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David Rouach

Kabbale
Mort et Magie Juive

religions

~
~
& spiritualité
Kabbale
Mort et Magie Juive
Religions et Spiritualité
fondée par Richard Moreau,
Professeur émérite à l'Université de Paris XII
dirigée par Gilles-Marie Moreau

La collection Religions et Spiritualité rassemble divers types


d'ouvrages : des études et des débats sur les grandes questions
fondamentales qui se posent à l'homme, des biographies, des
textes inédits ou des réimpressions de livres anciens ou
méconnus.
La collection est ouverte à toutes les grandes religions et au
dialogue inter-religieux.

Dernières parutions

Emmanuel VANGU V ANGU, Indissolubilité du lien conjugal


et divorces remaries aujourd'hui. Points de repère pour une
pastorale de la miséricorde, 2023.
Valerry D. A WILSON, Saint Augustin et le statut de l'âme.
Tome 2, 2023.
Valerry D. A WILSON, Saint Augustin et le statut de l'âme.
Tome 1, 2023.
Thibaut GIRARD, Chemin faisant. Pour une pastorale
synodale, 2023.
Elvis ELENGABEKA, L 'homélie en théorie et en pratique,
2023.
Théodore CYEBWA KANYINDA, Parole de Dieu. La bouche
du prêtre, 2023.
UN RECUEIL DE MEDITATIONS POUR CHAQUE JOUR
SAINT BONAVENTURE (Traduit par :Michel Caille avec
Jacques :Miry), Sermons dominicaux. Volume 2. 27 à 50, 2023.
SAINT BONAVENTURE (Traduit par :Michel Caille avec
Bernard Verten), Sermons dominicaux. Volume 1. 1 à 26, 2023.
Jean GUICHENÉ, Jésus et Marie : homme et femme selon Dieu,
Le dialogue de la Noce de Cana, 2023.
Jean GUICHENÉ,Adam et Ève: homme etfemme à l'épreuve,
2023.
Jean GUICHENÉ, Le jardin d'Éden : lieu du péché originel,
Récit biblique et approche scientifique, 2023.
David Rouach

Kabbale
Mort et Magie Juive

1-f
L' êmattan
DU MÊME AUTEUR

Les Talismans, Magie et Tradition juives, Paris, Albin Michel 1989

Jmma, ou rites, coutumes, et croyances chez la femme j uive, Paris,


Maisonneuve et Larose 199 5

La Divination Juive, magie et superstition, Gpress, 2021

Couverture: Talisman de protection composé d'un Maguen David


extrait du Livre de Raziel

© 2023, L'Harmattan
5-7, rue de !'École-Polytechnique - 75005 Paris
www.editions-harmattan.fr
ISBN: 978-2-14-028165-5
EAN :9782140281655
AVANT-PROPOS

Le point de départ des recherches qui font l'objet de cette publication


fut une thèse de doctorat sur l'imaginaire présentée à la faculté des
lettres de l'Université de Grenoble, en 1992, intitulée « imaginaire
chez la femme juive d'Afrique du Nord ».M. le Prof. Haïm Zafrani
(1922-2004) nous avait fait l'amitié d'être rapporteur de notre thèse;
mais malheureusement son état de santé ne lui avait pas permis de
nous suivre jusqu'au bout.
Nous avions remarqué que, comme pour les catholiques chez qui la
pratique religieuse est minime, la pérennité des croyances chez les
juifs ne s'exprime plus uniquement par la pratique religieuse mais
aussi par des croyances et des pratiques magiques. C'est pourquoi
nous avons étendu notre recherche à la mort et à ces croyances.

Plan de L'ouvrage
L'ouvrage comprendra trois parties : la première partie traitera de la
mort dans le judaïsme c'est-à-dire l'événement que constitue la
disparition d'une personne. L'importance du fait lui-même, sera
analysée à travers le prisme de la religion. Nous reprendrons le
modèle d'analyse de l'historien Philippe Ariès qui distingue quatre
attitudes qui se succèdent devant la mort : la mort apprivoisée, la mort
de soi, la mort de toi et la mort interdite.
La deuxième partie aura pour tâche d'appréhender les principes et les
croyances magiques.
Nous mettrons en relief leurs tolérances et leurs condamnations.
Enfin, la troisième abordera les nouvelles pratiques et usages
contemporains que sont le suicide, l'autopsie, l'euthanasie, la
crémation, le don d'organe et le testament.
Pour les textes bibliques, nous utilisons la traduction de la Bible de
Jérusalem ; nous avons choisi de donner à chaque fois en français les
titres des œuvres analysées.

7
Première partie

LA MORT DANS LE JUDAÏSME

9
CHAPITRE 1
La mort fait partie de l'ordre du monde

1.1.La mort apprivoisée


C'est à Philippe Ariès, l'homme devant la mort,1985, p.36 que nous
empruntons cette expression,« La mort apprivoisée »qui désigne une
attitude presque inchangée devant la mort. Elle se traduit par une
résignation naïve et résignée au destin et à la nature. Le mourant a la
conviction intérieure qu'il va mourir et accepte sa mort. Ce modèle de
mort qui couvrait la période entre le 5 ème et le 18ème siècle faisait
partie en quelque sorte de la vie. On pouvait mourir très facilement et
la mort ne paraissait pas quelque chose d'extraordinaire. Il existait une
proximité des morts et des vivants. L'exemple choisi pour l'illustrer
est celui des cimetières qui dans le passé étaient bâtis à proximité des
villes et des campagnes dans la chrétienté latine.
La mort apprivoisée, selon Ariès finit quand la proximité entre morts
et vivants n'est plus tolérée.
Pour le judaïsme la mort fait partie de l'ordre du monde, elle atteint
chaque être humain, si panait soit-il, de manière identique, lorsque
vient le moment.
Quatre attitudes peuvent être définies :
-L'homme ne peut éviter la mort.
-La mort est la conséquence de ses péchés.
-La mort n'a pas de raison d'être.
-La mort annonce une ère nouvelle.

1.2. L'homme ne peut éviter la mort


C'est dans le récit d'Adam et Eve que la mort apparaît pour la
première fois, elle est la conséquence du péché.
Dans le livre de la Genèse, chapitre II, verset 17, on lit :

Mais l'arbre de la connaissance du bien et du mal, tu n'en mangeras point :car, le


jour où tu en mangeras, tu devras mourir!

Cependant, l'analyse des sources traditionnelles juives laisse toujours


sous-entendre la question suivante : la mort est-elle obligatoirement la
conséquence d'une faute de celui qu'elle atteint ou peut-elle intervenir
sans péché préalable?
De nombreuses citations viennent attester qu'il n ' existe aucune
relation de causalité entre faute et mort, et que tout homme peut

11
fauter. Un célèbre verset de l'ecclésiastique l'illustre d'ailleurs
parfaitement :
Il n'est pas d'homme juste sur terre qui fasse le bien sans jamais faillir. (Ecclésiaste
7 :20).
De même, on constate l'inexistence de rapport entre faute et mort dans
le livre de l 'Exode, 23 :26.
« Je comblerai la mesure de tes jours».
Ceci signifie que Dieu fixe lui-même le nombre d'années d'existence
qu'il va attribuer à chaque être humain.

Rabbi Akiva (50-135) dans le traité T.B.Yebamot49b-50a enseigne:


« Si l'homme par sa conduite le mérite, on lui accorde son quota de départ. Sinon,
on lui diminue en temps le nombre de ses années».

Les sages sont d'avis que, s'il le mérite, on lui ajoute des années de
vie supplémentaire. Sinon, on lui diminue d'autant le nombre de ses
années»
Comme on le voit, Rabbi Akiva pense que la conduite humaine, si
parfaite soit-elle, ne saurait éviter à l'homme la mort, ni rallonger sa
durée de vie. Une attitude exemplaire pourra cependant lui éviter une
mort sortant de l'ordinaire :
Rabbi Akiva enseigne(T.B.Traité Chabbat 156 b)
« La vertu sauve de la mort » (Proverbes 10, 2), non pas de la mort elle-
même, mais d'une mort sortant de l'ordinaire» (mita mechouna)
Nahmanide (1194-1270) abonde également dans ce sens:

« Il ne mourra pas à la guerre ou lors d'une épidémie, mais simplement de vieillesse


en ayant atteint la mesure de vie normale d'un homme de sa de sa génération comme
70 à 80 ans pour la génération du roi David ».

La mort ne correspond donc pas à une punition divine.


Faisant partie de l'ordre du monde, elle atteint chaque être humain, si
parfait soit-il, de manière identique, lorsque vient le moment.

1.3. La mort est la conséquence de ses péchés


La mort est dite expiatoire lorsqu'on l'attribue à une sanction divine.
Les fondements de cette doctrine basée sur la punition consécutive
aux infractions à la loi ou sur la récompense découlant du respect des
commandements se retrouvent à plusieurs reprises dans la Bible et
dans le Talmud.
Ainsi, trois fautes sont à l'origine du décès d'une femme en couches.
Il s'agit de l'inobservance des trois commandements (mitzvoth) que

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doit accomplir la femme juive :(michna, Chabbat II, 6)

- La pureté familiale. (niddah)


- Le prélèvement de la pâte (hallah).
- L'allumage des bougies du shabbat.

L'attitude du père peut elle-même contribuer au décès des enfants


mmeurs.
Le traité du Talmud Chabbat 32 b y fait référence en évoquant le
non-respect de ses voeux ou de ses engagements, son manque
d'assiduité dans l'étude de la Torah, sa haine gratuite ...
La Bible Hébraïque elle-même y fait référence :

« Car moi, l'éternel ton Dieu, je suis un dieu jaloux qui poursuit le crime des pères
sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération pour ce qui
m'offensent, et qui étend ma bienveillance à la millième pour ceux qui m'aiment et
gardent mes commandements» .(Exode 20,5-6)

La lecture hi- quotidienne du Chéma (Deutéronome 6 :4-9 ;11 :13-


21 ;Nombres 15 :37-41)) reprend un thème maintes fois répété: elle
apprend aux juifs à faire la relation entre la venue des pluies, la
fertilité de la terre et une longue vie pour lui et les siens, et la
soumission à la Torah; ce rappo1t s'accomplit alors que la volonté
de se défaire de son joug conduit aux effets inverses.
Comme nous aurions pu également le constater pour l'islam, il existe
une théodicée juive classique. Les souffrances endurées par l'homme,
voire même sa mort sont des conséquences de ses péchés. Et même
s'il semble ne pas recevoir le salaire de ses mérites, l' homme ne doit
pas remettre en question le principe de la bonté de Dieu, car
récompense et punition ne s'apprécient que par leur addition dans ce
monde-ci et dans le monde avenir.
Si la souffrance et la mort servent en premier lieu à châtier les justes
des fautes qu'ils ont pu commettre, elles sont également destinées
à purifier l'âme, à la conduire à l'humilité, à procurer au
juste une récompense particulièrement généreuse dont on se
rend digne en supportant patiemment les épreuves.
Ce type de théodicée se retrouve également chez un philosophe judéo-
arabe du Xe siècle, Saadia ben Youssef de Fayyoum(882-942) qui
ajoute : « si la vie d'ici-bas est toujours mêlée de souffrance et de
mort, on ne peut croire à la justice de Dieu qu'en acceptant l'existence

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d'un au-delà dans lequel toute souffrance inexplicable dans ce monde
(des enfants en bas âge notamment) trouvera sa compensation.
Chez cet auteur, cette théodicée suppose la liberté et la croyance en
l'au-delà, lesquelles forment, avec la foi en Dieu les trois vérités
fondamentales de la religion : Dieu, liberté, immortalité de l'âme.
Pour Saadia, l'immortalité est subordonnée à la résurrection.
On retrouve également ce type de théodicée chez Hasdaï Crescas
(1340-1410), chef spirituel des communautés juives d'Aragon. Pour
ce penseur, c'est la bonté de Dieu qui confère un sens à sa justice. Le
caractère divin ne revêt point un caractère de vengeance, il est
préventif : Dieu punit pour détourner du mal par la crainte. La félicité
éternelle consiste en une communion interne avec Dieu, conséquence
nécessaire de l'amour que l'homme lui porte.

1.4. La mort n'a pas de raison d'être.


Il s'agit de la mort qui est apparemment imméritée et tnJuste. Elle
s'explique par la volonté de Dieu d'accorder à l'affiigé une meilleure
vie dans l'au-delà en compensation de ses misères sur terre. Elle
touche le saint ou l'enfant, êtres innocents et purs qui n'ont rien
commis de répréhensible pour avoir à en répondre.
Cette mort ici-bas assurera au juste ou à l'enfant une récompense ou
une compensation dans le monde futur.
Dieu la leur accordera, ôtant à cette épreuve son caractère d'injustice.
Les bases de cette théodicée juive sur la mort imméritée sont
mentionnées dans un texte fondamental du talmud (TB. Berakhot
Sa):
Si un homme voit les souffrances l'atteindre, qu'il scrute ses actions
comme il est dit : « Examinons nos voies, scrutons-les et retournons à
l'Éternel. >> (Lamentations 3 : 40)

S'il a scruté sans trouver ( de fautes justifiant pareille souffrance), qu'il


les attribue à une vacance dans l'étude de la Torah comme il est dit:

« Heureux l'homme que tu redresses, Éternel, et que tu inscris dans ta loi. (Psaumes
94 :12). »

Enfin, s'il ne les a pas attribuées à une vacance de l'étude de la Torah,


il est évident que ces souffrances sont infligées par Amour, ainsi qu'il
est dit:
« Car l'éternel réprimande celui qu'il aime. » (Prov.3: 12);T.B Berakhot Sa

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Dans cette perspective, les souffrances infligées par amour (yissûrin
méahabâh) en apparence sont imméritées, augmentent pour ainsi
dire leur capital de mérites à valoir dans le monde à venir.
Cette souffrance des Justes est une réponse que se fait l'âme croyante
pour qui la vie présente n'est que le vestibule de la vie éternelle.
Le chapitre 53 d'Isaïe (le serviteur souffrant) l'illustre en ces termes:

« Raba au nom de Sehorâh, celui-ci au nom de rab Una : tout homme en qui Dieu se
complaît, il l'accable de souffrances ainsi qu'il est dit:« Le Seigneur se complaît, il
l'accable, il lui inflige la maladie. »

Est-ce le cas lorsque le sujet n'assume pas ses souffrances par amour?
L'écriture répond (par la suite du verset) : S'il offre un sacrifice
expiatoire.
De même que ce sacrifice ne peut être offert qu'en pleine conscience,
de même les souffrances (ne peuvent être assumées) qu'en pleine
conscience. Quelle est la récompense du sujet qui les a acceptées
(ainsi)? Il verra postérité, connaîtra longévité, bien plus, il conservera
la maîtrise de ce qu'il a appris, car il est dit :

« L'objet de la complaisance du Seigneur (c'est-à-dire la Torah) prospèrera dans sa


mam. »

Toujours dans cette optique, le Talmud rapporte une discussion


entre Rabbi Jacob bar Idî et Rabbi a'hâ bar Hanina.
Selon le premier, seules les souffrances qui n'obligent pas à
interrompre l'étude sont infligées par amour, à preuve ce verset des
Psaumes 44: 12
« Heureux l'homme que tu châties, Seigneur, en même temps que tu l'instruis de ta
Torah.»
Selon le second la souffrance infligée par amour est celle qui ne cause
pas l'interruption de la prière, comme le montre le verset:

« Béni soit Dieu qui n'a pas écarté ma prière et ne m'a pas retiré sa grâce ».
(Psaume 66 :20)
.Un troisième docteur, Rabbi Aba, fils de Rabbi Hiyya bar Aba, arbitre
la controverse en rappelant à ses collègues une solution transmise par
son père au nom de Rabbi Yohannan. Dans les deux cas, les
souffrances imméritées en stricte justice sont infligées par amour, car
il est dit :
« L'homme que le seigneur aime, il le châtie.» (Prov. 3 : 12)

15
Les personnes ayant dispensé cette doctrine de compensation sont
essentiellement des philosophes de la période judéo-arabe.
Saadia Gaon (882-942) aborde dans son célèbre ouvrage de doctrine
philosophique intitulé « livre des croyances et des convictions » rédigé
en arabe sous le titre« kitab al amanâtw 'ali 'tiqâdât », le problème de
cette souffrance apparemment imméritée :
je dirai encore avoir reconnu l'existence de deux catégories de
souffrances de justes dans ce monde-ci :
- l'une pour les péchés minimes.

-La seconde à titre d'épreuve (c'est-à-dire sans qu'il y ait de faute


préalable).
Dieu les fait souffrir quand il est sûr qu'ils pourront le supporter et
plus tard il leur fera du bien pour cela comme il est dit :
« Dieu éprouve le juste, mais le méchant et le partisan de la
violence, il les hait de toute son âme. » (Psaumes 11 : 5).
Lorsque les souffrances sont une épreuve, Dieu ne le fait pas savoir à
l'homme qui en est atteint ainsi que nous le constatons à propos de
Moïse qui demanda:
« Pourquoi as-tu rendu ton serviteur malheureux ? Pourquoi
n'ai-je trouvé grâce à tes yeux?» (Nom. 11 : Il).
Il ne reçut pas plus de réponse que Job qui le supplia pourtant :
« Fais-moi connaître tes griefs contre moi». (Job 10 :2)
Moïse ben Nahman (Nahmanide (1195- 1270) évoque lui aussi dans
son livre consacré aux lois sur la personne humaine Tora ha-Adâm le
problème de cette théodicée sur la souffrance du juste.
Dans le chapitre final Sha 'ar ha- gamûl (portique de la rétribution)
N ahmani de insiste sur l'obligation dans laquelle se trouve toute
créature qui sert par amour et par crainte de se mettre en quête ( avec
toutes les ressources de) son esprit afin de justifier autant qu'il le peut
le jugement de Dieu et de démontrer la vérité de son arrêt. Pour
approfondir cette idée Nahmanide rappelle un passage de
son commentaire sur l'Exode 20: 6.et du Deut.5 : 10.
« À ceux qui m'aiment et à ceux qui gardent mes commandements.»
De fait c'est l'amour pour lequel il nous incombe de donner nos âmes
ainsi qu'il est dit :
« Tu aimeras Dieu, tu livreras ton âme et ta vie pour son amour ».
Cette exégèse de Nahmanide débouche sur la métensomatose dans
laquelle l'âme se réincarnerait dans un nouveau corps après la mort
physiologique. Cette réincarnation des âmes coupables sert de solution

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à cette théodicée. Cette théodicée désigne donc le passage de l'âme à
un nouveau corps par une naissance physiologique et non d'une âme
qui va d'un corps mort à un autre corps vivant ou dans un autre corps
qui ne lui appartiendrait pas comme dans la métempsychose.
Chez les musulmans il existe aussi une doctrine de compensation
analogue appelée mutazilite. Cette très importante doctrine développée
au huitième siècle est toujours en vigueur aujourd'hui. Elle est basée
sur la raison avec comme principes fondamentaux, l'unité et la justice
de Dieu. Sans entrer dans le détail nous pouvons dire qu'elle est l'une
des principales causes de souffrance dans l'islam. En effet aux yeux
d'un mutazilite la souffrance impliquera obligatoirement une
compensation, soit pour lui-même soit éventuellement pour un proche.
Elle a donc pour finalité l'effet salutaire maslaha et la valeur
exemplaire i 'tibar. Le talmud relate une discussion entre Rabbi Jacob
bar idî et Rabbi Ahâ bar Hanina docteur palestinien de la seconde
moitié du troisième siècle. Selon le premier, seules les souffrances qui
n'obligent pas à interrompre l'étude sont infligées par amour à preuve
ce verset :(Psaume 94 : 12)

« Heureux l'homme que tu châties, Dieu, en même tant que tu l'instruis de ta tora. »

Selon l'autre, la souffrance infligée par amour est celle qui ne cause
pas l'interruption de la prière, car il est dit :

« Béni soit Dieu qui n'a pas écarté ma prière et ne m'a pas retiré sa grâce. »
(Psaume 66 :20).

Un troisième docteur, Rabbi Abba fils de Rabbi Hyya bar Abba arbitre
la controverse en rappelant à ses collègues une solution transmise par
son père au nom de Rabbi Yohanan décédé en 279. Dans les deux cas
les souffrances imméritées en stricte justice sont infligées par amour
car il est dit :

« L'homme que Dieu aime il le châtie» (Prov. 3 : 12)

La méthode que les Mo'tazilites utilisent dans leurs recherches est


appelée Kalân (en hébreu medabber). Ce mot signifie en arabe une
suite de sons ayant un sens intelligible, puis un discours,
ultérieurement l'énoncé d'une information intelligible.
Dans cette théologie, l'homme est libre et peut obéir ou désobéir. Dieu
est également tenu de le rétribuer avec équité : le juste ne sera pas

17
frustré de sa récompense et le méchant n'échappera pas à ce
châtiment.
Si cependant Dieu a jugé nécessaire, pour le bon ordre des choses,
d'infliger une souffrance imméritée à un juste ou à un irresponsable,
sa justice lui imposera toutefois une récompense dans l'autre monde.
Cette doctrine demande à être complétée par la définition du bien et
du mal. Si pour un juif orthodoxe ce que Dieu interdit est mauvais, ce
qu' il ordonne est bon. Pour un Mo'tazilite au contraire le bien et le
mal ont pour critère la raison. Dieu y est soumis, donc il ordonne
parce que c'est bon et il interdit parce que c'est mauvais.
Ce type de théodicée est à l'origine de cette notion qu'est le fatalisme
dans l'Islam. Cette attitude est certainement la plus extrême mais
peut-être aussi la plus logique pour une conscience religieuse.
Elle s'oppose catégoriquement à toute ingérence médicale et considère
la mort comme un état à endurer avec philosophie puisque Dieu l'a
décidé ainsi. Tout effort visant à se dégager de la mort est appréhendé
comme une attaque contre l'agencement divin de la vie. La prière, le
jeûne ou la consultation d'une autorité religieuse sont donc les seules
attitudes convenables à adopter face à la mort, elle-même perçue
comme un châtiment et/ ou un appel à la pénitence.
Les bases de cette théodicée sont mentionnées dans de nombreux
textes de la Bible hébraïque :

« Si tu écoutes la voix de l'éternel ton Dieu, si tu t'appliques à lui plaire, si tu es


docile à ces préceptes et fidèle à toutes ces lois, aucune des plaies dont j'ai frappé l'
Egypte ne t'atteindra car c'est moi l'éternel qui te guéris.» (Exode.15 : 26).

« Reconnaissez maintenant que c'est moi qui suis Dieu, moi seul et nul Dieu à côté
de moi ! Que seul je fais mourir et vivre, je blesse et je guéris et qu'on ne peut rien
soustraire à ma puissance. »Deutéronome 32 :39.

Ce courant de pensée fataliste fut repris essentiellement au Moyen


Âge puis au-delà par de nombreux penseurs juifs dont Ibn Ezra
Abraham (1089-1164), Nahmanide (1190 - 1270) ou Rabbi Bahya
ben Asher ban Hlava ( 13ème siècle). Il fut adopté par les
communautés juives et également par les musulmans.
Dès le XIe siècle apparurent chez ces derniers des tendances opposées
à la médecine « qui conduit à un manque de foi en Dieu » et qui
étaient le fait des théologiens Alghâzali.
Il convient aussi de remarquer que l'islam admet que la prière, le jeûn
et l'aumône annulent le jugement divin. Dans un enseignement d' Abu

18
Hurayra il est notifié qu'à l'entrée du mois de ramadan le paradis
s'ouvre, l'enfer se ferme et les Satan sont garrottés. (Cf Vajda ,1957)

1.5. La mort annonce une ère nouvelle.


Les périodes de persécutions et de martyrs ont été très souvent voire
même toujours considérées comme des morts messianiques, ces
dernières se faisant annonciatrices d'une ère nouvelle.
Dans la littérature biblique le Messie (mashiah) est conçu selon trois
modèles:
- le messie peut être un homme : un roi, un prêtre ou un
prophète
-Le messie peut être une figure eschatologique destinée à
survenir dans le futur sous la forme d'un roi.
- le messie est conçu comme une espérance.
Dans la Bible hébraïque datant d'avant l'exil à Babylone 597-538
avant J.C., le messie est associé au statut du roi ou du prêtre qui
étaient tous les deux oints en vue d'assurer leurs fonctions.Le roi est
appelé oint de Yahvé (mashiah YHVH). En effet, le rite de l'onction
était nécessaire pour qu'un être humain puisse revêtir la dignité
royale. Le roi est donc le représentant de Dieu sur Terre, il est le canal
par lequel la bénédiction, le bonheur et la fertilité s'épanchent de Dieu
aux hommes.
Après l'exil à Babylone, le terme Messie s'applique au roi à venir
destiné à restaurer la splendeur d'antan. Il devient ainsi cette figure
eschatologique.
Le troisième modèle est conçu comme un messianisme apocalyptique
et annonciateur d'une ère nouvelle.
Les persécutions sous l'empire Hadrien (Ilème siècle)eurent une
influence conséquente sur la théologie juive : beaucoup d'esprits juifs
pressentirent la restauration imminente de la souveraineté juive sur la
Palestine (jusqu'au célèbre et sage Rabbi Akiva qui vit en Bar
Korkhba chef militaire de la révolte, le messie.)
Les martyrs victimes de persécutions sont considérés comme des
morts messianiques. Dans les livres bibliques tardifs et dans le talmud,
l'accent est mis sur ce troisième modèle : le Messie est une figure
nationale descendant de la ligne princière du roi David et sa fonction
essentielle est de sauver les enfants d'Israël. La rédemption des juifs
constitue le but principal de la fin du monde. Elle n ' a pas grand-chose
de commun avec l'attitude universaliste du sauveur chrétien ou du
Mahdi musulman qui conçoivent le messie comme un être de chair et

19
de sang le plus souvent comme un guerrier ou un roi.
Dans la littérature apocalyptique comme le Sefer Zerubabel, les
Nistarotde Rabbi Shimon bar Yohaï il est une figure récurrente de
l'archange Métatron.
Saadia Gaon (882-942)aborde ce messianisme apocalyptique suivant
trois principes :
- la certitude de l'événement.
- l'exil est un châtiment qui ne peut se prolonger indéfiniment.
- il suffit de conserver la foi en un retour.
Isaac Abarbanel (1437-1508) aborde dans son ouvrage Rosh Amanah
(les principes de la Foi) le problème du messianisme apocalyptique.

« J'ai la tâche de révéler aux enfants de Juda le jour de la rédemption; d'annoncer à


pleine voix que le salut est proche, qu'Israël n'est point abandonné, que l'arrivée du
Messie est imminente et ne saurait plus tarder. >>

Abarbanel fixera la date de la rédemption à partir de la prophétie de


Daniel (8 :14).

« Encore deux mille trois cents soirs et matins, et le sanctuaire sera rétabli dans son
droit. »

Le chapitre 8 de son livre les sources du Salut l'illustre en ces termes :


Un autre verset de la prophétie de Daniel parle d'un total de trois
temps et demi soit 1435 années et le sanctuaire sera rétabli.
Abarbanel estime qu'un temps doit correspondre à une portion de
temps bien défini, il ne peut s'agir selon lui que de la durée du premier
temple soit 410 ans. Notre verset parle donc d'un total de trois temps
et demi soit 1435 années. Si l'on accepte l'an 68 de notre ère comme
étant celui de la destruction du second temple, 1503 sera l'année de la
rédemption pour le bonheur du monde.
On retrouve une autre prédiction de Daniel dans laquelle Abarbanel
retrouve cette date.

« Le déclin du peuple a commencé lors du schisme des deux royaumes, premier soir
d'une longue nuit qui ne s'achèvera que par le matin de la délivrance. Celle-ci
surviendra donc 2300 années (un jour signifiant ici une année) après le schisme ».

Ce messianisme apocalyptique appelé « espérance diffuse d'une


rédemption » occupe une place centrale dans l' ceuvre d' Abarbanel.
(Cf. Idel, 2005, p.67). Elle résume assez bien les tendances
eschatologiques juives durant tout le Moyen Âge. Toutes ces

20
prédictions rendaient au peuple meurtri l'espoir d'une délivrance
proche.

1.6. Le livre de Job interprété par Maünonide (1135-1205)


Au départ Job est homme riche, droit et pieux qui mène une existence
heureuse. Marié et père d'une importante progéniture il vit dans la
crainte de Dieu. Un jour, sans qu'il ait fauté sa vie va basculer dans le
malheur : il va successivement perdre ses biens matériels, puis ses
enfants enfin sa santé car il sera atteint d'une lèpre maligne. Ebranlé
dans sa foi profonde Job va finir au fil de ces épreuves par ne plus être
croyant, se plaignant puis se révoltant contre le sort. Ces trois amis
Eliphaz, Bildad et Tsofar vont chercher à l'apaiser et à justifier le
châtiment divin mais en vain. Elihaou, un quatrième interlocuteur va
alors intervenir en proclamant la justice et la grandeur divine tout en le
sermonnant vertement de s'être révolté contre Dieu. Ce dernier se
révélera à Job qui se soumettra et regrettera ses paroles. Le livre de
Job se termine lorsque celui-ci, restauré dans ses biens, rendu heureux
par la naissance de nouveaux enfants, est gratifié de bénédictions.
Selon Maïmonide (T.J.Ta'anit 4 :8) :

« On serait tenté de croire que ce que l'un ( des interlocuteurs) dit, tous les autres le
disent également et que les mêmes idées se répètent et se croisent».

Au-delà de ce sentiment Maïmonide a eu plutôt à cœur de faire


connaître ce que chacun d'eux professait sur un événement au cours
duquel l'homme le plus intègre est frappé des calamités les plus
grandes. Job, tout comme ses trois amis, possède une opinion
différente des autres sur les malheurs subis.

1.6.1. Job
Cet homme atteint par la souffrance et la mort déduit de son
expérience que tous les hommes sont égaux devant Dieu qu'ils soient
pieux ou non :
« Tout revient au même: c'est pourquoi je dis :« Justes et méchants, il les fait
pareillement périr si le flot tue subitement, il se rit de l'épreuve des innocents ».
(JOB.9 : 22-23).
Sa douleur est aussi violente que la force avec laquelle il invective et
interpelle Dieu :
« Moi-même en évoquant mes souvenirs je suis effrayé et ma chair est saisie de
tremblements. Pourquoi les méchants demeurent-ils envie ? Pourquoi vont-ils
progressant et augmentant de force?» (JOB :21 : 6).

21
On pourrait ainsi énumérer nombre de citations pouvant illustrer l'état
d'esprit dans lequel se trouve Job.

1.6.2.Eliphaz.
Il voit en la souffrance de Job la preuve flagrante que ce dernier a
commis de nombreux méfaits pour mériter une telle adversité :
« Certes il faut que ta perversité soit grande et innombrables tes
méfaits » (JOB.22: 5-10).
« Songes-y donc : est-il un innocent qui ait succombé? Où est-il arrivé que des
justes aient péri ? Pour moi, j'ai observé ce fait : ce sont ceux qui cultivent l'iniquité
et sèment le mal qui les récoltent». ( 4 : 7-8).
Il n'existe aucun doute dans l'esprit d'Eliphaz: toute impiété entraîne
nécessairement une sanction de Dieu. Quant à l' innocent, il ne pourra
rien lui arriver puisqu'il n'a rien fait de mal.

1.6.3.Bildad
Bildad possède également sa propre interprétation de la souffrance
avec le postulat suivant :si Job est innocent, son extrême souffrance
aura pour but de lui procurer une récompense divine extraordinaire. Il
s'agit de la souffrance compensation préconisant que toute souffrance,
même si elle est imméritée aura pour effet une récompense divine :

« Si tu es innocent et droit sa bonté s'éveillera en ta faveur. Il rendra la paix à la


demeure qui abrite la piété. Humbles auront été tes débuts mais combien brillant
sera ton avenir ! » (JOB. 8 : 6-7)

1.6.4. Tsofar
Pour Tsofar enfin, il ne faut pas chercher à percer le dessein de Dieu :
l'homme est incapable de pénétrer les secrets de la sagesse de Dieu.
Prétends- tu pénétrer le secret insondable de Dieu, saisir la perfection
du Tout-Puissant? (Job 11 : 5-7).Comme nous le disions plus
haut Maïmonide a mis en évidence chacune des quatre opinions
des intervenants que nous venons de passer en revue.
Maïmonide résuma ainsi la pensée de chacun d' entre eux. L'opinion
de Job est proche de celle d'Aristote à savoir que l'homme pieux et
l'homme impie sont égaux devant Dieu; celle d'Eliphazest conforme
à l'esprit de la Torah c'est-à-dire que l'innocent ne subira pas de
châtiment car seul le coupable est puni par Dieu. L'opinion de Bildad
s'apparente à la doctrine Mu'tazilite préconisant que toute souffrance
même imméritée aura pour conséquence une récompense divine ;
enfin, celle de Tsofar rejoint celle des Ash'arites disant qu'il

22
ne faut pas chercher à percer le dessein de Dieu.
La pensée la plus évidente serait donc celle d'Eliphaz conforme à la
Torah. Tout- au- contraire, Dieu, au moment de sa révélation,
semoncera sévèrement Eliephaz en lui disant:

« Ma colère est enflammée contre toi et contre tes deux amis parce que vous n'avez
point parlé de Moi avec rectitude comme mon serviteur Job » (JOB.42 :7).

Voilà une intervention surprenante. Pour Maïmonide, Job a parlé avec


rectitude en ce sens que, atteint par la souffrance il n'était plus
responsable des paroles qu'il proférait. Cette attitude dura jusqu'au
moment où Job eut la révélation de Dieu parlant des merveilles
insondables de l'univers et se repentit:

« Oui je me suis exprimé sur ce que je ne connaissais pas. Je ne te connaissais que


par ouï-dire mais maintenant je t'ai vu de mes propres yeux ».

C'est pourquoi je me rétracte et me repends sur la poussière et la


cendre. (JOB.42 :3-6)
Ceci est corroboré par Maïmonide :

« ... Job était revenu de cette opinion extrêmement erronée et en avait lui-même
démontré la fausseté. Il ne prononçait ces paroles que tant qu'il était dans
l'ignorance et qu'il ne connaissait Dieu que par tradition comme le connaît la foule
des hommes religieux; mais dès qu'il eut de Dieu une révélation certaine, il
reconnut que la félicité qui consiste en la connaissance de Dieu est réservée à tous
ceux qui le connaissent et qu'aucune de toutes ces calamités ne saurait la troubler
chez l'homme».

Quant à Eliphaz, ve1tement semoncé par Dieu, Maïmonide l'explique


indirectement en arguant que l'opinion d'Eliahou est supérieure à
celle des autres, car il décrit la justice divine et les merveilles de
l'univers, il proclame que Dieu n'est affecté ni par la vertu de
l'homme pieux ni par les péchés de l'impie. Si Eliphaz a raison quant
aux causes (selon la Torah point de souffrance sans faute), il ne
dépasse pas ce stade pour trouver un sens à sa souffrance. Pour
Maïmonide il existe effectivement une différence essentielle entre
réfléchir sur les causes de la souffrance et réfléchir sur le sens de la
souffrance. Selon lui l'homme ne peut atteindre la connaissance qu'en
passant par la souffrance. À partir de là il peut accéder au but essentiel
que l'homme doit se fixer: se rapprocher de Dieu par sa connaissance.

23
Chapitre 2
LA MORT DOIT ÊTRE CONSTATÈ

2.1. Un souffle de vie dans la narine


Le judaïsme retient comme critère principal de mort l'arrêt
respiratoire, reflet de l'activité cardiaque.
Les bases de cette théodicée juive se trouvent dans deux textes ( 1).
Le premier texte est un verset de la Genèse.7 :22 qui relate la
destruction des Etres vivants par le déluge.
« Tout ce qui avait une âme, un souffle de vie dans ses narines, tous ceux qui étaient
dans la terre ferme expirèrent. »
Le terme de souille est à comprendre dans le sens de respiration
(Nechima ; Le lien est établi entre vie et respiration, et par corollaire
entre absence de souille et mort.
Le deuxième texte est un commentaire extrait de la Guémara
( TraitéYoma 85a). Ce texte évoque le cas d'un individu pris sous un
éboulement le jour du shabbath. Le problème que pose la Guémara est
donc de savoir à partir de quel moment du déblaiement une certitude
de vie ou de mort est possible.
Si la vie est certaine, il est permis et même obligatoire de violer le jour
du shabbath; car même si ce jour-là est un jour saint consacré à la
prière, à l'étude et au repos, le sauvetage d'une vie (Pikouah' nefesh)
ne souffre d'aucune exception car la sainteté suprême est celle de la
vie humaine.
Par contre, si la mort est certaine, le respect du shabbath primera et le
déblaiement et l'exhumation seront repoussés au lendemain.
Pour établir à quel moment du déblaiement une certitude de vie ou de
mort est possible, le texte énonce deux avis :
- un premier avis nécessite le déblayage jusqu'aux narines et donc,
recherche une respiration.
- un second avis nécessite le déblayage jusqu'au cœur et recherche
donc une activité cardiaque.
La Guémara développe la question en affirmant que la discussion n'a
lieu que si le déblayage s'effectue de bas en haut, c'est-à-dire en
commençant par les pieds. Le deuxième avis considère que l'arrêt
cardiaque signe l'arrêt respiratoire et n'oblige pas la poursuite de la
recherche aux narines, alors que le premier avis s'en tient au principe
de base qui est l'arrêt respiratoire et nécessite un déblayage plus
poussé.

