le plan psychologique. Tout d‟abord le fait qu‟elle ait eu une
chambre à elle dans un premier temps puis un appartement dans un second temps l‟a
mise en sécurité et lui a permi de se poser. Même le médecin qui la suit sur le plan
hospitalier m‟a demandé ce qu‟on lui avait fait (rires).

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Cécile : j‟ai vraiment vu les effets de l‟accueil de la structure, quand elle est arrivée j‟ai vu
qu‟elle était en grande précarité, elle avait des habits troués, elle était repliée sur elle (je
montre la posture au médecin : jambes croisées avec les mains coincées entre les cuisses,
le dos courbé, le regard de côté, et la tête baissée.)

Médecin : oui, repliée

Cécile : au premier atelier elle était contre le mur comme ça, après elle est venue, elle a
commencé à participer.

Médecin : l‟atelier a dû lui faire énormément de bien.

Cécile : je voyais une lassitude, une lourdeur qui lui pesait en plus de sa maladie que je ne
connais pas.

Médecin : malheureusement rien ne pourra changer pour elle, ce n‟est pas qu‟une
question d‟état de santé, c‟est typiquement que si elle va bien, c‟est son moral.

Cécile : au début elle venait en retard ,une fois elle a commencé l‟atelier en grignotant un
gâteau. C‟était plus au niveau des codes sociaux qu‟elle avait du mal à identifier mais
d‟après moi elle s‟est vite intégrée dans le cadre des ateliers. Aussi ce qui me surprenait
chez elle, sont ses capacités physiques , elle est très souple et elle a une capacité à
apprendre les gestuelles de manière très spontanée. Quand elle arrivait en retard elle se
glissait dans l‟atelier et elle faisait les mouvements comme si elle les avait toujours fait.
J‟ai valorisé chez elle ce côté là je n‟ai pas pointé du doigt ni son retard ni sur les codes
sociaux. Je l‟ai plus valorisée en la prenant comme exemple dans certain exercice de
l‟allongement du dos.

Médecin : certainement cela l‟a beaucoup aidé compte tenu qu‟elle a énormément de
dysfonctionnement au niveau de son intégration, on est obligé de revenir très souvent
dessus. Les horaires elle ne sait pas s‟y tenir. Elle va bientôt commencer un travail, on ne
sait pas comment cela va se passer, ni si elle va tenir le coup physiquement, et ni si elle va
arriver à s‟astreindre à des horaires.

43
Cécile : je vois qu‟elle a des capacités physiques. Elle s‟est beaucoup éprouvée dans les
ateliers. Elle est très souple, elle a un savoir sur le corps, sûrement de part sa culture. Des
fois elle s‟assouplie toute seule, elle se met en bien être toute seule. Elle connaît des
techniques de massages. Cet atelier a révélé ses connaissances.

Médecin : alors là elle n‟était plus du tout en état d‟échec alors qu‟ici sur un plan
professionnel ou sur un plan social elle est plutôt en échec, car il y a une telle distance
entre ce qu‟on lui propose et ce qu‟elle est en capacité de faire. C‟est vrai c‟est très
précieux ce que vous me dites là pour l‟intégration d‟un groupe concernant P.

Cécile : Et donc elle était assidue dès son premier atelier jusqu‟à maintenant alors qu‟au
départ elle ne me paraissait vraiment pas motivée. Je pensais qu‟elle allait laisser tomber
et puis non, elle fait partie des piliers de l‟atelier. Souvent en fin d‟atelier elle dit qu‟elle se
sent légère, que ça lui fait du bien parce qu‟elle oublie ses problèmes. Le mouvement pour
elle est lié à la santé , c‟est un mot qui revient chez elle très souvent.

Médecin : elle est très préoccupée par son état de santé

Conclusion :
Les ateliers ont favorisé son intégration dans la structure, ce qui est un premier pas
et un appui pour l’accès à son autonomisation. Ils ont été un espace de valorisation de ses
capacités, ce qui contribue à la construction d’un sentiment de réussite nécessaire pour
renforcer son moral. Les ateliers ont donné d’autres observations à l’équipe médicale et
éducative concernant cette personne, ce qui a favorisé sa prise en charge globale.
A travers la sensation de légèreté, P. a ressenti et exprimé un « mieux-être ».

A partir de cette évaluation, je souhaite donner un regard théorique sur la pratique


afin de donner des pistes de réflexions sur la notion de « mieux-être ». Quels outils
théoriques donner pour étayer l’hypothèse que les ateliers de pratiques du mouvements
contribuent à un mieux-être global ? Qu’apporte ou permet la sensation de mieux-être à
une personne malade et en situation de précarité, sur le plan social, personnel et médical ?

44
Seconde partie

Un regard théorique sur la pratique

45
A) Une hypothèse : La notion de mieux-être est apparentée à la
restauration d’une confiance en soi.

« Etre bien dans sa peau » est un facteur essentiel pour les personnes qui ont
participé à l’atelier. En effet elles ressentent un mal être lié à leur maladie et à leur
situation de précarité: trouble du sommeil et de la digestion, douleurs éparses et lancinantes
dans le corps, difficulté à faire des efforts, perception de soi dévalorisante.
Elles sont dans un état psychologique complexe, à la fois dans le besoin de ressentir un
corps moins souffrant et à la fois dans l’incapacité à trouver des solutions pour moins
souffrir.
Suivant les pathologies des personnes, en exprimant leur souhait soit de perdre du
poids ou soit d’en prendre, elles expriment leur désir de retrouver un bien être intérieur.
En outre, accablées par leurs problèmes sociaux, être mieux dans leur corps est devenu
une quête presque impossible. En accueillant mon projet la structure a voulu leur offrir la
possibilité d’accéder à un espace de « mieux-être » .
j’ai choisi d’intituler mes ateliers « Mieux-être » et me suis interrogée sur le lien
entre mouvement et bien-être. De ce fait, une hypothèse est apparue : un atelier de pratique
du mouvement peut aider des personnes en situation de précarité, atteintes de maladies
graves et invalidantes, à restaurer la confiance en soi et ainsi contribuer à l’amélioration
d’un mieux être corporel et moral.
Dans un premier temps j’ai cherché sur quelle théorie m’appuyer pour définir ma vision
« du mieux-être ». Je l’ai trouvé à travers l’ouvrage « le Moi-peau »* de Didier Anzieu29.
J’ai recensé un certain nombre de points développés par l’auteur susceptibles de m’ouvrir
vers une réflexion sur cette hypothèse :
La confiance en soi est liée à la dimension de croire en soi, elle est nécessaire pour habiter
sa vie et à travers des ateliers de pratiques du mouvement elle peut devenir une expérience
corporelle. Dans une pratique du mouvement il existe des étapes où il est possible de
réussir un ensemble de gestes en surpassant la crainte du déséquilibre, en réussissant une
coordination complexe et en valorisant une capacité d’agir avec un plaisir ressenti. Ce
surpassement, cette réussite, cette valorisation ouvre des chemins possibles pour parvenir
à l’expression et à la restauration d’une confiance en soi.

29
Didier Anzieu 1923-1999, Célèbre Psychanalyste français

46
« La croyance est une nécessité humaine vitale. On ne peut pas vivre sans croire
qu‟on vit. On ne peut pas percevoir le monde extérieur sans croire à sa réalité. On n‟est
pas une personne si on ne croit pas à l‟identité et à la continuité de soi. On ne se trouve
pas en état de vigilance sans croire qu‟on est éveillé. Naturellement ces croyances, qui ont
pour résultat de nous faire adhérer à notre être et de nous permettre d‟habiter notre vie,
ne sont pas des savoirs »30.
A partir de cette notion de croyance décrite par Didier Anzieu, je rajouterai que
cette croyance est liée à une expérience dans le sens d’une pratique de la vie. Cette
croyance se bâtit au fil des années, elle est constamment éprouvée par le doute et le
manque d’espoir en soi. Elle est étroitement liée à la notion de confiance en la vie et en son
environnement. On peut supposer qu’une personne atteinte d’une maladie grave peut ne
plus compter sur cette croyance et ainsi perdre goût à la vie. Son Moi-peau est altéré à la
fois sur le plan corporel et psychique, l’un et l’autre étant interdépendant.
Cette perte de confiance en soi peut affaiblir moralement la personne malade de
sorte à ce qu’elle ne se sente mal dans sa peau et de ce fait déclencher à la fois une baisse
de vitalité du système immunitaire, un manque de croyance en soi et amener à une perte d’
estime de soi.
« L‟être humain qui possède ces croyances a bien sûr à les mettre en doute. Mais
qui le ne les possède pas doit les acquérir pour se sentir être et bien–être ». « Cette
croyance, qui fonde le premier plaisir de vivre, obéit au principe de plaisir »31.
D’après Didier Anzieu toutes les vicissitudes de la vie engendre un clivage entre le
psychique et le somatique*, et ce clivage permet à la personne de se protéger des
agressions extérieures, il s’agit de sacrifier l’un pour sauvegarder l’autre.
Dans les ateliers de pratique du mouvement il est abordé un ensemble de
mouvements à travers une dynamique ludique qui permet d’explorer des sensations
nouvelles ou oubliées. Dans tous les cas c’est une découverte qui est reliée au plaisir de se
mouvoir. La personne n’est plus contrainte par un corps douloureux et un moral souffrant
mais au sein de l’atelier elle peut se réapproprier une unicité qui peut être un premier pas
vers un accès à une confiance et croyance en soi. Cette toile de fond amènerait à vivre vers
un mieux-être.

