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10.1007@978-2-8178-0454-5-كتاب الجراحة النفسية
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Psychochirurgie
Psychochirurgie
Springer
Paris
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Tokyo
Psychochirurgie
Springer
Marc Lévêque
Service de neurochirurgie
Hôpital universitaire de la Pitié-Salpêtrière
Assistance publique – Hôpitaux de Paris
47-83, boulevard de l'Hôpital
75013 Paris
marclevequemd@gmail.com
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par comparaison à la littérature existante.
Avant-propos ................................................................................................. IX
Introduction .................................................................................................. XV
Index............................................................................................................... 345
les idéologies qui peuvent tant nous éclairer sur nos conceptions actuelles de la
précaution, de l’efficience, du performatif ou du « tout sécuritaire ».
Marc Lévêque nous éveille à ce que serait une propédeutique de l’attention et
de la démarche éthique, en soutien aux différentes formes d’interventions rele-
vant aujourd’hui d’une psychochirurgie raisonnée se fixant comme objectif de
soigner là où d’autres thérapeutiques s’avèrent inefficientes.
On comprend dès lors que cet ouvrage assume une mission double : à la fois
présenter avec la rigueur d’un clinicien averti et compétent l’état des lieux, les
connaissances scientifiques acquises et les protocoles chirurgicaux établis, et
d’autre part interroger les conditions d’un exercice professionnel justifié, accep-
table, prudent, je veux dire respectueux d’une personne dans un contexte où les
alternatives thérapeutiques se définissent aussi par leur caractère limitatif.
En ce moment d’évolutions fortes du point de vue de notre rapport à la maladie,
des modalités d’une démarche thérapeutique davantage personnalisée et profilée,
de la prise en compte de la personne malade dans ses droits et ses préférences,
de l’attention portée aux retentissement de la maladie et de ses traitements sur
l’environnement de la personne et tout particulièrement ses proches, le ques-
tionnement suscité par la psychochirurgie a valeur de paradigme. Il nous est
donc précieux. S’agissant de sa dimension éthique également, puisqu’il solli-
cite des concepts comme celui d’autonomie, de consentement, d’assentiment,
de responsabilisation dans le contexte de maladies qui peuvent relativiser l’ef-
fectivité de ces principes. Dès lors quelles prudences envisager pour accompa-
gner voire encadrer des pratiques dont on a compris l’impact possible sur la
personne déjà vulnérable mais également sur ses proches ? Quelles références
pertinentes d’ordre éthique solliciter et en bénéficiant du droit de regard de
quelles instances conscientes des enjeux spécifiques à cette chirurgie ?
On a constaté au cours des débats préparatoires au vote de la loi n° 2011- 814
du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, que l’émergence des neurosciences
n’avait pas été véritablement perçue dans ses conséquences, ne serait-ce qu’en
termes de vie démocratique, de libertés individuelles mais tout autant d’usage
de la science biomédicale à d’autres fins que strictement thérapeutiques. De
telle sorte que les dispositifs d’encadrement apparaissent pour le moins
succincts au regard de défis majeurs. Ne serait-ce que lorsque sont évoquées les
théories qui visent à transcender l’humanisme, à rompre avec nos traditions et
nos représentations, à augmenter le vivant doté de capacité et de performances
jusqu’alors impensables. Les interactions entre le cerveau et d’autres ressources
ne serait-ce qu’informatiques vont bouleverser notre conception de ce que
« l’humain peut », et transformer de manière radicale notre rapport au réel, ce
qui était constitutif de notre vie en société. Quelles obligations morales, quels
devoirs d’humanité penser, assumer et défendre ensemble afin de préserver une
certaine conception de l’idée d’humanité et tout autant du bien commun ?
Marc Lévêque nous propose de partager des responsabilités humaines parfois
redoutables, auprès de personnes malades qui souffrent et éprouvent des fragi-
lités et des précarités qui altèrent non seulement la qualité de leur existence mais
souvent son sens même. Il exprime avec sensibilité, subtilité et intelligence les
Avant-propos XI
Emmanuel HIRSCH
Professeur d’éthique médicale, université Paris Sud
Directeur de l’Espace éthique/AP-HP
Pr Philippe CORNU
Chef du service de neurochirurgie
de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris
fonction des structures anatomiques prises pour cibles. Qu’il s’agisse des tech-
niques lésionnelles, de la stimulation cérébrale profonde, de la stimulation
corticale ou de la stimulation du nerf vague, nous revenons sur les mécanismes
neurophysiologiques mis en jeux et certains des mystères qui subsistent.
La quatrième partie expose les principales pathologies psychiatriques concer-
nées par les progrès de la psychochirurgie. Les notions cliniques y côtoient les
données épidémiologiques et, lorsqu’ils semblent élucidés, nous donnons des
explications sur les mécanismes physiopathologiques à l’origine de ces troubles.
Enfin nous détaillons les différentes cibles anatomiques validées ou actuelle-
ment en cours d’investigation dans le traitement de chacune de ces maladies
mentales.
Les principes d’autonomie, de bienfaisance, de non-malfaisance et de justice,
fondements de la bioéthique moderne, sont convoqués dans la cinquième partie.
Nous verrons en quoi ils peuvent être menacés par la recherche et les avancées
de la psychochirurgie. Les différents garde-fous mis en place – ou proposés –
afin de protéger une population souvent vulnérable sont également détaillés.
Enfin, la sixième partie emprunte autant à la science qu’à la science-fiction.
Les progrès vertigineux dans le domaine des nanotechnologies et de l’infor-
matique couplés aux développements de la biologie et des sciences cognitives,
nous conduisent à aborder la convergence NBIC où chacune de ces avancées en
féconde une autre. Des progrès qui, dans les vingt prochaines années, risquent
de nous amener à franchir le cap de « l’Homme réparé » pour nous mener vers
« l’Homme augmenté ». L’équipe de Lozano à Toronto a sans doute touché du
doigt ce changement de paradigme en augmentant, par hasard, les facultés
mnésiques d’un individu à qui l’on stimulait l’hypothalamus pour le soigner
de son obésité [2]. Cette perspective de l’Homme Augmenté1 nous amènera
à aborder certains courants socio-philosophiques comme le méliorisme ou le
transhumanisme.
De Vol au-dessus d’un nid de coucou, dénonçant les dérives de la psychochi-
rurgie, à ces horizons aussi prometteurs qu’anxiogènes, les sujets de contro-
verse ne manquent pas. Dès 1954, dans son ouvrage Psychochirurgie et Fonctions
mentales [3], le Français Jacques Le Beau, mettait en garde : « Tout ce qui touche
aux fonctions mentales semble avoir le privilège de réveiller les passions comme
le classique bâton dans le nid de frelons ». Ce neurochirurgien de l’hôpital de
la Salpêtrière classait les « bourdonnements confus et souvent agressifs » de ses
détracteurs, notamment du psychiatre Baruk [4], en plusieurs courants : le
premier, théologique, qui proclamait l’impossibilité de l’analyse de l’esprit
pour des raisons religieuses, semble aujourd’hui révolu ; le second, stigmati-
sant le manque de rigueur de l’évaluation clinique et statistique des résultats
et complications, paraît actuellement dépassé ; le dernier, celui des objections
morales, que nous traduirions, de nos jours, par les mises en garde éthiques doit,
en revanche, retenir toute notre attention. Ce débat éthique nécessite que la
En résumé :
La psychochirurgie est née de la nécessité de prendre en charge des patients
souffrant de pathologies mentales en impasse thérapeutique. Le neurologue
portugais Moniz fut l’un des fondateurs de cette spécialité, avec la mise au
point, en 1935, de la leucotomie frontale, couronnée par le prix Nobel une
quinzaine d’années plus tard. Au début des années 1950, la psychochirurgie
connaîtra son apogée avec plus de soixante mille interventions réalisées dans
le monde. Cette chirurgie des lobes frontaux connaîtra, à partir de cette époque,
deux évolutions parallèles : d’une part la simplification, avec la leucotomie
transorbitaire popularisée par l’Américain Freeman, qui rendra ce geste réalisable
en ambulatoire et donc à grande échelle ; d’autre part la recherche d’une plus
grande sélectivité des lésions, les interventions précédentes, réalisées à l’aveugle,
étant responsables d’une lourde morbidité associant altération cognitive et
mutilation de la personnalité. Parmi ces interventions plus ciblées, certaines,
comme la capsulotomie ou la cingulotomie, restent d’actualité. L’avènement
de la psychopharmacologie et ses premiers succès viendront, dès 1955, ralentir
considérablement le rythme de ces interventions. À la fin des années 1960, l’échec
de la médication chez certains patients et les progrès de la chirurgie, notamment
de la stéréotaxie, entraîneront un regain d’intérêt pour la psychochirurgie.
Celui-ci sera de courte durée : la survenue d’abus, une opinion déjà échaudée et
la crainte d’une société « psychocontrôlée » aboutiront à un encadrement très
strict voire à son interdiction dans plusieurs pays. À partir de 1999, le succès de la
stimulation cérébrale profonde, une nouvelle technique réversible et adaptable,
dans le traitement de la maladie de Parkinson, est venu offrir de nouveaux
espoirs thérapeutiques chez les patients souffrant de pathologie psychiatrique
sévère comme les troubles obsessionnels compulsifs. Aujourd’hui, ces nouveaux
traitements par neuromodulation viennent écrire une nouvelle page de l’histoire
de la psychochirurgie.
1. Cette vision d’Aristote fut longtemps la plus communément admise et certaines de nos
expressions témoignent de cette conviction lointaine : « apprendre par cœur », « tu me brises le
cœur » ou « avoir un cœur de pierre ». Cette croyance tient probablement aux manifestations
cardiaques telles que l’accélération du pouls accompagnant les émotions intenses. La réactivité
émotionnelle du coeur contrastant avec la placidité de l’encéphale.
Chapitre I – Une histoire controversée 3
2. Cette symbolique de la pierre est parvenue jusqu’à nous par des expressions telles qu’« avoir
un grain » ou « grain de folie ». Référence probable au grain de sable qui viendrait enrayer la
belle mécanique cérébrale.
3. On retiendra, notamment, les œuvres de Carel Allard, Hieronymus Bosch, Andries
Both, Pieter Brueghel, Adriaen Brouwer, Jan de Bray, Théodore de Bry, Cornelis de Wael,
A. Diepraem, Frans Hals, Pieter de Huys, Jan Steen, David Téniers, Jan Van Der Bruggen, Jan
Van Hemessen, Franz Van Mieris, Jan Van Mieris et Nicolas Weydmans.
4. Cette plante est connue en France sous le nom de millepertuis, une herbe traditionnellement
utilisée dans les manifestations dépressives légères, dont l’efficacité est maintenant démontrée.
4 Psychochirurgie
5. Cette année-là, Horsley, pour la première fois, interviendra sur une tumeur comprimant
la moelle épinière. Ce qui fera dire au célèbre médecin William Osler : « Avec cette opération,
peut-être la plus brillante de l’histoire de la chirurgie, la victoire était remportée ».
Chapitre I – Une histoire controversée 5
7. Chirurgien rémois ayant acquis une réputation mondiale dans le perfectionnement des
techniques chirurgicales et le développement du film opératoire. En neurochirurgie, on lui
doit le trépan débrayable : une chignole qui s’arrête de tourner lorsque sa pointe, une fois l’os
perforé, touche la méninge.
8. Technique chirurgicale de trépanation consistant en l’ablation d’une partie de la voûte
crânienne.
Chapitre I – Une histoire controversée 7
9. Injections de produits variés déclenchant chez l’aliéné un choc anaphylactique parfois fatal.
10. Équivalent de la pneumencéphalographie, c’est-à-dire l’injection de gaz au niveau des
ventricules.
8 Psychochirurgie
La naissance de la psychochirurgie
En 1910, à Londres, le psychiatre Bernard Hollander publie un ouvrage
intitulé Les symptômes mentaux des maladies du cerveau tandis qu’à Montréal,
William Penfield rapporte en 1935 l’amélioration de symptômes psychiatriques
après l’exérèse de tumeurs ou d’abcès cérébraux localisés dans les lobes
frontaux [35]. Ces différentes observations tendent à reconnaître aux aires
frontales une implication importante dans les phénomènes émotionnels et
comportementaux. Le témoignage du neurochirurgien P. Wertheimer en 1950
devant un parterre de philosophes, aide à saisir l’émergence de cette prise de
conscience : « Sans la neurochirurgie, sans la documentation qu’elle apporte […]
la psychochirurgie ne serait pas née ; elle en est un rameau plus jeune plus vivace.
Mais aux informations extraites de l’observation rigoureuse des malades opérés se
sont ajoutées celles que fournissent les plaies craniocérébrales et les traumatismes
crâniens affectant les lobes frontaux comme aussi les processus atrophiques
évolutifs ». Le célèbre médecin lyonnais ajoute : « Cette documentation allait
permettre une appréciation des fonctions du lobe frontal et de la signification
des connexions thalamo-frontales. Le territoire préfrontal apparaît comme celui
dans lequel s’inscrit la projection de l’individu dans l’avenir ; il est la zone du
futur ; il gouverne les idées du moi ; il est le siège des fonctions de prévision et
d’introspection. À ces fonctions, le thalamus apporte la composante émotive dont
se colorent les idées élaborées dans la corticalité préfrontale. Les malades privés
de lobes frontaux sont euphoriques, indifférents, ils manquent d’initiatives comme
aussi de sens social. L’intelligence est peu affectée, mais les possibilités de s’élever à
la synthèse ou de descendre dans l’analyse sont supprimées. Le seuil de l’affectivité
est abaissé. […]. La chirurgie fonctionnelle supprime l’inquiétude de l’avenir,
l’angoisse du lendemain, la pensée de la mort. Elle procure sans doute cette sécurité
au prix d’une certaine indifférence, d’une inertie relative. En fait elle détermine
un état régressif ; en un langage plus simple elle ramène l’individu sur la terre, elle
le met en face des réalités quotidiennes. Elle décolore l’affectif attaché au moi et
ramène ce dernier vers l’ambiance, vers le milieu familial ou social. Elle apparaît
comme un remède à l’anxiété, à l’angoisse, à l’introspection douloureuse » [36].
Des constatations cliniques qui, quinze années plus tôt, avaient été esquissées à
l’université de Yale par les premiers travaux chez le primate menés par Fulton.
John Fulton et ses travaux sur les lobes frontaux des singes
John Fulton, titulaire de la chaire de physiologie, et son collègue Carlyle
Jacobsen travaillent sur les fonctions corticales des lobes frontaux chez les
grands singes. Ils observent, chez deux chimpanzés, Beckie et Lucy, conditionnés
à effectuer des tâches complexes et récompensés après chacune d’elles, que
l’ablation d’une partie des lobes frontaux ne les empêche pas d’effectuer leurs
exercices ; en revanche, ils sont davantage distraits et ne manifestent plus de
comportement de frustration en l’absence de récompense [37, 38]. Ces travaux,
10 Psychochirurgie
12. Pour étayer son hypothèse, Moniz empruntera également aux travaux du neuroanatomiste
espagnol Santiago Ramon y Cajal, couronné par le prix Nobel en 1906 pour ses travaux sur la
« Théorie neuronale ». Moniz l’avait côtoyé alors qu’il était ambassadeur à Madrid et lui vouait
une profonde admiration. Les extrapolations fréquentes à partir des travaux de Ramon y Cajal
paraissent relever davantage de la nécessité d’une caution scientifique d’une personnalité
incontestée que d’un véritable raisonnement scientifique (in Valenstein, E. S. 1986. Great and
desperate cures: the rise and decline of psychosurgery and other radical treatments for mental
illness. Basic Books, New York).
13. Afférences : fibres nerveuses d’entrée par opposition aux efférences qui sont des fibres de
sortie.
Chapitre I – Une histoire controversée 11
Tableau I – Les premiers résultats de la leucotomie préfrontale concernant 20 patients (un des
patients souffrait des trois pathologies).
14. Voir p. 7.
14 Psychochirurgie
Fig. 7 a – Magazine Life – D’après cette vue d'artiste, illustrant certaines des conceptions
de l'époque, lorsqu'un homme croise une femme cela déclenche au niveau du thalamus
une pulsion sexuelle primitive (le « ça »), cette structure étant à l'origine des conduites
émotionnelles. À droite le « moi », symbolisant l'intelligence et l'expérience lui déconseille de
se ruer sur la jeune femme tout comme le « surmoi » qui, à gauche, représente la conscience
morale. Le compromis de ces différentes influences amène, par le biais des fonctions
exécutives, l'homme à tirer poliment son chapeau.
16 Psychochirurgie
Un rayonnement mondial
Des débuts timides en France
Moniz, pourtant élève du neurologue Pitre à Bordeaux puis de Pierre
Marie, Joseph Babinski et Jules Dejerine à Paris, comptera très peu de disciples
dans l’hexagone. « Ses premières communications et son livre publié en Français
et à Paris en 1936, furent accueillis dans l’ensemble par le scepticisme et la
désapprobation » relate le neurochirurgien Puech [34]. On relève néanmoins,
en 1940, une communication isolée de Gaston Ferdière [58], concernant une
leucotomie pratiquée selon la technique du neurologue portugais chez un
Chapitre I – Une histoire controversée 17
20. Fiamberti s’étant lui-même inspiré de son compatriote A. Dogliotti, qui avait mis au point
cette technique transorbitaire, en 1933, pour effectuer des ventriculographies afin d’injecter
un produit de contraste permettant de visualiser, par radiographie, certaines structures
cérébrales.
21. Voir p. 18.
Chapitre I – Une histoire controversée 19
Dès janvier 1946, après une brève expérimentation sur des cadavres, Freeman va
pratiquer sa nouvelle technique dans son bureau de consultation à Washington.
Un différend va alors éclater avec son associé Watts, le neurochirurgien esti-
mant la procédure trop risquée pour être effectuée dans un bureau [86]. De
plus en plus critique à l’égard de la sélection des patients, il décide de mettre
un terme à leur collaboration [86, 87]. Fulton, également scandalisé, écrira en
octobre 1947 à Freeman : « J’ai entendu dire que vous effectuez des lobotomies
dans votre bureau avec un pic à glace… Pourquoi ne pas utiliser un revolver ?
Cela serait plus rapide ! » [77]. Dès lors, Freeman opérera seul (fig. 10) [88],
pratiquant ou supervisant plus de quatre mille procédures [88-90]. Il s’attirera
la vindicte d’un bon nombre de neurochirurgiens ne tolérant pas qu’il puisse
exercer sans diplôme de chirurgien et surtout en dehors des salles d’opération,
dans des conditions d’asepsie laissant à désirer.
22. Titre s’inspirant de la traduction d’une tête de chapitre de l’ouvrage d’E. Valenstein : Great
and desperate cures : the rise and decline of psychosurgery and other radical treatments for
mental illness. 1986. Basic Books, New York.
23. Voir p. 268.
24. Contrairement à ce que prétend le film dramatique « Frances » tourné en 1982 et relatant
la vie de l’actrice hollywoodienne Frances Farmes, celle-ci n’a jamais été lobotomisée (El-Hai
J (2005) The lobotomist : a maverick medical genius and his tragic quest to rid the world of
mental illness. John Wiley & Sons, Hoboken, N. J).
25. De ce drame, T. Williams puisera l’inspiration pour sa pièce « Soudain l’été dernier », voir
p. 31.
22 Psychochirurgie
26. Certains collaborateurs de Poppen estiment qu’il s’agissait plutôt d’un geste
d’hypophysectomie, une intervention d’exérèse de la glande hypophyse particulièrement
efficace dans le traitement de douleurs cancéreuses d’origine osseuse et hormonodépendantes
(Nijensohn DE, Savastano LE, Kaplan AD, Laws ER Jr (2012) New evidence of prefrontal
lobotomy in the last months of the illness of Eva Peron. World Neurosurg 77: 583-90).
Chapitre I – Une histoire controversée 23
Fig. 15 – La cingulectomie.
Une fois le scalp rabattu sur le front, la taille d’un volet frontal est réalisée, permettant
l’incision de la dure-mère en avant de la suture coronale. La canule d’aspiration de l’opérateur
se glisse ensuite entre les deux hémisphères, juste au-dessus du corps calleux, afin d’aspirer, de
part et d’autre, la partie antérieure du cortex cingulaire. L’intervention est menée en prenant
soin de ne pas léser les vaisseaux interhémisphériques et notamment l’artère péri-calleuse,
d’après [3].
La mise à l’index
Durant une dizaine d’années, de 1945 à 1955, la psychochirurgie aura connu
son âge d’or avec, pour point d’orgue, l’attribution du prix Nobel à Moniz.
Néanmoins, les critiques envers les premières techniques délabrantes, qui se
murmuraient déjà en 1939 [102], commenceront à se faire entendre au début
des années 1950, pour devenir, vers 1955, de plus en plus bruyantes. Le monde
médical et l’opinion se montreront d’autant plus attentifs à ces critiques qu’au
même moment les progrès de la neuropharmacologie — avec la découverte des
neuroleptiques — offriront, enfin, une véritable alternative efficace, et surtout
réversible. De 1955 à 1975, les pouvoirs législatifs de plusieurs pays voteront
l’interdiction pure et simple de la psychochirurgie, tels l’Allemagne et le Japon
et de nombreux États des États-Unis. En France, au Royaume-Uni, en Suède, en
Espagne, en Inde, en Belgique, aux Pays-Bas et dans quelques États américains, sa
poursuite discrète sera encadrée. Cette première période de la psychochirurgie,
le psychiatre toulousain J. Laborié la résumera ainsi : « Orientée initialement
sur des indications trop larges et parfois illusoires, plus ou moins abandonnée
après l’essor des chimiothérapies, dépourvue sur le plan scientifique de bases
neuropsychologiques sûres, choquante pour certains par le caractère irréversible
de son action, cette méthode ne devait-elle pas obligatoirement se heurter à de
nombreux médecins et voir se dresser contre elle de nombreuses oppositions ? » [81].
Le neurochirurgien membre de l’Académie de Médecine, G. Lazorthes, de
conclure : « La psychochirurgie souleva des controverses passionnées, tenants
et opposants s’affrontèrent sur des problèmes moraux, religieux, médicaux.
Comme pour beaucoup de thérapeutiques de pointe, l’engouement fut excessif, les
indications parfois abusives. Après le flux vint le reflux et l’abandon a été excessif
lui aussi. Nous avons connu cela en d’autres domaines de la médecine » [129]. Les
publications se feront plus rares, moins enthousiastes et plus critiques devant
des statistiques mieux assises.
37. Cette intervention se soldera par le décès de la patiente des suites d’une hémorragie
cérébrale.
Chapitre I – Une histoire controversée 31
L’espoir né de la neuropharmacologie
Dans la préface de son ouvrage, paru en 1954, Le Beau déclarait : « La
psychochirurgie est née des insuffisances de la thérapeutique traditionnelle :
nous espérons bien qu’un jour elle sera remplacée par des méthodes plus subtiles
et réversibles, pharmacodynamiques par exemple » [3]. Car effectivement, la
découverte deux années auparavant d’une nouvelle molécule, la chlorpromazine,
aux effets sédatifs mais non hypnotiques, portera un coup d’arrêt au
développement de la psychochirurgie. En 1950, sous la direction du chirurgien
militaire français Henri Laborit, cette molécule est développée et expérimentée
à l’hôpital Sainte-Anne à Paris. Les psychiatres Jean Delay et Pierre Deniker
publieront en 1952 des résultats préliminaires encourageants obtenus chez
des patients psychotiques [138]. Dans un premier temps, ce neuroleptique, le
premier du genre, se propagera sur le vieux continent, Deniker sillonnant les
asiles d’Europe avec des échantillons de chlorpromazine. Rapidement, il gagnera
l’Amérique du Nord, avec l’un de ses promoteurs le psychiatre canadien Heinz
Lehmann, où il sera rapidement adopté sous le nom commercial de Thorazine®.
Son efficacité et surtout son caractère réversible, contrairement aux interventions
de lobotomie, lui permettront, dès 1954, d’obtenir son autorisation de mise
sur le marché américain et de rencontrer un large succès. En peu de temps, la
chlorpromazine sera prescrite à plus de deux millions de patients. L’utilisation
à très grande échelle de cette molécule et son succès ouvriront la recherche vers
d’autres médicaments avec, en 1959, l’halopéridol, présentant l’avantage d’être
davantage incisif que la chlorpromazine [139].
une lobotomie sur sa nièce, avec l’intention dissimulée que celle-ci devienne
incapable de révéler un terrible secret. En 1962, la nouvelle de Ken Kesey, Vol
au-dessus d’un nid de coucou [141], connaît un succès gigantesque. Le romancier
y raconte les déboires d’un homme rebelle et sympathique enfermé, à tort, dans
une institution psychiatrique. Le turbulent héros sera rendu docile et désincarné
par les électrochocs puis la lobotomie. L’adaptation cinématographique par
Milos Forman et avec Jack Nicholson, deviendra à son tour un succès planétaire
couronné par l’Oscar du meilleur film en 1975. Au fil des années, le ton de la
presse se montrera de plus en plus critique (fig. 17) [56].
38. Freeman et Lima étant les présidents honoraires, Scoville le président, Knight vice-
président et Hitchcock secrétaire. La 3e conférence sera organisée en 1972 à Cambridge.
39. Voir p. 22.
40. Voir p. 59 et figure 24 p. 60.
41. La stéréotaxie est aujourd’hui utilisée en routine pour la réalisation de biopsies de
tumeurs cérébrales ou lors du traitement des mouvements anormaux (maladie de Parkinson,
tremblements) voire de la douleur.
34 Psychochirurgie
obsessionnelle, nous avons bien l’impression que le sujet est libéré de ses obsessions et
de ses rites sans que le fond, la structure psychasthénique, soient réellement changés.
Nos succès incomplets dans ce domaine montrent d’ailleurs la persistance, sur un
mode atténué, des mêmes thèmes obsessionnels, amputés de l’obligation combien
stérilisante des rites » (fig. 18) [142]. Selon le type de gestes, des complications
postopératoires d’une durée variant de trois jours à six semaines sont observées :
euphorie, excitation et troubles sphinctériens lors des topectomies du cortex
dorsolatéral ; inertie, apathie et mutisme lorsqu’il s’agit du cortex orbitofrontal ;
diminution des gestes et des paroles spontanés, docilité excessive, et notable
indifférence émotionnelle dans les suites de procédures cingulaires [142]. Dans
bien des travaux, la rigueur scientifique aurait imposé que les résultats cliniques
fassent l’objet d’un suivi plus régulier et à plus long terme46. De même, le recours
à des échelles reproductibles et standardisées, d’un centre à l’autre, fait souvent
défaut et rend problématique la comparaison des séries entre elles. Pour cette
dernière raison, nous y reviendrons, il devient illusoire de vouloir tirer des
conclusions globales des interventions effectuées à cette époque.
Fig. 18 – Exemple
d’indications de
psychochirurgie
(inter ventions
f r o n t a l e s
sélectives) et
des résultats,
en 1970, par
l’équipe de Le
Beau.
Les auteurs classent, selon le succès, les résultats de 0 à 3 (0 : nul ; 1 : insuffisant [soit
l’impossibilité du maintien dans le milieu familial] ; 2 : favorable mais incomplet [soit un
effacement suffisant de la symptomatologie pour ne pas s’exprimer dans le comportement] ;
3 : succès thérapeutique [soit la reprise d’une activité professionnelle ou éventuellement, pour
les femmes, d’une activité ménagère et familiale efficace] [142].
48. L’étude clinique de Tuskegee, menée en Alabama de 1932 à 1972, porta sur le traitement
de la syphilis : près de quatre cents patients, des métayers afro-américains pauvres, se virent
38 Psychochirurgie
refuser le diagnostic et le traitement de cette maladie devenant ainsi les victimes d’une
étude sur le traitement et l’histoire naturelle de cette infection.
Chapitre I – Une histoire controversée 39
L’avènement de la neuromodulation
À la fin des années 1980, l’opinion publique avait détourné son attention
de la psychochirurgie, et il ne restait plus, dans le monde, que quelques rares
équipes à pratiquer des interventions chez des patients souffrant de pathologies
psychiatriques aux États-Unis [172], à Londres [173], Madrid [174], au
Benelux [175], à Sydney [176], Stockholm [177], Paris [178]. Chaque centre
s’était spécialisé plus particulièrement dans un type de procédure, telle la
cingulotomie49 au MGH à Boston, la tractotomie sous-caudée50 au Brook
General Hospital de Londres, la capsulotomie51 à l’Institut Karolinska ou la
leucotomie limbique52 à l’Atkinson Morley’s Hospital dans le sud de Londres.
Dans un petit ouvrage consacré à la neurochirurgie, Philippon résumera :
« L’expérience acquise des lésions très sélectives a montré que celles-ci pouvaient
être très efficaces avec un minimum d’effet secondaire. Cette sélectivité des lésions
peut être réalisée à la fois par des procédés stéréotaxiques associant une parfaite
définition anatomique, et par le contrôle du volume lésionnel, que celui-ci soit
obtenu par électrocoagulation, réfrigération ou par des éléments radioactifs. Les
sites lésionnels ont été également plus précisément définis et concernent dans la
majorité des cas la partie inféro-interne du lobe frontal. Les indications doivent
être extrêmement précises et la névrose obsessionnelle en est le meilleur exemple ».
Dans ce même opuscule de 1986, le neurochirurgien ajoute : « La possibilité
d’utiliser des techniques de stimulation de cibles nerveuses et non de destruction
(de façon un peu analogue à ce qui s’est passé dans le traitement chirurgical de
la douleur53) reste pour le moment purement théorique » [179]. Pourtant, la
même année, l’équipe française du neurochirurgien A.-L. Benabid, parviendra
à traiter efficacement des malades atteints de la maladie de Parkinson par
l’implantation d’électrodes au niveau du thalamus [180], puis viendra le
tour du tremblement [181, 182], de la dystonie généralisée [183]. Par cette
nouvelle technique, des électrodes de stimulation sont mises en place de façon
stéréotaxique et sont, grâce aux progrès de la miniaturisation, raccordées à
un boîtier de stimulation enfoui sous la peau. L’école de Grenoble démontre
qu’avec une stimulation électrique de haute fréquence, l’on peut induire un
effet voisin de celui provoqué par une lésion54. La nouveauté et la supériorité de
cette technique sur les interventions classiques de psychochirurgie lésionnelle
tiennent à son action réversible et adaptable. Le neurochirurgien belge Nuttin,
entrevoyant le potentiel de cette technologie, sera, avec son équipe de Louvain,
le premier à s’attaquer au traitement par stimulation cérébrale profonde d’un
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Chapitre I – Une histoire controversée 49
En résumé :
Le système limbique, commun à de nombreux mammifères, désigne un ensemble
de structures anatomiques mises en jeu lors des émotions. Théorisé au siècle
dernier, par Papez puis Mac Lean, ce système comprend le cortex préfrontal — où
les émotions accèdent à la conscience — ainsi que l’hippocampe, l’amygdale et
l’hypothalamus. L’hypothalamus, et son prolongement l’hypophyse, provoque les
manifestations viscérales liées à ces émotions. Ces manifestations émotionnelles
peuvent être déclenchées par la conscience mais inversement, la lecture de l’état
corporel, grâce notamment à l’insula, peut les rendre conscientes. La régulation
de ces réponses émotionnelles s’effectue aussi par des structures sous-corticales :
les noyaux gris centraux. Ces noyaux — composés par le thalamus, le striatum, le
pallidum ainsi que par les noyaux sous-thalamiques et accumbens — sont liés
au cortex par des circuits en boucles, boucles qui possèdent un rôle d’interface
entre les différentes composantes — émotionnelles, cognitives et motrices — de
nos comportements.
Dans cet extrait, le père de la médecine postule que les maux de l’esprit sont
aussi ceux du cerveau. Sigmund Freud était convaincu que certains de ses
concepts psychanalytiques seraient prouvés ultérieurement par des avancées en
biologie et en anatomie : « Nous devons nous souvenir que toutes nos idées provi-
soires en psychologie seront probablement basées un jour sur une infrastructure
organique » [2]. Huit ans après, en 1920, le neurologue autrichien ajoutait : « Les
insuffisances de notre description s’effaceraient sans doute si nous pouvions déjà
1. Des concepts développés dans les ouvrages du neurologue californien Antonio Damasio,
notamment dans son livre L’erreur de Descartes ou la raison des émotions, chez Odile Jacob,
Paris.
2. Depuis une trentaine d’années, de nouvelles techniques non invasives, contrairement aux
stimulations électriques à même le cortex de Penfield (p. 55), permettent de dresser une
cartographie de plus en plus détaillée de l’activité du cerveau humain. Pour cela, on a recours
à des modèles d’« activation émotionnelle » qui, par induction externe (exposition du sujet à
un stimulus déclenchant une émotion telle que l’enregistrement d’un fou rire ou des photos
insoutenables) ou interne (patient d’humeur dépressive, sujet se remémorant des souvenirs
chargés affectivement) entraînent des modifications d’activités des structures cérébrales liées
à ces émotions. Parmi ces nouvelles techniques d’imagerie :
– le PET-scan. Cet examen permet des enregistrements de l’activité cérébrale par émission
de positons. Grâce à l’injection de glucose radioactif consommé par les zones du cerveau, des
capteurs sont en mesure d’identifier chez les patients ou les sujets sains les régions qui sont en
activité au cours de telle ou telle « activité » cérébrale. La résolution des images obtenues reste
néanmoins relativement grossière, de l’ordre du centimètre ;
– l’IRM fonctionnelle (IRMf) est une application de l’imagerie par résonance magnétique
permettant de visualiser des variations du flux sanguin cérébral locales minimes, qui sont
observées lorsque ces zones cérébrales sont stimulées. La localisation des zones cérébrales
activées est basée sur l’effet BOLD (Blood Oxygen Level Dependant), lié à l’aimantation de
l’hémoglobine contenue dans les globules rouges du sang ;
– la MEG.
Chapitre II – La neuroanatomie des émotions 53
Le cortex
En résumé :
Le cortex est le substrat fondamental de la conscience mais aussi de la mémoire,
du langage et de nos perceptions. Sur ces deux mètres carrés de substance grise
repliés contre les parois de notre boîte crânienne, trois lobes sont largement
impliqués dans les émotions : les lobes frontaux, temporaux et insulaires. À
l’avant du lobe frontal, le cortex dorsolatéral intervient dans la planification
des comportements, tandis que le cortex orbitofrontal, plus médian, est engagé
3. Voir p. 59.
4. Voir p. 65.
5. Voir p. 61.
6. Voir p. 71.
7. Voir p. 55.
8. Voir p. 79.
9. Voir p. 67.
10. Ou « thalami », dans la langue française les deux orthographes sont admises, de même
pour le pluriel d’autres termes anatomiques latins comme gyrus, nucleus. Cette règle compte,
cependant, des exceptions et l’on ne dira pas des « radi » ni des « ani ».
54 Psychochirurgie
Au fond de cette scissure est enfoui le plus petit des lobes, l’insula, « l’île »
en latin, tel un territoire cortical englouti sous le cortex (fig. 28, p. 67). Les
limites du cinquième lobe, occipital, situé en arrière des lobes temporaux
et pariétaux, sont moins évidentes. Au sein de chacun de ces lobes, des
zones sont dévolues à des fonctions précises : les zones fonctionnelles. La
lésion ou la destruction d’une de ces zones par traumatisme, compression
tumorale ou ischémie provoque l’altération ou la disparition de la fonction.
