Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
MENSONGES
ET PROPAGANDE
Dr Michel de Lorgeril
Du même auteur:
Dites à votre médecin que le cholestérol est innocent il
vous soignera sans médicament, Thierry Souccar
Editions, 2007
Le pouvoir des oméga-3 (avec Patricia Salen), Alpen
Editions, 2004
Le régime des oméga-3 (avec Dr Artémis Simopoulos,
Jo Robinson et Patricia Salen), EDP Sciences, 2004
Conception graphique et réalisation : Catherine Julia
(Montfrin)
Imprimé sur les presses de Beta à Barcelone (Espagne)
Dépôt légal : 3éme trimestre 2008
ISBN : 978-2-916878-17-1
© Thierry Souccar Editions, 2008, Vergéze (France)
www.thierrysouccar.com
Tous droits réservés
Remerciements
A Patricia, ma vénérée corédactrice,
Aux féroces mais indispensables relectrices des Editions
Thierry Souccar,
A tous mes amis, collègues, patients et lecteurs qui, par
leurs alertes et témoignages, m’ont aidé à aiguiser ma
critique et à structurer ma pensée.
Ce livre est aussi le leur, ils le savent, et ils s’y
reconnaissent.
SOMMAIRE
AVANT-PROPOS
PREMIÈRE PARTIE
MENSONGES ET PROPAGANDE
Chapitre 1 - Ce que l’on essaie de nous faire croire
avec la théorie du cholestérol
Chapitre 2 - Scandale autour du cholestérol :
l’a aire Enhance
Chapitre 3 - Un essai clinique, c’est quoi?
DEUXIÈME PARTIE
LA SAGA DU CHOLESTÉROL
Chapitre 1 - Le cholestérol boucherait les artères?
Cent ans de controverses
Chapitre 2 - Après l’observation, les expériences
Chapitre 3 - Arrivée des premiers médicaments anti-
cholestérol
Chapitre 4 - OSLO-2 et DART : deux essais qui
dérangent
Chapitre 5 - « Paradoxe français » et diète
méditerranéenne : deux concepts qui dérangent
Chapitre 6 - Leçons de la saga du cholestérol
TROISIÈME PARTIE
LE MIRACLE DES STATINES
Chapitre 1 - La n d’une époque ou l’avènement des
blockbusters
Chapitre 2 - Les grandes dates de l’histoire des
statines
Chapitre 3 - Préambule à la démonstration
Chapitre 4 - La troisième vague d’assaut des statines
(2005 – 2007)
Chapitre 5 - La quatrième vague d’assaut :
Illumination!
Chapitre 6 - La première vague d’assaut (1990-
2000)
Chapitre 7 - La deuxième vague d’assaut (2000-
2005) : les illusions perdues
Chapitre 8 - Synthèse des essais sur les statines
QUATRIÈME PARTIE
EFFETS INDÉSIRABLES ET TOXIQUES DES STATINES
CINQUIÈME PARTIE
SI CE N’EST PAS LE CHOLESTÉROL, C’EST QUOI?
Chapitre 1 - La mort de Tim Russert
Chapitre 2 - Retour au bon sens et aux
fondamentaux de la cardiologie
Chapitre 3 - Mode de vie et conditions d’existence
Conclusion
Annexes
Bibliographie
Index
C
AVANT-PROPOS
MENSONGES
ET PROPAGANDE
Le monde universitaire a-t-il été contaminé par
cette épidémie d’escroquerie qui semble avoir
infecté une bonne part de la société américaine?
LINDSAY WATERS
L‘ÉCLIPSE DU SAVOIR, EDITIONS ALLIA, 2008
CHAPITRE 1
A
DU CHOLESTÉROL
LES MENSONGES
LA PROPAGANDE
SCANDALE AUTOUR
DU CHOLESTÉROL :
Q
L’AFFAIRE ENHANCE
UN ESSAI CLINIQUE,
M
C’EST QUOI?