Dans mes ateliers je dois tenir compte des douleurs des usagers et en référence à
Didier Anzieu j’ai conscience que la douleur envahit des espaces intimes de la personne

30
ANZIEU , Didier, « Le Moi-peau », Paris, Dunod, 1995, p. 156/157
31
ANZIEU , Didier, « Le Moi-peau », Paris, Dunod, 1995, p.156/157

47
jusqu’à l’empêcher de ressentir du plaisir, du désir existentiel. Sous l’emprise de la douleur
la personne ne peut plus penser sa vie et ainsi douter profondément. « Une douleur intense
et durable désorganise l‟appareil psychique, menace l‟intégration du psychisme dans le
corps, affecte la capacité de désirer et l‟activité de penser »32. D’après lui la douleur est
une menace qui détruit « le Moi peau, c‟est à dire l‟écart entre sa face interne et sa face
externe »33. Dans l’atelier de pratique du mouvement, la partie dansée improvisée à partir
du jeu de la kinesphère plonge les personnes dans un désir de faire, d’explorer des
combinaisons corporelles qui les conduisent à s’exprimer librement. Même une personne
qui en début d’atelier manifeste des douleurs perceptibles à travers les crispations de son
visage, finit par danser sans souffrance.
L’atelier permet aux personnes de se rendre compte qu’il existe différentes
intentions de bouger et que ces modalités d’intentions ouvrent vers des champs de
possibles. La douleur est dépassée et est remplacé par un mieux-être. La notion de mieux-
être serait une sensation intérieure sécurisante « le bien-être d‟avoir un Moi peau d‟une
part en extension, d‟autre part lui appartenant en propre, ravive l‟impression d‟une
enveloppe de chaleur »34. On pourrait aussi nommer cette chaleur l’énergie qui nous anime
d’un désir permanent de rester en vie et de « garder l‟espoir en la possibilité de
guérison »35.
L’enveloppe de chaleur dite tempérée sécurise la personne sur le plan psychique.
La sensation d’une chaleur douce et diffuse générée par une pratique , telle que le Qi Gong,
les auto massages, peut aider les personnes malades, souvent très faibles physiquement, à
retrouver du plaisir dans leurs mouvements. L’effort physique est supportable par une
personne fragile et donc pourrait apporter un mieux-être global.
Les personnes, par le biais d’une pratique axée sur le mouvement, regagneraient
une aisance corporelle qui est vitale pour maintenir leurs capacités d’agir. La joie et le
plaisir retrouvés à partir de l’exploration de leurs capacités pourraient les aider à mieux
vivre avec la maladie et à surmonter leurs épreuves. L’accès à cette possibilité de retrouver
un mieux-être par le maintien, une redécouverte ou un élargissement de leurs capacités
contribuerait à la restauration d’une confiance en soi tout en réactivant leur croyance en la
vie.

32
ANZIEU , Didier, « Le Moi-peau », Paris, Dunod, 1995,p. 228
33
ANZIEU , Didier, « Le Moi-peau », Paris, Dunod, 1995,p. 228
34
ANZIEU , Didier, « Le Moi-peau », Paris, Dunod, 1995, p. 199/200
35
ANZIEU , Didier, « Le Moi-peau », Paris, Dunod, 1995, p.228

48
B) Un regard théorique sur ma pratique.

Pour trouver un regard théorique sur ma pratique, j’ai choisi de me servir d’un
questionnement que j’ai appliqué à la fois envers les personnes et envers moi-même.

À la fin de chaque atelier, entre le 11ième et le 15ième après le temps consacré à un retour sur
soi-même au travers des exercices de détente au sol, je leur ai posé une question pour leur
faire verbaliser leurs ressentis. D’après moi mettre des mots sur un vécu peut contribuer à
la prise de conscience du mieux-être recherché. C’est un moyen également de connaître
leurs représentations pour prendre mieux en considération leurs pensées et leurs ressentis.
C’est aussi une façon de clôturer l’atelier dans l’objectif qu’ils puissent intégrer leur vécu.
Ce questionnement a été à la fois un moyen et un exercice possible pour me déplacer vers
d’autres axes de réflexions afin d’acquérir de nouveaux savoirs et ainsi nourrir ma pratique
professionnelle.

Les questions portaient sur qu’est-ce que le bien-être, l’équilibre, l’espace, l’énergie,
et le corps.

J’ai tenté à partir de chacune de ces questions de trouver des connexions entre le
contenu de la pratique et la richesse des apports théoriques. Suivant les questions, je n’ai
pas, sciemment, tout abordé ou tout analysé en profondeur car cela reste, encore à ce jour
une amorce pour établir une ensemble d’outils théoriques afin de cheminer au cœur de ma
pratique.
Les notions de bien-être, d’équilibre, d’espace, d’énergie, et de corps sont présents dans
ma pratique. J’ai voulu savoir au travers des représentations des personnes en quoi mes
ateliers pouvaient y répondre.

49
 « Qu’est-ce que pour vous le bien être ? » :

Pour traiter cette notion de bien-être sur le plan de la théorie j’ai choisi d’approfondir trois
des neufs représentations données car ils interrogeaient ma pratique.

Les réponses :
 hypnotiser,
 le vide,
 la santé,
 être léger,
 le yoga,
 la souplesse,
 être avec ceux qu‟on aime,
 être bien dans sa peau,
 sentir que son corps nous appartient.

 Hypnotiser :
J’ai été étonnée de cette association bien-être et hypnose, pour comprendre j’ai
donc souhaiter d’approfondir ce rapprochement.

C’est un terme qui peut avoir plusieurs définitions suivant les personnes. Par exemple
dans le langage courant, sorti du contexte thérapeutique, il peut s’apparenter à un état de
concentration et de relaxation qui permet de ressentir de manière éveillée des émotions et
des sensations imaginaires, comme quand on est absorbé par un livre, un film qui nous
passionnent. Etant donné que la personne est captivée, fascinée par ce qu’elle fait elle est
comme en auto-hypnose. Le rapport au temps se modifie en donnant l’impression de ne
pas l’avoir senti passé, une sensation qui s’accompagne souvent d’avoir vécu un moment
agréable. C’est sur ce point de vue que les ateliers aurait un effet « hypnotique » car une
des personnes en fin de séance a dit « c‟est déjà fini, je n‟est pas vu le temps passé ».
L'hypnose est aujourd'hui un des outils du psychothérapeute. Depuis longtemps elle est
source de controverses, car elle est utilisée par la science, l’occultisme, le spectacle, la
thérapie. A la frontière entre le para normal et la science elle est employée soit comme un
moyen de manipulation ou soit comme un moyen de guérison.

50
C’est « un état modifié de conscience » qui ne s’apparente ni à la méditation ni à la
relaxation mais cependant elle fait partie des méthodes de relaxation comme la
sophrologie.
Sous l'étiquette "états modifiés de conscience" (EMC) on rassemble un certain nombre
d'expériences au cours desquelles le sujet a l'impression que le fonctionnement habituel de
sa conscience se dérègle et qu'il vit un autre rapport au monde, à lui-même, à son corps, à
son identité » 36.
L’hypnose est un moyen pour des psychologues, des psychanalystes d’aborder
angoisses, troubles névrotiques, arrêt du tabac, perte de poids, stress, énurésie, insomnie,
phobies, allergies, traumatismes, deuils, tocs (troubles obsessionnels compulsifs), timidité,
préparation mentale (chirurgie, sport, examens), résolution de conflit, apprentissages,
développement personnel, etc. Aussi certains praticiens, dentistes ou chirurgiens, l'utilisent
comme moyen d'anesthésie. Au cours de l’hypnose une dissociation s’opère entre la
conscience et l’inconscient, la personne rentre soit en catalepsie, amnésie, hypermnésie,
anesthésie ou en régression en âge. Dans le cadre psychanalytique elle fait revivre au
patient des émois refoulés, liés à des traumatismes, cette reviviscence pouvant amener la
disparition des symptômes.
Elle utilise des techniques d’inductions basées sur la respiration, la visualisation
suggérées verbalement par l’hypnotiseur à l’hypnotiser.
« L'hypnose offre tant au patient qu'au thérapeute un accès aisé à l'esprit
inconscient du patient. Elle permet de s'occuper directement de ces forces inconscientes
qui sont sous-jacentes aux perturbations de la personnalité, et elle autorise l'identification
de ces éléments de l'expérience de vie d'un individu qui ont de l'importance pour la
personnalité et auxquels on doit accorder toute l'attention requise si l'on souhaite obtenir
des résultats thérapeutiques. Seule l'hypnose peut donner un accès aisé, rapide et large à
l'inconscient, inconscient que l'histoire de la psychothérapie a montré être d'une telle
importance dans le traitement des désordres aigus de la personnalité. » 37
Dans les pratiques somatiques il existe cette notion de modification des états de
consciences mais elle n’est pas apparentée à l’état d’hypnose. Elle concerne un
cheminement dans la prise de conscience de l’interdépendance du corps et de l’esprit. Elle
s’exprime suivant la technique corporelle de praticiens somatiques en des termes
différents :

36
LAPASSADES, Georges, « Les états modifiés de la conscience », Paris, PUF, 1987
Georges Lapassades : 1924-2008, philosophe sociologue français
37
Définition donné par Milton Hyland Erickson,1901-1980 psychiatre et psychologue Américain.

51
La gymnastique holistique du Dr Ehrenfried38 qui est une pratique du corps dans sa
globalité destinée à améliorer le rendement corporel pour atteindre un équilibre de l’esprit.
Il s’agit d’« un nouveau mode de fonctionnement »39 qui demande à chaque élève de
prendre conscience de sa posture globale au moyen d’une perception profonde de son
corps sans l’intellectualiser et le morceler. Il parle de transformation, de modification de la
sensibilité motrice.

Pour Gerda Alexander40 « chaque changement de conscience agit sur l‟ensemble


des tensions. Toute perturbation modifie non seulement l‟état corporel, mais le
comportement et l‟état de conscience de la personne »41. Dans cette technique, l’Eutonie, il
est abordé un changement de l’état de tonicité de la personne, il va s’agir de trouver le
tonus harmonieux et équilibré de la personne afin qu’elle puisse mieux s’adapter aux
changements des situations de la vie.

42
Mathias Alexander propose à travers sa technique des « améliorations dans la
manière de s‟utiliser »43.D’après lui, chacun a un usage de soi même dépendant de sa
façon de se ressentir, et il est important d’accepter de modifier nos perceptions
sensorielles, qui ne sont pas tout le temps fiables, pour nous guider dans le bon usage de
soi-même.

Pour Moshe Feldenkrais 44 nos actions dépendent de l’image que nous nous faisons
de nous-même. Nous sommes structurés au cœur d’une éducation tripartite : l’éducation
héréditaire biologique, l’éducation culturelle, sociale et familiale, l’éducation personnelle
ou l’auto-éducation. Cette auto-éducation est « l‟aide à soi-même »45 que l’on s’accorde. Il
parle d’une modification de l’image de soi.