25
Si toutefois le déblayage s'effectue de haut en bas, c'est-à-dire par la
tête, les deux avis se rejoindront pour an-êter le déblayage aux narines,
donc avec l'analyse de la respiration. Car, termine la Guémara, la vie
se juge à la respiration, comme le dit le verset de la Genèse 7 : 22
« Tout être possédant un souffle de vie dans ses narines. »
Il semble donc bien ressortir de ce texte que le critère d'an-êt
respiratoire est suffisant pour établir le diagnostic de la mort et qu'une
discussion s'établit sur l'importance à accorder à l'an-êt cardiaque.
Maimonide, dans son code Michné Torah (llh'ot Chabat) statue
suivant le premier avis :

« Si la recherche dans l'éboulement s'est faite jusqu'aux narines sans


découverte de respiration, l'individu doit être laissé, car il est déjà mort»

Le Tour (2)et le ChoulkhanAroukh (3) ont légiféré dans le même sens.


Il convient de noter que deux autres critères furent introduits par la
suite. Tout d'abord par Maïmonide (1138-1204) sur la nécessité d'un
temps d'attente variant de 20 minutes à une heure. Cette condition vise
à éviter la confusion entre un état comateux et la mort.

« Tout homme fermant les yeux d'un agonisant est un criminel car il faut attendre un
instant, de peur d'une confusion avec un évanouissement» (Ilh'hotAvel).

Le second critère fut établi par le Hatam Sofer (1762-1839) qui


introduisit la nécessité d'absence de mouvement.

1. OUALID D. - LES CRITERES DE LA MORT DANS LE JUDAISME - Thèse de


médecine n°129 - Grenoble, 1983.
2Le Tour est un recueil de lois juive écrit par Yaakov ben Asher (1270-1340)
3. Il s'agit d'un code de Loi juive compilé par Joseph Caro (1488-1575)

26
2.2. La mort par un baiser
Bien que la mort soit toujours cruelle, on distingue toutefois la bonne
mort de la mauvaise.
La bonne mort est associée à l'âge : décéder à un âge avancé est une
bénédiction, et l'on accepte mieux de mourir âgé, le corps usé, que
jeune ou à la fleur de l'âge.
Elle est également associée à la manière de mourir : la " mort dans un
baiser " (mitah bene shiqah) est comme le cheveu que l'on retire d'un
verre de lait ou la goutte d'eau que l'on prélève d'un seau. Elle permet
de passer de la vie d'ici-bas à celle de l'au-delà sans souffrance.
Ainsi meurent les Justes, les tsaddiquim comme Moise, par " la
bouche de Dieu". (Deutéronome 34, 5).
La bonne mort est aussi liée au jour du décès· Mourir un vendredi ou
une veille de shabbath est un signe de reconnaissance distinguant les
Justes qui quittent le monde d'ici-bas.
Les Musulmans attribuent au jour du décès la même signification :
"Il est mort un vendredi, quelle bonne mort!", dit-on chez les Béni-
Drar(Maroc) pour faire l'éloge d'un défunt car le vendredi est un jour
privilégié du fait de la prière hebdomadaire.
Les jours de fêtes religieuses sont également un moment privilégié
pour mounr:
« Heureux celui qui serait mort pendant le mois de Ramadan, surtout
la nuit du 27ème jour, moment du commencement de la
révélation ... »(Cf Yachouti p.109)

27
CHAPITRE3
La mort est un passage

3.1. Le Sefer Ha-Zohar ou le livre de la splendeur


Nous disposons de nombreuses références sur la conception mystique
du sort de l'âme. Le Sefer Ha-Zohar ou le livre de la splendeur est le
livre majeur de la Kabbale qui traite de l'eschatologie juive.
Littéralement, la Kabbale signifie transmission. Elle constitue la
Sagesse secrète, l'enseignement ésotérique du Judaïsme. Pour la
tradition qu'elle véhicule, la Kabbale représente la loi orale que Moïse
reçut au Mont Sinaï en même temps que la loi écrite, la Torah. Elle se
transmet en ligne ininterrompue à travers les âges, de maître à
disciple. La tradition juive attribue quatre niveaux d'interprétation à la
Torah écrite : le Pshat, la signification simple ou littérale, le Remez, la
signification allusive, le Drash, la recherche et le Sod, la signification
cachée. La littérature kabbaliste ne s'attache qu'au sens caché. Le
principe sous-entendu est que le texte de la Torah doit être considéré
comme un texte codé. Le code qui déchiffre ce texte est la Kabbale
qui possède de multiples aspects.
Le Zohar et ses annexes connues sous les titres de Raya Mehemma et
Tiqqunim sont des textes fondamentaux de la destinée de l'âme. Ainsi,
par exemple ce livre doit son nom à un verset du dernier chapitre de
Daniel qui décrit la fin des temps :
« et les intelligents, les maskilim, ceux qui possèdent le se 'hel, c'est-à-
dire l'esprit saint, resplendiront (Yazehirou) comme la splendeur
(Zohar) de l'étendue céleste.
Le livre du Zohar est donc le livre de la splendeur.
Œuvre clef de la Kabbale, le Zohar prépare l'être à pénétrer dans les
secrets de la création.
Ce livre très important est attribué au Tana, c'est-à-dire à l'un des
maîtres de la Michna Shi mon bar Yohaï (Hème siècle).
On sait désormais que le Zohar date du XIIIème siècle et qu'il fut écrit
en Castille par Moïse de Léon.
Dans sa forme, le livre du Zohar est composé d'un grand nombre
d'écrits (plus de 3000 folios) rédigés dans une langue proche de
l'hébreu, l'araméen. Elevé à la dignité de livre sacré à l'instar de la
Bible et du Talmud, le Zohar se présente d' abord comme un long
commentaire des cinq livres de la Tora,« le Houmach », et de certains
livres des Ecritures comme le Cantique des Cantiques ou le livre de
Ruth.

29
C'est le livre central de la Kabbale, qui désigne en hébreu la réception.
Ces enseignements secrets de la Torah furent créés depuis le premier
homme Adam jusqu'aux prophètes en passant par Moïse, David et
Salomon.
D'après la tradition, le Zohar dévoile le sens caché des versets, des
mots, des lettres et aussi des Noms de Dieu.
Tous les grands maîtres de la Kabbale comme le AriZal, rabbi Yishak
Louria (1534-1572), mais aussi le Hida, rabbi Haim David Azoulay
(1724-1806) ou encore le Ramhal, Rabbi Moché Luzzato en Italie
(1707-1746) ou encore le Baal ShemTov, rabbi Israël ben Eliezer
(1698-1760) en Pologne se sont nourris du Zohar pour élaborer leur
enseignement. Il est écrit dans : (Eccl. 8: 8)

« Il n'y a point d'homme qui ait pouvoir sur le souffle de l'esprit et personne n' a
pouvoir sur le jour de la mort».

Rabbi Judah ajoute : dès que débute cette période de trente jours
l'image de l'homme s'obscurcit. Sa forme, sa silhouette et son ombre
habituellement visibles sur la terre s'évanouissent et disparaissent.
Perdre son ombre, rêver de parents et amis, voir en songes un rouleau
de la Thoras ont des signes avant-coureurs d'une mort prochaine et
annoncent du même coup l'entrée en scène de l'ange de la mort.
De ce texte on apprend tout un imaginaire sur le monde de la mort et
de ses mythes, sur le paradis, les rites funéraires, les devoirs et
obligations.

D'où tiens-tu que tu es sur le point de mourir?

L'autre répondit :
« Mon âme me quittait toutes ces dernières nuits sans que je fusse illuminé par un
rêve comme auparavant; bien plus encore quand dans ma prière je m'incline, je ne
vois pas mon ombre sur le mur c'est donc que le messager est sorti annoncer ma
mort car il est dit: c'est par son ombre que l'homme chemine ». (Ps. 39 : 7). Et nos
jours sur terre sont une ombre. (Job 8 : 9).

Ajoutons une autre idée zoharique développée dans ce texte :

« Lorsque approche pour l'homme l'heure du jugement, un nouvel esprit pénètre en


lui grâce auquel il perçoit ce qu'il ne pouvait percevoir auparavant, la présence
divine. Puis il part de ce monde. Il est en effet écrit : nul homme ne peut me voir et
vivre. (Exode.33 :20).

30
On sait que la colère de l'ange de la mort est apaisée par les bonnes
actions. Cependant sitôt qu'il reçoit les ordres de Dieu lui-même,
liberté lui est laissée de supprimer sans distinction les bons et les
mauvais. Dans Zohar II, 174b on lit sur l'avènement de la maladie
avant la mort :

« On dit à joseph : voici que ton père est malade. (Gen. 48 :1).
Rabbi Una dit: « dans les temps anciens avant l'avènement de Jacob, l'homme
vivait tranquillement chez lui dans sa maison. Quand arrivait pour lui le moment de
mourir, la mort le surprenait et il mourait sans maladie. Quand vint Jacob, il adressa
cette prière à Dieu: Maître du monde, je te demande de faire de telle sorte que
l'homme tombe malade deux ou trois jours et qu'il ne rende le dernier souffle
qu'après qu'il eût exprimé ses dernières volontés à sa famille et qu'il se fût repenti
de ses fautes. Dieu en convint et exauça son vœu ».

Dans Zohar 1, 24Y; 54b et 126b à propos des « sept épreuves qm


attendent l'homme à sa mort».
La première épreuve est celle subie au moment où l'âme quitte le
corps : elle punit l'un et l'autre pour les fautes commises.
La deuxième épreuve a lieu quand le cortège funèbre est conduit du
domicile du défunt jusqu'au cimetière. Tout au long du chemin les
actes et les paroles de l'homme le précèdent, l'accusent et l'humilient
publiquement. Les transgressions, les crimes et délits commis sont
proclamés, suivis de la peine et du châtiment qu'il encourt et qui
l'attendent dans le monde à venir.
La troisième épreuve et celle que le défunt traverse dès son entrée
dans la tombe, considérée comme la porte de sortie de ce monde et le
seuil d'un autre ...
La quatrième épreuve lui est infligée dans la tombe même,
immédiatement après l'enterrement, ce que la littérature rabbinique
désigne par le hibbut ha-qeber la flagellation de la tombe. L'ange de
la mort relayé par celui qu'on surnomme Dumah et qui règne sur le
monde du silence frappe violemment le cadavre avec des chaînes
métalliques.
La cinquième épreuve est le passage à la Géhenne, à l'enfer. Il est
plus spécialement destiné à purifier l'âme.
Au cours de la sixième épreuve, le corps est livré à la vermine qui
prend possession de lui et le dévore. Il souffre atrocement ainsi qu'il
est dit : la morsure du ver est aussi douloureuse pour le corps du
défunt (pour son cadavre) que peut être la piqûre de l'aiguille
enfoncée dans la chair du vivant.

31
L'exil de l'âme est la septième et dernière épreuve: ce sont ses
continuelles migrations et transmigrations, incarnations et
réincarnations successives. Elle est condamnée à errer et vagabonder
çà et là, sans le moindre répit jusqu'au terme de son long et pénible
voyage qui se termine par son définitif rachat, par sa rédemption
payée au cours de ces errances et transmigrations, par la réalisation
des tâches qu'elle avait à accomplir en ce monde.
Dans Zohar III, 158b; 11,17a. Rabbi Judah et Rabbi Abba dialoguent
avec les morts.
« Rabbi Juda ben Shalom voyageait en compagnie de Rabbi Abba. Ils entrèrent
en un certain lieu pour y passer la nuit. Ils se couchèrent et posèrent leur
tête sur un monticule de terre qui se trouve être une tombe.
Juste avant de dormir, ils entendirent une voix s'élever de la tombe, disant: il y a
douze ans que ma semence est enterrée en cette terre. Je ne me suis jamais réveillé
jusqu'à l'heure présente etje vois le visage de mon fils. Rabbi Judas lui demanda:
« Qui es-tu ?
Je suis judéen. Je reste là, proscrit dans l'impossibilité de rejoindre ma place là-haut
à cause de la souffrance de mon fils qu'un idolâtre avait enlevé quand il était enfant
et qu'on fouette chaque jour. Sa souffrance m'empêche d'entrer (à l'endroit qui
m'est destiné). Rabbi Judah lui pose la question : vous les morts êtes-vous informés
de la souffrance des vivants?. Il répondit: N'étaient les prières des habitants de la
poussière pour L'humanité vivante, celle-ci n'aurait pas subsisté la moitié d'une
journée. Si je me suis réveillé aujourd'hui, ici, c'est parce qu' il m'a été dit que mon
fils viendrait là; et je ne sais si il est vivant ou mort. Rabbi Judah dit encore :
Quelles sont vos occupations en ce monde-là? dans l'au-delà? Au même instant, la
tombe fut secouée d'un tremblement et on entendit un cri : « levez-vous, partez! On
est en train de fouetter mon fils en cette heure-ci »! Frappés de stupeur les deux
hommes prirent la fuite ne s'arrêtant qu'à une distance d'une d'un-demi- mille. Ils
attendirent la lumière de l'aube, se levèrent pour poursuivre la route quand ils virent
un homme les dépasser, courant et fuyant, les épaules ensanglantées Il s' arrêta et
leur raconta son histoire. Il se nommait Lahma bar Liway. Ils se dirent que la mort
se nommait sûrement Liway bar Lahma. Ils prirent peur, cessèrent de lui parler et ne
retournèrent pas à la tombe. Rabbi Abba dit: c'est bien à ce propos qu'il est dit: « la
prière des morts protège les vivants»; et c'est le sens du verset:« ils montèrent par
le sud et ils arrivèrent jusqu'à Hebron ».

Dans Zohar I, 217b-218aon lit:


« Quand approche pour un homme les jours de sa mort, trente jours auparavant,
l'annonce de cet instant suprême est proclamée, criée de par le monde ; les oiseaux
du ciel eux-mêmes s'associent à ce cri, à cette proclamation.»

Les lettres comprises dans Ha-Satan (le Satan) ont pour valeur
numérique 374, ce qui veut dire que son pouvoir d'accusateur s'exerce
durant les 374 jours de l'année, mais cesse le jour des expiations
(Yoma, 20 a).

32
Enfin, c'est Satan qui fait mourir, d'où ce surnom d'ange de la mort
qu'on lui connaît. Dans Zohar (I,217b-218a): Un jour, R. Isaac était
assis à la porte de la maison de R. Judah, plongé dans une profonde
tristesse.
« Qu'y a-t-il de particulier aujourd'hui ? R. Isaac répondit : Je suis venu te
demander trois choses : quand, étudiant la Torah, il t'arrivera de citer certainesde
mes paroles, tu devras les dire en mon nom et faire mention de leur auteur; tu feras
à mon fils la grâce de lui enseigner la Torah; tous les sept jours, tu iras prier sur ma
tombe.
R. Judah demanda: « D'où tiens-tu que tu es sur le point de mourir. »
L'autre répondit: Mon âme me quitte toutes ces dernières nuits sans que je fusse
Illuminé par un rêve comme auparavant; bien plus encore, quand dans ma prière je
m'incline, je ne vois pas mon ombre sur le mur; c' est donc que le messager (Satan)
est sorti annoncer ma mort, car il est dit: C' est par son ombre que l'homme
chemine.» ( Psaume 39, 7)

3.2. La mort de soi


Nous continuons à emprunter à l'historien Philippe Ariès cette
expression. Son second modèle « la mort de soi » se caractérise par
une personnalisation de la mort. Une grande place est donnée au bilan
individuel. Cette attitude peut se percevoir à partir dès 11 ème- l 2ème
siècles selon la grande place qui est accordée à l'eschatologie. Dans le
judaïsme le sort de l'âme tient aussi une grande place. Si la mort,
considérée comme une rupture et une dispersion, représente avant tout
une continuité, un passage et le refus de la coupure, il est cependant
important de savoir comment se conçoit l'après-mort. La mort n'est
pas un état définitif et statique, mais plutôt une série de mutations qui
se déroulent dans la durée, Dans l'imaginaire juif, la mort rapproche
deux dimensions du temps à la fois opposées et complémentaires : le
temps - éternité et le temps concret dans lequel s'inscrit la rupture de
la mort. Dès que l'homme meurt, les trois degrés de l'âme se séparent
du corps, puis montent et regagnent le lieu d'où ils étaient venus, dit
un texte du Zohar (Zohar I, 81A. )
Dans la tradition juive, il existe trois degrés dans l'âme : nefesch,
rouah et neshama.
- Nefesch représente l'âme vitale, végétative, sensitive et motrice
(donnée à l'homme pour se nourrir et procréer): elle constitue ce que
l'on appelle la personnalité.
- Rouah est l'âme spirituelle, l'inspiration sainte qui émane de Dieu. Il
s'agit de l'âme rationnelle, apte à devenir intellect en acte.

33
- Neshama désigne l'âme supeneure, le souffle de vie que Dieu a
insufflé à l'homme, l'élément divin qu'il porte en lui-même : c'est l'âme
des âmes, "neshamali neshamat", l'âme suprême.

3.3.Les justes jouiront de la splendeur de la Chekhina


(T.B.Berakhot17a)
Lors du décès, le souffle (rouah) revient à Dieu qui l'a donné, dit un
texte de }'Ecclésiaste XII : 7. Le souffle, en quittant le corps et ce
monde-ci, se sépare de la personnalité (nefesh) pour entrer au Jardin
d'Eden terrestre. Quant à l'âme suprême ou neshama, elle s'élève
directement vers Dieu immédiatement après la mort, sans faire au
préalable, comme le rouah, un séjour au Jardin d'Eden terrestre.
Enfin nefesh, l'âme végétative, ne s'écarte jamais de la tombe.
Quand le souffle (rouah) quitte ce monde et manifeste le désir de
s'élever jusqu'au Jardin d'Eden céleste, il pénètre dans la grotte
d'Adam et les patriarches ou Justes du Jardin d'Eden terrestre lui
remettent une carte d'identité et de signalement en vue de son entrée.
Il effectue son ascension et gravit la colonne centrale dressée dans le
Jardin. Chemin faisant, il rencontre les " chérubins et la flamme de
l'épée tournoyante" (Genèse 3 : 24) et les " gardiens des remparts de
Jérusalem."
S'il le mérite, ceux-ci examinent son carnet de signalement, lui
ouvrent la porte et le laissent entrer. Sinon, ils lui prennent le carnet et
le repoussent au-dehors (2). Il reste là le temps qu'il doit y rester,
revêtu de la forme propre à ce monde-là.
L'eschatologie juive repose sur un postulat de base qui veut que, dans
le monde futur, l'âme existe éternellement comme celle du créateur.
Les maîtres ont dit:" Dans le monde futur, il n'y a pas de nourriture,
de boisson, pas d'ablutions, pas d'onctions, pas de rapports sexuels,
mais les Justes siègeront la tête couronnée (immortalité de l'âme) et
jouiront de la splendeur de la Chekhina (T.B.Berakhot I7a)

3.4. Les sept épreuves.


La séparation du corps et de l'âme ne s'opère pas sans épreuves, c'est
du moins ce que laissent entendre divers textes mystiques juifs. Un
texte du Zohar décrit sept épreuves qui attendent l'homme à sa mort
depuis l'instant de la séparation de l'âme et du corps jusqu'à l'heure du
rachat et de la réincarnation.

34
- la première épreuve se produit lorsque l'âme quitte le corps. A ce
moment, l'âme et le corps sont punis de leurs fautes par l'Ange de la
Mort.
- pour la seconde, le cortège funèbre est conduit du domicile du
défunt jusqu'au cimetière Tout-au-long du chemin, les actes et les
paroles de l'homme l'accusent et l'humilient publiquement pour tous
ses crimes et délits.
- la troisième épreuve est celle que le défunt traverse dès son entrée
dans la tombe.
- la quatrième lui est infligée dans la tombe elle-même. L'Ange de la
mort frappe violemment le cadavre avec des chaînes métalliques ...
("Hi but Ha-geber") (Zohar. I, 245; III, 546 et 126b).
La quatrième épreuve d'expiation consiste en la flagellation du
cadavre (hibbutha-geber),
- la cinquième est le passage à la Géhenne, à l'enfer: il est destiné à
purifier l'âme.
- à la sixième épreuve, le corps est livré à la vermine.
- lors de l'ultime épreuve, l'âme est vouée à de continuelles
migrations et transmigrations, incarnations et réincarnations
successives et ce, jusqu'à la rédemption définitive. Elle aura lieu au
cours de ses errances par la réalisation des tâches qu'elle avait à
accomplir en ce monde ...
Si la plupart de ces épreuves peuvent être cataloguées comme des
épreuves d'expiation dont l'objectif consiste en l'absolution des péchés
du défunt, la première est en revanche celle qui a le plus retenu
l'attention des commentaires mystiques.

3.5. Lève-toi ta fin est arrivée (Abraham Ben Mordekhay Azoulay


(1570-1643).
Voici un commentaire d'Abraham Ben Mordekhay Azoulay (1570-
1643) kabbaliste originaire du Maroc (1):

« La première épreuve, infligée à l'instant suprême où l'âme quitte le corps, est


douloureuse, dure et difficile ; la séparation peut aussi être douce et légère, aussi
facile que d'enlever un cheveu d'un verre de lait.»
(TB Berakhot 8a, Baba Batra 17a).

L'opération est exécutée par l'Ange de la mort, autorisé en cette


occasion à châtier et faire souffrir à proportion de la gravité de la
transgression. Dans la mesure-même où l'homme avait "adhéré" à la

35
faute, il est donné à l'exécuteur des hautes oeuvres de prélever son
dû ... "
Abraham Azoulay, dans la suite de ce même texte, revient sur la
description de l'instant suprême, disant :" Quatre hommes surviennent
au chevet de l'agonisant. L'un appartient à la cohorte des Anges de
services (mal'akhe ha-sharet), le second est l'Ange de la mort; le
troisième fait office de greffier (sofer); le quatrième est comptable
(moreh).
On lui dit :" Lève-toi, ta fin est arrivée." Il répond : « Non, je ne suis
pas encore parvenu au terme de ma vie». Il ouvre un œil. Que voit-il?
Un Ange de la taille du monde, le remplissant d'un bout à l'autre ; des
yeux innombrables le recouvrent tout entier de la plante des pieds au
sommet du crâne. Il est habillé de feu, revêtu d'un manteau de
flammes. Il tient dans la main une épée, une "goutte amère" est
suspendue à la lame. L'agonisant ouvre la bouche, l'Ange y fait tomber
la goutte. C'est par elle que sa face verdit, c'est par elle que son corps
exhale une odeur fétide. Mais il ne rend l'âme qu'après avoir vu, face à
lui, le Saint, Béni soit-il, en personne... "(2)
La quatrième épreuve d'expiation consiste en la flagellation du
cadavre (hibbut hageber), qu'Abraham Azoulay commente de la façon
suivante:
" La flagellation du cadavre punit ceux qui se réjouissent les II jours
interdits de joie." (3)
Comme il n'y a de joie qu'en mangeant de la viande et en buvant du
vin, il est donc interdit d'en consommer ces jours-là... et la
transgression d'un tel interdit est punie de la flagellation de la
tombe ... "

3.6. Les anges torturent les méchants.


Le passage à la géhenne, à l'enfer constitue, comme nous l'avons vu
précédemment, la cinquième épreuve que subit l'âme (rouah). La
Géhenne tire son nom d'un lieu situé autour de Jérusalem, la vallée de
Hinnom. Dans cette vallée se trouvait Topheth (2 Rois XXIII, 10), site
utilisé à l'origine pour des sacrifices humains dédiés au dieu Moloch
(2 chroniques 33 : 8) puis ensuite destiné à brûler les ordures
ménagères de la ville). ( 4)La tradition hébraïque situe la Géhenne à
Arga, la cinquième terre (5). Cette dernière comprend la Géhenne et
les sept strates, chacune possédant ses entrepôts de ténèbres. La
couche la plus élevée se nomme le Shéol ; au-dessous d'elle se
trouvent les autres appelées Perdition, Basse-Fosse, Sentine, Silence,

36
Porte de la mort et Porte de l'ombre de la Mort: À chaque étape, le feu
est soixante fois plus intense qu'au niveau inférieur. C'est dans ces
lieux que les anges torturent les méchants et les punissent (6). Le
Talmud de Babylone (T.B.Hagiga 12b) situe la Géhenne dans le
troisième ciel, où se trouve également le jardin d'Eden. Ainsi, au Nord
de l'Eden s'étend la Géhenne, où couvent perpétuellement de sombres
feux et où coule à travers un pays de glace et de froid intense un
fleuve de flammes ; c'est ici que les méchants endurent leurs
tourments. Le premier ciel renferme les nuages, les vents, les eaux
supérieures, les deux cent anges chargés de surveiller les étoiles et les
entrepôts de neige, de glace et de rosée ainsi que leurs anges gardiens.
Le deuxième ciel contient des pêcheurs qui sont enchainés là dans
l'attente du jugement. Dans le troisième ciel se trouve le jardin
d'Eden, rempli de merveilleux arbres frnitiers, y compris l'Arbre de
Vie sous lequel Dieu se repose quand il y vient en visite. Dans le
quatiième ciel se trouvent les chars conduits par le soleil et la lune,
chacun ayant dans son sillage un millier d'étoiles grandes et petites.
Dans le cinquième ciel demeurent les anges déchus, géants, tapis là
dans le silence du désespoir éternel. Dans le sixième ciel vivent les
sept phénix, les sept chérnbins ainsi que des légions d'anges qui
veillent sur les heures, les années, les fleuves, les mers, les récoltes,
les pâturages et l'humanité : ils attirent l'attention de Dieu sur tout
spectacle inhabituel qui s'offre à leur observation... Dans le septième
ciel vivent les archanges, chérnbins, séraphins et les roues divines.
Dans ce lieu de lumière, sur son trône divin siège Dieu (7).

3.7.Leparadis ou jardin d'Eden.


Après avoir subi toutes ces épreuves, l'âme (rouah) pénètre dans le
paradis ou jardin d'Eden. Dans la pensée hébraïque, le paradis
comprend sept portes ou maisons dont chacune mène à la suivante (8).
La première Maison, face à l'entrée, abrite les convertis qui sont
venus à Dieu de leur plein gré. Ses murs sont en cristal, ses poutres en
cèdre et c'est Abdias, le juste prophète, qui la gouverne.
La seconde Maison est constrnite de la même manière et elle abrite
les pénitents d'Israël. C'est Manassé ben Hizkiyaou qui la gouverne.
La troisième Maison est d'argent et d'or. Là pousse l'Arbre de Vie à
l'ombre duquel sont assis Abraham, Isaac et Jacob, les patriarches des
douze tribus, tous les Hébreux qui sortirent d'Egypte et toute la
génération du désert ; également le roi David, son fils Salomon ainsi

37
que tous les rois de Juda, excepté Manassé qui est en enfer. Moise et
Aaron ont la garde de cette Maison.
Laquatrième Maison est faite d'or (ses poutres sont en bois d'olivier)
et elle abrite les Justes dont la vie a été amère comme l'olive encore
verte.
La cinquième Maison est faite d'argent, de cristal, d'or pur et de
verre.
La sixième Maison abrite ceux qui sont morts en accomplissant leur
devoir envers Dieu.
La septième Maison abrite ceux qui sont morts de chagrin à cause
des péchés d'Israël . Dans la tradition juive, deux hommes furent jugés
dignes de se trouver au paradis après leur mort : Moise et Jehoshua
ben Lévi (T.B.Ketubot, 77b). Moise fut conduit dans l'Eden par l'ange
Shamshiel qui lui montra, entre autres merveilles, soixante dix trônes
rehaussés de joyaux destinés aux Justes et posés sur des pieds d'or fin,
flamboyant de saphirs et de diamants. Sur le plus grand et le plus riche
était assis le père d'Abraham (9).

3.8. La résurrection. L'esprit remonte à Dieu


Rappelons pour mémoire que dans le judaïsme, l'être humain est
constitué d"une âme et d'un corps. L'âme, qui prend naissance avec le
corps, subsiste cependant après la disparition du corps.
Dans cette religion, l'âme, principe de l'existence et de l'organisation
du corps est appelée à le transformer afin de le rendre apte à participer
à sa vie immortelle au-delà de la mort. Dans le christianisme au
contraire, la résurrection va consister en la réunification l'âme et du
corps. Cette résurrection préfigure celle du Christ, pivot-même
chrétien. « Si le Christ n'est pas ressuscité, alors mangeons et buvons,
car notre foi est vaine », écrit Saint Paul aux Corinthiens.
La notion de résurrection apparaît dans le judaïsme à de nombreuses
repnses :
dans le Livre de Job 14 :14. « Lorsque l'homme meurt, revivra-t-il ? La
nuée se dissipe et disparaît; aussi celui qui descend au chéol ne remonte plus. »
-dans Isaïe 26 :19. « Puissent donc tes morts (ceux du peuple d'Israël)
revenir à la vie et les cadavres des miens ressusciter ! Réveillez-vous et
entonnez des cantiques vous qui dormez dans la poussière ».
Dans le Livre de Daniel 12 :2. « Beaucoup de ceux qui dorment dans la
poussière du sol se réveillent pour une vie éternelle».
Selon Maimonide, « la résurrection des morts est un des principes de la
Tora de Moise, que la paix soit sur lui, et elle n'est pas la fin dernière et la vie

38
du monde à venir.» (10) Mais la fin dernière est la vie du monde à
vemr.
« Nous avons également expliqué que, dans le monde à venir, il n'y a pas
d'' existence des corps, conformément aux dires de nos maîtres (TB.berakhot 17a) de
mémoire bénie : il n'y a pas là-bas de manger, ni de boire, ni de rapports sexuels
(11) ».

Selon Maimonide, l'âme est la raison et l'intelligence en acte ; elle


demeure d'une existence éternelle après la séparation du corps. Ceci
est une chose naturelle et va selon l'ordre du monde (10) : La forme
de cette âme (créée à l'image de Dieu) n'est pas composée d'éléments
afin qu'elle soit séparée d'eux. Elle ne fait pas partie de la forme de
l'âme vitale au point qu'elle soit nécessaire à l'être vivant, comme
l'âme vitale est nécessaire au corps : mais elle est donnée par Dieu,
elle provient des cieux. C'est pourquoi lorsqu'elle est séparée de la
matière qui est composée d'éléments et que l'âme vitale est anéantie
parce qu'elle n'existe que dans un corps et qu'elle a besoin d'un corps
pour toutes ses actions, cette forme n'est pas retranchée, parce qu'elle
n'a pas besoin de l'âme vitale pour agir. Mais elle connaît et atteint les
connaissances immatérielles parce qu'elle connaît le créateur de toutes
choses et existe dans une éternité sans fin. C'est ce que dit Salomon
dans sa sagesse.11)
« Que la poussière retourne à la poussière, redevenant ce qu'elle était, et que l'esprit
remonte à Dieu qui l'a donné.»

L'eschatologie populaire ne conçoit la survie, la résurrection sans le


corps. C'est dans, et par le corps que la résurrection est possible ... A
cette fin, la plupart des pratiques funéraires se proposent de cacher aux
vivants la pourriture des corps ou de les empêcher de pourrir. On cache la
réalité pour que le mort puisse survivre dans l'imaginaire des vivants. Un
commentaire du livre du Zohar présente comme suit cette résurrection
(1) :<< Rabbi Hivya ((Zohar 11.28a) dit:

« Viens et vois ! La baguette d' Aharon n'est que du bois sec et il a suffi d'un court
instant pour qu'elle se métamorphosât en une créature animée d'un souffle de vie .. ».

Rabbi Eléazar dit :


« Que soit retranché le souffle de ceux que le Saint, béni soit-il, ne ressuscitera pas
les morts dans le futur, et qu'il est impossible qu'il puisse en faire des créatures
nouvelles ! Que ces sots, éloignés de la Tora et du Saint, béni soit-il, viennent et
voient! Entre les mains d'Aaron était une baguette de bois mort et le Saint, béni soit-

39
il, en a fait une créature étrange avec un souffle et un corps. Et, de ces corps
qu'habitaient des âmes saintes et des souffles vivants, qui observaient les préceptes
de la Loi et se consacraient jour et nuit à son étude et que Dieu a enfouis dans la
poussière (de la terre), Dieu n'en ferait-Il pas, à fortiori, des créatures nouvelles
quand le monde sera plongé dans l'allégresse?».

Rabbi Hiyya précise : « c'est le même corps qui a été enterré et qui se
lèvera. C'est ce qu'il faut déduire de ce texte :
« Tes morts revivront, tes cadavres se relèveront. » (Isaïe26, 19)
Il n'est pas écrit "seront recréés", mais "revivront". Du corps du
cadavre subsiste dans la terre, un trognon dur, un os imputrescible et
inaltérable à jamais. Au temps de la résurrection, le Saint, béni soit-il,
l'attendrira, le ramollira ; il en fera le levain de la pâte ; il lèvera et
s'étendra, se répandra aux quatre coins ; de lui se reconstituera le corps
et ses organes ; le Saint, béni soit-il, y placera ensuite le souffle (de
vie).
Rabbi Eléazar confirme qu'il en sera ainsi :

« Viens et vois ! Par quoi cet os sera-t-il ramolli? - Par la rosée, ainsi qu'il est
écrit :" Car c'est une rose de lumière que ta rosée!" ». (Isaïe,26, 19.)

Le midrash ha-néélam (Zohar l,,173a) dit que cet os essentiel de la


colonne vertébrale qui porte le nom de Betriel rama'a (allusion à
Betu'el l'araméen, père de Ribqah, l'épouse du patriarche Isaac
(Genèse 25,20) est un os fraudeur, trompeur (garma rama'a); s'il
demeure indestructible dans la tombe c'est qu'il ne se nourrit pas
d'aliments comme les autres os qu'il est le principe, l'essence du corps
humain qui se reconstruit à partir de lui ... Dans Zohar I, 69\ à propos
de cet os : « lorsque le temps viendra où Dieu voudra ressusciter les
morts, ceux-là qui se trouvent (inhumés) en terres étrangères, il
recréera leurs corps comme il convient. Du cadavre de chacun d'eux,
subsiste, en effet, en terre, un os indestructible qui opère comme le
levain dans la pâte, et c'est à partir de cet os que Dieu ne leur rendra
leurs âmes qu'en Terre d'Israël, ainsi qu'il est écrit:

« J'ouvrirai vos tombes et je vous ferai monter de vos tombes, ô mon peuple ! Et je
vous ramènerai au sol d'Israël» (Ezéchiel 37 : 12-14)

40
3.9. La métempsychose. D'un corps mort vers un corps vivant.
C'est à partir du Livre de Job qu'il est fait mention de cette doctrine
d'après laquelle une même âme peut animer successivement plusieurs
corps, soit humains, soit animaux, voire même végétaux. (12)(13)
L'âme peut donc, en vertu de cette croyance, transmigrer du corps
mort vers un autre corps vivant.
Un commentaire du Sefer Bahir illustre ce phénomène de la
transmigration des âmes :
« Pourquoi tel juste est-il heureux et tel autre malheureux ?
Celui-ci s'était conduit comme un homme méchant dans le passé : aussi en est-il
puni à présent.
Punit-on un homme pour les fautes commises au temps de sa jeunesse ? »
Rabbi Simon dit que le tribunal céleste n'inflige de punition qu''à ceux qui, au
moment de pécher, sont âgés de plus de vingt ans (T.B, Shabbat 89b)
Il leur dit: Moi, je ne parle pas de la même vie. Je parle de celle qui était déjà dans
le passé. Ses disciples dirent : « Jusques qu' à quand vas-tu voiler tes paroles ?
Il leur répondit: Venez et voyez. Ceci se compare à un homme qui, ayant planté une
vigne dans son jardin, espérait qu'elle produirait des raisins, mais elle produisit du
verjus. Voyant qu'elle n'avait pas réussi, il la replanta, mit une clôture autour d'elle,
répara toutes les brèches et débarrassa les raisins des lambrusques.
Jusqu'à quand fit-il cette besogne ?
Il répondit : Jusqu'à mille générations, car il est écrit :
« La parole qu'Il a imposée à mille générations ». (Ps. 105, 8

C'est ce qu'on a dit (TB. Hagigah 136): neuf cent soixante quatorze
générations ont manqué. Alors le Saint Béni soit-il, se leva et les
planta dans chaque génération (14). La Tora fut donnée à la 26ème
génération à compter d'Adam, comme on le dit dans le Seder Olam,
chap.I, alors qu'elle aurait du être promulguée, selon l"interprétation
talmudique du Ps. 105 :8, dans la millième génération. (974
générations ne vinrent donc pas au monde).
Un autre commentaire extrait du Livre du Zohar décrit la doctrine de
la métempsychose en se référant au passage de Job.
L'ami de Job, Elihou, lui oppose cette réplique :

« ravais péché, violé le droit, mais lui (Dieu) ne s'est pas conduit comme moi. Il a
racheté mon existence au bord de la fosse et ma vie contemplera la lumière !
Vois, tout cela Dieu l'accomplit, deux fois, trois fois pour l'homme, pour retirer son
existence de la fosse, pour l'illuminer de la lumière des vivants».
(Job 33 : 27 - 30).