Ce sont d’ailleurs ces lésions qui ont permis de dresser, au fil des siècles,
une cartographie des fonctions cérébrales. Au début des années 1950, la
stimulation électrique, notamment par le neurochirurgien montréalais
William Penfield, du cortex de patients éveillés a permis, en déclenchant
des mouvements, des comportements ou des crises d’épilepsie, d’affiner
ce découpage fonctionnel. Une cartographie dont le neurologue allemand
Korbinian Brodmann avait entrepris, au siècle passé, un relevé cadastral
méticuleux en attribuant à chacune de ces aires fonctionnelles un nombre.
Cette dénomination fait encore aujourd’hui autorité : les aires numérotées
de Brodmann. Ce décor dressé, nous insisterons essentiellement sur les
structures anatomiques nécessaires à la compréhension du sujet en raison de
leurs fortes implications dans les processus émotionnels : les lobes frontaux
et temporaux.
Le lobe frontal
C’est à nouveau Paul Broca, neurologue de la Salpêtrière, qui le premier,
en 1861, montrera, grâce à des observations cliniques corrélées ensuite à des
autopsies, l’importance de la partie basse et postérieure du lobe frontal gauche
dans le langage articulé chez le sujet authentique droitier. Cette zone, aires 44
et 45 selon la classification de Brodmann, a été baptisée, en hommage, « aire de
Broca ». La partie la plus postérieure de ce lobe, en avant de la scissure sylvienne,
dite encore centrale, est chargée de la motricité de l’hémicorps opposé, c’est
l’aire motrice primaire (aire 4). En avant d’elle se situe l’aire prémotrice
(aire 6), qui contribue à planifier le mouvement, tandis que l’aire 8, plus en
avant, intervient dans le mouvement des yeux. La volumineuse partie en avant
de cette région motrice, qui représente presque le tiers de la masse corticale,
est dénommée préfrontale, un cortex intimement lié aux processus cognitifs et
émotionnels. Connecté à de nombreuses régions du cerveau, ce cortex préfrontal
reçoit des informations sensorielles déjà élaborées provenant des régions dites
associatives du cortex occipital, temporal ou pariétal. Si l’on prend l’exemple de
l’information visuelle, l’image captée par la rétine est transmise par les voies
visuelles au cortex primaire occipital, qui la reçoit sous une forme « brute ».
C’est le cortex associatif occipital qui reconnaît et légende les différents éléments
composants de cette « photographie » transmise par le cortex primaire. Il en va
de même des informations auditives du cortex associatif temporal qui, entre
autres, traduit les sons entendus en mots. Le cortex associatif pariétal, quant à
lui, est impliqué dans les informations tactiles. En plus de ces aires associatives,
56 Psychochirurgie
S’ajoutent à cela des projections en direction des noyaux gris centraux et tout
particulièrement du striatum. Ces projections s’intègrent dans de véritables
boucles puisque, une fois projetée sur le striatum puis le pallidum, l’information
est dirigée vers le thalamus et, de là, retourne à son point de départ, le cortex
préfrontal. Avant d’aborder11 ces différentes boucles cortico-striato-thalamo-
corticales (CSTC) impliquées dans les fonctions cognitives et la régulation
des émotions, il est nécessaire de détailler les régions, au nombre de trois,
qui composent le cortex préfrontal : le cortex dorsolatéral, orbitofrontal et
cingulaire.
Le cortex dorsolatéral
Cette région dorsolatérale du cortex préfrontal (aires 9, 10 latéral et 46)
(fig. 22) est étroitement connectée au reste du cortex préfrontal et aux noyaux
dorsomédian et ventral antérieur du thalamus12. Elle se projette sur la partie
dorsolatérale du noyau caudé13 et intervient dans la boucle dite associative14
(fig. 46, p. 93) [8]. Ce cortex est dévolu à des tâches impliquant aussi bien la
Le cortex orbitofrontal
Cette partie du cerveau, représentée par les aires de Brodmann 10 médiale,
11, 12 et 47 (fig. 23) s’appuie sur la paroi osseuse des orbites. Ce cortex est
étroitement lié, tout comme le précédent, au cortex cingulaire, mais également
au reste du cortex associatif, à l’amygdale ainsi qu’aux noyaux dorsomédian
et ventral antérieur du thalamus [18]. Ce cortex se projette sur la partie
ventromédiane du noyau caudé [8] qui intervient dans la boucle associative17 et
possède, en outre, la singularité de recevoir des informations de chacun de nos
cinq sens [19]. Cette région, notamment sa partie la plus interne dite médiale,
est sollicitée lors des processus émotionnels et motivationnels, en particulier
chaque fois que la notion de récompense entre en jeu [20, 21]. Son rôle, comme
le souligne le psychiatre B. Aouizerate [22], est considéré comme primordial
« dans l’interprétation des informations sensorielles provenant de l’environnement
en leur conférant un sens au plan émotionnel et motivationnel tenant compte des
expériences antérieures du sujet », ce qui conditionnera la prise de décision [21].
La partie latérale de ce cortex intervient dans les tâches de réflexion, dites
cognitives, nécessitant du jugement, de la persévérance ou encore la détection
d’erreurs [18]. Ce cortex orbitofrontal contrôle également notre comportement
social, et l’on se souvient de l’anecdote historique de Phineas Gage18 devenu
asocial, irresponsable, impulsif et puéril suite à un traumatisme crânien
ayant endommagé cette région [23]. En règle générale, des lésions focalisées
de ce cortex entravent les capacités du sujet à utiliser les indices sociaux ou
émotionnels permettant de sélectionner une réponse comportementale
adéquate. L’imagerie fonctionnelle nous révèle, chez les patients dépressifs et
ceux souffrant de TOC [24, 25], une augmentation d’activité de cette région
du cortex [12]. Là encore, une normalisation est observée dans les suites d’un
traitement efficace [12, 26-28].
19. Le corps calleux est un faisceau d’axones interconnectant les deux hémisphères cérébraux.
Il assure donc le transfert d’informations entre les deux hémisphères et ainsi leur coordination
(fig. 21, p. 56).
20. Voir p. 67.
21. La substance grise périaqueducale désigne un ensemble de neurones localisé au sein
du mésencéphale, autour de l’aqueduc de Sylvius, qui fait communiquer le troisième et le
quatrième ventricule. Cette substance grise joue un rôle important dans le contrôle de la
douleur et les comportements de défense.
22. Voir p. 85.
23. Voir anatomie fonctionnelle p. 95.
24. Voir p. 236.
25. Voir détails de cette technique p. 203.
60 Psychochirurgie
Le lobe temporal
En résumé :
À sa face interne, le lobe temporal renferme l’hippocampe et l’amygdale. Cette
dernière est un site de convergence de toutes les modalités sensorielles et, selon
le contexte, l’amygdale leur attribue une signification émotionnelle — innée ou
acquise — provoquant des réactions végétatives. Elle participe au traitement des
signaux sociaux de l’émotion, en particulier la peur, ainsi qu’à la consolidation
des souvenirs émotionnels. En identifiant les dangers, son rôle apparaît
fondamental dans la préservation de l’individu. L’hippocampe, situé en arrière,
replace l’événement dans son contexte et détermine les conditions de sa mise
en mémoire. Le cortex préfrontal participe ensuite à l’analyse de ces situations
émotionnelles en confrontant l’expérience immédiate à celles passées, ceci afin
d’aboutir à une prise de décision.
Ce lobe est situé sous l’os temporal, ainsi dénommé parce que les cheveux des
tempes sont les premiers, en grisonnant, à subir les outrages du temps (ou tempus
en latin). Ce lobe, comme le précédent, est impliqué dans de multiples processus
cognitifs et émotionnels, et tout particulièrement sa partie interne, composée de
l’amygdale et de l’hippocampe. En 1937, deux chercheurs américains, Klüver et
Bucy, observent que des primates ayant subi l’ablation bilatérale de la partie interne
des lobes temporaux présentent ce qu’ils assimilent à une « cécité psychique » : une
perte de la signification émotionnelle des informations sensorielles, en particulier
visuelles [33]. Les singes n’ont alors plus peur des serpents ni de l’homme, et en
viennent à s’accoupler avec tous ceux qui passent à leur portée. Ce manque de
discernement se retrouve également au niveau oral, les animaux portant tout ce
qu’ils peuvent à leur gueule. Outre ces manifestations sexuelles et alimentaires, les
Chapitre II – La neuroanatomie des émotions 61
L’amygdale
En 1956, de nouveaux travaux chez le singe démontreront qu’une ablation
bilatérale et, cette fois, davantage focalisée à l’amygdale, suffit à provoquer la
plupart de ces symptômes [35]. Enfouie sous le cortex, dans la partie médiane et
antérieure de chaque lobe temporal, l’amygdale possède une forme en amande
dont elle tire son nom (fig. 25).
Fig. 25 – L’amygdale.
26. La strie terminale naît de l’amygdale et — selon une trajectoire à peu près parallèle à celle du
fornix — se dirige vers l’hypothalamus, l’aire septale et sur le « noyau du lit de la strie terminale »,
un ensemble de neurones agglutinés juste en arrière de la commissure antérieure. Cet amas
de neurones est souvent comparé à une extension de l’amygdale et, plus exactement, de son
noyau central, tant pour des raisons histologiques que du fait de ses nombreuses connexions
avec l’hypothalamus, les noyaux du tronc cérébral et notamment l’aire tegmentale ventrale
(ATV). Son activité semble également modulée par le cortex orbitofrontal. En définitive cette
structure, qui attire de plus en plus l’attention des chercheurs, occupe une position anatomique
stratégique permettant de réguler les centres de la récompense et du stress. Ce noyau projette,
en effet, sur le noyau paraventriculaire (p. 71) de l’hypothalamus nécessaire à l’activation de
l’axe corticotrope, et sur un des centres majeurs de la récompense : l’ATV (p. 96).
27. Voir p. 71.
62 Psychochirurgie
36. C’est le modèle de peur conditionnée qui, en laboratoire, a permis de comprendre le rôle
de l’amygdale : un rat est placé sur une grille métallique et, à chaque décharge électrique
appliquée au métal, un signal préalable avertit l’animal. Lorsque, après de multiples séances,
ce signal n’est pas suivi d’une décharge, le rat manifeste, malgré tout, des signes d’anxiété
(immobilisation, augmentation de la pression sanguine). Ces manifestations disparaissent
après destruction de l’amygdale (LeDoux JE (1998) The emotional brain : the mysterious
underpinnings of emotional life. Simon & Schuster).
64 Psychochirurgie
perception d’un danger peut être plus subtile comme, par exemple, la lecture de
la peur sur un visage37. La stimulation électrique directe de l’amygdale — ou
les crises épileptiques que l’on peut assimiler à des stimulations du cortex par
lui-même — produit des réactions voisines de celles rencontrées face à un danger.
S’ajoute souvent à ces manifestations une certaine agressivité ou des sentiments
de déjà-vu. A contrario, la destruction pathologique ou chirurgicale de cette
structure réduit, en plus de l’expression de peur et de sa reconnaissance sur le
visage d’autrui, les manifestations d’agressivité [40, 41]. Les accès de violence
ou d’agressivité pourraient donc être liés à un déséquilibre provenant d’un
défaut de modulation préfrontale et d’une hyperactivité amygdalienne [42].
Suivant cette hypothèse, dans les années 1960, Narabayashi réalisa des
interventions d’amygdalotomie bilatérale chez soixante patients présentant un
comportement agressif sévère [43, 44]. Le neurochirurgien japonais fit état
d’une amélioration significative chez 85 % d’entre eux, un résultat proche
du geste d’hypothalamotomie réalisé, nous y reviendrons38, pour la même
indication. Ces deux techniques, en cours jusqu’à la fin des années 1980 [45-
50], ont aujourd’hui presque totalement disparu. Le manque de suivi à long
terme, les progrès de la pharmacologie et surtout les questions éthiques que
soulevaient ces interventions, sont à l’origine de ce déclin [51].
De manière plus générale, l’amygdale contribue à la perception de toutes les
informations sensorielles pouvant présenter un contenu émotionnel [52]. Les
études chez des patients présentant des lésions amygdaliennes ont également
démontré que ce complexe [53] intervenait aussi bien dans l’encodage des
souvenirs à valence émotionnelle — positive ou négative — qu’au moment
de leur rappel39 [54]. L’amygdale est également en jeu (via ses connexions
réciproques entre ses noyaux basolatéraux et le noyau accumbens) chaque fois
que des situations mettent en jeu le circuit de la récompense [55]. À ce titre
elle pourrait être impliquée, notamment, dans le phénomène de rechute lors
des addictions40 : le toxicomane est de nouveau enclin à la prise de substance
addictive lors d’une confrontation à une situation associée, auparavant, à la
prise du produit [56].
37. Damasio a étudié, durant une dizaine d’années, une patiente de 28 ans qui, souffrant
d’une lésion bilatérale des amygdales, se montrait incapable de reconnaître des expressions
du visage comme la peur, la surprise ou le dégoût.
38. Voir p. 75.
39. Une étude américaine portant sur d’anciens combattants victimes de traumatismes crâniens
sévères a montré que les soldats présentant des lésions amygdaliennes ne développaient pas
ou peu de syndrome de stress post-traumatique (SSPT). En revanche, chez les blessés suivis
pour ce type de tableau psychiatrique, l’imagerie fonctionnelle révélait une hyperactivité
amygdalienne (Koenigs M, Huey ED, Raymont V, et al. (2008) Focal brain damage protects
against post-traumatic stress disorder in combat veterans. Nat Neurosci 11:232-7). Ces
constatations et les données de l’expérimentation animale ont conduit certaines équipes à
envisager la stimulation cérébrale de l’amygdale dans le traitement de SSPT sévères (Langevin
JP, De Salles AA, Kosoyan HP, Krahl SE (2010) Deep brain stimulation of the amygdala
alleviates post-traumatic stress disorder symptoms in a rat model. J Psychiatr Res 44: 1241-5).
40. Voir physiopathologie des addictions p. 251.
Chapitre II – La neuroanatomie des émotions 65
L’hippocampe
Dans les comportements de conditionnement, l’amygdale est étroitement
liée à une structure située juste en arrière d’elle, l’hippocampe41 (fig. 27).
D’aspect oblong et de la forme d’un cheval de mer à la coupe, d’où son nom,
cette structure entretient d’étroites connexions avec l’amygdale, mais également
avec le reste du cortex associatif par l’intermédiaire du cortex entorhinal42.
Cette région, qui collecte les informations corticales destinées à l’hippocampe,
intervient également dans l’orientation spatiale [57]. L’hippocampe se prolonge,
en arrière, par le gyrus hippocampique puis le fornix. Les fibres du fornix
rejoignant ensuite les corps mamillaires43.
45. Cette mémoire déclarative, consciente, répartie à la surface du cortex, est à opposer à la
mémoire inconsciente, dite procédurale, de nos habiletés (à faire du vélo, à jouer du piano
par exemple) stockée dans des structures telles que les noyaux gris centraux et le cervelet.
Néanmoins le dialogue entre les deux systèmes et le passage d’une forme de mémoire à l’autre
demeure permanent.
46. Marcel Proust, À la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, Pléiade, p. 45.
47. Voir la mémoire émotionnelle p. 89.
48. Une équipe marseillaise, menée par F. Bartholomei et P. Chauvel, a observé, en 2004, que
la stimulation électrique de ce cortex entorhinal provoquait des sensations de « déjà vu » et
de « déjà vécu ». C’est-à-dire le sentiment d’avoir vu, ou vécu, une scène que l’on vit pour la
première fois. En effet, la stimulation de ce cortex contraint l’hippocampe à s’engager dans un
processus de recollection, c’est-à-dire un effort de remémoration (rappel) suivant le contexte.
Le rhinencéphale participant également à la mise en mémoire (encodage), sa stimulation
Chapitre II – La neuroanatomie des émotions 67
Recourant à un jeu vidéo simulant un taxi dans une ville virtuelle, une équipe
californienne a récemment démontré que la stimulation de la région entorhinale,
chez sept patients épileptiques, lors de l’apprentissage des itinéraires, était associée
à une amélioration des performances mémorielles. Des travaux à rapprocher de
ceux de l’équipe de Lozano portant sur la stimulation des fornix49. Cette recherche
ouvre la voie à des neuroprothèses permettant de traiter le déclin mnésique observé
dans certaines affections neurodégénératives comme la maladie d’Alzheimer, une
maladie touchant près de quarante millions d’individus dans le monde [63, 64].
L’insula
Les bords du sillon latéral dissimulent dans les replis du cortex une profonde
dépression qui contient un lobe d’aspect triangulaire (fig. 28). Cet îlot, d’où
son nom de cortex insulaire, est doté de cinq petites circonvolutions. Ce cortex
est impliqué dans les émotions et la régulation de l’homéostasie du corps. La
partie antérieure de cette insula reçoit une projection directe du noyau ventral
médian du thalamus et des connexions réciproques avec l’amygdale, tandis
que la région postérieure se connecte aux cortex somatosensoriels associatifs et
reçoit également des afférences thalamiques50.
51. Les études en imagerie fonctionnelle ont montré une activation de l’insula chez les sujets
toxicomanes (cocaïne, alcool, opiacés et nicotine) exposés à des facteurs environnementaux
associés à leurs consommations. Des travaux récents ont montré que les fumeurs de cigarettes
ayant subi un dommage au niveau de l’insula perdent pratiquement toute leur dépendance. Ils
ont ainsi pu montrer que ces individus étaient 136 fois plus enclins à perdre leur addiction au
tabac que les fumeurs touchés au niveau d’autres aires cérébrales. (In : Naqv NH, Rudrauf D,
Damasio H, Bechara A (2007) Damage to the insula disrupts addiction to cigarette smoking.
Science 315: 531-4).
52. « Embodied cognition » en anglais.
53. Par certains égards, ce concept qui veut que la perception des modifications somatiques
viendrait modifier la perception consciente d’une émotion rejoint la théorie « périphérique »
de deux psychologues du XIXe siècle, James et Langes, qui considéraient que l’émotion
traduisait, avant tout, une réponse aux modifications physiologiques (tremblements, rythme
cardiaque accéléré…). L’exemple du cobra est souvent repris pour illustrer cette théorie : ce
n’est pas la présence du serpent qui provoquerait la peur mais le ressenti des manifestations
végétatives que provoquerait, inconsciemment, la vue du reptile. Parmi les critiques de la
théorie de James et Langes mentionnons des temps de réaction physiologique trop longs pour
rendre compte d’émotions soudaines ou encore un éventail de manifestations physiologiques
trop restreint pour traduire la richesse des émotions. La théorie de Cannon et Bard (voir
Chapitre II – La neuroanatomie des émotions 69
p. 88) formule l’hypothèse inverse : c’est l’expérience émotionnelle qui serait à l’origine de
l’excitation physiologique.
70 Psychochirurgie
Ces données sont confirmées par l’imagerie fonctionnelle, qui révèle des
modifications de l’activité préfrontale chez ces malades [69]. Certains auteurs
considèrent que ce mécanisme serait en jeu dans le traitement de la dépression
par la stimulation du nerf vague54. Cette stimulation, en modifiant le « retour »
végétatif, diminuerait la composante émotionnelle de la maladie [70]. On sait,
en effet, que les afférences de ce nerf, qui se termine au niveau du noyau du
faisceau solitaire dans le tronc cérébral pour se projeter vers l’amygdale et
l’insula, transmettent les informations somatiques (fig. 74, p. 171).
Le lobe pariétal
En arrière du sillon central se situe le lobe pariétal, et notamment les aires
3, 1 et 2 qui reçoivent les informations somatosensorielles (tact, position des
muscles et des articulations, température). Dans sa partie supérieure, ce lobe
est, lui aussi, considéré comme un cortex associatif hétéromodal jouant un rôle
important dans l’intégration des informations visuelles, tactiles, et auditives
(aires 5 et 7). Cette région est notamment impliquée dans la perception de
l’espace et la coordination des mouvements, encore appelée praxie, mais son
rôle reste modeste dans la gestion des émotions.
Le lobe occipital
Situé à la partie la plus postérieure du cerveau, le lobe occipital renferme les
aires sensorielles de la vision. L’aire 17 en est le centre de réception primaire,
l’aire 18 représente la région de la perception, tandis que l’aire 19, la plus
périphérique, correspond à la zone d’interprétation. Ce lobe n’intervient pas
directement dans les émotions.
En résumé :
L’hypothalamus peut être vu comme un transducteur émotionnel qui convertit
les informations reçues de l’amygdale, de l’insula, du cortex orbitofrontal et du
reste du système limbique en des manifestations végétatives (accélération ou
ralentissement du rythme cardiaque, modifications respiratoires, digestives…)
et endocriniennes. L’hypophyse, sous le contrôle de l’hypothalamus, intervient
dans cette réponse endocrinienne, notamment par la sécrétion d’hormones
corticotropes lors des phénomènes de stress.
L’hypothalamus
L’hypothalamus se situe à la base du cerveau, à l’avant et sous les thalamus,
d’où il tire son nom (fig. 30). Cette petite structure de 4 cm3 et d’autant de
grammes est impliquée dans de très nombreuses fonctions. L’hypothalamus
tapisse les parois antérieures du troisième ventricule et se compose d’une
douzaine de noyaux. Pour des raisons de clarté anatomique, mais également
fonctionnelle, on décrira cette région du centre vers la périphérie et d’avant en
arrière (fig. 31, 32, 33).
Fig. 30 – L’hypothalamus, vue générale. Les trois plans de coupe (a, b et c) des figures suivantes
sont représentés en pointillés.
55. L’activation du locus cœruleus induit la décharge de noradrénaline dans le cerveau, qui
se traduit par une augmentation de la vigilance, des performances mnésiques mais aussi de
l’anxiété. L’effet « facilitateur » de la noradrénaline sur l’activité de l’hippocampe favorise la
mise en mémoire du contexte de cet événement menaçant.
56. Au niveau du noyau ventromédian, ce contrôle s’exerce par une hormone sécrétée par le
tissu adipeux blanc, la leptine (du grec leptovı, leptos, mince) parfois appelée « hormone de
la faim ».
57. Voir p. 262.
Chapitre II – La neuroanatomie des émotions 73
62. Une région « ergotropique » se définit comme une aire sous la dominance du système
sympathique. Sano a ainsi décrit une zone hypothalamique triangulaire délimitée par le
milieu d’une ligne dite « CA-CP » reliant les commissures antérieure et postérieure (fig. 53,
p. 113), le sommet de l’aqueduc de Sylvius et le bord antérieur des corps mamillaires (fig. 30,
p. 71), cette région est aussi connue sous le terme de « triangle de Sano ».
63. Ibid.
76 Psychochirurgie
L’hypophyse
Appendue à la base de l’hypothalamus, l’hypophyse est située dans une
petite loge osseuse et se compose de deux parties, antérieure et postérieure :
antéhypophyse et posthypophyse. L’adénohypophyse est régulée par les neurones
de l’hypothalamus et sécrète des facteurs de libération dont l’action s’exerce sur
des glandes de l’organisme. Ainsi, l’hormone lutéotrope et folliculostimulante
(FSH) est un facteur de stimulation pour les hormones sexuelles (progestérone,
testostérone). L’hormone thyréotrope stimule la glande thyroïde, tandis
que la prolactine participe, au côté de l’ocytocine, à la lactation. L’hormone
corticotrope65 est un facteur de libération des hormones sécrétées par la glande
corticosurrénale. Produite, notamment, sous l’effet du stress, elle a pour effet de
faciliter le métabolisme énergétique et, aux côtés du système sympathique, prépare
l’individu à répondre aux agressions de l’environnement (fig. 34). En revanche,
une libération prolongée peut avoir des effets délétères sur l’hippocampe en
provoquant son atrophie et une altération de la mémoire déclarative66. C’est le
cas, par exemple, dans les états de stress continus [87] ou le syndrome de Cushing
caractérisé par un taux anormalement élevé de cortisol sanguin [88, 89].
Au niveau de la posthypophyse se déversent (fig. 35) deux hormones synthétisées
dans l’hypothalamus : l’hormone antidiurétique, qui s’oppose à la fuite d’eau
au niveau du rein, et l’ocytocine. Cette hormone, qui participe à l’allaitement,
serait également impliquée dans la relation mère-enfant, dans les phénomènes
sociaux, mais aussi dans certaines manifestations de solidarité, d’altruisme ou
de confiance en autrui [90]. L’administration intranasale d’ocytocine pourrait
également améliorer le comportement social de patients souffrant d’autisme
ou du syndrome d’Asperger [91]. De tels sprays seraient également efficaces
sur les symptômes de la schizophrénie, en association avec un traitement
antipsychotique [92].
L’aire septale
L’aire septale est située au-dessus de la commissure antérieure, en
avant du thalamus, en arrière du bec du corps calleux et en dessous du
septum pellucidum67, dont elle tire son nom. Ses contours exacts restent
sujets à discussion, certains auteurs y incluent des structures proches
68. Les noyaux septaux ont d’ailleurs été pris pour cibles dans le traitement de douleurs
rebelles.
69. L’habenula latérale, qui projette sur chacun de ces trois circuits de neuromédiateurs en les
freinant, fait partie des cibles anatomiques ayant été explorées, nous y reviendrons p. 161 dans
le traitement de la dépression rebelle par stimulation cérébrale profonde.
70. Voir p. 36.
Chapitre II – La neuroanatomie des émotions 79
Tableau III – Études ayant décrit les effets de la stimulation de l’aire septale chezl’homme.
En résumé :
Le thalamus est un centre déterminant dans l’intégration des informations
sensorielles, motrices, cognitives et émotionnelles. Trois de ses noyaux — antérieur,
dorsomédian et ventral antérieur — sont impliqués dans les émotions, de même
qu’une structure située à sa base : le noyau sous-thalamique. Les noyaux gris
comprennent les globus pallidus interne et externe, ainsi que le striatum dont
la partie ventrale intervient dans les fonctions cognitives. À la base du striatum
se trouve le noyau accumbens impliqué dans le circuit de la récompense. Ces
différentes structures s’intègrent, au côté du cortex frontal, dans des circuits : les
boucles cortico-striato-thalamo-corticales qui régulent notre motricité, notre
cognition et nos émotions.
Le thalamus
Le thalamus, du grec qavlamoı thalamos, le lit nuptial71, est une structure
anatomique paire située de part et d’autre du troisième ventricule dont il
constitue les parois (fig. 36). Situé entre le cortex et le tronc cérébral, cet ensemble
de noyaux possède une fonction de relais et d’intégration des informations
motrices, sensitives et sensorielles — à l’exception de l’olfaction — et donc
de très nombreuses connexions réciproques avec le cortex. Nous n’aborderons
ici que les structures concernées par les processus émotionnels : les noyaux
antérieur, ventral antérieur et dorsomédian.
71. Selon les premiers anatomistes, les voies optiques semblaient étendues sur ce lit, le
« thalamus nervorum opticorum ».
80 Psychochirurgie
Fig. 36 – Le thalamus.
Le noyau antérieur
Le noyau antérieur reçoit des informations de l’hippocampe via les corps
mamillaires72, qui, une fois intégrées, sont envoyées au niveau du cortex
cingulaire. Il appartient au circuit de Papez impliqué dans la mémoire73 (fig. 43,
p. 90). Ce noyau est actuellement pris pour cible dans le cadre de protocole
d’étude de la SCP dans le traitement de formes d’épilepsies rebelles [108-110].
Le noyau dorsomédian
Les entrées du noyau dorsomédian proviennent de l’hypothalamus, de
l’amygdale, du cortex olfactif ainsi que du globus pallidus interne et des noyaux
thalamiques voisins. Des informations qui, une fois intégrées, sont projetées sur
Fig. 37 – Projections du thalamus, via le bras antérieur de la capsule interne, vers le cortex
préfrontal. D’après [112].
Le noyau sous-thalamique
Ce noyau pair, de la forme d’une lentille allongée d’environ 150 mm3,
connu autrefois sous le terme de corps de Luys, du nom du neurologue français
J.-B. Luys qui le mit en évidence, est, comme son nom l’indique, accolé à la face
inférieure du thalamus (fig. 39).
Le striatum et le pallidum
Le striatum est une structure nerveuse paire d’aspect strié, d’où son nom
latin, formée de deux entités dopaminergiques de même origine embryologique
et connectées entre elles : le noyau caudé et le putamen. Le noyau caudé, de la
forme d’un fer à cheval, s’enroule autour du thalamus (fig. 40 et 41).
Il présente une extrémité antérieure renflée et un corps effilé s’amenuisant
juste derrière l’amygdale. La tête de ce noyau est reliée au putamen par des
ponts dits « putamino-caudés », qui traversent la capsule interne, notamment
le BACI. Le putamen ressemble à une pyramide, sa partie interne fait face au
pallidum. Ce pallidum, encore appelé globus pallidus, se compose de deux
segments, l’un externe, le globus pallidus externe (GPe) et l’autre interne,
GPi. Le territoire moteur du GPi comprend la moitié latérale, ventrale et
Le noyau accumbens
En résumé :
À la base du striatum ventral, le noyau accumbens est formé d’un « cœur »
impliqué dans le contrôle moteur, et d’une « coque », en lien avec l’amygdale et
le reste du système limbique. Relais au sein de la boucle CSCT, ce noyau intervient
dans la régulation des émotions et de la motivation, il est, à ce titre, considéré
comme une interface entre le désir et l’action
Situé à la base du striatum ventral, le noyau accumbens mérite que l’on s’y
attarde en raison de sa place en psychochirurgie. Structure pivot, il représente
l’interface entre deux circuits fondamentaux dans la régulation des émotions
et des comportements : les boucles CSTC et le circuit de la récompense78. Le
noyau accumbens se compose, sur des critères histologiques, d’un cœur, « core »
en anglais, et d’une coque, « shell » [134](fig. 42).
C’est dans cette dernière partie que s’abouche l’extrémité des neurones
mésolimbiques libérant la dopamine79, ce carburant essentiel au circuit de la
récompense, indissociable des processus motivationnels du système limbique.
Le cœur de ce noyau est en relation avec le système moteur extrapyramidal
responsable de la régulation des mouvements via la boucle motrice CSTC.
En résumé :
Plusieurs circuits neuronaux, s’intriquant les uns les autres, sont impliqués
dans les émotions. Le circuit de Papez, comprenant notamment l’hippocampe,
le thalamus et les corps mamillaires, intervient dans la mémorisation. Deux
autres boucles, reliant le cortex préfrontal au striatum et au thalamus puis
revenant au cortex, prennent également en charge les informations cognitives
mais aussi émotionnelles. Cette dernière boucle, émotionnelle, s’articule, via le
noyau accumbens, avec le circuit dopaminergique impliqué dans les processus
motivationnels où intervient la notion de récompense. D’autres circuits,
plus diffus, de neuromédiateurs — sérotoninergique et noradrénergique —
participent aussi à cette régulation de l’humeur.
cingulaire renvoie une partie des données vers le cortex entorhinal, bouclant
ainsi le circuit. La principale entrée d’information est donc le cortex, et le
circuit de Papez projette en retour sur ce même cortex, par des itérations
successives qui permettent la fixation de la mémoire déclarative88. Les
connexions de ce circuit avec l’hypothalamus et l’amygdale expliquent les
liens étroits de la mémoire avec l’émotion. Pour Voltaire, « ce qui touche le
cœur se grave dans la mémoire » ainsi le lecteur se souviendra avec précision
à quel endroit il se trouvait le 11 septembre 2001 lors de l’effondrement des
tours du World Trade Center. L’état émotionnel du moment ayant permis la
fixation « accidentelle » d’un flash d’informations89 qui, dans un contexte
habituel passerait à la trappe [197, 198]. Ainsi le stress, qui résulte de certains
événements, augmente la libération de noradrénaline et de dopamine
par l’intermédiaire de l’amygdale, qui contrôle les régions synthétisant
ces neuromédiateurs. La noradrénaline active en retour l’amygdale [53]
pourvue de récepteurs spécifiques à ce neuromédiateur. Celle-ci agit alors
sur l’hippocampe, le préparant à effectuer la mise en situation contextuelle
de cet événement et à évaluer si les conditions de mémorisation à long
terme sont réunies ou bien si l’événement générateur d’émotions peut être
oublié [199]. La dopamine, quand à elle, apparaît davantage impliquée dans
la mémoire à long terme. Ainsi, quand l’hippocampe détecte une information
nouvelle, telle une odeur agréable, un signal est transmis vers l’ATV, source de
dopamine [200]. Ce signal provoque une libération accrue de dopamine. Cet
afflux au niveau de l’hippocampe améliore la transmission de l’influx nerveux
au sein de cette structure, donc son efficacité, et la mémorisation s’en trouve
renforcée. Inversement, une anxiété ou un stress prolongé retentit sur les
performances de la mémoire déclarative [201]. Cette altération mnésique est
liée à l’action des hormones sécrétées lors du stress, les glucocorticoïdes, sur
l’hippocampe. Une atrophie de l’hippocampe peut être observée suite à un
stress durable [87, 202] ou en raison d’un taux de cortisol trop élevé [88, 89].
Dans des cas extrêmes de stress, cela peut conduire à une amnésie complète
de l’événement anxiogène. En revanche, l’amygdale, qui n’est pas affectée par
l’action de ces hormones, continue de fixer ces événements sous la forme
inconsciente d’une peur conditionnée [203]. Ce phénomène rendrait compte,
selon le neurobiologiste Marc Jeannerod, « des réactions comme les phobies,
les névroses de guerre90, les attaques de panique [qui] pourraient ainsi trouver
une explication dans cette dissociation entre l’amnésie pour les circonstances du
traumatisme et la persistance de la trace de peur conditionnée » [204].
limbique [207]. Mac Lean estime, en effet, que le grand lobe limbique, décrit
par Broca en 1878 [4] vient s’enrouler autour du cerveau reptilien pour former
un cerveau limbique. Pour le neurophysiologiste, ce cerveau ne se compose
pas seulement du grand lobe limbique de Broca91 et des structures ajoutées
par Papez, le thalamus et l’hypothalamus, mais également du cortex préfrontal
et de l’amygdale. Le scientifique américain insiste sur les connexions étroites
entre l’amygdale et le circuit de Papez. Une amygdale qui filtre les informations
transitant par le circuit de Papez et devient, comme le décrit le psychiatre
Jouvent, « le véritable gendarme attentionnel de l’environnement interne et
externe […] attribuant une valence émotionnelle négative, dangereuse, ou positive,
favorable. [L’amygdale] reçoit des informations depuis des entrées sensorielles
(noyaux latéraux) qui convergent vers elle. Le thalamus sensoriel est son partenaire
privilégié » [208]. Les connexions de l’amygdale (noyaux centraux) avec
l’hypothalamus sont responsables aussi bien des réactions hormonales comme la
libération d’hormones glucocorticoïdes, que des réponses végétatives avec, selon
les circonstances environnementales, la mise en jeu du système sympathique ou
parasympathique. En définitive, Mac Lean attribue à ce cerveau limbique trois
fonctions : la préservation du soi, qui serait inhérente à la région amygdalienne,
la préservation de l’espèce, autrement dit la sexualité, liée à la région septale et
enfin les relations interindividuelles relevant du complexe thalamocingulaire.
D’après le chercheur de Yale, cet ensemble, plus évolué, permettrait aux
mammifères de s’affranchir des comportements stéréotypés imposés par leur
cerveau reptilien en y ajoutant des compétences sociales, affectives telles que
les émotions, la motivation ou le sens d’appartenance à un groupe. Ces deux
cerveaux, ancestraux au plan évolutif, formeraient, selon Mac Lean, le cheval. Le
cavalier de cette monture étant le néocortex, autrement dit le reste du cortex,
qui représente l’intelligence rationnelle qui cherche à s’affranchir de la tutelle
des émotions92. Ce modèle anatomique des émotions, élaboré par Mac Lean, est
souvent cité même s’il connaît de nombreuses critiques, comme par exemple,
l’importance excessive donnée à l’hippocampe, aux corps mamillaires et au
thalamus antérieur, et inversement, l’implication sous-estimée des noyaux gris
centraux dans nos processus émotionnels [197].