Dans le cadre des ateliers du mouvement les personnes sont amenées à se


concentrer sur leur corps et plus particulièrement sur son mouvement global. Je suggère

38
DR. EHRENFRIED, Dr Lily Ehrenfried(1896-1994). Fondatrice de la gymnastique Holistique
39
DR. EHRENFRIED, « La gymnastique holistique », Aubier, 1956
40
Gerda Alexander 1908-1994 fondatrice de l’Eutonie
41
ALEXANDER, Gerda, « Qu‟est-ce que l‟Eutonie », in L’Eutonie, un chemin de développement personnel par le corps,
Tchou, 1976, 1996
42
Mathias Alexander ,( 1869–1955), orateur Shakespearien qui a créé sa technique somatique
43
ALEXANDER, Mathias, « L‟usage de Soi »,introduction de John Dewey et 1er chapitre. traduction Eliane Lefèbre,
Contredanse, 1996
44
Moshe Feldenkrais , , (1904-1984). Fondateur de sa propre technique somatique.
45
FELDENKRAIS , Moshe, « la conscience du corps », introduction et 1er chapitre, Marabout, 1971

52
aux personnes d’aborder des mouvements simples, je les guide pour leur permettre de se
mouvoir sans crispations ni tensions et douleurs.
Pour ressentir les effets de la balle sous les pieds il est nécessaire d’être concentré
sur l’objet. Pour mobiliser la colonne dans le mouvement du Cobra il est essentiel d’aller
dans chaque partie de son corps pour avoir une sensation différente du dos. Ainsi s’opère
une modification de la verticalité de la personne. Par l’approche d’un mouvement détendu
je leur propose de penser autrement leur rapport au corps. Par un étayage de leur
perception je les conduis à un changement d’état de vie « tonico-motrice »46. Mais je ne
peux pas dire et affirmer qu’ils sont dans un état modifié de conscience apparenté à
l’hypnose.

Dans cet atelier il ne s’agit pas d’intervenir sur le plan thérapeutique de la personne
mais plutôt d’offrir un nouvel espace de ressenti aux personnes.
Ce qui importe, c’est le point de vue subjectif de l’expérience vécue en soi-même.
Les personnes sont amenées à vivre une modification de leur coordination posturale à
partir d’une attention disponible à l’instant présent. En prenant conscience du dialogue
entre le dedans et le dehors, il est proposé de découvrir un tonus à « l’économie ».
Le corps devient un agent fondamental de la connaissance de soi pour explorer son
univers intérieur. « Ce n‟est pas l‟esprit qui s‟inquiète et le corps qui se contracte, c‟est la
personne entière qui s‟exprime »47

 Le vide :

La notion de vide est une manière de percevoir et ressentir une certaine intériorité. Elle
est recherchée par certains qui souhaitent développer une spiritualité. Elle fait partie de la
pensée chinoise avec le symbole du yin et yang. Dans la philosophie Bouddhiste, elle
exprime la vacuité, notion complexe qui touche à l’interdépendance. C’est un état de
conscience aiguë qui prend en compte que tout être est une composante de la nature. A
partir de cet état de vide on peut être rempli. Souvent l’esprit vide de pensée fait naître les
idées.

Dans le langage courant, il est utilisé pour exprimer ce besoin de faire de la place à
notre intériorité. Arriver à faire le vide et trouver une certaine sérénité, laisser un calme

46
DROPSY, Jacques, « Vivre dans son corps », Paris, Epi, 1973, p.35
47
DROPSY, Jacques, « Vivre dans son corps », Paris, Epi, 1973, p.19

53
intérieur s’installer permet de mieux comprendre notre réalité et d’être à l’écoute du monde
extérieur.
Dans la pratique du Qi Gong il existe une posture intitulée Wu Ji (la vacuité absolue)
qui est le point de départ de tout mouvement. Cette posture de base permet d’être en état
d’éveil pour se préparer à la réalisation de l’enchaînement.
Dans les techniques du corps occidentales, la notion de vide pourrait correspondre au
pré-mouvement dont parle Hubert Godard : « Nous nommerons « pré-mouvement » cette
aptitude envers le poids, la gravité, qui existe déjà avant que nous bougions, dans le seul
fait d‟être debout, et qui va produire la charge expressive du mouvement que nous allons
exécuter. »48 .C’est le moment de préparation et de concentration qui amorce l’action
globale. De l’extérieur on perçoit une immobilité mais à l’intérieur il existe toute la mise à
feu du système proprioceptif et sensitif. Ce vide invisible, peut installer un état de détente
nécessaire pour réaliser un mouvement sans crispations et contraintes.

D’après Alain Berthoz49 « c‟est l‟action qui est l‟organisatrice de la perception »50. Si
mon action première est d’installer le vide pour laisser la place unique à l’intention de faire
un mouvement, je suis alors plus disponible pour percevoir et ressentir les effets du
mouvement.
Dans l’atelier nous abordons cet état de vide au début des enchaînements Qi Gong, dans le
travail de la posture du Cobra et avant de commencer les jeux dansés basés sur la
Kinesphère. En effet je leur demande d’amorcer leurs gestuelles en se concentrant sur la
conscience du trajet de leur mouvement dans l’espace. Ce calme, cette disponibilité à
l’activité motrice les aide à gagner en amplitude. L’une des personnes qui avait des
difficultés de stabilité commence à prendre du plaisir à expérimenter des postures de
déséquilibre, comme par exemple se tenir sur une jambe avec l’aide de l’appui d’une autre
personne.

48
GODARD, Hubert, texte :« Le geste et sa perception » tiré du livre p.224:
« La danse au XX ième siècle » GINOT , Isabelle, MICHEL, Marcelle, Librairie de la Danse,Bordas,1995, 264 pages.

49
Pr Alain Berthoz Professeur au Collège de France Chaire de physiologie de la perception et de l'action Membre de
l'Académie des sciences - Institut de France Président de l'Institut de Biologie du Collège de France Directeur du LPPA

50
BERTHOZ, Alain, interview avec Florence CORIN, « Vu du Corps, Lisa Nelson, Mouvement et perception »,
Bruxelles, Nouvelles de danse, Contredanse,2001, 248 pages

54
 Léger, la souplesse :

La légèreté et la souplesse sont deux axes fondamentaux dans les techniques du corps
comme la danse, les pratiques somatiques et les arts martiaux. Pour traiter de ces deux
notions je vais faire référence à la théorie de Rudolf Laban exposée dans son ouvrage51
« Espace dynamique ».

Dans la pratique corporelle que je propose la souplesse se définit comme un


« renforcement de la stabilisation posturale » (Hubert Godard). Tous les mouvements
proposés ne sont pas des étirements traditionnels pour obtenir un meilleur écartement
articulaire.
La souplesse est liée à la notion d’élasticité et la légèreté à la notion d’apesanteur : « le
mouvement implique de suivre des lois bien définissables : les lois de la gravité et de la
légèreté (ou les tendances centripètes et centrifuges).Ces deux tendances se confondent
avec le pouvoir d‟extension et de contraction de l‟espace ; en un mot l‟élasticité »52.
A travers la pratique de la Kinesphère, il s’agit pour chacun de trouver son extension
équilibrée sans aller chercher la douleur mais plutôt une ampleur. Une des personnes me
dit qu’elle a besoin de sentir la douleur pour faire un exercice sinon elle a l’impression de
ne rien ressentir. Une autre me dit qu’elle se sent mieux maintenant quand elle étend son
bras, elle a moins mal à l’épaule. Pour ces deux personnes l’expérience de l’amplitude du
geste les amènent à exprimer leurs sensations.
Pour aborder la notion de légèreté je leur propose de faire les mouvements en
changeant leur manière de faire, je leur donne comme image l’idée de la fluidité de l’eau.
Je leur propose de sentir leur mouvement comme si elles étaient soutenues.
Toutes les personnes sont étonnées par l’effet que cela procure, elles se sentent plus
harmonieuses. Une des personnes qui a des difficultés à respirer se sent moins fatiguée.
Toutes trouvent que c’est plus facile, elles ont ressenti et expérimenté le moindre effort.

51
LABAN , Rudolf, « Espace dynamique, textes inédits, Choreutique, vision de l‟espace dynamique »,Bruxelles,
Nouvelles de danse, Contredanse, traduit par Elisabeth Schartz,2003, p.62
52
LABAN , Rudolf, « Espace dynamique, textes inédits, Choreutique, vision de l‟espace dynamique »,Bruxelles

55
 « Qu’est-ce que pour vous l’équilibre ? »

Les réponses :
 « marcher sans avoir de vertige »,
 « manger sainement », « se sentir léger »,
 « c‟est la stabilité et la régularité »,
 « sentir son centre de gravité »,
 « la nutrition, le sommeil »,
 « se sentir bien dans sa peau »,
 « c‟est avoir de l‟attention ».

La notion d’équilibre est liée à la recherche du bien-être. Elle a plusieurs définitions et


représentations suivant les cultures, les techniques corporelles et les personnes. Elle est une
quête permanente car les épreuves de la vie ébranlent en permanence cet équilibre. Il existe
l’équilibre physique, psychique et l’interdépendance de ces deux équilibres.
La notion d’équilibre existe dans toutes les techniques du corps, elle fait partie des axes
de recherches fondamentales. Le mouvement crée l’équilibre et inversement. En fonction
des techniques corporelles elle est exprimée et abordée sous différents angles.
Pour les médecins, les diététiciens, l’équilibre est également très important pour le
maintien de la santé d’une personne malade.

Dans le cadre du bon fonctionnement d’une société il faut un équilibre économique.


On parle aussi d’un équilibre écologique pour sauvegarder les espèces animales, végétales
de la planète. Dans certaines pratiques sportives comme la gymnastique, et artistiques
comme la danse, le cirque, tenir en équilibre est un défi à l’apesanteur.

Le Docteur Ehrenfried, dans son chapitre «De l‟éducation du corps à l‟équilibre de


l‟esprit »,53 écrit un long passage sur la nécessité de prendre conscience du contact des
pieds au sol pour trouver une stabilité. Il s’interroge « a-t-on besoin de ses yeux pour être
en équilibre ? ». De manière empirique avec ses élèves il démontre « qu‟il est possible de
s‟orienter dans l‟espace sans l‟aide des yeux »54. Ce qui est intéressant dans cette
expérience faite dans les années 50, c’est que cette modification de la sensibilité motrice
apporte à l’élève une sensation de pieds existant. Dans le maintien de l’équilibre physique

53
Dr. Ehrenfried « La gymnastique holistique » Aubier 1958 p.65
54
Dr. Ehrenfried « La gymnastique holistique » Aubier 1958 p.66

56
et psychique « le corps humain est un tout non divisible, et nous ne devrons jamais oublier
de le considérer dans son ensemble ».55
« L‟élève « prend pied », il a « les pieds sur terre »56. Il expose toutes ses
expériences faites à partir de l’ensemble des parties du corps de bas en haut : les pieds, les
genoux et la forme des jambes, l’articulation iléo-fémorale, la ceinture pelvienne et
l’inclinaison du bassin, la colonne vertébrale et le ventre, la colonne vertébrale dorsale et la
cage thoracique, la colonne cervicale et le cou, le port de tête. Il en conclue que toutes ces
parties sont interdépendantes qu’en travaillant sur cet équilibre de l’interdépendance, on
peut contribuer à donner une stabilité globale de l’esprit, et aussi permettre aux organes
internes de mieux fonctionner.