Il résulte de ce qm précède que les réincarnations suivent le


modèle indiqué dans le Décalogue, qui traite également de la

41
justice immanente de Dieu (3), à savoir que Dieu poursuit la faute des
pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième générations,
pour ceux qui me haïssent, et exerce la bienfaisance jusqu'à la
millième, pour ceux qui m'aiment et observent Mes commandements.
En effet, la réincarnation se poursuit trois ou quatre fois sur ceux qui
haïssent Dieu, et jusqu'à la millième génération pour ceux qui aiment
Dieu.Car la valeur numérique de ( gilgul) est égale à celle du mot (
hesed) soit 72. Cette transmigration peut être considérée comme une
épreuve purificatrice dans cet enchainement des causes et des effets
que l'on appelle la roue du Karma. Les Vedantins répondent que
l'oubli des fautes passées est relatif à la mémoire superficielle, tandis
que la responsabilité morale est une charge beaucoup plus profonde
cachée dans l'inconscient, mais d'autant plus effective, fut-ce à notre
insu. Ils considèrent que l'âme, qui n'est pas la forme du corps, est
prisonnière des lois naturelles et de la causalité, dont elle tend à se
libérer ( 15)

Dans la tradition juive, l'âme pensante, qui est immortelle, est à même
d'assumer successivement des corps différents et de subir des
châtiments ou des purifications en de nouvelles incarnations, avant
de pouvoir s'unir à nouveau à l'âme universelle. Le Zohar emploie,
pour illustrer l'idée de l'union finale avec l'âme universelle, l'image
suivante tirée de l'Eccl. 1,6 et 7: « L'esprit progresse en évoluant
toujours et repasse par les mêmes circuits. Tous les fleuves vont à la
mer, et la mer n'en est pas remplie».
De même en est-il de la transmigration de l'âme : elle finit par se
retrouver dans l'océan qui représente l'âme universelle (16).
Dans un texte du Zohar (Zohar Il, 99b, 100b) la doctrine de la
métempsychose est rappelée à propos du lévirat ou yibbum. Cette loi
du droit hébraïque fut parfois appliquée dans les communautés Juives
d'Afrique du Nord (17). Son origine très ancienne remonte à la
Genèse : Juda ordonna à son second fils d'épouser la veuve de son
frère mort sans laisser de descendance.

« Quand deux frères demeurent ensemble et que l'un d'eux mourra sans enfants, la
veuve n'aura pas le droit de se remarier à un étranger. Son beau-frère la prendra pour
femme en vertu du lévirat. Le premier enfant qui naitra portera le nom du père du
mort, afin que ce nom soit perpétué». (Deutéronome, 25 : 5)

42
Selon le Zohar, l'âme du défunt se réincarne dans le corps du fils du
frère, qui a épousé sa veuve .L'esprit qui quitte ce monde sans avoir procréé,
sans avoir laissé de progéniture subit un gilgul, une transmigration éternelle. Il erre
sans répit, tournoyant comme "la pierre dans la poche de la fronde"(l Samuel 25 :
29) jusqu'au moment où il trouvera le" rédempteur" qui le "ranimera" et le ramènera
au même "vase" dont il se servait de son vivant et auquel il était attaché de tout son
souffle et de toute son âme, son partenaire dans la vie dans l'union d'un souffle avec
un autre souffle... »
Le Tout-Puissant ne laisse rien se dégrader et s'anéantir. L'haleine de
la bouche de l'homme elle-même à sa place, et un lieu où elle se pose.
Le Saint, Béni soit-il,, en dispose selon sa volonté. La parole et le son
de la voix aussi ne sont pas choses vaines ; ils suivent le destin qui
leur est imparti. Le corps "rebâti", racheté à la porte duyibbum, lévirat
émergeant en ce monde en tant que nouvelle créature, n'a pas de
partenaire (femme). Il l'a perdue. Elle est devenue sa mère, et son frère
est désormais son père (sic)." (Zohar II, 99b/100b).

1. Il rédigea un nombre considérable de commentaires traditionnels et kabbalistiques, dont


voici quelques titres:" Or Hammah, Jerusalem1876; Przemysl, 1898 ;Zohar Hammah,
Venise, 1655; Przemyad: 1882-1883 ;Or ha-lebanah, Przemyal, 1898 -,Hesed le Abraham,
Sulzbach, 1695, Amsterdam, 1685, Wilna, 1887.
2. H.ZAFRANI - op. cit. pp.241/242.
3. Il s'agit des jours de lundi et jeudi, réputés néfastes dans la littératurekabbalistique.
4) Cité par R. GRAVES-R.PATAI, P.64.
5. Les sept terres sont Eres, Adama, Harabha, Yabbasha, Arad, Tebhel et Heled.
6. Ilid. Konen, 27-31. Cité par R. Graves et R.Patai p.54. (7) HenochIII-IX.Cité par Graves et
Pataï,Les mythes hébreux,p.64
7. HenochIII-IX.Cité par Graves et Pataï,Les mythes hébreux,p.5
8. Beth Ha Midrasch. Ed. par Adolph JELLINEK.6 vol., Leipzig, 1853-1877.Jérusalem.1938.
Recueil de 100 midrashim mineurs PP.28/30 , 48/50. Cité par R. GRAVES, R. PATOU pp.
88/89.
9. BateMidrashot i. 284-85. Cité par Graves et Pataï, p.89
10. Voir Michné Tora - Livre de la connaissance - Règles des fondements de la Tora, chap.
IV, règle 9, p.22.
11. Eccl.12,7 - Cf Guide, 1ère partie, Chap. 41, p.146
12. LALANDE ANDRE - VOCABULAIRE TECHNIQUE ET CRITIQUE DE LA
PHILOSOPHIE - Paris, PUF, 1951, page 623.
13. Dans le judaïsme, la métempsychose ne concerne que des corps humains.
14. Le Bahir, P.146/147, ch.195. Edition Verdier.
15. HUBERT LARCHER - BULLETIN DE LA SOCIETE DE THANATOLOGIE - Bulletin
de 81/82, p. 47 / 48.
16. E. MUNK-Ibid
17. A. ZAGOURI-PRECISDE DROIT HEBRAIQUE UNIVERSEL-Tanger, 1969.

43
Deuxième partie

LES CROYANCES MAGIQUES

45
CHAPITRE 1
La magie juive

1.1.La tradition magique


Comme pour les catholiques chez qui la pratique religieuse est
minime, la pérennité des croyances ne s'exprime plus par la pratique
religieuse mais par des coutumes et par des traditions.
Pour les familles séfarades arrivées à partir des années 1960, la
relation avec la superstition et la magie était différente de celle de la
plupart des juifs ashkénazes. Qu'il soit religieux ou non selon la
croyance traditionnelle, Dieu règne sur un monde peuplé de nombreux
êtres invisibles et puissants : Satan ou l'ange de la mort, les démons,
les anges et les morts. Les talismans, les amulettes prophylactiques,
les objets apotropaïques, les rabbins intercesseurs, les pèlerinages sur
les tombes des saints juifs sont encore destinés à protéger les êtres les
plus fragiles (les accouchées, les nouveau-nés, les enfants et les
malades). Toute cette intimité avec les croyances et pratiques
magiques étaient commune à la culture musulmane. Transplantés de
l'autre côté de la Méditerranée, les juifs du Maghreb ont apportés avec
eux toutes ses coutumes. C'est ainsi que peut s'expliquer l'importance
de la place occupée, même dans les milieux très sécularisés, de ce type
de croyances et de pratiques. Le problème que l'on rencontre lorsqu'
on étudie « la magie juive» concerne la définition de son champ
d'investigation. Si la magie est universelle, elle est toujours rangée
dans la même catégorie, le même paradigme « magie et
superstition». Ainsi divers chercheurs ont traité de la magie dans ce
sens. Par exemple, Trachtenberg (1963) «Jewish Magic and
superstition», ou Zafrani (1986) « Kabbale vie mystique et
magie »Au moyen -Âge, la magie était une théorie étiologique
rendant compte de la maladie, de la mort et du malheur. De nos jours,
l'usage de la magie est quasiment universel. La majorité des habitants
de la planète recourent aussi à des techniques thérapeutiques
traditionnelles telles que guérisseurs, voyants, chamanisnes etc. La
population juive n'échappe pas à toutes ces pratiques. En France, en
Israël, aux USA, il y a toujours, comme nous l'avons constaté, une
clientèle consommatrice juive et non- juive de pratiques magiques.
Pour expliquer l'efficacité de ces pratiques, de nombreuses
interprétations ont été formulées :

47
- à la croyance du patient et de son environnement, alors que toutes les
observations et enquêtes indiquent que le patient n'y croit pas plus que
ça.
- à une efficacité symbolique qui tiendrait au fait que le consultant
rend conforme au mythe et aux énoncés culturels une souffrance
individuelle.
- aux effets de transfert de type hypnotique
- à la suggestion
Les définitions de la magie sont multiples, mais aucune n'est
pleinement satisfaisante.
Nous retiendrons celle de Frazer, qui considère la magie comme une
tentative de contrôle direct de l'homme sur les forces de la nature. Il
l' oppose à la religion basée sur l'appropriation de ses forces naturelles
et divines.
A la différence de la religion, la magie est contraignante, pour le
moins dans ses formules si ce n ' est dans intentions. Elle est donc
avant tout une entreprise pratique devant permettre à l'homme de
sum1onter les difficultés de la vie quotidienne.
A l'origine, la magie est avant tout une création collective.
L'imagination de la communauté tout entière y contribue et y
travaille, car les besoins qui déte1minent la naissance de la magie sont
avant tout des besoins collectifs. Le mag1c1en n'existe
individuellement que parce que ses adeptes sollicitent et attendent ses
actes magiques dans un état d'excitabilité prédisposé.
Nous ne croyons pas à l'explication, vraiment par trop simpliste, de la
magie par la supercherie. Sans doute l' imposture a-t-elle souvent joué
un rôle non négligeable en la matière, mais il convient d'abord de
souligner qu'entre fraude et etTeur, tout un éventail de transitions est
envisageable. De même, il n'est plus possible de faire état de
l'explication voltairienne suivant laquelle les magiciens et les prêtres
auraient inventé la magie et la religion pour exploiter
le peuple. On peut arguer du fait que la religion, tout en proscrivant
la magie et en proclamant en même sa réalité, a le plus contribué à la
constituer en un corps de doctrines et en une sorte de science. On peut
illustrer ce point d'un exemple célèbre : on sait comment les procès de
sorcellerie ont renforcé celle-ci et comment l'inquisition a contribué
en définitive et bien malgré elle à propager les pratiques qu'elle
condamnait. Marcel Mauss avait remarqué que, même si elles
comportent des thématiques voisines, religion et magie s'opposent
radicalement quant à leurs buts. La religion se base sur les rapports

48
possibles entre les hommes et Dieu et qu' elle lui attribue toute la
puissance.
L'homme atteindra Dieu soit directement par la prière ou d'autres
manifestations culturelles, soit par l'intermédiaire du rabbin.
La magie au contraire se sert du divin pour obtenir des avantages
terrestres, matériels et de prestige. Elle affirme la toute-puissance de
l'homme qui peut, à travers des actes symboliques et irrationnels, plier
les évènements à sa volonté : les pratiques magiques ont pour but de
modifier l'ordre prévu des choses par des miracles que l'intéressé ne
peut pas ou ne veut pas demander par des actes religieux.
La magie couvre un domaine bien plus étendu que la religion. C' est
pourquoi elle a été suivie par des masses qui croyaient qu'elle
procurait un supplément de protection là où d'autres moyens étaient
restés impuissants. Les maladies incurables, par exemple, dépendaient
du domaine de la magie, seule capable de les soigner.
Cette différence qui existe traditionnellement entre magie et religion
n'existe pas telle que nous l'avons constatée dans le judaïsme, car la
magie, loin de nier la puissance divine, l'exalte, la vénère par l'emploi
d'incantations, de versets ou de psaumes. Ce n'est pas l'homme qui
peut, au travers d'actes symboliques et irrationnels, plier le cours des
événements à son gré, mais Dieu ou son intercesseur le rabbin.
En analysant un peu plus profondément, on ne peut manquer
d'être frappé par les analogies entre le fonctionnement médical
et le fonctionnement magique. Voici quelques rites magiques
assez significatifs dont Marcel Mauss 1a décrit certains caractères,
spécifiques qui s'appliquent au fonctionnement médical:
- ce sont des faits de tradition, des actes répétés auxquels la
croyance du groupe social est absolument nécessaire.
-ces rites magiques doivent être efficaces et produire des effets ;
-l'action magique doit pouvoir être prédite : le médecin prévient le
malade des effets attendus du médicament et de ses effets secondaires.
-l'action magique s'appuie sur une représentation homologique du
fonctionnement psychique et physique, c'est à dire l'idée que l' on se
fait de l'action médicamenteuse : à tel médicament correspond telle
action sur tel symptôme : angoisse-tranquillisant, excitation-
neuroleptique, dépression- antidépresseur.
Les deux points suivants nous éclairent davantage.
Les actes magiques ont toujours une double face bénéfique et
maléfique : le chaman a toujours partie liée avec les bons et les
mauvais génies et peut donc apporter le bien ou le mal.

49
De même, toute action pharmacologique présente ce double effet
bénéfique et maléfique, remède -poison avec des effets positifs et
négatifs. Cela est particulièrement net pour les psychotropes qui
polarisent ces deux actions pilule du bonheur et drogue/ calmant et
camisole chimique/ antidépresseur et dépersonnalisant ... Le pouvoir
magique comme le pouvoir thérapeutique renvoie toujours à plusieurs
explications causales. L'origine du pouvoir reste dans l'ombre, c'est
ce qui en fait la force . Souvent une des séries thérapeutiques cache
l'autre et inversement : le malade a-t-il été guéri par les incantations,
par le verset de la thora porte en talisman, par les fumigations ou des
décoctions de plantes ?
Il est de même bien difficile dans la psychiatrie quotidienne de
savoir si c'est la modification de traitement, l'interprétation
psychothérapique ou la venue de la mère qui ont entraîné une
amélioration symptomatique.
L'influence occidentale propose un type de médecine qui ne tient pas
compte du malade dans sa globalité. Le médecin s'attache à guérir une
maladie située dans le corps du patient : il s'agit là d'une action
ponctuelle dont le rôle est limité. Le guérisseur, tout au contraire, ne
fait pas seulement un acte empirique : il prendra sa décision après une
écoute attentive de celui qui vient le consulter. Son domaine d'action
dépasse de loin celui du médecin traditionnel incapable de trouver des
remèdes pour des situations spécifiques comme le chagrin d'amour,
une série de malheurs, un mari séduit par une autre, la sécheresse ...
Le sorcier prend une dimension universelle en ne traitant pas
uniquement le malade, mais aussi le milieu responsable de sa
pathologie, ce que le médecin prétendument scientifique et cartésien
ne conçoit même pas d'essayer.
Le guérisseur est universaliste car il intègre le malade dans son milieu.
Le cartésianisme, par essence, est un chemin qui mène à l'impasse. Il
met le doute à la base de la pensée et la pensée à la base de
l'existence. Ô ! Maudit doute qui obsède l'esprit du médecin, alors
que le guérisseur et sûr de lui et sait ! La magie oppose aux doutes
stériles la certitude subjective de sa supériorité. Si la magie religieuse
est tolérée dans la mesure où elle est exercée au nom de Dieu, la
magie noire ou sorcellerie est formellement interdite par les textes. La
sorcellerie comprend des pratiques strictement défendues (par
exemple envoûter son pire ennemi) qui correspondent à des
représentations collectives plus ou moins obligatoires. Ces pratiques
sont individuelles pour la plupart.

50
Comme la religion juive les réprouve, elles se pratiquent de manière
plus ou moins clandestine, raison pour laquelle elles ne seront pas
analysées dans ce présent ouvrage.

1.2. La magie juive est tolérée


En principe la loi telle qu'elle est énoncée dans les textes bibliques est
formelle : la magie est interdite.
Dans le livre des Nombres, chapitre23, verset 23
« Qu'on ne trouve chez toi personne qui pratique la divination .. , qui consulte un
esprit ou un oracle qui interroge les morts. »

Dans le livre du Lévitique chapitre 19, verset 31


« Ne vous tournez pas vers les nécromants (haovot) et vers les devins
(haidhonim),n'y recourez pas, car cela vous rendrait impurs (létam 'a) »

Dans le livre du Lévitique, chapitre 20, verset 6


« Celui qui se prostitue en pratiquant la divination (haovot) des esprits des morts, je me
retournerai contre lui et je le retrancherai du sein de son peuple. »

Toujours dans le livre du Lévitique, chapitre 20, verset 27


« Si un homme ou une femme s'adonnent à la divination (ov) ou recourent à un
devin (id'honi),ils seront mis à mort, on les lapidera, leur sang retombera sur eux ».

Dans le livre du Deutéronome, chapitre 18, verset 9 à 10


« Quand tu seras arrivé dans le pays que ton Dieu te donne, tu n' apprendras pas à
agir à la manière abominable de ces nations-là; il ne se trouvera chez toi personne
pour faire passer par le feu son fils ou sa fille, interroger les oracles, pratiquer
l'incantation, la magie (oumenahech), et la sorcellerie (oumékachef), et qui
interrogera les esprits des morts. (védorech el hamétime) ».

Dans le livre du prophète Jérémie, chapitre 21, verset 8 à 9


« Ne vous laissez pas abuser par les prophètes (néviihim) qui sont parmi vous ni par
vos devins et ne faîtes pas attention aux songes ( halomotékhem) que vous
avez .... c'est faux, ce qu'ils vous prophétisent en mon nom ; je ne les pas envoyés ».

Dans le code de lois juives (ChouldanAroukh), tome YoréDéa,


chapitre 179 alinéa 1 :
« il est interdit de consulter les astrologues ou les tirages au sort ».
Le judaïsme orthodoxe s'est toujours opposé à ces pratiques et usages.
Il considérait que le fait d'invoquer des Noms de Dieu déviait du strict
monothéisme.
C'est ainsi qu'au Moyen Age, de grandes figures de ce judaïsme
orthodoxe comme Rashi ou son petit fils Rabbi Tarn, Yehiel de Paris

51
ou Meir de Rothenburg se sont tenus à l'écart de toutes les pratiques
magiques et divinatoires.
Malgré ces interdictions scripturaires, des textes essentiellement
talmudiques attestent que déjà, à l'époque de la Mishna,( IIIè siècle),
la divination était d'usage courant.
Pour certains auteurs si la Kabbale spéculative (Kabbalah 'Jyunit) ne
posait pas de problème, en revanche la Kabbale pratique
(KabbalahMa 'asit) en posait (Meir b.Todros Halevi Aboulafia,
Jerohamb Meshullam, R .Eléazar de Worms).
Il existait une Kabbale pratique« pure » fidèle aux lois de la création
qui utilisait des noms de Dieu et des anges, et une Kabbale
pratique« impure », qui se répartissait en deux catégories :
•Celle des utilisateurs qui faisaient appel aux démons et qui
méritaient la mort selon la Bible.
•Celle de ceux qui ne faisaient pas appel aux démons mais à l'illusion
(ahizat ainayim)et pour lesquels était prévue une sanction moins
grave.
Cependant, l'usage de la magie était si répandu et populaire qu'il
devenait impossible d'empêcher la pratique dans ces sociétés juives.
La magie est un fait anthropologique aussi vieux que l'humanité elle-
même.
Elle se nourrit de l'angoisse des hommes.
Lors de l'antiquité, tous les peuples du Moyen-Orient pratiquaient la
magie. Malgré les exhortations des prophètes, les pratiques
divinatoires n'ont jamais été éradiquées au sein du monde juif.
Bien que l'objectif du judaïsme doit avoir consisté à éradiquer toutes
ces pratiques, celles-ci ont été maintenues chez les Juifs à toutes les
époques parce que les guides spirituels savaient que l'homme est
réticent à changer ses habitudes.
L'objectif était donc d'éloigner le peuple de toutes ces pratiques de
manière pédagogique.
Maïmonide s'exprime à ce propos dans le Guide de égarés: III, 29.
« Il n'eût pas été convenable d'exiger de renoncer complètement aux sacrifices. Le
faire eût semblé aussi impensable que si l'on exigeait aujourd'hui une religion de
pure méditation, sans culte, sans prière, sans aucune pratique. Le culte sacrificiel est
un pis-aller pour que le peuple ne sacrifie pas aux démons ou aux anges ».

Cette ambiguïté manifeste s'avère extrêmement intéressante dans


l'histoire de la philosophie juive. Maïmonide par exemple, bien qu'il
condamne ce type de pratique, explique cependant que certaines

52
coutumes possèdent une signification qui reste contingente et liée à
des événements historiques précis.
Il développe également que certaines pratiques représentent une sorte
de concession divine à la façon de penser d'une culture idolâtre,
concession ayant pour but, malgré cette base et à partir d'elle, de créer
une culture monothéiste. Ainsi, lorsque Dieu voulut édifier une
communauté monothéiste, il ne put changer en une nuit la mentalité
polythéiste en mentalité monothéiste. Il a fallu la conduire par étape
vers le monothéisme. Cette façon pour Dieu de s'adapter, de se
conformer et de se mêler au monde sans porter atteinte aux lois de la
nature se nomme pour Maïmonide, « sa ruse et sa sagesse».
L'idée maïmonidienne d'une « ruse et sagesse de Dieu» se rapproche
de celle de Hegel dans sa philosophie de l'histoire. Il analyse en
effet« la ruse de la raison » et montre comment la raison se sert des
besoins et des désirs des individus dans l'histoire pour atteindre ses
propres buts.Ces pratiques et coutumes (Minhag,plur. Minhaguim)se
sont donc imposées comme sources de droit pouvant entrer en
contradiction avec la loi divine.
C'est dans le Talmud que les références aux coutumes comme sources
de loi apparaissent les plus évidentes.
Dans la Tossefta (ter.3, 12), RabbiYehouda dit : « La loi (
Halaha)serait comme Beth Shammaî) mais la majorité des gens
agissent comme Beth Hillel »Seulement l'usage, le Minhag, s'est
imposé comme Loi.
Dans le traité du Talmud Berahot 54a, les sages confrontés à une
difficulté pour décider de la loi concluent : « sors et vois comment agit
le peuple»
Rabbi Rothenbourg (XIIIe siècle, Worms) pose un principe qui s'est
confirmé à travers les siècles « Pour tout sujet de loi (halahique ), la loi
doit aller dans le sens du Minhag »
A partir de ce principe de loi, l'un des bons résultats du judaïsme fut
d'avoir su canaliser avec sagesse une grande partie de la magie,
évitant ainsi l'horreur de cette« folie des sorciers».
L'emploi généralisé des noms de Dieu, des anges, des versets et des
psaumes reste une caractéristique de la magie telle qu'elle s'est
développée dans les communautés juives.

53
1.3. Le Sefer Ha-Razim (Livre des mystères)
Le Sefer Ha-Razim ou « Livre des mystères » est le plus ancien
ouvrage de magie juive qui nous soit parvenu (vers 500). C'est le livre
central de la Kabbale pratique ou magique (Kabbalah ma'asit).
D'autres noms ont été donnés au Sefer ha - Razim : Sefer Noah « le
Livre de Noé », Sefer ha Ma 'alot (le Livre des Degrés) et, à
l'inverse, le titre Sefer ha-Razim a été donné à d'autres ouvrages de
magie.
On sait que ce livre date de la fin de la période talmudique et aurait été
composé en Egypte ou en Palestine. De nombreux auteurs s'en sont
inspirés comme R .Eléazar de Worms (1165-1230) dans son livre
Sode Razaya (Secrets des Secrets).
Il a été récemment reconstitué à partir de documents de la Génizah du
Caire et d'autres sources par Mordehaï Margalioth, à Jérusalem en
1963.
Ajoutons ici que toutes nos références figurent dans la traduction de
Michael A. Morgan « The book of the Mysteries »,Chico California,
1983.
Dans sa forme le livre est divisé en sept chapitres dans lesquels sont
décrits les sept firmaments et les sept cohortes d'anges qui les
habitent. Chaque chapitre porte le nom de « firmament »
La structure des sept firmaments reflète la cosmologie des sept cieux
connue des cercles juifs à l'époque hellénistique.
Chaque firmament est dirigé par un archange (un surveillant
angélique) qui a de nombreux anges tutélaires comme« servants».
Les prières et incantations sont signalées par le chiffre du firmament
(en chiffre romain) et celui des lignes du texte (en chiffre arabe).
Le Sefer Ha- Razim utilise des centaines de noms d'anges qui sont,
pour la plupart, construits à partir de radicaux hébraïques et se
terminent par le suffixe EL (Dieu). Comme par exemple Aziel, Arbiel.
Chacun de ces anges portent des noms qui témoignent de leur fonction
déterminée.
Ainsi, l'ange Susi 'el est composé des mots sous (sus) cheval et el
(Dieu) soit« cheval de Dieu» (Firmament III, lignes 35 à 43)
Certains noms d'anges témoignent d'une origine étrangère comme
Dromi 'el qui dérive du Grec Dromos (course) et de l'hébreu El (Dieu)
soit « la course de Dieu »
On retrouve dans cet ouvrage de nombreux éléments de magie
d'origine grecque et égyptienne.

54
Un texte galiléen de magie juive du temps du Talmud fait référence au
Sefer Ha -Razim et au juif apostat Tiberius Alexande, neveu de Philon
d'Alexandrie qui vénère Hélios le Dieu grec du soleil.
De tels écrits aux yeux de la tradition rabbinique relèvent de l'hérésie.
Pourtant le livre a résisté aux interdits qui l'ont frappé. Il a continué à
exercer son action durant des siècles au sein de la société juive à cause
de l origine céleste qui lui est attribuée et à la chaîne des transmetteurs
illustres qui figurent en tête de son prologue.

« Parmi les livres des secrets c'est celui qui fut donné à Noé, fils de Lemekh, fils de
Metusshelah, fils de Hanokh, fils de Yered.. fils de Shet, fils de d'Adam ; il lui fut
transmis de la bouche de l'ange Razi' el. .. »

M. A. Morgan et M.Margalioth ont tous les deux recensé vingt-huit


sujets. Ces prières et incantations concernent des genres des plus
variés:
« Donner des insomnies à tes ennemis »
« Protéger un homme qui part à la guerre »
« Gagner une course de chevaux »
« Voir le soleil pendant la nuit »
« Pour savoir en quel mois tu quitteras ce monde »
(Firmament V ,page 73, lignes 5 à 40)
Ce sujet figure dans le cinquième firmament. A quelques exceptions
près, on retrouve pour les sept firmaments le plan suivant :
1. Une description du firmament et de son usage.
2. les noms des anges qui s'y réfèrent.
3. la description des anges et leur fonction.
4. le rituel à accomplir.
5. l'invocation à lire.
6. l'action finale à accomplir

VOICI CE CINQUIEME FIRMAMENT (traduction)


Description du firmament et de son usage
« Le cinquième firmament est magnifique en apparence, car on y trouve des nuages
de splendeur. Il est rempli d'anges majestueux .... Ils sont stationnés en troupes,
glorifiant celui qui les a gravés dans la flamme. Le bruit de leur course est comme le
fracas de la mer, et leur marche est une roue de tonnerre de 11 pouces. Là, en outre,
sont douze princes de gloire assis sur de magnifiques trônes. Ils divisent les cieux au
milieu en faisant face aux quatre directions du monde, trois par trois vers chaque
direction. Les anges courent quand ils les
envoient, et leurs rugissements secouent le monde. Des éclairs sortent de leur souffle
et ils ont des ailes de feu et sont couronnés de couronnes de feu. Le cinquième

SS
firmament brille de l'éclat de leurs visages. Ils sont en charge des douze mois de
l'année et comprennent ce qui se passera chaque mois, et sans eux rien ne peut
arriver, car ils ont été créés pour cela».

Liste des douze princes de gloire (anges)


Sapi 'el Daghi 'el Didnour Tanboun
Trourgar Mour'el Padroun Jldanag
Nadganour Mapni 'el Ahsandranous Braki 'el

Description des anges et de leurs fonctions


Ce sont eux qui sont en charge des douze mois de l'année, du mois de
Nisan au mois d' Adar, chacun dans son mois, comme il est écrit.
Si vous voulez savoir dans quel mois vous serez enlevé ou tout de ce
que vous voudrez savoir, demandez-leur et vous le saurez.

Rituel à accomplir
Si vous voulez savoir dans quel mois vous serez pris : prenez des
lamelles d'or raffinées et fabriquez-en douze papiers d'aluminium,
puis écrivez sur chacun d'eux le nom d'un ange et le nom de son
mois. Ensuite prenez une bonne huile qui a vieilli pendant sept ans et
jetez-y tous les morceaux et récitez cette adjuration sept fois sur
l'huile et dites :

L'invocation à réciter
« Je vous adjure, ô anges de sagesse et de compréhension, par Celui qui a parlé et
que le monde a vu le jour, sous le nom du Dieu de vérité, le majestueux et glorieux,
le roi fort et puissant. Dieu de toutes les créatures, Refuge des armées, juste, pur et
droit et digne de confiance, révèle-nous les mystères qui règnent sur la mort et la
vie. Je vous adjure de me faire connaître le mois où je serai pris, et de me dire mon
destin. Ensuite, mettez l'huile dans un nouveau récipient en verre et placez-le sous
les étoiles pendant sept nuits sans l'exposer au soleil. Et la septième nuit, levez-vous
au milieu de la nuit et voyez quel mois est écrit sur le morceau de papier
d'aluminium qui flotte à la surface de l'huile. Mais avant d'accomplir ce rite,
purifiez-vous pendant trois semaines, et gardez -vous de consommer de la viande de
petits animaux et de tout ce qui donne du sang (une fois abattu) même du poisson, et
ne buvez pas du vin, et ne vous approchez pas d'une femme , ne touchez pas une
tom be, méfiez-vous de la pollution nocturne, marchez dans l'humilité et la prière ,
rallongez vos prières et supplications».

L 'action finale
Après le rite, prenez l'huile et faites-y attention car elle a un grand
pouvoir de guérison.

56
Fabriquez une bague en argent purifié avec un grand espace creux à
l'intérieur. Cette bague par les vertus de l'huile qu'elle contient, te
protègera toi et ta maison du mauvais œil, des mauvais esprits et des
maladies. Prenez tous les morceaux de papier d' aluminium en disant:
« Jette mon sort pour moi »

Si vous souhaitez savoir ou comprendre ce qu'il adviendra pour


chacun, chaque année (Cf. Firmament I , lignes 90 à 105 du
seferha-razim)
On doit, au préalable, prendre un parchemin sacré, le découper,
l'aplanir et écrire ( en alphabet sacré) avec un mélange d'encre, de
myrrhe, toutes les possibilités séparément.
Prenez alors une nouvelle fiole, versez-y de l'huile de nard ou de la
valériane et placez le parchemin écrit à l'intérieur.
Posez la fiole sous le soleil avant qu'il ne se couche et
dites l'incantation ou prière suivante :
« Je t'adjure, 0 soleil qui luit sur la terre, au nom des anges qui accordent la
connaissance et la compréhension aux hommes, ainsi que la sagesse des secrets,
accorde-moi la demande que je t'envoie et fais-moi connaître ce que sera l'année.
Que rien ne me soit caché».
Cette incantation sera suivie d'une liste d'anges tutélaires.

Pour questionner un fantôme (nécromancie).« choelovv 'yiddoni »


Cf .Sefer ha-Razim Firmament I page 38 lignel 76.
Placez-vous devant une tombe et récitez les noms des anges du
cinquième camp, tout en tenant dans votre main une fiole neuve
contenant de l'huile et du miel mélangés, et dites :

« Je vous conjure, 0 esprit enseveli, qui demeurez parmi les tombes et les os du
défunt.
Acceptez de ma main cette offrande que je fais et apportez -moi l'esprit de (Nom),
fils de (Nom) qui est mort. Faites-le se lever afin qu'il me parle sans crainte me
raconte de véritables choses, sans dissimuler. Accordez-moi de ne pas être effrayé
par lui et qu'il lui soit permis de répondre à ma question. J'ai besoin de lui. »

Il doit apparaître. Si cela ne se produit pas, répétez l'invocation une


fois, puis une deuxième, jusqu'à la troisième.
Cette prière sera suivie par une liste d'anges tutélaires.

Pour parler avec les esprits. (nécromancie)« choel ov v'yiddoni »


(cf .Sefer ha-Razim, page39, ligne190)
Allez à l'endroit où il a été tué et appelez-le avec un chant gémissant:

57
« Je vous conjure, anges qui servez le cinquième camp et intendant Simour au-
dessus d'eux, d'écouter ma voix en cette occasion et de m'envoyer l'esprit de
Hagragatatat. Il m'accordera ce que je désire, et ira où je l'enverrai à chaque
fois. »Si vous apercevez face à vous une colonne de fumée, exprimez votre souhait
et envoyez-la où vous le désirez».

Noms des 34 anges qui servent Pasker dans le sixième camp:


Aziel-Arbiel- Taripone Pokbouss- Passtamar -Lineniel
Qéronidane - Shévaqdone -
Salvidam-Aamiel- Aoziel- Paniel- Tarmiel- H'ammiel- Tsarmiel-
Nimémouss-Nodniya- Béribé-
Zonénouss- H'asstoel- Sadriel- Armiel-Aadmone- Harmour- Tsafliel-
Safériel- Qéh 'aniel-
Shvakirié-Armoniss- Tofomous-Patsatsiel- H'atfiel- Parssoumone-
Nah 'aliel

1.4. Satan. (L'ange de la mort).


C'est dans la Bible (deutéronome R. 11, 10) qu'il est fait allusion à
l'armée des anges malfaisants et à leur commandant, Satan, qui
personnifie la méchanceté et la mort.
Dans le Talmud (TB Baba batra 16 a), il est écrit: « Satan, le jetser
Hara et l'ange de la mort ne font qu'un.» Cela indique que
l'impulsion du mal est une force immanente en chaque individu plutôt
qu'une influence extérieure. Elle explique aussi pourquoi Dieu permet
à Satan d'agir et ne le supprime pas : le «jetser Hara » fait partie
intégrante de la nature humaine sans laquelle notre race serait
promptement anéantie.
Satan remplit trois fonctions : il séduit les hommes, il les accuse
devant Dieu et leur inflige le châtiment de la mort (Berakhot, 16 a).
Perdre son ombre, rêver de parents et amis, voir en songe un rouleau
de la loi (sefer Torah) sont des signes avant-coureurs d'une mort
prochaine et annoncent l'entrée en scène de l'ange de la mort.
Dans Zohar I, 217b-218aon lit:

« Quand approche pour un homme les jours de sa mort, trente jours auparavant,
l'annonce de cet instant suprême est proclamée, criée de par le monde ; les oiseaux
du ciel eux-mêmes s'associent à ce cri, à cette proclamation.»

Les lettres comprises dans Ha-Satan (le Satan) ont pour valeur
numérique 374, ce qui veut dire que son pouvoir d'accusateur s'exerce

58
durant les 374jours de l'année, mais cesse le jour des expiations (TB
Yoma, 20 a).
Enfin, c'est Satan qui fait mourir, d'où ce surnom d'ange de la mort
qu'on lui connaît. Dans Zohar (I,217b-218a):

« Un jour, R. Isaac était assis à la porte de la maison de R. Juda, plongé dans une
profonde tristesse.
Qu'y a-t-il de particulier aujourd'hui ?
R.Isaac répondit: Je suis venu te demander trois choses: quand, étudiant la Torah, il
t'arrivera de citer certaines de mes paroles, tu devras les dire en mon nom et faire
mention de leur auteur; tu feras à mon fils la grâce de lui enseigner la Torah; tous
les sept jours, tu iras prier sur ma tombe.
R. Juda demande :« D' où tiens-tu que tu es sur le point de mourir ?
L' autre répondit:« Mon âme me quittait toutes ces dernières nuits sans que je fusse
illuminé par un rêve comme auparavant; bien plus encore, quand dans ma prière je
m'incline, je ne vois pas mon ombre sur le mur; c'est donc que le messager (Satan)
est sorti annoncer ma mort, car il est dit:» C'est par son ombre que l'homme
chemine (Psaume 36 : 7) ».

1.5. Les démons et la démone Lilith


Le Talmud de Babylone voit dans les démons mazikim chedim des
êtres intermédiaires entre l'homme et l'ange. Les Hébreux ont été au
contact de la civilisation chaldéenne après la première invasion du
royaume d'Israël en 730 avant notre ère puis après l'exil de la
population juive à Babylone en 586 av. J.C. Là, les Hébreux semblent
avoir emprunté et adopté les croyances et les nombreux traits de la
civilisation chaldéenne avec laquelle ils furent en
contact.
En Chaldée, la croyance attribuait toutes les maladies à l' œuvre de
démons aussi divers que variés. Ces derniers étant responsables de
tous les maux, il existait donc un état de fait: à Babylone et en
Assyrie, il n'existait pas de médecins au sens propre du terme. La
médecine n'y était pas considérée comme une science à l'image de la
Grèce, mais plutôt comme une branche de la magie.
Responsables de tous les malheurs, les démons ne constituaient pas
une masse homogène, mais se divisaient en plusieurs catégories dont
chacune possédait un champ d'action spécifique.
On recensait d'abord les démons actifs dont les pouvoirs engendraient
tous les maux. Venaient ensuite ceux qui, sans avoir une action aussi
directe, se manifestaient par des apparitions effrayantes : ces démons,
en étroit rapport avec les ombres des morts enfermés dans la terre,
correspondaient au Shéol

59
des anciens Hébreux. Dans cette catégorie s'illustraient les démons
des pollutions nocturnes : ils abusaient du sommeil du couple pour
soumettre à leurs embrasements l'homme ou la femme. En assyrien,
ils se nommaient Lil et Lilith, et Gelai et Kiel-Gelai en accadien.
La croyance en leur existence est fortement enracinée chez les
musulmans ainsi que chez les juifs d'Afrique du Nord, à tel point que
dès leur plus jeune âge les enfants sont élevés dans leurs craintes.
Appelés également « gens d'en bas », ce sont des êtres invisibles, en
général malfaisants et cruels, qui vivent en société dans le monde
souterrain et sont censés apporter toutes sortes de maladies comme la
vérole, la paralysie .... Ils sévissent dès la tombée de la nuit.
Tout mal inconnu ou nouveau, s'il n'est pas imputé au mauvais œil,
leur sera attribué. Ils peuvent changer d'apparence, se déplacer aux
quatre coins de la Terre et devenir invisibles.
Ils vivent en marge de la civilisation dans les puits etles déserts. Il est
Egalement recommandé de ne pas les offenser car leur pouvoir réside
dans leur aptitude à nuire aux humains. Le talmud de Babylone voit
dans les démons des êtres intermédiaires entre l'homme et l'ange : ils
peuvent changer d'apparence, se déplacer aux quatre coins de la terre
et devenir invisibles.