91. Le neurologue français associait ce grand lobe limbique au comportement bestial, par
opposition aux facultés intellectuelles gérées par le reste du cortex.
92. Lire, à ce sujet, l’excellent ouvrage de R. Jouvent (2009), Le cerveau magicien, Odile
Jacob, Paris.
92 Psychochirurgie
existe, là aussi, une voie indirecte avec le GPe et la partie rostrale du NST qui
s’interposent entre le striatum ventral et le GPi. Cette boucle est impliquée dans
l’aspect motivationnel des comportements. Chez les patients parkinsoniens, le
manque de dopamine au sein de cette boucle — et celle associative — engendre
un ralentissement psychique et une apathie [210]. Une lésion bilatérale et
étendue du cortex cingulaire105 peut provoquer un mutisme, une apathie sévère,
une aboulie par perte de motivation. Dans certains cas, l’expression verbale se
limitera à des monosyllabes et le visage ne traduira plus aucune émotion, même
confronté à la douleur [216-218]. La douleur ne sera d’ailleurs plus perçue
comme une souffrance. Ces différentes boucles sont interdépendantes les unes
des autres tant dans leur finalité que par les structures et neuromédiateurs
qu’elles partagent [209]. Concernant la finalité, cela peut s’illustrer ainsi : si
l’envie vous prend de boire une limonade, cela implique une motivation (boucle
limbique) ; mais aussi la planification pour se rendre vers cette bouteille (boucle
cognitive) ; puis enfin le comportement moteur permettant de saisir la bouteille
et le verre pour ensuite siroter le soda (boucle motrice). Le NST apparaît comme
une des structures pivots de ces différentes boucles permettant l’interface entre
manifestations cognitives, limbiques et comportements moteurs. Il en va de
même du noyau accumbens106, une autre interface importante entre le désir
et l’action. Parallèlement à ce rôle de charnière, le NST possèderait également,
selon l’équipe française de Bioulac, une fonction plus complexe d’« horloge
centrale des noyaux gris centraux » en synchronisant l’activité oscillatoire de ces
noyaux avec celle du cortex [219, 220], des oscillations primordiales pour la
connectivité et la plasticité cérébrale [221].
En résumé :
Trois principaux neuromédiateurs, appartenant tous au groupe des monoamines,
la dopamine, la sérotonine et la noradrénaline, participent au circuit
neurochimique du système limbique. La dopamine synthétisée par la substance
noire intervient dans les boucles CSTC, tandis que celle sécrétée par les neurones
de l’aire tegmentale ventrale est impliquée dans le circuit de la récompense.
La sérotonine synthétisée par les noyaux du raphé module les comportements
plutôt en les inhibant, tandis que la noradrénaline provenant du locus cœruleus
majore l’attention aux stimuli extérieurs.
Cette seconde voie, dite voie mésolimbique, nous intéresse davantage en raison
de ses connexions étroites avec le système limbique, le terme méso provenant
de l’abréviation de « mésencéphale », la partie supérieure du tronc cérébral
renfermant l’ATV. Cette voie mésolimbique est également connue sous le terme
de « circuit de la récompense » en raison de sa participation dans le contrôle
des processus motivationnels et de récompense. Elle permet le renforcement
positif des comportements qui procurent du plaisir. Chez l’animal, les lésions
de l’ATV se traduisent par un désintérêt pour l’environnement et par une
diminution du comportement exploratoire. En revanche, après implantation
d’électrodes au niveau de l’ATV ou le long du FMT et en lui laissant la liberté de
s’autostimuler, l’animal occupera tout son temps à cette activité réjouissante au
point d’en négliger ses activités de survie [97]. Ces phénomènes de récompense
et de renforcement sont destinés à ce que le sujet éprouve une allégresse lors de
comportements essentiels à sa survie, telle l’alimentation, ou à celle de l’espèce,
comme le plaisir reproductif. Outre ces processus de motivation et d’aversion, le
système mésolimbique participe à certaines fonctions cognitives. Ce circuit est
détourné lors de l’usage de drogue, toutes les addictions, nous l’avons abordé109,
ayant en commun d’augmenter la concentration dopaminergique au sein du
noyau accumbens. Cette production dopaminergique, à l’origine de la sensation
de plaisir, aboutit à un comportement compulsif où l’usage de la drogue vient
remplacer les comportements de survie110. Le troisième circuit dopaminergique,
la voie mésocorticale, est formé des neurones dopaminergiques de l’ATV dont
les axones projettent sur le cortex préfrontal et notamment le cortex cingulaire
antérieur. Il intervient dans la concentration et des fonctions exécutives comme
la mémoire. Enfin, le dernier des faisceaux dopaminergiques, la voie tubéro-
infundibulaire, naît de l’hypothalamus et inhibe la sécrétion de prolactine de
l’antéhypophyse. La dopamine se fixe sur deux classes de récepteurs : D1 et
D2 [223]. La classe D1 concerne des récepteurs postsynaptiques dont l’action
est excitatrice. Elle comprend les récepteurs D1 au niveau du striatum, du
noyau accumbens et du cortex, et les récepteurs D5 dans l’hippocampe et
l’hypothalamus. La classe D2, pré- et postsynaptique, est inhibitrice et regroupe
les récepteurs D2 au niveau du striatum, du noyau accumbens, du cortex et de
l’adénohypophyse, D3 dans le striatum ventromédian et le noyau accumbens,
et D4 dans le cortex et l’hippocampe. Ces deux derniers récepteurs sont en
moindre abondance dans le cerveau. Dans la schizophrénie, une hyperactivité
de la voie mésolimbique serait, entre autres111, responsable de symptômes
La sérotonine
Au niveau cérébral, l’intégralité des neurones produisant la sérotonine,
encore appelée 5-hydroxytryptamine (5-HT), se situent dans la partie médiane
du tronc cérébral. Ce sont les noyaux du raphé (fig. 50).
la chlorpromazine qui bouleversa, on l’a vu, la prise en charge de cette psychose dans les
années 1950. L’hypothèse sérotoninergique est aujourd’hui confortée par le fait qu’un autre
médicament efficace sur les symptômes délirants, la clozapine, possède davantage d’affinité
pour certains récepteurs de la sérotonine que pour ceux de la dopamine. Pour cette raison,
il a l’avantage de ne pas provoquer les effets indésirables moteurs des neuroleptiques de
première génération. Le glutamate, qui joue un rôle dans la mémorisation, l’apprentissage et
le développement cérébral, ainsi que le GABA, neurotransmetteur inhibiteur, ont également
été impliqués. À cela s’ajoutent des hypothèses neurodéveloppementales. L’imagerie cérébrale
a fait émerger l’idée que la schizophrénie pourrait être un trouble des fonctions corticales. Des
événements survenant pendant la grossesse pourraient, eux aussi, perturber des processus de
multiplication et de migration neuronales. Des pistes génétiques sont également explorées,
puisque 15 % des schizophrénies sont familiales, tout comme les facteurs environnementaux.
100 Psychochirurgie
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110 Psychochirurgie
En résumé :
Il existe deux grandes familles d’interventions en psychochirurgie (fig. 52).
La première consiste à réaliser, par stéréotaxie, une lésion, grâce à la chaleur
(thermocoagulation) ou à des radiations ionisantes (radiochirurgie), en un
ou plusieurs points précis du cerveau. La seconde, plus récente, est celle des
techniques de stimulations prenant pour cible aussi bien des structures profondes
du cerveau que le cortex ou le nerf vague. Par opposition aux précédentes, ces
techniques ont des effets réversibles, adaptables et font appel à des dispositifs
— électrodes et stimulateurs — implantés.
C’est l’essor, au début des années 1950, de la stéréotaxie qui a permis aux
neurochirurgiens de réaliser des lésions beaucoup plus précises de structures
cérébrales, autorisant ainsi de bien meilleurs résultats et surtout une diminution
des complications. En 1947, Spiegel et ses collèges vont mettre au point un
appareillage de repérage sophistiqué capable — chez des malades souffrant de
pathologie psychiatrique sévère — d’atteindre une cible anatomique précise :
le noyau dorsomédian du thalamus1 [1]. Spiegel, bien des années plus tard,
lorsqu’on l’interrogera sur la genèse de cette technique, répondra : « J’avais
été horrifié par le dommage cérébral et les changements de personnalité du
patient [suite à une lobotomie frontale – NDLA] et j’étais convaincu qu’une
réduction des complications émotionnelles et comportementales liée à cette
lobotomie était possible par un geste beaucoup plus ciblé au niveau du noyau
dorsomédian du thalamus connecté à ce lobe frontal »[2]. Cette invention signait
l’acte de naissance d’une nouvelle branche de la neurochirurgie : la chirurgie
stéréotaxique.
1. Voir p. 80.
La stéréotaxie
Aujourd’hui, la chirurgie stéréotaxique reste, bien entendu, appliquée à la
psychochirurgie, mais connaît également des applications quotidiennes dans
tous les services de neurochirurgie, que ce soit par la réalisation de biopsies
de tumeurs cérébrales, la chirurgie des mouvements anormaux (maladie de
Parkinson, tremblement essentiel, dystonie généralisée), l’enregistrement
de l’activité électrique intracérébrale chez les patients épileptiques ou, plus
rarement, dans le traitement de la douleur. En psychochirurgie, la technique de
stéréotaxie va permettre d’amener avec une précision millimétrique l’électrode
de thermocoagulation au contact de la structure anatomique que l’on souhaite
léser, on parle alors de chirurgie lésionnelle ou ablative, ou que l’on cherche à
stimuler lorsqu’il s’agit de stimulation cérébrale profonde (SCP). La chirurgie
stéréotaxique permet donc de cibler avec une très haute précision des points
ou des régions du cerveau. Dans un premier temps, un équipement de repérage
appelé cadre stéréotaxique est fixé à la surface du crâne du patient sous anesthésie
locale ou générale (fig. 66, p. 144). La stéréotaxie traite le cerveau comme une
carte géographique et se base sur des coordonnées permettant la localisation
d’un point dans les trois plans de l’espace : x, y et z (fig. 53). C’est le cadre de
stéréotaxie qui, tout en immobilisant la tête du patient, va définir cet espace de
travail. Une fois ce cadre fixé, le patient est amené dans un service de radiologie afin
d’effectuer une IRM ou un scanner permettant d’acquérir des images cérébrales
tridimensionnelles.
Fig. 53 – Principes de la
stéréotaxie.
A : trois axes définissant
un volume (x : de
droite à gauche, y :
d’arrière en avant, z :
de bas en haut) ; B :
cadre stéréotaxique
permettant de fixer le
crâne et de définir un
volume de travail ; C :
réalisation de l’imagerie
(habituellement
IRM) avec le cadre ;
D : à l’imagerie, des
repères anatomiques,
constants d’un sujet
à l’autre, telle la ligne
reliant la commissure
antérieure [AC] à
celle postérieure [PC]
permet de localiser des
structures difficilement
visibles.
114 Psychochirurgie
le cadre stéréotaxique est équipé d’un arc porte-instruments réglé selon les
coordonnées x, y et z de la cible repérée. Une trajectoire vers ce point est ensuite
définie, cherchant à éviter les veines, les artères, le fond des sillons contenant des
vaisseaux et les ventricules. La troisième étape consiste à réaliser une incision
cutanée, puis à perforer la boîte crânienne d’un fin trou de trépan afin d’y
descendre, millimètre à millimètre, l’électrode — de thermocoagulation ou de
stimulation selon le type de procédure — dans les profondeurs du parenchyme
cérébral (fig. 55). Nous reviendrons, en détail, sur ces différentes étapes dans les
paragraphes suivants2.
2. Voir p. 143.
116 Psychochirurgie
En résumé :
La psychochirurgie lésionnelle, telle qu’on la pratique aujourd’hui, consiste
à réaliser, en condition stéréotaxique, le plus souvent par la chaleur ou par
les radiations, une destruction focalisée d’un ou plusieurs points précis du
cerveau. On recense quatre grands types d’interventions : la capsulotomie, qui
cible le bras antérieur de la capsule interne, la cingulotomie, qui vise le cortex
cingulaire antérieur, la tractotomie sous-caudée, qui interrompt les fibres en
dessous de la tête du noyau caudé, et la leucotomie limbique, une association
des deux techniques précédentes. Actuellement, la faveur des équipes se tourne
plutôt vers les deux premières interventions. Le choix entre la capsulotomie et la
cingulotomie est dicté par le type de pathologie, mais également par l’expérience
de l’équipe qui pratique ces gestes. Les deux grandes indications, aujourd’hui,
demeurent les TOC et les dépressions sévères.
La capsulotomie
En résumé :
La capsulotomie vise à interrompre une partie des fibres reliant le cortex préfrontal
au thalamus au niveau de la région du bras antérieur de la capsule interne.
Réalisé par thermocoagulation ou radiochirurgie, ce geste se pratique dans le
traitement de formes sévères de TOC, de trouble anxieux et, plus accessoirement,
de dépression.
3. Voir p. 250.
4. Voir. p. 242.
5. Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie, p. 193.
6. Chapitre V – De légitimes questions éthiques, p. 293.
118 Psychochirurgie
L’historique et le principe
Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, l’intervention qui se
pratiquait, pour des pathologies psychiatriques aussi variées que la dépression
ou la schizophrénie, était la leucotomie préfrontale « ouverte ». Meyer, revoyant
ses résultats cliniques, remarqua que de meilleures suites opératoires étaient
obtenues lorsque ce geste se limitait au BACI [17]. Ce sont les neurochirurgiens
français et suédois, Talairach7 et Leksell, qui, en 1949, cibleront spécifiquement
cette région compte tenu du passage, en son sein, des fibres reliant le cortex
préfrontal au thalamus (fig. 57) [18]. Au fil des interventions centrées sur cette
région, et notamment son tiers antérieur, les équipes rapportèrent de biens
meilleurs résultats, en particulier dans les indications de dépressions, de troubles
anxieux sévères et de TOC [19]. Nous l’avons détaillé8, cette région du BACI située
entre la tête du noyau caudé et le putamen contient, dans sa partie inférieure,
les faisceaux corticothalamiques [20]. Ceux-ci relient, réciproquement, le noyau
dorsomédian9 du thalamus à tout le cortex préfrontal10 ainsi que le noyau
ventral antérieur11 plus spécifiquement aux cortex dorsolatéral et orbitofrontal
(fig. 36, p. 80). Il existe également au niveau de ce bras antérieur des connexions
corticostriatales unissant le cortex préfrontal au striatum12. Ce bras antérieur
voit donc transiter les informations d’entrée (faisceau corticostriatal) et de sortie
(faisceau cortico-thalamique) des boucles cortico-striato-thalamo-corticales
(CSTC) associative et limbique13 conceptualisées par Alexander (fig. 46, p. 93
et fig. 47, p 95) [21]. À noter, toujours dans cette région, un troisième faisceau
corticopontin, qui relie le cortex préfrontal au tronc cérébral et dont le rôle
demeure obscur [22-25]. Une étude par tractographie14 chez des patients traités
par capsulotomie a révélé une dégénérescence de chacun de ces trois faisceaux,
tandis que le TEP-scan a montré une diminution de l’activité du cortex
orbitofrontal et du striatum suite à ce geste [26]. Malgré ces données d’imagerie,
le mécanisme neurophysiologique aboutissant à l’amélioration clinique chez les
patients souffrant de TOC15 ou de dépression demeure largement incompris [27].
La capsulotomie s’effectue, aujourd’hui, de deux manières différentes : par
7. Talairach sera le premier à communiquer au sujet de cette cible, tandis que Leksell
publiera les premiers résultats cliniques et popularisera cette technique.
8. Voir p. 81.
9. Ibid.
10. Voir p. 55.
11. Voir p. 80.
12. Voir p. 83.
13. Voir p. 93 et 94.
14. La tractographie dite aussi « tenseur de diffusion » ou « DTI » en anglais est une technique
basée sur l’imagerie par résonance magnétique (IRM) qui permet de calculer pour chaque
point de l’image la diffusion des molécules d’eau. La direction de diffusion d’une molécule
d’eau étant contrainte par le milieu dans lequel elle se trouve, cette modalité d’imagerie
permet d’obtenir indirectement la position et l’orientation de structures fibreuses comme les
faisceaux de matière blanche du cerveau.
15. Voir physiopathologie des TOC, p. 198.
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 119
Fig. 57 – Schéma d’une IRM axiale montrant les lésions en cocarde [a] d’une capsulotomie
bilatérale.
Lésions effectuées, de part et d’autre, à 20 mm de la ligne médiane et 5 mm en arrière
de l’extrémité antérieure de la corne frontale du ventricule latéral dans le plan reliant les
commissures antérieure et postérieure, nommé CA-CP (voir fig. 53). D’après [32].
Les résultats
Les complications
Dans un peu moins de 1 % des cas, une hémorragie intracrânienne, des
crises d’épilepsie postopératoires ou des hallucinations transitoires ont été
rapportées dans les suites de ce geste. Parmi les effets indésirables les plus
fréquents, on retiendra l’apathie et la confusion, le plus souvent transitoire,
chez 86 % des patients, une incontinence urinaire durant quelques jours
(27 %), une fatigue persistante (32 %), une prise de poids significative
(10 %) [33, 38]. Rück rapporte 4 % de suicides parmi vingt-six patients
suivis à long terme et traités pour TOC, tandis que Christmas ne mentionne
aucune autolyse chez les vingt-deux malades traités pour dépression [25, 37].
Concernant la survenue de troubles neuropsychologiques, les auteurs restent
divisés. On l’a vu, l’équipe écossaise ne rapporte pratiquement aucune
dégradation cognitive. Il en est de même de Mindus [28, 39, 40], en revanche
Rück, qui appartient à la même équipe de l’Institut Karolinska, faisait état
en 2003 chez sept des vingt-six opérés, d’un tableau d’apathie et d’un déclin
des fonctions exécutives [37, 41, 42]. L’équipe suédoise, en corrélant ces
tableaux de détériorations cognitives à l’imagerie cérébrale, a constaté que
plus les lésions de thermocoagulation étaient volumineuses et étendues en
arrière et en dedans du bras antérieur, notamment du côté droit, plus ce
risque de complication se majorait. Par ailleurs, une petite étude portant sur
neuf patients a montré, chez les sujets traités par capsulotomie tout comme
chez ceux traités par cingulotomie, une plus grande difficulté à évaluer l’état
émotionnel de leur entourage [43]. Un handicap qui pourrait rendre leur
réintégration sociale difficile.
La cingulotomie
En résumé :
La cingulotomie réalise une lésion bilatérale de la partie antérieure du cortex
cingulaire. D’une efficacité proche de la capsulotomie dans le traitement des
TOC, ses résultats semblent supérieurs dans le traitement de la dépression, même
si un geste complémentaire peut s’avérer nécessaire. Cette technique, consistant
en une thermocoagulation stéréotaxique, est surtout pratiquée aux États-Unis.
Contrairement à la capsulotomie, cette cible n’a quasiment pas été reprise par la
radiochirurgie ou la stimulation cérébrale profonde. Ce type d’intervention dans
le traitement des addictions ou des troubles agressifs demeure controversé
L’historique et le principe
Le gyrus cingulaire22, localisé sur la face interne de chaque hémisphère
cérébral, appartient au circuit de la mémoire, le circuit de Papez23, et plus
largement au circuit limbique24. À ce titre, il est considéré comme une
structure clef dans la formation et l’expression des émotions [47]. Au début
des années 1950, le neurophysiologiste américain Fulton pratiqua des lésions
cingulaires chez les singes. Il n’observa ni modification de leurs comportements
sociaux, ni trouble neurologique, en revanche, il nota une plus grande tolérance
à la frustration [48-50]. Quelques années auparavant, il avait été observé que la
stimulation électrique de ce cortex provoquait, chez l’homme, des manifestations
végétatives proches de celles rencontrées dans les états de stress et modifiait l’état
anxieux [51, 52]. À Oxford, Cairns, influencé par les travaux de son ami Fulton,
sera l’un des premiers à réaliser une cingulectomie à « ciel ouvert » [53], mais
c’est l’Américain Scoville qui publiera, en 1951, les premiers résultats — plutôt
médiocres — de quarante de ses patients opérés. Cet échec du neurochirurgien
du Connecticut pourrait être mis sur le compte de la cible plutôt postérieure
du gyrus cingulaire qui avait été choisie. À Oxford, Whitty, aux côtés de Cairns,
ciblera la partie antérieure de ce cortex cingulaire et rapportera 75 % de bons
ou d’excellents résultats chez vingt-quatre de ses patients opérés de troubles
psychiatriques variés [53, 54]. En 1954, le neurochirurgien de l’hôpital de la
Pitié-Salpêtrière, Le Beau, précurseur de la cingulectomie25 (fig. 15, p. 26)
notera que les meilleurs résultats sont obtenus chez des patients violents, agités
et agressifs [55]. Par la suite, les séries se succéderont, confirmant d’une part,
que la partie antérieure du gyrus cingulaire semble être la cible de choix et,
d’autre part, que les patients souffrant de TOC semblent être les meilleurs
candidats [56, 57]. En 1967 au Massachusetts General Hospital, Ballantine
améliora les résultats, avec 79 % de suites satisfaisantes, en réalisant le geste non
plus à ciel ouvert, mais par une aiguille d’électrothermocoagulation guidée par
les données de la pneumencéphalographie26 (fig. 58) [48].
Fig. 58 – La cingulotomie.
Une injection d’air est réalisée au sein des ventricules (pneumencéphalographie) afin qu’ils
deviennent visibles sur une radiographie de profil (à gauche) et de face (à droite). Les
aiguilles de thermocoagulation sont ensuite descendues en direction du toit des ventricules
latéraux moulés par le gaz. La coagulation est effectuée à quelques millimètres de ces repères
ventriculaires, au niveau de la partie antérieure du cortex cingulaire. D’après [58].
Ce nouveau mode opératoire avait été proposé, cinq ans auparavant, dans
le traitement de douleurs cancéreuses non soulagées par d’importantes
quantités de morphine [59]. C’est d’ailleurs en remarquant que, en plus du
soulagement des douleurs, un sevrage en morphine pouvait être obtenu, que
cette intervention fut également proposée dans le traitement de l’addiction27 aux
opiacés [9, 60-62]. Malgré ces données cliniques, empiriques, les mécanismes
antidépresseurs et « anti-TOC » demeurent, là encore, mal compris. On peut
seulement affirmer, grâce à l’imagerie fonctionnelle, que le métabolisme des
cortex cingulaire et orbitofrontal est augmenté dans la dépression sévère28 et les
TOC29 [63-69]. L’effet de la cingulotomie (fig. 59), et également de la leucotomie
26. Ancien examen radiologique utilisant un gaz comme produit opacifiant afin d’obtenir
des images des ventricules cérébraux (fig. 58). Le gaz était injecté par ponction lombaire ou
sous-occipitale voire par ponction directe des ventricules après une fine trépanation. Cet
examen est aujourd’hui remplacé par l’IRM ou le scanner cérébral.
27. Voir p. 250.
28. On observe également une hyperactivité du cortex temporal, en particulier de
l’hippocampe et de l’amygdale.
29. On note aussi une hyperactivité des noyaux gris centraux et du thalamus.
124 Psychochirurgie
limbique abordée plus loin30 (fig. 60), pourrait être lié à une réorganisation
du réseau, avec la mise en jeu d’activité compensatoire de certaines structures.
Cette hypothèse expliquerait le caractère différé de l’amélioration clinique, qui
peut survenir jusqu’à six mois après ces deux gestes visant le cortex cingulaire
antérieur [70].
Fig. 59 – Coupe sagittale montrant la cocarde [b] résultant d’une cingulotomie antérieure.
Lésions effectuées, de part et d’autre, à 7 mm de la ligne médiane et 20-25 mm en arrière de
l’extrémité antérieure de la corne frontale du ventricule latéral [32].
Les résultats
Scoville, le premier, observa que l’amélioration clinique n’était pas
immédiate à l’exception de la diminution rapide de l’anxiété [71]. Chez les
patients souffrant de TOC ou de dépression, un délai de six à douze semaines
paraît requis avant de constater une régression de leurs symptômes. Chez les
patients présentant obsession et dépression, les symptômes dépressifs, comme
le souligne Cosgrove, sont les premiers à disparaître [72].
Les complications
L’infection, l’hémorragie intracrânienne ou des crises d’épilepsie
postopératoires ont été rapportées dans 1 à 2 % des cas, et des épisodes
d’incontinence urinaire transitoires dans 5 à 12 % des cas [48, 70, 75, 76, 84].
Cosgrove observe, sur près de mille procédures réalisées à Boston, qu’aucun décès
n’a été à déplorer [72]. Seuls quatre patients ont été victimes d’hématomes sous-
duraux33 (HSD), dont un seul conservera des séquelles neurologiques. On doit
néanmoins préciser que, sur près de deux cents patients opérés par cingulotomie
au MGH le taux de suicides, avec un suivi moyen de neuf ans, est de 9 % [73].
Ce chiffre élevé doit néanmoins être mis en balance avec la probabilité élevée
d’autolyse, évaluée entre 15 et 30 % chez les patients souffrant de dépression
sévère [10, 85]. Les tests neuropsychologiques à long terme, chaque fois qu’ils ont
été réalisés, ne semblent pas avoir mis en évidence de changement de personnalité
ni de détérioration cognitive, et en particulier des facultés mnésiques [60, 78,
86]. Il s’agit là d’une différence avec le geste de capsulotomie, pour lequel la
survenue d’une apathie, souvent transitoire, n’est pas exceptionnelle.
La tractotomie sous-caudée
En résumé :
La tractotomie sous-caudée vise à interrompre les connexions entre l’amygdale,
l’hypothalamus et le cortex préfrontal. Réalisé, à l’origine, avec des grains
d’yttrium radioactifs, ce geste, qui s’effectue dorénavant par thermocoagulation,
n’est plus guère utilisé. Ayant cours surtout en Grande-Bretagne, la tractotomie
sous-caudée a été proposée dans le traitement de la dépression, des troubles
anxieux et des TOC.
33. L’HSD aigu est une collection hémorragique entre la dure-mère et la surface du cortex,
survenant le plus souvent suite à un traumatisme crânien sévère, plus rarement dans les suites
d’une intervention. Une intervention, en urgence, consistant en l’évacuation de l’hématome
par trépanation avec hémostase des vaisseaux hémorragiques est nécessaire.
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 127
Fig. 60 – Coupe coronale du cerveau montrant les quatre grains d’yttrium radioactifs [c]
permettant la réalisation d’une tractotomie sous-caudée.
Lésions effectuées à 15 mm de la ligne médiane et 10-11 mm en arrière de la selle turcique [32].
La leucotomie limbique
En résumé :
La leucotomie limbique est l’association d’un geste de cingulotomie et de
tractotomie sous-caudée. La tractotomie sous-caudée est parfois proposée
lorsque le résultat clinique de la cingulotomie est jugé insuffisant.
cinq (42 %) ont été considérés comme répondeurs (score Y-BOCS diminué
de plus d’un tiers) au geste de leucotomie, tandis que trois des six patients
souffrant de dépression (50 %) ont également répondu favorablement (score
BDI diminué de moitié) [97]. Deux patients — l’un souffrant de dépression
et l’autre de TOC — se sont suicidés. Les auteurs précisent que ces malades
se plaignaient d’idéations suicidaires marquées en période préopératoire.
Des complications de cette technique, on retiendra, assez logiquement, les
effets indésirables de la cingulotomie et ceux de la tractotomie sous-caudée,
soit l’incontinence urinaire le plus souvent transitoire (24 %), le syndrome
confusionnel ou la somnolence durant quelques semaines (25 à 30 %), ainsi
que des plaintes persistantes de léthargie (12 %) [32].
Conclusion
Ces procédures chirurgicales faisant appel à la thermocoagulation
stéréotaxique, mais également, nous le verrons, à la radiochirurgie, sont
devenues relativement sûres avec moins de 1 % de mortalité périopératoire,
et présentent une morbidité, notamment neuropsychologique, faible. Les taux
de succès, s’échelonnant entre 30 et 70 % [103] selon les méthodologies et
les pathologies, sont loin d’être négligeables chez une population de malades
présentant des tableaux psychiatriques sévères et réfractaires à tout traitement
(tableau IV).
Tableau IV – Résultats cliniques, par pathologie, pour les quatre gestes de psychochirurgie
par stéréotaxie.
Méta-analyse réalisée en 2000 et portant sur les plus récentes séries de la littérature [104].
37. Les auteurs anglo-saxons parlent de « sham operation ». Si ce type d’intervention est
inenvisageable pour les procédures chirurgicales « ouvertes » telles que les interventions de
thermocoagulation par stéréotaxie, il peut se concevoir dans le cas d’interventions pratiquées
en radiochirurgie. Dans une telle procédure « fantôme », le patient se voit poser un cadre
stéréotaxique sur le crâne, l’imagerie est réalisée mais aucune dose de radiation n’est délivrée
lorsque le malade se trouve dans l’appareil de radiochirurgie. Une équipe de Sao Paulo a
réalisé une telle procédure chez un patient souffrant de TOC. Plus d’un an après, la même
intervention a été effectuée mais avec la délivrance de rayons gamma cette fois. Le patient était
donc son propre témoin (Gouvea F, Lopes A, Greenberg B, et al. (2010) Response to sham and
active gamma ventral capsulotomy in otherwise intractable obsessive-compulsive disorder.
Stereotact Funct Neurosurg 88 :177-82).
38. Cette lacune doit néanmoins être nuancée dans le cas des patients traités en raison d’une
dépression sévère : on considère, dans ce cas, que cet effet interviendrait peu (Schatzberg AF,
Kraemer HC (2000) Use of placebo control groups in evaluating efficacy of treatment of
unipolar major depression. Biol Psychiatry 47 :736-44).
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 131
La radiochirurgie
En résumé :
La radiochirugie consiste à administrer, habituellement par des rayons gamma,
une dose d’énergie au niveau d’une structure anatomique, afin d’induire une
lésion focalisée. Cette technique, irréversible et aux effets proches de ceux de la
thermocoagulation stéréotaxique, a l’avantage d’éviter une trépanation et de ne
présenter, à ce titre, quasiment aucun risque opératoire. En psychochirurgie, cette
technique est utilisée pour des capsulotomies, c’est-à-dire des lésions au niveau
du bras antérieur de la capsule interne. De rares équipes, notamment en Suède ou
aux États-Unis, utilisent la radiochirugie dite « gamma-knife » dans le traitement
de TOC sévères
Principe et technique
Le gamma-knifeTM est un appareil utilisant les photons émis par environ
deux cents sources de rayonnement de cobalt 60, dont les faisceaux convergent
vers un foyer unique (fig. 61). Cette technique requiert une grande précision
dans la définition de la cible sur laquelle va être délivrée cette dose unique
de rayonnement de haute énergie, afin d’épargner au mieux le tissu cérébral
avoisinant. Ce procédé, efficace, s’est répandu ces vingt dernières années dans le
traitement des tumeurs bénignes intracrâniennes telles que les neurinomes, les
méningiomes, les adénomes hypophysaires, mais aussi les métastases cérébrales,
les malformations artérioveineuses, les névralgies faciales ou même certaines
formes rares d’épilepsie. La procédure s’effectue généralement en hôpital de
jour, un cadre métallique est fixé, sous anesthésie locale, par quatre vis à la
surface du crâne du patient. Ce cadre permet de définir un espace stéréotaxique
pour le calcul des coordonnées de la cible, mais également d’immobiliser la tête
lors de l’application des rayons, qui sont délivrés durant une séance unique
d’une durée de quelques heures.
132 Psychochirurgie
39. Gy est l’abréviation de « gray », une unité de mesure évaluant la quantité d’énergie
délivrée.
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 133
Résultats et complications
Selon les équipes suédoises et américaines, les résultats s’échelonnent entre
55 et 70 % de diminutions significatives des symptômes de TOC d’après le score
de sévérité de la Y-BOCS40. Ces résultats apparaissent stables tout au long des
années [30, 108-111]. Des effets indésirables tels que la fatigue, la prise de poids
ou l’apathie ont été déplorés, principalement chez des patients dont les lésions
étaient dues à des doses dépassant les 180 Gy [42]. Récemment, une équipe de
Pittsburg a montré, chez trois malades, qu’une efficacité comparable et dénuée
d’effet secondaire pouvait être obtenue avec une énergie de 140 Gy [112].
Une seule publication s’est attachée à évaluer de manière approfondie le
fonctionnement neuropsychologique avant et après ce type d’intervention,
chez un petit nombre de patients [113, 114]. Les auteurs n’ont pas rapporté
de détérioration cognitive ni d’altération de la personnalité suite au geste, mais
une augmentation sensible des performances mnésiques, de l’attention et des
capacités d’abstraction probablement liée à l’amélioration clinique. Par ailleurs
la formation de kystes a été déploré, chez de rares patients, suite à un geste de
radiochirurgie.
Perspectives
Si les lésions qu’elle provoque sont irréversibles, la radiochirurgie possède
néanmoins l’avantage, par rapport à la thermocoagulation, d’être dénuée de
risque hémorragique ou infectieux. Le caractère non invasif de ce geste autorise
la réalisation d’étude randomisée en double aveugle permettant d’évaluer
l’efficacité en toute objectivité. Il devient également possible de réaliser des
« procédures fantômes » et, en comparant leurs effets à de véritables interventions,
d’éliminer un possible effet placebo [115]. Ces méthodes d’évaluation
rigoureuses et inédites permettront de préciser la place de la radiochirurgie aux
côtés de la SCP. Lorsque le résultat clinique est jugé insuffisant, la radiochirugie
autorise la réalisation de nouvelles lésions de contiguïté, avec un risque moindre
que lors d’une thermocoagulation. On peut ainsi concevoir une démarche, à
petits pas, plus précautionneuse qui consisterait à réaliser une première série
de « tirs » et à les étendre, les mois suivants, selon le résultat. Actuellement,
les nouvelles techniques d’imagerie par tractographie permettent d’évaluer la
quantité de faisceaux interrompus, et de quantifier ainsi l’efficacité anatomique
du geste. Par ailleurs, rappelons qu’une seule cible a été expérimentée : le BACI.
La SCP, grâce à son action réversible, permet aujourd’hui l’exploration d’un
nombre croissant de cibles. Il est probable que dans le sillon de cette technique
de nouvelles régions anatomiques puissent être identifiées et deviennent, à leur
tour, candidates à la radiochirurgie. On ne peut exclure, néanmoins, qu’à l’avenir
la radiochirurgie soit progressivement supplantée par les ultrasons focalisés
Jules Verne, Vingt mille lieues sous les mers. Vol. 1. Paris, 1870, p. 8342
43. Nous avons évoqué p. 10 la mémoire de Clovis Vincent, l’un des précurseurs avec Thierry de Martel,
de la neurochirurgie en France. Lors de la Première Guerre, Vincent, chirurgien de guerre, se distingua
par la technique du « torpillage » : il recourait à des stimulations électriques afin, assurait-il, de distinguer
les simulateurs des combattants réellement traumatisés. Cette expression de « torpillage » faisait référence
à l’expression d’un malade passé entre ses mains : « ça vous retourne comme une torpille ». Cette pratique
douteuse finit par remonter à l’état-major puis au sous-secrétaire à la santé, J. Godart, qui déclarera
« l’émotion que susciterait à Tours et dans la région le procédé mis en usage par M. le médecin-chef du
centre de neurologie, Clovis Vincent […]. Ce procédé, « désigné sous le nom de torpillage, fut en effet adopté
en ce terme et sa valeur thérapeutique démontrée lors des réunions des médecins neurologistes assemblés sur
mon initiative et qui ont défini les méthodes de traitement à l’égard des troubles fonctionnels du système
nerveux. […] Vous n’avez pas à tenir compte de l’émotion d’un public prompt à se laisser impressionner parce
que insuffisamment éclairé ». Fermez le ban. Nau JY (2011) When Dr Clovis Vincent « torpedoed » his
patients. Rev Med Suisse 7: 630-1.