A travers les ateliers de pratique du mouvement, nous bâtissons cet équilibre. A


partir de l’automassage de la balle nous stimulons les pieds. Dans le Cobra, nous abordons
la posture érigée en donnant un adossement au niveau de l’oreille interne. Au moyen de la
kinesphère, c’est l’orientation spatiale en lien avec le sens proprioceptif et le centre de
gravité qui le renforce. Par la danse improvisée et le Qi Gong c’est la relation à l’autre, la
coordination, le sens kinesthésique qui fortifie cet équilibre.
En fonction des définitions données par les usagers, je peux donner comme
hypothèse que les ateliers de pratique du mouvement peuvent contribuer à améliorer les
problèmes d’équilibres liés à une désorganisation posturale, à des troubles de concentration
et de stabilité, à des inhibitions de l’oreille interne, à une défaillance spatiale, à une perte
de contact au sol. La pratique permet une réorganisation de la personne, lui permet de
trouver un meilleur ancrage et de ce fait contribuer à son mieux-être.

 « Qu’est-ce que pour vous l’espace » ?:

Les réponses :
 « le vide »,
 « un lieu où l‟on fait tout ce qu‟on veut »,
 « c‟est le lieu pour faire du sport »,
 « un espace où on fait quelque chose, bouger, danser, chanter »,

55
Dr. Ehrenfried « La gymnastique holistique » Aubier 1958 p.65
56
« Dr. Ehrenfried La gymnastique holistique » Aubier 1958 p69

57
 « comme il n‟y a pas d‟espace dans ma chambre ma fille ne peut pas
jouer »,
 « si on fait du sport le corps devient léger et aussi dans ma tête »,
 « le corps c‟est tout ».

Je leur demande s‘ils pensent que dans le corps il y a de l’espace, ils répondent pour
manger, boire. La notion d’espace, au cœur d’une pratique du mouvement, permet une
autre approche dans la prise de conscience du corps. Celle-ci s’effectue par le vécu des
sensations que procurent la relation à l’espace. Ainsi l’espace permet l’action.

Les différentes intentions de perception de l’espace amènent à une stabilisation


profonde. A travers mes ateliers je m’appuie sur la notion d’espace intéroceptif et
extéroceptif, notions créés par le neurologue Sherrington 57, je les utilise comme moyen
d’appréhender le corps.

Par l’espace intéroceptif nous atteignons le travail des muscles profonds sans avoir
besoin de les sentir isolément. Par l’exploration du système viscéral, la tenue de la colonne
vertébrale change. L’axe s’érige par l’action des multifidis et on peut passer dans les
translations verticales sans fermer l’espace viscéral. Les organes étant suspendus par des
ligaments, le fait de rentrer dans une perception en introspection de ses viscères va à la fois
agir sur la détente tendineuse profonde et soutenir à la bonne place les fonctions
organiques. En outre l’approche viscérale est un moyen de mieux comprendre le système
neurovégétatif sympathique et parasympathique. Pour Hubert Godard il est conseillé de ne
pas séparer l’espace viscéral de l’espace squelettique car en référence au professeur
Gracovetsky58 la colonne vertébrale qui est le premier moteur dans la locomotion est aussi
important dans l’établissement d’une stabilisation posturale.

Dans l’espace intéroceptif c’est un regard intérieur qui conduit à la perception de


soi, dans l’espace extéroceptif c’est un regard extérieur qui perçoit le monde, ces deux
perceptions d’espaces en relation constante construisent notre rapport au monde.
En effet Charles Scott Sherrington parle d’un système nerveux somatique qui permet
d’assurer l’équilibre entre l’organisme et son milieu. Il a divisé trois rubriques de la
sensibilité somatique :

57
Sir Charles Scott Sherrington (1857.1952), Médecin, Scientifique qui a découvert les synapses
58
Gracovetsky, Professeur à l’université de Montréal Canada, fondateur de la théorie « the spinal moteur »

58
L‟extéroception : Vision, audition, toucher, odorat, goût, en anatomie les
extérocepteurs sont sensibles aux stimuli qui proviennent de l’extérieur, ils sont situé à la
surface du corps et à proximité.

La proprioception : sensibilité musculaire et tendineuse qui permet la connaissance


du mouvement et inclut le sens de l’équilibre, en anatomie les extérocepteurs réagissent
aux stimuli internes , présents dans les muscles, les ligaments, tissus conjonctifs recouvrant
les os.

L‟intéroception : ensemble des sensations viscérales : les intérocepteurs réagissent


aux stimuli internes situés au niveau des organes et des vaisseaux.
Ces trois rubriques sensorielles sont en perpétuel interaction. Gracovetsky parle du
moteur de la colonne vertébrale appelé dans sa théorie le « Spinal moteur » . Hubert
Godard s’appui sur cette théorie pour aborder dans l’étude des pathologies posturales
l’importance du maintien des courbes naturelles et du mouvement contro-latéral
intrinsèque à la colonne.
A partir de ces références l’édifice d’un schéma postural peut se faire dans le travail
de l’adossement comme un jeu constant à travers un espace corporel continu dans lequel il
est possible d’être en relation stable par la variation des modes de présences.
L’espace offre des potentiels d’actions. Plus nous percevons l’environnement qui nous
entoure plus nous pouvons être ouvert à une diversité de possible. Pour résumer ce que
disent les personnes, l’espace c’est ce qui m’est permis de faire.

Rudolf Laban parle d’espace dynamique à travers sa théorie de la kinesphère.


« L‟espace vide n‟existe pas. Au contraire, l‟espace offre une surabondance de
mouvements simultanés »59. Le mouvement crée une relation à l’espace, il joue « comme
caractéristique visible de l‟espace »60.

59
LABAN , Rudolf, « Espace dynamique, textes inédits, Choreutique, vision de l‟espace dynamique »,Bruxelles,
Nouvelles de danse, Contredanse, traduit par Elisabeth Schartz,2003, p75
60
LABAN , Rudolf, « Espace dynamique, textes inédits, Choreutique, vision de l‟espace dynamique »,Bruxelles,
Nouvelles de danse, Contredanse, traduit par Elisabeth Schartz,2003, p.77

59
Le corps change sans cesse de position dans l’espace, un mouvement prend une
orientation, une direction à partir d’une intention spontanée et naturelle. « Que le corps se
tienne immobile ou qu‟il se meuve, il occupe l‟espace et l‟espace l‟environne »61. Dans les
ateliers à travers l’exercice de la kinesphère nous abordons l’espace personnel. C’est
comme l’appelle Rudolf Laban, la sphère autour de soi que l’on peut atteindre avec ses
membres sans effectuer un déplacement et en gardant comme support un point fixe, dit
« position de référence ».
Quand nous nous déplaçons nous emmenons avec nous cette espace personnel,
nous transportons cette kinesphère dans l’espace environnent. Notre espace personnel a
ses limites et est parfois contraint par notre relation à l’espace extérieur. Hubert Godard dit
que « la première phase de toute perception et de tout geste consiste en une prise de repère
dans l‟espace. La manière dont je vais m‟orienter va dicter la qualité du geste qui va
suivre ».62

En abordant la notion d’espace à travers une pratique corporelle, il est possible


d’amener les personnes à rencontrer leur adossement. Cet adossement va donner des
modalités des champs de perception de l’espace. Quand une personne est malade et en
situation de précarité, il y a un rétrécissement de l’horizon d’attente. La personne n’arrive
pas à se projeter et si, comme dit Laban « nos pensées sont nos actions » et si c’est
« l‟action qui guide la perception » d’après les recherches scientifiques d’Alain Berthoz,
on peut dire qu’une personne sans projet d’avenir réduit sa plasticité corporelle.
A travers une pratique du mouvement qui permet de déployer un potentiel d’action,
la personne ouvre son espace personnel vers un espace environnant. Dans la pratique du
mouvement, il s’agit de coordonner, de mettre en relation ces deux espaces
interdépendants. Ainsi la pratique agissant au niveau cognitif, elle peut redonner une
plasticité corporelle et soutenir la personne à rétablir son horizon d’avenir. Bien entendu, la
pratique du mouvement est efficace si elle fait partie d’un projet médico-socio-éducatif
entourant et accompagnant la personne malade et en situation de précarité. Elle fait partie
d’un tout pour améliorer la qualité de vie et c’est en ce sens qu’elle est un moyen d’accéder
à « un mieux être ».

61
LABAN , Rudolf, « Espace dynamique, textes inédits, Choreutique, vision de l‟espace dynamique »,Bruxelles,
Nouvelles de danse, Contredanse, traduit par Elisabeth Schartz,2003, p.68
62
GODARD Hubert, « Des trous noirs ». Un entretien avec Hubert Godard », in Scientiquement Danse. Bruxelles,
Nouvelles de Danse,2006.

60
 « Qu’est-ce que pour vous l’énergie » ?

Les réponses :
 « la vitalité »,
 « pour faire quelque chose de difficile on a besoin de force, et cette
force c‟est l‟énergie »,
 « il y a l‟énergie extérieur que l‟on cherche à se procurer par
l‟intermédiaire des compléments alimentaire mais ce n‟est pas la vraie
énergie »,
 « c‟est l‟humeur et le moral»,
 « c‟est avoir de l‟intérêt pour faire quelque chose »,
 « c‟est mesurer la densité de l‟épreuve qui nous attend »,
 « c‟est être conscient de son projet »,
 « il faut compenser l‟énergie perdue, et l‟activité physique aide à
trouver de l‟énergie »,
 « par l‟activité physique on libère de l‟énergie et ça fait du bien »,
 « l‟activité physique aide à entretenir l‟énergie du corps et de l‟esprit »,
 « le jeudi je dors mieux car j‟ai libéré de l‟énergie »

En fonction de ces témoignages, on peut supposer que la pratique du mouvement


les aide à libérer une énergie qui leur apporte une détente et un mieux-être. Dans les
ateliers hebdomadaires, nous travaillons cette énergie surtout à travers les exercices Qi
Gong.
En effet, le Qi Gong est un entraînement qui permet de réguler le corps, la
respiration, le mental émotionnel, l’énergie et l’esprit. D’après les résidents, l’énergie c’est
un état d’être en perpétuel changement puisqu’il est lié à la notion de projet, d’humeur et
de moral : « c‟est ce qui est cause de changement et qui n‟est d‟ailleurs révélé que par
celui-ci. Par conséquent l‟énergie est définie comme ce qui rend possible un changement
ou plus précisément l‟accomplissement d‟un travail ».63

63
A.J VANDER, J.H SHERMAN, D.S LUCIANO, « physiologie humaine »,Montréal, Mc Graw-Hill, 1977, p.52

61
 « Qu’est ce que pour vous le corps » ?