LA SAGA
DU CHOLESTÉROL
Les hommes qui ont une foi excessive dans leurs
théories ou dans leurs idées sont non seulement mal
disposés pour faire des découvertes, mais ils font
aussi de très mauvaises observations. Ils observent
nécessairement avec une idée préconçue, et quand
ils ont institué une expérience, ils ne veulent voir
dans ses résultats qu’une con rmation de leur
théorie. Ils dé gurent ainsi l’observation et
négligent souvent des faits très importants, parce
qu’ils ne concourent pas à leur but.
CLAUDE BERNARD
INTRODUCTION À LA MÉDECINE
EXPÉRIMENTALE, 1865.
CHAPITRE 1
LE CHOLESTÉROL
BOUCHERAIT LES
ARTÈRES?
CENT ANS DE
L
CONTROVERSES
APRÈS L’OBSERVATION,
I
LES EXPÉRIENCES
ARRIVÉE DES
PREMIERS MÉDICAMENTS
L
ANTI-CHOLESTÉROL
P
ESSAIS QUI DÉRANGENT
« PARADOXE
FRANÇAIS » ET DIÈTE
MÉDITERRANÉENNE :
DEUX CONCEPTS QUI
DÉRANGENT LES EXPERTS
L
DU CHOLESTÉROL
LEÇONS DE LA SAGA
L
DU CHOLESTÉROL
LE MIRACLE
DES STATINES
Nous sommes entrés dans la quatrième dimension
de la recherche universitaire, et l’exigence de
productivité conduit à présent à la publication de
plus en plus de non-sens. Dans des temps comme les
nôtres, des chercheurs dénués de tout scrupules
autant que d’idées claires, prétendent avoir obtenu
des résultats en apparence du plus grand intérêt,
mais tout autant invéri ables. Nous sommes les
témoins d’une éclipse généralisée de la valeur dans
une culture de l’in ation galopante. Les
responsables éditoriaux des revues, y compris les
plus prestigieuses, découvrent qu’ils n’ont plus de
temps à consacrer à l’évaluation parce qu’il faut
maintenir les cadences de la chaîne de production.
LINDSAY WATERS
L‘ÉCLIPSE DU SAVOIR, EDITIONS ALLIA, 2008
CHAPITRE 1
L
DES BLOCKBUSTERS
A RECHERCHE PHARMACEUTIQUE
S’INSCRIT DANS UN SYSTÈME économique qui
conditionne son développement. A l’époque des essais
testant le clo brate et les résines (page 97), cette
recherche était encore un peu artisanale et teintée
d’amateurisme. Dans les années 1990, en revanche, il
n’y a pas de nouveau médicament sans une recherche et
développement de type industriel. Celle-ci se structure à
partir d’investissements considérables et parfaitement
ciblés, avec un but unique : générer de confortables
retours sur investissements! Les projets doivent
déboucher sur des pro ts importants pour les
actionnaires.
Pour comprendre la recherche sur les médicaments
des années 1990 et 2000, une nouvelle grille de lecture
est indispensable. Des nouveaux managers arrivent et
des sociétés privées sont créées pour rentabiliser ce
nouveau marché qu’est la recherche clinique. Les
universités délivrent des diplômes d’investigateur
clinicien et des écoles sont créées pour former des
assistants de recherche clinique.
Tout essai clinique devra se conformer à des bonnes
pratiques cliniques et respecter des procédures
clairement dé nies avec signature de consentement
éclairé par les patients et production de cahier
d’observation par les investigateurs.