136 Psychochirurgie
Le principe
Le mécanisme d’action de la SCP demeure obscur. La stimulation électrique
à haute fréquence, supérieure à 100 Hz, provoque des effets cliniques similaires
à une lésion, c’est-à-dire une inhibition de la région anatomique prise pour
cible. Généralement, cette structure visée est le siège d’une hyperactivité en
relation avec la pathologie psychiatrique. Plusieurs hypothèses ont été émises
pour expliquer ce blocage : inhibition des décharges neuronales, modification
du rythme oscillatoire voire libération de neuromédiateurs inhibiteurs. Selon
le type de la structure anatomique ciblée, la nature du tissu — axones dans la
substance blanche ou corps cellulaires dans la substance grise — les mécanismes
aboutissant à cette inhibition diffèrent ou peuvent être intriqués [156].
Le tissu nerveux
Le tissu cérébral est formé des neurones et de cellules qui les entourent : les
cellules gliales. Les neurones communiquent entre eux par des prolongements, les
axones (fig. 64). L’ensemble de ces neurones, proche de cent milliards chez l’être
humain, et les prolongements axonaux qui les connectent entre eux forment
un réseau permettant notre fonctionnement cérébral. Le long de l’axone, la
conduction des signaux, les potentiels d’action (PA), qui codent l’information,
est de nature électrique. Dans les conditions normales, ces PA se déplacent dans
un sens précis, que l’on qualifie d’orthodromique, du corps du neurone vers son
prolongement axonal. À l’extrémité de cet axone se situe la synapse, qui permet
la communication avec un autre neurone. La communication, à ce niveau,
s’effectue de façon biochimique, par des molécules : les neuromédiateurs.
Fig. 64 – Schématisation
de la stimulation
cérébrale profonde au
niveau du noyau sous-
thalamique.
La flèche vers le corps
du neurone représente
les potentiels d’action
(PA) antidromiques,
celle en sens opposé les
PA orthodromiques,
provoqués par la
stimulation électrique.
GPe : globus pallidus
externe ; GPi : Globus
pallidus interne,
SNr : substance noire
réticulata. D’après [157].
140 Psychochirurgie
intriqués. D’autre part, une intensité électrique élevée peut élargir le champ de
cette stimulation et « recruter » des régions voisines. Comme le souligne Nuttin
au sujet de la stimulation du BACI : « Il est difficile de savoir si les effets obtenus
sont une conséquence de l’activation ou de l’inhibition des fibres ou des corps
cellulaires » [162]. Ainsi on s’attend à ce que la stimulation à haute fréquence de
la substance blanche qui compose le BACI provoque une activation. Pourtant,
c’est l’inverse qui se produit : l’effet clinique est proche de celui obtenu par
une destruction (capsulotomie). On ne peut donc exclure48 la participation
de noyaux contigus à cette substance blanche, tel le noyau accumbens49 ou le
noyau du lit de la strie terminale50. A contrario, la stimulation à haute fréquence
d’un noyau peut aboutir à des phénomènes qui relèvent davantage d’une
activation que d’une inhibition. On a observé, par exemple, que la stimulation
du noyau sous-thalamique pouvait provoquer des symptômes d’hypomanie.
Une symptomatologie pouvant être liée à l’activation d’un faisceau de substance
blanche, le faisceau médian du télencéphale51 (FMT), qui chemine à proximité
(voir fig. 54, p. 114) [163]. Parallèlement aux effets locaux de cette stimulation
dite « profonde », il n’est pas non plus à écarter que le rythme oscillatoire des
zones en surface du cerveau, c’est-à-dire corticales, soit également modulé [156,
164, 165]. L’avènement de l’optogénétique52 devrait permettre de mieux
comprendre certains des phénomènes mis en jeux (fig. 88, p. 326) [166].
La plasticité et la neurogenèse
Aux phénomènes aigus d’activation ou d’inhibition neuronale évoqués
précédemment, il est probable que s’ajoutent d’autres mécanismes participant
également aux effets cliniques observés. Ces autres processus pourraient
rendre compte de l’action différée, parfois de quelques semaines, de la
stimulation. Cette stimulation, avec le temps, pourrait induire de nouveaux
câblages neuronaux et modifier ainsi le fonctionnement d’un réseau
pathologique. Cette neurogenèse, c’est ce dont il s’agit, a été mise en évidence,
par exemple, au niveau de l’hippocampe, par stimulation chez l’animal du
noyau antérieur du thalamus53 [167, 168] ou le cortex entorhinal54 [168-
170]. Plus récemment, l’équipe de Lozano à Toronto a observé, cette fois-ci
chez l’homme, une augmentation de volume de l’hippocampe55 suite à la
stimulation des fornix56 durant plusieurs mois chez des patients souffrant de
la maladie d’Alzheimer. Dans cette maladie, on observe une dégénérescence
57. Ce chiffre varie selon le type d’électrode. Les électrodes destinées à stimuler des « petites »
structures comme le noyau sous-thalamique possèdent des plots plus rapprochés que celles
conçues pour la stimulation de structures plus étendues comme peut l’être, par exemple, le
globus pallidus. Les modèles d’électrodes varient donc selon la région que l’on cherche à
stimuler.
58. Les autres enregistrements cérébraux, non invasifs, dont nous disposons sont ceux réalisés
en surface du cortex comme, par exemple, l’électroencéphalographie (EEG). L’enregistrement
par électrodes de SCP possède l’avantage d’avoir une très bonne résolution spatiale et
temporelle ainsi qu’un bon rapport signal sur bruit.
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 143
La technique
La mise en place d’électrodes de stimulation profonde est une technique
aujourd’hui bien rodée dans les services de neurochirurgie fonctionnelle. Elle
exige l’expertise d’une équipe pluridisciplinaire composée de neurochirurgiens
rodés à la technique de la stéréotaxie, de psychiatres, de neurologues et
de neuroradiologues. Même si des variantes existent d’un centre à l’autre,
notamment en ce qui concerne le type d’anesthésie, le principe général61 de
l’implantation stéréotaxique demeure identique. L’intervention, qui dure un
peu plus d’une demi-journée, se déroule en plusieurs étapes.
Descente de l’électrode
Une fois les coordonnées de la cible et la trajectoire obtenues, le
neurochirurgien règle le porte-instruments fixé au cadre de stéréotaxie (fig. 67).
Une petite incision de la peau est pratiquée afin de réaliser, à l’aide d’un
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 145
63. Ce délai varie considérablement en fonction de la cible choisie. L’apparition d’un effet
clinique peut, également, être de l’ordre de quelques secondes comme c’est le cas dans la SCP
du cortex subgénual. Mayberg observe chez les cinq premiers patients : « Tous ont signalé de
façon spontanée des effets aigus, comme “le calme soudain ou la légèreté”, “la disparition du
vide“, “un sentiment de prise de conscience” […] en réponse à cette stimulation électrique ».
(In: Mayberg HS, Lozano AM, Voon V, et al. (2005) Deep brain stimulation for treatment-
resistant depression. Neuron 45 : 651-60).
148 Psychochirurgie
En résumé :
En psychochirurgie, le choix des cibles anatomiques visées par la stimulation
cérébrale profonde emprunte au passé de la chirurgie lésionnelle, à l’expérience
de la stimulation dans certaines pathologies neurologiques, ainsi qu’aux données
récentes de l’imagerie fonctionnelle cérébrale. Au début, la capsule interne
avait été choisie en raison des bons résultats, en chirurgie lésionnelle, dans le
traitement des TOC et de la dépression. Le choix du noyau sous-thalamique,
ciblé dans les TOC, provient d’observations faites avec la maladie de Parkinson.
L’aire subgénuale a été choisie en raison de son hyperactivité à l’imagerie chez
les patients souffrant de dépression. De nombreuses cibles anatomiques restent
en cours d’investigation pour un nombre croissant d’indications de pathologies
psychiatriques
Les différentes cibles anatomiques (fig. 71) de la SCP qui sont explorées
depuis ces dix dernières années dans le traitement de pathologies psychiatriques
doivent autant, nous allons le voir, aux résultats empiriques des interventions
de psychochirurgie lésionnelle, à la meilleure compréhension de l’anatomie
fonctionnelle qu’à la sérendipité.
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 149
Fig. 71 – Les différentes cibles de la stimulation cérébrale profonde (SCP) dans le traitement
des pathologies psychiatriques.
[1] SCP du noyau sous-thalamique : TOC ; [2] SCP du bras antérieur de la capsule interne :
TOC, dépression, anorexie mentale ; [3] SCP du striatum ventral : TOC ; [4] SCP du noyau
accumbens : dépression, TOC, addiction ; [5] SCP du pédoncule thalamique inférieur :
dépression ; [6] SCP du noyau infraliminaire du thalamus : syndrome de Gilles de la Tourette
(SGT) ; [7] SCP du globus pallidus interne : SGT, syndrome de Lesch-Nyhan ; [8] SCP
du globus pallidus externe : SGT ; [9] SCP du cortex subgénual: dépression ; [10] SCP de
l’habenula : dépression ; [11] SCP de l’hypothalamus postérieur : trouble du comportement
agressif ; [12] SCP de l’hypothalamus ventromédian : obésité ; [13] SCP du faisceau médian
du télencéphale : dépression.
En résumé :
Le bras antérieur de la capsule interne est une bande de substance blanche située
entre le noyau caudé et le putamen, où transitent les fibres thalamocorticales
associatives et limbiques reliant le cortex préfrontal au thalamus. Depuis les
années 1950, cette zone a été ciblée en chirurgie lésionnelle avec succès, dans
le traitement des TOC et de la dépression. Aujourd’hui, cette région est ciblée
par la SCP dans les mêmes pathologies. Le caractère réversible de la stimulation
permet d’éviter certaines complications neuropsychologiques, comme l’apathie,
observées avec la capsulotomie. Récemment, cette cible a également été utilisée
dans le traitement de l’anorexie mentale et de l’addiction. Compte tenu de la
proximité de cette structure avec d’autres régions clefs impliquées dans les
émotions — tels le noyau accumbens ou du lit de la strie terminale — il est
probable que la stimulation de ces régions participe à l’efficacité clinique.
150 Psychochirurgie
En 1999, le BACI a été la première structure, avec le thalamus, à avoir été prise
pour cible par la SCP dans le traitement d’une maladie psychiatrique [152, 184].
Cette région a été, depuis les travaux de Talairach et de Leksell en 1949 [18], en
Europe, l’une des cibles de prédilection de la chirurgie lésionnelle64, que ce soit
dans le traitement des TOC ou bien de la dépression.
Anatomie
Cette région anatomique constituée d’une bande de substance blanche
renferme des faisceaux d’axones qui connectent réciproquement le noyau
dorsomédian65 du thalamus aux cortex orbitofrontal66, dorsolatéral67 et
cingulaire68 (voir fig. 37, p. 81). Elle contient aussi les connexions qui lient
le noyau ventral antérieur69 du thalamus à ces mêmes régions préfrontales
à l’exception du cortex cingulaire. Ajoutons à cela le passage de fibres
corticostriatales unissant ce cortex préfrontal au striatum. Pour compléter
cette anatomie de la région devant nous aider à comprendre les effets de la
stimulation, mentionnons la proximité du noyau accumbens70 — impliqué dans
le « circuit de la récompense » — et du noyau du lit de la strie terminale71, qui
intervient dans la régulation de l’anxiété et du stress. Précisons, cependant, que
si la capsulotomie a été pratiquée pendant plus de soixante ans, généralement
avec succès, la compréhension du fonctionnement de ces boucles CSTC72 est
plus récente et remonte à seulement 1986, lorsqu’Alexander proposa cette
conceptualisation [21].
73. Parmi ces patients, un seul malade souffrait d’une maladie bipolaire.
74. La rémission est définie par un score < 10 sur l’échelle MADRS et HDRS, le sujet est
considéré comme répondeur lorsque ces deux scores sont diminués de 50 %, comparé à
l’évaluation préopératoire.
75. Voir également p. 265 au sujet de l’anorexie mentale et p. 257 concernant le traitement des
addictions par stimulation cérébrale profonde.
152 Psychochirurgie
En résumé :
À proximité du bras antérieur de la capsule interne, le noyau accumbens, formé
d’un cœur et d’une coque, est un relais majeur du circuit de la récompense.
Tandis que le cœur est impliqué dans le contrôle moteur, la coque est en lien
avec l’amygdale et le reste du système limbique, participant ainsi à la régulation
des émotions. Son rôle d’interface entre ces différents circuits impliqués dans les
émotions en fait une cible privilégiée dans le traitement de la dépression, mais
également des TOC et des addictions.
par la stimulation, unilatérale à droite, chez trois des quatre patients dont les
électrodes se situaient au niveau de la coque du noyau accumbens [206].
En résumé :
Le noyau sous-thalamique est une cible utilisée depuis une vingtaine d’années
dans le traitement de la maladie de Parkinson. Des observations réalisées parmi
les dizaines de milliers de patients opérés dans cette indication ont montré que
la stimulation à haute fréquence de cette structure pouvait également réduire
la symptomatologie des patients souffrant, en parallèle, de TOC. Des études
confirment l’efficacité de la stimulation à haute fréquence de cette structure,
notamment sa partie cognitive et limbique, dans le traitement des malades
souffrant exclusivement de TOC réfractaires
souffraient de TOC. Suite à la stimulation des NST, ces trois malades ont vu
l’intensité de leurs symptômes diminuer respectivement de 58, 64 et 94 % après
six mois de stimulation [150, 151].
Anatomie
Nous l’avons abordé90, le NST est un centre intégrateur, via les boucles
CSTC91, des composantes motrices, cognitives et émotionnelles de nos
comportements [215, 216]. Les études chez l’animal ont montré grâce à des
traceurs rétrogrades un parallélisme entre les fonctions motrices, cognitives
et émotionnelles du cortex et les territoires des noyaux gris centraux [215,
217, 218]. On retrouve cette « somatotopie » au niveau du NST : la partie
dorsolatérale, qui est ciblée dans le traitement de la maladie de Parkinson, est
en charge des informations motrices, tandis que la partie antéroventrale du
noyau prend en charge les informations limbiques et associatives. Plusieurs
hypothèses, tentant d’expliquer le rôle du NST dans la physiopathologie du
TOC, donne à ce noyau une fonction de filtre permettant la détection d’erreur :
un seuil pathologiquement élevé du NST aboutirait à produire de multiples
itérations au sein de la boucle CSTC afin de lever ce doute [219]. Chez le singe,
l’injection de bicuculline, un antagoniste des récepteurs GABA au sein de la
région limbique du NST, provoque des stéréotypies92 pouvant être annihilées
par la stimulation à haute fréquence de cette zone. Ces données de laboratoire,
couplées à l’expérience clinique tirée de la SCP du NST dans la maladie de
Parkinson, ont incité les équipes françaises à viser la jonction cognitivolimbique
de ce noyau [220].
93. Il s’agit de l‘étude multicentrique française menée par N. Jaafari du CHU de Poitiers,
intitulée « STOC UNI-BIL 2009 : étude de la non-infériorité de l’effet du traitement des formes
sévères et résistantes de TOC par une stimulation unilatérale droite ou gauche versus bilatérale à
haute fréquence du noyau sous-thalamique ».
158 Psychochirurgie
En résumé :
Localisé à l’avant du cortex cingulaire et sous le corps calleux, le cortex subgénual,
ou encore l’aire 25 de Brodmann (CG25), est une zone de substance grise connue
pour être hyperactive à l’imagerie fonctionnelle, chez les sujets déprimés. La
stimulation à haute fréquence de cette région permet de freiner cette activité et
ainsi de réduire les symptômes dépressifs. Cette cible semble, à l’heure actuelle,
l’une des pistes les plus prometteuses de la SCP dans le traitement de la dépression
réfractaire.
Anatomie
Chez les patients déprimés il a été observé, en effet, une augmentation
métabolique de l’aire 25, c’est-à-dire la partie la plus antérieure du gyrus cingulaire
juste en dessous du genou du corps calleux (d’où le terme subgénual) tandis
que dans la région voisine, l’aire 46/9, au contraire on observe une diminution
d’activité [68, 237, 238]. Inversement on constate, lors d’une dépression traitée
avec succès que ce soit par antidépresseurs [68], sismothérapie94 [239] ou
stimulation magnétique transcrânienne95 (rTMS) [240], une baisse d’activité de
cette région [68, 237, 238, 241]. Il a également été constaté qu’une hyperactivité
de cette région chez des patients suivis pour cancer pouvait s’avérer prédictive
d’une dépression réactionnelle [242, 243]. Rappelons que cette zone subgénuale
possède d’étroites connexions avec le striatum ventral96, la coque du noyau
accumbens97 et le reste de la boucle CSTC limbique98. Cette région, stratégique
pour la modulation de l’humeur, entretient également des connexions réciproques
Les résultats
Cette intervention de mise en place d’électrodes de SCP s’effectue
habituellement sous anesthésie locale. Cette chirurgie éveillée autorise, lors de la
descente des électrodes, un enregistrement électrophysiologique permettant de
déterminer lorsque l’électrode arrive à la jonction de la substance blanche et de
la substance grise. Suite à cette phase d’enregistrement, une étape de stimulation
(3-4 V, 130 Hz, 60 Ps) est réalisée, durant laquelle près de 70 % des patients,
rapporte Hamani, ressentent une diminution de leurs symptômes [247]. Dans
une série portant sur vingt patients souffrant de dépression sévère, depuis en
moyenne six ans, et chez qui pas moins de quatre antidépresseurs avaient été
tentés, les auteurs dénombrent, à un an, onze malades (55 %) répondeurs et
huit en rémission (score inférieur à 8 sur l’échelle HAMD17). À six mois, ces
résultats atteignent un plateau [241, 248].
104. On note au passage que cette hypothèse sous-entend que la stimulation à haute fréquence
(100-180 Hz) aurait un effet excitateur, et non pas inhibiteur, lorsqu’il s’agit d’axones. L’effet
inhibiteur concernerait les neurones et non pas les axones (Benabid AL, Benazzous A, Pollak P
(2002) Mechanisms of deep brain stimulation. Mov Disord 17 Suppl 3: S73-4).
105. On parle d’effet « lésionnel » lorsque la trajectoire de l’électrode et son effet mécanique ont
provoqué une lésion pouvant mimer l’effet d’une stimulation ou d’une électrocoagulation.
Cet effet, généralement de courte durée, est parfois difficile à différencier d’un effet placebo.
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 161
Conclusion
La revue de la littérature de l’ensemble des études ayant porté sur le traitement
des TOC par SCP révèle, en moyenne, plus de 50 % de réponses chez la centaine
de patients ainsi traités [261], ce pourcentage s’élève à 68 % concernant les malades
traités par SCP pour une dépression sévère, avec 26 % de rémissions [262].
Parmi les quatre-vingt-dix-neuf patients traités par SCP en raison d’une maladie
de Gilles de la Tourette, on estime à environ 40 % la diminution des tics [263].
Des taux de réponses relativement encourageants si l’on garde à l’esprit que tous
ces patients étaient considérés en échec thérapeutique depuis de nombreuses
années. Cette chirurgie s’avère relativement sûre avec très peu de complications
irréversibles notamment neuropsychologiques [264]. Ces résultats globaux doivent
néanmoins être interprétés avec une certaine précaution. Rares sont les études
dépassant une vingtaine de patients, et celles dont la méthodologie est rigoureuse.
On relève très peu de travaux effectués en double aveugle où ni le patient ni le
médecin examinateur, ne savent si la stimulation est sur « on » ou « off » [221, 265,
266]. Par ailleurs, devant cette multiplicité des cibles, il est curieux qu’une même
structure anatomique puisse être tour à tour visée dans le traitement du TOC,
de la dépression et de l’anorexie (BACI) ou bien du TOC, de la dépression et des
addictions (noyau accumbens) avec, à chaque fois, des résultats thérapeutiques
encourageants. Doit-on en conclure qu’il existe des similitudes neurobiologiques
La stimulation corticale
En résumé :
Depuis une dizaine d’années, des séances de stimulation magnétique
transcrânienne répétées (rTMS) sont proposées aux patients souffrant de
dépressions résistantes aux traitements médicamenteux. Cette thérapie, d’une
efficacité proche de l’électroconvulsivothérapie (ECT) mais d’un principe différent,
consiste, soit à activer une partie du cortex préfrontal gauche, soit à ralentir
l’activité de cette même zone, mais à droite. Les études d’imagerie fonctionnelle
ont effectivement observé, chez des sujets déprimés, une diminution de l’activité
du cortex préfrontal dorsolatéral gauche et le phénomène contraire à droite. Ces
perturbations du fonctionnement du lobe préfrontal pourraient être à l’origine de
troubles cognitifs rencontrés chez les patients suivis pour dépression. Non invasive
et grevée de rares effets secondaires, la rTMS présente néanmoins l’inconvénient de
devoir être répétée et d’avoir, le plus souvent, un effet transitoire. Afin de pérenniser
cet effet, certaines équipes ont implanté en face des régions cérébrales concernées,
des électrodes visant à assurer une stimulation permanente. Cette technique de
stimulation corticale, déjà utilisée dans le traitement de routine de certaines
formes de douleurs chroniques rebelles ou d’acouphènes, est actuellement en
cours d’évaluation dans le traitement de la dépression résistante.
112. Plusieurs cibles de rTMS ont été évaluées dans le traitement des TOC. Les études ciblant
le cortex préfrontal dorsolatéral n’ont pas été concluantes ; en revanche, l’aire motrice
supplémentaire et le cortex orbitofrontal apparaissent prometteurs.
113. L’amnésie antérograde est une perte partielle, voire totale, de la mémoire postérieure
à la maladie, l’accident ou l’intervention qui en est à l’origine. L’individu devient incapable
de constituer de nouveaux souvenirs. On pourrait comparer cette situation à celle d’un
ordinateur dont le disque dur resterait capable de lire toutes les données, mais dont le
mécanisme d’écriture défectueux empêcherait tout nouvel enregistrement d’information.
164 Psychochirurgie
Fig. 72 – Champ magnétique entraînant une modulation de l’activité corticale dans la rTMS.
114. Les phosphènes sont des phénomènes qui se traduisent par des perceptions d’éclairs
ou de lumière dans le champ visuel. Ils peuvent être causés par une stimulation mécanique,
électrique ou magnétique de la rétine ou du cortex visuel, mais aussi par une destruction
cellulaire dans le système visuel.
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 165
117. En 2009, Amiaz et al, par une étude randomisée en double aveugle chez quarante-huit
fumeurs, ont rapporté une diminution de la dépendance tabagique dans les suites de séances
de rTMS. (In: Amiaz R, Levy D, Vainiger D, et al. (2009) Repeated high-frequency transcranial
magnetic stimulation over the dorsolateral prefrontal cortex reduces cigarette craving and
consumption. Addiction 104 :653-60).
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 167
Un prolongement de la rTMS
Les séances de rTMS à haute fréquence du cortex préfrontal dorsolatéral
gauche permettent, nous l’avons vu, une réduction des symptômes dépressifs.
L’efficacité de ce traitement s’accompagne, à l’imagerie fonctionnelle, d’un
regain de métabolisme de cette zone, auparavant hypoactive, et d’une région
étroitement connectée, le gyrus cingulaire [288]. Un « rééquilibrage » équivalent
est observé lors d’une stimulation lente à droite [303]. Cette technique présente
néanmoins l’inconvénient d’exiger de nombreuses séances, et voit ses effets
s’estomper avec le temps. C’est à partir de ces données d’imagerie fonctionnelle
que les équipes américaines de B. Kopell et de Z. Nahas ont émis l’hypothèse
qu’une stimulation électrique directe et permanente du cortex cérébral
engendrerait une réduction pérenne des symptômes dépressifs. On sait, grâce à
l’expérience acquise dans le traitement des douleurs neuropathiques, et de façon
plus anecdotique dans les acouphènes, que les patients soulagés transitoirement
par les séances de rTMS ont toutes les chances d’être durablement soulagés
après l’implantation d’électrodes de stimulation corticale en regard des mêmes
régions anatomiques [304-307].
dorsolatéral (aires 9 et 46) [308-310]. Durant les deux premiers mois suivant
l’intervention, les patients ont été répartis, au hasard, dans deux groupes,
l’un avec stimulation et l’autre sans. Tous ignoraient leur statut. Les équipes
n’ont observé aucune différence durant cette période. En revanche, lors de
la phase dite « ouverte » d’une durée de vingt et un mois, où les malades
étaient tous stimulés sur un mode continu, cinq patients ont été répondeurs
dont quatre en rémission. Curieusement, en raison de la liquidation
économique de l’entreprise commercialisant le matériel implantable, tous
les neurostimulateurs ont dû être explantés au vingt et unième mois. Un
suicide a été à déplorer parmi ces douze malades, il s’agissait d’un patient
exclu initialement de la cohorte, car il avait, par erreur, bénéficié de séances
de rTMS après l’implantation. Selon les auteurs, ce geste suicidaire planifié
faisait suite à une récente procédure de divorce. Ils ne peuvent toutefois
exclure que l’annonce d’explantation ait pu favoriser le passage à l’acte de
ce patient, dont l’état clinique s’était amélioré suite à la stimulation [310].
Aucun déficit neuropsychologique n’a été déploré suite à la stimulation. La
seconde étude, plus contestable au plan de la méthodologie, remonte à 2010
et émane d’une équipe de Caroline du Sud menée par Z. Nahas [302]. Son
expérience porte sur cinq patients souffrant d’une dépression sévère rebelle
aux traitements médicamenteux. Chez chacun d’entre eux, quatre électrodes
de stimulation corticale ont été implantées : une électrode au niveau du
pôle antérieur du cortex dorsolatéral (aire 10) et l’autre au pôle postérieur
(aire 46), à gauche comme à droite. En moyenne, les patients ont vu leur
score d’HRSD24 passer de 28 avant l’intervention, à 25 quinze jours après
le début d’une stimulation intermittente, puis à 19 quatre mois après et à
13 au bout de sept mois de suivi. À ce moment, quatre des cinq patients
étaient répondeurs, dont trois en rémission clinique. Dans ces deux études,
les auteurs n’ont pas tiré parti de l’utilisation de la rTMS pour sélectionner
des patients répondant à cette technique et susceptibles, de ce fait, d’être de
bons candidats à la stimulation corticale. C’est indéniablement une voie qui
sera explorée à l’avenir. Des explorations visant à déterminer la cible et les
paramètres optimaux sont, nous le verrons, également nécessaires.
région concernée par la rTMS, ou bien faut-il s’en tenir aux zones montrant,
à l’imagerie métabolique, une hypoactivité ? Si tel est le cas, ne pourrait-on
pas envisager de cibler également d’autres régions hypoactives, comme le
cortex cingulaire, inaccessible à la rTMS compte tenu de sa profondeur, mais
qui pourrait l’être grâce à des électrodes ? Cette couverture doit-elle être d’un
seul côté ou bilatérale ? Cette difficulté, dans le repérage d’une zone optimale,
est considérablement accentuée par le caractère différé du résultat clinique
de la stimulation. L’atténuation des symptômes dépressifs n’intervient en
général que quelques jours voire semaines après une stimulation efficace.
D’autres variables viennent compliquer un peu plus cette équation, telles que
le réglage de l’intensité et de la fréquence du courant électrique, ou bien le
choix du mode — permanent ou alterné — de cette stimulation. Il a fallu
de nombreuses études avant que soit établie l’efficacité de la rTMS dans la
dépression, et que la technique soit adoptée en routine. Malgré tout, de
nombreux paramètres restent à affiner afin d’optimiser les résultats cliniques.
Concernant la stimulation corticale, avec moins d’une vingtaine de patients
opérés, la technique reste à une phase encore préliminaire comparée aux
dizaines de milliers de patients de la rTMS. Il faudra de nombreuses autres
études pour préciser les cibles anatomiques, le mode de stimulation et les
indications. En raison de son caractère invasif, la stimulation corticale restera
probablement réservée à des patients difficiles à sevrer de la rTMS ou dont les
séances deviennent trop rapprochées.
En résumé :
La stimulation au niveau du cou du nerf vague est utilisée depuis maintenant
vingt ans dans le traitement de certaines formes d’épilepsies rebelles aux
traitements médicamenteux. Cette stimulation présenterait également des
vertus antidépressives, dont les mécanismes d’action demeurent cependant mal
compris. Les études menées aux États-Unis avanceraient un certain degré de
preuve d’efficacité de ce dispositif dans le traitement de la dépression rebelle au
traitement médicamenteux
L’anatomie
Principal nerf du système parasympathique, le nerf vague prend son
origine au niveau du tronc cérébral et innerve de nombreux viscères, dont
ceux des cavités thoracique et abdominale. C’est un nerf mixte qui, à ce titre,
contient un contingent moteur responsable, entre autres, de la déglutition et
de la phonation, ainsi qu’un contingent sensitif, pour 80 %, dont les afférences
proviennent des poumons, du cœur et du système digestif [317]. Ces afférences
se projettent sur diverses structures cérébrales via le noyau du tractus solitaire
(NTS) localisé dans le tronc cérébral. Ainsi, ce nerf est anatomiquement et
fonctionnellement connecté avec des structures dont on connaît les capacités à
provoquer des décharges épileptiques telles que l’amygdale119, l’hippocampe120
et l’insula121, structures également impliquées dans la régulation de l’humeur
(fig. 74) [317]. Par ailleurs, on l’a vu122, l’hypothalamus reçoit des afférences
de plusieurs structures limbiques dont l’amygdale qui se projette sur le noyau
dorsal du nerf vague, établissant un autre lien entre ce nerf vague et le système
limbique. Le NTS projette également ses connexions vers le thalamus, le cortex
orbitofrontal123, les noyaux du raphé124 et du locus cœruleus125, dont on
connaît la participation dans la régulation de l’humeur.
Le principe
Le principe de l’action antidépressive, tout comme celle antiépileptique
d’ailleurs, de cette stimulation demeure obscur [317]. Il semblerait que ces deux
mécanismes soient intriqués tout comme certains anticonvulsivants tels que
la carbamazépine, la lamotrigine ou l’acide valproïque, qui possèdent, outre
leurs vertus antiépileptiques, des propriétés stabilisatrices de l’humeur [318].
Ces molécules auraient pour propriété d’accroître la concentration en GABA,
un neuromédiateur inhibiteur augmenté lors de la stimulation du nerf
vague [319]. Les hypothèses de l’action de la stimulation vagale sur l’humeur
reposent, pour partie, sur les données de l’imagerie métabolique cérébrale126.
Il a été observé, quatre semaines après l’implantation d’un dispositif de
stimulation, une diminution de la circulation artérielle au sein des structures
cérébrales impliquées dans la régulation de l’humeur : le cortex cingulaire127,
l’amygdale128 et l’hippocampe129 [320, 321]. Cette même imagerie fonctionnelle
a permis d’observer, chez des patients déprimés et traités par antidépresseur
ou par sismothérapie, une activation de ces trois régions [239, 322, 323]. En
revanche, le cortex dorsolatéral gauche souvent hypoactif dans la maladie
dépressive [240, 287], voit son activité augmentée après une stimulation
vagale [324]. Nous l’avons abordé avec la stimulation corticale130, cette
normalisation de l’activité corticale dorsolatérale va de pair avec l’amélioration
thymique. D’autre part, il a été observé que cette stimulation vagale augmentait
la concentration de la sérotonine (noyaux du raphé) cérébrale et favorisait le
relargage de noradrénaline (locus cœruleus) [320, 325-328]. L’augmentation
de la concentration, notamment dans le liquide céphalorachidien, de l’un ou
de l’autre de ces deux neuromédiateurs a, on le sait, une action antidépressive.
L’efficacité de certains types d’antidépresseurs comme les inhibiteurs sélectifs
de la recapture de la sérotonine (Prozac®) ou de la noradrénaline (Effexor®)
repose sur cette propriété.
L’intervention
Cette chirurgie, d’une à deux heures, se déroule sous anesthésie générale.
Deux incisions, d’environ quatre centimètres chacune, sont réalisées. L’une au
niveau de la paroi thoracique gauche, destinée à accueillir le stimulateur dont
la taille avoisine celle du boîtier de montre, et l’autre au niveau de la partie
gauche du cou (fig. 75). On procède ensuite à la dissection du nerf vague
qui chemine entre l’artère carotide et la veine jugulaire, afin d’y entortiller
l’électrode dont la forme spiralée ressemble à une mèche de tire-bouchon.
Une fois ce contact réalisé, le câble de l’électrode est tunnellisé sous la peau et
Les résultats
Aux États-Unis, la stimulation du nerf vague dans le cadre du traitement
de la dépression a été autorisée par la Food and Drug Administration (FDA) en
juillet 2005. Ce verdict favorable de l’agence fédérale américaine a été rendu
possible suite aux résultats encourageants d’études menées par A.-J. Rush
et M. George des universités du Texas et de Caroline du Sud [330-332]. Les
auteurs ont observé, dans une étude multicentrique non aveugle (D01), qu’un
tiers de leurs cinquante-neuf patients voyaient leurs symptômes diminuer de
façon significative trois mois après le début de la stimulation. Ils ont noté que
174 Psychochirurgie
131. On entend par rémission une diminution de plus de moitié du score de dépression sur
l’échelle d’Hamilton (HRSD), voir p. 222, tandis que l’on parle de réponse lorsque le score, sur
cette échelle, passe sous la barre de 10.
Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 175
Les complications
Deux types de complications sont à distinguer, celles inhérentes à
l’intervention chirurgicale proprement dite, parmi elles, l’infection (3 %) avec
dans un tiers des cas la nécessité de procéder à l’ablation du dispositif, ou la
paralysie transitoire de l’une des cordes vocales (0,7-1,1 %) responsable d’une
extinction de voix sévère [340]. S’agissant des complications liées à l’action
de la stimulation, on retiendra la survenue de ralentissement du rythme
cardiaque, inhérent à une suractivité parasympathique (0,1 %), mais surtout
le risque d’apnée du sommeil (8-15 %) devant conduire à la prudence chez
les patients déjà suivis pour cette pathologie [341, 342]. De gravité moindre
mais de survenue fréquente, on peut constater les premiers mois une discrète
modification de la voix qui devient rauque, une toux et des douleurs du
cou [330]. Aucune détérioration cognitive n’a été observée chaque fois qu’un
bilan neuropsychologique approfondi a été réalisé [343].
Les perspectives
Bien tolérée et présentant peu de complications sérieuses, la stimulation du
nerf vague demeure en cours d’évaluation dans le traitement de la dépression,
contrairement à son utilisation devenue routinière dans le traitement de
l’épilepsie réfractaire, dont plus de trente mille patients ont déjà bénéficiée.
Les résultats encourageants, que l’on pourrait grossièrement évaluer à 50 % de
réponses et de rémissions, demandent à être confirmés par des études cliniques
ainsi qu’économiques compte tenu du coût d’un tel dispositif. Ces travaux
devront également préciser les indications, les critères prédictifs (sévérité de
la dépression, dépression bipolaire…) d’une réponse satisfaisante et affiner les
paramètres de stimulation. Des protocoles de recherches devraient bientôt voir
le jour à l’échelle européenne pour répondre à ces questions.