Les réponses :
 « c‟est un ensemble d‟éléments »,
 « c‟est une structure »,
 « ce sont tous les membres réunis, mains, pieds… »,
 on peut dire « le corps administratif, le corps d‟une dissertation ».

Le corps peut avoir une représentation anatomique, c’est aussi la partie visible d’un
assemblage de plusieurs éléments qui le compose. Une main seule est un bout de corps. Il
peut aussi avoir une représentation sociale à travers son aspect administratif, c’est un corps
politique dans lequel chaque individu est une identité reconnaissable ou non par lui. Il peut
prendre aussi l’apparence d’un corps culturel à travers l’idée de dissertation, il est un
discours réflexif plus axé sur l’expression d’une pensée. Je résumerai ces propos des
personnes par cette phrase de David Lebreton :
« Le corps est la condition de l‟homme, le lieu de son identité, ce qu‟on lui retranche ou
ce qu‟on lui ajoute modifie son rapport au monde de façon plus ou moins prévisible ». 64

Conclusion :

J’ai envie de parler du nouveau regard que cette formation m’a donné. J’ai
découvert un espace de ressource au travers de l’éclairage théorique. J’ai élargi mes
capacités d’agir en travaillant sur ma posture et mon adossement. Elle m’a permis de
développer une conscience éveillée pour être à l’écoute d’un terrain. Elle m’a déplacée
dans ma démarche réflexive ce qui m’oriente vers d’autres horizons d’attentes. La théorie
et la pratique sont imbriquées, inséparables, indivisibles.
La pensée produit du geste et inversement : « une théorie, c‟est exactement une
boîte à outils, il faut que ça serve, il faut que ça fonctionne » Gilles Deleuze65.

64
LE BRETON, David, « Anthropologie du corps et modernité » , Paris, Quadrige essais débats, PUF, 2008,
65
Gilles Deleuze 1925-1995 philosophe français.

62
C) L’évaluation

Tout au long du projet, je me suis demandée comment évaluer le projet « mieux-


être en mouvement »?
Est-il possible d’évaluer les effets des ateliers sur les personnes ? Trouvent-elles réellement
et concrètement un espace de mieux-être ? L’équipe de la structure trouve t-elle un intérêt
à la mise en place de ce projet ?

Pour trouver des réponses j’ai choisi quatre outils d’évaluation :

 M’appuyer sur mes observations pour tenter une auto évaluation.

 M’entretenir collectivement avec les participants dans le cadre


« Du conseil à la vie sociale ».

 Faire une réunion avec le directeur et le médecin.

 Avoir un retour écrit et oral des éducateurs à l’aide d’un questionnaire.

1. Observations et auto évaluation :

J’ai pris appui sur mes observations pour établir une évaluation subjective. Elles se
sont portées sur un ensemble d’interprétations.

63
a) Tableau « des indicateurs de mieux-être »

A la question : « Est-ce que je peux évaluer si les ateliers ont apportés un mieux-
être aux personnes qui ont participé ? »
Dans un premier temps je leur ai posé la question : « ressentez-vous une différence
entre le début et la fin de l’atelier ? » Grâce à leurs réponses je m’attendais à avoir des
précisions sur leurs ressentis par rapport à leur état de mieux-être.
Mais peu d’entre elles m’ont répondu. Une seulement m’a dit qu’elle se sentait
mieux dans son corps car elle trouvait que cela venait en complément avec ses séances
d’ostéopathies.
Je me rends compte qu’il n’est pas évident de savoir ce qu’elles ressentent
concernant les ateliers. C’est pourquoi je décide de me baser principalement sur mes
observations. J’établis une série d’items qui sont « des indicateurs de mieux-être ». Ces
indicateurs permettent de décoder des changements chez les personnes qui manifestent un
ressenti, une perception, un engagement, une modification. Le choix des items se base sur
ce que je considère comme des moyens permettant d’installer un mieux-être. Je ne l’ai fait
que sur deux ateliers, le 8ième et le 9ième. . Cela est resté plus une tentative de réalisation
qu’une réelle et concrète évaluation. J’ai choisi de trouver des items différents pour chaque
atelier.

64
Tableau « des indicateurs de mieux-être » : 8ième atelier

Connaissent et Expriment Participent à Réalisent un Accordent Progressent


partagent une ouvertement l’apprentissage mouvement un intérêt à sur le plan de
pratique des sensations en dépassant faire un la
corporelle par la parole leur projet coordination
difficulté collectif et de la
motrice mémorisation

-Une personne -Difficulté à -Ceux qui -S’appliquent -discussions -enchaînent 3


d’origine dormir, à découvrent des à faire les sur la mouvements Qi
Africaine nous respirer. nouveaux mouvements nécessité Gong à
montre une mouvements se d’être l’unisson
danse -Courbature laissent porter -Acceptent ensemble à
traditionnelle suite au travail par le groupe mes conseils travers un -développent
« danse de avec douleur pour aborder mouvement une amplitude
l’ablution » et dans les bras. -Ne se lassent et réaliser le du geste dans
des pas de pas de répéter mouvement -veulent l’espace
karaté. -Douleur plusieurs fois le autrement participer à
plantaire même l’atelier arts -apparition
mouvement -Acceptent le plastiques en d’une gestuelle
-Apparition de regard de lien avec plus créative.
crampe, de l’autre l’atelier
tremblements, pratique du
de contraction mouvement

-Transpiration
abondante

-Essoufflement.

65
Tableau « des indicateurs de mieux-être » : 9ième atelier

Prise Expriment Participent à Réalisent un Amélioration Participent à


d’initiative ouvertement l’apprentissage mouvement en posturale la
des d’une mobilité dépassant les dynamique
sensations plus fine difficultés du groupe
motrices

- -Difficulté à -Fermeture des -Amplitude du -Gain en -contact de


proposition mobiliser un yeux pour geste amélioré maintien proximité
de bras s’isoler dans le dans spinal
varier ressenti d’un l’exploration -participation
massage -Sensation mieux être. spatiale -apparition active et
avec deux plus agréable de joyeuse
balles sous les pieds -mémorisation nouvelles
acquise d’un gestuelles -s’exprime
-Montre des -mentionne enchaînement ouvertement à
pas de Hip son absence travers sa
Hop pour les -surpassement gestuelle sans
prochaines d’une difficulté la crainte
séances pour arriver à d’être en
réaliser un relation avec
-grimace de mouvement le groupe
douleur
-persévérance -intégration
dans facile de
l’enchaînement nouveaux
malgré les résidents.
difficultés de
concentration

66
Conclusion :

Rentrer dans un état de mieux-être est un processus auquel les personnes doivent
adhérer. Cette adhésion demande une implication personnelle. Pour s’impliquer la
personne doit s’accorder ce temps pour elle-même. Le fait de décider à faire une pratique
du mouvement axée sur une recherche d’un mieux être contribue déjà à sa mise en œuvre.
Alors l’évaluation du bien être ou du mieux-être dépend en premier lieu de l’intention de la
personne à vouloir ou non à trouver cet état. Rechercher un mieux-être est une action en
soi qui demande également un effort et si la personne n’a pas le goût de faire l’effort alors
dans ce cas il est impossible d’évaluer le mieux-être ou le bien-être. Si la personne est
submergée à la fois par de gros problèmes sociaux et de santé comment est-ce possible
pour elle de trouver un espace à l’intérieur d’elle-même pour se laisser envahir par « une
sensation de mieux ou de bien ». Les mots bien-être ou mieux-être sont composées du
verbe « être », comment transformer en mieux ou en bien quand l’ « être » tout entier est
accablée par la souffrance ?

b) Par rapport au projet d’établissement

En faisant référence au projet d’établissement66 je me suis aperçue que ce projet


« Mieux être en mouvement » pouvait également contribuer « à la création d‟un sentiment
positif d‟appartenance à l‟établissement »67. Le fait que les éducateurs soutiennent le
projet en motivant les personnes et en leur permettant d’y participer, renforce et dynamise
cette communication en interne. Les liens qui ont été fait avec l’atelier d’arts plastiques
pour la réalisation de statues à partir de portraits photos ont créé une cohésion de groupe au
sein des ateliers. En m’appuyant sur les motivations et les participations au cours du 12ième
atelier, j’ai établi un ensemble de faits positifs qui donnerait à voir leurs sentiments
d’appartenir à la vie de la structure d’accueil.

66
« Projet d’établissement Olivier Arnaud » 11 sept.2006
67
p.4 « dynamiser la communication interne »

67
 Une personne explique à une ancienne résidente qui est de passage à quoi sert
l’atelier :
« Quand tu as des problèmes de digestion, de sommeil tu peux te servir des
exercices pour aller mieux. Après tu es détendu, tu as envie de dormir, tu n‟as plus
mal, tu te sens bien ». L’ancienne résidente réponds : « moi quand j‟y étais il n‟y
avait pas tout ça, pourtant j‟aurai aimé ».

 Une des personnes qui avait participé en début et qui a dû arrêter en cours d’année
car elle faisait du bénévolat au restaurant du cœur sur les mêmes créneaux
horaires. Elle a demandé à déplacer ses interventions sur un autre jour pour pouvoir
revenir à l’atelier.

 Je note une différence dans le comportement, leur tenue vestimentaire et leur


expression du visage depuis le début de l’année . En effet, toutes les femmes se font
toutes belles alors qu’en début d’année ce n’était pas le cas. Elles mettent
maintenant une tenue spéciale qui les met en valeur. Leur visage est moins fermé,
je le remarque par la présence de sourires, de rires, de joie.

 Les personnes participent activement à tous les jeux d’expression par le


mouvement. Quand nous avons fait le jeu « du sculpté et du sculpteur », sur le
principe du touché, ils ont accepté le contact physique ce qui a engendré beaucoup
d’échange. Je leur demandait de fermer les yeux pour mieux ressentir les
différentes parties sollicitées par le toucher de l’autre. Chaque personne avait une
manière singulière de toucher l’autre, en effet suivant la personne c’était soit un
contact délicat, soit intrusif ,soit timide. Dans tous les cas toutes étaient très
impliquées, ce qui m’a permi de prendre les photos pour le projet en arts plastiques.
Comme cet atelier était ponctué par des rires je peux supposer qu’elles passaient un
bon moment au sein de la structure.

 Elles me posent des questions avec plus d’aisance, n’hésitent pas à me dire
qu’elles ont besoin de se reposer, de boire. Elles expriment plus ouvertement leurs
douleurs.