Une législation et des réglementations contraignantes,
protégeant les patients inclus dans les essais et
encadrant l’activité des investigateurs, vont être mises
en place (la Loi Huriet est votée en France en 1988) et le
terrain est dégagé pour que des professionnels des essais
cliniques prennent les choses en main. Les coûts réels
des essais, leur nancement et les responsabilités
engagés, y compris les assurances prises pour couvrir les
risques, sont précisés et aucun essai n’est entrepris sans
l’avis d’un Comité d’Ethique, appelé en France CCPPRB
pour Comité Consultatif de Protection des Personnes en
Recherche Biomédicale. On assiste à la naissance du
concept de promoteur de l’essai (en général un
laboratoire pharmaceutique), qu’il faut distinguer du
principal investigateur (PI), le médecin ou le scienti que
qui dirige et surveille l’étude. D’autre part, en France et
dans d’autres pays européens, des centres d’investigation
clinique (CIC) ont été créés dans les hôpitaux
universitaires pour prendre en charge les recherches les
plus aléatoires ou dangereuses en médecine humaine
mais sans rentabilité économique à court terme.
MAUVAISES FRÉQUENTATIONS ET CONFLITS
D’INTÉRÊT
C
STATINES
PRÉAMBULE À LA
P
DÉMONSTRATION
LA TROISIÈME VAGUE
D’ASSAUT DES STATINES
L
(2005-2007)
LA QUATRIÈME
VAGUE D’ASSAUT :
C
ILLUMINATION!
LA PREMIÈRE VAGUE
D’ASSAUT DES STATINES
I
(L’AVANT-VIOXX 1990-2000)
LA DEUXIÈME VAGUE
D’ASSAUT (2000-2005) :
C
LES ILLUSIONS PERDUES
L
SUR LES STATINES
CONCORDANCE
RÉDUCTION
ESSAI/ANNÉE MORTALITÉ/
MORTALITÉ
MORBIDITÉ
4S/1994 oui oui
CARE/1996 non non
LIPID/1998 oui oui
WOSCOP/1995 non non
AFCAPS/1998 non oui
ALLIANCE/2004 non non
MIRACL/2001 non non
A TO Z/2004 non non
PROVE IT/2004 non non
PROSPER/2002 non non
ALLHAT/2002 non oui
ASCOT/2003 non non
HPS/2002 oui oui
CARDS/2004 non non
TNT/2005 non non
Début de l’in uence de l’a aire Vioxx
4D/2005 non oui
ASPEN/2006 non oui
IDEAL/2005 non non
SPARCL/2006 non non
CORONA/2007 non oui
ILLUMINATE/2007 non* oui
* Strati cation par pays et non par centre, ce qui est mieux
que rien.
Les essais Illuminate, 4S et LIPID sou rent très
probablement de biais liés à l’absence de strati cation
par centre.
QUATRIÈME CRITÈRE : ANALYSES INTERMÉDIAIRES
ET ARRÊT PRÉMATURÉ
ARRÊT ANALYSES
ESSAI/ANNÉE
PRÉMATURÉ INTERMÉDIAIRES
4S/1994 oui oui
CARE/1996 non non
LIPID/1998 oui oui
WOSCOP/1995 non non
AFCAPS/1998 non non
ALLIANCE/2004 non non
MIRACL/2001 non non
A TO Z/2004 non non
PROVE IT/2004 non non
PROPSER/2002 oui oui
ALLHAT/2002 non non
ASCOT/2003 oui oui
HPS/2002 non non
CARDS/2004 oui oui
TNT/2005 non non
Début de l’in uence de l’a aire Vioxx
4D/2005 non non
ASPEN/2006 non non
IDEAL/2005 non non
SPARCL/2006 non non
CORONA/2007 non non
ILLUMINATE/2007 oui* oui
SPONSOR CONFLIT
ESSAI/ANNÉE
OMNIPRÉSENT D’INTÉRÊT
4S/1994 oui oui
CARE/1996 oui oui
LIPID/1998 oui oui
WOSCOP/1995 oui oui
AFCAPS/1998 oui oui
ALLIANCE/2004 oui oui
MIRACL/2001 oui oui
A TO Z/2004 oui oui
PROVE IT/2004 oui oui
PROPSER/2002 oui oui
ALLHAT/2002 non non
ASCOT/2003 oui oui
HPS/2002 oui oui
CARDS/2004 oui oui
TNT/2005 oui oui
Début de l’in uence de l’a aire Vioxx
4D/2005 non oui
ASPEN/2006 non oui
IDEAL/2005 oui oui
SPARCL/2006 oui oui
CORONA/2007 non oui
ILLUMINATE/2007 oui oui
EFFETS INDÉSIRABLES ET
TOXIQUES DES STATINES
Il nous faut donc faire face à la situation peu
plaisante où l’institution universitaire et le libre
usage de l’intelligence s’opposent l’une à l’autre.