La démone Lilith

« Sache que tout ce qui est décidé, décrété En Haut fait l'objet d'une proclamation
solennelle. Cette proclamation n'est guère entendue. Elle s'y fraye un chemin dans
lequel passe et s'engouffre le messager céleste.
Sache qu'il y a des songes chargés d'annoncer, de prononcer le décret de mort
contre ces jeunes enfants ...Par Lilith, la démone qui tue les enfants non encore
parvenus à l'âge et au stade de la parole. Voici une invocation pour chasser Lilith du
lit nuptial (Zohar III, 19 •) « Rabbi Shimon commença ainsi son discours : « Vous,
femmes insouciantes, levez - vous, écoutez ma voix» (Isaïe32 : 9) Des profondeurs
du plus grand des abîmes se manifeste une démone impétueuse, esprit des esprits,
Lilith est son nom .
... . « Quand, dans les temps à venir, le Saint Béni-soit il détruira Rome, il remontera
Lilith du fond de l'océan et l'installera dans les ruines éternelles de la cité impie,
ainsi qu'est écrit: « C'est là assurément que Lilith se tiendra tranquille et qu'elle
trouvera le repos». (Isaïe 34 : 14)

Dans les maisons juives, la « feuille de la parturiente », la Shemirah


porte un grand nombre d'inscriptions magico-religieuses destinées à
mettre la mère et l'enfant sous la protection de Dieu et à écarter les

60
mauvais gemes et en particulier la démone Lilith. Lilith n'est
mentionnée qu'une fois dans la Bible :

« Les chats sauvages y rencontreront les hyènes, les satyres s'y répondront. Et là
aussi s'installera Lilith • elle y trouvera le repos.» (Isaïe 34 : 14)

Dans la pensée hébraïque, les démons demeurent les envoyés de


Dieu ; ce sont des porteurs de maladies et de calamités qui hantent les
régions désertiques et les environs des tombeaux où ils vont se
réincarner en bêtes sauvages et dangereuses. Dans cette optique, toute
une faune relevant de la mythologie populaire représente le démon
Lilith. Elle apparaît parmi les chacals, les filles de l'autruche, les
vautours et la chouette. C'est sous cette dernière forme que Lilith est
décrite dans les dictionnaires d'hébreu moderne. Dans le Talmud et le
Zohar, Lilith représente un agent démoniaque porteur de calamités.
Voici quelques-unes des caractéristiques majeures qui lui sont
attribuées.
• Un démon femelle à face de femme dotée d'ailes et portant de
longs cheveux » ainsi la reconnaissent divers passages du
Talmud qui parlent d'un « un fœtus ailé comme Lilith » (Nidd.
24 b ), ou encore d'une femme « qui laisse pousser ses cheveux
comme Lilith » (Emb .100 b ).
• Un démon nocturne qui erre la nuit à travers le monde « et qui,
se présentant sous des dizaines de noms, rend visite aux
femmes en couches et s'efforce d'étrangler leur enfant
nouveau-né. » On raconte l'histoire du prophète Elijah
rencontrant sur son chemin Lilith qui se rendait à la maison
d'une jeune accouchée « pour lui faire présent de son sommeil
mortel, s'emparer de l'enfant et boires son sang, aspirer la
moelle de ses os et manger sa chair». Ce caractère
d'étrangleuse d'enfants est attesté dans un midrash: « Lorsque
Lilith ne trouve pas de nouveau ~né à dévorer, elle se retourne
contre les siens propres. »
• Un démon qui s'attaque aux hommes.
Lilith est par excellence la profanatrice de la semence humaine. Dans
la nuit, malheur à l'homme qui porte son désir sur Lilith ! Elle
s'emparera de lui, dit le Talmud (Sheb.151 b). Le Zohar traite ce
monstre séducteur de prostituée, de maudite, de fausse. Non satisfaite
de provoquer l'homme en vue de pratiques sexuelles illicites, Lilith
s'efforce également de prendre la place de l'épouse légitime. C'est

61
pourquoi un rituel et des incantations appropriées sont recommandés
par le Zohar (III, 19) afin d'éloigner Lilith du lit conjugal : « Pendant
l'heure où l'homme s'unit à sa femme, il doit diriger ses pensées vers
la sainteté du Seigneur et dire : « Dans un doux vêtement de velours,
es-tu ici ? arrête, arrête, n'entre pas et ne sors pas !Rien de toi et rien
de toi ! « . Alors il doit pendant quelque temps couvrir sa tête et celle
de sa femme de linges, et plus tard, arroser son lit d'eau
claire. Comme le fait remarquer C.G. Scholem, ce geste rituel rappelle
que le véritable domicile de Lilith se trouve dans les profondeurs de la
mer, car la séductrice n'est pas sans parenté avec les sirènes. On
comprendra que toutes les précautions soient prises vis-à-vis d'un
personnage aussi funeste
« Quand l'homme s'unit d'union conjugale à son épouse, il doit concentrer son cœur
sur la sainteté de son Maître et réciter cette incantation: » Celle qu'enveloppe un
drap est ici présente. Demeure, demeure à ta place! N'entre pas; n'en sors rien.
Rien, ici, n'est à toi, rien ne t'appartient! Retourne, retourne chez toi! La mer est
agitée, ses vagues t'appellent...Il est dit qu'après l'acte conjugal, l'homme doit
verser de l'eau limpide autour de son lit. C'est une protection contre toutes sortes de
charmes et de sortilèges.»
Ainsi la pratique de protéger les femmes enceintes et les nouveaux -
nés par les amulettes fixées aux quatre murs de la chambre et au-
dessus du lit est très répandue. Ces amulettes tirent leur pouvoir
apotropaïque de l'inscription du nom redouté, ou encore la
représentation de Lilith elle-même, « de sa silhouette, de ses ailes, de
ses mains et de ses jambes ».Deux psaumes, le 121 et le 126, sont
utilisés pour conjurer les effets néfastes de Lilith. La tradition veut
également que l'on écarte Lilith par des lectures pieuses pendant la
veillée nocturne précédant la circoncision des bébés mâles.

1.6. « Le mauvais œil » (ayn ha-ra.) Dans le judaïsme, croire au


mauvais œil est confirmé dans la Bible et dans le Talmud. Le terme
de« mauvais œil » associe deux significations distinctes : l'envie et
l'éclat.
L'envie.
La première acception n'est autre que « l'envie » ou « disposition
contraire à la générosité". » Dans une description de tout ce qui
caractérise la famine, on lit :
« L'homme le plus délicat d'entre vous, le plus habitué à la mollesse aura un œil
mauvais envers son frère, envers la femme qui repose sur son sein, envers ceux de
ses enfants qu'il aura épargnés; il ne donnera à aucun d'eux la chair de ses (autres)
enfants dont il fera sa nourriture» (Deut.28-54)

62
Il s'agit donc ici de l'avidité. De même, dans les Proverbes (28-22): «
l'homme qui a le mauvais œil a hâte de s'enrichir »L'absence de
générosité apparaît dans les proverbes (23-6) : « ne mange pas le pain
de celui qui a mauvais œil » C'est le contraire qui exprime « l'œil
bon», dans les proverbes 22-9 par exemple : « celui qui a un œil
bienfaisant (bon) sera béni. » Illustration en est faite tout au long du
traité d' a both :
2-16 : « l'œil mauvais (l'envie), l'inclinaison mauvaise et la haine du
prochain mettent un homme hors du monde »
5-16: « à l'égard de l'aumône, quatre dispositions sont possibles: il y
a celui qui désire donner, mais à qui les autres ne donnent pas, son œil
est mauvais envers ce qui appartient à autrui ;il y a celui qui désire que
les autres donnent, mais ne veut pas donner lui-même, son œil est
mauvais envers ce qu'il possède; celui qui donne et qui désire que les
autres donnent est un saint ; celui qui ne donne pas et qui désire que
les autres s'en abstiennent aussi est un méchant »
5-22 : «Un bon œil, un esprit humble et un caractère modeste, voilà le
propre des disciples d'Abraham notre père». La jalousie et l'avidité
produisent la malveillance envers celui qui en est l'objet. Elles lui font
souhaiter du malheur. Cet espoir sinistre se concentre habituellement
dans un regard de haine, d'où le terme « le mauvais œil ». On le
redoute car l'on croit que, par le biais de ce regard méchant les maux
vont frapper la victime qu'il vise. La jalousie et l'avidité produisent la
malveillance envers celui qui en est l'objet. Elles lui font souhaiter du
malheur. Cet espoir sinistre se concentre habituellement dans un
regard de haine, d'où le terme « le mauvais œil ». On le redoute car
l'on croit que, par le biais de ce regard méchant, tes maux vont frapper
de la victime qu'il vise.
En Afrique du Nord le mauvais œil est cause, dit-on, de la mort
d'une moitié de l'humanité : il vide les maisons et remplit les tombes.
Les vieilles femmes et les jeunes mariées sont réputées avoir le
mauvais œil ; par contre le nourrisson, les enfants en bas-âge,
les accouchées et les jeunes mamans y sont particulièrement sensibles.
Pour protéger l'enfant contre leayin ha-ratu mettras la main sur ses
yeux et tu diras :
« Je vous conjure, vous, anges sacrés, qui avez sauvé Joseph le juste de l'œil
funeste, sur le Mont sacré et toi, Palti'el, ange de la délivrance, délivre cet enfant du
mauvais œil, car il est de la descendance de Joseph. »
Pour s'en préserver, on écarte les cinq doigts de la main droite en
prononçant les paroles suivantes " cinq dans ton œil" ou " cinq pour

63
ton œil". Pour éviter un danger pouvant découler d'un compliment ou
d'un signe d'admiration, on s'arrange pour prononcer un nombre
contenant un cinq : quinze, cinquante... ou même cinq directement. Le
chiffre cinq devient ainsi un charme en lui-même : c'est pourquoi le
Jeudi, cinquième jour de la semaine, est sous le signe d'une protection
efficace. La terreur du mauvais œil a jadis sévi universellement mais
n'a pas encore disparu, tant dans des milieux cultivés que non cultivés.
Cette croyance a survécu au temps, résistant à la modernité et au
déclin des religions. Il n'est pas surprenant d'en trouver des traces très
nettes dans le folklore du Talmud.
Lorsque nous exprimons de l'admiration ou des compliments c' est
l'envie sous-jacente qui est, en fait mal perçue et qui a des effets
négatifs.
Lorsque nous exprimons des compliments c'est aussi le degré de
convoitises qui est associé à cette admiration et qui provoque son
caractère potentiellement négatif.
Il convient dès lors de distinguer l'envie de l'admiration et d'un autre
sentiment mêlé, la jalousie. (Alberoni, 1995, p. 13).
Celui qui éprouve l'envie souffre, sans toutefois accuser l'autre car il
n'a aucun comportement agressif envers lui. Il n'est pas en
compétition avec lui. Dans la jalousie, l'autre est perçu comme un
rival. L'autre, le rival vient nous enlever notre objet d'amour. Dans
l'envie selon Albinoni nous souffrons par une comparaison négative.
Nous sommes blessés par la comparaison avec autrui. S'ensuit une
agressivité dirigée vers l'objet de comparaison et qui peut prendre
plusieurs formes, par exemple la médisance, la critique. Enfin
intervient la condamnation sociale car il est mal vu d'envier.
À la lumière de ce qui précède, le mauvais œil est pour la société une
façon de « gérer » l'envie et gérer de manière préventive la violence
qui pourrait en découler.
René Girard,2001,p.J 8, suggère l'idée que les relations entre les
hommes et le monde sont régies par un mécanisme d'imitation« le
désir mimétique ».
Cette théorie mimétique peut s'illustrer de la manière suivante : nous
avons une personne A qui désire ce que son prochain B possède. Ce
dernier prend alors conscience de la valeur de son objet et ne laissera
pas l'autre s'en emparer il entend le conserver envers et contre le désir
de l'autre. Girard nous dit que neuf fois sur dix, le désir ne se
déplacera pas vers un autre objet et qu'il ne se résignera pas : il va
imiter inconsciemment son modèle B. Cette imitation de désir,

64
phénomène primitif à tous les hommes, engendre la rivalité qui à son
tour engendre le mimétisme. En imitant le désir de B, la personne A
donne à son rival B l'impression qu'il a de bonnes raisons de désirer
ce qu'il désire, de posséder ce qu'il possède.
De ce fait, l'intensité du désir de B redouble, nous avons donc un
double mimétisme.
Girard prend l'exemple d'un homme qui désire l'épouse d'un autre.
Cet autre avait peut-être cessé de désirer sa femme depuis longtemps,
mais au contact du désir vivant de cet homme, son plaisir à lui reprend
vie.
Girard,2001,p.18, établit que dès que nous désirons (l'envie) ce que
notre prochain possède, la rivalité entre lui et nous est inévitable et
peut déboucher sur la violence.
Quant à l'origine des malheurs qui surviennent la divination aura pour
but de démasquer le coupable. Ceci est pour Girard le moyen le plus
efficace de gérer l'envie et la violence qui pourraient en découler.

L'éclat
La seconde affirmation talmudique est claire: l'éclat d'un œil peut
avoir des effets funestes. Ceci provient d'une vieille croyance antique
qui attribuait à l'oeil le pouvoir d'émettre un rayonnement de lumière.
Ce pouvoir revenait spécialement aux rabbins :
« Là où les sages dirigent leurs regards, il y a mort ou calamité quelconque
" (Khag. Sb).
Nous avons eu connaissance d'une anecdote selon laquelle un incendie
éclatait partout où s'étaient posés les yeux de rabbi Siméon Bar-Y ohaï.
On en disait autant du rabbi Eliezer (B.m 59b ). Le regard de plusieurs
rabbins passe pour avoir transformé en un tas de pierres l'individu qui
les offensait (Chah. 34a -B. b. 75 a).
L'un de ceux qui exerçaient ce pouvoir était même aveugle : c'était le
rabbin Chechet (Ber. 588). Un autre conte de ce genre concerne le
rabbin Juda.
« Lorsqu'il vit deux hommes se jeter des morceaux de pain, il s'exclama: On peut
croire que le pain abonde en ce monde ! » Il posa ses yeux sur eux et la famine
éclata. » (Taan 24b)
A voir circuler des anecdotes semblables, on n'est pas surpris de
constater que les masses aient cru puissamment aux terribles maux
engendrés par le mauvais œil. Voici un texte qui permet d'évaluer la
gravité des dommages dont il était responsable :

65
« Il meurt quatre-vingt dix neuf personnes du mauvais œil pour une de mort
naturelle "(TB B.m. 107b).
« L'Eternel éloignera de toi toute maladie» lisait-on dans Deutéron.7: 15, c'est-à-
dire, ajoutait-on, du mauvais œil ».
Les rabbins avaient même à en tenir compte en légiférant : il est
permis de prononcer une formule (charme) contre le mauvais œil,
contre un scorpion ou contre un serpent, et d'écarter le mauvais œil le
jour du Chabbath" (TB Tosifta Chab.7, 23).

1.7. Les anges


Selon la tradition Jutve, l'univers est habité par deux catégories
d'êtres : les Eloyim (ceux d'en haut) ou anges, et les Takhtonim (ceux
d'en bas) ou race humaine.
Dans la Bible (Rois, 22, 19; Isaïe, 1,33; Genèse R8, 13; Job I, 6) Il
est souvent fait référence à une cour céleste dont Dieu est le roi . Il y
est entouré d'une multitude de serviteurs, les anges.
Dans le Talmud (Pes.118 a, b ; Kharg.15 a) ou dans la Kabbale, les
anges sont considérés comme les intermédiaires à forme humaine
entre Dieu et les hommes. Ils veillent sur ce qui se passe ici-bas, y
interviennent chacun dans son domaine selon les ordres qui' ils
reçoivent de Dieu et font remonter jusqu'à lui les prières.
Le Sefer Ha-Raziel présente les anges qui peuplent les sept cieux, leur
hiérarchie et leur fonction respective.
Dans la littérature magique juive, la plupart des noms d'anges dérive
du suffixe hébreu EL (Dieu), et d'un mot qui représente une fonction
ou un attribut .
L'angeRaziel fait référence au mot raz (mystère) et à El (Dieu), car
c'est l'ange Raziel qui a transmis les mystères à Adam.
L'ange Yarhiel est composé des mots yerah (lune) et El (Dieu), car il
gouverne la lune.
L'ange Kochbiel dirige les étoiles (kochab ).
Les kabbalistes ont tiré soixante-douze noms d'anges des trois versets
du chapitres14 de l'Exode, versets 1, 9, 20, 21, dont chacun se
compose de soixante - douze lettres hébraïques.
Il s'agit des soixante-douze anges de la Kabbale qui entourent le trône.
Selon le Zohar il s'agit de l'échelle que Jacob vit en songe : elle était
formée de soixante-douze échelons dont le sommet, placé sous les
rayons du soleil et de la lune, allait se perdre dans les demeures
célestes.

66
Les influences de Dieu parviennent du ciel et sont communiquées à
tous les ordres des hiérarchies célestes et à toutes les créatures du
cosmos au moyen de cette échelle mystique.
Voici cette liste de ces soixante-douze anges relevée dans le livre de
kabbale pratique, Sha 'ar ha~Mattara« la porte de la gêole » , rédigé
par R.HayyimBen Attar, au début du xxesiècle. (Cf. H. Zafrani,
op.cit., p. 381).
Dans ce recueil figurent les noms des anges, le sens de leur attribut, le
verset du psaume qui leur est propre et leurs effets dans la prière
incantatoire (la baqqacha) ou dans un talisman. (Cf. Marques-
Rivière, Amulettes, talismans et pentacles)

67
Sona do leur Verset du E ITela du Talla
Noms des génies allrlbut paoume qu i ■oua t'Jnfluen~ad c~natrult
leur est propre u g nio

Dieu élevé el exnl•


l"Vobuiah tô ou•dcssua de 3• verset
loules cbosea. du Ps. 3. lilumtnallon splriluolle.

Dieu aecourable. 20• veraet Apai_se les révolleo populaire, Cl


2• Jellol du Pa. 21. OIJ~rent la vJctol re contre ceu:\
qui allaquenl Injustement.

Dieu, l'espérance
3• Sitall de loules les créa- 2• verset Protège contre l'adversité.
lures. du Pa. 90.

4• Elomiah Dleu caché. 4• verset Contre les t ourmenta d'esprit el 11


du Pa. 6. pour connaitre les lratlrea.

6• Mahaa.lab 4• verset Pour vivre en paix a vec tout le 1


Dieu sauveur. du Ps. 33. monde. 1

6• Lelahel Dieu louable. 11 • verset Pour acquérir des lumières el \


du Ps. 9. pQur guérir les maladies.
1
1
7•Achaiah
Dieu bon el pa- 8• verset Pour découvrir les secrets de la 1
lient. du Pa. 102. naLure; aide l'industrie.

Pour obtenir la bénédiction de i


8• Cahothol Dieu adorable. 6• verset Dieu et pour chaaser tee mauvais 1
du Pa. 94. esprits. 1

Pour obt enir Ja miséricorde de


9•Ha&iol Dieu de mlsérlcor- 6• verset Dieu, l'amitié et la faveur des
de. du Pa. 24. grands, ! 'exécution d'une pro•
messe talle par une personne.

Bon pour ceux qui ont des crimes


10• Aledial Dieu propice. 22• verset cachés et qui craignent d'être
du Pa. 32. découverts.

Dieu loué et exal• 50• verset 11 sert contre lo foudr e el pour ob·
Il• Leuvieh te nir la victoire.
l6. du Ps. 17.

22• verset Il domine sur Jes songes et révèle


12• Hahaiah Dieu reruge. des mystères cncMs aux mortels.
du Ps. 9 .
.

Dieu gloriné sur 6• verset Il domine l'amitié, !a réconcilia·


13• Iozalol lion, la lldélil6 conJugale.
t outes c hoses. du Ps. 97.

68
= sens de leur
Verset du
p1oumo qui EITell du Tall1man con t
sous l'lnnuence du gé~:uit
-
~•oma des g6nle• attribut leur est proprt

-
-
11 ,lt{ebab■l
Dieu conaervateur
~• versd
du Po. O.

22• verse!
Contre ceux qui cherchent
par la fortune d aulrul.
1
à
usur.

-
Dieu créateur, du Ps. 93. Contre les proronateurs eplrilueta.
1~• Ba.·Jel

Dieu qui érige l'u• 1" v erset Co!"Lre lea Lrallree, xour obtenlrla
IG' Bakamlah ni vers. du Ps. 87. victoire el conron re Ju ennemi,.

1•' verset Contre les tourments d'esr,rit la


17•Lauviah Dieu admirable. du Pe. 8. trl1te11e el les lerreure de a nult.

9• verset. Pour obtenir un prompt eecoure


Dieu prompt Il lor1qu'il arrive qu~lques advenl-
18• Callel exaucer. du Pa. 7. t61,

Dieu qui exauct Ju verset Pour obtenir l'lllumlnallon et les


19' Leuviah tes p~heurs. du Pa. 39. clarté& 1pirlluellc1.

2• verset Contre les ennemis de la religion


20• Pahallal Dieu rédempteur. du Ps. 119. el de la mngie.

Contre leocalomnlaleurs les char-


~ 1• N olchaol Dieu seul el uni• 18• verset mee, ~our détruire les innuencea
que. du Pa. 30. mal6 ques.

~i• Iola1ol 3• verset ln nue les voyages, Je• expMllio11J,


La droite de Dieu. du Ps. 120. le commerce.

~J• Melahel Dieu qui d6llvrez 8• vereet Sert contre les armes et pour voya-
des maux. du Ps. 120. ger en s0ret6.

Dieu bon par lui- 18• vereet Sert pour obtenir la mis6rlcordede
~I• Ha1ulah Uleu el protège les exilés, les tu-
m"1me. du Ps. 32.
gilirs.

~:,, Nllh-Ha1ah D ieu qui donne la Pour avoir la eagesse et pour d6-
I" verset couvrir les mystères cachés; c'est
sagesse. du Ps. 9. le panlacle de la ecience occulte.

t6• Baalah Dieu caché. 145• verset Pour gagner un procès el pour
; du Ps. 118. ovolr les jugea favorables.

~7• Ierathol Dieu qui punit les Pour confondre les méchants el
1" vereel les calomniateurs el pour ttre
méchants. du Ps. 139.
d61lvré des ennemie. -

69
....
,
N;m, de■ g6nlea Sent de leur
altrlbul
Vereel du
poaumo qui
-
EITela du Tal11m1n con,tr Il
leur cal propre 1ou1 1'1nnucnce du g6.nieu

Dieu qui guérissez 13• verset Serl contre lei lnOrmllée el lt


28• S6belah les molodes. du Pa. 70. tonnerre.

Dieu prompt à se- 4• verset Pour Hre délivré de toua le ■ enn,.


29• RtOel courir. du Pa. 53. mla lonl visibles qu'lnvlsil•lcs.

6• verset Contre les chagrina, le dése•(>Oir·


30• Omael Dieu patient. pour ovoir de la pollence. Dom;'.
du Pa. 70.
nation du règne animal.

Pour avoir dee lumièree el pour


16• verset des procédés ulllea Il la proresoion
31• Lecabel Dieu qui inspire. que l'on exerce. Domination du
du Ps. 70. règne végétal.

Contre ceux qui alto1uenl en Ju•-


32• Va■ ariah ◄• verset lice. Pour obtenir a grAce clts
Dieu Juste. du Ps. 32. autorilc!B ela'arrangerà l'omiol,lc
dans un procès.

Dieu qui connait Il• verset Pour connaitre lea traitres, com-
33• Iehuiah battre leurs mochinollona el ùé-
toutes choses. du Pa. 33. trulre leurs projeta.

6• verset Sert contre le colère, maintient la


34• Lehahiah Dieu clément. du Ps. 130. poix.

Pour rentrer en grdce avec ceu~


35• Chavaldah Dieu qui donne le 1" verset quo l'on o ofTensés; pour entre-
joie. du Pa. 114 tenir lo paix dans la rom11lc.

Pour se maintenir dons son emploi


36• Menadel Dieu adorable. 8• verset el pour maintenir ses moyeu,
du Ps. 2a. d'existence.

37• Amel Dieu des vertus.


a• verset Pour avoir la victoire; révèle Je,
secrets de lo nature.
du Pa. 79.
-
Dieu, l'espérance g, verset
Pour acquérir des trésors, P~~'.
38• Baamlah d<• tous les Cil· cornllollrc lo rouclre, les bc1e<
du Ps. 90. 6auvoges, les esprits maléOq, .:_
fonts de lo terre.
- • d moladir•
Sert pour la guérison . es. de d•·
39• RehBtl Oleu qui reçoit Jc6 J3• verset et pour obtenir lu m1sér1cor
pécheurs. du Ps. 29. Dieu.
-

70
Vertol du
Sens d• leur psaume qui ErTeh du Tollemon conalrwt
;-om• dtt génftt allrlbul leu r a l propr< 1ou1 l'fnlluence du g6ole

15• vorsel Pour délivrer des rc•leonnlert, pour


10• reJuaJ. Diou qui réjouit. du Pe. 87. avoir du conso atlona.

o,eu en lroi• per• 2• verset Conlre les lmplu, lu calomnJ,.


11' Habahel 1onnca. du Ps. 119. leurs; proUge le• prêlru.

Vertu do Dieu. 7• verael Pour voyager en ,ortté; prolége


12• l'41kael du Pi, 120. les pohUc1ens cl lu gounrnant.t.

14• vereel Sert pour d6lrulro les ennemie do


~3• Veualle.h Roi domlnaleur. du P1. 87. loua ordreeel pour être déllvr6do
l 'eaclavogo temporel ou 1plrttuel.

108• venet Pour obtenir l'aldo du génie dan,


f I' Ielah.lah Dieu 6lernel. du Po. IJB. la réussite d'une entreprise utile.

Animateur de tou- 18• ver1et Il ••rl pour confondre les m6ch■nll


16• SMlla.h les choaca. du P1. 93. et les o[\uellleux; Il rel6ve ceux
qui sonl umiUés el dtcbua.
'
Pour avoir du révélallona, po•r
~6• Ariel Dieu r6vtlaleur. 9• ve~t découvrir les tréaora cachés, voir
1, du Pa. I◄◄. lea objell que l'on détire eo 1onp.

li• A.allah Dieu Ju•lc, qui ln- 25• verset Domine le Juetlce, toit connaRre
dl'JU0 la véril6. du Pa. 10◄. la vérllô, lève vere Oleu.

Pour conserver la paix et l'union


Ill• Mlhael Oleu, père aecou- 3• verset entre époux. Ce génie prot~•
roi/le. du Ps. 97. ceux qui l'invoquent

I~• Vehual Dieu grond el éle- 3• verset Pour chauer le chagrin el ru coi.-
vi. du P1. 1◄4. trnri61éa. Pour acqu~rlr la paJx.

·,u• Duûel Signe dts Ml1lrl- 8• vereel Donncl'lnsplrollon à ceux qui ionl
cordea du Pa. 102. cmborran6s 1ur plu•loura cbOs..,

Sert pour élever l'Amo à la con·


~,I' Baha•lah Diou coché. 32• verset lemplotlon dee chose, dlvlnes,d6·
du Pa. 103. cou vrtr lea my,tères do ruagesso.

Oleu i1ev6 au-du- Pour d6trulre la pulu1nce dup-;i.::


~~• Imamtah sua de loulea cho, 1B• verset nemla et pour les humlller.
ees. du Pe. 7. l~go 101 voyagea.

71
Sens de leur Verset du E!Tela du Tellsm ~
Noms des g6nles ollribul rsou,no qui sous l'lnnuencea~ cotslruit
leur est propre u g n10

63• Nanael
- L'ieu qui obeissr 75• verset Do111i11e les hautes scie
hon,mes de loi aide I nccs, If·,
les orgueilleux. du Pa . lit:!. plalion. ' a conleu,.

19• verset Scr_t pour obtenir la miséricorde ue


54• Nithael nol des Cieux. du Ps. 102. Drcu cl pour vivre longtemps.

ol·• MebahJah
13• vcrs1l Pour o~oi: des enronls, pour raci-
Oieu éternel. du Ps. Ill!. Ir ter I vccouchement.

15• HM!el Pou,· obtenir ce que l'on désir,•·


6G• Poie~ Dieu qui soutient
l'univers. du Ps. 144. p_our rorccr la renommée, acqui'.
rrr lo gloire.

l'l• verset Pour prospérer en toutes choses cl


67• Nemamiah Oicu louable. du Ps. 113. pour délivrer les prisonniers.

6• verset 11 sert contre les che~rins et guérit


58• Ielalel Dieu qui exauce los maladies, princ1palemenl les
les générations. du Pa. 6. maux d'yeux.

Contre la slérilllê des remmes cl


59• Harahel Dieu qui connoll 3• verset rour rendre soumis el respcc-
toutes choses. du Pa. 112. ucux les enfante •nvers leurs
parents. ·

Pour guérir les maladies d'esprit


60• Mitzrael Dieu qui soulegr 18• verset cl pour délivrer de ceux qui vous
les opprimes. du Ps. 144. persécutent. '

Dieu o u-clcssus de 2• verset Sert pour obtenir l'emili6 d'um·


61•Umabel du Ps. 112. pcrsoune.
t outes choses.

159• verset Sert pour acquérir la sagesse, l'illu·


62• Iah-hel Etre Suprême. du Pa. 118. minotion; oide la méditot10n. ,

Dieu lnnnimenl, 11 • verset Protège contre les accidenls, con- I


63• Anauel du Pa. 2. serve la sauté.
bon. 1

1
Don contre l'adversité, protège 1
64• Mehlel Dieu qui vivlne 18• verscl contre les onlmoux féroces et les
toutes choses. du Ps. 32. olloques molêOques. 1

Sert contre tous les sorlilè~es,pou_r :


65• Damablah Dieu, fontaine de 16• verset réussir dons des cnlrcpr,ses 11l1· .
sagesse. du Pa. 89. les, dans les voyages lointains. ,

72
Sens de leur
Verset du -=
r...........,.. attribut.
psaume qui
leur est. propre
Ef?ete du Talisman co
aous l'influence du gi~~l

·-
1
66•Manakel
Dieu qui seconde
et entretient tou- 22• verset
du Pa. 37.
Ser_t pour apaiser la colère d~
Dieu; Influe sur le sommeil el
tea choses. songea, guérit l'épilepsie. 1ea
i
1

1 Dieu, délice des 4• verset Sert pour avoir des consolations


, 67< Elael enfants des bom- dans les adversités; atUre les
:1 mes. du Pa. 36. Influences occultes.
- Dieu qui donne Ju verset Sert pour conserver la eanlé, y::ur
1 68• Habuhiah avec libéralité. du Pa. 105. guérir les maladies, la elérll l6.
!
Sert pour retrouver les objels per-
i 69•R0t.:hel
1
Dieu qui volt tout. 6• verset
du Pa. 15.
dus ou dérobée et pour connaitre
la personne qui les a souslralle.
1

Protège ceux qui veulent se régé-


! 70• Ja.bamiah Verbe qui produit
toutes choses.
l"' verset
de la Genue.
nérer et. ee puriller. Un des plus
puiasanta Pant.acles.
'
1
1

Donne la victoire dans la paix;


71• Haiaiel Dieu mattre de l'u- 29• verset délivre de ceux qui veulent nous
nlvera. du Pa. 108. opprimer.

s tnnue
l 72°Mumiah L'OMEGA.
(la fin de toutes
choses).
7• verset
du Pa. 114.
Fait réussir en toutes chose '
sur la longévité de la vie. _

73
CHAPITRE2

SE PROTÉGER DE LA MORT

2.1. Les talismans


Le souci est de protéger les êtres les plus fragiles (femmes enceintes,
nourrissons, enfants), guérir des maladies et de se prévenir de la mort.
Quantité de pratiques et d' objets apotropaïques ont été élaborés en ce
sens.
1. Les talismans
Ils sont désignés sous le nom de qamé 'a (pluriel qémiot) en hébreux.
Voici un exemple significatif qui protège de la mort (illustration l)tiré
du livre Sefer Ha-razim.
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l'J'?'y.~@ ms?, eC' h-'-C

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IJJJ

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1. Talisman qui protège de la mort par balles (Cf Zafrani, p.393)


Il s'agit d'un carré magique dans lequel s'imbriquent cinq carrés; la
description en est faite de l' extérieur vers l'intérieur et de droite à
gauche.

75
Le premier carré compte respectivement quatre mots en rapport avec
le nom de Dieu. TFTFYH est le nom sacré inscrit sur le bouclier de
David, former à partir des psaumes 119 :69 et 76 (les deux premières
lettres de chaque verset). Sa valeur numérique 193, est la même que
celle des mots Almaguen, (sur le bouclier).
MSMSYT est dérivé du phénomène dit du Simsum ou retrait de Dieu
pour créer le monde ; ce mot Al Miré mesmesayat, affecté de points
voyelles, dérive aussi du verset biblique Isaïe chapitre 7,verset 20.
KWZW est l'équivalent du tétra gramme YHWH par substitution
(Temurah) d'une lettre par la suite alphabet dit abgad.
TFTFYH, le quatrième mot est identique au premier.

Le deuxième carré comporte les noms en hébreu des 12 signes du


zodiaque : moznayim ou Balance, aqrab ou Scorpion ....

Dans le troisième carré, on peut lire cette invocation: « c'est l'épée


de Dieu, une épée qui, entre mes mains et comparable à l'épée de
Gédéon.Nul mal ne m'atteindra».

Dans le quatrième carré, on peut dire à droite et à gauche.


YHW, trois lettres du tétragramme.
AGLA, formé des initiales des mots en hébreu Atta Gibbor LeOlam
Adonaï de la Amidah, liturgie de tous les jours qui programme la
puissance éternelle de Dieu.
La lettre Aleph ~ est la première lettre de l'alphabet hébraïque
exprime l'unité représente hyéroglyphiquement« ce qui est en haut est
analogue à ce qui est en bas». Cette lettre possède deux bras dont l'un
désigne la terre et l'autre le ciel avec un mouvement analogue. (voir
illustration 2)

76
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Illustration 2.La lettre Aleph (Cordovero, PardèsRimonim)

La lettre Gimel :i,est la troisième de l' alphabet. Elle exprime


numériquement le ternaire et hyéroglyphiquement l'enfant et la
fécondité.
La lettre Lamed "7est la douzième l'expression du cycle parfait.

Au cinquième carré, le même nom Agla suit les noms hébraïques des
trois planètes : Saturne, Mars et Jupiter.
A l'intérieur de ce carré on peut lire de manière oblique Vénus,
Mercure, Lune, Soleil, eten croix un nom d'ange, Qasii'el ou
Qasdi'el, qui signifie« Dieu est mon casque».
Que l'on soit religieux ou non, l'usage de ce talisman et et destiné à la
protection des accouchées, des nouveau-nés, de la santé et de la mort.
Dans la tradition juive, la rédaction des talismans revient à un
kabbaliste. Ces talismans sont la plupart du temps rédigés en
caractères hébraïque et calligraphiés sur du parchemin au moyen

77
d'encres spécifiques telles que l'eau de rose, l'eau de safran ou encore
l'eau de fleur d'oranger. Les scribes opèrent conformément à certains
principes spirituels : ils accomplissent toujours ces pratiques au nom
de Dieu dans le seul but de faire le bien.
Ils utilisent les lettres saintes, les versets sacrés des livres ainsi que les
mots secrets issus des combinaisons savantes de la kabbale. Ils
emploient également les figures symboliques et les mystérieuses
graphies qui se transmettent de génération en génération. Cette
tradition talismanique qui demeure très populaire de nos jours parmi
les différentes communautés juives mondiales.