68
Conclusion :

Cette autre piste d’évaluation m’a permis de me rendre compte comment les ateliers
« mieux-être en mouvement » peuvent s’intégrer dans le cadre d’un projet d’établissement
et répondre à ses attentes. L’atelier hebdomadaire contribue à la mise en place d’une vie en
collectivité. Il renforce les liens entre les personnes. La structure en proposant cet atelier
contribue à vouloir améliorer la qualité de vie des personnes accueillies. Par le biais de
cette amélioration elle permet la création de ce sentiment positif d’appartenance à
l’établissement.

2. Conseil à la vie sociale : Réunion des usagers

Le conseil à la vie sociale a lieu une fois par mois, il permet d’installer des échanges
entre les éducateurs et les personnes accueillies par l’ACT. Les sujets à l’ordre du jour sont
définis, en fonction des besoins à aborder dans le but de favoriser et d’améliorer la vie en
collectivité. En Septembre j’ai pu participer à l’un d’eux dans l’objectif d’avoir des retours
sur le vécu des personnes qui ont participées aux ateliers. Sur l’ensemble des personnes
présentes à cette réunion, six avaient participé aux sept premiers ateliers.
Cette rencontre m’a permis d’évaluer comment les personnes percevaient les ateliers :

 Qu’est-ce que vous ressentez en fin de séance ?

« Ça dépend des séances » dit une personne, mais de manière générale elles ressentent
des courbatures, « on a mal partout ». Elles se sentent fatiguées physiquement mais
moralement elles se sentent « tranquilles », « détendues ». Elles sentent un changement,
« ça fait du bien ». Pour la personne qui a des douleurs vives sous un pied, elle constate
une amélioration « pied droit mieux », elle ressent moins de douleurs au bout de la
troisième séance quand elle passe la balle sous le pied. Pour une autre le premier jour a été
très difficile « plus jamais ça !», mais elle est revenue quand même et après n’a plus
ressenti de douleur.
Pour une autre « ça fait sentir des parties du corps qu‟on n‟a pas l‟habitude », « ça fait le
vide dans la tête ».
« On est libre comme un oiseau » conclue une dernière .
Les ateliers sont un moyen de ressentir un état de légèreté et de surpasser ses douleurs.

69
 Qu’est-ce que pour vous le bien-être ?

« C‟est avoir le moral » répond une personne. Pour l’éducateur, Jean Louis, il serait
intéressant d’évaluer le mal être pour ensuite savoir si un bien être s’installe.
Une personne à travers les ateliers a découvert le mode de respiration par le nez « J‟ai
l‟impression de n‟avoir jamais respiré par le nez ». Cette découverte la stabilise. Elle sent
sa respiration plus fluide. Pour elle la respiration est importante pour sentir un bien-être.
Pour une autre personne c’est tout simplement trouver une détente.
Je leur demande également quand elles ne se sentent pas bien ce qu’elles font pour se
trouver mieux ? C’est quoi leur « petit truc » ? « J‟écris quand je suis trop énervé, ça me
soulage », « je pleure », « je prie en chantant », « je me promène pour me changer les
idées », « je ris ».
La notion de bien-être est liée au moral, à la possibilité de pouvoir s’exprimer et de
mieux respirer pour se sentir moins oppressé.

 Est-ce que vous réutilisez certains des mouvements abordés au cours des
ateliers ?

Une personne refait le cobra et se masse la plante des pieds avec une balle qu’elle a
achetée. Une autre personne qui a une respiration très limitée s’aide de la respiration par le
ventre. Une personne parle de la Break Dance car certains mouvements de l’atelier lui font
penser à cette danse.

 Est-ce que l’atelier vous donne envie d’aller faire une pratique corporelle en
dehors de l’ACT ?

« Non , trop cher » pour une personne. Une autre personne souhaite faire du yoga,
de la relaxation « pour découvrir le corps autrement ». Pour leur plaisir, certaines
personnes ont une pratique personnelle de la musique.
La distance géographique et le manque de moyen pour certaines personnes laissent à
penser qu’elles ne se permettent pas de faire une activité en dehors de l’ACT.

70
 Est-ce que les explications anatomiques vous aident à faire les mouvements ?

Pour une personne, c’est intéressant car cela aide pour visualiser le corps. Une autre
personne est aussi intéressée par des photocopies de support anatomique et une autre
résidente qui est présente et ne peut pas venir à cause de ses rendez-vous administratifs,
aimerait aussi en avoir. Nous parlons de la réflexologie plantaire.

Conclusion :

Cette rencontre m’a permis de m’apercevoir que les ateliers pouvaient apporter plus un
mieux-être qu’un bien-être. En effet ces personnes, en plus de leur maladie, ont la
spécificité d’avoir de gros problèmes sociaux à régler. Et prendre du temps et de l’argent
pour trouver en dehors de l’ACT, une activité qui leur procurerait des moments de détentes
reste difficilement envisageable. Mais ce qui apparaît c’est qu’elles comprennent et
ressentent la nécessité de s’accorder du temps pour prendre soin de leur bien-être intérieur.
C’est pourquoi les ateliers, s’inscrivant dans la vie collective de la structure, leur offrent la
possibilité d’accéder à vivre et ressentir autrement leur corps qu’à travers la maladie.
Mieux respirer, se sentir léger, avoir moins de douleurs, la fluidité, la stabilité, l’oubli des
soucis, le vécu de ces nouvelles sensations ouvrent les personnes à de nouveaux savoirs sur
leur corps.

3. Entretien avec le médecin et le directeur de la structure

Médecin : Mary Blanche Sibille


Directeur : Thierry Yon
Cécile Jiguel Lagarde Aubertin
1 heure d’entretien enregistré

L’entretien a porté sur :


 le côté positif du projet
 les dysfonctionnements du projet
 le contexte des personnes accueillies : d’où elles viennent, leurs maladies, leur suivi
éducatif et social.

71
Un échange sur le côté positif et la réussite du projet :

 D’après le médecin : Docteur Mary Blanche Sibille

Elle fait part des retours positifs de la part des participants : « Les gens sont
globalement contents ».

Suite à une énumération d’un certain nombre de points qui me donnaient à voir
comment les ateliers permettaient aux personnes de prendre conscience de leurs capacités
ou de les révéler, elle suppose que la détente permet aux personnes de récupérer leur
potentiel : « C‟est sûr, vos ateliers entraînent une détente, ils sont en groupe, ils oublient
leur soucis. Cette détente là amène à « un mieux-être » même si le but ce n‟est pas la
détente ».

Elle pense que ces ateliers sont un moyen d’apporter des nouveaux savoirs sur le
corps : « Je suis tout à fait convaincue que c‟est une approche très importante surtout pour
les gens qui n‟ont pas les outils intellectuels suffisant pour quoi que ce soit d‟autre ».

Je précise que les ateliers ont également permis de créer une cohésion de groupe à
partir du moment où j’ai commencé à faire les portraits photos. Elle répond que les ateliers
peuvent leur apporter un autre regard sur la vie en collectivité au sein de la structure
d’accueil. « Ce qui est important c‟est de rythmer la semaine » de sorte que les personnes
ne se sentent pas seules et isolées. La structure a mis en place un certain nombre d’activité,
« des points de chutes » précise la médecin. Ainsi les personnes savent qu’elles ont d’une
part leur suivi thérapeutique qui est souvent perçu comme fastidieux et d’autre part une
activité plus ludique perçue comme plaisante. La structure à travers les ateliers d’arts
plastiques du Vendredi et les ateliers « mieux-être en mouvement » du Jeudi proposent aux
personnes des espaces de convivialité.

D’après elle, l’atelier a permis de favoriser une mixité culturelle : « Ce qui a été
très positif dans votre atelier c‟est que les Africaines sont en contact avec les autres
personnes de la structure, car elles ont tendance à être toujours ensemble, notamment à
table ».

72
Les ateliers ont été un espace de paroles et d’échanges sur leur ressenti, leurs
représentations et je dis que « ce n‟était pas gagné ». C’est aussi un défi pour elle de faire
verbaliser les personnes sur l’intensité de leurs douleurs : « Oui ce n‟était pas du tout
gagner car les personnes ont du mal à verbaliser ce qu‟elles ressentent, à préciser les
choses. Par exemple j‟ai du mal à savoir si c‟est une douleur qui pince, qui serre ou qui
pulse. »

La réussite du projet est aussi liée à sa durée, le médecin pense que le temps est un
facteur essentiel pour gagner la confiance des personnes : « Le temps est un facteur
incontournable, il faut se donner du temps pour réussir quelque chose. Il faut du temps
pour installer une confiance, établir une relation ».

 D’après le directeur Monsieur Thierry Yon

Le directeur précise qu’en début d’année il avait des doutes sur la réussite du projet.
D’après lui c’est en partie liée à la qualité de la personne qui porte le projet : « Comme on
en avait parlé en début d‟année pour moi ce n‟était pas gagné. C‟est vraiment l‟action,
l‟approche de la qualité de la personne et la technique qui font que les personnes
accrochent et reviennent, pour ça bravo ».

Sur les aspects du dysfonctionnement du projet :

 D’après le médecin : Docteur Mary Blanche Sibille

La médecin veut savoir comment je me suis adaptée aux situations auxquelles je ne


m’attendais pas. Je lui réponds que par rapport à la participation des personnes j’ai très vite
remarqué, que certaines personnes ne pouvaient pas venir à cause de leurs rendez-vous
extérieurs. Elles devaient se rendre soit à Pôle Emploi, soit à l’hôpital ou en stage. Pour
certaines personnes même leur absence était plus longue pour raisons médicales ou
professionnelles. Pour m’adapter à cette problématique, j’ai construit le contenu de mes
ateliers toujours de la même manière de sorte à ce que les personnes puissent facilement
réintégrer l’activité en cours d’année. Le médecin dit en parlant de l’emploi du temps des
personnes : « C‟est toujours une contrainte et un problème». En outre il est arrivé que les
mamans se retrouvent à participer à l’atelier avec leurs enfants.

73
J’exprime une déception par rapport à une personne. En effet j’aurai aimé qu’à
travers ces ateliers, elle se rende compte qu’elle a encore des capacités à danser le Hip
Hop. J’explique qu’elle pourrait intégrer un groupe dans le cadre d’une activité de loisirs.
La médecin l’entend et me dit que cette personne souhaite travailler avant tout. De plus elle
ne vient plus depuis qu’elle a déménagé sur une autre structure car il est à pied. Mais le
médecin pense que cela reste à envisager si la structure ne trouve pas de solutions.