LINDSAY WATERS
L‘ÉCLIPSE DU SAVOIR, EDITIONS ALLIA, 2008
CHAPITRE 1
UNE RÉALITÉ
E
MINIMISÉE
SI CE N’EST PAS
LE CHOLESTÉROL,
C’EST QUOI?
Voici la racine de ce désastre écologique qui frappe
l’université. Y a-t-il un lien entre le marasme actuel
de l’université et l’essor et le triomphe de la
révolution gestionnaire des trente dernières années?
Pourquoi y a-t-il une telle immobilité intellectuelle
dans tant de disciplines du monde académique?
Pourquoi le triomphe de la révolution gestionnaire
nous a conduits à un moment à ce point
réactionnaire au plan de la pensée?
LINDSAY WATERS
L‘ÉCLIPSE DU SAVOIR, EDITIONS ALLIA, 2008
CHAPITRE 1
LA MORT
T
DE TIM RUSSERT
A
DE LA CARDIOLOGIE
MODE DE VIE ET
L
CONDITIONS D’EXISTENCE
ES MALADIES CARDIOVASCULAIRES
SONT ESSENTIELLEMENT LE résultat de nos modes de
vie, eux-mêmes en partie déterminés par nos conditions
d’existence.
Certes, à l’échelon individuel, certains d’entre nous
semblent prédisposés, tandis que d’autres sont
apparemment protégés. Ce qui veut dire que pour un
mode de vie délétère identique, certains seront
rapidement malades, tandis que d’autres résisteront plus
longtemps. Toutefois, à l’échelle d’une population
homogène, cela ne fait pas beaucoup de di érence car,
que nous soyons protégés ou prédisposés, nous ne
pouvons rien changer à ces caractéristiques familiales et
générationnelles. Qui plus est, ces protections et
prédispositions sont très relatives : un « prédisposé »
peut totalement e acer son risque, à condition d’adopter
un mode de vie protecteur, tandis qu’un « protégé » peut
totalement annuler sa protection si son mode de vie est
délétère.
Si notre mode de vie est en grande partie déterminé
par nos conditions d’existence, une question immédiate
vient à l’esprit : est-ce que notre niveau social, nos
revenus, notre niveau d’éducation, la classe sociale à
laquelle nous appartenons jouent un rôle quelconque
dans nos risques de faire un infarctus ou de mourir
d’une attaque cardiaque?
La réponse est apparemment positive. En e et, les
conditions de travail, le niveau de stress (ou de
contrainte) au travail ou encore nos connaissances
basiques sur les mécanismes des maladies –
quidépendent aussi bien de notre culture générale que
du niveau de diplôme atteint pendant la scolarité – sont
associés au risque cardiovasculaire.
Un autre facteur mal connu concerne la relation entre
notre positionnement socio-économique (statut social) et
la qualité de notre alimentation quotidienne. Plus on est
aisé nancièrement et plus nos aliments sont de qualité.
Ce fut longtemps un handicap pour les riches, qui
étaient plus victimes des maladies cardiovasculaires que
les plus modestes – avant la dernière révolution agricole,
leur nourriture était trop abondante, trop riche. Depuis
deux ou trois décennies environ, les termes de cette
équation ont changé et, avec l’extraordinaire
dégradation qualitative des aliments commercialisés, ce
sont désormais les plus pauvres qui sont les plus mal
nourris et qui paient le plus lourd tribut à ces maladies.