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190 Psychochirurgie
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Chapitre III– Les interventions de psychochirurgie 191
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Chapitre IV
En résumé :
Les troubles obsessionnels compulsifs, avec par exemple leurs rituels de vérification
ou de lavage, peuvent devenir extrêmement invalidants, et dans 10 % des cas ne
répondre à aucune psychothérapie ni traitement médicamenteux. Des gestes
chirurgicaux très focalisés ont été proposés consistant notamment en des lésions
au niveau de la capsule interne ou du cingulum, afin d’interrompre les boucles à
l’origine de ces troubles. Ces interventions, de capsulotomie ou de cingulotomie,
relativement efficaces, présentent néanmoins l’inconvénient d’être irréversibles,
et peuvent rendre certaines complications définitives. Avec l’avènement de la
stimulation cérébrale profonde, des cibles comme la capsule interne ont été
reprises et d’autres, telles que les noyaux sous-thalamique ou accumbens, sont
venues s’y ajouter. Cette stimulation, par des électrodes implantées dans le
cerveau, possède l’avantage d’être réversible et adaptable.
1. Cottraux J (1998) Les ennemis intérieurs, obsessions et compulsions. Odile Jacob, Paris
à Dieu ou encore des tâches mentales que le sujet s’impose. Les compulsions
se manifestent par des « rites conjuratoires » ou des pensées magiques que le
patient reconnaît comme absurdes, mais qu’il s’impose afin d’atténuer l’anxiété
résultant de ses obsessions. Il peut s’agir de rituels d’habillage, de lavage, de
rangement, de vérification… Ces troubles deviennent parfois de plus en plus
envahissants dans l’existence du patient, au point de le conduire progressivement
vers une marginalisation voire une désinsertion socioprofessionnelle. Les TOC
sont à différencier de la « personnalité obsessionnelle », qui s’exprime par un
perfectionnisme ou un désir de contrôle mais dont l’individu ne se plaint que
rarement.
3. Prononcer « why-box » !
196 Psychochirurgie
Cette Y-BOCS est très généralement associée à une échelle4 non spécifique
de « fonctionnement général » dite Global Assessment of Functionning (GAF)
(tableau VI), qui permet de chiffrer les répercutions de la maladie sur la vie du
sujet.
Cotation Symptômes
100-91 Niveau supérieur de fonctionnement dans une grande variété d’activités. N’est
jamais débordé par les problèmes rencontrés. Est recherché par autrui en
raison de ses nombreuses qualités. Absence de symptômes.
90-81 Symptômes absents ou minimes (par exemple : anxiété légère avant un
examen), fonctionnement satisfaisant dans tous les domaines, intéressé et
impliqué dans une grande variété d’activités, socialement efficace, en général
satisfait de la vie, pas plus de problèmes ou de préoccupations que les soucis
de tous les jours (par exemple : conflit occasionnel avec des membres de la
famille).
80-71 Si des symptômes sont présents, ils sont transitoires et il s’agit de réactions
prévisibles à des facteurs de stress (par exemple : des difficultés de
concentration après une dispute familiale) ; pas plus qu’une altération légère
du fonctionnement social, professionnel ou scolaire (par exemple : retard
temporaire du travail scolaire).
La sévérité d’un TOC dépendra donc des scores obtenus à chacune de ces
deux échelles, mais également du degré de réponse aux traitements.
La physiopathologie
Les progrès de l’imagerie fonctionnelle ont permis d’élucider certains
aspects de la physiopathologie des TOC qui, néanmoins, demeure largement
incomprise. Ils ont révélé chez ces patients un hypermétabolisme et une
augmentation régionale du flux sanguin dans les régions du cortex orbitofrontal5,
5. Voir p. 58.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 199
6. Voir p. 59.
7. Voir p. 91.
8. Inversement, si l’on prend l’exemple de la maladie de Parkinson, le manque de dopamine
engendre un déséquilibre entre la voie directe, qui initie le mouvement, et la voie indirecte,
qui le freine. Ce déséquilibre se fait au bénéfice de la voie indirecte, provoquant la rigidité
musculaire et l’akinésie caractéristique de cette maladie.
9. Des lésions, tumorales ou hémorragiques, du striatum ont été rapportées comme pouvant
être à l’origine d’un TOC. (In: [17] Carmin CN, Wiegartz PS, Yunus U, et al. (2002) Treatment
of late-onset OCD following basal ganglia infarct. Depress Anxiety 15: 87-90; [18] Thobois S,
Jouanneau E, Bouvard M, et al. (2004) Obsessive-compulsive disorder after unilateral caudate
nucleus bleeding. Acta Neurochir (Wien) 146 : 1027-31 ; discussion 31).
10. Voir p. 61.
200 Psychochirurgie
Tableau VII – Exemple de classification : différents stades de TOC selon la réponse aux
traitements.
Fig. 76 – Les différentes cibles lésionnelles ou de stimulation cérébrale profonde (SCP) dans
le traitement des TOC.
a : thermo-capsulotomie ou gamma-capsulotomie antérieure [29-31] ; b : cingulotomie [32,
33] ; c : tractotomie sous-caudée [34] ; d : leucotomie limbique [35].
1 : SCP du noyau sous-thalamique [36, 37] ; 2 : SCP du bras antérieur de la capsule interne [38,
39] ; 3 : SCP du striatum ventral (VC/VS) [40] ; 4 : SCP du noyau accumbens [41-43] ; 5: SCP
du pédoncule thalamique inférieur [44].
La chirurgie lésionnelle
Quatre types d’interventions ont été pratiqués ces dernières années, tous
ayant en commun d’interrompre les connexions entre le cortex orbitofrontal et
le reste du système limbique ou le thalamus. Les détails et modalités techniques
de chacun de ces gestes ont été abordés précédemment14.
par thermocoagulation19 et son efficacité est différée de six mois à un an. Une
publication récente de Dougherty, portant sur quarante-quatre malades, fait
état d’un tiers de patients répondeurs plus de trois ans après ce geste [33].
D’autres équipes avancent des résultats supérieurs, allant jusqu’à près de 50 %
de répondeurs, mais avec un recul moindre et de plus petits effectifs [3, 48,
53-58]. Parmi les complications rapportées, on relève de 1 à 9 % de survenues
de crises d’épilepsie, le plus souvent chez des patients ayant déjà présenté
des crises par le passé [48, 59], pour majorité contrôlables par un traitement
anticomitial. Une fièvre transitoire, des troubles urinaires passagers ainsi que
des céphalées postopératoires peuvent également être rencontrés. Très peu
d’études, à l’instar de la capsulotomie, se sont attardées sur les complications
neuropsychologiques de ce type d’interventions. Le gyrus cingulaire
appartenant au circuit de Papez20, le « circuit de la mémoire » (fig. 43, p. 90),
une atteinte bilatérale de ce gyrus pourrait, potentiellement, engendrer des
troubles mnésiques. Les rares publications sur le sujet divergent : certaines
équipes mentionnent une altération transitoire et modérée de la mémoire chez
3 à 20 % de leurs patients [57, 59], tandis qu’une étude coréenne n’observe pas
de détérioration mais, au contraire, une amélioration des fonctions exécutives
liée à l’atténuation des symptômes de TOC [56].
19. Cela est probablement lié à des raisons historiques : la capsulotomie s’est développée, à
ses débuts, en Europe et notamment en Suède, berceau de la radiochirurgie Gamma KnifeTM
tandis que la cingulotomie a été mise au point par l’équipe de Boston qui, à l’époque, n’avait
pas ou peu l’expérience de la radiochirurgie. À l’heure, une seule équipe, sud-coréenne, a
traité des patients souffrant de TOC par cingulotomie avec l’aide de la radiochirurgie
(CyberKnifeTM) (Kim M C, Lee TK (2008) Stereotactic lesioning for mental illness. Acta
Neurochir Suppl 101: 39-43).
20. Le circuit de Papez voir p. 26.
21. La section sous-corticale voir p. 24.
22. Voir p. 58.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 205
23. Les dernières interventions dont la littérature fait mention dans cette indication
remontent à 2006. Il s’agissait de deux patients opérés sous neuronavigation souffrant de TOC
(Woerdeman PA, Willems PW, Noordmans HJ, et al. (2006) Frameless stereotactic subcaudate
tractotomy for intractable obsessive-compulsive disorder. Acta Neurochir (Wien) 148:633-7).
24. En France, deux protocoles de recherche s’achèvent sur ce thème : « STOC 2 », dirigés par
E. Cuny et B. Aouizerate du CHU de Bordeaux, qui vise à comparer la stimulation du noyau
sous-thalamique à celle du striatum ventral et « STOC UNIBIL », coordonné par N. Jaafari du
CHU de Poitiers, évaluant la stimulation unilatérale du noyau sous-thalamique par rapport
à celle bilatérale.
206 Psychochirurgie
Le noyau accumbens
La région VC/VS se situant à proximité du noyau accumbens, lui-même
appartenant au striatum ventral, l’équipe allemande de Sturm et de Huff
de Cologne a implanté, entre 2003 et 2008, chez dix patients, une électrode
unilatérale dans le noyau accumbens droit [41, 78]. Après une année de
stimulation, un patient était répondeur, tandis que le score Y-BOCS de cinq
d’entre eux diminuait d’un quart. Quant aux effets secondaires, ils étaient
proches, tant en genre qu’en incidence, à ceux décrits avec la cible VC/VS.
En 2010, une équipe néerlandaise a tenté d’améliorer ces résultats par une
implantation, cette fois bilatérale, chez seize patients29 [42]. Au cours d’une
première phase de huit mois dite « ouverte », neuf de ces patients étaient
répondeurs avec une diminution moyenne de leur score Y-BOCS de 72 %.
Lors de la phase en double aveugle qui a suivi et qui ne concernait alors plus
Le noyau sous-thalamique32
Dans le cadre d’un protocole national, plusieurs équipes françaises, à
partir de 2005, ont pris pour cibles les parties associative et limbique de ce
noyau sous-thalamique. Les résultats de leurs travaux, rassemblés en 2008
dans un article du New England Journal of Medicine [36], faisaient état de
résultats encourageants avec les trois quarts des seize patients ayant vu leur
score Y-BOCS diminuer de plus d’un quart. Le score Y-BOCS moyen étant de
28 à l’issue d’une stimulation de trois mois, contre 19 après la même période
mais suite à une « stimulation » placebo33. Par ailleurs, six patients sur dix ont
pu retrouver une vie familiale et sociale satisfaisante, comme en témoigne le
score moyen de GAF qui a progressé de 43 à 56. La principale critique envers
cette étude rigoureuse, randomisée et menée en double aveugle (fig. 77), porte
sur son faible recul, avec seulement trois mois d’observation. Le suivi à trois
ans semblerait néanmoins confirmer ces bons résultats mais, pour l’heure,
il n’a pas encore été publié [80]. Des effets indésirables ont également été
déplorés, notamment la survenue de deux infections et d’un hématome
cérébral, avec pour séquelle la paralysie d’un doigt chez un patient. Des
troubles moteurs et psychologiques ont été observés chez sept autres malades,
mais ont régressé suite à l’adaptation des paramètres de stimulation. Les
tests neuropsychologiques réalisés chez la totalité des patients avant et après
l’intervention n’ont révélé aucune anomalie.
Fig. 77 – Exemple de « design » d’une étude française de SCP sous-thalamique dans les TOC.
Tableau VIII – Résultat de la stimulation cérébrale profonde dans le traitement des TOC.
* Suivi en mois
** Réponse définie par une diminution du score de Y-BOCS d’au moins 25 %, VC/VS : ventral
capsule/ventral striatum
210 Psychochirurgie
Conclusion
L’efficacité clinique de la psychochirurgie dans le traitement des TOC sévères
est dorénavant établie. Après cette énumération de techniques chirurgicales et de
cibles, la question se pose de savoir quel est le meilleur geste et quelle structure
doit être visée. La réponse fait aujourd’hui l’objet de controverse au sein de la
communauté neurochirurgicale et réclamera, dans les années à venir, des études
cliniques prospectives randomisées. Une récente revue de la littérature établie
par l’équipe londonienne de Queen Square reprenant dix-huit publications a
comparé l’efficacité de la capsulotomie chez quatre-vingt-cinq patients à celle de
la stimulation de la capsule interne ou bien du noyau accumbens chez soixante-
quatre autres malades [83]. Cette comparaison, pour l’efficacité, semble être
en faveur de la capsulotomie avec 68 % de répondeurs contre 46 % avec la
stimulation à long terme34. En revanche, les patients opérés par capsulotomie,
pour un petit pourcentage, sont davantage sujets à l’apathie et à la désinhibition.
Quant à la prise de poids, elle semble être une complication exclusive de la
capsulotomie. Possible meilleure efficacité de la technique lésionnelle contre
plus grande innocuité de la SCP, le débat reste ouvert et ne pourra être tranché
que par de nouvelles études.
En résumé :
Le syndrome de Gilles de la Tourette représente une forme extrême des tics dont les
manifestations sont simples ou complexes, motrices ou vocales. Classiquement,
la maladie se déclare entre 5 et 7 ans, pour s’aggraver à l’adolescence et
régresser, en général, à l’âge adulte. Cette affection neuropsychiatrique rare
peut être handicapante et parfois répondre insuffisamment aux traitements
médicamenteux. Une soixantaine d’interventions de neurochirurgie lésionnelle
ont été réalisées jusqu’à présent ; les meilleurs résultats semblent être liés à la cible
thalamique. À la fin des années 1990 en raison de ses avantages — adaptabilité
et réversibilité — la stimulation cérébrale profonde a pris le relais de cette
chirurgie ablative. Aujourd’hui, les cibles thalamique et/ou pallidale semblent
être prometteuses.
34. Un patient est dit « répondeur » lorsque son score de Y-BOCS diminue d’au moins un
tiers. Un résultat « excellent » correspond à une diminution de moitié de ce score, et une
rémission à un score inférieur à huit. Dans le groupe capsulotomie, un résultat excellent a été
observé chez 26 % contre 11 % dans le groupe stimulation, et la rémission dans 9 % contre
2 %.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 211
La physiopathologie
Les études menées sur des jumeaux monozygotes ont montré que dans 89 à
94 % des cas les deux étaient atteints, ce qui accréditerait une cause génétique
même si, pour l’heure, aucun gène n’a pu être formellement isolé [99]. Certains
facteurs tels un poids faible à la naissance ou lors du premier trimestre de grossesse,
une vie stressante, pourraient favoriser l’expression de la maladie [100]. Les
études biochimiques, neurophysiologiques et d’imagerie tendent à démontrer
que ce syndrome serait dû à une anomalie développementale de la transmission
synaptique, qui conduirait à une désinhibition de la boucle CSTC [93, 101].
Ces boucles35 viennent moduler l’activité du cortex frontal en facilitant
ou en réprimant les programmes moteurs ou comportementaux selon les
besoins. Les travaux post mortem révèlent que la transmission dopaminergique
pourrait être impliquée, ce qui expliquerait l’efficacité des neuroleptiques
dans le traitement de la maladie. Que cette hyperactivité dopaminergique soit
due à une augmentation de la sensibilité des récepteurs à la dopamine, à une
anomalie présynaptique [102] ou à une augmentation de la dopamine36, il
en résulte une inhibition de la voie indirecte au sein de la boucle CSTC, qui
conduit à une hyperactivité thalamocorticale, les tics moteurs ou verbaux étant
la conséquence de ce défaut d’inhibition [92, 103, 104]. Au sein du thalamus37,
deux groupes de noyaux seraient concernés par cette hyperactivité : d’une part,
les noyaux médian et ventral davantage impliqués dans le contrôle moteur, et,
d’autre part, les noyaux intralaminaires — les plus volumineux d’entre eux
étant les noyaux centromédian et parafasciculaire (CM-Pf) — liés, en plus,
aux fonctions cognitives et émotionnelles. Les recherches menées en IRM
fonctionnelle viennent confirmer l’implication des structures mises en jeu
dans la boucle CSTC : lorsque les patients tentent de contenir leurs tics, on
observe une diminution de l’activité du putamen, du pallidum et du thalamus,
accompagnée d’une augmentation de l’activité de la tête du noyau caudé et
des cortex frontaux, temporaux et cingulaires [105]. Les imbrications entre
les manifestations motrices et comportementales du syndrome de Gilles de la
Tourette en font un modèle intéressant dans la compréhension des phénomènes
neurocomportementaux comme, par exemple, le syndrome de Lesch-Nyhan38
caractérisé par des mouvements anormaux telle la dystonie, et des troubles
agressifs comme l’automutilation [93, 106, 107].
cinq patients ont été opérés par des chirurgies lésionnelles [111]. Ces dernières
ont aujourd’hui quasiment disparu au profit de la SCP, dont l’avantage est
d’être réversible et adaptable. Depuis 1999, près d’une centaine de malades ont
été concernés par cette technique [90, 111-116] (fig. 78).
Fig. 78 – Les différentes cibles lésionnelles ou de stimulation cérébrale profonde (SCP) dans
le traitement du syndrome de Gilles de la Tourette.
b : cingulotomie [117] ; e : thalamotomie médiale [118, 119].
1 : SCP du noyau sous-thalamique [120] ; 2 : SCP du bras antérieur de la capsule interne [121] ;
4 : SCP du noyau accumbens [122] ; 6 : SCP des noyaux centromédian et parafasciculaire du
thalamus [123, 124] ; 7 : SCP du globus pallidus interne [112, 125] ; 8 : SCP du globus pallidus
externe [126].
43. Pour la majorité des séries, l’évaluation du résultat a été effectuée par l’équipe ayant posé
l’indication opératoire (Des études cliniques : p. 129).
216 Psychochirurgie
Résultat**
Étude Pts Cible(s) Suivi*
(%)
Pays-bas, 1999-2003 [124, 135] 3 Thalamus (CM-Pf) 9 82
France, 2005 [143, 146] 3 Thalamus (CM-Pf) et GPi 36 74 à 82
États-Unis, 2005 [121] 1 BACI 18 23
Luxembourg, 2005 [138] 1 GPi 14 75
Brésil, 2007 [126] 1 GPe 23 81
Allemagne, 2007 [144] 1 Noyaux accumbens 30 41
États-Unis, 2007 [123] 5 Thalamus (CM-Pf) 3 44
Italie, 2008 [114] 18 Thalamus (CM-Pf) 3-18 65
Grande-Bretagne, 2009 [120] 1 Noyaux sous-thalamiques 12 76
Pays-Bas, 2011 [147] 6 Thalamus (CM-Pf) 12 49
*Suivi moyen en mois.
**Pourcentage de diminution du score de la Yale Global Tic Severity Scales (YGTSS) et/ou de la
Rush Videotape Rating Scale (RVRS).
BACI : bras antérieur de la capsule interne, GPi : globus pallidus internes, GPe : globus pallidus
externes, CM-Pf : noyaux centromédian et parafasciculaire du thalamus.
Critères
1 Diagnostic établi selon les critères du DSM-IV par deux praticiens indépendants, si
possible un psychiatre et un neurologue
2 Tics présentant un handicap majeur
3 Résistance médicamenteuse ou bien mauvaise tolérance à 3 classes de neuroleptiques :
1. « classique » : halopéridol, pimozide
2. antipsychotique moderne : rispéridone, olanzapine, clozapine
3. molécule expérimentale : pergolide
4 Douze séances, au minimum, de TCC
5 Âge > 25 ans
Conclusions
La majorité des études mentionnées précédemment sont des rapports de
cas uniques ou des petites séries qui n’ont pas été évalués en double aveugle. Si
ces études ont permis de démontrer la bonne tolérance clinique de la technique
et des différentes cibles, elles peinent, pour l’heure, à démontrer la suprématie
d’une cible sur une autre [150]. Actuellement, si deux cibles semblent se
dégager, les noyaux intralaminaires du thalamus et le GPi, il reste à déterminer
si, selon les formes du syndrome de Gilles de la Tourette ou les comorbidités
psychiatriques, d’autres structures ou combinaisons de cibles pourraient être
envisagées.
La dépression sévère
En résumé :
La dépression — pathologie psychiatrique la plus répandue — peut parfois
s’avérer rebelle à tout traitement psychothérapeutique ou médicamenteux. Des
gestes chirurgicaux focalisés ont été proposés, consistant principalement en
des lésions au niveau du cortex cingulaire. Ces gestes irréversibles offrent des
résultats cliniques satisfaisants mais peuvent, néanmoins, rendre définitives
certaines complications notamment neuropsychologiques. Avec l’avènement
des techniques de stimulation aux effets réversibles, de nouvelles cibles sont
apparues, comme la région du noyau accumbens et surtout le cortex subgénual.
Si les résultats sont satisfaisants, les mécanismes d’action de cette stimulation
n’en restent pas moins incompris. Des études portant sur l’efficacité de la
stimulation du cortex préfrontal et du nerf vague sont également en cours.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 219
Aspect clinique
Le diagnostic de dépression pose bien souvent la question du normal et
du pathologique, à savoir où s’achève une réaction affective normale suite
à un événement de vie — comme une séparation, un deuil, la maladie —
et où débute véritablement la maladie dépressive. Ici la question se pose
peu, dans la mesure où la psychochirurgie concerne deux entités présentant
peu de difficulté de diagnostic : les épisodes dépressifs majeurs et le trouble
dépressif majeur (TDM). Selon la définition du DSM-IV [155], un EDM est
constitué de symptômes dépressifs évoluant depuis au moins deux semaines
qui marque un changement par rapport au fonctionnement antérieur [155].
Parmi les neuf symptômes suivants, cinq au moins doivent être présents et
obligatoirement :
1 – humeur dépressive ou irritabilité ;
2 – réduction marquée de l’intérêt ou du plaisir dans toutes les activités ou
presque ;
3 – perte ou gain notable de poids ou réduction ou augmentation de l’appétit ;
4 – insomnie ou hypersomnie ;
5 – agitation ou ralentissement psychomoteur ;
6 – fatigue ou perte d’énergie ;
7 – sentiment d’indignité ou culpabilité excessive ou inappropriée ;
8 – difficultés de concentration ou indécision ;
9 – pensée récurrente de mort ou de suicide ou tentative de suicide.
Ces symptômes doivent être présents presque tous les jours et entraîner une
détresse ou une altération du fonctionnement habituel. Le TDM implique la
220 Psychochirurgie
Évaluations
L’évaluation de la sévérité d’un épisode dépressif majeur s’effectue, dans
les études cliniques, à l’aide d’échelles. Ces instruments d’évaluation offrent
l’avantage d’un recueil aussi rigoureux que possible d’informations cliniques
permettant d’établir des statistiques nécessaires au travail scientifique. Il faut
néanmoins se garder d’une croyance fétichiste dans ces chiffres, qui ne reflètent
qu’approximativement la réalité psychique. D’autre part, la multiplication
des versions et les différences de codage selon l’examinateur peuvent limiter
la portée des comparaisons. Plusieurs échelles sont disponibles, certaines,
d’autoévaluation, sont réalisées par le patient lui-même46 tandis que celles
d’hétéroévaluation le sont par le praticien. Nous aborderons celles couramment
adoptées en psychochirurgie.
Échelle d’autoévaluation
La plus utilisée est la Beck Depression Inventory (BDI) mesurant les
affects dépressifs essentiellement dans leurs dimensions dysphoriques
(tableau XI) [156]. L’inventaire propose, pour chaque item, une série de quatre
énoncés représentant des degrés croissants de symptômes de 0 à 3. Un score
supérieur à 16 définit une dépression sévère.
Tableau XI – Échelle d’autoévaluation de la dépression (Beck Depression Inventory).
45. On peut, par certains aspects, considérer la manie comme une « dépression inversée » :
le patient, qui manifeste une assurance excessive, est agité par une humeur euphorique se
traduisant par des sentiments d’excitation, d’exaltation mais parfois aussi une irritabilité
voire une labilité émotionnelle faisant alterner les rires et les larmes. Une désinhibition
sexuelle, une distractibilité, une fuite des idées avec des pensées qui se bousculent peuvent être
présentes. En général, le sujet éprouve peu le besoin de dormir sans pour autant être fatigué.
46. La passation de ces échelles implique de respecter certaines règles et nécessite une
séance d’entraînement à la cotation. Parmi ces précautions on retiendra, par exemple, un
intervalle minimal entre deux cotations de quatre à huit jours afin d’éviter un effet « test-
retest ». L’évaluateur doit disposer de suffisamment de temps pour ces cotations, qui doivent
s’effectuer à des horaires identiques d’une évaluation à l’autre afin de contrôler l’influence des
variations nycthémérales.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 221
Échelle d’hétéroévaluation
L’échelle de dépression de Hamilton, l’Hamilton Rating Scale for Depression
(HRSD) aussi abrégé par HAM-D est l’un des questionnaires à choix multiples
les plus utilisés pour mesurer la sévérité des symptômes observés lors d’une
dépression (tableau XII). Le clinicien choisit l’une des réponses proposées
en interrogeant le patient ou en observant ses symptômes. Plusieurs types
de questionnaires sont disponibles de dix-sept (HRSD17) jusqu’à vingt-neuf
questions (HRSD29). Plus la note est élevée et plus la dépression est sévère [157].
Suite à un traitement, on parle de « rémission » en cas de diminution de plus de
la moitié du score de dépression47, et de « réponse » lorsque ce score passe sous la
barre de 10. Comme pour la Y-BOCS48 dans l’évaluation des TOC, cette échelle
est fréquemment associée à l’échelle de GAF49 qui quantifie les répercussions de
la maladie sur la vie du sujet.
47. Cette définition peut être sujette à variation suivant les protocoles de recherche.
48. Voir description de l’échelle p. 195.
49. Voir idem p. 197.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 223
Sentiments de culpabilité
0 Absent
1 S’adresse des reproches à lui-même, a l’impression qu’il a causé un préjudice à des
gens
2 Idées de culpabilité ou ruminations sur des erreurs passées ou des actions
condamnables
3 La maladie actuelle est une punition. Idées délirantes de culpabilité
4 Entend des voix qui l’accusent ou le dénoncent et/ou a des hallucinations visuelles
menaçantes
Suicide
0 Absent
1 A l’impression que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue
2 Souhaite être mort ou équivalent : toute pensée de mort possible dirigée contre
lui-même
3 Idées ou gestes de suicide
4 Tentatives de suicide.
Insomnie du début de nuit
0 Absent
1 Se plaint de difficultés éventuelles à s’endormir
2 Se plaint d’avoir chaque soir des difficultés à s’endormir
Insomnie du milieu de nuit
0 Pas de difficulté
1 Le malade se plaint d’être agité ou troublé pendant la nuit
2 Il se réveille pendant la nuit
Insomnie du matin
0 Pas de difficulté
1 Se réveille de très bonne heure le matin mais se rendort
2 Incapable de se rendormir s’il se lève
Travail et activités
0 Pas de difficulté
1 Pensées et sentiments d’incapacité, fatigue ou faiblesse se rapportant à des activités
professionnelles ou de détente
2 Perte d’intérêt pour les activités professionnelles ou de détente, ou décrite
directement par le malade ou indirectement par son apathie, son indécision et ses
hésitations
3 Diminution du temps d’activité ou diminution de la productivité
4 A arrêté son travail en raison de sa maladie actuelle
224 Psychochirurgie
La physiopathologie
Les différents symptômes observés dans la maladie dépressive et qui
touchent aussi bien les émotions, la cognition que le système neurovégétatif,
résultent de nombreuses régions cérébrales (fig. 79). En cela, la dépression
sévère est davantage une anomalie de réseau qu’une dysfonction d’une structure
anatomique ou d’un neurotransmetteur donné.
Les données de l’imagerie fonctionnelle et les résultats cliniques obtenus,
notamment par les interventions de psychochirurgie ablatives ou de
neurostimulation orientent, en effet, vers un ensemble de structures. Ainsi,
chez les patients souffrant de dépression, on observe une hypoactivité du cortex
préfrontal dorsolatéral qui se manifeste cliniquement par un ralentissement
psychomoteur, une apathie, des troubles mnésiques et un déficit d’attention.
L’hyperactivité que l’on rencontre au niveau du cortex orbitofrontal et de
l’amygdale pourrait se traduire par davantage de sensibilité à la douleur et
une augmentation de l’anxiété. Face à un stimulus émotionnel négatif, cette
hyperactivité est encore davantage accentuée, au sein de ces deux structures mais
également du striatum ventral. En revanche, lors d’une stimulation agréable ce
striatum ventral s’avère anormalement hypoactif. C’est ainsi que Rauch [159]
et Mayberg [160] séparent, chez les patients souffrant de dépression sévère, un
226 Psychochirurgie
Fig. 79 – Structures cérébrales mises en jeu dans les symptômes de la dépression sévère.
A : amygdale ; ATV : aire tegmentale ventrale ; CCA : cortex cingulaire antérieur ; CDL : cortex
dorsolatéral ; COF : cortex orbitofrontal ; CSG : cortex subgénual ; H : hypothalamus ; LC :
locus cœruleus ; NAcc : noyau accumbens ; NR : noyaux du raphé ; d’après [158].
51. L’amnésie antérograde est une perte partielle, voire totale, de la mémoire postérieure à
la maladie, l’accident ou l’intervention qui en est à l’origine. L’individu devient incapable
de constituer de nouveaux souvenirs. On pourrait comparer cette situation à celle d’un
ordinateur dont le disque dur resterait capable de lire toutes les données mais dont le
mécanisme d’écriture défectueux empêcherait tout nouvel enregistrement d’information.
52. Cette technique ainsi que ses résultats sont développés p. 162.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 229
de chacune de ces techniques, nous allons passer en revue les critères cliniques
communément admis qui justifient le recours à ces gestes.
55. Voir description des critères du DSM-IV pour le diagnostic de l’épisode dépressif majeur
p. 219.
56. Voir définition p. 220.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 231
La chirurgie lésionnelle
Seuls les résultats de techniques chirurgicales toujours en cours sont exposés.
Comme pour les TOC et les autres pathologies, l’analyse des articles relatifs
aux techniques lésionnelles se heurte au même écueil61 : les publications
comprenant un grand nombre de patients sont anciennes, généralement avant
les années 1980, et ne recourent pas à des échelles standardisées. Les travaux
plus récents ont le mérite d’une meilleure méthodologie mais portent sur des
effectifs souvent faibles.
La capsulotomie62
Peu d’équipes ont pris pour cible le BACI dans cette indication, ce geste
étant réservé classiquement pour le traitement des TOC, et la survenue de
dépression ayant même été décrite parmi les complications d’un tel geste [225,
La cingulotomie63
La cingulotomie paraît être la technique lésionnelle garantissant les
meilleurs résultats. Une revue de la littérature colligeant le suivi de plus de
quatre cents patients donnait la faveur, en termes d’efficacité, à la cingulotomie
antérieure dans le traitement par chirurgie ablative de la dépression [227].
En 1996, chez quinze patients, l’équipe américaine de Boston a obtenu, suite
à une lésion de la partie antérieure du gyrus cingulaire, une diminution de
plus de moitié du score de BDI chez 60 % des malades, tandis que 12 %
étaient répondeurs partiels64 [53]. En 2008, la même équipe obtiendra
des résultats voisins chez trente-trois patients, avec 30 % de répondeurs et
43 % « répondeurs partiels » [228]. En l’absence d’amélioration clinique
un an après la cingulotomie, un geste de tractotomie sous-caudée a été
réalisé chez seize patients, parmi eux un quart ont répondu dont la moitié
partiellement. Toutes les complications observées ont été transitoires : une
incontinence urinaire (3 malades), des troubles passagers de la mémoire (1),
une crise d’épilepsie, un abcès résolutif après un drainage chirurgical et une
antibiothérapie. D’autres études, plus anciennes, avec des échelles différentes
rendant les comparaisons difficiles, ont montré une amélioration chez 44 à
92 % des malades. La prise de poids, une incontinence urinaire et de rares
modifications de la personnalité ont été à déplorer [229].
La tractotomie sous-caudée65
Rarement pratiqué, le geste de tractotomie sous-caudée mis au point
par Knight, l’est encore moins de façon isolée, et intervient généralement
en complément d’un geste de cingulotomie insuffisant : l’association des
deux devenant la leucotomie limbique. En 1995, l’équipe du Brook General
Hospital de Londres a publié les résultats d’une série de cent quatre-vingt-
trois malades opérés de 1971 à 1991. Après un an de suivi, soixante-trois
patients ne présentaient plus de symptômes dépressifs, cinquante-trois
s’étaient améliorés, tandis que cinquante-sept n’avaient pas évolué ou
s’étaient dégradés. Un taux de 3 % de mortalité était à déplorer tandis qu’une
fatigue marquée, un gain de poids et des crises d’épilepsie (2 %) faisaient
partie des complications les plus fréquentes [62].
La leucotomie limbique66
La leucotomie limbique, c’est-à-dire l’association des deux interventions
précédentes, mises au point en 1973 par Kelly, n’est plus guère pratiquée. C’était
l’une des interventions classiques, avec la cingulotomie, jadis proposée dans
le traitement de la dépression [95]. Les séries anciennes ou bien celles ayant
eu recours à des échelles non standardisées font état d’amélioration de 39 à
78 % [35, 230, 231]. L’une des dernières publications, de l’équipe américaine
de R. Cosgrove de Boston, remonte à 2002 et concernait un petit échantillon
de six patients [205]. Au terme d’un suivi variant de six à soixante mois, trois
patients ont été considérés comme répondeurs par les psychiatres, tandis qu’un
seul de ces malades s’estimait véritablement amélioré. Les auteurs ne livrent que
les pourcentages d’effets indésirables de l’ensemble des vingt et un patients, y
compris ceux opérés en raison d’un TOC. Parmi les complications définitives,
on retiendra 14 % d’incontinences urinaires, 9 % d’altérations de la mémoire à
court terme et 5 % d’épilepsies.
67. C’est la zone motrice du noyau sous-thalamique qui est habituellement visée dans le
traitement de la maladie de Parkinson.
68. Voir p. 83.
69. Voir p. 85.
70. Voir p. 58.
71. Voir p. 56.
72. Voir p. 59.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 235
Le noyau accumbens
Nous l’avons abordé, le noyau accumbens peut être considéré comme une
interface entre le circuit limbique en charge des émotions et le système moteur
responsable de nos actions. Son rôle central dans le circuit de la récompense et
du plaisir en fait une sorte de « portail motivationnel » interposé entre l’émotion
et l’action. En d’autres termes, ce noyau module les comportements en vue
d’une récompense. L’anhédonie est un symptôme important de la dépression,
de même que la baisse de la motivation. Les études d’imagerie fonctionnelle
montrent d’ailleurs une hypoactivité de ce noyau accumbens lors des processus
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 237
des symptômes a été observée, avant même la stimulation, avec un score HAM-D
qui est passé de 42 à 3. Cet effet s’est maintenu lors de la stimulation de 2,5 V
à 130 Hz durant huit mois. Lors de la phase en double aveugle durant laquelle
le stimulateur a été stoppé, une détérioration de l’humeur a été observée, mais
seulement dix mois après l’arrêt de la stimulation. Lors de la remise en route du
stimulateur, les symptômes ont de nouveau disparu en quelques jours.
L’habenula
La partie latérale de l’habenula présente, chez les sujets déprimés, une
augmentation de son activité pouvant induire un freinage des circuits
dopaminergiques mais surtout noradrénergiques et sérotoninergiques sur
lesquels elle se connecte [261]. Chez l’animal, une inhibition électrique de
l’habenula se traduit par une augmentation de la production de noradrénaline
dans le cortex préfrontal, et de la sérotonine au sein du striatum [262, 268].