Sur le contexte des personnes accueillies : d’où elles viennent, leurs


maladies, leur suivi éducatif et social

Le médecin explique que la réussite d’un suivi thérapeutique dépend en premier


lieu de la situation sociale, la manière dont elle est intégrée dans la société Française. Une
personne bien intégrée socialement peut prendre soin d’elle même et cela permet
également au médecin de pouvoir doser son traitement et favoriser son diagnostique :

 Extrait d’un moment de l’entretien :

Cécile : « Souvent les personnes me parlent de vous dans l‟atelier, vous êtes une référence
par rapport à la relation. Par exemple en parlant de relais un jour B. s‟est plainte de son
genou en fin d‟atelier. Une éducatrice était là, elle lui a conseillé de vous en parler. Est-ce
qu‟elle vous a signalé cette douleur ? »

Médecin : « Non, cette personne est en grande situation de précarité, elle a plusieurs
soucis de santé, elle est très fragile psychiquement à cause de ses problèmes de papiers
pour une demande de carte de séjour, et je tente donc de limiter les dégâts. Ses problèmes
sociaux la démoralisent énormément, elle baisse ses traitements ou ne les suit plus
régulièrement. Donc je ne peux pas être trop exigeante sur son suivi médical tant qu‟elle a
trop de soucis par ailleurs. J‟avais pu le faire quand elle avait eu une première fois un
semblant de carte de séjour et que cela avait régularisé sa situation pendant un mois, elle
avait gagné son procès. »

Cécile : « Je l‟ai vu dans l‟atelier elle était contente »

74
Médecin : « Cela a duré 4 semaines et après j‟ai dû lâcher le suivi car elle a de nouveaux
soucis de papiers, je ne sais même pas comment elle arrive à tenir le coup dans ce
contexte ? »

Cécile : « C‟est vrai que le moral est très important »

Médecin : « Je suis sûr que dès qu‟elle aura sa carte de séjour on pourra baisser d‟un bon
tiers tous ses traitements. »

Cécile : « C‟est vrai pendant longtemps avant de commencer à installer la salle, les
personnes étaient très peu motivées. Elles avaient du mal à se mettre en route. Maintenant
on sent de l‟entrain, l‟envie de participer à la mise en place de l‟atelier. J‟ai remarqué que
les personnes commencent l‟atelier en manifestant une certaine lassitude à être là. Et puis
au fur et à mesure du déroulement de l‟atelier atelier leurs humeurs changent, elles sont
contentes et plus gaies. Je suppose que les ateliers « mieux-être » agissent sur leur
moral. »

Aussi d’après le médecin, l’atelier peut fournir d’autres représentations du corps


afin de mieux faire comprendre la maladie aux personnes qui en ont une vision mystique.
En effet elle explique que suivant la culture des personnes la maladie est considérée
comme un phénomène venant du domaine de la magie, de la sorcellerie : « Donc, c‟est
bien qu‟elles prennent conscience d‟autre chose à travers votre atelier ».

Les personnes accueillies ont des origines culturelles différentes, certaines sont
porteuses du V.I.H, d’autres non.

Extrait de l’entretien :

Cécile : « C‟est quoi le Vézinet ? »

Médecin : « C‟est une maison de soin de suite reliée à des hôpitaux de Paris, ils ont un
service pour les mamans enceintes qui ont une maladie et qui sont en grande précarité
sociale. Ils les prennent avant l‟accouchement et l‟ACT accueille certaines mamans qui
viennent de cet endroit ».

75
Cécile : « Combien de personnes ont le V.I.H sur l‟ensemble ? »

Médecin : « Les trois quarts. »

Cécile : « Est-ce que les personnes porteuses sont en majorité d‟origine SubSaharienne ? »

Médecin : « C‟est la majorité car on a eu cette spécificité de recevoir ce petit collectif de


femmes Séropositives avec enfants. Donc 95% sont d‟origine d‟Afriques SubSaharienne
mais toutes ne sont pas porteuses du V.I.H. »

En fin d’entretien nous avons parlé de mon futur métier et la place de mon atelier dans
d’autres structures. Le directeur voulait savoir quel était ce nouveau statut professionnel et
comment il était reconnu au sein des conventions collectives.

Conclusion :

Pour le médecin les ateliers sont un lieu où les personnes ne se sentent pas en situation
d’échec. Ils sont un moyen pour les personnes de prendre conscience de leurs qualités. En
valorisant les aspects positifs des personnes, celles-ci retrouvent un confort moral,
indispensable pour les accompagner à leur autonomisation thérapeutique et à une baisse
des traitements.

4. Le bilan de l’équipe éducative.

Retranscription de l’entretien avec deux éducatrices qui ont participé aux ateliers :
Laurence et Christelle

Laurence :
Sa présence dans l’atelier lui a permis de voir les personnes sous un autre angle. Par
exemple elle se représentait que telle personne était très réservée et timide ou que telle
autre lui semblait maladroite. Elle a vu, dans les ateliers, que la personne introvertie
exprimait ses ressentis et que la personne un peu gauche montrait une aisance à travers une
gestuelle gracieuse et souple.

76
Ce nouveau regard lui apporte une autre compréhension sur ces personnes et donne
ainsi un outil supplémentaire pour les accompagner dans leur réinsertion professionnelle.
Elle pense que deux personnes l’atelier a aider à désinhiber. D’après elle, l’inhibition une
fois levée favorise une meilleure communication, essentielle, au cours d’entretiens
d’embauches.

Laurence est l’éducatrice qui encadre l’atelier d’arts plastiques. Elle m’explique
comment elle a introduit les portraits photos en lien avec les fabrications des statuettes en
fil de fer. Elle me raconte qu’elle avait demandé aux personnes de ne pas hésiter à refaire
les postures pour se les mémoriser. A un moment donné une personne se met à danser pour
se concentrer et P. la rejoint. Elles dansent en écoutant une musique africaine. Laurence
constate que l’ambiance de l’atelier de pratiques du mouvement s’est déplacée sur son
atelier.

Elle met en avant aussi le fait qu’il y a eu une participation masculine, on compte 4
hommes présents.

Elle pense que les ateliers sont un moyen pour les personnes d’expérimenter un
engagement dans un projet collectif, (assiduité, respect des horaires). C’est aussi un
engagement pour elles mêmes que de s’accorder du temps pour se faire plaisir. D’après
elle, il est difficile pour ces personnes de se permettre de vivre une activité liée à leur
propre épanouissement car leur vie se trouve « cassée » par la maladie, avec en plus un fort
sentiment de culpabilité.

Elle se souvient de l’année où la structure avait mis en place de la sophrologie, les


personnes n’avaient pas adhéré pour plusieurs raisons dont une était de devoir enlever les
chaussures. Les personnes avaient été gênées de dévoiler leurs pieds à cause des odeurs, ou
des chaussettes trouées. Elle remarque que cela ne s’est pas produit dans les ateliers
« mieux-être ».

Suite à un atelier de « mieux-être », elle se souvient d’une personne qui lui fait part
de son ressenti par rapport à l’acquisition d’une nouvelle façon de respirer. Cette nouvelle
sensation l’amène à une prise de conscience et à un meilleur confort dans sa manière de
respirer.

Comme ces personnes ont tendance à se dévaloriser, les ateliers d’arts plastiques et
de pratiques du mouvement leur permettent de franchir une étape pour dépasser ce manque
d’estime et ainsi gagner progressivement une confiance.

77
Les ateliers vont aussi donner aux personnes un autre regard sur l’éducateur, en
effet les personnes se rendent compte que l’éducateur rencontre également des difficultés à
réaliser certains mouvements.
Certaines personnes ont achetées des balles pour faire des auto massages à leur domicile.

Christelle :
Elle a été surprise de voir la facilité des personnes à rentrer dans les mouvements.
Par exemple la fois où P. est arrivée en retard, elle a constaté sa capacité à prendre l’atelier
en cours de route.
Elle a apprécié l’atelier dans lequel il s’agissait de masser une personne. D’après
elle, c’est un contact qui fait tomber des barrières et permet d’installer une autre relation.
L’éducateur n’est pas mis sur un piédestal mais est quelqu’un qui est là pour aider et
soutenir les personnes accueillies.
Retranscription des questionnaires:
Trois questionnaires m’ont été remis sur quatre éducateurs.
Le questionnaire était le suivant et je donne une synthèse de chaque partie :
A. D’après vos observations qu’ est-ce que les ateliers « mieux-être » ont apporté aux
usagers ?
1) Quels changements ou impacts avez-vous observés :
► Chez les usagers ,dans les domaines ci-après :
-physique, émotionnel, relationnel, social
Réponses:
-De pouvoir « se laisser aller » à la détente.
-D‟accéder à une maîtrise de soi
-D‟accepter le regard de l‟autre
-De prendre conscience de son corps
-D‟échanger sur leurs ressentis
-De trouver un mieux-être de manière général
-D‟installer une entente et une détente entre les personnes
*points positifs
Réponses:
-L‟engagement respecté de la part des personnes
-Sur le plan émotionnel et relationnel
*points négatifs
-Pas de points négatifs rapportés

78
Avec l’équipe éducative :
 l’organisation
-Pas de réponse rapportée
 la communication
Réponses :
-Les comptes rendus envoyés par mail après chaque séance ont permis à l‟équipe de suivre
le déroulement avec un récit riche, détaillé et professionnel.
1)Etes vous satisfaits ?
*Oui, sur quels points ?
Réponses :
-L‟équipe a apprécié la régularité des séances.
-La communication régulière entre Cécile et l‟équipe a permis de mener à bien les séances
*Non, sur quels aspects ?
Réponses :
-La difficulté à l‟équipe de se libérer pour assister aux séances
-Dommage que tous les membres du personnel n‟ai pas pu participer aux séances

1)Quels sont les points à améliorer afin de répondre au mieux :


►Aux usagers
Réponses :
-Une salle plus adaptée pour « le mieux-être »
-Un mini stage de deux jours avec un repas en rapport avec une alimentation adaptée et
moyennant une petite participation financière.

3) Autres remarques et impressions


Réponses :
-L‟atelier « mieux-être » a permis aux personnes de vivre une expérience riche et celle-ci -
Donne envie de poursuivre ses séances de manière pérenne.

79
conclusion :

Le projet a donné à l’équipe éducative d’autres outils de perception des personnes.


En valorisant les savoirs faire, les ateliers ont été bénéfiques à l’épanouissement et à
l’ouverture des personnes. De ce fait les éducateurs ont trouvé un intérêt à ce projet car il a
contribué positivement, dans le cadre du suivi éducatif, à l’accompagnement des personnes
accueillies.
Il a été un espace d’échange entre les éducateurs et les personnes, ce qui a facilité une
écoute respective.
Les éducateurs qui ont pu participer aux ateliers, ont pu établir une autre relation avec les
personnes. Ils trouvent à travers cette approche un moyen d’installer un climat de
confiance.
Au même titre que les ateliers d’arts plastiques ce projet n’a pas une visée
thérapeutique. En partenariat avec le suivi médical et éducatif, il a contribué à la prise en
considération globale des personnes.
Les liens faits entre l’atelier d’arts plastiques et l’atelier « mieux- être » ont fédéré
les personnes autour d’une expérience collective. Les interactions entre les deux ateliers
ont valorisé leurs implications dans la vie de la structure.