De maladie de l’abondance et des classes bourgeoises,
les pathologies cardiovasculaires sont redevenues des
maladies des classes les moins privilégiées.
Mais cela ne doit pas être vu comme quelque chose
d’inéluctable. Comme je l’ai dit au début de ce chapitre,
notre mode de vie n’est que partiellement déterminé par
nos conditions d’existence. C’est aussi le résultat de nos
choix. Mais encore faut-il que ces choix soient motivés
sur la base d’une information claire et objective.
En matière nutritionnelle, il est du ressort du système
éducatif primaire, puis du réseau des soins primaires
(médecins généralistes et pharmaciens) de transmettre
cette culture de base qui devrait permettre à tout un
chacun, quels que soient son niveau social et ses
revenus, de faire des choix alimentaires adaptés pour
protéger sa santé. Il n’est pas indispensable de
consommer des aliments coûteux (réservés aux riches,
évidemment) pour protéger sa santé, on peut faire des
choix stratégiques dans une gamme d’aliments bon
marché.
CONCLUSION
« Notre époque, comme bien d’autres avant elle, est
le théâtre d’une guerre brutale mais silencieuse des
plus âgés contre les plus jeunes. Comment cette
guerre entre les générations se manifeste t-elle? De
deux façons qui se recouvrent : la censure et la
défense du statu quo qui tous les deux avancent
masqués …. Cette défense du statu quo est di cile
à discerner car ses partisans tendent à se travestir
en innovateurs plutôt qu’à apparaître comme des
ennemis de la promesse. »
LINDSAY WATERS
EXTRAIT DE L‘ÉCLIPSE DU SAVOIR, EDITIONS
ALLIA, 2008
LE CHOLESTÉROL
A
EST INNOCENT
U
DES STATINES
L
SPARCL
4
MAXIMALE
F
EMPOISONNEMENT?
TORCETRAPIB
ATORVASTATIN PLUS
ONLY (N = 59) ATORVASTATIN
(N = 93)
NO. OF NO. OF
EVENT
PATIENTS PATIENTS
Any
cardiovascular 35 49
cause
Any
noncardiovascular 20 40
cause
Cancer 14 24
Infection 0 9
Trauma 3 3
ANNEXE 5
LES DÉFAUTS DE 4S ET
L
DES ESSAIS DE L’ÉPOQUE
L
EXTENSION
I
SUR L’ESSAI IDEAL
P
« VRAI MONDE »
C
INSTABLES)
ES ESSAIS APPARTIENNENT À LA
DEUXIÈME VAGUE D’ASSAUT. Trois essais principaux
ont Été publiés entre 2001 et 2004 pour essayer de
prouver aux cardiologues que plus vite ils traitaient
leurs patients et mieux c’était. Ce n’est pas « plus fort »
pour avoir un cholestérol plus bas c’est « plus vite ».
Nuance importante. P zer tente de montrer que sa
puissante et nouvelle statine (l’atorvastatine) doit être
prescrite le plus tôt possible et à la dose maximale
d’emblée. Le but est évidemment de conquérir le marché
de la phase aiguë de l’infarctus et de balayer les vieilles
statines de ce terrain censé devenir son exclusivité.
MIRACL est publié en 2001. C’est l’essai le plus
intéressant car il compare une forte dose d’atorvastatine
(80 mg) avec un placebo sur une période de 4 mois. Plus
de 3 000 patients recrutés dans 122 centres de
cardiologie sont tirés au sort avec, s’il vous plaît, une
strati cation par centre. Les chercheurs de P zer,
contrairement à ceux de Merck) savent donc ce que
strati cation signi e et quelle est l’utilité de cette
méthode. Il ne faut pas désespérer! On observe une
diminution de 37 % du cholestérol. Cliniquement, il n’y
auraaucune di érence avec 64 et 68 décès et 113 et 101
infarctus non fatals. L’essai est donc négatif et
l’hypothèse qu’il est impérieux de réduire le cholestérol
en phase aiguë ou subaiguë d’infarctus doit être rejetée.