Un patient a été traité selon cette cible par une équipe allemande. Un mois
après le début de la stimulation, une rémission a été obtenue. Les symptômes
se sont réinstallés très rapidement suite à l’arrêt inopiné du neurostimulateur.
Après réparation du système, les symptômes ont de nouveau disparu en un
mois. Les psychiatres de Mannheim mettent en avant cet incident pour écarter
un possible effet placebo dans cette étude dite « ouverte » [218].
Conclusion
Les succès enregistrés par la SCP dans le traitement de la dépression
apparaissent indéniables. Néanmoins, le principal reproche que l’on puisse
adresser à la méthodologie de la plupart de ces études demeure l’absence de
« double aveugle » permettant d’éliminer un effet placebo. Les visites fréquentes
chez le psychiatre dictées par le protocole de recherche, le sentiment d’être
« utile » dans ce contexte expérimental ou d’être observé de près peuvent
La stimulation corticale75
Depuis une dizaine d’années, des séances de rTMS sont proposées aux
patients souffrant de dépressions sévères et résistantes. La rTMS présente
l’inconvénient de devoir être répétée et d’avoir, le plus souvent, un effet
transitoire. Dans le but de pérenniser cet effet, certaines équipes ont implanté
sous le crâne et en regard des régions cérébrales visées par la rTMS, c’est-à-dire le
cortex préfrontal dorsolatéral, des électrodes destinés à assurer une stimulation
permanente (fig. 73, p. 168). Ces interventions seront détaillées dans le chapitre
III qui est consacré à ces aspects chirugicaux76 . Jusqu’à présent seules deux
études, américaines, ont été réalisées. La première, multicentrique, dirigée par
Kopell en 2008, concernait une douzaine de patients [193, 270, 271]. Durant les
deux premiers mois, une étude en double aveugle a été effectuée, ne mettant
en évidence aucune différence entre les groupes stimulés et non stimulés. Lors
de la phase ouverte, d’une durée de vingt et un mois, cinq patients ont été à
un moment donné répondeurs, dont quatre en rémission. La seconde étude,
menée par Nahas [194], portait sur cinq patients. En moyenne, les patients ont
vu leurs scores d’HRSD24 passer de 28 avant l’intervention, à 25 quinze jours
après, puis 19 à quatre mois et 13 au bout de sept mois de suivi. À ce moment,
quatre des cinq patients étaient répondeurs, dont trois en rémission clinique.
Conclusion
Les techniques de stimulation par dispositif implanté dans le traitement de
la dépression sévère et réfractaire demeurent actuellement en cours d’évaluation
au plan tant de leur efficacité que de leur innocuité. Si la bénignité de ces
techniques est en passe d’être établie, l’efficacité reste difficile à démontrer. Les
études cliniques relatives à l’efficacité des techniques de stimulation par matériel
implantable dans la dépression souffrent pratiquement toutes des mêmes
faiblesses. D’une part, des effectifs restreints qui réduisent considérablement la
puissance statistique. D’autre part, la nature même de ces études, « ouvertes »
pour la majorité, ne permet pas d’exclure la participation de l’effet placebo80.
% de répondeurs
Cible Centre [s] Patients
[1 an]
Toronto [214] 20 55
Aire 25
Toronto, Montréal, Vancouver [220] 21 29
Noyau accumbens Bonn, Baltimore, Cologne [208] 10 50
Cleveland, Boston,
VC/VS 17 53
Rhodes-Island [207]
Ped. thal. inf. Mexico [211] 1 100
Habenula Mannheim [218] 1 100
FMT Bonn [219] 7 86 (12 semaines)
Nerf vague Multicentrique (EUA) [280] 181 30
Londres, Dublin [281] 11 55
Multicentrique (Europe) [221] 59 53
Cortex préfrontal Multicentrique (EUA) [194] 11 18
VC/VS : ventral capsule/ventral striatum ; Ped. thal. inf. : pédoncule thalamique inférieur ;
FMT : faisceau médian du télencéphale ; EUA : États-Unis d’Amérique
242 Psychochirurgie
En résumé :
Les troubles des comportements agressifs représentent, à l’exception de rares
pathologies comme par exemple la maladie de Lesch-Nyhan, une entité
nosologique au contour flou, non dénuée d’enjeux sociaux ou politiques. Certaines
techniques lésionnelles comme l’amygdalotomie, l’hypothalamotomie ont jadis
été proposées, mais sont aujourd’hui remplacées par des gestes — beaucoup
plus rares mais toujours contestables — de capsulotomie ou de cingulotomie. La
stimulation cérébrale profonde permet, aujourd’hui, de proposer un traitement
réversible et donc plus acceptable à ces patients.
Fig. 81 – Les différents gestes lésionnels ou de SCP ayant été réalisés dans le traitement des
troubles agressifs.
a : capsulotomie antérieure [283-286] ; b : cingulotomie [285, 286] ; c : tractotomie sous-
caudée [284] ; d : leucotomie limbique [283, 284] ; f : hypothalamotomie postérieure [287] ;
g : amygdalotomie [288].
7 : SCP du globus pallidus interne [289, 290] ; 11 : SCP de l’hypothalamus postérieur [291].
82. En 1937, deux chercheurs américains, H. Klüver et P. Bucy observent que les patients
présentant des lésions bilatérales des lobes temporaux présentent une diminution de la peur
et des émotions en général, une perte des interactions sociales, une agnosie visuelle et une
hypersexualité. On nommera cette association de symptômes, le syndrome de Klüver et Bucy.
Voir définition p. 60.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 245
non, rapporta des résultats équivalents chez dix patients âgés de 15 à 58 ans. Le
recul, cette fois, était de quatre années. Les mêmes nombres de complications sont
déplorés, auxquels s’ajoute un décès [286]. Nous reviendrons sur ces publications
dans le chapitre consacré à l’éthique.
Aspects cliniques
Ces patients sont habituellement normaux à la naissance et ce n’est que vers
le sixième mois qu’apparaît un retard développemental [324]. Le diagnostic
est généralement évoqué les premières années, devant les troubles compulsifs
d’automutilation d’un enfant qui se mord les lèvres, les joues ou les doigts. Il
n’est pas rare que ces mutilations aboutissent à des infections sévères voire à
des amputations [325]. Ce comportement agressif peut également se tourner
vers l’entourage et se traduire par des coups ou des propos injurieux. Un
retard du développement moteur apparaît rapidement et se manifeste, dans un
premier temps par une hypotonie puis, progressivement, par une dystonie et
des dyskinésies généralisées invalidantes. Le retard mental est fréquent [326].
Physiopathologie
La maladie de Lesch-Nyhan compte parmi les affections génétiques
récessives liées au chromosome X, ce qui signifie que les femmes transmettent
cette anomalie sans être atteintes. Ce désordre est dû à un déficit enzymatique
en HGPRT, intervenant dans le métabolisme des purines, qui conduit à une
augmentation du taux sanguin d’acide urique puis à la formation de dépôts de
cristaux au niveau des reins, de la peau et des articulations. Néanmoins, si cette
hyperuricémie permet d’expliquer les symptômes articulaires (goutte) et cutanés
(tophus), la physiopathologie des manifestations neurologiques demeure
inexpliquée. Selon les modèles animaux, les comportements d’automutilation
pourraient être liés à une hypersensibilité de la sous-classe D1 des récepteurs à
la dopamine au niveau des noyaux gris centraux [106, 327, 328].
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 249
Traitement pharmacologique
Les automutilations peuvent être prévenues par le port d’un casque, de
gants voire d’un masque. Dans les formes les plus graves, le recours à une
extraction dentaire s’avère nécessaire. Actuellement, il n’existe aucun traitement
étiologique médicamenteux, mais certaines molécules sont utilisées afin d’en
limiter les symptômes : l’allopurinol permet de diminuer le taux d’acide
urique et prévient ainsi les manifestations rénales ou articulaires. Le recours
aux psychotropes atténue les troubles comportementaux, tandis que certaines
classes pharmacologiques utilisées dans le traitement de la spasticité ou de la
maladie de Parkinson ont une efficacité limitée sur la dystonie.
Conclusion
Les progrès de la psychopharmacologie, la méfiance de l’opinion et la
bioéthique ont fait reculer les indications de gestes d’amygdalotomies et
d’hypothalamotomies pratiqués dans les années 1970 dans le traitement des
troubles sévères du comportement agressif. Chez de rares patients souffrant de
formes pharmacorésistantes, la recherche, depuis une dizaine d’années, s’est
orientée vers les techniques de SCP. Qu’il s’agisse de l’hypothalamus postérieur,
ou du GPi dans le syndrome de Lesch-Nyhan, la stimulation cérébrale
conduit, aujourd’hui, à des résultats encourageants. Le caractère réversible de
la stimulation offre davantage de garantie, au plan éthique, que les techniques
lésionnelles. Chez ces patients qui souffrent en grande majorité d’un retard
mental, la problématique du consentement apparaît moindre si le traitement
n’est pas définitif. Ces traitements des troubles agressifs par la chirurgie, qu’elle
soit lésionnelle ou par stimulation, réclament une vigilance extrême, tant les
contours de cette pathologie peuvent être modelés par « le politique ». Cette
mise en garde ne s’adresse pas seulement aux chercheurs et aux médecins, mais
à l’ensemble de la société. On conçoit difficilement les « praticiens » d’un régime
totalitaire publier dans des revues internationales les résultats cliniques de séries
de « patients » « traités » dans des conditions que la bioéthique réprouve. Des
considérations qui sont également valables dans le traitement des addictions90
voire des conduites sexuelles91.
Les addictions
En résumé :
Les conséquences socioéconomiques de l’addiction et les échecs de sevrages,
notamment aux opiacés, ont poussé dès le début des années 1970 des cliniciens à
s’orienter vers des traitements chirurgicaux. La cingulotomie, l’hypothalamotomie
et, plus récemment, l’ablation des noyaux accumbens ont été proposées. Les
résultats de ces gestes demeurent controversés d’un point de vue aussi bien
thérapeutique, méthodologique, qu’éthique. L’efficacité de ces techniques a
rarement été comparée à d’autres prises en charge comme, par exemple, les
techniques substitutives ; par ailleurs les conditions du recueil du consentement
éclairé chez ces populations vulnérables sont d’autant plus problématiques que
les conséquences de ces gestes demeurent irréversibles. Depuis peu, la recherche
s’oriente vers des techniques de stimulations cérébrales – notamment des noyaux
accumbens – dans le traitement de formes rebelles d’alcoolisme chronique ou de
toxicomanie aux opiacés.
Aspect clinique
Selon l’OMS, l’addiction se définit comme un syndrome pour lequel la
consommation d’un produit devient une exigence supérieure à celle d’autres
comportements qui avaient auparavant une plus grande importance. La
définition de cette pathologie par le DSM-IV est plus stricte, et requiert au moins
trois des sept signes suivants avec une évolution supérieure à une année [155] :
1 – une accoutumance se traduisant soit par une augmentation des doses pour
un effet similaire, soit par un effet nettement diminué si les doses sont
maintenues à leur état initial ;
2 – un syndrome de sevrage lors de l’arrêt ou une prise du produit afin d’éviter
ce syndrome de sevrage ;
3 – une incapacité à gérer sa propre consommation, l’usager consomme plus
longtemps ou plus qu’il ne le voudrait ;
4 – des efforts infructueux pour contrôler la consommation ;
5 – un temps de plus en plus important consacré à la recherche du produit ;
6 – des activités sociales, culturelles ou de loisir abandonnées en raison de
l’importance que prend le produit dans la vie quotidienne ;
7 – une poursuite de la consommation malgré la conscience des problèmes
qu’elle engendre.
Physiopathologie
Contrairement aux pathologies psychiatriques abordées dans les autres
chapitres, les chercheurs ont bénéficié pour les addictions d’un atout considérable
dans la compréhension de la physiopathologie : de nombreux aspects du
comportement addictif ont pu être reproduits par l’animal de laboratoire.
252 Psychochirurgie
Ces expérimentations ont montré que toutes les substances addictives, quelle
que soit leur nature, provoquaient une libération de dopamine92 dans le
noyau accumbens93 [338]. Cette libération est à l’origine de la sensation de
bien-être, le « high » [339], ressentie lors de la prise du produit qui engendre
un « renforcement positif » [340]. On l’a vu, ce noyau appartient au circuit
mésolimbique dopaminergique94 de la récompense, un réseau neuronal
constitué par les neurones de l’ATV dont les axones dopaminergiques rejoignent
le striatum ventral, et notamment sa partie basale, le noyau accumbens par
un bouquet d’axone : le FMT (fig. 49, p. 97) [341-343]. Ce noyau appartient
non seulement au circuit de la récompense, mais aussi au système des boucles
CSTC95 [344]. Cette double appartenance lui confère un rôle d’interface entre
le système de récompense et les fonctions, notamment motrices, de ces boucles
CSTC. En d’autres termes, on admet qu’il contribuerait à la transformation du
désir en action. Le second circuit dopaminergique, mésocortical, est formé par les
projections des neurones de l’ATV, via le FMT également, sur le cortex préfrontal
et cingulaire96, l’amygdale97 et l’hippocampe98 (fig. 82). Ces différentes structures
influencent, à leur tour, le noyau accumbens. Si l’on prend l’exemple de la
nicotine ou de l’héroïne, ces molécules déclenchent la libération de dopamine
par l’ATV, grâce à des récepteurs nicotiniques et morphiniques situés à ce niveau.
Pour ce qui est de la cocaïne, la libération dopaminergique s’effectue directement
au niveau du noyau accumbens par une inhibition sélective de la recapture de ce
neuromédiateur au niveau de la fente synaptique. Ces libérations de dopamine
produisent le « renforcement positif » [345]. Lors d’une consommation régulière,
ces substances provoquent des adaptations progressives dans le circuit de la
récompense, qui vont être responsables du développement de l’accoutumance
et de la dépendance. Le toxicomane réclame des doses de drogue plus fréquentes
pour ressentir les mêmes effets sur son humeur et sa concentration. C’est
l’accoutumance. Cette escalade de la consommation aboutit à la dépendance, un
besoin se traduisant par une détresse psychologique et des douleurs physiques,
que seule parvient à soulager une nouvelle prise de drogue. Il s’agit là d’un
« renforcement négatif » pouvant se traduire par une sensation d’abattement, des
tremblements, des douleurs, des sueurs [346, 347]. Cet état dictera les conduites
d’évitement, parfois délictueuses, du syndrome de manque. Koob a suggéré que,
chez les individus dépendants, l’administration répétée aboutissait, par cette
alternance de renforcements positif et négatif, au dysfonctionnement du système
de la récompense [348]. Outre la sensation de bien-être, l’autoadministration
du produit provoque un afflux de dopamine au niveau de l’amygdale99 et de
Les interventions
Les complications médicales, les conséquences sociales et le coût des
addictions ont incité de nombreuses équipes à proposer, dans le courant des
années 1960, des gestes stéréotaxiques de cingulotomie, d’hypothalamotomie
ou d’ablation du noyau accumbens (fig. 83). Pour des raisons identiques
— notamment éthiques — à celles ayant mis un terme aux interventions
d’amygdalotomie et d’hypothalamotomie dans le traitement des troubles du
comportement agressif103, ces gestes ont cessé d’être pratiqués au début des
années 1980, à l’exception d’équipes en Russie et en Chine104 [358, 359].
Actuellement, les avancées de la SCP permettent d’envisager son application à
des cibles de la chirurgie lésionnelle telles que le noyau accumbens [360-364].
Fig. 83 – Les différentes cibles lésionnelles ou de stimulation cérébrale profonde (SCP) ayant
été explorées, parfois fortuitement, dans le traitement des addictions.
b : cingulotomie antérieure bilatérale [365, 366] ; i : ablation des noyaux accumbens [359] ; j :
hypothalamotomie ventromédiane uni/bilatérale [367].
1 : SCP des noyaux sous-thalamiques [368] ; 2 : SCP de la partie dorsale du bras antérieur de
la capsule interne [363] ; 4 : SCP des noyaux accumbens [363, 369].
La cingulotomie
Le « craving » des sujets dépendants a souvent été comparé à une forme
de TOC. Poursuivant cette hypothèse, Balasubramaniam avança l’idée d’un
geste de cingulotomie105, une intervention en cours dans le traitement de
malades souffrant de TOC sévères [365, 366, 370], dans le traitement des
patients toxicomanes. Le neurologue indien s’est également basé sur les
travaux de Foltz et White qui, en 1962, avaient pratiqué cette intervention
chez des malades souffrant de douleurs réfractaires chroniques [371]. Parmi
seize d’entre eux, quatorze avaient développé une dépendance aux narcotiques.
Outre le soulagement des douleurs, chez douze malades, ces neurochirurgiens
de Seattle ont noté qu’aucun des patients, auparavant dépendants, n’avait
eu recours aux morphiniques après l’opération, et cinq seulement avaient
manifesté des signes, modérés, de sevrage. L’équipe indienne de Madras opéra
soixante-treize patients, souffrant de dépendance à l’alcool ou à la morphine,
par cingulotomie. Le sevrage, avec un recul d’un à six ans, fut obtenu chez 80 %
des morphinomanes et 68 % des alcooliques. Cette chirurgie, abandonnée dans
cette indication, a été reprise, à la fin des années 1990, par une équipe de Saint-
Pétersbourg menée par Medvedev chez des patients héroïnomanes. Avant que
ce programme décrié ne soit interrompu en 1998 par les autorités russes, trois
cent quarante-huit patients ont été opérés par cryo-cingulotomie bilatérale,
une variante de la cingulotomie stéréotaxique utilisant une source de froid à
l’extrémité d’un instrument : le cryoprobe (-70 °C pendant cinq minutes). Le
suivi de cette cohorte aurait montré, avec un suivi de deux années, 45 % de
sevrages définitifs et 17 % de sevrages obtenus après une ou deux rechutes [358].
Curieusement, ces importantes séries indiennes et russes ne font pas état de
trouble neuropsychologique, à l’inverse de travaux portant sur des effectifs
beaucoup plus modestes rapportant des troubles de l’attention ou des fonctions
exécutives106 [372, 373]. Ajoutons, à titre anecdotique, qu’il a été observé par
l’équipe française de Jarraya et Palfi qu’une lésion de la partie postérieure de ce
cortex cingulaire pouvait entraîner un sevrage tabagique [374].
L’hypothalamotomie
En 1973, Müller partant du principe que les manifestations somatiques
du sevrage — la fièvre, les tremblements, l’hypertension, la sudation ou
la déshydratation — étaient des manifestations d’une hyperactivité de
l’hypothalamus, son équipe de Göttingen a procédé à une intervention
d’hypothalamotomie ventromédiane unilatérale chez un sujet alcoolique de
30 ans. Les suites initiales, encourageantes, se solderont, au onzième mois, par
une rechute [375]. Müller en conclura que ce geste gagnerait à être effectué de
façon bilatérale. C’est ce que feront cinq ans plus tard Dieckmann et Schneider à
105. Voir p. 26 pour l’historique de ce geste et p. 122 pour la technique proprement dite.
106. Voir p. 126.
256 Psychochirurgie
107. Voir p. 298 au sujet des questions éthiques que de tels gestes soulèvent.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 257
cette équipe chinoise a poursuivi cette chirurgie chez douze patients souffrant,
cette fois, d’une dépendance sévère à l’alcool [386]. Avec un recul s’échelonnant
entre six mois et deux ans, il semble que seuls deux patients aient rechuté suite
à cette intervention. Les auteurs mentionnent qu’une amélioration moyenne du
quotient intellectuel a été observée, ainsi qu’une diminution de l’irritabilité et
des symptômes dépressifs. Une équipe d’un autre hôpital militaire, à Chengdu,
a réalisé préalablement au geste stéréotaxique de destruction, des stimulations
du noyau accumbens et de l’amygdale chez soixante-dix héroïnomanes. Cette
étude, menée d’août à novembre 2004, ne fait pas état de résultat ni même
d’un suivi, et indique simplement que ces expérimentations ont montré que la
stimulation de ces régions (50 Hz à 2-4 V) pouvait induire des états d’euphorie
dont l’intensité était proche de celle ressentie lors du « high » d’une prise
d’héroïne [357].
une demi-bouteille de vodka par jour depuis plus de trente ans, un sevrage
complet [393]. Selon les études électrophysiologiques réalisées chez ce
quatrième patient alcoolique chronique, l’efficacité de la SCP reposerait sur
une normalisation de l’activité du cortex cingulaire antérieur rendue possible
par une modulation de l’activité de ce noyau accumbens. Nous l’avons vu
précédemment, c’est ce dysfonctionnement du système dopaminergique qui
affecterait le fonctionnement du cortex cingulaire antérieur [339, 352]. Ce
dysfonctionnement entraîne une diminution du contrôle inhibiteur cortical
expliquant la difficulté à résister à un nouveau verre d’alcool [394]. Après
qu’une nouvelle étude allemande soit venue confirmer ces résultats chez cinq
patients [364], des travaux prospectifs randomisés et en double aveugle, cette
fois, sont aujourd’hui menés en Allemagne dans cette indication. Suite à la
stimulation de ce noyau chez un patient souffrant de TOC sévère, une équipe
des Pays-Bas a également constaté, outre la guérison du TOC, un arrêt de la
consommation tabagique ainsi qu’une hyperphagie responsable d’une obésité
morbide [361]. Cette observation vient renforcer l’hypothèse d’intrications
étroites entre les circuits CSTC — dont la dérégulation expliquerait les
comportements compulsifs — et ceux de la récompense en cause dans les
addictions [361]. En 2011, une équipe de l’hôpital universitaire de Shanghaï,
menée par Zhou et Jiang, a publié les résultats cliniques d’un patient
héroïnomane, consommant en moyenne un à deux grammes par jour depuis
cinq ans, opéré sept ans auparavant par implantation d’électrodes au niveau
des noyaux accumbens [369]. La stimulation (145 Hz, 0,8-2,5 V) a permis
un sevrage complet autorisant l’ablation du stimulateur trois ans après. Le
patient n’a pas rechuté depuis. Cette équipe shanghaïenne a, depuis, opéré un
nouveau patient héroïnomane, mais avec un résultat plus décevant puisqu’il
reste dépendant à un traitement par méthadone [395]. En 2012, une équipe
d’Amsterdam a réalisé la même intervention mais, cette fois-ci, avec une
partie de l’électrode au sein du BACI et l’extrémité dans le noyau accumbens.
Durant quatre mois, cette équipe néerlandaise a corrélé la consommation en
héroïne selon les plots de l’électrode stimulés (180 Hz, 3,5 V). Ils ont observé,
chez ce patient de 47 ans héroïnomane (0,5 à 0,6 g/j) depuis vingt-deux ans,
que lorsque la partie médiane du BACI était stimulée, sa consommation
moyenne augmentait à 0,87 g par jour, tandis qu’elle chutait à 0,10 g lorsqu’il
s’agissait de la partie dorsale et à 0,25 g pour le noyau accumbens. Un
sevrage complet a été obtenu durant six mois (363). À Lisbonne, des résultats
encourageants, mais avec un faible recul, ont été rapportés chez un patient
dépendant de la cocaïne depuis quatorze années [396]. Lors de la stimulation
par ces électrodes, implantées dans le BACI et la partie postérieure du noyau
accumbens, le patient déclare : « Les hights provoqués par la cocaïne sont
beaucoup moins intenses et j’ai moins de plaisir qu’auparavant à en prendre, je
deviens capable de stopper ma consommation même après une première dose ».
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 259
Suivi en
Études Pt(s) Addiction/Cible de la SCP Résultat
mois
France, 2005 [368] 2 Dopamine/Noyau 18 Sevrage
sous-thalamique
(Parkinson)
Pays-Bas, 2010 [361] 1 Tabac/Noyaux accumbens 24 Sevrage
(TOC)
Allemagne, 2009 3 Tabac/Noyaux accumbens 30 Sevrage
[360] (TOC, SGT) partiel
Allemagne, 5 Alcool/Noyaux accumbens 38 3/5 sevrages
2009 [364]
Chine, 2011 [369] 1 Héroïne/Noyaux accumbens 36 Sevrage
Chine, 2012 [395] 1 ? Sevrage
partiel
Pays-Bas, 2012 [363] 1 Héroïne/Noyaux accumbens 6 Sevrage
Portugal, 2012 [396] 1 Cocaïne/Noyaux accumbens 6 Sevrage
partiel
Conclusion
Le traitement par psychochirurgie, en particulier lésionnelle, des addictions
pose des questions éthiques comme celles du consentement libre et éclairé
ou du conflit d’intérêts. Nous reviendrons sur ces points dans le chapitre
consacré à la bioéthique108 ; néanmoins, on peut, d’ores et déjà, s’interroger
sur la liberté de choix des patients qui se voient proposer des techniques
lésionnelles. Qu’il s’agisse de la Russie ou de la Chine [397], les politiques à
l’égard des héroïnomanes sont punitives [398], le trafic de drogue est puni
de la peine capitale en République populaire de Chine [399]. Par ailleurs, ces
deux pays n’offrent pas ou peu d’accès à des programmes de désintoxication
par agoniste comme, par exemple, la méthadone [400, 401]. L’absence d’une
telle offre thérapeutique ne permet pas de comparer l’efficacité de cette
chirurgie à ces traitements substitutifs reconnus [402]. Conscientes des enjeux
éthiques, la majorité des équipes chirurgicales travaillant sur ces thématiques
se sont orientées vers les techniques réversibles de SCP qui paraissent
prometteuses et seraient plus économiques que le traitement substitutif par
méthadone [403]. Néanmoins, pour réversible ou économique que puisse être
la SCP des noyaux accumbens, certaines réserves doivent être formulées. Des
éthiciens, comme le Canadien Racine ou l’Australien Hall, s’inquiètent des
dérives potentielles de la stimulation dans l’addiction [404]. Ils considèrent,
aujourd’hui, que les résultats cliniques demeurent fragiles et qu’il serait sage,
dans un premier temps, d’attendre que la stimulation ait fait ses preuves
En résumé :
L’obésité morbide devenant un problème de santé public majeur, des équipes se
penchent sur la neuromodulation de l’hypothalamus, un centre régulant la faim
et la satiété, dans le traitement de cette pathologie. Pour l’heure, de très rares
interventions ont été pratiquées, parfois avec des résultats inattendus. Quant à
l’anorexie mentale, qui emprunte certains traits cliniques aux TOC, avec parfois
des patients souffrant des deux pathologies, la stimulation cérébrale profonde
du bras antérieur de la capsule interne a permis, ces dernières années, la guérison
de quelques rares patientes.
L’obésité
L’obésité se définit par un indice de masse corporelle (IMC)110 supérieur à
30 kg/m2, et concernerait plus de cinq cents millions d’individus sur la planète,
dont le coût pour la société représenterait, selon les pays, 2 à 7 % des dépenses
de santé [405]. Aux États-Unis par exemple, ces dépenses avoisineraient cent
milliards de dollars par an [406]. À ce coût faramineux lié à la survenue de
pathologies associées (diabète, maladies cardiovasculaires, apnée du sommeil,
cancers, arthrose…) et à la réduction de l’espérance de vie d’environ une
vingtaine d’années, s’ajoute une qualité de la vie altérée pour des millions
d’individus [407]. Ce problème de santé publique s’aggrave au fil des années.
Aux États-Unis, on considère que la prévalence de l’obésité chez les adultes de
plus de 20 ans a doublé de 1980 à 2000 [408], tandis que celle des enfants et
adolescents aurait triplé [409]. Deux tiers des Américains sont en surpoids (25
< IMC < 30 kg/m2), ce qui serait à l’origine de trois cent mille décès chaque
année. Dans l’obésité morbide (IMC > 40 kg/m2), les régimes hypocaloriques
ou les thérapies pharmacologiques [410] ont une efficacité faible en raison du
taux élevé de rechutes. Depuis une vingtaine d’années, la chirurgie bariatrique
Fig. 84 – Les différentes cibles lésionnelles ou de stimulation cérébrale profonde (SCP) dans
le traitement des troubles alimentaires.
e : hypothalamotomie dorsomédiane : obésité ; k : hypothalamotomie latérale : obésité.
2 : SCP du bras antérieur de la capsule interne : anorexie mentale ; 12 : SCP de l’hypothalamus
ventromédian : obésité.
262 Psychochirurgie
L’hypothalamotomie
Nous l’avons vu111, l’hypothalamus médian abrite les noyaux dorsomédian
et ventromédian (fig. 30, p. 71) responsables des comportements alimentaires
de faim et de soif. Le noyau ventromédian, connecté à l’amygdale, est
impliqué dans la sensation de satiété [417]. Une lésion de cette structure
provoque une exacerbation de l’appétit entraînant l’obésité. Inversement la
stimulation électrique de ce noyau réduit la prise alimentaire, active la lipolyse
et ainsi réduit la masse corporelle [418]. À côté de l’hypothalamus médian,
on trouve les noyaux latéraux (fig. 31-33, p. 74) dont l’action s’oppose à celle
des noyaux ventromédians dans le sens où ils favorisent les comportements
de consommation [419]. La lésion de ces noyaux latéraux, sous le contrôle
du cortex et de l’amygdale, provoque un amaigrissement [420] voire une
cachexie112 [421-423]. À l’opposé, la stimulation électrique de ces segments
augmente la prise alimentaire, la masse corporelle et la lipogenèse [424].
En 1974, le danois F. Quaade réalisa chez trois patients obèses une
électrostimulation de l’hypothalamus latéral déclenchant des sensations de
faim [425]. Une thermocoagulation unilatérale de cette région sera effectuée
dans la foulée. En tout cinq patients, pesant entre 118 et 180 kg, seront opérés
d’hypothalamotomie latérale. L’endocrinologue de Copenhague rapportera
une diminution, transitoire, de l’appétit et du poids parmi cette petite
cohorte de patients [426]. Compte tenu de ces résultats jugés décevants et
des risques élevés de complications neurologiques, ce geste sera rapidement
abandonné.
L’hypothalamus ventromédian
Les noyaux ventromédians sont responsables de la sensation de satiété.
Leur lésion provoque une exacerbation de l’appétit et donc l’obésité [431].
Inversement, la stimulation électrique à basse fréquence de ce noyau provoque,
chez le rat, un amaigrissement [432]. Récemment, les travaux de N. Torres,
S. Chabardes et A. Benabid, à Grenoble, ont montré que la stimulation, d’une
trentaine de minutes, à haute fréquence (130 Hz) des noyaux ventromédians
provoquait une augmentation de la prise alimentaire chez le rat, tandis que
la basse fréquence (30 Hz) la diminuait [418]. Des résultats proches, avec
une diminution de la masse graisseuse, ont été obtenus chez des macaques
par stimulation intraventriculaire de cette région [433]. À raison de quatre
heures par jour, la stimulation à haute fréquence conduit, paradoxalement,
à une diminution de poids. Des travaux proches, conduits cette fois chez des
cochons par l’équipe californienne de De Salles, ont montré une diminution
du poids de ces animaux après une stimulation chronique à basse fréquence
(50 Hz) [434]. Selon ces chercheurs, la diminution de poids ne serait pas liée
à une diminution des prises alimentaires mais plutôt à une modification du
métabolisme. Pour l’heure, cette région n’a été ciblée qu’à deux reprises chez
l’être humain. La première intervention a été menée en 2008 par l’équipe
canadienne de C. Hamani et d’A. Lozano chez un patient de 190 kg (IMC
= 55 kg/m2) [435]. Une diminution, discrète, de 6 % du poids sur cinq mois a
été enregistrée lors d’une stimulation à basse fréquence (50 Hz, 3-4 V) sans qu’il
y ait un changement des habitudes alimentaires ni de l’exercice. La stimulation
à fréquence élevée (130 Hz) pendant six mois n’a pas permis de réduction
pondérale. À l’arrêt de la stimulation, le patient a retrouvé son poids de base,
ce qui suggère la réversibilité de l’effet de cette stimulation. Cette intervention
a marqué les esprits, non pas en raison de cette perte pondérale modeste mais
du fait de la survenue, chez ce patient de 50 ans, d’une nette amélioration
des performances mnésiques lors de la stimulation à haute fréquence. Les
électrodes se trouvaient, finalement, davantage au contact des fornix que des
noyaux ventromédians. On sait que les fornix sont impliqués dans le circuit
de la mémoire ou circuit de Papez en connectant, de manière réciproque,
les hippocampes aux corps mamillaires. Cette découverte a débouché sur
l’élaboration d’un programme de recherche dans le traitement de la maladie
d’Alzheimer. La stimulation des fornix chez les malades souffrant de cette
maladie neurodégénérative serait susceptible d’enrayer le déclin mnésique
264 Psychochirurgie
Le noyau accumbens114
En 2010, une équipe d’Amsterdam, traitant certains TOC sévères par SCP
du noyau accumbens, a implanté des électrodes à une patiente qui, outre ses
symptômes obsessionnels, présentait une obésité (IMC = 37) et un tabagisme
chronique. La stimulation de ce noyau (185 Hz, 3,5 V) a permis un passage du
score de Y-BOCS de 38 à 2 après cinq mois, une perte de 44 kg (IMC = 25)
et un sevrage tabagique [361]. Ce résultat souligne l’importance du noyau
accumbens dans les comportements compulsifs, boulimiques et addictifs, ce
qui plaide également en faveur de liens étroits entre les circuits CSTC impliqués
dans les TOC, et ceux de la récompense en jeu dans les addictions. De nombreux
éléments cliniques et biologiques laissent à penser que l’obésité serait liée à
une dérégulation du système dopaminergique de la récompense [440-442].
Au plan anatomique, d’ailleurs, des connexions réciproques existent entre
l’hypothalamus latéral, « centre de la faim », et le noyau accumbens, « centre du
plaisir » [443, 444]. Les anomalies de ce système altéreraient le fonctionnement
du cortex cingulaire antérieur et préfrontal, lui-même à l’origine du contrôle
inhibiteur permettant de résister aux comportements compulsifs [339, 352, 394,
440]. Les études en imagerie fonctionnelle ont d’ailleurs montré une corrélation
inversement proportionnelle entre l’activité de ces régions et l’IMC [445]. Pour
l’heure, la stimulation du noyau accumbens n’a pas encore fait l’objet de projets
de recherche dans le cadre du traitement de l’obésité [440].