2.2.les papiers découpés (shemiroth (singulier: shemira). Le papier


découpé est une branche particulière de l'art populaire juif.
Actuellement confectionnés sur du papier blanc, les découpages se
pratiquaient autrefois sur du parchemin et étaient exécutés à l'aide
d'un couteau très affûté. Pour le fond, on disposait de minces feuilles
de métal coloré, généralement du papier d'argent ayant servi à
l'emballage des friandises. En Afrique du Nord les couleurs les plus
usitées sont l'oranger et le violet associés à de l'argent et de l' or. Les
papiers découpés, la feuille gardienne, sont généralement accrochés à
l'intérieur de la maison et servent de protection.
Voici à titre d'exemple deux papiers découpes shemiroth (Rouach,
1989) destinées à protéger la parturiente et son nouveau- né de la
mort, du mauvais œil et de la démone Lilith (illustration 3 et 4)

78
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Illustration 3. Shemira qui protège le nouveau-né et l' accouchée de la


maladie (collection Rouach)

79
Traduction et commentaire
Sauvegarde pour l'enfant et pour l'accouchée. Par le Saint rabbin
Israël Baal ShemTov (1698-1760). Au nom de l'éternel Dieu d'Israël,
grand et puissant.
Vœux : bon signe (bon augure) et bonne chance.
La main: sauvegarde contre le mauvais œil.
La figure est composée d'un texte réparti en deux colonnes entourant
une main. Voici ce texte :

« Eliaou le prophète rencontra un jour sur son chemin Lilith la démone et toute sa
troupe de mauvais génies. Il lui dit :« Lilith la méchante, tu es souillée et ton souffle
est empoisonné. Il en est de même pour tous tes compagnons. »
Lilith répondit: Seigneur Eliaou, je vais chez l'accouchée pour lui faire connaître le
jour de sa mort, boire le sang du fils qu'elle a mis au monde, lui sucer la moelle de
ses os et abandonner la dépouille du petit être.
Eliaou lui répondit en ces termes : « tu seras maudite par le Saint, Béni soit-il, et tu
seras pétrifiée »
Lilith implora la pitié de Eliaou Hanavi « Seigneur, au nom de dieu, laissez-moi
libre et je fuirai. Je te jure par l'Eternel, Dieu d'Israël, que j'abandonnerai ces
mauvaises voies et que je n'irai plus chez les nouveau-nés et les accouchées. Et tout
le temps que je verrai et que j'entendrai mes noms prononcés, je fuirai sur le champ,
et mes compagnons et moi serons sans force pour faire le mal. Je jure de te dévoiler
mes différents noms à toi seul. Toutes les fois que je les verrai affichés, je fuirai
avec mes mauvais génies, et la maman et l'enfant n'auront jamais aucun mal. Et
voici mes noms :Chétrina, Lilith, Abito, Amizo, Amigrapo, Kachech, Odem, Ik,
Podo,Ayilo, Pétrota, Abko, Kata, Kéli, Batna, Talto, Partacha. »

La main. Il s'agit d'un symbole très souvent rencontré dans le bassin


méditerranéen. Cette main a pour but de se protéger contre le mauvais
œil.
Sous le symbole de la main, se trouve un texte composé du psaume
121 ou (Cantiques des degrés).
«Je lève mes yeux vers les montages ..
D'où viendra le secours ?»
Il préserve de Lilith. Enfin, on peut lire sous ce texte « Chadaï (DIEU)
a déchiré Satan).Senoï, Sansenoï, Sanmangeloph (trois anges
protecteurs contre Lilith). Ce papier découpé se termine par la figure
d'un poisson.
Le poisson en raison de cette prodigieuse faculté de reproduction et
du nombre infini de ses œufs est associé à une idée de fertilité, de
longévité et de prospérité dans la tradition judéo- musulmane.

80
Il protège également du mauvais œil et à ce sujet, un texte talmudique
associe le symbole du poisson à une référence biblique concernant
Joseph, lequel en avait pâti.
« De la même manière que les poissons qui vivent dans l'eau et que les eaux
recouvrent, échappent à l'emprise et aux atteintes du mauvais œil, de même en est-il
aussi de la descendance de Joseph. »(T.B. Berakhote 20a).

81
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Illustration 4.Shemira qui protège la parturiente et son nouveau-né.
(coll. Rouach)

82
Traduction et commentaire
Ce papier découpé est destiné à la protection de l'enfant et de
l'accouchée.
Ce papier découpé est composé d'un texte réparti en deux colonnes et
de deux figures, une main et d'un oiseau stylisé.
Voici ce texte. :
« Les trois premières lignes se réfèrent au psaume 121 ou (Cantiques des degrés).
Son usage est de se protéger de Lilith
« Je lève les yeux vers les montagnes. D'où me viendra de l'aide? Mon aide viendra
de Dieu qui a fait le ciel et la terre. Qu'il fasse que ton pied ne se brise.
Ton protecteur ne dort pas. Le protecteur d'Israël ne dort ni de somnole. Dieu te
garde. Dieu est ton ombre, à ta droite.
La journée, le soleil ne te frappera pas, ni la lune pendant la nuit. Dieu te protège de
tout mal, il protège ton âme. Dieu protège désormais tes allées et venue à partir de
maintenant et pour toujours. »
Les deux colonnes du texte représentent un appel exprimé en ces
termes:
« Je vous fais jurer : « à toutes les sortes d'yeux, œil courbé, œil bleu, œil blanc, œil
vert, œil allongé, et raccourci, œil large, œil rétréci, œil droit, œil tordu, œil rond,
œil droit, œil rentré dans un autre œil, œil d'un homme et de sa femme, œil de sa
femme et de sa fille, œil d'une femme et de ses voisines, œil d'un jeune homme, œil
d'une jeune fille, œil d'une femme, œil d'une veuve, et d'une mariée, et d'une
divorcée, à toute espèce de mauvais œil existant dans le monde, à celui qui a vu, a
regardé et a parlé de mauvais œil. Je décrète etje fais jurer de s'orienter vers l'œil
céleste et saint.
Tous les yeux existant dans le monde et ceux qui auront voulu du mal seront annulés
par les yeux célestes protecteurs. »
De même qu'il est écrit: le chef d'Israël ne dort ni ne somnole, il est également
inscrit : l' œil de Dieu regarde ce qui le craignent et ceux qui espèrent en sa bonté,
grâce à quoi toute espèce de mauvais œil sera exterminée et éloigné Que ce soit le
jour, la nuit, réveillé ou dans le rêve, le mauvais œil ne parviendra à trouver la force
de dominer le moindre membre ou le moindre nerf. Au nom d'Israël, dont le nom est
grand est redoutable. »
La deuxième partie du texte est une incantation (hashba'ah):
« Eliaou se promener et en chemin, il rencontra Lilith. Il lui demanda : impure, où
vas-tu?
Elle lui répondit: je me rends à la maison de l'accouchée pour la faire mourir dans
son sommeil, prendre son enfant et le dévorer
Il lui dit : que tu te retrouves seule et loin de Dieu, et que tu deviennes muette
comme la pierre !
Elle lui répondit: oh, mon maître, délivre-moi je te jure d'abandonner cette voie, au
nom de Yahvé.
Désormais, chaque fois que j'entendrai quelqu'un m'appeler par l'un de mes noms,
je m'en fuirai à la hâte. Maintenant je vais te révéler tous mes noms, car pour ceux
qui les connaîtront je ne pourrais être d'aucune nuisance et c'est pour cela que l'on
accroche cette feuille dans la chambre de l'accouchée et du bébé.

83
Voici mes noms • Chétrina, Lilith, Abito, Amizo, Amigrapo, Kachech, Odem, Ik,
Podo,Ayilo, Pétrota, Abko, Kata, Kéli, Batna, Talto, Partacha.
Celui qui connaîtra mes noms et accrochera cette feuille protectrice à l'entrée de la
maison et de la chambre de maternité me fera fuir de la maison du nouveau-né.
Ainsi la mère et le bébé ne subiront aucun mal »

Aucun mal ne t'approche !

Adam et Hava
Abraham et Sarah
Israëlet Riv ka
Yaakov et Leah
Qu'aucune sorcière ne vive.
Mauvais esprit • soit chassé hors de cette demeure. »
Ce papier découpé se tennine par la figure d'un oiseau. Ce type
d'oiseau est appelé dans les écrits du kabbaliste Abraham Azulay
(1724-1806) abes mudas (volatiles muets).
C'est à l'endroit des abes mudas que l 'Écriture parle de« gens ailée »
(des porteurs d'ailes). Ils sont attirés par Lilith, la démone qui tue les
enfants non encore parvenus à l'âge et au stade de la parole.
C'est à eux que revient la mission d'annoncer, de prononcer le décret
de mort contre ces jeunes enfants ....

2.3. Les amulettes.


Les amulettes ne doivent pas être confondues avec les talismans.
L'amulette vient du latin amuletum. Pline l'utilisait pour désigner un
objet qui préservait les gens des maladies de manière directe ou
indirecte. Elles sont le plus souvent portées comme des bijoux. Ce
terme inclus toujours un sens prophylactique, tant médical que
magique puisque pendant longtemps, maléfice équivalait à maladie.
Bien souvent, l'amulette tire sa substance du monde animal ou
végétal : scarabée, scorpion, poisson ...
Voici un exemple d'amulette: la main. Il s'agit d'un symbole très
souvent rencontré dans le bassin méditerranéen. Cette main a pour but
de se protéger contre le mauvais œil. On peut constater pour ce cas
présent une convergence des cultures juive et musulmane et un
parallélisme culturel, plutôt qu'une influence directe de l'une sur
l'autre.
Cette protection est assurée par les vertus-mêmes de la main d'une
part, et par le chiffre magique cinq d'autre part.
Elle est également connue sous la dénomination de Khemsa,
littéralement cinq ou main de Fatima par allusion au nombre de doigts.

84
La mam appartient à des symboles d'identification dont elle est
imprégnée, tant par leur potentiel magique que mystique.
L'identification tend à approprier à un sujet les vertus et les forces de
l'être-objet auquel il s'assimile.
Ainsi la main est-elle le symbole de la puissance et de la suprématie.
Dans une main, si personnelle, il semble que se concentrent tous les
pouvoirs : c'est la main que l'on serre et que l'on baise, que l'on joint
à la main de celui avec lequel on vient de sceller l'union des volontés,
doigts entrecroisés (chebbak) ; c'est elle que l'on ouvre, les doigts
brusquement écartés en lançant : « cinq dans ton œil », pour conjurer
le mauvais sort ; enfin ce sont les mains que l'on impose et celles de
celui qui prie, les paumes tournées vers le ciel pour implorer.
En vérité, la main représente tout cela et sa simple évocation participe
à sa vertu. La main est un emblème royal, instrument de la maîtrise et
signe de domination. Le mot yad, même terme en hébreu et en arabe,
signifie à la fin à la fois main et puissance.
Dans l'Islam sous l'appellation main de Fatima (celle-ci est la fille du
prophète Mahomet), il est fait allusion à la main de Dieu. Ce symbole
fait référence à Dieu dans la totalité de sa puissance et de son
efficacité : la main de Dieu protège, s'oppose ou détruit. Il est
important de distinguer la main droite, celle des bénédictions, de la
main gauche, celle des malédictions. De toutes façons, toutes les
mains doivent être représentées et observées les doigts pointés vers le
ciel.
Ainsi la main possède une valeur magique en ce sens qu'elle protège
et éloigne des mauvaises influences et de l' action des mauvais esprits.
Pour illustrer ce propos, on constate que souvent, à l'approche d'un
étranger, les femmes ramènent devant leur bouche un coin de voile ou
le bord de leur mante : l'étranger traîne avec lui toutes sortes
d'influences et de génies, bons ou mauvais. Or, il arrive que des
djenûns pénètrent à l'intérieur du corps par les lèvres laissées
distraitement entrouvertes. C'est pourquoi, pris au dépourvu, on
mettra sa main devant sa bouche, ce geste constituant la protection la
plus rapide et la plus efficace.
Dans l'art juif, l'intervention divine étaient représentée par une main
descendant du ciel.
Dans la fresque de <loura- Europos, la première image est une
illustration littérale de Ézéchiel 37 :

85
« Et la main de Yahvé fut sur moi et il m'emmena par l'esprit de Yahvé, il me
déposa au milieu de la vallée, une vallée pleine d'ossements. . Il me dit: « fils
d'homme, ces ossements vivront- ils? Je dis : « seigneur il Yahvé, tu le sais ... »

Cette conversation semble être illustrée par la seconde figure de


Ézéchiel, une main levée, l'autre près du corps. Il me dit:

« Prophétise sur ces ossements. Je prophétisais comme j'en avais reçu l'ordre. Or il
se fit un bruit au moment où je prophétisai ; il y eut un frémissement et les os se
rapprochèrent l'un de l'autre ... mais il n'y avait pas d'esprit en eux. »

Puis l'illustration se poursuit dans la deuxième partie de la fresque, à


droite.
« Et l'ange du seigneur l'appela du haut du ciel et dit Abraham, Abraham .»

A nouveau dans cette version de l'histoire d'Isaac et d'Abraham dans


la synagogue de Beth alpha (VIe siècle), la présence effective de
Yahvé est indiquée par la main. Les mosaïstes Marianos et son fils
Halmina sont les plus anciens artistes dans le nom est connu.
La main de Dieu a aussi délivré les tables de la loi à Moïse.
L'illustration en est faite par une miniature du livre de prière de Parme
de 1950.
La clôture à l'avant-plan revêt un intérêt particulier quand Yahvé
confia les tables de la loi à Moïse, il lui dit (exode 19- 12) :

« Gardez-vous de franchir la montagne ou même d'en toucher la base »


La notion de barrière (une haie autour de la loi) joua un rôle
considérable dans la législation et dans la pratique rabbinique tardive.
Dans l'art de Carthage, l'intervention divine était représentée par la
main de Baal.
Dans l'Islam sous l'appellation main de Fatima est fait allusion la
main de Dieu. Ce symbole fait référence à Dieu dans la totalité de sa
puissance et de son efficacité : la main de Dieu protège, s'oppose ou
détruit. Les chiites se réfèrent aux cinq doigts de la main qui sont le
symbole de cinq grands personnages sacrés : Mohamed, Ali, Fatima,
Hassan et Hussain.
« Un jour que les disciples de Mahomet se plaignaient de la suppression des images,
le prophète trempa dans l'encre l'extrémité de ses doigts et, l'imprimant sur une
feuille de papier, leur présenta cette dernière pour toute réponse .»

86
Cette image de l'instrument le plus parfait que Dieu ait mis au service
de l'homme est restée pour les musulmans une protection infaillible
contre le mauvais œil.
Pour eux la main représente trois significations mystérieuses :
- 1. Elle désigne la providence.
-2. Elle est l'abrégé de la loi.
Elle a cinq doigts, chacun d'entre eux possède trois jointures, excepté
le pouce qui n'en possède que deux. Tous les doigts sont soumis à
l'unité de la main qui leur sert de base. Or, la loi contient cinq
préceptes ou dogmes fondamentaux et chacun deux a trois
modifications excepté le premier qui n'en a que deux.
Tous ces dogmes prennent leur source dans l'unité de Dieu. Par
conséquent, toute la loi se trouve contenue dans la main, les cinq
doigts et les quatorze jointures.
- 3. La main, par sa structure étant l'abrégé de la religion, elle incarne
par conséquent une puissante défense contre les ennemis.
En évoquant Dieu, dit un commentateur du Coran, montrez-lui
l'intérieur de vos mains et non l'extérieur lorsque vous aurez fini
passer les deux mains sur votre visage. En Afrique du Nord, la main
est plus particulièrement une amulette des plus répandues. Elle est
usuellement appelée main de Fatima, khams ou khoms, ces deux
dernières appellations venant du mot khemsa, cinq, faisant allusion au
nombre de doigts.
Puisque les cinq doigts préservent du mauvais œil, il suffira de les
nommer : ainsi, en tendant la main pour repousser le mauvais œil, on
dira khamsa fi 'aïnek, c'est-à-dire« cinq doigts dans ton œil ».
Étant donné que le mot khemsa est destiné à repousser les maléfices, il
devient donc malséant et de mauvais augure de le prononcer dans la
conversation.
À la place, on dira« addati eddek » le nombre de ta main ou « arba 'a
ou ouâh 'ad» quatre et un.Enfin le jeudi, cinquième jour de la
semaine, est particulièrement favorable aux opérations magiques qui
ont pour objet de combattre le mauvais œil: c'est précisément ce jour-
là que l'on part en pèlerinage au sanctuaire des saints réputés pour
guérir.
Les croyances relatives à la prophylaxie du mauvais œil sont ainsi
venues renforcer le caractère primitivement magique du nombre cinq.

87
2.4. Les rabbins intercesseurs. Le culte des saints et les pèlerinages
sur la tombe des saints est une pratique très répandue dans le monde
juif. Cette vénération est un phénomène ancien dans le Judaïsme.
Rachi écrit dans (Yebamotl22.2) que déjà, dans la période talmudique,
on avait coutume de pèleriner sur les tombes des saints
particulièrement le jour de l'anniversaire de leur mort. La majorité des
saints appartiennent à cette catégorie de personnes qui, de par leur
conduite morale exemplaire, leur savoir talmudique et kabbalistique
ont pu accéder à ce statut. Parmi les célébrités signalons les trois
saints déjà mentionnés Rabbi Ya'aqob Abihasira, Rabbi Hayyim
Pinto, Rabbi Ben-Barukh Ha-Cohen ainsi que les deux saints
palestiniens Rabbi Shim'on Bar Yohay et Rabbi Me'ir Ba'alHanes.Si
les critères majeurs d'un saint sont son pouvoir de miracles et de
guérison certains autres cependant ont un don de prémonition. Rabbi
Raphaël Anqawa ou Rabbi Shelomoh Ben-Lhans auraient eu ce
pouvoir de prédire la mort d'autres personnes.Une fois par an a lieu le
pèlerinage des saints lors de la hillulah du Lag-ba 'omerqui se tient le
trente -troisième jour suivant le deuxième jour de la fête de Pessah.
Une des coutumes usitées dans les sanctuaires pour implorer la
guérison est l'incubation. Cette technique divinatoire consiste à se
coucher dans le sanctuaire du saint avec l'intention formelle d'avoir
en songe une réponse à une question posée au saint. Ainsi le pèlerin,
après avoir accompli certains rites de purification (jeûne, ablutions
rituelles) reçoit pendant son sommeil la réponse à la question posée.
Ben-Ami (Jérusalem,1984) décrit une autre coutume en usage dans les
sanctuaires. Elle concerne les épileptiques et les malades mentaux qui
sont attachés à la tombe pour la durée de la nuit en vue de leur
guérison.

88
Ilustration 5.Papier découpé du rabbin « intercesseur» Haïm Pinto
(1749-1845) Coll, Rouach

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89
2.5. Le saclifice.
Il se tient lorsque dans une maison se produisent deux décès
consécutifs au cours du même mois ou de la même année. Quand
c'était le cas, les Juifs de Tlemcen avaient recours à la coutume
suivante : lors du deuxième décès, on ne procédait à la levée du corps
qu'après avoir égorgé un coq sur le seuil de la maison ou au milieu de
la cour. Puis, tandis que les hommes faisaient sortir la dépouille
mortelle, on aspergeait le linteau et les chambranles de la porte avec le
sang du coq. Enfin, le coq devait être exclusivement consommé par la
famille du défunt ou par les voisins de cour.
Cette coutume donne lieu à de nombreuses interprétations qui
convergent toutes vers le même but prophylactique : celui de protéger
de la mort et des mauvaises influences. Le choix de l'animal n'est pas
fortuit non plus. Comme nous l'avons déjà vu", le coq est un animal
cher à la magie : faire savoir au monde que le jour pointe le fait
paraître initié aux desseins de Dieu; de même, annoncer l'avènement
du soleil, symbole de la lumière et de la vie, rend le coq efficace
contre les mauvaises influences de la nuit et contre les néfastes génies
nocturnes. Ce sacrifice n'est pas sans rappeler les pratiques de la Ziara
arabo-berbère (décrites par Westermarck) au cours desquelles on
procède à la mise à mort de moutons ou de bœufs au pied de la tombe
de certains Marabouts. Les sacrifices dédiés aux djenûns !(esprits
malfaisants) et aux Marabouts sont très fréquents en Afrique du Nord,
et l'on peut leur attribuer différentes significations :En premier lieu,
nous sommes en présence d'un rite de magie imitative ou
propitiatoire. De même que l'on sacrifiera un coq, noir de préférence
(de la couleur des nuages qui apportent la pluie) afin de faire pleuvoir,
de même, dans le cas présent, on sacrifiera un coq noir, couleur de la
mort et du néant. En second lieu, il s'agit d'un rite expiatoire : en
Afrique du Nord, tout manquement rituel et religieux doit être expié
par un sacrifice, par un jeûne ou par une aumône. D'ailleurs, plusieurs
références extraites du Zohar et de nombreuses légendes qui circulent
font état de l'action del' Ange Exterminateur. On sait que la colère de
l'Ange de la mort est apaisée par les bonnes actions. Aussi, lors d'un
manquement religieux ou d'une mauvaise action, il est important de
s'en préserver par différentes méthodes dont le sacrifice. Pour pouvoir
comprendre comment le sacrifice peut servir à expier une peine, il faut
se rappeler que dans les sociétés traditionnelles, le mal physique et le
mal moral ne sont pas différenciés :on sacrifie aussi bien pour
demander la guérison d'un malade que pour en terminer avec une

90
période de malheur. De même, tout manquement ou erreur dans le
rituel est considéré comme souillant le fidèle ; celui-ci a donc
contracté une véritable tare morale dont il doit se libérer comme d'un
mal physique : le sacrifice prend ainsi le sens d'une purification. Dans
le même ordre d'idées, on peut mentionner le rite des kapparoth. Le
mot kappara signifie sacrifice, et être kappara veut dire que l' on
souhaite pour soi-même le mal qui pourrait arrivera à un être bien-
aimé : la personne est donc prête à se sacrifier, voire mourir pour
l'être cher. En pratique, la kappara donne lieu à un rite annuel qui
s'accomplit l'avant-veille du grand jeûne de Kippur: dans les
familles, on fait tuer par le rabbin un coq pour chaque homme ou
garçon et une poule pour chaque femme ou fille, et ce, autant qu'il
existe de personnes dans la maison, si petites soient-elles. Ce sacrifice
a pour but de faire supporter par ces animaux tous les maux qui
doivent s'appesantir sur la famille au cours de l'année. Ce rite de
l'expulsion du mal et de son transfert révèle l' absolue sacralité de
cette société selon laquelle le sacrifice est le moyen d'entrer en
communication avec le Divin. Ceci s'effectue par l'intermédiaire d'un
être vivant qui est tué au cours de la cérémonie. Ce rite est d'ailleurs
décrit dans le Lévitique 1, 6 :
« Et Aaron, mettant ses deux mains sur la tête du bouc vivant, conféra sur lui toutes
les iniquités d'Israël et tous leurs forfaits selon tous leurs péchés, et les mettra sur la
tête du bouc, et l'enverra au désert par un homme exprès. »
Pour sacrifier, c'est-à-dire pour communiquer avec la divinité,
plusieurs éléments sont nécessaires à la cérémonie :
tout d'abord le sacrificateur ou shohet : le sacrifice est une
opération tellement grave qu'elle ne peut être accomplie que par
une personne qualifiée et engagée dans les choses sacrées.
la victime doit également revêtir un caractère sacré : la poule est la
victime habituelle des sacrifices populaires dédiés aux djenûns.
Cette formule était (et le reste) à tel point ancrée que le Rabbin Yossef
Messas (1892-1974) qui officiait à l'époque à Tlemcen en Algérie
décida, pour tenir compte de cette coutume locale de ne pas l' interdire
mais il incorpora la formule rituelle de la kappara pratiquée en
Afrique du nord la veille de Kippour.
« Ceci est la rançon des gens de la maison, leur substitution et leur
rachat »
Enfin, pour compléter cette analyse, nous pouvons dire qu'il s'agit
d'un sacrifice communiel : il est destiné à mettre en communication le
profane et le sacré, le fidèle et son Dieu. Lorsqu'un sacrifice est

91
effectué par un groupe, il s'accomplit une communion entre tous les
individus car ceux-ci consomment tous la même chair. D'ailleurs, le
seul fait de manger de la viande issue du même animal crée, en vertu
des lois de la magie, une relation sympathique
entre tous les convives. Dans le même ordre d'idées, c'est la raison
pour laquelle on offre à manger à un hôte. Ce dernier, en général un
étranger, est donc un inconnu pour celui qui l'héberge. C'est pourquoi
ce dernier, afin que l'invité ne lui nuise pas mais lui soit au contraire
favorable, lui offrira à manger, liant ainsi leurs destinées. D'autres
coutumes relatives à l'action prophylactique du coq sont en vigueur en
Afrique du Nord. A Tlemcen, quand une femme est enceinte, elle
garde dans sa maison une poule noire afin d'éloigner les djenûns et de
protéger tous les habitants du foyer, et ce, du septième mois jusqu'à
l'accouchement. Lorsqu'elle ressent les premières douleurs, la femme
la plus âgée de la maison va emmener la poule dans le quartier juif et
l'y lâcher afin qu'elle emmène les djenûn savec elle. Toujours en
Algérie, dans le but de guérir de l'épilepsie et de certaines maladies
nerveuses, on sacrifie une volaille, à savoir une coq pour un homme et
une poule pour une femme, tout en mettant de côté son sang et ses
plumes. Le soir, l'animal (cuisiné) est placé sur un plat à l'endroit le
plus élevé de la maison sur un meuble quelconque. On va ensuite
éteindre les lumières et pendant une heure, personne ne va toucher au
plat ni entrer dans la pièce afin de laisser aux djenûns le temps d'en
manger. Au terme de cette heure, la famille consomme la volaille tout
en conservant la tête et les os. Ceux-ci, auxquels on aura rajouté le
sang et les plumes, vont être placés sur une marmite et déposés sur un
chemin. Le malade guérira au moment où un inconnu, qui aura
malencontreusement heurté la marmite, tombera malade. À Tlemcen,
il existe un rite analogue destiné à éloigner les djenûns de l'enfant
nouveau-né. Le sens du rite sacrificiel est maintenant pour nous
évident : pendant ce long trajet, on aura procédé à l'expulsion de la
mort tandis que la victime sera placée en communication avec Dieu
par son sang, chargé de berakhah et répandant une influence
bienfaisante par son contact. On peut également attribuer un sens
religieux à cette coutume qui rappelle un épisode biblique relatif à la
sottie d'Egypte : les enfants d'Israël, pour se protéger de l' Ange de la
Mort, devaient asperger le linteau de la porte avec le sang d'un agneau
sacrifié.

92
CHAPITRE3

La divination juive

3.1. Pour savoir


A la question « Pour savoir en quel mois tu quitteras ce monde »
l'homme Inquiet veut obtenir des réponses. C'est à la divination et au
devin qu'est dévolue la tâche redoutable de répondre à cette question.
A la fois prophète, prêtre, roi, rabbin, il a pouvoir absolu de parler au
nom de Dieu. Divination vient du grec "mantéia" divination et du
latin « divinare » qui signifie deviner, présager, prévoir. Le radical
latin" divin" associe donc étroitement le mot divination à l'action
d'une divinité. En somme, la divination répond à une aspiration:
approcher l'inaccessible de Dieu, d'où le caractère presque
exclusivement religieux des pratiques divinatoires. Dieu se révèle à
l'homme, se fait connaître à lui. On chercherait en vain une définition
unique de la divination, tant il existe de dénominations en hébreu :
Kosem :pratiquer des enchantements (pluriel kesamim)
Me 'onen : pratiquer la divination
Mena'hech: faire des augures
Me 'hachef:pratiquer la sorcellerie
'hover: faire des incantations
Choelovv'yiddoni: consulter les esprits
Dorech el hametim : interroger les morts
De même il s'avère aussi difficile d'établir une ligne de démarcation
nette et radicale entre magie (me 'hachef) et divination (me 'onen)
entre magie et astrologie, nécromancie et divination proprement dite.
Le Talmud Babylone T.b. Guemara (Sanhedrin 65b)pose cette
question?.
Quelle est la définition du devin mentionnée dans le verset : « il ne
sera pas trouvé parmi vous .... Un devin » ?
Rabbi Shimon dit :
« C'est celui qui applique sept types de sperme [zekhur] à son œil afin de pratiquer
la sorcellerie. »
Et les rabbins disent: c'est celui qui trompe les yeux comme s'il
accomplissait de la sorcellerie. Rabbi Akiva dit : c'est celui qm
calcule la fortune des temps et des heures et dit par
exemple :aujourd'hui est un jour propice pour acheter une propriété
avec succès; ou il dit qu'à la veille des années sabbatiques, la récolte

93
de blé est généralement bonne ; déraciner les légumineuses plutôt que
de les couper au-dessus du sol les empêche de se détériorer »
Les sages ont enseigné :
« L' enchanteur est celui qui s' appuie sur des signes superstitieux. Par exemple,
celui qui dit; si son pain est tombé de sa bouche, c' est un mauvais signe pour lui ;
ou: si un bâton est tombé de sa main, c'est un mauvais signe ; ou :si un fils l'appelle
par derrière, c'est un signe qu'il doit revenir de son voyage ; ou si un corbeau
l'appelle, ou si un cerf le bloque sur le chemin, ou si un serpent est à droite, ou si un
renard est à sa gauche, tout cela est un mauvais signe. Un enchanteur est celui qui
s'appuie sur ceux -ci comme de mauvais signes et change par conséquent son plan
d'action».
Le judaïsme orthodoxe s'est toujours opposé à la divination. Il
considérait que le faitd 'invoquer des Noms de Dieu déviait du strict
monothéisme.
« Il ne se trouvera chez toi personne pour faire passer le feu son fils ou sa fille,
Interroger les oracles, pratiquer l'incantation, la magie, les enchantements 11 et les
charmes, recourir à la divination consulter les morts ».

Dans le code de lois juives (Choulhan Aroukh), tome YoréDéa,


chapitre 179 alinéa 1 :
« Il est interdit de consulter les astrologues ou les tirages au sort »

C'est ainsi qu'au Moyen Age, de grandes figures de ce judaïsme


orthodoxe comme Rashi ou son petit fils Rabbi Tarn, Yehiel de Paris
ou Meir de Rothenburg se sont tenus à l' écart de toutes les pratiques
magiques et divinatoires.
Malgré ces interdictions scripturaires, des textes essentiellement
talmudiques attestent que déjà, à l'époque de la Mishna, ( Illè siècle),
la divination était d'usage courant.
Cependant, l'usage de la divination était si répandu et populaire qu'il
devenait impossible d'en empêcher la pratique dans ces sociétés
Juives.
La divination est un fait anthropologique aussi vieux que l'humanité
elle-même. Elle se nourrit de l'angoisse des hommes.
Lors de l'antiquité, tous les peuples du Moyen-Orient pratiquaient la
divination. Malgré les exhortations des prophètes, les pratiques
divinatoires n'ont jamais été éradiquées au sein du monde juif.
Bien que l'objectif du judaïsme fut d'avoir consisté à éradiquer toutes
ces pratiques, ceux-ci ont été maintenus chez les Juifs à toutes les
époques parce que les guides spirituels savaient que l'homme est
réticent à changer ses habitudes.

94
L'objectif était donc d'éloigner le peuple de toutes ces pratiques de
manière pédagogique. Maïmonide s'exprime à ce propos dans le
Guide des égarés : III, 29.
« Il n'eût pas été convenable d'exiger de renoncer complètement aux sacrifices. Le
faire eût semblé aussi impensable que si l'on exigeait aujourd'hui une religion de
pure méditation, sans culte, sans prière, sans aucune pratique. Le culte sacrificiel est
un pis-aller pour que le peuple ne sacrifie pas aux démons ou aux anges .»

Cette ambiguïté manifeste s'avère extrêmement intéressante dans


l'histoire de la philosophie juive. Maïmonide par exemple, bien qu'il
condamne ce type de pratique, explique cependant que certaines
coutumes possèdent une signification qui reste contingente et liée à
des événements historiques précis.
Il développe également que certaines pratiques représentent une sorte
de concession divine à la façon de penser d'une culture idolâtre,
concession ayant pour but, malgré cette base et à partir d'elle, de créer
une culture monothéiste. Ainsi, lorsque Dieu voulut édifier une
communauté monothéiste, il ne put changer en une nuit la mentalité
polythéiste en mentalité monothéiste. Il a fallu la conduire par étape
vers le monothéisme. Cette façon pour Dieu de s'adapter, de se
conformer et de se mêler au monde sans porter atteinte aux lois de la
nature se nomme pour Maïmonide, « sa ruse et sa sagesse».
L'idée maïmonidienne d'une « ruse et sagesse de Dieu» se rapproche
de celle de Hegel dans sa philosophie de l'histoire. Il analyse en
effet« la ruse de la raison » et montre comment la raison se sert des
besoins et des désirs des individus dans l'histoire pour atteindre ses
propres buts. Ces pratiques et coutumes (Minhag, plur. Minhaguim)se
sont donc imposées comme source de droit pouvant entrer en
contradiction avec la loi divine. C'est dans le Talmud que les
références aux coutumes comme sources de loi apparaissent les plus
évidentes.
Dans la Tossefta (ter.3,12), RabbiYehouda dit:
« La loi (Halaha) serait comme Beth Shammaî) mais la majorité des gens agissent
comme Beth Hillel ».
Seulement l'usage, le Minhag s'est imposé comme Loi.
Dans le traité du Talmud Berahot 54a, les sages, confrontés à une
difficulté pour décider de la loi, concluent:
« sors et vois comment agit le peuple ».
Rabbi Rothenbourg (XIIIe siècle, Worms) pose un principe qui s'est
confirmé à travers les siècles :
« Pour tout sujet de loi (halahique), celle-ci doit aller dans le sens du Minhag ».

95
A partir de ce principe de loi, l'un des bons résultats du judaïsme fut
d'avoir su canaliser avec sagesse une grande partie de la magie,
évitant ainsi l'horreur de cette « folie des sorciers ».

3.2. les devins juifs


Parmi les devins bibliques acceptés on trouve les prophètes (navi)et
les voyants de Dieu (ish elohim).
(Deuteronome18: 14-22; I Samuel 9: 6; II Rois 3 : 11)
Il existe également plusieurs autres termes de la prophétie, tous étant
des cibles de condamnation: baal ov, itztzim, kosem, Ksamim,
menahech, meonen et yeddioni.
L'insertion de la divination dans le courant prophétique est établi dans
deux textes de Maïmonide.
Moïse Maïmonide ou Moïse ben Maïmon est connu sous l' acronyme
de RaMBaM dans le Judaïsme (1138 - 1204).Dans son code de loi
écrit en hébreu Mishné Torah (Répétition de la Torah) ou dans un
autre texte écrit en arabe intitulé Dalâlat al- hayrân, connu sous son
titre hébreu Moreh Nabûkimou dans sa traduction française de Munk
Guide des égarés, paris,1856-1866), le lien entre la divination et la
prophétie est établi. Maïmonide voit, dans ces deux manifestations,
une continuité entre la prophétie qui est une émanation de Dieu et le
rêve vrai.
« Sache que la prophétie est en réalité, une émanation de Dieu qui se répand par
l'intermédiaire de l'intellect actif sur la faculté rationnelle d' abord, sur la faculté
imaginative ensuite » Deuxième partie, chapitre 36« C'est l'un des fondements de
notre foi que Dieu communique avec l'homme par la prophétie » Michné Torah,
chapitre 7.

Dans son commentaire sur la Michna, Maïmonide cite le concept de


prophétie comme le Sixième des Treize Principes de foi. Dans les
Hilkhoth Téchouvah 3.8, Maïmonide inclut dans la catégorie des
hérétiques qui n'ont pas de part au monde futur « celui qui dit que la
prophétie n'existe pas et que la connaissance n'est pas communiquée
par Dieu au cœur de l'homme.

« La prophétie n'est accordée qu'à un sage imminent au caractère fort, qui n'est
jamais soumis à ses tendances naturelles, mais qui, au contraire, les maîtrise par son
esprLit, à tout moment» Michné Torah, chapitre sept.

Le Rambam considère donc comme essentiel que l'esprit contrôle le


caractère pour atteindre une conduite raffinée.

96
« C'est le plus haut degré de l'homme et le tenne de la perfection à laquelle son
espèce peut atteindre, et cet état est la plus haute perfection de la faculté
imaginative».
Trois perfections sont requises au prophète :
La perfection de la faculté rationnelle au moyen de l'étude.
La perfection imaginative
La perfection des mœurs qui s'obtient lorsqu'on fait taire le
désir de toute espèce de sottes et pernicieuses grandeurs.
Maïmonide a consacré dix- sept chapitres à la prophétie, permettant de
conclure à l'existence d'une continuité entre divination et prophétie.
Concernant cette faculté de divination (qu'on rencontre chez les
prophètes), Maïmonide écrit dans son Guide des égarés, paris, 1856-
1866) (Deuxième partie, chapitre 38, p.371):

« Cette faculté existe dans tous les hommes, mais varie par le plus et le moins ;(elle
existe) particulièrement pour les choses dont l'homme se préoccupe fortement dans
lesquelles il promène sa pensée. Tu devines, par exemple qu'untel a parlé ou agi de
telle manière dans telle circonstance et il en est réellement ainsi. Tu trouves tel
homme chez lequel la faculté de conjecturer et de deviner est tellement forte et juste
que presque tout ce que, dans son imagination, il croit être, est (réellement) tel qu'il
se l'est imaginé ou l'est (du moins)en partie. Les causes en sont diverses (et cela
arrive)par un enchaînement de nombreuses circonstances antérieures, postérieures et
présentes ; mais, par la force de cette faculté de divination, l'esprit parcourt tous ces
prémices et en tire les conclusions en si peu de temps que cela semble l'affaire d'un
instant. Ces deux facultés, je veux dire, la faculté de hardiesse et la faculté de
divination, doivent nécessairement être très fortes dans les prophètes. De même, par
le grand développement de leurs facultés de divination, ils prédisent promptement
l'avenir. Ajoutons à cela qu'Il existe plusieurs niveaux panni les prophètes. De
même qu'en sagesse, un sage peut être supérieur à son collègue, en prophétie, un
prophète peut être supérieur à l'autre».