80
Conclusion

Je définirai ce projet comme un processus qui est rentré dans la culture de cet ACT.
Il a déclenché un ensemble de réflexions pour nourrir l’avenir et la reconduction du projet
pour l’année suivante. Son évaluation met en évidence des changements de points de vues.
En effet il s’est trouvé que la présence des éducateurs dans les ateliers est finalement
intéressante. Malgré l’échec passé des ateliers de sophrologies, il s’est avéré que cette
tentative d’atelier « de pratique du mouvement » s’est transformée en un véritable projet
répondant aux attentes du projet d’établissement.
J’ai été vigilante à respecter l’éthique rattachée au projet d’établissement Olivier
Arnaud, « la charte des droits et libertés de la personne accueillie » qui fait partie de la
quatrième finalité du projet d’établissement intitulée « Dynamiser la communication
institutionnelle ». Celle-ci définie selon l’arrêté du 8 Septembre 2003 mentionnée à
l’article L.311-4 code de l’action sociales et des familles :
« Pour prévenir de tout risque de maltraitance au sein d‟un établissement ou service
médico-social il est remis à la personne accueillie un livret d‟accueil auquel sont annexés,
une charte des droits et liberté de la personne accueillie, le règlement de fonctionnement
défini à l‟article 311-7 : contrat de séjour qui définit les règles éthique, déontologiques, les
recommandations de bonnes pratiques professionnelles et du projet d‟établissement. »

81
Cette charte protège l’usager et est composée de 12 articles :
Dont
1. « Qui définissent que la personne ne doit pas être victime de discrimination sociale,
raciale, politiques, religieuses et génétiques. »

2. « Qui donnent droit à un suivi adapté et personnalisé »

3. « Qui donnent droit à l’information sur le suivi psychologique, médicale,


thérapeutique ou socio-éducatif. »

4. « Qui donnent le libre choix dans le cadre de l’ accompagnement médico-social »

5. « Qui favorisent les liens familiaux »

6. « Qui donnent droit au respect de confidentialité, à la sécurité sanitaire, alimentaire, au


soin et à un suivi médical adapté. »

7. « Qui garantissent le droit à l’autonomie : circuler librement, disposer de son


patrimoine, de son revenu ».

8. « Qui doit respecter l’intimité et l’intégrité de la personne »

En m’interrogeant sur la manière de transmettre ma pratique j’ai tenté d’identifier en quoi


mes ateliers s’inscrivent dans le respect de cette charte ?

Quand je donne les ateliers, je ne porte aucun jugement de valeur sur l’apparence
physique, sur l’ appartenance culturelle et religieuse des participants. Je ne pose ni de
questions sur leur mode de vie, ni sur leurs origines ou sur leur maladie.
A l’écoute de leurs préoccupations, je m’adapte à leurs demandes par rapport aux
exercices proposés et sans jamais les forcer à faire un exercice.
Les personnes ne sont pas obligées de venir à l’atelier. Je demande toujours leur avis et
leur accord dès que je veux les toucher, ou les mettre en position d’être regardés, pris
en photo. Je favorise des temps d’échange et de partage et quand une personne me

82
parle, je l’écoute en la regardant. Et enfin je valorise leur savoir sur le corps et je
n’exerce aucune discipline autoritaire, laissant à la personne sa propre évaluation de
son attitude.

Je perçois ces ACT comme des tremplins pour ces personnes dont la plupart a dû
quitter son pays d’origine pour se faire soigner en France. Les ateliers ont été un espace de
socialisation pour elles et a contribué à l’accompagnement des personnes vers leur
autonomisation. Les ateliers ont été un point d’appui pour les éducateurs et le médecin.
Sur le plan éducatif, les ateliers ont favorisé les échanges entre les personnes
accueillies et leurs éducateurs référents. Par le biais des ateliers les éducateurs ont porté un
autre regard sur les personnes jusqu’à modifier certaines de leurs représentations. Cette
nouvelle perception a soutenu d’autres relations à tel point que si l’atelier devait se
poursuivre la présence des éducateurs seraient utiles.
Le médecin trouve intéressant que les ateliers permettent aux personnes d’étayer leur
perception du corps, de renforcer la confiance, et de trouver une détente pour un mieux-
être. Le rapport au corps ne se fait pas qu’à travers la maladie mais prend en compte
d’autres espace de la personne, sa sensibilité, sa créativité, son potentiel d’action. C’est à
ce niveau que les ateliers peuvent soutenir le suivi thérapeutique.
Je constate que ces personnes fragilisées sont tellement préoccupées par leur maladie et
leurs problèmes sociaux quelles n’ont pas les moyens de prendre soin d’elles. La structure
en mettant en place des ateliers élargit la qualité de prise en charge et leur ouvre d’autres
possibles.
Tout au long de l’année je me suis interrogée sur ma manière de proposer le contenu
des ateliers. J’ai toujours considéré les personnes comme ayant leurs propres savoirs sur le
corps et l’ont communiqué à un moment donné. En référence à la notion de « technique du
corps » de Marcel Mauss, chaque individu détient un savoir pour se servir de son corps en
lien avec sa tradition. Ce savoir est structuré par une technique : « J‟entends par ce mot les
façons dont les hommes, société par société , d‟une façon traditionnelle, savent se servir de
leur corps »68. Mes ateliers ont apporté à ces personnes une autre approche, un autre usage
du corps et ce en tenant compte de leurs propres connaissances.

68
MAUSS, Marcel, « Sociologie et anthropologie » sixième partie“ Les Techniques du corps”,Paris, Quadrige/PUF,
1950,p.365

83
Glossaire

« Kinesphère* » :Néologisme inventé par Rudolf Laban à partir de sa théorie « la


Choréologie », du grec Khoréia « action de danser » et logos « discours ».
Cette terminologie générique, conçue par Laban dès 1928, regroupe les systèmes de
recherche sur le mouvement dont la Choreutique. La Kinesphère fait partie de la
Choreutique .

MST* : Maladie Sexuellement Transmissible

SIDA* : Syndrome de l'Immunodéficience Acquise

Schéma postural* : En 1911, le neurologue anglais Henry Head avance la notion de


schéma corporel (ou schéma postural). Pour Head, le cerveau contiendrait un modèle
interne représentatif des caractéristiques et grandeurs biomécaniques du corps qui nous
permettrait notamment de situer notre corps dans l'espace, défini par ses coordonnées
spatiales, d'avoir une représentation topographique de notre corps et parties du corps sans
laquelle nous ne pourrions d'ailleurs pas nous mouvoir. Source Wikipedia

Proprioceptif*: sensation intériorisée (le poids de notre corps, l’équilibre, etc.).

Proprioception* : En physiologie, la proprioception désigne l'ensemble des récepteurs,


voies et centres nerveux impliqués dans la sensibilité profonde, qui est la perception de soi-
même, consciente ou non, c’est-à-dire de la position des différents membres et de leur
tonus, en relation avec la situation du corps par rapport à l’intensité de l’attraction terrestre.

L’analyse du mouvement * : L’analyse du mouvement est un outil aidant à parler du


mouvement autrement que du discours de la biomécanique.

84
« Cobra »* : exercice d’assouplissement de la colonne ETUDE DU COBRA –
BHUJANGASANA Bhujanga, le serpent en sanscrit est pour le peuple asiatique une figure
emblématique alliant crainte et respect. Le serpent, sur le plan physique, est connu
essentiellement pour sa souplesse, surtout sa facilité à mouvoir sa colonne vertébrale. Sur
le plan mental, sa spécialité est la patience. Son immobilisme n’est qu’apparence et sa
facilité à la détente démontre la suprématie de son mental, magnifiquement coordonné
avec son physique. La mue du serpent renforce la réputation de cet animal à la fois
mythique et bien réel.
Source Internet http://de-tout-un-peu.skynetblogs.be/post/3782943/un-peu-de-yoga--le-
cobra

Le Moi-peau * : Dans le cadre du mouvement théorique psychanalytique, Didier Anzieu,


un psychanalyste français, a commencé à développer le concept de "Moi-peau" en 1974.
Le «Moi-peau » désigne une réalité fantasmée que l'enfant utilise au cours de son
développement précoce. Il se représente en tant que «moi», basé sur son expérience de la
surface du corps. L'enfant, enveloppé dans les soins de sa mère, fantasme d'une peau
commune avec sa mère: d'un côté la mère (la couche extérieure de la "Moi-peau"), et de
l'autre côté de l'enfant (la couche interne de la " Moi-peau "). Ces deux couches doivent se
séparer progressivement et l'enfant acquérir sa propre moi-peau. Le travail de D. Anzieu
accueilli par les dermatologues et autres spécialistes, comme les pédiatres, ont mis l'accent
sur la qualité des premiers échanges tactiles entre une mère et son enfant, y compris les
enfants souffrant d'un trouble chronique de la peau. Parmi les autres caractéristiques
cliniques, ils ont une «pathologie de l'action» et attaquent fréquemment leur propre peau,
paradoxalement, dans le but de tester la solidité et la fiabilité de leurs propres limites. Les
travaux de D. Anzieu ont encouragé les dermatologues à utiliser des approches
psychothérapeutiques en parallèle à des approches classiques dermatologiques, le cas
échéant, les a aidés à mieux comprendre comment les psychanalystes travaillent avec des
patients qui n'ont pas encore acquis leur propre« Moi-peau. ». Source Internet
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/16457763

Somatique* : qui concerne le corps par opposition à psychique.

Pratique somatique* : terme générique amené par Thomas Hanna (1928-1992).

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Multifidi* : Le multifide (multifidus spinae: pl. Multifidi),muscle qui se compose d'un
certain nombre de faisceaux charnus et tendineux.. Le multifide est un muscle très mince.
Au fond de la colonne vertébrale, il s'étend sur trois segments articulaires, et travaille à
stabiliser les articulations à chaque niveau segmentaire. La rigidité et la stabilité rend le
travail de chaque vertèbre plus efficace , et réduit la dégénérescence des structures
communes. Source Wikipedia.

Topologie* : Le mot « topologie » vient de la contraction des noms grecs topos et logos
qui signifient respectivement « lieu » et « étude ». Littéralement, la topologie signifie
l'« étude du lieu ». Elle s’intéresse donc à définir ce qu’est un lieu (appelé aussi « espace »)
et quelles peuvent en être les propriétés. Source Wikipedia

V.I.H*: Virus de l'Immunodéficience Humaine

86
Bibliographie

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