Conclusion
Qu’il s’agisse de l’expérimentation animale, des anciennes interventions
d’hypothalamotomie ou, aujourd’hui, de la SCP, les preuves s’accumulent
pour envisager un possible traitement de l’obésité morbide et rebelle par la
neuromodulation. Des protocoles de recherches cliniques sont en cours afin
d’évaluer l’efficacité et l’innocuité d’un tel traitement [430]. Ces résultats,
ainsi que l’incidence et la gravité des complications susceptibles de survenir
lors de la neuromodulation, doivent être comparés à ceux de la chirurgie
bariatrique. Pour cette dernière, une intervention réussie se définit par une
perte de poids supérieure à 45 % dans l’année suivant le geste. Le taux de succès
L’anorexie mentale
L’anorexie mentale, d’installation insidieuse habituellement entre 13 et
20 ans, se définit par la triade classique des trois « A » associant : anorexie,
amaigrissement et aménorrhée. Cette pathologie, tout du moins à ses débuts,
se manifeste par une lutte active contre la faim, avec des comportements
de restriction alimentaire qui s’aggravent progressivement, témoignant de
la volonté opiniâtre de la jeune fille de se soustraire à la satisfaction de son
appétit. Il existe également des formes associant boulimie, vomissements ou
prise de purgatifs et, dans ces cas, le patient compense les prises alimentaires
par des vomissements, l’utilisation de laxatifs voire de diurétiques, ou par
une activité physique excessive. L’anorexie réelle — autrement dit la perte de
l’appétit — n’intervient que dans un deuxième temps, comme une conséquence
physiologique de ce jeûne prolongé [447]. L’amaigrissement est défini par un
IMC115 inférieur à 18,5 kg/m2. L’hospitalisation intervient généralement lorsque
cet indice tombe sous la barre des 14 kg/m2, le pronostic vital étant engagé en
dessous de 13. L’aménorrhée est un signe invariable d’apparition précoce et de
résolution tardive. Associé à cette triade, un déni de la maladie et de la maigreur
accompagne un intérêt exagéré pour tout ce qui concerne la nourriture chez
une jeune patiente qui surinvestit volontiers les activités intellectuelles. Les
comorbidités psychiatriques ne sont pas rares, qu’il s’agisse de la dépression,
de troubles anxieux ou obsessionnels compulsifs [448]. Au plan biologique, on
observe un dérèglement de l’axe hypothalamo-hypophysaire, dont l’aménorrhée
témoigne cliniquement, qui se manifeste par une diminution des hormones à
visées thyroïdienne et ovarienne (fig. 35, p. 77).
Les critères du DSM-IV pour porter un diagnostic d’anorexie mentale sont les
suivants :
a) refus de maintenir le poids au-dessus de la normale minimale (IMC
< 18,5 kg/m2) ;
b) peur intense de prendre du poids malgré une insuffisance pondérale ;
c) altération de la perception du poids ou de la forme de son propre corps ;
d) influence excessive du poids sur l’estime de soi ou déni de la maigreur
actuelle ;
une cachexie sévère et souvent la mort (Routtenberg A (1968) « Self-starvation » of rats living
in activity wheels : adaptation effects. J Comp Physiol Psychol 66 :234-8).
118. Voir p. 91.
119. Parmi eux, huit de ces patients anorexiques avaient déjà été opérés, au moins six mois
268 Psychochirurgie
des noyaux accumbens. Ces auteurs chinois ont calculé que l’IMC moyen
avait progressé de 13,8 kg/m2 à 20,9 kg/m2. À l’exception de quatre, toutes les
patientes ont retrouvé des cycles menstruels, il semble également que la majorité
des symptômes dépressifs, obsessionnels ou d’angoisses aient disparu [467].
D’autres pistes sont actuellement envisagées, comme le cortex subgénual ou
bien l'hypothalamus. On l’a vu, les comportements alimentaires sont placés
sous le contrôle de deux structures antagonistes : l’hypothalamus latéral et
l’hypothalamus ventromédian. Une lésion de ce dernier entraîne l’hyperphagie
puis l’obésité, tandis que la stimulation électrique à basses fréquences diminue
la quantité de nourriture ingérée. L’équipe grenobloise d’A. Benabid estime
qu’en utilisant des paramètres de stimulation opposés il serait envisageable
de traiter des formes sévères d’anorexie mentale mais, pour l’heure, aucune
étude n’a encore débuté [468]. Au-delà des interrogations concernant la cible
anatomique optimale, l’une des principales problématiques de la maladie reste
probablement la difficulté d’obtenir un consentement éclairé chez des patients
dont le déni est un mécanisme de défense souvent à l’œuvre : négation de la
maigreur, contestation de la gravité de leur état de santé, récusation des troubles
du comportement alimentaire ou de toute souffrance psychique.
En résumé :
L’état de stress post-traumatique, qui fait suite à un événement particulièrement
traumatisant, est un trouble psychique dont les conséquences peuvent être
désastreuses. L’amygdale, mais aussi d’autres structures du système limbique,
présentent des anomalies chez les patients victimes d’un tel syndrome. Des
travaux prenant pour cible l’amygdale sont actuellement en cours dans le
traitement de cette pathologie.
auparavant, pour la mise en place d’électrodes de stimulation des noyaux accumbens d’où un
total supérieur à soixante.
120. 55 % des femmes victimes d’un viol présentent un ESPT contre 7,5 % des individus
impliqués dans un accident de la voie publique ou 14 % des personnes dont un proche est
décédé accidentellement.
Chapitre IV – Les maladies concernées, aujourd’hui, par la psychochirurgie 269
le sujet doit avoir été témoin d’un événement dans lequel des individus ont
été gravement blessés ou sont morts, ou bien que son intégrité physique ait
été menacée. Le manuel diagnostique ajoute que « la réaction de la personne
à cet événement doit comprendre une peur intense, un sentiment de désespoir
ou d’horreur » [155]. Par la suite le patient revivra de manière persistante
l’événement traumatique par des souvenirs répétitifs, souvent de véritables
« flash-backs » envahissants ou des cauchemars, et évitera tout ce qui peut être
associé au traumatisme. Outre un émoussement affectif, le patient présente des
symptômes neurovégétatifs (fébrilité, trouble du sommeil, colère, irascibilité ou
problème de concentration) et une souffrance altérant ses activités sociales et
professionnelles. Qu’il s’agisse de la reviviscence de l’événement traumatique,
de l’émoussement affectif ou de l’activité neurovégétative, l’ensemble des
symptômes doit durer plus d’un mois pour que ce diagnostic soit retenu.
Cette blessure psychique peut se compliquer, dans 60 à 75 % des cas, d’abus
de substance, de dépression voire de suicide [469, 470]. Une pathologie qui
demeure sous-estimée car, comme le souligne la psychologue V. Dosseto, « le
vécu de honte, de culpabilité et d’inhibition que présentent ces patients explique
leur réticence à consulter ». Habituellement, le traitement de ce syndrome fait
appel à la psychothérapie, notamment aux TCC, aux antidépresseurs [469], à
l’EMDR121 [471, 472] et parfois à la rTMS [473, 474]. Il a été observé chez ces
patients des taux plus élevés de noradrénaline122 et d’hormones thyroïdiennes
pouvant expliquer certains des symptômes comme les attaques de panique,
l’insomnie ou l’hypervigilance, tandis que le cortisol sanguin est abaissé [475].
Chez ces patients, de récentes études neuroanatomiques pointent des
altérations fonctionnelles au niveau de l’amygdale, du cortex cingulaire et de
l’hippocampe [476, 477]. L’imagerie fonctionnelle démontre que l’activité
amygdalienne est augmentée chez les patients souffrant d’ESPT [476,
478]. Une étude américaine portant sur d’anciens combattants victimes de
traumatismes crâniens sévères a montré que les soldats présentant des lésions
amygdaliennes ne développaient pas, ou peu, d’ESPT. En revanche, chez les
blessés suivis pour ce type de tableau psychiatrique, l’imagerie fonctionnelle
retrouvait, effectivement, une hyperactivité amygdalienne [479]. Rappelons
que l’amygdale intervient dans le traitement des informations sensorielles
pouvant présenter un contenu émotionnel [480], dans la mémorisation des
souvenirs ayant une forte coloration émotionnelle [317] ainsi que lors de leur
rappel [481]. D’autres études, en revanche, observent une activité du cortex
cingulaire antérieur et orbitofrontal diminuée [482]. Précisons que, chez le
sujet sain, l’activité de l’amygdale est freinée par ce cortex préfrontal médian.
L’hippocampe, quant à lui, apparaît atrophié chez les sujets présentant un
ESPT [483-485] et, par ailleurs, un hippocampe de taille réduite semble être un
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Chapitre V
En résumé :
La psychochirurgie réapparaît timidement, depuis quelques années, poussée
par les succès de la stimulation cérébrale profonde. Cette dernière technique,
réversible, éloigne un peu plus encore les risques de mutilation de la personnalité
et d’atteinte à la dignité de la personne qui ont pu être déplorées au milieu
du siècle dernier. Le retour de cette spécialité, qui s’adresse à une frange très
réduite des pathologies psychiatriques, concerne des patients vulnérables.
À ce titre, les principes d’autonomie, de bienfaisance, de non-malfaisance et
de justice, fondements de la bioéthique moderne, doivent être respectés. Un
respect d’autant plus strict que la psychochirurgie reste, encore, du domaine
de la recherche clinique et que les dangers ne manquent pas : difficulté du
consentement chez certaines populations de malades, conflits d’intérêts de la
société, place du traitement des addictions ou des troubles agressifs, sort des
enfants et des détenus… Afin de ne pas assister aux dérives passées et d’écarter
les nouvelles menaces, les comités d’éthique ont édicté des règles de transparence,
de multidisciplinarité, de surveillance et de bonnes pratiques visant à garantir
le respect des principes fondamentaux de bioéthique. C’est dans le respect de
ces principes que la psychochirurgie retrouvera la confiance des patients, des
médecins et du reste de la société.
opinion plus vigilante et des techniques chirurgicales plus sélectives aux mains
d’un nombre restreint d’équipes contribueront à améliorer l’encadrement de
cette nouvelle spécialité. En dépit de ce cadre plus strict, les inquiétudes resteront
vives. En 1970, le neurochirurgien M. David insiste : « En psychochirurgie,
les questions d’éthique n’ont jamais été loin, c’est à son propos que les questions
morales se sont posées avec le plus d’acuité, entraînant des discussions passionnées
sinon parfois passionnelles » [3]. C’est d’ailleurs à la suite des travaux de la
National Commission for the Protection of Human Subjects of Biomedical and
Behavioral Research qui en 1975 statua sur le devenir de la psychochirurgie [4],
que fut publié le Rapport Belmont, l’un des textes fondateurs de la bioéthique. Ce
document érige le respect de la personne, la bienfaisance et le principe de justice
en tant que principes fondamentaux devant régir la recherche médicale [5].
L’année suivante, dans leur ouvrage Principles of Biomedical Ethics [6], les
Américains T. Beauchamp et J. Childress étendront ces principes aux actes de
soins pour énoncer quatre grands principes qui, aujourd’hui encore, demeurent
les piliers de la bioéthique : le principe d’autonomie, le principe de bienfaisance,
le principe de non-malfaisance et le principe de justice.
L’autonomie
Le principe de l’autonomie, en bioéthique, rappelle que chaque malade est
une personne autonome ou, en d’autres termes, un patient capable de faire
des choix et de prendre des décisions. En psychochirurgie, ce principe vient
se heurter à la difficulté d’obtenir le consentement éclairé d’un patient dont
le discernement, du fait de sa maladie, peut être altéré. Cette question de la
difficulté d’obtenir un consentement éclairé se pose avec d’autant plus d’acuité
qu’il s’agit là de consentir à un traitement dont les conséquences peuvent être
lourdes pour l’individu. Il est vrai dans le cas de la SCP, que la technique est
réversible, ce qui limite certaines des séquelles neuropsychologiques rencontrées
jadis. Néanmoins les complications existent et les effets à long terme demeurent
mal connus [7, 8].
Le manque de discernement
Plusieurs des pathologies visées à l’heure actuelle par la psychochirurgie,
placent le malade dans une réelle incapacité à comprendre et donner son
accord. Ce consentement implique la compréhension des explications relatives
à l’intervention et de ses suites, afin de décider et maintenir cette décision
dans le temps. La difficulté pourra s’avérer d’autant plus importante que, si
la maladie fait l’objet d’un geste chirurgical, c’est précisément en raison de sa
gravité et de ses répercussions sur la vie du sujet. L’obsessionnel majeur pourra
être, J.-J. Kress le rappelle, « paralysé par l’indécision en raison d’interminables
hésitations », tandis que la quête mortifère du patient mélancolique « introduit
une distorsion terrible dans le concept de soin » [9]. Le psychiatre ajoute, citant
Chapitre V – De légitimes questions éthiques 295
Ricœur, que « toute souffrance est perte de pouvoir sur l’existence ». Néanmoins,
chez ces patients souffrant de TOC et qui ont conscience de leur trouble, le
Comité consultatif national d’éthique considère que « la question du consentement
ne diffère pas des autres spécialités médicales, les patients ne souffrant pas d’un
trouble annihilant leur jugement et étant en pleine conscience de la réalité » [1].
Le problème est sensiblement différent chez les patients souffrant de dépression
sévère qui peuvent présenter un certain degré de ralentissement cognitif [10]
ou chez des malades dont les traitements psychotropes sont lourds. Lorsqu’un
doute survient à propos des facultés intellectuelles du patient et de son aptitude
à prendre une décision, le praticien peut s’appuyer sur des échelles évaluant la
capacité du malade à prendre une décision sensée. La MacArthur Competence
Assessment Tool-Treatment (MacCAT-T) reste une référence en ce domaine [11].
Pour fiable que cette échelle puisse être, elle méconnaît cependant certaines des
dimensions intervenant dans le choix du patient, telles que son état affectif ou
sa biographie [7]. L’imaginaire du patient concernant la psychochirurgie peut
également être de nature à influencer son choix. Il est parfois nécessaire, pour
le praticien, de rétablir le juste équilibre entre certaines des représentations
nihilistes véhiculées par des films comme Vol au-dessus d’un nid de coucou ou
Shutter Island et les espoirs démesurés que peuvent susciter les médias au sujet,
notamment, de la SCP [12].
Fig. 85 – Patients présentant des déviances sexuelles opérés en RFA de 1962 à 1979 par
hypothalamotomie. D’après [17].
1. Voir p. 248.
298 Psychochirurgie
La société
Réfléchir sur les possibilités d’intervenir sur des modifications du
comportement amène à se poser la question du potentiel conflit d’intérêts
entre le patient et la société. Dans l’avis du 25 avril 2002 sur la Neurochirurgie
fonctionnelle d’affections psychiatriques sévères, les sages du Comité consultatif
national d’éthique expliquent, qu’au début des années 1950 aux États-Unis :
« Le désir de pallier la surpopulation et la sous-médicalisation de nombreux asiles
et hôpitaux était fort, et la lobotomie était vue comme un moyen de calmer et
même de faire retourner à domicile une partie importante de la population
internée. Les considérations de « rentabilité économique » n’étaient pas étrangères
à cet essor, sans grande attention aux critères de sélection ou de consentement
des patients » [23-25]. Finalement, c’est surtout avec l’avènement de la
psychopharmacologie que les asiles se désemplirent et, comme le souligne le
psychiatre et historien J. Hochmann, ces nouveaux médicaments ont permis « de
faire disparaître ou de contrôler rapidement les manifestations les plus tapageuses
de la folie, d’où un raccourcissement des durées d’hospitalisation ainsi qu’une
multiplication des placements libres et des suivis en cure ambulatoire » [26]. À
l’heure où il est question d’austérité, il convient de rester vigilant sur l’aspect
économique du conflit d’intérêts. À cette considération s’ajoute la prise en
charge de populations susceptibles de troubler l’ordre public. Au premier plan
d’entre elles, les individus violents ou consommateurs de drogues illicites.
Ajoutons certaines orientations ou pratiques sexuelles qui ont pu être, ou
demeurent dans certains pays, jugées comme déviantes par la société.
Sexualité
Il y a encore une cinquantaine d’années l’homosexualité, voire l’onanisme,
ont été considérés dans notre société occidentale comme des conduites
sexuelles déviantes pouvant justifier d’un traitement médical. Ce n’est qu’en
1973 que l’homosexualité cessera d’être répertoriée dans le DSM comme
trouble mental. Jusque-là, l’orientation sexuelle, ou la moralité selon le terme
de l’époque, ira jusqu’à relever d’un traitement par psychochirurgie : « Parmi
les dix patients reconnus comme masturbateurs chroniques ou homosexuels avant
la lobotomie, six d’entre eux semblent maîtriser leurs mauvaises tendances après
l’opération. On ne les a plus surpris en flagrant délit par la suite […] Nous
procurons également du travail à ces patients afin de les tenir constamment
occupés et surveillons leurs contacts avec les autres » observe, en 1953, un
travailleur social de l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu à Montréal [27, 28]. En 1972,
le psychiatre Heath2 de l’université de Tulane à la Nouvelle-Orléans tentera, par
stimulation de l’aire septale, « d’initier un comportement hétérosexuel chez un
homme homosexuel » [29]. Les traces de telles interventions, dans la littérature
scientifique, restent heureusement rares, elles nous rappellent néanmoins que
la barrière entre la normalité et la pathologie fluctue selon les époques et les
2. Voir p. 36.
Chapitre V – De légitimes questions éthiques 299
pays. Le médecin n’est pas seul à décider de ce qui est ou non une pathologie
psychiatrique, la société et la religion ont aussi, et parfois mauvaise, voix au
chapitre.
Addictions
L’usage de stupéfiants, notamment l’héroïne et la cocaïne, constitue un
problème majeur de santé publique concernant, d’après les estimations de
l’OMS, 0,1 à 3 % de la population mondiale selon les pays [30]. À Madras, en
Inde, V. Balasubramaniam [31] a traité par cingulotomie stéréotaxique bilatérale
vingt-huit patients en 1973. Il sera suivi en 1978 par ses confrères T. Kanaka [32]
et B. Ramamurthi [33] avec des critères de recrutement demeurant discutables.
Ce programme sera interrompu à la fin des années 19803. En Russie, de 1998
à 2002, un programme similaire vit le jour à l’Institut du cerveau de Saint-
Pétersbourg, mené par le neurochirurgien S. Medvedev. Trois cent quarante-
huit patients héroïnomanes furent ainsi « traités » par cryo-cingulotomie
stéréotaxique4. Medvedev annoncera « 30 % de patients guéris définitivement
de leurs addictions, tandis que 30 % auront une ou deux rechutes dans les deux
premiers mois avant d’être sevrés totalement ». La poursuite de cette entreprise
sera interdite par suite d’une plainte, pour maux de tête, d’un des patients
auprès des autorités. « Motivées par des raisons économiques, sans modèle
expérimental ni d’étude contrôle, ces interventions ont été réalisées sans l’aval d’un
comité d’éthique. » L’académicien russe B. Lichterman, dont les propos sont
rapportés dans Lancet, poursuit, « autant que je sache aucun des résultats n’a été
contrôlé par un comité de pairs » [34]. Medvedev rétorquera que ses « travaux »
avaient reçu l’aval du Conseil chargé des addictions du ministère russe de la
Santé. En 2003, des médecins de l’hôpital militaire chinois de Xi’an, menés
par G. Gao, publieront les résultats d’une intervention par thermocoagulation
stéréotaxique bilatérale, cette fois-ci du noyau accumbens. Les résultats
cliniques chez les vingt-huit héroïnomanes « traités » étaient proches de ceux
de Medvedev [35]. Il n’est pas fait mention, non plus, de comité d’éthique
et les auteurs ne s’attardent pas sur les conditions de sélection des patients,
on y apprend seulement qu’ils étaient « libres et sans contre-indications ».
On ignore également, dans ces études russe ou chinoise, si des évaluations
neuropsychologiques ont été réalisées suite à ces gestes, pour lesquels on ne
Hétéroagressivité
Les comportements d’hétéroagressivité, tout comme ceux d’addictions aux
stupéfiants, peuvent être pourvoyeurs de délits voire de crimes. La société, dans
ces cas, peut se retrouver en situation de conflit d’intérêts. Nous avons abordé
cette problématique sous l’angle de la liberté de consentement lorsqu’a été évoqué
le sort des délinquants sexuels incarcérés et traités par hypothalamotomie. En
2007, l’Américain K. Fountas considérait que le traitement par psychochirurgie
lésionnelle des comportements agressifs avait disparu en raison des progrès de la
psychopharmacologie et surtout de l’opprobre qu’elle avait suscitée [41]. Trois
récentes publications viennent, néanmoins, nuancer ce constat optimiste. Les
deux premières émanent d’équipes mexicaines qui ont réalisé des interventions
de cingulotomie, de capsulotomie et de leucotomie limbique chez des individus
présentant des comportements agressifs [42, 43]. Chez neuf d’entre eux, ces
gestes ont été réalisés par radiochirurgie gamma-knife dans des conditions de
consentement qui ne sont pas abordées dans cette publication de 2011. Trois
des patients avaient déjà été « traités » par leucotomie frontale bilatérale ou
cingulotomie. L’histoire clinique du plus jeune des opérés, âgé de 16 ans, donne
à réfléchir : « Le sixième patient, adolescent, est le fils d’un collègue neurochirurgien
qui présentait des symptômes d’auto- et d’hétéroagressivité, un comportement
5. Les malades implantés, et les psychiatres qui les suivent, ignorent si la stimulation
fonctionne ou pas.
Chapitre V – De légitimes questions éthiques 301
destructeur associé à un retard mental. Dans un premier temps, ce patient a subi une
capsulotomie bilatérale sous anesthésie générale. Le protocole prévoyait que ce geste
soit combiné, ultérieurement, à une leucotomie limbique bilatérale ainsi qu’une
hypothalamotomie, ceci afin de contrôler les accès d’autoagression. L’impulsivité
du patient a diminué de façon significative pendant les deux premiers mois, mais,
avant la fin des six à huit mois, il a développé une radionécrose cérébrale. Une
cingulotomie à ciel ouvert a été réalisée dans un autre hôpital. Son état clinique est
actuellement inconnu » [43]. Dans ce récit tragique, on s’interroge, bien entendu,
sur les conditions du consentement obtenu chez ce jeune patient souffrant d’un
retard mental. Outre qu’il s’agit d’un mineur, on est en droit de se questionner
sur le fait qu’il s’agit du fils d’un collègue, sans compter la perplexité que suscite
cet acharnement chirurgical. Ce cas, heureusement exceptionnel, mais récent,
souligne la nécessité d’un encadrement strict. La seconde publication concerne
douze individus, neuf souffrant de retard mental et trois de schizophrénies,
« traités » par capsulotomie et cingulotomie bilatérale. La moyenne d’âge est
de 28 ans, deux patients étant mineurs. Les auteurs rapportent, trois mois
après la chirurgie, une diminution de 60 % de la fréquence des agressions
verbales et physiques. Chez 42 % des patients, des complications transitoires
ont été observées : hyperphagie (4 patients), somnolence (3), désinhibition
(2), hypersexualité (2), infection (1), paraparésie (1). Une majorité de patients
étaient perdus de vue six mois après leur intervention (43). Si les auteurs
évoquent l’existence d’« un comité d’éthique ayant revu strictement chaque cas
selon la déclaration d’Helsinki » et que cette étude, financée par l’Hôpital Général
de Mexico, a été conduite « conformément aux règles de bonnes pratiques cliniques
contrôlées par le comité de recherche de l’Hôpital général », la question peut tout
de même être posée de savoir si les troubles du comportement présentés par ces
patients constituaient plus un problème pour leur famille et la société que pour
eux. En outre, le fait qu’ils souffraient tous d’une altération du discernement,
en raison d’un retard mental ou d’un trouble dissociatif, fait s’interroger sur
la validité de leur consentement libre et éclairé à cette recherche clinique. À ce
stade, il devient utile de rappeler un extrait du code de Nuremberg, promulgué
en 1947 suite au procès de médecins nazis, que B. Baertschi reprend dans un
excellent ouvrage consacré à la neuroéthique : « Le consentement volontaire du
sujet humain est absolument essentiel. Cela veut dire que la personne intéressée
doit jouir de la capacité légale pour consentir ; qu’elle doit être dans une situation
telle qu’elle puisse choisir librement, sans intervention de quelques éléments de
forces, de fraude, de contrainte ou de coercition. […] L’expérience doit avoir des
résultats pratiques pour le bien de la société impossibles à obtenir par d’autres
moyens de recherche ; elle ne doit pas être pratiquée au hasard et sans nécessité. […]
L’expérience doit être pratiquée de façon à éviter toute souffrance et tout dommage
physique ou mental, non nécessaire » [44]. En 2004, les Italiens A. Franzini et
G. Broggi ont rapporté le cas de deux patients, souffrant d’un comportement
violent et impulsif non contrôlé par les médicaments, opérés pour mise en
place d’électrodes de stimulation profonde au niveau de la partie postérieure de
l’hypothalamus [45]. Ces deux patients, d’une trentaine d’années, souffraient
302 Psychochirurgie
d’un retard mental lié à une anoxie cérébrale anténatale et à une toxoplasmose
congénitale. L’équipe milanaise précise que l’un des patients présentait des
complications hépatiques sévères suite à son traitement médicamenteux, tandis
que le second devait être maintenu en isolement en raison d’un comportement
clastique. Après un an de suivi, les auteurs observent une nette amélioration
clinique chez le premier patient qui, dorénavant, n’est plus interné, alors que le
second, qui ne présente plus de comportement agressif, a pu rejoindre un centre
de thérapie occupationnelle. Chez ces deux patients, suivis à long terme, on est
davantage enclin à partager les conclusions des auteurs : « Le caractère réversible
de ce geste et l’absence d’effet indésirable lors de la stimulation chronique et
bilatérale de la partie postérieure de l’hypothalamus suggèrent que cette technique
est éthiquement acceptable. La stimulation cérébrale profonde chez ces deux
malades, auparavant en échec thérapeutique, permet une amélioration de leur
qualité de vie ». En 2008, l’équipe allemande de J. Kuhn et de V. Sturm a rapporté
un nouveau cas encourageant [46], de même que V. Hernando et R. Sola à
Madrid, avec, dans ce dernier cas, une stimulation à basse fréquence [47].
excessif menace toujours. Emportés par leur conviction intime de bien faire, les
chercheurs en arrivent fréquemment à confondre leurs hypothèses avec la réalité, à
négliger les informations qui contredisent leurs espoirs » [50].
Au plan financier, les gains à espérer, pour les médecins, de ces nouvelles
techniques sont faibles : le suivi et la sélection des patients exigent une équipe
nombreuse, tandis que ces interventions réclament un important plateau
technique. En France, par exemple, où la SCP fait partie des traitements de la
maladie de Parkinson, cette intervention est presque exclusivement réalisée dans
les hôpitaux publics, le geste n’étant peu ou pas rentable dans une structure
privée. Si ces interventions ne peuvent constituer une manne pour les praticiens,
il en va autrement de l’industrie pharmaceutique.
7. DBS : abréviation de Deep Brain Stimulation pour stimulation cérébrale profonde (SCP)
8. Voir p. 146, Technique et réglage de la SCP.
Chapitre V – De légitimes questions éthiques 307
La bienfaisance
« C’est sous le seul signe de l’efficacité que nous devons envisager les problèmes
moraux de la psychochirurgie : ils ne peuvent être jugés que sur des faits, des
résultats, avec de longues séries statistiques à travers le recul des années. La vraie
question se pose toujours comme autrefois : doit-on refuser à un malade atteint de
troubles mentaux graves, chez lesquels tous les traitements classiques ont échoué, la
chance d’échapper à une condition misérable ou à l’internement à vie grâce à une
intervention chirurgicale ? »
David M, Guilly P (1970) La neurochirurgie. « Que sais-je ? », Paris : PUF.
La non-malfaisance
La non-malfaisance nous ramène à la maxime Primum non noncere9,
avant tout ne pas nuire, d’Hippocrate. Cette citation, couplée à la notion de
bienfaisance développée dans le paragraphe qui précède, rappelle le nécessaire
équilibre entre risque et bénéfice. Le risque comprend les complications du geste,
du matériel implanté et des effets indésirables de la stimulation. Concernant
le geste chirurgical, le risque de survenue d’un hématome intracérébral, qu’il
provoque ou non des symptômes neurologiques, avoisine les 4 %, tandis que
la probabilité d’apparition d’une ou plusieurs crise(s) d’épilepsie s’élève à
1,5 %. Un syndrome confusionnel transitoire se rencontre dans 15 % des suites
opératoires [74]. S’agissant du matériel implanté, l’incidence d’infection et les
dysfonctions sont de l’ordre, pour chacun, de 3 %. Ces résultats, s’appuyant
sur une méta-analyse de près de mille patients atteints de la maladie de
Parkinson et implantés au niveau sous-thalamique, peuvent être extrapolés au
traitement par SCP dans les pathologies psychiatriques. Concernant les effets
indésirables de cette stimulation, la situation s’avère plus complexe. Chez les
malades traités par stimulation sous-thalamique en raison de la maladie de
Parkinson, les effets neuropsychologiques de cette thérapeutique peuvent être
étendus. La littérature médicale fait état aussi bien de troubles impulsifs [75],
agressifs [76], d’hypersexualité ou de manie [62, 66, 77-79], d’apathie ou de
dépression [80-85], voire de suicide [78, 83-89]. De rares malades décrivent
également des sensations d’étrangeté [90], de perte de sens, voire d’une
altération de leur identité [91], des modifications comportementales qui
peuvent avoir des conséquences familiales ou professionnelles. Dans un bilan,
à long terme, M. Schüpbach de l’équipe parisienne de Y. Agid, considère que
plus des deux tiers des patients rencontrent des difficultés conjugales après
l’opération, contre la moitié avant, avec plus de 10 % de divorce dans les deux
ans suivant l’intervention [90, 92]. Selon les auteurs, ce rejet du conjoint peut
s’expliquer autant par l’autonomie recouvrée, qui modifie l’économie du
couple, que par la difficulté du patient à abandonner son statut de malade, voire
la déception du conjoint de ne pas reprendre la « vie normale » qu’il ou elle
espérait avant l’intervention. L’équipe de la Salpêtrière a également observé des
modifications de l’activité professionnelle, qui se dégrade davantage qu’elle ne
s’améliore. Bref, si par cette thérapie l’amélioration motrice est indéniable, le
tableau neuropsychologique, lui, est plus nuancé. Les titres des publications de
certaines grandes équipes traduisent d’ailleurs ce constat mitigé : « Le médecin
est content, le patient un peu moins ? » [93] ou encore « Un esprit en détresse dans
un corps réparé » [90]. La citation d’un patient illustre cela : « Avant je voulais
mais je ne pouvais pas, aujourd’hui, je peux mais je ne veux pas ». Pourtant, ces
effets neuropsychologiques de la stimulation sous-thalamique font suite à la
9. Traité des Épidémies (I, 5) d’Hippocrate, daté de 410 av. J.-C. qui définit ainsi l’objectif de
la médecine : ajskevein, peri; ta; nouohvmata, duvo, wjfelevein, h] mh; blavptein (Avoir, dans les
maladies, deux choses en vue : être utile ou du moins ne pas nuire).
310 Psychochirurgie
stimulation d’une cible anatomique ayant a priori une fonction motrice : les
neurochirurgiens cherchant, en théorie, à cibler le compartiment moteur de cette
structure. Quel sera cet éventail d’effets neuropsychologiques et leurs incidences
lorsque l’on ciblera, à plus grande échelle, des structures anatomiques ayant
une implication émotionnelle beaucoup plus marquée : noyau accumbens,
striatum ventral, partie limbique du noyau sous-thalamique ? Il est encore
tôt pour le savoir, car, comme dans la maladie de Parkinson, un nombre
important de patients et un recul suffisant sont nécessaires. Ces probabilités
d’effets indésirables couplées à ces multiples interrogations doivent être mises
en balance avec les bénéfices du traitement. On revient au caractère probabiliste
de la médecine, cet art stochastique, se plaisaient à dire les Anciens. Cette notion
du rapport bénéfice-risque en introduit un autre, celui du bénéfice-coût.
La justice
La SCP compte parmi les traitements les plus coûteux. Cette intervention,
on l’a vu, avoisine les 40 000 euros, auxquels s’ajoute, tous les cinq ans le
changement du neurostimulateur [52]. S’il est vrai que tout ou partie de ces
coûts peut être compensé par les gains liés à une possible reprise du travail, aux
économies inhérentes à la diminution de la consommation médicamenteuse,
voire à la sortie de l’hôpital, il n’en reste pas moins que cet investissement s’avère
lourd pour la société. La gravité de l’état clinique des patients concernés par
ces interventions ne laisse pourtant aucun doute sur le fait que leurs situations
relèvent de la solidarité nationale. La raréfaction des ressources exigera,
assurément, dans un futur proche, des études médicoéconomiques visant à
évaluer le rapport bénéfice-coût. Contrairement à la maladie de Parkinson, qui
concerne des sujets plus âgés, on peut légitimement espérer dans les TOC ou la
dépression, touchant des patients plus jeunes, que les succès thérapeutiques se
traduisent par des reprises d’activité professionnelle et donc, en définitive, un
coût moindre pour la société [94].
Quels « garde-fous » ?
De nombreux auteurs se sont penchés sur les règlements et les structures à
mettre en place afin que les équipes de recherche clinique en psychochirurgie
respectent au mieux les principes d’autonomie, de bienfaisance, de non-malfaisance
et de justice [1, 21, 57, 94-96]. Ces recommandations sont résumées dans le
tableau XVIII. Les avis sont unanimes pour reconnaître que tout programme
de recherche doit être validé par un comité d’éthique. Cet avis sous-entend que
la psychochirurgie, à l’heure actuelle, relève exclusivement du domaine de la
recherche et ne peut, en aucun cas, être considéré comme un traitement standard.
La transparence du programme de recherche quant à ses financements et ses
liens avec l’industrie des dispositifs implantables est impérative pour évaluer
Chapitre V – De légitimes questions éthiques 311
les conflits d’intérêts potentiels et s’en prémunir. L’inclusion des patients doit
s’effectuer selon des critères stricts de sévérité de la maladie psychiatrique, de ses
répercutions invalidantes sur la vie du sujet et de sa résistance à des traitements
psychothérapeutiques et pharmacologiques optimaux bien conduits. Les enfants,
les détenus et toute autre population de sujets vulnérables ne peuvent être
concernés par cette recherche clinique. Certaines pathologies psychiatriques,
comme les troubles du comportement de type hétéroagressif, ont tendance à être
écartées par les recommandations en raison des risques de dérapage qui pourraient
en découler. Chez ces patients se pose le problème de la liberté du consentement
compte tenu de la pression que la société peut exercer à leur égard. La sélection
des patients, la prise en charge chirurgicale et le suivi doivent être impérativement
réalisés par une équipe multidisciplinaire comprenant des psychiatres, experts de
la pathologie concernée, ainsi que des neurochirurgiens rompus aux techniques
de stéréotaxie. L’emphase est mise sur les nouvelles techniques de SCP dont les
effets sont réversibles et qui, à ce titre, doivent être privilégiées par rapport aux
anciennes techniques lésionnelles. Néanmoins, on ne doit pas perdre de vue que
ces techniques de stimulations, qu’elles soient corticales ou profondes, peuvent
être à l’origine de complications irrémédiables sans compter, qu’à long terme, les
conséquences du courant électrique sur le tissu nerveux demeurent mal connues.
Dès le début des années 1980, avant même l’acte de naissance officiel de la SCP [97],
les neurochirurgiens français G. Lazorthes et R. Sedan et le suisse J. Siegfried
s’interrogeaient déjà sur les conséquences à long terme de cette technique et les
questions éthiques qu’elle soulevait [8]. Pour cette raison, et parmi d’autres, le
suivi de ces patients opérés ne peut se concevoir que de façon durable avec des
évaluations neuropsychologiques régulières. La méthodologie de ces travaux
prospectifs doit être rigoureuse, et menée chaque fois que possible sous la forme
d’étude randomisée en double aveugle. À ce titre, nous l’avons vu, la décision de
la FDA, en février 2009, d’autoriser à titre compassionnel (« humanitarian device
exemption »), le traitement par SCP de patients souffrant de TOC est à double
tranchant. Elle permet certes à des malades, en s’affranchissant de la longue
période d’évaluation clinique préalable à la délivrance d’une autorisation de mise
sur le marché, de bénéficier plus rapidement des avancées technologiques. Du
coup, cette exemption permet de faire l’économie du lent processus de maturation
aboutissant à l’autorisation d’un dispositif implantable. La preuve indéniable
de l’efficacité doit avoir été apportée au terme d’études à la méthodologie
irréprochable. De grands noms de la spécialité se sont d’ailleurs élevés contre
cette décision de l’administration américaine [98]. Concernant les résultats
cliniques, la majorité des auteurs s’accordent sur la nécessité de mettre en place
un registre international, pour chaque cible anatomique et chaque pathologie,
visant à recueillir de façon exhaustive tous les résultats, mais également tous
les effets indésirables détectés lors du suivi. Ce dispositif vise à éviter le biais de
publications scientifiques qui ne rendraient compte que des « bonnes séries ».