« Toutefois, tous reçoivent les visions prophétiques uniquement au


cours d'un rêve nocturne ou le jour après que le sommeil les ait vaincus, ainsi qu'il
est écrit» : (Nombres 12 :6)
« Je Me fais connaître à eux dans une vision. Je leur parle en rêve».
Lorsqu'ils prophétisent, leurs membres tremblent, leurscapacités
physiques s'affaiblissent, ils perdent le contrôle de leurs sens, et ainsi,
leur esprit est libre de comprendre ce qu'ils voient,, ainsi qu'il écrit
(Genèse 15.12) à propos d'Abraham:
« Et une profonde terreur sombre s'empara de lui.»
De même, Daniel (10.8) annonça:
« Mon apparence était horriblement changée, et je n'avais plus de force ».

97
Quand un prophète est informé d'un message dans une vision, celui-ci
lui est transmis par une métaphore. Instantanément, l'interprétation et
l'imagerie sont gravées en son esprit et il comprend sa signification.
Par exemple, l'échelle que vit le patriarche Jacob sur laquelle les anges
montaient et descendaient était une allégorie représentant les empires
et l'assujettissement (de ses descendants]. De même, les créatures que
vit Ezéchiel, la casserole bouillante et la branche d'amandier que vit
Jérémie, le rouleau de parchemin que contempla Ezéchiel et la mesure
aperçue par Zacharie (étaient toutes des métaphores].

3.3. Les procédés divinatoires (kesamim)


Dans notre classification, la divination comprend six grandes
catégories subdivisées en plusieurs branches :

3.3.1. Les procédés cléromantiques. Il s'agit des procédés basés sur


le tirage au sort. Lorsque l'on veut savoir si une personne vivra ou
mourra, on utilise la table dite« de Vie et de Mort » ; il s'agit de deux
tableaux divisés en cases contenant des nombres. Pour connaître le
destin du consultant, on prend le numéro du jour dans le mois courant
(exemple le nombre 4 pour le 4 juin) où il est tombé malade, la valeur
numérique de son nom et de celui de sa mère. Sur ces nombres ainsi
obtenus, on va se livrer à de nombreux calculs en y introduisant une
constante qui est le plus souvent le nombre vingt. Au terme de ces
comptes, on obtient un nombre que l'on retrouvera soit dans la table
de vie, soit dans la table de mort, obtenant ainsi une réponse à la
question que l'on se posait.

3.3.2. Les procédés oniromantiques


« D'où tiens tu que tu es sur le point de mourir? L' autre répondit « Mon âme me
quittait toutes ces dernières nuits sans que je fusse illuminé par un rêve comme
auparavant; bien plus encore quand dans ma prière je m'incline, je ne vois pas mon
ombre sur le mur c'est donc que le messager est sorti annoncer ma mort: c' est par
son ombre que l'homme chemine. (Ps. 39 :7)
Perdre son ombre, rêver de parents et amis, voir en songe un rouleau
de la Loi (sefer Torah) sont les signes avant coureurs d'une mort
prochaine et annoncent du même coup l'entrée en scène de l'Ange de
la Mort (Cf.Zafrani,1983, p.97).
Rêver de son père décédé est le signe d'une mort sans sépulture.
Rabbi Yossi ben R.Tanhum raconte ce qu'il arriva en Asie.

98
« Aba voulut partir en mer entre la fête de Sukkot et H anuka. Une
matrone lui dit:« c' est maintenant qu'on voyage? »
Son père aussi lui apparut et lui récita le verset :
« il n'aurait même pas de sépultures» (Eccl.6.3 ).
« Il n'en eut cure et prit la mer et ce qui devait arriver arriva. »
(Gen.rabba. 6 :5 ;Qoh.rabba. 3 2)
Dans Zohar 1, 217b-218a on lit:
« Quand approche pour un homme les jours de sa mort, trente jours auparavant,
l'annonce de cet instant suprême est proclamée, criée de par le monde ; les oiseaux
du ciel eux-mêmes s'associent à ce cri, à cette proclamation ».
Les lettres comprises dans Ha-Satan (le Satan) ont pour valeur
numérique 374, ce qui veut dire que son pouvoir d'accusateur s'exerce
durant les 374 jours de l'année, mais cesse le jour des expiations (TB
Yoma: 20 a).
Enfin, c'est Satan qui fait mourir, d'où ce surnom d' ange de la mort
qu'on lui connaît. (Zohar,217b-218a) La Bible attribuant aux songes
une telle importance, il était tout naturel que l'oniromancie soit une
science de divination officielle. Notre postulat de départ a été de
considérer que les songes ont une valeur prophétique étant donné
qu'ils sont envoyés par Dieu. Dieu lui-même déclare, selon le Talmud.

« Quoique j'ai caché ma face à Israël, je veux communiquer avec lui par des
songes » (TB Kharg : 5b)

On évaluait les songes à "un sixième de la prophétie"(TB Ber :57b)


Il faut également noter que dans la tradition musulmane, Mahomet
aurait dit : " Les songes sont la quarante-sixième partie de la
prophétie." (Cf. DoutteMagie et religion.p.397)
Les songes sont également pour les morts le moyen de communiquer
avec les vivants. Ainsi que Dieu, les morts se servent des rêves pour
faire parvenir des messages aux vivants.
Le Talmud abonde en nombreux récits relatifs à ce sujet. (Cf. Cohen
A. Le Talmud. p.349)
Quand les maîtres apparaissent en rêve après leur mort.Dans TB Moed
Qatan28 a on lit :
Rava (Mort en 353) était assis devant Rabbi Nahman (son maître mort
en 321) et vit qu'il s'éteignait. Rabbi Nahman lui dit:

«Lemaître pourrait-il dire à l'ange de la mort qu'il ne le fasse pas souffrir? Raval
lui répondit: le maître Rabbi Nahman n' est-il pas un homme éminent? Il lui
répondit : qui est estimé à l'heure de la mort, qui est respecté ? Qui est digne de

99
considération? Il lui demanda alors : est-ce que le maître a souffert en mourant ?
Rabbi Nahman lui répondit: comme on retire un cheveu de la surface du lait.
Mais si le Saint, béni soit-il, me disait de retourner dans ce monde comme j 'étais, je
ne le voudrais pas: l'effroi devant l'ange de la mort est trop grand ! ».

Dans le voisinage du Roi Juda, quelqu'un mourut sans laisser personne


qui pût porter son deuil. Durant la semaine funèbre, le roi Juda amena
sept hommes pour s'asseoir dans la maison du défunt. Au bout de sept
jours, le mort lui apparut en songe et lui dit :

« Que votre en esprit puisse reposer en paix, comme repose le mien grâce à vous »
(Chab.l 52a,b)

Parmi tous les procédés divinatoires, l'interprétation des songes et des


rêves est des plus utilisée pour prédire les évènements futurs.
Dans Zohar I, 199b, 130\ 238a , 183a; II, 82b) on lit :R. Yossi
commença ainsi son propos : «Carle rêve vient de l'abondance des
soucis et la voix du sot de l'abondance des paroles » (Ecclésiaste
5 :2) » 11 a été expliqué par ailleurs qu'en matière de rêve, il existe
plusieurs degrés et que le rêve possède lui-même plusieurs sources et
fondements. Il est des rêves qui sont entièrement vérité ;il en est
d'autres où vérité et mensonge ont leur part. Les justes de vérité, eux,
connaissent les rêves d'où le mensonge est exclu, tous leurs rêves sont
entièrement vérité. Dans la tradition Jmve, les procédés
oniromantiques peuvent être divisés en deux catégories : les vrais et
les faux.

Les rêves vrais sont bons, propres, clairs et prophétiques sont


suscités au nom de DIEU et possèdent la faculté de révéler
l'avenir. (nombres.12 : 6) « Je me révèle à lui en songe ».
Nos maîtres ont enseigné :
« Si quelqu'un rêve qu'il y a un mort dans la maison, la paix sera dans la maison.
S'il a mangé ou bu à la maison, c'est un bon présage pour elle. S'il a pris un objet de
la maison, c'est de mauvais augure».

Rav Papa (300-375) enseigne : « tout ce qu'un mort prends (en rêve)est de
bon augure, à l'exception des chaussures et des sandales. Et tout ce qu' il a tout ce
qu'un mort donne et de bon augure. » (T.B. Berakhot 57 b ).

Les rêves fauxsont mauvais, confus, effrayants, ordinaires ou


sexuels. Cette classification des rêves que nous adopterons est
aussi relevée dans l'Islam suivant la classification de Nabulsi

100
(mort en 1731 ). On retrouve dans la catégorie des vrais rêves
(Rûyat), ceux envoyés par Dieu et dans les faux rêves (ah'lâm)
, ceux envoyés par Satan, par les sorcières, et par les mauvais
génies (lesjinn). (Fahd, 1966, Doutté, 1908, Kilborne, 1973.)
Les mauvais rêves et le hatavat chalom
Rêver que vous perdiez toutes vos dents, que votre maison s'écroulait,
que vous priiez au dernier moment du jour du Cn:and pardon était
considéré comme des rêves terribles annonçant une mort imminente. Il
existe dans le judaïsme un rituel pour « améliorer un mauvais rêve»,
c'est hatavat chalom. En voici la source talmudique :

« Si quelqu'un a un rêve qui le rend triste il devrait le faire interpréter en présence


de trois personnes. Il devrait le faire interpréter ! »
R. Hisda n'a-t-il pas dit:« Un rêve qui n'est pas interprété est comme une lettre qui
n'est pas lue » ? Disons plutôt que le rêve devrait être changé en bon rêve en
présence de trois personnes. Qu'il rassemble trois personnes et leur dise : » J'ai vu
un bon rêve», et ils devraient lui dire : « Il est bon et qu'il soit bon. Que le tout
compatissant le rende bon... >>

On pratique encore ce rituel de nos jours. Quelqu'un qui a un mauvais


rêve va réunir trois amis chers et réciter des prières demandant que le
mauvais rêve se change en bon rêve. Pour le Talmud, un mauvais rêve
est considéré comme un décret maléfique du ciel. Pour inverser le
décret on exhorte la personne à prier, jeûner et faire la charité. Perdre
son ombre, rêver de parents et amis, voir en songe un rouleau de la loi
(sefer Torah) sont des signes avant-coureurs d'une mort prochaine et
annoncent l'entrée en scène de l'ange de la mort.
Dans Zohar 1, 2 l 7b-2 l 8a on lit : « quand approche pour un homme les jours de
sa mort, trente jours auparavant, l'annonce de cet instant suprême est proclamée,
criée de par le monde; les oiseaux du ciel eux-mêmes s'associent à ce cri, à cette
proclamation »
Les lettres comprises dans Ha-Satan (le Satan) ont pour valeur
numérique 374, ce qui veut dire que son pouvoir d'accusateur s'exerce
durant les 374 jours de l'année, mais cesse le jour des expiations. (TB
Yoma20 a).Enfin, c'est Satan qui fait mourir, d'où ce surnom d'ange
de la mort qu'on lui connaît.
Dans Zohar (I,217b-218a): «Un jour, R. Isaac était assis à la porte de la
maison de R. Juda, plongé dans une profonde tristesse. Qu'y a-t-il de particulier
aujourd'hui ? » R.Isaac répondit : « Je suis venu te demander trois choses : quand,
étudiant la Torah, il t'arrivera de citer certaines de mes paroles, tu devras les dire en
mon nom et faire mention de leur auteur; tu feras à mon fils la grâce de lui
enseigner la Torah ; tous les sept jours, tu iras prier sur ma tom be »

101
R. Juda demande :« D'où tiens-tu que tu es sur le point de mourir? »
L'autre répondit:« Mon âme me quittait toutes ces dernières nuits sans que je fusse
illuminé par un rêve comme auparavant; bien plus encore, quand dans ma prière je
m'incline, je ne vois pas mon ombre sur le mur; c' est donc que le messager (Satan)
est sorti annoncer ma mort, car il est dit:» C'est par son ombre que l'homme
chemine (Ps. 39 :7).
Rabbi Nahman eu une vision effrayante: ce que Rachi commente :
« des anges effrayants lui firent peur. Le mot siyuta signifie
cauchemar, responsable d'une peur suscité par le démon d'un rêve.
Dans TBNedarim 41 a: on raconte à Raba b. Chila:
« Ce grand homme est mort. Il chevauchait pourtant un petit âne, mais quand il fut
arrivé sur le pont, un mauvais esprit s'empara (de l'âne) qui projeta (le cavalier)
dans l'eau et où il mourut: Rabbi Nissim explique: on dit qu'un esprit de démence
(le satata) s'empara de lui. Citons encore un passage du Midrach où l'on parle
« d'un esprit de démence (mahtazezit) qui surprend les animaux comme les hommes
dans leur sommeil. (Cf.Kristianpoller. p.104).

3.3.3. Les procédés physiognomantiques ou m01phopsychologiques


Il s'agit de procédés divinatoires basés sur les particularités physiques
du corps humain pour aboutir à la connaissance psychologique de
l'homme. Dans cette partie du Zohar II, 70a intitulée Raza de - razin
« Mystère des mystères » on peut lire :

« Tu (Moïse) examineras chacune des formes humaines, chacune des figures sous
ses six aspects : les cheveux, les yeux, le nez, les lèvres, les traits du visage, les
mains et les lignes des mains. De chacun de ces six aspects, il est dit « tu verras ».
Tu verras l'aspect des cheveux, les rides du front, l'épaisseur des sourcils, les yeux,
les plis des paupières, les lignes du visage et son teint, les lignes des mains et les
marques qu'elles portent. ... C'est ainsi que tu reconnaîtras les hommes de valeur .... ;
les hommes de vérité, les ennemis du lucre , de la vénalité ... Moïse fut ainsi initié à
cette science occulte.
Cependant les kabbalistes porteurs de cette « science» des visages et des formes,
ont l'obligation d'être attentifs et prudents quant à l'usage qu'ils sont appelés à en
faire. « Elle doit, en effet, servir exclusivement au salut des hommes, à guérir leurs
corps et leurs âmes. Ils mériteront alors ce monde-ci et le monde à venir .... »

3.3.3.1. La chiromancie, la chirologie ou chirognomonie


C'est dans le Zohar. II, 76 a qu'on en fait mention. Il est écrit :

« Les lignes de la paume et des doigts (la chiromancie) sont à l'homme ce que les
étoiles et les autres corps célestes sont au firmament>>

Les rides sur la paume de la main droite aussi bien que de la main
gauche indiquent le caractère et le tempérament de l'homme.

102
Dans le judaïsme il s'agit plutôt de chirologie ou chirognomonie que
de chiromancie. La chirologie étudie les lignes de la paume et des
doigts de la main en vue de déterminer certaines tendances physiques,
psychiques et mentales d'un individu. C'est ainsi qu'on pourra par
exemple indiquer qu'une ligne verticale sur la face antérieure du
majeur correspond à un homme posé qui réfléchit avant d'agir et qui
n'entreprend rien sans avoir pesé au préalable tous les inconvénients
qui pourraient résulter de son acte.
Néanmoins, dans le Zohar, il est aussi fait mention de la chiromancie
qui permet de deviner à partir des lignes de la main la brièveté de la
vie d'un homme, son avenir heureux ou malheureux. Ainsi l'homme
qui « a trois lignes sur la partie inférieure de l'auriculaire et quatre
autres sur la paume disposées verticalement doit apprendre à bref délai
des nouvelles.

« Une ligne verticale sur la face antérieure du doigt majeur indique un homme posé
qui réfléchit avant d'agir et n'entreprend rien sans avoir pesé au préalable tous les
inconvénients qui pourraient résulter de son acte. Deux lignes verticales sur la même
face du doigt qui ne disparaissent pas même lorsque le doigt est tendu indiquent un
homme qui réfléchit peu et dont tous les actes sont faits avec précipitation. Trois
lignes verticales sur la même face du doigt, augmentées de deux ou trois lignes sur
la face antérieure du même doigt indiquent un esprit fin et réfléchi; tous les efforts
de cet homme tendent à marcher dans la voie du saint, béni soit-il ; il n'a pas d'autre
ambition. Quatre ou cinq lignes sur la face antérieure et autant de lignes sur la face
intérieure du majeur indiquent un homme qui ne pense qu' à faire le mal et s'en
targue. Outre ce dernier indice, la marque susnommée indique également que
l'homme sera favorisé par la fortune, mais qu'il ne jouira pas longtemps du bonheur
car il mourra peu de temps après. Cependant, grâce à la contrition et à la prière,
l'homme peut changer son destin; et, dans ce cas, le nombre des lignes se modifie:
trois lignes sont parfois réduites à deux , deux sont parfois changées en quatre , et
ainsi de suite. Car les lignes de la main ne sont point permanentes ; elles se
transforment de temps en temps, suivant la conduite de l'homme. »

3.3.3.2. L'onychomancie
L 'onychomancie est la divination tirée de la forme des ongles. Elle
pe1met de deviner avenir heureux ou malheureux, une réussite ou un
échec dans toutes les entreprises, le moment favorable ou non pour
des projets. Elle indique aussi si les mesures de rigueur décrétées par
le ciel viennent d'être levées ou non. Et cela à partir de l'examen de la
surface de l' ongle.
On voit souvent, dit le Zohar, ( II,76a), sur les ongles de petites taches
blanches en forme d'étoiles. Ces taches proviennent du vide qui existe
entre l'ongle et la main. Certains vides sont profonds : dans ce cas, la

103
tache ressort davantage à la surface de l' ongle. D'autres vides ne sont
pas très profonds ; dans ce cas, les taches ne sont pas prononcées. Ces
dernières n'ont aucune importance dans l'onychomancie. Les
premières sont d'un bon augure pour l'homme.

3.3.3.3. Les naevi ou« grains de beauté »(1)


Lorsque l'individu a un grain de beauté sur le corps pourvu de trois
poils, dit le Zohar, les initiés dans les mystères de ces marques du
corps humain nomment ce grain de beauté « tête de l'aigle». Parfois
ce grain est situé entre les épaules patfois il se trouve sur le bras droit
et quelquefois sur les doigts de la main droite. Un grain formé
régulièrement dont le point le plus élevé se trouve au centre indique la
richesse et la gloire. Un grain formé ÜTégulièrement indique une
descendance mâle. Quand ce grain n'apparaît que dans la vieillesse, il
indique que cet homme arrivera à une grande richesse ou à une gloire
extraordinaire et qu'il réussira dans l'étude de la loi en s'y consacrant.
La« tête de l'aigle »est patfois noire, patfois rougeâtre elle peut aussi
être pourvue de poils ou non. Certaines fois le grain sera d'un rouge
vif et cela indiquera que l'homme a eu des relations avec une femme
pendant ses menstrues et qu'il ne s'en est pas encore repenti. Mais dès
que l'homme aura fait pénitence, la rougeur du grain disparaitra.
Quand les initiés aperçoivent cette marque qui indique le pêché sur le
corps de quelqu'un, ils ont coutume de dire à l'individu:
« Tâche de te guérir».

1. Cf H.Sérouya, La KABBALE, Paris, 1947,p.521.

3.3.3.4-Le mystère de la chevelure


Celui dont les cheveux sont raides et droits sur sa tête est
irascible. Son cœur est dur comme une cale de bronze, un coin
d'acier. Il n ' est pas loyal et il ne convient pas de cultiver sa
compagnie, il faut s'éloigner de lui. (Zohar Il, 71 b)

Celui qui a des cheveux très doux lui tombant sur le cou mérite
qu'on s'associe à lui, et de cette association peut résulter un
profit.. (Zohar II, 71 b)

Celui dont les cheveux sont noirs et brillants réussit en tout ce


qu'il fait dans le commerce comme dans les autres affaires de
ce monde. Il y réussit seul sans les autres. Cette chevelure est

104
sous le signe ésotérique de la lette Zayin, la septième lettre de
l'alphabet, qui renvoie à un verset du livre des Nombre 6,
7 :« La couronne de son Dieu est sur lui ». Il est fait mention
ici de Samson dont les armes et les instruments guerners
résident dans sa chevelure .. (Zohar II, 71b)

Un homme aux cheveux noirs tombants et non lisses est un


taciturne ; il est prudent, mais il a une mauvaise langue ; en
outre, il est porté à la colère et provoque toujours des querelles
dans sa maison. A peu d'exception, un tel homme réussit dans
ses entreprises.. (Zohar II, 71 b)

Un homme aux cheveux rouges frisés craint les péchés, il est


compatissant avec tous les malheureux et porte autant d'intérêt
aux autres qu'à sa propre personne ; il est fidèle et bon.
Cependant, celui qui s'associera à lui ne réussira pas, et lui-
même ne réussira dans aucune entreprise .. (Zohar II, 71 b)

Un homme aux cheveux roux tombants et lisses est un rusé ; il


n'a pas de respect pour ses supérieurs et éprouve une joie de
voir souffrir son prochain. Il est infidèle et dissimulateur.
Qu'on se garde de s'associer à lui .. (Zohar II, 71b)

3.3.3.5. Le mystère du front réside dans la lettre Nun, lettre finale


deZayin.
L'homme dont le front est bas et plat n'est pas constant dans ses
idées ; il se croit sage et ne comprend rien, il agit sans réflexion.
(Zohar II, 71 b)
L'homme qui a un front court, abrupt, sans le moindre arrondi est un
homme instable ; il croit tout savoir comme un sage mais il ne sait
rien ..... , c'est un esprit inquiet ; il arrive que sa mauvaise langue
morde comme la langue du serpent ... il ne faut pas se fier à lui. (ibid.,
Il,7lb)
L'homme qui a un grand front arrondi est un homme de science, de
parole et de mémoire : il fait bien sa besogne, il le fait intelligemment
alors même qu'il n'a pas de maître expert pour l'instruire dans son
métier ou lui communiquer la science. Il réussit en tout ce qu'il
entreprend sauf en matière d'argent et en affaires où sa réussite est
intermittente .... (ibid., II,7lb)

105
3.3.3.6. Le mystère des yeux
Les yeux jaunes indiquent un homme mélancolique ;il se tourmente
constamment sans raison.
Les yeux bleus indiquent un homme inconsidéré; il rit de tout, même
des choses qui n'offrent aucune matière à rire ; il est avare dans sa
maison et prodigue lorsqu'il est en compagnie d'étrangers.
Les yeux larges sont l'indice d'un homme envieux, et il convient de
ne pas le fréquenter.
Les yeux verts ou noirs appartiennent à l'homme qui baigne
constamment dans la joie; il ne pense jamais à mal. Le succès veille
sur lui quand il se livre à des occupations précises, désintéressées. Il
faut l'encourager à étudier la Torah.
Les yeux verts ou bleus, teintés de jaune, sont habités par la folie ;
l'individu parle trop, fort et haut, il a des prétentions à la grandeur,
mais il ne résiste pas à une discussion sérieuse ; vanité, mégalomanie
et logomachie dessinent son profil moral et intellectuel. Il n ' est pas
digne de recevoir les mystères de la Torah.

3.3.3.7. Le mystère des lèvres


Ce mystère est sous le signe ésotérique de la lettre Pe intégrée dans le
mystère de la lettre Samekh.
Des grandes lèvres indiquent un homme qui médit les autres. Il est
effronté et crâneur, querelleur et mouchard ; il sème la discorde entre
frères (Pro.XXI, 29).
Des lèvres épaisses, sèches et rugueuses montrent qu'il est irascible,
intolérant et agit avec préméditation quand il fait mal ; il est
parfois railleur. .. et cligne de l'œil. C'est de lui qu'il est dit:
« l'homme méchant prend un air hardi. (Il convient de s'en
éloigner. ... (Pro.XXI,29)

3.3.3.8. Le mystère des oreilles


Des grandes oreilles indiquent un homme habité par la sottise et la
folie dans son esprit. Des oreilles petites et droites signalent que
l'homme est porteur de la sagesse de cœur et une fine sensibilité. Ce
trait se trouve sous le signe ésotérique de la lettre yod, intégrée elle-
même au mystère de toutes les autres.
Un homme qui a des poils à la partie supérieure des oreilles est un
présomptueux; il se croit un grand homme alors qu'il ne l'est pas, il
aura des fils et des filles.

106
Un homme qui aura un grain de beauté sur l'oreille sera un grand
maître de la loi et mourra jeune.

3.3.3.9. Le mystère des rides


Un homme qui a trois rides sur le front dont deux paraissent et
disparaissent de temps en temps et dont une subsiste toujours réussira
dans ses études s'il s'y consacre.
Un homme qui a six rides sur le front dont trois sont très prononcées
et les trois autres peu profondes est un individu colérique, avare,
jamais gai et très souvent sourd de l'oreille gauche.
Deux rides transversales sur un nez droit est un indice de bonté ; cet
homme craint le Seigneur et craint le péché ; il passe sa jeunesse sans
connaître de maladies.
Si des rides paraissent et disparaissent à certaines époques, l'homme
est malade dans sa jeunesse et jouit d'une bonne santé dans sa
vieillesse.

3.3.3.10. Le mystère du visage


C'est l'âme qui imprime ces marques sur le visage, les traits transmis
par la mère forment quatre types généraux: Zohar (11,73b - 74a )
Visage d'homme, visage de lion, visage de bœuf et visage d'aigle.
La première figure est celle de l'homme :Les kabbalistes
reconnaissent la vertu de l'amour. La figure, dite figure d'Adam, est
parfaite ; Une nervure fine parcourt le côté droit du visage ; une
seconde nervure est rejointe par deux autres sur le côté gauche ;
l'ensemble se présente sous la forme de quatre signes qui sont les
quatre lettres du mot« edut » (témoignage). Psaume LXXXI .
La seconde figure est celle du lion. Les kabbalistes y reconnaissent
l'homme tenté par la voie du mal. Il finira par s'en éloigner pour
retourner à son Maître et créateur. Il s'agit de la figure du lion
triomphant (surat arye hamitgabber)
La troisième figure est celle du taureau (shor).Ceci révèle un
homme qui ne marche pas dans la voie droite, qui s'écarte des
chemins que lui trace la Torah.
La quatrième figure est celle de l'aigle (nesher). Pour les
kabbalistes cet homme n'appartient pas à au genre dont on peut lire le
caractère en explorant le visage. Les yeux n'ont pas d'éclat même
dans ses moments de joie, quand il se coupe les cheveux ou se taille la
barbe, car son esprit ne brille pas et n'émerge pas au-dehors par des
signes et des lettres.

107
3.3.3.11. Le mystère de la cicatrice (Cf H.Zafrani, op.cit., p.124)
R .Abba se rendait à Cappadoce en compagnie de R. Yosi. Chemin
faisant, ils virent un homme s'approcher d'eux; son visage portait une
profonde cicatrice. R. Abba dit : Quittons ce chemin ; le visage de cet
homme témoigne qu'il a transgressé l'un des préceptes de la Torah
interdisant l'inceste. Cette cicatrice sur son visage en est la marque, le
signe. (Zohar III, 75b -75a)
.... R.Abba appela l'homme et lui posa la question: Cette cicatrice sur
votre visage, d' où vient-elle ? L'homme répondit : Je voyageais un
jour en compagnie de ma sœur. Il advint que nous passâmes la nuit
dans une auberge. Je bus du vin et m'enivrai ... Depuis ce jour-là, je
fais pénitence ; R.Abba dit :« Plût au ciel que ton repentir ne cesse pas
et je ferai en sorte que cette cicatrice disparaisse de ton visage !
J'invoque néanmoins ce verset pour toi : « ta faute est enlevée et ton
péché pardonné » (Isaïe VI, 7) Répète -le trois fois . L'homme répéta
trois fois le texte et la cicatrice disparut.

3.3.4.Les omens
Du latin « omen », présage, augure, pronostic.
On retrouve deux catégories de procédés : les auspices et l'astrologie.

3.3.4.1. Les auspices : du latin avesspicere ; « observer les


01seaux »
C'est une divination réalisée à partir de l'observation des oiseaux
du ciel, des eaux et de la terre.
Le Zohar (I, 183b; Il, 6b) détaille les augures que fournissent les
cris, les chants, l'apparence, et le vol des oiseaux.
« ... Sache qu'il y a des oiseaux chargés d'annoncer toutes sortes de catastrophes et
de fléaux, les uns la famine, les autres la peste, d'autres les invasions de sauterelles,
.Il en est aussi qui sont porteurs de bonnes nouvelles et d'heureux présages, de
message confus ou ambivalents».
« Avant qu'une chose n'arrive en ce monde , on en fait la proclamation au
firmament; de là, le message est transmis ici-bas, soit par l'intermédiaire d'un
héraut extra ~terrestre, soit par le truchement des oiseaux ».
« Balaq, fils de Sippor(littéralement « fils d'oiseau») vécut de cet oiseau bien
connu, cet oiseau sorcier dont il utilisait les charmes dans ses opérations magiques.
Il le mettait dans une cage, brûlait devant lui de l'encens et, aussitôt, l'oiseau lui
racontait bien des choses.... C'est pourquoi on l'appelait « fils de l'oiseau » et c'est
la raison pour laquelle il voyait et savait ce qu'aucun autre homme ne pouvait voir et
savotr. »

108
Outre le nom de l'oiseau, les modalités de leur vol étaient analysées.
Ainsi, les vols venant de la droite (d'Orient) étaient considérés comme
d'heureux présages. (en relation avec la séfira Hesed: bonté)
A contrario, ceux venant de la gauche (d'Occident) étaient
malheureux. (en relation avec la séfira Guévoura, rigueur) Un autre
procédé consistait à lancer un caillou contre un oiseau.
Si l'oiseau volait à droite, il agissait d'un bon présage.
S'il volait à gauche, on en tirait un mauvais présage.

3.3.4.1.1. Le corbeau
Cet oiseau était considéré comme de mauvais présage dans la tradition
juive. « Au moment de la création du monde, le Saint Béni -soit il, avait convenu
avec les corbeaux, comme condition à leur propre existence, qu'ils nourriraient le
prophète Elie quand se produirait la fameuse sècheresse » (Roi ,I, 17, 6 ) ».
Un corbeau annonça de mauvaises nouvelles à R. Eleazar. Celui-ci lui
dit : « C'est bien pour ça que tu as été créé, et c'est là ton destin !
Ses cris sont le signe de la peste et du choléra; ce n'est
qu'occasionnellement qu'il dit la bonne nouvelle.
(VoirZafrani,op,cit.,p .24)

3.3.4.1.2. La cigogne
Pourquoi la cigogne porte - t-elle le nom de hasidah (de hesed
« grâce »Parce qu'elle rend service à ses compagnes. (ibid. ,p.24)

3.3.4.1.3. L'épervier
Selon le Zohar; L'épervier et son congénère dit milano est de bon
augure . (ibid. ,p.24)

3. 3. 4.1. 4. L'hirondelle
Connue sous le nom de « golondrina »elle est un oiseau dit « libre »
Sache qu'au moment où le Temple fut incendié, les hirondelles en
disparaissant des lieux, révélèrent aux humains la fin de cette
calamité. (ibid. ,p.24)

3.3.4.1. 5. Le héron
Pourquoi le héron porte-t-il le nom d'anafah?
C'est parce qu'il est irritable et se querelle avec ses congénères. (ibid.
,p.24)

109
3.3.4.2.L' ASTROLOGIE
Astrologie vient du grec astrologia, de astron « astre», et logos
« discours ».Il convient de ne pas confondre astronomie et astrologie.
L'astronomie est une science qui comprend l'observation des étoiles,
des planètes et autres objets se trouvant dans l'espace.L'astrologie est
basée sur l'observation des influences des astres sur la destinée
humaine. On observe plusieurs formes d'astrologie. Autrefois, on
distinguait une astrologie relative à la médecine et une autre relative à
l'influence des astres. Seule la seconde sera étudiée dans notre
ouvrage.Le Talmud et le Zohar lui attribuent une crédibilité
considérable mais affirmentégalementque l'homme pieux peut vaincre
son influence. Le mot employé par le Talmud« mazal » est
habituellement traduit par « chance » mais il signifie littéralement
«constellation».

3.3.4.2.1. Tout est régi par les planètes (Zohar,I, 198a)D'après le


Talmud, traité Chabbat, 156a :
« Celui qui naît sous le signe du Soleil atteindra la grandeur et celui qui naît sous le
signe de Vénus deviendra riche et immoral. Naître sous le signe de Mercure confère
la sagesse et une mémoire puissante alors que naître sous le signe de la lune attire
des malheurs. Saturne est signe de frustration, Jupiter signe de vertu et celui qui naît
sous l'influence de Mars deviendra soit chirurgien, soit sacrificateur».

3.3.4.2.2. « Ne pas recourir aux prédictions et aux astrologues ».


(Pes., 113b)
« RabbiYo'hanan dit que les astres n'ont aucune influence sur Israël et il le
démontre ainsi: Comment savons -nous que les astres n'ont aucune influence sur
Israël? Parce qu'il est dit ainsi parle l'Eternel : N'imitez pas la voie des nations, et
ne craignez pas les signes du ciel parce que les nations les craignent. (Jér. 10: 2).

« Que les autres nations les craignent, mais pas Israël. » (TBCha. 156a) ».

« Un jour, Samuel et Abalat (un astrologue) étaient assis ensemble. Passèrent devant
eux des hommes qui allaient aux champs.Cet homme là-bas s'en va, mais il ne
reviendra pas: un serpent le mordra et il mourra, dit Abalat.Si c'est un enfant
d'Israël il reviendra, répondit Samuel. Ils étaient encore assis lorsqu'il revint. Abalat
se leva, défit le sac que l'homme portait et y trouva un serpent coupé en deux.
Qu'est-ce que tu as fait de particulier aujourd'hui? demanda Samuel à l'homme.
Nous avons l'habitude tous les jours de rassembler le pain de chacun d'entre nous,
puis nous le mangeons ensemble. Aujourd'hui l'un d'entre nous n'avait pas de pain.
Comme il était gêné, je dis aux autres: « Aujourd'hui, c'est moi qui rassemble le
pain». Quand ce fut à lui de me tendre son pain, je fis semblant de le prendre pour
lui éviter d'avoir honte. C'est une bonne action. Samuel s'en alla et fit le

110
commentaire suivant: les actions justes délivrent de la mort (Prov. 11 : 4), non
seulement de la mort accidentelle, mais aussi de la mort naturelle. »

Qu'Israël ne subit pas l'influence des astres, nous le savons aussi par
Rabbi Akiva. Celui-ci avait une fille qui, selon les prédictions des
devins devait, un jour où elle entrerait dans un jardin, être mordue par
un serpent et en mourir. Cette prédiction inquiétait beaucoup son père.
Un jour la jeune fille, ayant dégrafé sa broche, enfonça la pointe dans
le mur et creva ainsi les yeux d'un serpent. Le lendemain matin,
lorsqu'elle prit son habit, le serpent était suspendu à sa broche et elle
le trainait derrière elle. Son père lui demanda :Qu'as-tu fait de
particulier ?Hier après-midi, un pauvre homme est venu à ma porte. Il
a appelé. Toute la famille était en train de manger et personne ne l'a
entendu. Je me suis levée, j'ai pris la part qu'on venait de me servir et
je la lui ai donnée. C'est une bonne action, dit Rabbi Akiva. Et il fit le
commentaire suivant: les actions vertueuses délivrent de la mort, non
seulement de la mort accidentelle, mais aussi de la mort naturelle. Un
des plus grands décisionnaires, Maïmonide (1138-1204) invalidera
complètement l'astrologie dans ses deux ouvrages Epitre au Yemen au
chapitre III, et dans Michna, TBA voda Zara 4 : 7.

3.3.4.2.3. Dieu est l'unique détenteur de tous les pouvoirs(


Midracherabbah , Eikhah, chap.3).Comme sur la plupart des sujets
qui y sont débattus, l'astrologie symbolise fort bien la tension qui
existe entre les pratiques populaires juives et les principes des rabbins
et guides religieux, tel Maïmonide. Le judaïsme adopte une attitude
différente. Selon le Midrache :
« Il est des personnes qui attribuent aux constellations certains pouvoirs et, par
conséquent, leur vouent un culte. Les croyants monothéistes, cependant, savent que
Dieu est l'unique détenteur de tous les pouvoirs et que toutes les forces de la
création ne sont que différentes expressions de son pouvoir »
« Un roi conquit un jour une nouvelle province. Les élites de ce pays décidèrent
alors qu il était opportun d'établir des relations avec les nouvelles autorités .
Certains cherchèrent à se lier aux nobles, d'autres aux chevaliers et d'autres encore
aux ministres. Le plus sage d'entre eux déclara« je vais tâcher de me lier au roi lui-
même ».

3.3 .. 4.2.4. Moshe Ben Mimoun El - Baz. Ce kabbaliste marocam


raconte dans son livre Sefer Hekhal Haqodesh ( Le palais de la
Sainteté (1653) la naissance des planètes et des constellations.

111
« Lorsqu'il voulut le monde, Il fit sortir un souffle de sa bouche ; et ce souffle-là, de
simplicité absolue, d'émanation fine, se divisa en trois luminaires (sources de
lumière) appelés« (or sah). De ces lumières s'éclairent toutes les créatures .... De
la puissance de la lumière primordiale, il fit émaner un souffle simple
appelé« Couronne Suprême » (Keter elyon), une lumière spirituelle .
.. . De la puissance de la lumière claire, la Couronne (keter) conçut la Sagesse
primordiale (hokhmah). De la puissance de la lumière transparente, la Sagesse
conçut l'intelligence (Binah).La force d'émanation poursuivit son cycle d'opérations
créatrices, procédant de la même manière que pour les trois premières. C'est ainsi
qu'en émanèrent les trois pères, les trois patriarches dont les archétypes sont les trois
sefirot • la Grandeur (Gedulah),laPuissance(Geburah) et la Beauté (Tif'eret).
Puis s'enchaîna le troisième processus émanateur. Ainsi furent conçues les trois
sefirot appelées monde des prophètes • Eternité (Netsah), Majesté(Hod) et
Fondement (Yesod).
Une dernière force émana de toutes les toutes les autres pour concevoir la dernière
sefira Royauté (Malkhut).
A partir des dix sefirot, le flux poursuivit son processus créateur pour donner
naissance à dix classes d'anges homologues• ce sont les hayots ha -qodesh, les
serafim, les ofanim, les er'elim, les Elohim, les mal'akhim, les hashmalim, les bene-
Elohim, les tarshitim et les ishim.
Le flux (l'influence divine) se manifesta une troisième fois et les corps célestes
surgirent en neuf cercles • le premier cercle , uni, plat; le second, celui des « astres»
Mazalot ; le troisième , Shabtay « Saturne » ; le quatrième, Sedeq « Jupiter » ; le
cinquième, Madim« Mars » ; le sixième, Hammah « Soleil » ; le septième, Nogah
« Vénus» ; le huitième ; Kokhab «Mercure» ; le neuvième,Lebanah« Lune » .