Pourtant, les auteurs de l’article et les éditorialistes se
pâment d’admiration et décrètent qu’il faut donner de
l’atorvastatine en phase aiguë d’infarctus. De traitement
préventif chronique censé ralentir la progression des
plaques d’athérosclérose, les statines sont devenues
brutalement des médicaments de l’urgentiste et des soins
intensifs. Sans aucune base scienti que! On croit rêver!
L’essai A to Z est moins intéressant que MIRACL car
son protocole est compliqué, mélangeant plusieurs
hypothèses et testant di érents traitements
(anticoagulants et anti-cholestérol) en phase aiguë
d’infarctus. Près de 5 000 patients sont tirés au sort pour
recevoir : soit 40 mg de simvastatine suivi par 80 mg au
bout d’un mois; soit un placebo pendant 4 mois puis 20
mg de simvastatine pendant deux ans. La di érence en
cholestérol atteint 35 % pendant 4 mois puis au-delà de
4 mois elle est de 10 % environ puisque tous les patients
reçoivent une statine. Cliniquement, pendant les 4
premiers mois, il n’y a aucune di érence entre les
groupes; et après deux ans, pas de di érence
signi cative pour la mortalité et on compte 155 infarctus
non fatals dans le groupe fortement traité contre 151
dans le groupe témoin. Le traitement précoce et intense
n’a donc pas induit de di érence signi cative entre les
deux groupes à court et à moyen termes. Etant donné les
circonstances techniques de cet essai, je pense qu’il vaut
mieux l’oublier. C’est du marketing déguisé en pseudo
recherche.
PROVE IT-TIMI 22 voulait comparer la pravastatine
(40 mg) avec l’atorvastatine (80 mg) chez environ 4 000
patients recrutés 10 jours après un infarctus et suivi
pendant deux ans. On n’est donc pas vraiment dans le
cadre des essais testant l’initiation d’un traitement par
statine en phase aiguë comme avec les deux essais
précédents. Cet essai comportait aussi plusieurs
hypothèses, avec un deuxième tirage au sort pour
répartir les patients dans des groupes recevant
unantibiotique ou un placebo. Je répète que c’est une
mauvaise idée de tester deux hypothèses chez les mêmes
patients, car des interactions peuvent contaminer
chacune des comparaisons (comme dans ASCOT et
probablement HPS). Ici, c’est encore plus discutable
puisque des brefs traitements par antibiotiques (dérivé
de l’érythromycine) ont été accusés d’augmenter le
risque coronarien. Il aurait été important de présenter
les résultats des 4 groupes constitués dans l’essai. Ce
n’est pas le cas. Est-ce fait exprès? Par contre, le tirage
au sort a été strati é en fonction des centres de
cardiologie, ce qui est très bien (même commentaire
qu’à propos de MIRACL). La diminution du cholestérol
LDL est de 49 % dans le groupe atorvastatine et de 21 %
dans le groupe pravastatine. Toutes les données
cliniques sont rendues en pourcentages, ce qui est
parfaitement ridicule. Par exemple, les auteurs
annoncent une réduction (non signi cative) de la
mortalité de 28 % et de la mortalité cardiaque de 30 %.
A regarder les chi res donnés dans les tableaux, on
constate qu’après deux ans de suivi, il n’y avaient plus
que 842 patients dans le groupe atorvastatine et 810
dans le groupe pravastatine et qu’en moyenne les
risques de mourir étaient de 2,2 et 3,2 % et les risques
de décès cardiaques de 1,1 et 1,4 % respectivement.