Dans un souci de justice sociale, ces protocoles de recherche doivent être ouverts
à tout adulte quelle que soit son origine, et être pris totalement en charge, qu’il
s’agisse de l’intervention, du suivi et des complications qui pourraient en résulter.
312 Psychochirurgie
Tous les auteurs déclarent que ces nouvelles techniques de stimulation cérébrale
ne peuvent être utilisées à des fins politiques, sociales ou bien pour augmenter les
capacités d’un individu normal.
Si, dans les années 1950, la réflexion éthique et un encadrement strict ont
cruellement fait défaut au démarrage de la psychochirurgie, la situation, depuis
lors, a bien changé. La hantise de reproduire les erreurs du passé a appelé les
différents acteurs du renouveau de cette spécialité, et cela dès les premiers gestes
de SCP, à dresser les « garde-fous » visant à prévenir de nouveaux dérapages.
Cette réflexion sur la pratique de la SCP, dans ces indications tant neurologiques
que psychiatriques, a d’ailleurs été aiguillonnée par la psychochirurgie. Car,
comme le souligne M. Hariz [97], il a fallu attendre 1999 et l’avènement des
deux premières interventions de SCP dans le cadre de maladies mentales [99,
100] pour que, très rapidement, une réflexion [57, 101, 102] s’amorce autour
des questions éthiques soulevées par cette intervention, alors que cette technique
chirurgicale était en cours depuis 1987 [103] dans le traitement de la maladie de
Parkinson ou de la dystonie.
Principes Recommandations
Programme de recherche approuvé par un comité d’éthique
indépendant [1, 21, 57, 94-96].
Obtenir le consentement éclairé du patient [1, 21, 57, 94, 95, 104],
notamment sur la nécessité d’un suivi à long terme et de soins
postopératoires [13, 96].
Transparence : l’équipe doit divulguer les conflits d’intérêts potentiels
aux organismes de tutelles, aux comités d’éthique et aux patients lors du
processus de consentement éclairé [1, 57, 94, 95, 104].
Autonomie
Ces gestes doivent être réservés aux adultes, à l’exclusion des détenus
et de toute personne incapable de donner un consentement libre et
éclairé [1, 21, 96].
Une équipe multidisciplinaire évaluant le discernement du patient [21,
94, 104].
Le patient peut à tout moment se rétracter [57, 95].
Un psychiatre extérieur à l’équipe devra confirmer l’indication en
l’absence de comité de sélection.
Critères d’exclusion et d’inclusion stricts de sévérité de la maladie,
d’échec des traitements et répercussions sur la vie du sujet [1, 21, 57,
94-96, 104]
Objectif exclusif de guérir le patient ou de le soulager de ses souffrances
à l’exclusion de tout autre (judiciaire, politique ou d’amélioration des
Bienfaisance facultés en l’absence de pathologies) [21, 57, 94, 95, 105].
Évaluation multidisciplinaire du patient avant son inclusion [57, 94, 104]
Évaluation des résultats par une équipe différente de celle chargée de
conduire le programme de recherche [21].
Échelles, évaluations et nomenclature standardisées entre les équipes afin
de faciliter la comparaison des résultats [104].
Chapitre V – De légitimes questions éthiques 313
Principes Recommandations
Nécessité d’un suivi à long terme [21, 104, 105].
Évaluation neuropsychologique postopératoire systématique [21, 94] et
évaluation de la qualité de vie [104].
Constitution d’un registre international pour colliger les résultats mais
surtout les complications et échecs, dans le but d’éviter le biais de
publications limitées aux bons résultats [21, 94, 96].
Non-
La psychochirurgie par stimulation doit être préférée à celle lésionnelle,
malfaisance
au caractère irréversible [1, 94, 96].
Recherche longitudinale reprenant les complications
neuropsychologiques de la stimulation cérébrale profonde dans le
traitement des mouvements anormaux [96].
La radiochirurgie peut être envisagée mais en comparaison des résultats
de la stimulation cérébrale profonde [1].
Les patients n’ont pas à assumer les responsabilités financières des
traitements ou des complications [94, 96].
L’objectif ne doit pas être économique ni destiné à réduire les coûts de
Justice santé [1, 94].
Il faudrait, dans la mesure du possible, comparer les résultats des
techniques de lésion et de stimulation, sachant que ces dernières ne sont
pas accessibles dans les pays en voie de développement [96].
Intervention, suivi et réglage des paramètres de stimulation ne pouvant
s’effectuer que dans des centres de recherche clinique approuvés [21, 57,
94, 95].
L’équipe de recherche doit comprendre au moins : une équipe de
neurochirurgiens ayant une expérience de la stimulation profonde, une
équipe de psychiatres experte dans la pathologie concernée, ces deux
équipes devant avoir préalablement travaillé sur ce sujet. Ils doivent, dans
le cas contraire, s’entourer des conseils d’un centre de référence [57, 95,
96, 105].
Divers
La psychochirurgie reste du domaine de la recherche clinique [94, 96].
Dans la mesure du possible, les études doivent être prospectives, en
double aveugle, randomisées et, pour la radiochirugie, comparées à une
procédure fantôme [96].
Une information claire sur les résultats et les limites de ces techniques
auprès des médias peut s’avérer nécessaire afin de ne pas faire naître
d’espoir démesuré [94].
Selon des résultats d’études, de nouvelles recommandations éthiques
pourront être à formuler [96].
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Chapitre VI
Et demain ?
En résumé :
La stimulation cérébrale profonde, grâce à son action réversible, devrait
permettre l’exploration d’un nombre croissant de cibles anatomiques et, de
ce fait, accroître le nombre de pathologies psychiatriques susceptibles de
bénéficier d’un traitement par psychochirurgie. Il est probable que les progrès
des nanotechnologies, de la biologie, de l’informatique et des sciences cognitives,
la fameuse « convergence NBIC », aboutissent à un véritable changement de
paradigme dans la prise en charge de certaines formes de maladies mentales
aujourd’hui en impasse thérapeutique. On ne peut exclure, à terme, que cette
convergence n’ait plus seulement pour objectif un « homme réparé » mais qu’elle
tende aussi vers un « homme augmenté ».
Des questions
Lésions ou stimulations ?
Le retour de la psychochirurgie doit beaucoup à l’avènement de la SCP. Le
caractère réversible et ajustable de cette technique a permis l’exploration de
cibles anatomiques inédites et, de ce fait, d’élargir les indications à de nouvelles
pathologies psychiatriques. Néanmoins, aujourd’hui certains neurochirurgiens
s’interrogent sur la supériorité ou non de cette stimulation sur les techniques
lésionnelles. Ce débat peut être illustré par le traitement chirurgical des TOC :
récemment, l’équipe londonienne d’Hariz a cherché à comparer l’efficacité
clinique de la capsulotomie à celle de la SCP de la capsule interne ou du noyau
accumbens2 [6]. Une comparaison qui semble tourner en faveur de la lésion.
S’agissant des complications potentielles de l’un ou l’autre de ces gestes, le bilan
s’avère, lui aussi, mitigé. La stimulation offre l’avantage de réduire le risque
de complications neuropsychologiques : si un trouble survient, l’ajustement
des paramètres de stimulation offre toutes les chances de le faire régresser. En
revanche, comparé à la radiochirurgie3, le geste de SCP expose aux risques
d’infections et d’hémorragie auxquels s’ajoutent la vulnérabilité et le coût de
ce matériel implanté. En termes d’efficacité, de nature des complications et de
coûts, le débat reste donc ouvert entre, d’une part, tenants de la stimulation et,
d’autre part, avocats de la lésion. Une controverse qui ne pourra véritablement
être tranchée que par des études randomisées prospectives confrontant ces
deux outils thérapeutiques. Si les techniques de stimulations évoluent, les
procédures lésionnelles progressent, elles aussi, et font reculer les inconvénients
ou complications de cette chirurgie dite « ablative » (tableau XIX).
2. Voir p. 210.
3. Voir p. 131.
322 Psychochirurgie
Les ultrasons
D’un principe voisin de la radiochirugie gamma-knifeTM, à la différence
qu’il ne s’agit plus d’une énergie délivrée par des faisceaux gamma mais par
des ultrasons, les HIFU à leur point de convergence provoquent la coagulation,
à 57-60 °C, du tissu cible par une augmentation maîtrisée et très focalisée de
la température (fig. 62, p. 134). Cette technique, déjà utilisée pour réaliser des
thalamotomies dans le contrôle des douleurs neuropathiques [7], est également
en cours d’expérimentation dans le traitement des tremblements [8]. Lors
de cette procédure, les mouvements anormaux du patient sont évalués en
temps réel par le neurologue alors que la température est progressivement
augmentée, via les HIFU, dans une région précise du thalamus, le noyau ventral
intermédiaire (Vim). Le praticien est ainsi en mesure de suivre la régression du
trouble en fonction de l’avancée de la lésion. Si les prémices d’une complication
neurologique sont observées par le praticien, le geste, dans ces conditions,
peut être stoppé à temps [9]. Cette technique requiert, au préalable, davantage
d’investigation et de recul avant d’appartenir à l’arsenal thérapeutique mais
ouvre, d’ors et déjà, une piste prometteuse.
Les progrès
4. Voir p. 193.
5. Voir p. 27.
6. Voir p. 208.
Chapitre VI – Et demain ? 323
7. Voir p. 158.
8. Voir p. 265.
9. Voir p. 250.
324 Psychochirurgie
10. En 1975, l’ingénieur Gordon Moore montra que le nombre de microprocesseurs sur
une puce de silicium doublait tous les deux ans et que leurs coûts en étaient divisés par deux.
Cette loi empirique s’est toujours vérifiée avec une densité de transistors qui double toutes
les 1,96 années.
Chapitre VI – Et demain ? 325
L’optogénétique
Il y a quelques années encore, seuls le courant électrique et les
neuromédiateurs étaient capables de modifier l’activité neuronale, mais
aujourd’hui la lumière, par le biais de l’optogénétique, devient capable
d’interagir avec le tissu nerveux (fig. 88). Combinant optique et génétique,
l’optogénétique se définit comme une technique permettant de moduler, au
moyen de faisceaux lumineux, l’activité de cellules génétiquement modifiées.
Un virus convoyeur fait pénétrer, à l’intérieur des neurones du cerveau, des
gènes codant pour des protéines, les opsines, formant des canaux ioniques
photosensibles, c’est-à-dire s’ouvrant ou se fermant selon la présence ou non
de lumière, l’ouverture de ces canaux conditionnant l’activité neuronale.
L’apport de la lumière se fait via une fibre optique implantée sous la
surface du crâne vers la zone que l’on souhaite stimuler. Par cette fibre sont
transmises des lumières de différentes couleurs, chacune fonctionnant avec
un type particulier d’opsines. Ainsi, des neurones porteurs des gènes de la
rhodopsine 2 ou de l’halorhodopsine, pourront être « allumés » ou « éteints »,
c’est-à-dire avoir une activité électrique ou non, selon qu’ils seront éclairés
par une lumière bleue ou jaune [35].
326 Psychochirurgie
chez l’animal comme une sorte d’alternative à la stimulation par les électrodes.
Mais le transfert de ce type de molécules chez l’homme n’est pas impossible, via des
cellules que l’on peut greffer, qui peuvent s’intégrer dans les réseaux de neurones.
Et il y a, à l’heure actuelle, des recherches sur le primate qui ont commencé dans
divers centres, y compris en France. Ce sont des possibilités de stimulation nouvelles
qui nécessiteront sans doute des encadrements » [38]. La question, comme pour
les nanotechnologies, n’est pas tant de savoir si l’optogénétique sera applicable
à l’homme, mais à quel horizon ces outils arriveront à maturité pour être
proposés aux patients. Ce « kaléidoscope d’opportunités » [25], pour reprendre
l’expression de M. Apuzzo dans un éditorial de la revue Neurosurgery en 2008,
qui s’offre à la « chirurgie de l’humeur et de l’esprit » [39, 40], annonce de
profonds bouleversements dans notre approche des maladies mentales et de
probables changements de paradigmes [41].
11. Aux alentours de mille euros aujourd’hui, contre près de deux millions d’euros en 2007,
sachant que le premier séquençage intégral de l’histoire a couté trois milliards de dollars et a
mobilisé des centaines d’équipes durant treize années !
12. Les spécialistes estiment qu’à partir d’une puissance du zettaflops, soit plus d’un millier
de milliards de milliards d’opérations à la seconde, il devient possible de modéliser les
connexions de la centaine de milliards de neurones que contient notre boîte crânienne. C’est
là un des enjeux du projet américain « Connectome ». (In: Axer M, Amunts K, Grassel D, et
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fiber tracts in the brain. Neuroimage 54 :1091-1101; Cammoun L, Gigandet t, Meskaldji D,
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Mapping the human connectome. Neurosurgery 71 :1-5). Les responsables de cet ambitieux
programme de recherche qui étudie le câblage neuronal humain, ce nombre pratiquement
infini de connexions « fruit du croisement de nos gènes et de nos expériences intellectuelles »,
considèrent que la puissance informatique nécessaire devrait être disponible vers 2020-2030.
(Vance A (2010) In Pursuit of a Mind Map, Slice by Slice, New York Times, New York).
328 Psychochirurgie
13. Ce terme, récent, désigne le processus selon lequel un système technologique diffuse à
travers un ensemble social. « Cette diffusion, explique le psychologue et physiologiste B. Claverie,
gagne toutes les parties du système d’information et de vie des humains. Un processus pervasif
est omniprésent et transparent. C’est-à-dire qu’on ne le remarque pas ou plus, on s’habitue à
sa présence, on l’oublie lorsqu’il ne manque pas. Un environnement pervasif est ainsi constitué
d’objets communicants, discrets qui se reconnaissent, se localisent, s’organisent en réseaux ad hoc
Chapitre VI – Et demain ? 329
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14. Baumeister AA (2006) Serendipity and the cerebral localization of pleasure. J Hist
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et ceci sans action particulière de l’utilisateur qui s’en sert comme d’un prolongement naturel de
lui-même. En ce sens, il est une augmentation de l’homme ». Le « smartphone » étant l’exemple
que nous avons tous en poche.
14. Lire à ce sujet « Bienvenue en Transhumanie », de Geneviève Ferone et Jean-Didier Vincent
(Grasset, 290 p.), un ouvrage passionnant sur le « forçage technologique », ses implications
éthiques et politiques.
330 Psychochirurgie
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Postface
Les psychiatres vont être confrontés dans les années qui viennent à des
problématiques inédites, du fait de l’arrivée simultanée de nouvelles techno-
logies : génomique, thérapies géniques, cellules souches Et les neurosciences
sont bousculées par ces technologies de puissance inimaginable il y a seulement
quelques décennies. Mais le sujet le plus explosif - à court terme - sera incontes-
tablement l’hybridation du cerveau avec des composants électroniques.
Après la psychochirurgie de première génération, les progrès de l’électronique
permettent désormais d’agir sur la conscience en utilisant des procédés chirur-
gicaux. L’étape suivante, la fusion de l’électronique cérébrale avec la génétique,
est déjà en phase d’expérimentation animale : l’optogénétique vise à stimuler
des neurones génétiquement modifiés par l’intermédiaire d’une fibre optique
implantée dans le cerveau.
C’est le grand mérite du livre de Marc Lévêque de montrer tous les aspects
de cette discipline, y compris éthiques. La simple évocation de la lobotomie
transorbitaire fait frémir. Pourtant, cette technique a été utilisée sur des milliers
de malades pendant des décennies, dans des conditions d’hygiène effroyables.
La sœur du Président Kennedy elle-même fut lobotomisée – avec un résultat
désastreux sur le plan intellectuel – parce qu’elle était, aux yeux du clan, un peu
« volage ». Il faut espérer que la dignité des malades sera cette fois respectée. La
neuro-éthique, qui avait été oubliée par la psychochirurgie de première généra-
tion, doit être au cœur de nos décisions thérapeutiques.
Cet ouvrage réalise une remarquable synthèse de l’avancée de ces technologies
capitales pour l’avenir de nos sociétés. Il devrait être lu non seulement par nos
confrères, mais également par le grand public et les hommes politiques, tant
les enjeux de le la psychochirurgie dépassent le cadre médical. La neuromodu-
lation – innocent terme utilisé pour qualifier la fusion de la psychiatrie et des
composants électroniques – est l’enjeu numéro un du 21ème siècle. Imagine-
t-on ce que serait devenu notre monde si Hitler, Staline ou Pol Pott avaient
disposé de ces technologies ?
Dr Laurent ALEXANDRE
Président de DNAvision
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Bibliographie 341
3V Troisième ventricule
ATV Aire tegmentale ventrale
BACI Bras antérieur de la capsule interne
BDI Beck depression inventory
BOLD Blood oxygen level dependant
BSA Brief scale for anxiety
CG25 Cortex subgénual (voir aussi CSG)
CGI Clinical global improvement
CIM Classification internationale des maladies
CMT Connexions mamillo-thalamiques
CSG Cortex subgénual voir aussi CG25
CSTC Boucle cortico-striato-thalamo-corticale
DBS Deep brain stimulation
DSM Diagnostic and statistical manual of mental disorders
DTI Imagerie par tenseur de diffusion
ECT Électroconvulsivothérapie
EDM Épisode dépressif majeur
EEG Électroencéphalogramme
FDA Food and Drug Administration
GABA Acide J-aminobutyrique
GAF Global assessment of functioning
GPe Globus pallidus externe
GPi Globus pallidus interne
HAM-D Hamilton rating scale for depression
HDE Humanitarian device exemption
HRSD Hamilton rating scale for depression
HIFU Ultrasons focalisés de haute intensité
HL Hypothalamus Latéral
IMC Indice de masse corporelle
IRMf Imagerie par résonnance magnétique
IRS Antidépresseur inhibiteur de la recapture de la sérotonine
IRSNA Inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
LCR Liquide céphalo-rachidien
MADRS Montgomery-Åsberg depression rating scale
A 14 : 25
Ablation 17 : 70
Noyau accumbens 87 18 : 70
Activité oscillatoire 95 19 : 70
Addiction 87, 98, 117, 123, 203, 250 24 : 25, 59
Aspect clinique 251 25 : 59, 158
Amygdale 64 32 : 25, 59
Cingulotomie 125, 299 44 : 55
Dopamine 252 45 : 55
Éthique 299 46 : 25, 56, 158, 165, 169
Insula 68 47 : 58
Physiopathologie 251 de Broca 55
Stimulation cérébrale profonde fonctionnelle 55
151 septale 36, 70, 77, 78, 233
Tractotomie sous-caudée 128 Stimulation 78, 137
Afférence 10 subgénuale : voir Cortex
Agoraphobie 257 subgénual
Agressivité 64, 74, 122 tegmentale ventrale 61, 86, 89,
Hypothalamus postérieur 74 97, 98, 161, 252
Agressivité pathologique 296 Alcool 68, 98, 100, 251
Aire Alcoolisme 125
1 : 70 Alcoolisme chronique 154
2 : 70 Algie vasculaire de la face 75
3 : 70 Aliéniste 6
4 : 55 Alzheimer : voir Maladie d’Alzheimer
5 : 70 Amnésie 31
6 : 55 Amnésie antérograde 88, 228
7 : 70 Amphétamine 98
9 : 25, 56, 158, 165, 169 Amygdale 54, 55, 58, 61, 65, 67, 72, 86,
10 : 25, 56, 58 89, 91, 94, 100, 171, 172, 199,
11 : 25, 58 234, 235, 243, 252, 262
12 : 58 Ablation 60
13 : 25, 127 Addiction 64
Traitement Histoire 3
ECT 163 Radiochirurgie 130, 133
rTMS 163 Stimulation 208
Stimulation du nerf vague Stimulation du nerf vague 174
170 Égocentrisme 23
Stimulation intracrânienne Élan vital 153
166 Électricité 135
Dépression sévère Électrisation 8
Effet placebo 130 Électrochocs 20
Déviance sexuelle 256 Anesthésie 19
Discernement 294 Leucotomie transorbitaire 29
Dopage 305 Électrocoagulation 27, 40
Dopamine 78, 85, 89, 96, 154, 199, Électroconvulsivothérapie 8, 163, 227
257 Électrode 140, 144
Addiction 252 corticale 167
Plaisir 98 Électroencéphalographie 135, 142
Schizophrénie 98 Électrothérapie 135
Douche 7 Électrothermocoagulation 28, 123
Douleurs cancéreuses 22, 78, 123 Émotion 53
Douleurs chroniques irréductibles Empathie 94
Stimulation cérébrale profonde Enregistrement 27
28 Enregistrement cérébral profond 27,
Douleurs irréductibles 25 113
Douleurs neuropathiques Enregistrement électrophysiologique
Traitement 145
HIFU 322 Enregistrement préfrontal 28
Douleurs rebelles 40, 234 Enthousiasme 88
Drogue : voir Addiction Épilepsie 55, 229, 245
DSM-IV 230 SEEG 27
Dure-mère 53, 145 Stimulation cérébrale profonde
Dystonie IX, 213 36, 80
Dystonie généralisée 40, 113, 137 Stimulation du nerf vague 170
Épiphyse 161
Euphorie
SCP dans la maladie de
E Parkinson 137
Échelles Expérience émotionnelle 88
TOC 195 État d’agitation 26
ECT : voir Électroconvulsivothérapie Etat de stress post-traumatique 268
Efférence 10 Évaluation
Effet lésionnel 160, 247 Dépression 220
Effet placebo 129, 142
Dépression 240
Dépression sévère 130 F
Effet lésionnel 160 Faisceau de Vicq d’Azyr 88
350 Psychochirurgie
I Alcool absolu 11
Imagerie cérébrale fonctionnelle 320 Anorexie mentale 266
Imagerie fonctionnelle 198, 322 Anxiété 11
Impaludation 7, 8 Complications 20
Impulsivité 94 Syndrome post-leucotomie
Incontinence urinaire 23, 121 23
Indice de masse corporelle 260 Délire paranoïaque 11
Indifférence 23 Évolution 23
Indifférence affective 137 France 16, 17
Indifférence émotionnelle Instruments 19
Cingulectomie 35 Mélancolie 11
Indignation 6 Prix Nobel 22
Information éclairée 295 Résultats 12
Insula 55, 59, 67, 171 Schizophrénie 12, 13
Addiction 68 Stimulation cérébrale 28
Insuline 7 Syndrome de stress post-trau-
Intelligence artificielle 327 matique 21
Intensité 142 Leucotomie transorbitaire 18-20, 41
Interface cerveau-machine 324, 328 Complications 29
IRM fonctionnelle 52 Électrochocs 29
Istanbul 18 Promotion 302
Traitement
Anorexie mentale 266
J Libido 72, 235, 256
Joie 88 Librium® 32
Liquide céphalorachidien 53
Lithium 32
Lithotomie 3
K Lobbying 304
Kaimowitz, affaire 296 Lobe
frontal 10, 12, 53-55
Animal 9
L Fonctions 9
Langage 53 occipital 70
Leptine 72 pariétal 54, 70
Leucotome 11, 18, 19 temporal 54, 60
Leucotomie 16, 19 Lobotomie 18, 23, 298
Leucotomie frontale 41 Implications économiques 13
Leucotomie limbique 40, 41, 128, 232 Lobotomie frontale
Complications 129 Complication 111
Dépression 233 Lobotomobile 21
TOC 204 Locus cœruleus 62, 72, 100, 161, 171,
Traitement 172
Dépression 128 Loi de Moore 324
Leucotomie préfrontale 11, 18, 118 Louvainiste 41
352 Psychochirurgie
M Morphine 86
Machine à guérir 135 Morphinomanie 125
Machine électrique 135 Motivation 54, 153
Magnétocéphalographie 52 Moyen Âge 2
Maladie bipolaire : voir Psychose Mutisme 35
maniaco-dépressive
Maladie d’Alzheimer 76, 141
Stimulation cérébrale profonde N
67, 263 Nanotechnologie 162, 323, 327
Maladie de Huntington 199 Narcolepsie
Maladie de Lesch-Nyhan 242, 297 Stimulation cérébrale profonde
Maladie de Parkinson IX, 33, 40, 113, 36
138, 147, 199, 206, 233, 262 NBIC 324
Dépression 234 Néolithique 2
Noyau sous-thalamique 83 Nerf vague 62
Stimulation cérébrale profonde Anatomie 171
Accès d’agressivité 248 Stimulation 170, 171
Agressivité 75 Neurogenèse 141
Complications comporte- Neuroenhancement 328
mentales 137 Neuro-imagerie fonctionnelle 52
Substance noire 97 Neuroleptique 31, 41, 99
TOC 137 Neuromodulation 40
Malariathérapie 7 Neuronavigation
Manie 83, 234 Définition 167
Marqueurs somatiques 68 rTMS 166
Mélancolie 8, 13, 16 Stimulation corticale intracrâ-
Leucotomie préfrontale 11 nienne 167
Mémoire 53 Neuroprothèse 67
biographique 75 Neurostimulateur
Circuit de Papez 88 Stimulation corticale intracrâ-
déclarative 65, 77, 89 nienne 168
émotionnelle 66 Neurotransmetteurs 96
encodage 67 Névrose 8
épisodique 65 Stimulation cérébrale profonde
procédurale 66 36
sémantique 65 Névrose de guerre 89
spatiale 66 Nicotine 68, 98, 213
travail 94 Nobel
verbale 83 Egas Moniz 22
Méninges 53 Soutien à la candidature d’Egas
Mineur 38 Moniz 22
« Mini-lobotomie »: voir Section Noradrénaline 72, 78, 89, 96, 100, 172
sous-corticale Anxiété 100
Moi 14, 15 Noyau antérieur 80
Index 353
T Évaluation 195
Tabac 251 Leucotomie limbique 204
Tabagisme 263 Maladie de Parkinson 137
TCC : voir Thérapie Schizophrénie 194
cognitivocomportementale SCP 138, 208
Télécommande 146 Tractotomie sous-caudée 128,
Tenseur de diffusion 118 204
Tension anticipatoire 25 Traitement
TEP-scan 118 rTMS 163
Tests neuropsychologiques 126 Radiochirurgie 132
Tests de personnalité 34 Traitement médicamenteux
Tests psychotechniques 23 200
Thalamotomie 23, 26, 41, 134, 214, Topectomie 17, 23, 25
322 Topectomie bilatérale 34
Traitement Topectomie orbitofrontale 25
Anorexie mentale 266 Topectomie préfrontale 25
Thalamus 14, 56, 58, 59, 61, 79, 86, 91, Topotomie 24
141, 171 Torpillage 135
Noyau antérieur 80 Toxicomane 253
Stimulation cérébrale Tractograhie 118
profonde 80 Tractotomie sous-caudée 40, 87, 126,
Noyau dorsomédian 150 128, 234
Stimulation 136 Complications 128, 232
Noyau ventral antérieur 150 Dépression 232
Théorie de TOC 204
Cannon et Bard 68, 88 Traitement
Darwin 90 Addiction 128
James et Langes 68, 88 Dépression 128
Thérapie cognitivocomportementale Schizophrénie 128
TOC 200 TOC 128
Thérapie de choc 7, 13, 17 Transparence 305
Thermocoagulation 81, 115, 116, 126, Traumatisme médullaire 69
128, 203 Tremblement 40, 135
Thorazine® 31 Tremblement essentiel IX, 113
Tics 211 Tristesse 137
TOC : 41, 58, 59, 86, 117, 118, 123, Trouble agressif, 117, 126
193 Stimulation cérébrale profonde
Boucle CSTC 153 36
Capsulotomie 120, 203 Trouble anxieux 117
Chirurgie lésionnelle 130 Capsulotomie 120
Cingulotomie 124, 203 Trouble anxieux généralisé
Comorbidité 194 Chirurgie lésionnelle 130
Craving 255 Trouble bipolaire 194, 230
Échelles 195 Trouble des conduites alimentaires
Épidémiologie 193 260
358 Psychochirurgie
A Brodmann, Korbinian(1868-1918),
Agid, Yves, 248, 309 55
Alexander, Garrett, 91, 118 Broggi, Giovanni, 247, 248, 301
Aouizerate, Bruno, 58, 153, 235 Bucy, Paul, 60, 243, 244
Apuzzo, Michael, L. J., 327 Burckhardt, Gottlieb (1836-1907),
Aristote (-384-322), 2 6, 41
Arsonval, Arsène, 164 Burton, Robert (1577-1640), 3
B C
Babinski, Joseph (1857-1932), 16 Cairns, Hugh (1896-1952), 26, 41, 122
Babtchin, Isaak (1895-1989), 18 Cannon, Walter, 63, 88
Baertschi, Bernard, 301 Cerletti, Ugo (1877-1963), 8
Bailey, Percival (1892-1973), 20 Chabardes, Stéphan, 156, 263
Balasubramaniam, V, 125, 255, 296, Choucha, Walid, 227
299 Christmas, David M., 121, 232
Ballantine, H. Thomas (1912-1996), Cooper, Ray, 28
41, 123, 124, 203 Corcos, Maurice, 319
Bard, Philip, 88 Corkin, Suzanne, 38
Bartlett, John, 128 Cosgrove, G. Rees, 124, 126, 128,
Baruk, Henri (1897-1999), 8, 30 216, 233
Baxter, Warner, 22 Cosyns, Paul, 138
Beauchamp, Tom L., 294 Coubes, Philippe, 137, 249
Benabid, Alim-Louis, 42, 137, 138, Crisp, Arthur H., 266
156, 263 Crow, Harry J., 28
Berkay, Feyyaz (1915-1993), 18 Cuny, Emmanuel, 153, 235
Bewernick, Bettina H., 154, 155, 237 Cushing, Harvey (1869-1939), 4
Bioulac, Bernard, 95
Bosch, Hieronymus (1460-1516), 2
Breggin, Peter R., 36, 37 D
Brickner, Richard M., 10 Damasio, Antonio, 52, 59, 68
Bridges, Paul, 128 David, Marcel (1898-1986), 17, 26,
Broca, Paul (1824-1880), 4, 52, 55, 91 294, 307, 308
Kopell, Brian H., 167, 168, 169 Moniz, Egas (1874-1955), 10, 11, 12,
Kuhn, Jens, 257, 302 16, 22, 41
Montgomery, Erwin, 138
Müller, Dieter, 255, 256
L
Laborit, Henri (1914-1995), 31, 41
Laitinen, Lauri (1928-2005), 36 N
Lazorthes, Guy, 29, 311 Nahas, Ziad, 167, 169, 239
Le Beau, Jacques (1908-1998), 17, 23, Nakata, Mizuho (1893-1975), 18
25, 26, 31, 41 Narabayashi, Hirotaro (1922-2001),
Lehmann, Heinz (1911-1999), 31 64, 243, 296
Leksell, Lars (1907-1986), 27, 33, 34, Nicholson, Jack, 32
41, 42, 118, 120, 131, 150 Nuttin, Bart, 40, 42, 138, 151, 206,
Lesch, Michael, 248 322
Lima, Almeida (1903-1985), 10, 12, Nyhan, William L., 248
41
Lippitz, Bodo, 119
Lisanby, Sarah H., 229 O
Love, Grafton (1903-1987), 17 Olds, James, 78
Lozano, Andres, 42, 67, 75, 125, 158, Orzack, Maressa, 38
234, 236, 263, 323 Osler, William (1849-1919), 4
Luys, Jules-Bernard (1828-1887), 82
Lyerly, James G. (1893-1990), 13, 17
P
Paillas, Jean (1909-1992), 26
M Papez, James (1883-1958), 26, 52, 65,
Mac Lean, Paul (1913-2007), 26, 52, 74, 80, 87, 199
90, 91 Parme, Roger de, 2
Mallet, Luc, 156, 206, 322 Pavlov, Ivan (1849-1936), 18
Malone, Donald, 138, 151, 152 Penfield, William (1891-1976), 9, 52,
Marie, Pierre (1853-1940), 16 55
Mark, Vernon H., 37, 245 Perón, Evita,, 21
Mattos Pimenta, Aloysio, 18 Pollack, Pierre, 137
Mayberg, Helen S., 42, 158, 225, 234, Polosan, Mircea, 206
235, 240, 320, 323 Pool, J. Lawrence (1906-2004), 17, 25,
McKissock, Sir Wyllie (1906-1994), 41, 136
17 Poppen, James L. (1903-1978), 17, 22
Medvedev, Svyatoslav, 125, 255, 299 Puech, Pierre (1897-1949), 8, 16, 17
Meyerson, Björn A., 138, 153 Puusepp, Lodovicus (1875-1942), 6,
Milner, Peter, 78 12
Mindus, Per (1940-1998), 120, 121
Mirsky, Allan, 38 Q
Mishkin, Mortimer, 30 Quaade, Flemming (1923-2007), 72,
Missa, Jean-Noël, 31, 296 262, 263
362 Psychochirurgie
R T
Racine, Eric, 259 Taira, Takaomi, 249
Ramamurthi, Balasubramaniam Talairach, Jean (1911-2007), 17, 26,
(1922-2003), 296, 299 27, 33, 41, 118, 150
Ramon y Cajal, Santiago (1852- Teuber, Hans-Lukas, 38
1934), 10 Torres, Napoleon, 263
Rasmunsen, Steven, 138 Turner, Eric, 125
Rauch, Scott L., 225
Rezai, Ali, 138
Richardson, Alan, 128 V
Rizzatti, Emilio (1904-1948), 12, 17 Valenstein, Elliot, 13, 38
Robi, Alys (1923-2011), 21 Vandewalle, 215
Rosvold, Enger, 30 Velasco, Francisco, 160
Rück, Christian C., 121, 203 Vincent, Clovis (1879-1947), 10, 41,
Rush, A. John, 173, 174, 239, 241 135
Ryan, Kenneth, 37 Visser-Vandewalle, Veerle, 41, 42, 138
Rylander, Gösta (1903-1979), 23 von Meduna, Ladislals J. (1896-1964), 8
S W
Sakel, Manfred (1900-1957), 7 Wagner-Jauregg, Julius (1857-1940), 7
Saltuk, Ertuğrul (1914-1980), 18 Watts, James (1904-1994), 12, 13, 17,
Sano,Keiji, 247, 296 20, 21, 41
Sartorius, Alexander, 161, 235 Wernicke, Carl (1848-1905), 4
Schlaepfer, Thomas, 154, 235, 237 Wertheimer, Pierre (1892-1982), 9,
Schrader, Paul, 18 17, 25
Scoville, William B. (1906-1984), 24, White Lowell E., 203, 255
26, 41, 88, 122, 124, 127, 204 Whitty, C. W. M., 122
Sedan, Robert, 311 Williams, Rose Isabel, 21
Sémelaigne, René (1855-1934), 6 Williams, Tennessee, 21, 31, 41
Sem-Jacobsen, Carl Wilhelm, 233 Willis, Thomas (1621-1675), 3
Siegfried, Jean, 311 Wycis, Henry T. (1911-1972), 26, 27,
Sola, Rafael G., 247, 302 33, 41, 136
Spiegel, Ernest A. (1895-1985), 26,
27, 33, 41, 111, 136
Sturm, Volker, 153, 154, 207, 235, Z
257, 302 Zhou, Hongyu, 258
L’auteur
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