Ces neuf cercles correspondent aux neuf premières sefirot. La sphère


Terre reçoit de toutes les autres sphères et correspond à la sefirah
Malkhut qui elle-même se nourrit du flux des neuf autres sejirot.

3.3.4.2.5. LES 12 CONSTELLATIONS « SIGNES DU


ZODIAQUE »Dans Le Talmud, Traité Berakhot, 32b, on lit :
« j'ai créé douze constellations au Firmament » .
On peut lire dans le site Web 1 « Torah- Box.corn» mise en ligne
le 20 avril 2020 les prévisions astrologiques pour le signe du
Taureau. (Chor en hébreu). Il s'agit du texte suivant que je
retranscris intégralement.« ... Les Taureaux : un grand potentiel. ... à
développer ! .... Le mois duquel sont natifs les Taureaux prédispose à
l'élévation et la réussite spirituelles. Majestueux, forts et bons, les
taureaux ont même la capacité de devenir de grands leaders du peuple
juif, à l'instar du taureau qui prépare le terrain pour laisser éclore la
récolte après son passage. Pourtant, afin de ne pas tomber dans les
travers qui les guettent, les Taureaux devront entreprendre un
important travail sur leur personnalité. C'est d'ailleurs la raison pour

112
laquelle ils naissent pendant le décompte du Omer, période propice à
la progression et l'amélioration de soi. L'élément du Taureau est la
terre, ce qui fait de lui un être paisible mais aussi enclin aux plaisirs de
ce monde tels que la luxure, la gourmandise, l'oisiveté, le sommeil,
etc. Pourtant, s'il fait l'effort de cultiver son monde spirituel, le
Taureau deviendra alors un roi véritablement capable de s'élever et
d'entraîner les autres dans son ascension, car il a faculté de descendre
au plus bas (vers la terre, son élément) pour élever les âmes qui
aspirent à se hisser au-delà de leur piètre condition morale. Tout son
défi est justement de ne pas se laisser emporter par sa nature qui le
pousse à mener une vie dénuée de sens et vouée à la satisfaction de ses
instincts .... » ..... « Dans sa vie de tous les jours, le Taureau a un
grand besoin de se sentir en sécurité. C'est pourquoi il est
généralement économe et enseigne à ses proches l'art de l'épargne et
de la prudence financière. S'il s'agit indéniablement d'une qualité, le
Taureau doit aussi veiller à ne pas se montrer économe à outrance et à
dépenser lorsque c'est nécessaire, notamment pour les causes
charitables. C'est aussi un excellent éducateur : patient et soucieux de
la réussite de ses enfants, il sait leur prodiguer amour et chaleur tout
en les protégeant des mauvaises influences extérieures. Enfin, comme
il est très têtu et sait défendre ses intérêts ....... » ( fin du texte extrait
de Torah-Box.corn).
1. https ://www.torah-box.com/femmes/torah-feminine/astrologie-juive-
le-signe-taureau_ 11490. html. Association de diffusion du Judaïsme

113
TABLEAU DE CORRESPONDANCES ENTRE LES MOIS ET LES
CONSTELLATIONS ZODIACALES
CALENDRIER SIGNE SIGNE CALENDRIE
COURANT ASTROLOGIQU ASTROLOGIQU R
E E Hébraïque
Hébreu
MARS/AVRIL BELIER TALE NISSAN
AVRIL/MAI TAUREAU CHOR IYYIAR
MAI JUIN GEMEAUX TEOUMIM SIVAN
JUIN/JUILLET CANCER SARTAN TAMOUZ
JUILLET/AOU LION ARIEH AV
T
AOUT/SEPT VIERGE BETOULA ELOUL
SEP/OCT. BALANCE MOZNAIM TICHRI
OCT/NOV. SCORPION AKRAV HECHVAN
NOV/DEC. SAGITTAIRE KECHET KISLEV
DEC./JANVIER CAPRICONE GDI TEVET
JANVIER/ VERSEAU DLI CREVAT
FEV.
FEVRIER/ POISSONS DAGUIM ADAR
MARS

Le calendrier juif débute au jour de la création d' Adam et Eve (le


sixième jour de la création). Il est lunaire et contient 12 (ou 13 mois),
chaque mois durant 29 ou 30 jours, commençant et se terminant par
un jour spécial appelé Roch 'Hodesh ( « tête du mois « ). Autrefois, le
nouveau mois était proclamé par une cour Rabbinique (bethdin) après
que la nouvelle lune ait été vue mais aujourd'hui le calendrier est
prédéterminé. Chaque année, l'anniversaire de la naissance est
considéré par les rabbins « comme un jour où le destin est fortement
influencé par l'astrologie ». Sur le plan pratique, pour connaître sa
date de naissance hébraïque on utilisera un convertisseur de dates 1 du
calendrier grégorien en date du calendrier hébreu.

1.https://fr.chabad.org/calendar/converter_ cdo/aid/6225/jewish/Date-
Converter.htm

3.3.4. 2. 6. Les 12 anges tutélaires.


Sur le plan pratique, lorsque l'on voulait invoquer une constellation
pour une action désirée, on préférait invoquer les douze anges qui sont
sous leur autorité.

114
Nous donnons ici la liste des correspondances entre les constellations
et leurs anges attribués. Il existe de nombreuses versions de cette
association. Voici la liste donnée par R. Hayyim Ben Attar (696-
1743), un kabbaliste de Jérusalem originaire du Maroc dans son
ouvrage Sha'ar hattara ( la porte de la geôle).
Sur ce tableau de correspondances figure le nom des constellations et
des anges qui les gouvernent.

CALENDRIER SIGNE SIGNE CALENDRIER ANGE


COURANT ASTROL. ASTROL. Hébraïque TUTÉL.
Hébreu
MARS/AVRIL BELIER TALE NISSAN Mikhael
AVRIL/MAI TAUREAU CHOR IYYIAR Qadmiel
MAI JUIN GEtvlEAUX TEOIBvfIM SIVAN Pada'el
TTJIN /TTJILLET CANCER SARTAN TAMOUZ Gabri'el
TTJILLET/AOUT LION ARIEH AV Sadqi'el
AOUT/SEPT VIERGE BETOULA ELOUL Hasdi'el
SEP/OCT. BALANCE MOZNAIM TICHRI Rafa'el
OCT/NOV SCORPION AKRAV HECHVAN Razi'el
NOV/DEC. SAGITTAIRE KECHET KISLEV Satriyah
DEC/JANVIER CAPRICONE GDI TEVET Nuri'el
JANVIER/ FEY VERSEAU DLI CREVAT Yufi'el
FEVRIER/ POISSONS DAGUIM ADAR Ana'el
MARS

3.3.4.2. 7.Les 7 planètes


L'action exercée par les planètes sur le cours de la vie humaine faisait,
comme le mentionne le Talmud, l'objet d'une croyance des plus
fermes parmi le peuple.
Sur les animaux on refusait toute influence(Chab.53b). Mais les
cultures, herbages et fruits leur étaient soumis(Gen.R, 6).

Les planètes Les planètes en hébreu


SATURNE SHABTAY
JUPITER SEDEQ
MARS MADIM
SOLEIL HAMMAH
VENUS NOGAH
MERCURE KOKHAB
LUNE LEBANAH

115
3.3.4.2.8. Les 7 planètes et la date de naissance. Généthialogie ou
Omen de naissance.
Né sous l'influence de Hammah (Soleil), tu seras un homme
distingué, tu mangeras et boiras de ce qui t'appartient en propre, tes
secrets seront révélés et si tu te risques à voler, ce sera en vain .
Autrement dit, tout dans ta vie sera clair et apparent comme la lumière
du Soleil. En outre, comme le Soleil ne reçoit pas de lumière d'une
autre planète, l'individu dont il s'agit ne dépendra que de lui-même.
Né sous l'influence de Nogah(Vénus) tu seras riche et voluptueux,
parce que le feu fut créé par l'entremise de cette planète.
Né sous l'influence de Kohab(Mercure) tu seras une bonne mémoire
et la sagesse parce que Mercure est le scribe (au service) du Soleil.
Né sous l'influence de Lebanah(la Lune) tu seras souffrant.
Né sous l'influence de Shabtay (Saturne) tes projets échoueront.
Né sous l'influence de Sedeq(Jupiter) tu seras juste.Né sous
l'influence de Madim (Mars) tu verseras du sang.

3.3.4.3.9. L'action des planètes sur le calendrier des jours et des


heures (L 'hémérologie)
Les planètes exerçaient leur influence sur les jours et les heures du
calendrier. L 'hémérologie divinatoire consiste à établir le calendrier
dit du« faste et néfaste ».On fixera ainsi le moment de l'action ou de
l'abstention des actions qu'on peut entreprendre avec succès et de
celles auxquelles on doit renoncer. Ceci est l'une des prérogatives de
l'astrologue.

Les planètes JOUR D'INFLUENCE


SATURNE SHABTA Y : samedi
JUPITER SEDEQ : jeudi
MARS MADIM : mardi
SOLEIL HAMMAH : dimanche
VENUS NOGAH: vendredi
MERCURE KOKHAB : mercredi
LUNE LEBANAH :lundi

116
Tableau de con-espondances entre les jours et les planètes

Les JOUR CONSTELLATIONS


planètesD'INFLUENCE ZODIACALES
SATURNE SHABTAY:
samedi
JUPITER SEDEQ : jeudi SAGITTAIRE ET POISSONS
MARS MADIM : mardi BELIER ET SCORPION
SOLEIL HAMMAH LION
dimanche
VENUS NOGAH: CAPRICORNE, VERSEAU,
vendredi TAUREAU, BALANCE
MERCURE KOKHAB GEMEAUX ET VIERGE
mercredi
LUNE LEBAN AH :lundi CANCER

Tableau de cotTespondances entre les planètes, les Jours et


constellations zodiacales

117
Tableau des heures planétaires du coucher du soleil au coucher de
soleil.
Dun. Lun. Mardi Mer. Tableau Jeud. Vend. Sam.
de
minuit
Des
Heures à
minuit
Mercu. Jup. Vén. Sat. 81 Soleil. Lune Mars
Lune Mars Mer. Jup. 92 Vénus Satur. Sole.
Saturne Soleil Lun. Mar. 10 3 Mer. Jup. Vén.
Jupit. Vénus Sat. Sol. 11 4 Lune Mars Mere.
Mars Mer. Jup. Vén. 12 5 Sat Sol Lune
Soleil Lune Mar. Mer. 1 6 Jup Vén Sat
Vénus Satu. Sol. Lun. 27 Mars Mere Jup
Mercure Jup. Vén. Sat. 38 Sol Lun Mars
Lune Mars Mer. Jup. 49 Vév Sat Sol
Saturne Sol. Lun. Mar. 5 10 Mer Jup Vén
Jupiter Vén. Sat. Sol. 6 11 Lune Mars Mer
Mars Mer. Jup. Vén. 7 12 Sat Sol Lune
Soleil Lun. Mar. Mer. 8 1 Jup Vén Sat
Vénus Sat. Sol. Lun. 92 Mars Mere Jup
Mere. Jup. Vén. Sat. 10 3 Sol Lun Mars
Lune Mar. Mer. Jup. 11 4 Vénus Satu Sole
Satur. Sol. Lun. Mar. 12 Mere Jup Vénus

5
Jupit. Vén. Sat. Sol. 16 Lun Mars Mere
Mars Mer. Jup. Vén. 27 Sat Sol Lune
Soleil Lun. Mar. Mer. 38 Jup Vénus Sat
Vénus Sat. Sol. Lun. 49 Mars Mere Jup
Mercure Jup. Vén. Sat. 5 10 Sol Lune Mars
Lune Mar. Mer. Jup. 6 11 Vén Sat Soleil
Saturne Sol. Lun. Mar. 7 12 Mere Jup Vén

118
3.3.4.3.10.Champs d'influence des planètes.

Les CHAMPS D'INFLUENCE


planètes
SATIJRNE SHABTA Y : pauvreté, blessures, maladie, m01t
nJPITER SEDEQ vie, paix, joie, richesse, honneur, bonheur,
souveraineté
MARS MADIM : sang, épée, mal, guerre, inimitié, envie,
destruction
SOLEIL HAMMAH : activité, souveraineté
VENUS NOGAH : grâce, beauté, passion, conception, fertilité,
MERCURE KOKHAB sagesse, intelligence, apprentissage,
métiers, professions
LUNE LEBANAH : croissance, décomposition

3.3.4.3.11. Le pouvoir des planètes s'exerce sur les organes du


corps (Tikounim) Les devins qui désirent agir sur telle ou telle partie
du corps doivent invoquer les planètes qui leur correspondent selon le
tableau ci-dessous.

Les planètes Les organes du corps


SATIJRNE SHABTA Y : le bras droit
nJPITER SEDEQ : le bras gauche
MARS MADIM : le cœur
SOLEIL HAMMAH : la jambe droite
VENUS NOGAH : la jambe gauche
MERCURE KOKHAB : les organes génitaux
LUNE LEBANAH : les pieds

3.3.4.3.12. Invoquer les sept anges planétaires.


Sur le plan pratique, lorsque l'on veut invoquer une planète pour une
action désirée, on préfèreinvoquer les sept anges planétaires qui sont
sous leur autorité. Nous donnons ici la liste des correspondances entre
les planètes et leurs anges attribués. Il existe de nombreuses versions
de cette association. Voici la liste donnée par Joshua Trachtenberg
,Jewish Magic and Superstition, p.251,dans laquelle figure le nom des
planètes et des anges qui les gouvernent . Les chiffres représentent le
nombre de fois qu'un nom apparaît sur les compilations collectées.

119
Les LES ANGES QUI LES GOUVERNENT (dans les
planètes ouvrages iuifs)
SATURNE SHABTA Y :KAFZIEL 4 / MICHAEL 2
nJPITER SEDEQ ZADKIEL 4 IBARKIEL 1
MARS MADIM SAMAEL4 / GABRIEL 1
SOLEIL HAMMAH RAPHAEL 4 / MICHAEL 2
VENUS NOGAH ANIEL 4 HASDIEL 1
MERCURE KOKHAB MICHAEL 2/ZADKIEL 1/BARKIEL
l lHASDIELl IRAPHAELl
LUNE LEBANAH GABRIEL 4/ANIEL OU ANAEL 1

Sur ce tableau figure le nom des planètes et des anges qui les
gouvernent provenant du philosophe musulman Andalou A verroes
(1126-1198)

Les planètes LES ANGES QUI LES GOUVERNENT


SATURNE SHABTAY KAFZIEL
nJPITER SEDEQ ZADKIEL
MARS MADIM SAMAEL
SOLEIL HAMMAH MICHAEL
VENUS NOGAHANAEL
MERCURE KOKHAB RAPHAEL
LUNE LEBANAH GABRIEL

3.3.5. Les procédés onomantiques


Il s'agit de l'utilisation des noms propres comme présages. Dans un
passage du Zohar on lit:« Noé trouva grâce aux yeux de Dieu lorsque naquit
Noé ».On lui donna un nom qui évoque la« consolation» (en hébreu,
neh 'amah), espérant que ce nom en sera l'augure.Mais ajoute le
Zohar, le Saint Béni Soit-il, il en était autrement. En inversant l'ordre
des lettres hébraïques du nom de Noé (NH) on obtient Hen (HN)
« grâce, ainsi qu'il est écrit : « Et Noé trouva grâce aux yeux de
Dieu».
Rabbi Yossi dit : H en « grâce », c'est Noé.S'agissant des justes, leurs
noms exercent sur leur destin une influence heureuse tandis qu'elle est
malfaisante pour les impies.Pour AR, l'ainé de Judah, l'inversion de
son nom donne RA (en hébreu Rah= «mauvais». En effet, il est dit
de lui mauvais aux yeux de Dieu (Gen. 7).

120
L'usage des noms propres tellement populaire comme présage est
devenu force de loi. Ainsi par exemple, une question concernant la
pratique de vérifier les noms des futurs époux a été posée au rabbin
Yaakov Y srael Kanievsky, dit le Steipler, talmudiste et décisionnaire
du XXème siècle. (1899-1985). L'anecdote suivante est relatée :
Après que la date du mariage ait été fixée et tous les préparatifs
terminés, un membre de la famille informa le fiancé qu'il était de
coutume de vérifier si les noms des futurs époux étaient compatibles.
Le fiancé alla immédiatement à Jérusalem pour consulter un
kabbaliste. Ce dernier lui annonça que les noms n'allaient pas
ensemble et décida que le mariage devait être annulé car il serait un
échec. Passablement remué, le fiancé se retourna vers son rabbin pour
un conseil. Il lui enjoignit de ne pas prêter attention au kabbaliste en
vertu de ce que la torah enseigne. « Tu auras entièrement confiance en
« Hachem ton Dieu» (Devarim 18 :13). Afin d'être entièrement
rassuré, son rabbin envoya le fiancé auprès du Steipler pour avis. Le
fiancé entra dans le bureau du Steipler et lui tendit un morceau de
papier sur lequel l'histoire était résumée. Dès qu'il commença à lire,
le Steipler entra dans une profonde colère, se lamenta contre le
détournement de la Vérité et condamna sévèrement le kabbaliste pour
avoir essayé d'annuler ce mariage. Plus il lisait, plus ses pleurs étaient
forts et son courroux violent, jusqu'à ce qu'un membre de sa famille
entra dans son bureau, réprimanda les visiteurs pour avoir fâché un
sage âgé et leur demanda de quitter les lieux. A l'intérieur, le Rabbin
continuait à lire comme ils pouvaient le voir à travers la fenêtre.
Après qu'il eût fini, vingt minutes passèrent avant qu'il ne recouvre
son calme. Puis il les invita à entrer à nouveau. Le Steipler bénit le
fiancé et lui assura que le mariage serait un succès. Il déclara que la
vérification des noms était un pur non-sens qui déplaisait à Dieu et
que cela ne dépendait que de lui, comme il écrit :
« Tu auras entièrement confiance en ton Dieu. » ( Dev. 18 :13)
Cette histoire illustre bien la tension qui peut exister entres les
pratiques populaires juives et les principes des maîtres à penser, des
guides religieux, tel le Steipler.

3.3.6. La nécromancie dorech el -hametim. Du grec necro « mort »


et mancie« divination ».La nécromancie est donc une divination
basée sur l'interrogation des morts. Il en est fait état dans les écritures.

121
« Manassé (?me siècle avant J.C.) fit passer son fils par le feu, il
pratiqua présage, magie et nécromancie. Il offensa YHWH à force de
faire ce qui est mal à ses yeux». (Rois 2. 21: 6)

« ... et quand ils vont diront: consultez les esprits des morts, les devins, ceux qui
chuchotent et murmurent; un peuple ne doit-il pas consulter ses dieux, les morts en
faveur des vivants». (Isaïe. 8 : 19).

3.3.6.1. Les deux types de nécromantie.


« Les sages ont enseigné : la catégorie d'un nécromancien comprend à la fois celui
qui ressuscite les morts avec son zekhur qui est une forme de sorcellerie et celui qui
s'enquiert de l'avenir à partir d'un crâne BéfiUlfiolette. Quelle est la différence entre
ce type de nécromancien et ce type de nécromancien? Quand on ressuscite le mort
avec zekhur, le mort ne se lève pas de sa manière habituelle, mais apparaît à
l'envers. Il ne se lève pas le shabbat. En revanche, quand on s'enquiert de l'avenir à
partir d'un crâne, le mort se lève de sa manière habituelle et il se lève même le
shabbat. » (T.B. Sanhedrin, 65b)
Les sages ont enseigné : « Un nécromancien est celui qui fait entendre la voix
des morts qui parle entre ses articulations ou sous son aisselle Un sorcier (yideoni)
est celui qui place l'os d'un animal appelé yadua dans sa bouche et l'os parle de lui-
même. »
Le Talmud soulève une objection du verset :
« Et ta voix sera comme un fantôme sorti du sol. (Esa. 29 :4).
Quoi ? Le mort ne parle-t-il pas seul de la tombe ?
La Guemara répond : « Non, car le mort se lève par la sorcellerie et s'assoit
entre les articulations du nécromancien et parle. »
La Guemara suggère : « Venez entendre une preuve de la déclaration du
nécromancien au roi Saül : et la femme dit à Saül, je vois un être divin sortir de la
terre. (Sam. 1 28 : 13)
« Quoi, le verset ne veut -il pas dire que la personne décédée a parlé de son propre
chef?
La Guemara réfute cette preuve : « Non, ce n'est pas le cas, car le mort est
assis entre les articulations du nécromancien et parle».

3.3.6.2. La femme d'En-Dor


On interroge dans un but de divination des personnes décédées qui
survivent et communiquent avec les vivants. Voici l'épisode de la
femme d'En -Dor tel qu'il est relaté (Samuel I. 28 : 3-25) dans lequel
elle invoque le prophète Samuel :
« . A la mort de Samuel, tout Israël avait pris part aux cérémonies de deuil, puis
on l'avait enterré dans sa ville de Rama. Par ailleurs, Saul avait interdit dans son
royaume les pratiques consistant à invoquer et interroger les morts. Un jour, les

122
Philistins rassemblèrent leurs troupes et vinrent camper près de Chounem. Saül
mobilisa l'armée d'Israël. Lorsque Saül vit le camp des philistins, il eut très peur et
se mit à trembler comme une feuille. Il voulut consulter Dieu mais comme celui-ci
ne lui répondit ni par un rêve, ni par les dés sacrés du prêtre ni par un prophète.
Alors Saül donna cet ordre à ses officiers :« Cherchez-moi une femme capable
d' interroger les morts pour que je puisse aller la consulter. « Il y en a une à En- Dor
», lui répondit - on.-Saül se déguisa et partit pour En- Dor avec deux compagnons.
li arriva de nuit chez la femme et lui dit :« Je désire que tu interroges un mort pour
moi. Fais apparaître celui que je vais t'indiquer.-Mais répondit la femme, tu sais
bien que Saül a éliminé du pays les pratiques consistant à invoquer et interroger les
morts. Est-ce que tu cherches à me tendre un piège pour me faire mourir ?
- Par YHWH ? déclara Saül, je te jure que tu ne risques rien dans cette affaire « Qui
donc dois-je faire apparaître pour toi? demanda la femme. Il répondit :« Samuel .-
Lorsque la femme vit Samuel, elle poussa un grand cri, puis elle interpella Saül en
ces mots: Mais tu es Saül! pourquoi m'as - tu trompée?
« Ne crains rien, répondit le roi. Dis-moi plutôt ce que tu as vu. » « j'ai vu un Dieu
qui montait de la terre.
-Il lui dit: « Quelle apparence a-t-il?» Elle dit: « C'est un vieillard qui monte. Il
est enveloppé d'un manteau». Saül sut alors que c'était Samuel. Il s'inclina, la face
contre terre, et se prosterna.-« Dieu s'est détourné de moi. Il ne me répond plus, ni
par les prophètes, ni par les rêves». Alors je t'ai fait appeler : viens me dire ce que
je dois faire ».

3.3.6.3. Interroger l'esprit de la tombe.« Nehinah ».


Celui qui se propose d'interroger une personne décédée sur sa tombe
doit au préalable préparer un mélange d'huile et de miel qu'il
déposera dans une coupe de forme circulaire ; On brûlera des épices et
de l'encens ;Tout en agitant une baguette de myrte on prononcera
l'incantation suivante :
« Je te conjure, esprit de la tombe Nehinah. Accepte cette offrande et obéis à mes
ordres : Amène-moi N fils de N qui est mort, et fais le tenir droit et fasse qu'il me
parle sans crainte et qu'il me dise la vérité. Qu'il réponde à la question que je lui
poserai ».Cette incantation pourra être répétée trois fois. Le défunt apparaîtra
immédiatement. Alors, il conviendra de placer la coupe d'offrande devant lui et de
tenir la baguette de myrte dans la main.

123
Troisième Partie
LES PRATIQUES RITUELLES ET SYMBOLIQUES

125
Chapitre 1.
La veillée mortuaire

L'étude des rites funéraires peut être conduite selon deux axes :
• Celui de la mort où on prendra en compte la mort comme un
événement social qui concerne les survivants et le groupe élargi.
Les rites funéraires auront pour effet de rétablir une normalité
gravement mise en cause par la mort. Ils permettront au groupe de
transcender ce désordre. Les rites sont d'autant plus nombreux que la
période de chagrin est intense. On se réunira pour parler, boire et
manger.
•Celui des morts où l'accent sera mis dans le traitement du cadavre
et de l'âme. L'idée dominante est celle d'un processus dont la finalité
est de préparer l'âme à la vie immortelle.
Les ouvrages les plus utilisés dans les communautés juives qui
incluent les rituels de la mort sont :Le Maané Lachon (Expression de
la langue), le Sefer ha-hayim (Livre de la vie) et le Maavar
Yabbok.(Cf.Goldberg, 1989, p.132).
Dès l'instant où le mort a rendu l'âme, une veillée mortuaire est
organisée par la Confrérie dernier devoir « Hebra qadischa » jusqu'à
l'inhumation du corps. L'idée dominante est que les morts font peur.
Le problème est celle d'un processus en deux temps :
1) Le mort demeure à proximité des vivants et il peut venir
perturber leur existence.

2) De nombreuses épreuves attendent l'homme à sa mort depuis


l'instant de la séparation de l'âme et du corps jusqu'à la
réincarnation.
C'est pourquoi on a recours un certain nombre de pratiques
prophylactiques. Dans les communautés, il est d'usage de
lire uniquement ce1taines prières telles que les Psaumes, les Proverbes
ou des pièces poétiques comme celle de Nehunya Ben Haqqana en
Afrique du Nord. Cette pièce se compose de quarante deux mots
répartis en sept lignes métriques se terminant par la rime RA. Elle est
supposée représenter les quarante-deux lettres du grand nom de Dieu
que l'on fait intervenir ici pour protéger l'âme du défunt. Le second
vers porte en outre en acrostiche les lettres formant la séquence
suivante : QR'STN, une formule adjurant Dieu de " déchirer Satan ",
c'est-à-dire révoquer son réquisitoire. (Cf.H. Zafrani, p. l 04)

127
CHAPITRE 2.
Le traitement spécial du cadavre

Le chef de la HebraKadischa et le rabbin ont droit à un traitement


spécial appliqué au moment de leur décès qui intervient avant le
lavage du cadavre et comprend quatre parties :
• La sekila ou simulacre du jet de sept petites pierres de la grandeur
d'un oeuf de pigeon sur le corps du défunt.
• La serefa ou simulacre de brûlure des ongles des mains et des pieds
•Le hekhekh ou trainement du mort par les pieds dans la chambre.
Une autre variante consiste à abattre les pieds du défunt contre le sol
• Le hanek ou simulacre d'étranglement du mort avec un morceau
d'étoffe ; une autre variante consiste à passer une cordelette autour du
cou du défunt. Chacune de ces étapes s'accompagne de prières
invoquant Dieu : on lui demande qu'il pardonne au défunt les péchés
rentrant dans la catégorie de la sekila, de la serefa, du hekhekh et du
hanek.
Après ces prières, tous les membres de la Hebra s'éloignent du corps
en reculant d'environ quatre coudées, s'an-êtent unmoment puis
reviennent près de lui et proclament : « Tu es notre frère, tu es notre
frère, tu es notre frère. Dès l'instant où tu as accepté la sentence, tu es
absout et pardonné, relevé de tout anathème et exclusion... » Cette
cérémonie est un rite d'expiation dont l'objectif est l'absolution des
péchés du défunt. Ces quatre étapes font partie des sept épreuves qui
attendent l'homme à sa mort et qui correspondent à sept moments
capitaux qui se succèdent depuis l'instant de la séparation de l'âme et
du corps jusqu'à l'heure du rachat et de la réincarnation. Trois de ces
épreuves consistent à infliger au mort une souffrance et un châtiment
proportionnels à la gravité des fautes qu'il a commises en ce monde, le
châtiment suprême étant la réalisation symbolique par la mort. La
lapidation (sekila), l'étranglement (hanek), et le trainement par les
pieds (hekhekh) sont trois manières de mourir:

« Il existe neuf cent trois manières de mourir, la plus douloureuse et la plus dure
étant la mort par l'étouffement (T.B.Berakhot Sa)».

Quant à l'épreuve qui consiste à brûler symboliquement les ongles des


pieds et des mains, il s'agit là d'un rite de purification par le feu sur un
élément du corps considéré comme impur ( étant un déchet).

128
Au-regard de ces épreuves se dégagent deux attitudes différentes :
- D'une part celle qui dicte les purifications et ne diffère guère de ce
que nous avons décrit plus haut.
- D'autre part l'attitude de l'être qui répète un évènement traumatique
pour le maîtriser.
Il est facile de voir que la seconde attitude ne porte que sur les deux
extrémités du changement :la sortie d'un monde (les vivants) et
l'entrée dans un autre monde (les morts), tandis que lespurifications
s'appliquent plutôt à la phase intermédiaire. Cette dernière, que van
Gennep nomme " marginale ", est la période dans laquelle l'être passe
d'un état à un autre. (Cf. Van Gennep, Les Rites de passage, p.27)
Ces deux sortes de rites sont en fait, comme nous l'avons vu ici,
intimement mêlées.
En-dehors de ce traitement spécial accordé au chef de la Hebra
Qaddischa et au rabbin, le traitement des morts est unique, tous les
mortssont traités de la même manière, c'est-à-dire la même toilette, le
même linceul et la même inhumation. Les préparatifs du mort dans
leur caractère égalitaire sont une réplique aux rapports sociaux
inégalitaires, dont la société est constituée. Le désir égalitaire répond
aux désirs de son inconscient et sert à résoudre, sous une forme
transposée dans la sphère des fantasmes, les contradictions de notre
société. (Cf.Levy-Strauss,Tristes Tropiques, pp. 183-203).

129
CHAPITRE3
La toilette du mort.

Lorsque la mort est constatée, on déshabille le défunt pour le laver.


Cette fonction incombe aux membres de la HévraQaddisha. Le
cadavre, posé sur des tréteaux dans le fond de la chambre, est lavé en
fonction de son sexe par des hommes ou par des femmes, avec de
l'eau chaude et du savon. Tout en procédant à la toilette, des prières
sont lues afin de purifier l'âme du défunt de toute souillure. La toilette
du mort détermine aussi un certain nombre d'actes positifs et négatifs
(tabous ou interdictions) qui s'expliquent la plupart du temps par la
théorie contagionniste et d'impureté. Les principales règles sont les
suivantes:

-- ne pas regarder le visage


--ne pas retirer les fausses dents du défunt s'il en avait.

-- ne pas lui laisser les mains fermées

-- ne pas se passer les récipients de main en main après usage

-- ne pas retourner la planche sur laquelle on procède à la toilette

- ne pas laisser le corps une fois lavé à la même place mais le placer
face à la porte.

130
Chapitre 4
Placer le pouce dans le creux de la paume.

Dans les sociétés juives, on a coutume de disposer les mains du défunt


d'une ce1iaine manière. Dans la main droite, le pouce est placé dans le
creux de la paume de façon à exprimer le saint Nom de Dieu,
Chaddai; qui constitue une protection contre Satan et les démons car
Chaddai signifie Dieu tout-puissant. Chaddaï est composé de trois
lettres.
- la lettre Shin (rv trois jambages ou trois barres) - la lettre Dalet(rune
barre) représentée par l'auriculaire -la lettre Yod ('un point)
représentée par le pouce qui, replié dans la paume de la main, forme
un point. On ne comprend cette coutume que dans la mesure où la
mort est vécue comme un phénomène important dans la pensée juive.
En effet, elle marque le bilan de la vie, le jour du jugement et de la
reddition des comptes (Yom Ha-din ,yom din vé hesbon), l'instant dans
lequel va se décider une fois pour toute le caractère de son existence
éternelle, à savoir si l'être humain sera éternellement banni ou
sauvé. Les doigts de l'autre main sontpar contre complètement
étendus : cela signifie que le défunt renonce à tous les biens de ce
monde. Car au moment de la mort, le croyant se détache des choses de
la vie et devient indifférent à la banalité de l'existence terrestre. La
voie de la béatitude à laquelle aspire tout être de foi et de religion
s'ouvre maintenant à lui pour accéder à un monde nouveau, le monde
futur ou olam habba.
Un rite analogue et possédant la même signification est accompli lors
du bain rituel dans le mikhvé. Lorsque la femme s'immerge
complètement dans l'eau, il est d'usage de retirer tous les objets qu'elle
porte habituellement, bagues, boucles d'oreille, etc. De même, elle
étend et écarte complètement les doigts, afin de prouver qu'elle se
détache des biens de ce monde. (J. Goulven, les mellahs de Rabat-
Salé, p. 149).
La valeur symbolique du côté droit se retrouve dans nombre de
situations autres que la main droite : dans le judaïsme, c'est la main
droite qui bénit alors que la main gauche maudit. Dans
l'Islam(Yachouti, pp. 204-205) le corps doit être allongé sur le côté
droit, il est d'ailleurs préférable de dormir de ce côté-là. Il convient
également de manger avec la main droite et d'entrer dans la mosquée
avec le pied droit. La prééminence de la main droite trouverait son
explication et sa justification dans l'opposition fondamentale qui

131
domine le monde spirituel, en l'occurrence celle du sacré et du
profane. C'est pourquoi dans l'Islam, mettre le corps du côté droit
revient à s'intégrer parmi les hommes de la droite, ceux dont Dieu a
parlé : la droite et la gauche ne font certes pas exception à cette dualité
qui caractérise l'univers et qui peut se réduire à un seul antagonisme,
en l'occurrence le mal d'un côté et le bien de l'autre, la droiture par
opposition à la fotfaiture. Cette attitude répond à la croyance en la
résurrection promise et à l'espoir en la survie dans le bonheur parmi
les hommes de la droite, les élus de Dieu.

132
Chapitre 5
Vêtir le mort.

Dès la fin de la toilette, il faut vêtir le mort. Pour procéder à son


habillage du mort, on commence par lui enfiler une cagoule
recouvrant la tête et le visage que l'on attache au cou de façon à ne pas
voir la figure après la toilette. On lui passe ensuite un pantalon et une
chemise avec manches par-dessus laquelle on rajoute une seconde
chemise sans manches. Enfin, s'il s'agit d'un homme, on termine de
l'habiller avec un pantalon et on le recouvre de son taleth (châle rituel)
dont on aura pris soin de nouer les franges afin de le rendre impropre à
la prière. Si c'est une femme, on lui passera une jupe. L'habillage se
conclut par la pose du dernier vêtement ou linceul. Il convient de noter
que toutes ces opérations sont accompagnées de prières demandant à
Dieu de pardonner au défunt. Le linceul, qui possède la forme d'un sac
de toile blanche et soyeuse cousu avec de minuscules cordes en
boyau, véhicule de nombreuses croyances. Les morceaux de toile
et les cordes qui restent du linceul sont recherchés en Afrique du Nord
et sont considérées comme des porte-bonheur (Cf. J. Goulven.,
p.148).
A ce titre, la littérature mystique juive fourmille d'exemples : « Sache
encore qu'il y a un mystère des vêtements en toile de lin » ; ce
matériau est doué d'un pouvoir surnaturel, bénéfique pour les vivants
et les morts, pour les petits et les grands. Quand un être humain quitte
ce monde, revêtu d'un linceul de lin blanc, même si sa mort survient
en " terre étrangère", les anges accusateurs venus le confondre sont
réduits au silence et immédiatement remplacés par d'autres plus
cléments qui prennent sa défense.
Il (Joseph) sait que les vêtements de lin blanc avaient le pouvoir
d'écarter de quiconque les portait toutes les espèces de fléaux et de
calamités, celles qui ont pour origine le mauvais œil,celles qui
proviennent de sortilèges, de charmes ou d'opérations de sorcellerie,
de toutes ces forces du mal relevant des génies malins, des souilles et
des esprits hormis, bien évidemment, celui du Créateur et Maître de
l'univers. Il faut cependant ajouter que ces vêtements ne préservent pas
contre les catastrophes naturelles causées par l'eau et le feu, le froid et
le chaud, la pierre et le fer ( Cf. Zafrani.,p.239).Cette attitude est
retrouvée chez de nombreux peuples, en particulier dans l'Egypte
pharaonique qui embaumait ses morts dans des bandelettes de lin
blanc. Ce texte, tiré du Zohar (Zafrani, 1986) atteste du fait :

133
« Pharaon connaissait, grâce à son éminent savoir, les vertus de ce genre de
vêtements. Habillé de lin blanc, il paradait, hautain et superbe, proclamant qu'il était
Dieu en personne devant ses savants magiciens et les grands de son empire, tous
frappés d'étonnement dans leur ignorance du pouvoir et du charme des vêtements
que revêtait leur monarque ».