Autrement dit, en admettant que pendant les deux ans
de suivi les nombres de sujets étaient le double des 842
et 810 décomptés à deux ans, on peut calculer qu’il y a
eu en fait 9 et 11 décès cardiaques pour 800 patients et
donc environ 18 et 22 décès cardiaques pour 1 600
patients. Autrement dit, une très faible di érence en
chi res absolus est déguisée en une réduction de 30 %
du risque de décès cardiaque! C’est évidemment une
façon de mentir sans donner des chi res faux. De la
même manière, s’il y avait eu 2 décès dans un groupe et
1 seul dans l’autre, ces audacieux chercheurs nous
auraient déguisé ça en une réduction de 50 % du risque!
On comprend pourquoi les auteurs nous donnent des
chi res en pourcentage plutôt que des chi res bruts :
nous nous serions moqués d’eux et de leur interprétation
des résultats. Par les mêmes calculs(en restant à 810 et
842 patients à deux ans), j’ai obtenu 55 infarctus non
fatals dans le groupe recevant l’atorvastatine et 59 dans
le groupe recevant la pravastatine. En conclusion, il n’y
a pas de di érence signi cative pour la mortalité et les
infarctus non fatals; mais les auteurs rapportent
triomphalement une réduction signi cative de 16 %
d’un ensemble de complications mises toutes ensemble
dans un index. Tout ça n’est pas sérieux et peut même
suggérer qu’ils veulent tromper les lecteurs.
Je pense qu’on ne peut rien dire sur cette étude, mal
conçue (marketing?) et mal décrite, et trop brève (peu
d’événements) si on la compare avec les essais classiques
en prévention secondaire comme ALLIANCE, TNT et
IDEAL et qui étaient tous négatifs.
Si nalement je me permettais de dire quelque chose
à propos de PROVE IT-TIMI 22, je dirais (et n’importe
quel statisticien objectif dirait) exactement le contraire
des auteurs, c’est-à-dire que cet essai est négatif. Les
investigateurs et le journal qui les publie (le New
England Journal of Medicine en 2004) ne sortent pas
grandis de cette expérience calamiteuse. Ce n’est pas
l’avis de l’éditorialiste de ce prestigieux journal qui écrit
un dithyrambique « Intensive statin therapy – A sea change
in cardiovascular prevention ». Désolé, je ne vois pas de
déferlante ni de tsunami en faveur des statines à fortes
doses dans cet essai! Cet éditorialiste n’est qu’un
propagandiste!
Quelles leçons pouvons-nous tirer de tous ces essais
testant l’hypothèse qu’il faut initier en urgence un
traitement par statine à fortes doses lors d’une crise
cardiaque?
Si je mets de côté l’essai PROVE IT-TIMI 22 qui ne
permet pas une analyse sérieuse, les essais A to Z et
MIRACL sont négatifs. L’hypothèse doit être rejetée.
Et pourtant! Dans le numéro 238 de la revue Réalités
cardiologiques (janvier 2008) distribuée gratuitement à
tous les cardiologues français, chacun peut lire en
conclusion d’un article titrant « Statines au stade aigu du
syndrome coronarien : rapidement, précocement ou
immédiatement?Tout comme le traitement antithrombotique
dans la prise en charge de l’infarctus, la prescription d’une
statine doit être immédiate, si possible avant l’angioplastie
en cas de stratégie invasive et à fortes doses. »
Pourquoi cette discordance avec mes propres
conclusions? Certes notre auteur n’a pas pris la peine de
faire des petits calculs pour comprendre l’essai PROVE-
IT et il oublie de citer l’essai A to Z (décrit
précédemment). Les essais cliniques publiés vont à
l’encontre des conclusions de cet auteur qui
probablement est de bonne foi, mais victime de la
propagande ambiante.
ANNEXE 10
LES INVESTIGATEURS
L
DE HPS
B
DES MÉDICAMENTS
U
FACTEUR Z
Première Partie