De même que pour le linceul, il est d'usage, dans certaines familles


juives d'Afrique du Nord (Zafrani, 1983) de répartir les morceaux de
la dernière chemise du mort, ceci afin que chaque membre de la
famille reçoive sa part de la bénédiction du père ou du grand-père
défunt. Que le linceul ait été l'objet de superstitions n'est pas étonnant.
On constate ce fait dans de nombreuses contrées : en Bretagne, il était
défendu d'y toucher ou de s'en approprier un; en Normandie, on disait
qu'un damné mangeait le linceul qui lui recouvrait le visage après sa
mort. Les aiguilles au moyen desquelles il avait été cousu étaient
également censées posséder une vertu puissante : on s'en servait soit
pour envoûter, soit pour assurer à un conscrit un bon numéro (1).
Il faut noter que pour certains auteurs (2), l'usage du linceul aurait
pour fonction dans certains cas "non pas de protéger le mort, mais
d'éviter à la terre vivante le contact de l'impureté du cadavre."(3)
Le contact du cadavre avec la terre se révèle dangereux et l "action du
symbolique impose entre eux une médiation. Le linceul ou les autres
moyens de séparation du cadavre et de la terre sont inventés d'ailleurs,
non pas au bénéfice du cadavre... mais au bénéfice de la terre que le
contact avec le cadavre souille et stérilise ... un cadavre qui touche la
terre contamine plantes et fruits ... "(4)
Cette conception de l'utilisation du linceul n'est pas évoquée dans la
tradition juive comme dans l'Islam d'ailleurs, la terre étant considérée
comme un élément de purification au même titre que l'eau.

! .VAN GENNEP, MANUEL DE FOLKLORE FRANCAIS. Torne Il, p ;712 .


2. cîté par M. YACHOUTI, p .. 149/150. 3. LV.THOMAS -
LE CADAVRE, DE LA BIOLOGIE A L'ANTHROPOLOGIE - Ed. Complexe, Bruxelles,
1980, p.74.
4.J.T. MAERTENS - RITOLOGIQUES. LE JEU DE LA MORT - Ed. Aubier
Montaigne.,Paris, 1979, p.132.5.

134
CHAPITRE 6.
La lecture du Ben Adama

Après la mise du linceul suit la lecture d"une élégie appelée Ben


Adama qui fut composée par le rabbin Abraham Ben Meir Ibn Ezra
( 1092-1167) dont voici le texte :
« Fils de la Terre, qu'il te souvienne de ta patrie, la Poussière, Car, au
dénouement, tu retourneras vers ta mère, la Terre.

CINQ ANS
Lève-toi et puisses-tu réussir, dit-on à l'enfant de cinq ans.
Il grandit par degrés comme le soleil qui monte
Il dort au sein de sa mère et ne veut le quitter
Et, pour monture, il prend le cou de son père

DIX ANS
Pourquoi accablez-vous de morale l'enfant de dix ans ?
Encore un peu, il grandira et se corrigera.
Parlez-lui avec grâce et annoncez-lui d'agréables nouvelles.
Ses jouets à lui ce sont ses parents, les membres de sa famille

VINGT ANS
Quelle douceur dans les jours d'un jeune homme de vingt ans.
Rapide comme le faon qui bondit sur les monts
Il fait fi des conseils et se rit de ses maîtres.
Mais bientôt la biche pleine de grâce deviendra son filet et son rets

TRENTE ANS
A trente ans, il est tombé aux mains d'une femme
Il se lève, examine sa situation : le voici pris au piège
De toutes parts des flèches le percent
Les caprices de ses enfants et ceux de sa femme

QUARANTE ANS
Errant et soumis, il atteint les quarante ans
Content de son sort, qu'il soit bon ou mauvais
Il court son chemin, abandonne ses amis
Il reste à son poste pour remplir sa tâche.

135
CINQUANTE ANS
A cinquante ans, il se souvient des jours de vanité
Il s'attriste parce que les jours de deuil approchent
Il méprise alors tous les biens de ce monde
Car il tremble à la pensée que son heure est proche

SOIXANTE ANS
Demandez donc ce qu'il advient de l'homme à soixante ans
Il n'agit plus : il a perdu ses branches, il a perdu ses racines
Les forces qui lui restent s'appauvrissent et décroissent
Elles ne lui sont plus d'aucun secours dans sa lutte
SOIXANTE-DIX ANS
Si ses années atteignent le chiffre de soixante-dix
Ses paroles ne sont adoptées ni même écoutées
Il n'est plus qu'une charge pour ses amis
Un poids pour lui-même, un poids pour sa canne

QUATRE-VINGTS ANS
A quatre-vingts ans, c'est un fardeau pour ses enfants
Son cœur n'est plus à lui non plus que sa vue
Objet de mépris pour ses connaissances, de moquerie pour ses voisins
Plein de poison est son verre, et son pain est amer

136
EPILOGUE

A-t-il dépassé cet âge, il n'est plus alors qu'un mort. Mais bienheureux
qui est considéré comme un étranger établi sur cette terre. Lui n'a de
pensée et de souci que pour l'avenir de son âme Et pour le salaire qui
l'attend dans le monde d'en- haut. Une fois le mort habillé, le corps est
placé dans un cercueil et recouvert d'un drap noir s'il s'agit d'un
homme ou d'un drap blanc pour une femme. Le visage
ne doit en aucun cas être découvert, contrairement à l'usage chrétien :
dans certaines régions françaises, il n'est pas une rare que le corps
reste exposé dans la bière, le visage découvert jusqu'au moment du
départ à l'église. La tradition juive ne permet pas de laisser au
défunt ses objets préférés tels que des bijoux par exemple, ou
des jouets pour des enfants. Le seul élément autorisé est un objet de
culte, le taleth (châle de prière) si le défunt est un homme.

137
CHAPITRE 7.

Le devoir d'enterrer

Dans la loi mosaïque (Deut. 34 : 6) enterrer les mo1is est


une obligation. La loi biblique exigeait déjà qu'on enterre jusqu'au
criminel condamné à mort et exécuté ou l'ennemi tombé dans la
bataille. Obligation est faite à celui qui trouve un mort en un lieu
désert ou en " terre étrangère" (non juive) de l'enterrer sans le moindre
retard, voire même sans prendre le temps de chercher de l'aide dans
une localité voisine.
La mise en terre, disent les textes talmudiques, empêche la
« dégradation matérielle du corps ».
Cette inhumation doit avoir lieu le jour-même du décès, et en règle
générale, dans un délai aussi bref que possible.
Toutefois, les obsèques peuvent être remises au lendemain pour des
raisons touchant à l'organisation des funérailles ou pour permettre aux
parents et amis d'y assister.
Il est à noter que la loi française impose un délai minimum de vingt-
quatre heures entre le décès et l'inhumation. Voici quelques exemples
relatifs aux délais d'inhumation et extraits des textes de Salomon
Melloul auteur de Yekara Decharbe d'un opuscule sur le rituel de la
mort.
- Quand deux décès surviennent le même jour, le premier décédé est le
premier enterré, à moins que l'état de décomposition avancé ou de
maladie contagieuse du second exige une inhumation immédiate. - si
un rabbin vient à décéder en même temps qu'une autre personne, on
procèdera d'abord à son inhumation.
- si un homme et une femme décèdent le même jour, la femme sera
enterrée la première .. Il en va de même pour un rabbin et une femme
décédée le même jour.
- pour un dayane (un juge rabbinique) et une femme rendant l'âme le
même jour, le grand rabbin sera inhumé le premier.
une femme décédée des suites de couches est
enterrée prioritairement avant qui que ce soit, y compris le grand
rabbin lui-même, sans qu'il ne soit procédé à la toilette rituelle.
- lorsqu'un décès a lieu un premier jour de fête, les obsèques sont
célébrées le même jour avec le concours d'une main-d 'œuvre non
juive qui confectionne le linceul et creuse la tombe. Les membres de
la société du dernier devoir ou Hebra Kadischa procèdent à la toilette

138
rituelle et à la mise en fosse. Quant à l'ensevelissement, il est laissé
aux non-juifs.
- il n'y a point d'inhumation le shabbat et le Yom Kippour.

- en cas de décès des parents de l'un des conjoints le jour de leur


mariage (par exemple décès du père ou de mère), les obsèques se
dérouleront selon l'usage et la cérémonie nuptiale sera maintenue et
célébrée. Le mariage sera consommé et le deuil ne se prendra qu'au
terme des sept jours de la houpa ou dais nuptial. Toutefois, la
vie intime sera suspendue durant les sept jours de la houpaet des sept
jours de deuil.
Le devoir d'inhumer s'explique par deux raisons :la première
sert, selon un texte talmudique à éviter la dégradation matérielle du
corps.
La seconde précise, d'après une doctrine mystique kabbalistique, que
tout retard entraine de terribles souffrances pour le mort et peut être la
cause de grands malheurs pour l'humanité toute entière.
(Cf H.Zafrani). L'ensemble de cette conduite funéraire peut
également s'analyser à partir d'un thème essentiel, la hantise de
La« pourriture ». La présence du cadavre suscite l'horreur et le dégoût.
Rien de bien tangible ne nous donne objectivement la nausée,
mais notre sentiment est celui d'un vide et nous l'éprouvons dans la
défaillance "(CfGeorges Bataille).La chair inerte, en voie de
décomposition renvoie à l'image de la néantisation de la personne.
Dans toutes les sociétés, les pratiques funéraires ont pour but de
pallier à l'angoisse insupportable qui en résulte. Selon les systèmes en
place, le fantasme de la pourriture impose qu'on l'évite et qu'on la
cache le plus rapidement possible... Bref, en la maitrisant, on se donne
l'illusion de maîtriser la mort pour neutraliser les peurs et préserver
l'homme. Plus précisément. la peur du cadavre prend racine dans le
sentiment de culpabilité que suscite la mort. Par un mécanisme de
projection, la culpabilité des survivants s'exprime dans l'agressivité
attribuée au mort. Mort dangereuse, mort impure, voilà aussi un
fantasme universel qui s'alimente de toutes les incertitudes
inhérentes au mystère de la mort, d'autant plus impure qu'il s'agit
d'une femme ou "pire", d'une femme décédée des suites de
couches (impureté du sang).Par conséquent pour apaiser le mort et
pour se protéger de la contamination de la mort on aura recours à
toutes sortes de conduites symboliques :toilette du corps, veillées,
prières, inhumation rapide ...

139
CHAPITRE 8
A vis à la population

Comme tout décès intéresse à la fois la communauté, la famille et la


parenté, il est normal que des procédés d'information aient été
élaborés. Dans les communautés juives, la règle générale encore en
usage de nos jours en Israël, consiste à préparer et à placarder sur les
murs ou les arbres des avis muraux en caractères hébraïques. A titre
d'exemple, voici un avis placardé en Israël et sa traduction : Avec
angoisse et tristesse. Nous faisons savoir la mort de mon époux, Notre
père, notre grand-père chéri

NOM ... PRENOM ...


Le cortège sortira aujourd'hui ... (teljour) du mois
de ... (mois hébraïque), année ... (année hébraïque)
le ... (jour, mois et année du calendrier grégorien)
à... heures (du matin ou de l'après-midi) de la maison du défunt, rue ...
Pour aller au nouveau cimetière, l'autobus se tiendra
à disposition de ceux qui l'accompagnent à côté de la maison du
défunt.
La famille endeuillée

140
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Avis placardé d'un décès en Israël (Coll.ROUACH)

141
CHAPITRE 9.
Accompagner le défunt

Selon l'usage, les obsèques sont fixées le plus souvent le jour-même


ou, au plus tard, le lendemain. La règle impérative veut que le mort
sorte de chez lui par la porte principale, la tête la première. Ne pas
respecter ces principes appellerait, dit-on, un autre mort dans la
famille. Cependant, et pour les mêmes motifs précisément. la
croyance veut qu'en Gironde (France), le mort soit sorti par les pieds.
L'organisation du convoi incombait toujours à la société du dernier
devoir avant que ne se créent, dans certains pays, les pompes funèbres.
Le respect dû au mort exige que " le lit mortuaire " soit en tête du
cortège. A l'image des cortèges de noces, les convois funéraires
respectent un certain ordre : à l'avant se situe le lit mortuaire, pour la
raison énoncée plus haut ; derrière le corps suivent les rabbins, puis
les proches parents mâles ; les parents, amis, voisins et assistants
divers ferment le cortège. Il est du devoir de chacun d'accompagner le
défunt jusqu'à sa dernière demeure (mitsvat lewayah).
Lorsqu'on aperçoit un convoi funèbre, on est tenu de l'accompagner
ou, tout-au-moins, de faire quelques pas (au minimum quatre
coudées) même si l'on a des occupations pressantes. Sinon, on
appellerait, dit-on, l'ange de la Mort, car " celui qui se moque du
pauvre outrage son auteur (Dieu) (Proverbes 17: 5)
Dans certaines communautés juives orientales (Irak, Yemen.) le
cortège était mené par les pleureuses qui avaient coutume de conduire
la procession en chantant des complaintes et en battant du tambour
(2). (Jéré. 9 :16); (Ket. 4 : 4). Dans d'autres communautés comme
celle de Fès au Maroc, certaines personnes n'étaient pas autorisées à
participer au convoi : le fils ne devait pas suivre le cortège, mais le
précéder au cimetière car les enfants qui auraient pu naitre de la
semence perdue du père (masturbation) seraient jaloux de ceux
présents dans le cortège ( CfHaimZafrani,1983) Dans la ville
marocaine de Mogador (Essaouira), un décret fut promulgué afin
d'interdire aux femmes de suivre les convois mortuaires : selon un
texte du Zohar :
« La présence des femmes dans le cortège risquait d'être une cause de malheur pour
le monde et les hommes, car !'Ange de la Mort aime la compagnie des femmes au
milieu desquelles on pourrait l'apercevoir chantant et dansant. L'homme est tenté de
regarder de ce côté-là :aussi l'ange se saisit-il de l'occasion et remonte dans les cieux
pour porter devant le trône ses accusations contre l'homme qui a succombé à la
tentation ».

142
La diversité relative à l'ordre du cortège peut partiellement dépendre
du mode de transport du corps. De nos jours malgré l'emploi d'un
corbillard automobile du domicile au défunt au cimetière, le transport
des derniers mètres s'effectue encore à bras : Le cercueil est posé sur
les épaules ou porté à la main par quatre porteurs de la Hebra qui ne
sont jamais des parents proches. Au Maroc, le passage du cortège est
généralement annoncé par la sonnerie du shofar ou « corne de bélier ».
Cette recommandation fait partie d'une lecture du livre du Zohar.
(Zohar, III, 155a) ,(Zohar, II, 196b).La sonnerie du shofar a la vertu de
protéger les vivants de l'Ange de la mort.Une croyance veut qu'il soit
particulièrement actif au moment où l'on accompagne un mort au
cimetière ou quand on en revient, après l'enterrement.La marche de la
procession est rythmée par la lecture de trois psaumes (49, 91 et
II9)qui possèdent des vertus protectrices contre les démons, les
so1tilèges et l'ange de la mort. Voici, à titre d'exemple, le PSAUME
91.
I Celui qui demeure sous l'abri du Très-Haut Repose à l'ombre du Tout-Puissant.
2 Je dis à l'Eternel: Mon refage et ma forteresse
Mon Dieu en qui je me con.fie
3 Car c'est lui qui te délivre du.filet de l'oiseleur
De la peste et de ses ravages
4 Il te couvrira de ses plumes
Et tu trouveras un refuge sous ses ailes
Sa fidélité est un bouclier et une cuirasse
5 Tu ne craindras ni les terreurs de la nuit
Ni la flèche qui vole de jour
6 Ni la peste qui marche dans les ténèbres
Ni la contagion qui frappe en plein midi
7 Que mille tombent à ton côté
Et dix mille à ta droite
Tu ne seras pas atteint
8 De tes yeux seulement tu regarderas
Et tu verras la rétribution des méchants
9 Car tu es mon refuge, ô Éternel
Tu fais du Très-Haut ta retraite
JO Aucun malheur ne t'arrivera
Aucun fléau n'approchera de ta tente
II Car il ordonnera à ses anges
De te garder dans toutes tes voies
12 lls te porteront sur les mains
De peur que ton pied ne heurte contre une pierre
13 Tu marcheras sur le lion et sur l'aspic
Tu fouleras le lionceau et le dragon

143
14 Puisqu'il m'aime, je le délivrerai
Je le protégerai, puisqu'il connaît mon nom
15 Il m'invoquera, etje lui répondrai
Je serai avec lui dans la détresse
Je le délivrerai etje le glorifierai
16 Je le rassasierai de longs jours
Etje lui ferai voir mon salut.

144
CHAPITRE 10.
L'ÉLOGE FUNÈBRE

Au cimetière la mittah (lit cercueil) est déposée, quand cela


est possible, à l'entrée du cimetière dans une salle affectée au rituel et
appelée Beth Hamidrash (maison d'étude) dans laquelle le rabbin
prononcera l'oraison funèbre. Il convient cependant de préciser que
dans la tradition juive, le cimetière n'est pas considéré comme un
espace sacré ; il n'est ni un centre de communication avec le divin ni
un lieu de culte, contrairement à d'autres traditions.
Dans le temps, les éloges funèbres étaient de véritables poèmes à la
gloire du défunt : les biographies embellies, louant le défunt par de
multiples qualités, valorisaient par voie de conséquence les familles ;
elles constituaient également un mode de méditation et de réflexion
sur les problèmes de la foi, de la mort, des délices du « monde à
venir». Voici, à titre d'exemple, un éloge-type prononcé au Maroc:
« Vendredi 19 Adar 5449 / 1689 fut appelé à comparaître
devant l'académie céleste le sage parfait, le maître excellent,
le premier magistrat du tribunal de la ville de Fèz (Maroc),
Rabbi Judah Uzziel, que son souvenir soit béni dans le monde à venir.
Le cimetière reste néanmoins jusqu'à nos jours le reflet et la continuité
de la structure sociale. Que le défunt soit enfant ou adulte, la
distinction des défunts est nette. On trouvait, dans les cimetières juifs
d'Afrique du Nord, un emplacement spécial destiné aux hommes, un
autre aux femmes et un autre encore pour les enfants. Cette distinction
entre hommes et femmes, entre enfants et adultes reflétait le rôle que
jouent l'âge et le sexe dans la famille, et, par extension, dans la
société. On trouve dans les cimetières juifs des tombeaux - édifices
qui sont réservés aux hommes de foi, aux saints ou saintes. On
retrouve d'ailleurs les mêmes caractéristiques dans la tradition
islamique (Cf M. Yachouti, ibid, pp.264). La seule différence notoire
que nous avons relevée entre ces deux traditions demeure, dans
l'Islam, la conservation de la parenté durant l'enterrement. Il s'agit là
d'une croyance qui veut que les morts se rencontrent dans l'au-delà ;
ainsi donc, leur rapprochement dans ce cimetière faciliterait cette
rencontre ( 1).

l .CfDIMACHQI, Ahwal. Al-Quburwaahwalahlihaila n-nuchur, Dar Al-Kutub al-'Ilrniya,


Beyrouth, 1985.

145
CHAPITRE 11.
TOURNER SEPT FOIS

Immédiatement après l'arrivée du cortège funèbre au cimetière, le tour


du cercueil va être effectué sept fois de suite par un groupe de dix
hommes. Cet acte n'est pas sans rappeler les rites circumbulatoireset
les processions circulaires rituelles. Il s'agit d'un rite de séparation qui
serait destiné à faire fuir les mauvais esprits car il est dit :« Autour de
lui (du mort) rôdent les impies » (Ps. 12:9).11 s'agit aussi fermeture du
cercle magique très répandu dans de nombreuses civilisations.
(Cf.Arnold Van Gennep).
Le cercle symbolise donc une limite magique infranchissable destinée
à protéger le défunt des mauvais esprits.
Cette analyse est retrouvée chez A.Berachia, kabbaliste de Modène
dans MaavarYabbok, Mantoue, 1626. Pour lui, cette coutume protège
des mauvais esprits conçus lors de rapports illicites de l'homme avec
Lilith.
Il constate que cet usage est destiné à faire fuir les enfants illégitimes
conçus avec Lilith qui se rendent au cimetière, non seulement pour
réclamer leur part de l'héritage paternel, maisqui cherchent également
à lui nuire, sachant que de leur fait, le mort ne pourra bénéficier de la
grâce divine. (Cf. Goldberg,1989) Cette pratique n'est pas sans
rappeler les rites circumbulatoiresou processions circulaires rituelles
en usage dans d'autres civilisations. On peut évoquer tout d'abord les
processions chrétiennes autour des églises. L'Odyssée et l'Enéide nous
présentent descircumbulatoires analogues à celles des disciples de
Bouddha autour du tombeau de leur maître. Ces rites sont également
pratiqués en Inde. Plus près de nous, en Ecosse, on tourne trois fois
autour de la personne à qui on désire souhaiter la bienvenue
(Cf.Doutte, 1908). Dans les communautés juives d'Afrique du Nord, la
nouvelle mariée ou kallah va dans la cour de la demeure paternelle et
en fait sept fois le tour, successivement conduite par chacune des
personnes les plus respectables de l'assistance. (Cf. Rouach,1989) La
comparaison de tous ces usages circumbulatoiresmet en évidence
unrite imitatif de la rotation du soleil (Cf.Doutte, 1908). Dans notre
cas, il s'agit de le soutenir dans sa course. Aussi, les tours se font-ils
de gauche à droite, c'est-à-dire dans le sens de la rotation solaire et
ceci, sept fois de suite comme les sept jours de la semaine. Les tours
effectués de droite à gauche, c'est-à-dire en sens contraire

146
du mouvement solaire revêtent un caractère funeste : ils sont réservés
à la sorcellerie ou aux cérémonies funéraires.
A cette notion d'influence sympathique sur le soleil en particulier vient
s'adjoindre le concept d'archétype au sens psychanalytique du terme
(Cf.Ricoeur,1949). Comme les archétypes (symboles) sont à la base
vie humaine, l'homme ne saurait se passer de rites. A ce propos,
l'étude de Paul Ricoeur sur l'herméneutique (interprétation des
symboles) a montré que le rite n'est rien d'autre qu'un symbole ou un
archétype vécus. Dans cet ordre d'idées, le soleil est un magnifique
symbole de l'archétype de Dieu. Le soleil est " un œil " qui voit tout,
unphare qui guide, rassure, féconde la te1n-mère, donne abondance et
prospérité" éclaire la route" et régénère. Cette coutume de tourner sept
fois autour du mort ou de la demeure paternelle de la nouvelle mariée
ne trouve de source dans aucun ouvrage traitant du rituel juif, que ce
soient des écrits bibliques (Tora), des écrits rabbiniques (la Halakha)
ou des écrits mystiques (la Kabbale) . La seule référence retrouvée a
trait au chiffre sept et à sa valeur symbolique. Un texte du Zohar y fait
référence (111,9 b ). Elle est attestée dans de nombreux rites et
croyances relatif sà la mort : ce sont sept épreuves qui attendent
l'homme à sa mort; ce sont également sept tours qu'il convient
d'effectuer autour du mort.
Un texte du Zohar (III, 9b) fait référence au chiffre sept. ..

« Rabbi Juda dit: au moment où Dieu créa ce monde, il créa sept firmaments "en
haut,sept terres en bas, sept jours, sept fleuves, sept semaines, sept années, sept fois
sept ans, sept mille ans de l'existence de la durée du monde, le Saint, béni soit-Il se
trouvant au septième firmament... A la
ressemblance (des firmaments d'en haut) sont les sept terres d'en bas, toutes bien
établies, l'une placée plus haut que l'autre, cependant que la terre d'Israël est au-
dessus de toutes et Jérusalem au-dessus de tout lieu habité.
Tout est solidaire, tout est à la ressemblance d'en haut. Et dans tous les mondes, nul
autre que l'homme ne gouverne, et le Saint, béni soit-il, est au-dessus de lui.

Le chiffre Sept est l'un des plus usité dans la magie juive. De
nombreuses références nous le font percevoir comme l'élément
caractéristique de beaucoup de rites, tant dans l'Antiquité que dans la
tradition européenne. Par contre, l'heptade est relativement rare dans
d'autres civilisations comme l'Amérique centrale par exemple.
L'astrologie en a fait l'un de ses thèmes fondamentaux, étant
vraisemblablement à l'origine de l'observation des planètes (visibles à
l'oeil nu) ou des constellations comme la Grande Ourse, la Petite

147
Ourse, les Pléiades, Orion qui, toutes, se composent de sept étoiles
principales. En Afrique du Nord, cette croyance en le sept se retrouve
également chez les musulmans, et l'on peut parler de convergence de
cultures. Dans la tradition juive, la classification par sept est très
fréquente. Dieu, par l'intermédiaire des sept lettres doubles de
l'alphabet qu'il a lui-même gravées, taillées et fondues, a créé les sept
firmaments, les sept terres, les sept shabbath. On peut ajouter que
l'heptade est aimé par-dessus toutes choses sous les cieux car, des
combinaisons de ces sept doubles furent créées les sept jours (de la
Genèse), les sept planètes de l'univers, les sept orifices du corps
humain ... (Sefer Yesirah, 4 :3-4).
Cette croyance en la vertu du chiffre sept est rattachée à la vertu des
nombres impairs : en effet, les nombres pairs étaient tenus pour
malencontreux, parce qu'attirant l'attention indésirable des mauvais
esprits. Une anecdote tirée du Talmud (TB.Pes. 110a) illustre
ce sujet. Un rabbin raconte ceci :

« Le démon Joseph m'a fait savoir que si quelqu'un boit deux verres (d'une même
boisson), les démons font mourir; s'il s'agit de quatre verres, ils ne tuent pas, mais
causent du dommage. S'agit-il de deux verres, peu importe qu'on les ait bus par
erreur ou volontairement, mais pour quatre, il n'y a dommage que s'ils ont été bus
volontairement. Si quelqu'un s'oublie puis vient à sortir (après avoir bu les deux
verres) comment remédier au danger? Qu'il prenne son pouce droit dans la main
gauche et son pouce gauche dans la main droite, et qu'il dise : Toi et moi, nous
sommes trois et s'il s'entend répondre :Toi et moi nous sommes quatre qu'il dise:
Toi et moi nous sommes cinq" et ainsi de suite.
Quelqu'un procéda de la sorte jusqu'au nombre cent-un, et à ce moment, le démon
éclata».

Dans le même sens, il est coutume de compter les fidèles à la


synagogue en récitant un verset biblique permettant de comptabiliser
le nombre de mots. Dans la kabbale, conformément à cette mystique
des nombres, le chiffre sept symbolise :

- l'homme : Sept est le produit de l'addition du Trois, qui symbolise


l'âme, et du Quatre, qui symbolise le corps.
- le repos : Dieu se repose le 7ème jour, c'est pourquoi on retrouve les
trois sortes de shabbat, l'un toutes les semaines, l'autre tous les sept
ans, le troisième tous les sept septénaires, soit tous les 49 ans (année
du Grand Jubilé)

148
- le ciel : à cause du nombre identique des planètes qui sont les
principaux instruments de Dieu, et dont dépendent presque toutes les
variétés et altérations d'ici bas. D'autre part, les kabbalistes
considèrent également le sens du nombre Sept d'une manière
différente : multiplié par lui-même, il produit 49 qui est son carré.
Si l'on ajoute le chiffre Un ( Alephl\ ou symbole de la force
originelle créatrice, directrice et unitive), on obtient 50, qui est le
produit de la multiplication de 5 xlO, soit les deux lettres
correspondant respectivement Hé :iet lod'qui forment le nom de Iah:,,
(Dieu).

149
CHAPITRE 12.
Le lamento

L'inhumation constitue avec la descente du cercueil l'une des étapes


majeures et des plus dramatiques du scénario funéraire. (Cf. Goulven,
1927). C'est le moment choisi par les femmes plus particulièrement
pour pousser des hurlements, des cris, tomber, crier, sauter, pleurer,
s'évanouir... Elles veulent se tuer, mais sont rattrapées et solidement
maintenues par leurs amies : la mise en scène étant parfaitement
réglée, elles n'ont rien à craindre. Se tenant à deux afin de bien
pleurer, elles cherchent à la fois à se dégager pour aller se coucher
près du mort, mais surtout à ne pas se lâcher afin de se retenir l'une
contre l'autre, laissant expirer de tristes plaintes de leur poitrine.
Chénier, témoin de son temps, au XVIII siècle, raconte que chez les
Juifs du Maroc, la mort était annoncée par des pleurs et des
lamentations rythmées à la fin desquelles les femmes claquaient leurs
mains, marquant en cadence accélérée la gradation de leur douleur. Le
dernier Chéma lu ou récité, les femmes se mettent à pousser des cris
pendant une demi-heure environ. Elles hurlent sauvagement, dénouent
leurs cheveux et s'égratignent le visage.
« Malheur à moi pour toute la vie ". s'écrient-elles en rappelant la
bonté, la jeunesse et la beauté du défunt, tandis que les hommes
chantent des élégies sur la destruction de Jérusalem et les massacres
des Juifs d'Espagne. Bien que ces pratiques soient interdites car
considérées comme barbares et païennes, de nombreux auteurs ont
fréquemment relaté de telles scènes parmi les Juifs d'Afrique du
Nord. (Cf.Goulven, 1927)
Dans certaines communautés juives d'Israël, il n 'est pas rare de les
voir de nos jours malgré l'interdiction biblique :
« Vous êtes des enfants de l'Eternel, votre Dieu. Ne vous faites point d'incisions
dans votre chair... pour les morts. » (Lévitique 19,28).
Cependant, l'expression de cette douleur se doit d'être modérée,
déclare un texte du Talmud :
« Ne pleurez pas sur un mort plus qu'il n'est raisonnable. Et ne vous lamentez pas
sur lui au-delà de toute mesure. Comment cela? Trois jours sont consacrés aux
pleurs, et sept à l'expression de son deuil par l'éloge du défunt. .. À partir de là, le
Saint, béni soit-il, dit: Vous n'aurez pas à avoir plus de compassion pour lui que je
n'en ai pour moi-même» (T.BlvfoedKatan 27b).

L'expression féminine de la douleur et du chagrin n'est pas fortuite,


mais obéit à des règles sociales dans lesquelles on doit

150
obligatoirement faire étalage de sa douleur. Il importe d'avoir du
chagrin et de le faire savoir car cela prouve que le défunt était aimé et
respecté, donc regretté.
Ce témoignage public console le mort mais aussi le groupe qui, dès
lors, constatant le chagrin du survivant, ne le tient pas pour
responsable du décès. En revanche, l'endeuillé qui ne gémit ni
pleure est considéré comme insensible et suspect par l'entourage. A la
limite, l'essentiel, dans ce type de société, n'est pas d'être sincère mais
de montrer que l'on a du chagrin.
L'expression de la douleur devient dialogue et en fin de compte,
n'oublions pas que les pleurs expriment à la fois une peine réelle, mais
aussi l'innocence des survivants. Les pleurs comme le deuil
poursuivent un objectif fondamental le survivant va « expier »
son crime imaginaire ou réel car peut-être a-t-il inconsciemment ou
non désiré la mort de l'autre ; ne profite-t-il pas par ailleurs de cette
vie dont l'autre ne jouit plus ? Le deuil comme le chagrin l'aident à se
libérer de sa faute. Ces manifestations bruyantes comprennent
plusieurs caractéristiques. Ainsi, il est d'usage de différencier le
« lamento » du « vocero ». Le lamento, comme son nom l'indique, est
une sorte de complainte qui se pratique non seulement à propos de la
mort, mais aussi pour le départ d'un amant ou l'infidélité d'une femme.
Le lamento sous forme de hurlements, cris, sanglots et éloges
émouvants de la personne décédée est répandu chez tous les peuples.
Il est, en règle générale, le fait de la proche parenté du mort. Par
contre, le vocero exhorte à la vengeance liée à un assassinat : d'une
part, le récitatif insulte les auteurs connus ou inconnus du délit, d'autre
part, des vocifératrices ont la charge de proférer ce type de
complaintes et d'éloges funèbres. Il s'agit, en règle générale, de la
mère, parfois d'une sœur ou d'une amie, mais toujours d'une personne
de sexe féminin. Cette coutume se retrouve en Corse, en Grèce, en
Sardaigne ou dans le Sud de l'Italie, à Naples.
Mais d'autres attitudes ont également été observées. Ainsi, dans les
communautés juives du Maroc, la descente du corps est-elle vendue
aux enchères quand il s'agit d'un rabbin ou d'un homme réputé pour sa
piété ; les sommes recueillies sont alors versées à la caisse des
pauvres ou à une œuvre de charité. Cette coutume peut être assimilée
à l'usage de l'offrande ou de l'offerte existant dans certaines régions
françaises comme à Allevard en Isère. De même, de nombreuses
églises comptaient des plats creux en cuivre qui étaient destinés à
recevoir les dons en argent. On jette parfois dans la tombe non

151
seulement de la terre mais en outre divers objets qui, par leur usage au
cours de la cérémonie, ont acquis un caractère plus ou moins sacré. Le
jet de quelques parcelles d'or aux quatre coins de la tombe se
pratiquait dans certaines communautés marocaines afin d'éloigner les
mauvais esprits et ce, en référence à un épisode biblique ayant trait à
la vie d'Abraham:
« Aux fils des concubines qu'avait eues Abraham, Abraham fit des
dons... et les envoya loin d'Isaac, son fils, à l'Orient, vers le pays
d'orient... (Genèse 15,6). Il existe une coutume plus répandue qui
consiste à ce que chacun des assistants jette une poignée de terre dans
la tombe ou mieux, une poignée de sable de Terre Sainte. Elle fait
partie d'une lecture du Livre du Zohar qui veut que la résurrection des
morts intervienne obligatoirement en Terre Sainte. (Zohar, Midrash
hané'élam, 1,113b).
Les corps enterrés en Diaspora roulent sous terre jusqu'au pays des
ancêtres et c'est là, le moment venu, qu'ils recevront leur âme et
ressusciteront après le Jour du Jugement. Etre accompagné dans son
tombeau n'est pas une pratique récente. Il s'agit d'une survivance de
l'ante-judaïsme. La croyance populaire a conservé cet usage tout en
changeant l'objet-signe et en lui attribuant une fonction différente de
celle qu'il avait à l'origine. Dans nombre de sociétés antiques,
égyptienne, phénicienne, romaine, plusieurs objets, meubles,
nourriture, ustensiles accompagnaient le mort, l'objectif étant de
permettre la continuité de l'homme et lui faciliter la survie dans l'au-
delà.

152
CHAPITRE 13.
LE REQUIEM

L'inhumation une fois terminée, on procède au rituel du Sidduq haddin


(1) : il s'agit de la lecture de la hachkabbah« requiem » ou prière pour
le repos de l'âme du défunt et à la récitation du kaddisch. Le mot
kaddisch est l'équivalent araméen de l'hébreu qaddoch " saint". Il
s'agit d'un hymne à la gloire de Dieu qui est obligatoirement récité en
présence d'un quorum de dix fidèles majeurs sur le plan religieux
(âgés de treize ans). Cette prière en araméen, à l'exception de quelques
réponses en hébreu, était en usage dans les communautés de
Babylone. Il en existe plusieurs versions qui toutes, comportent une
partie commune agrémentée, selon les circonstances, d'éléments
additionnels, spécialement dans le kaddisch des m01ts.
Avec l'apparition des doctrines mystiques kabbalistiques de l'école de
Safed au !6ème siècle, la récitation du kaddisch a revêtu une
dimension mystique. Cette récitation contribue, selon elles à soulager
l'âme et à l'aider à passer de la Géhenne au Jardin d'Eden durant les
onze mois qui suivent le décès. (Seder ElyahuZota)
Voici le texte du kaddisch :
« Gloire et sanctification au nom du Seigneur qui renouvellera le monde et
ressuscitera un jour les morts. Que son règne soit proclamé de nos jours et du vivant
de toute la maison d'Israël, aujourd'hui et à tout jamais : Amen!
Amen! Que le nom du Seigneur soit béni aujourd'hui et à tout jamais. Béni, loué,
glorifié, exalté, adoré, admiré et vénéré soit le nom du Saint des saints ; il est béni au
dessus de toutes les bénédictions, de tous les cantiques , de tous les hymnes et de
toutes les louanges qui peuvent être exprimés dans ce monde. Amen. Qu'une paix
parfaite et une vie heureuse nous soient accordées par le ciel, à nous et à tout Israël :
Amen. Que celui qui a établi la paix dans les hauteurs des cieux fasse régner la paix
sur nous et sur tout Israël ; Amen».

Après la récitation dukaddisch, les membres de la HebraKadischa


déchirent en signe de deuil la chemise de tous les parents en droite
lignée de sexe masculin.Cette prescription est par contre interdite si le
décès est survenu un samedi ou un jour férié. Avant d'effectuer cet
acte, on prononce la bénédiction suivante :
« Béni sois-tu. Toi qui es le Juge de la Vérité».

Les actions de détruire, de percer, de cesser, de renverser ou ici de


déchirer sont des gestes éminemment symboliques.
Ils renvoient à la rupture qu'introduit la mort dans le statut du défunt et
aussi dans le statut des deuilleurs provisoirement mis à l'écart. L'action

153
de déchirer manifeste l'intention de redoubler l'effort de mort, de
confirmer la séparation d'avec le monde des vivants et ainsi, de
conjurer toute contamination ou intrusion. Les actes qui symbolisent
la rupture font le plus souvent appel à des représentations assez
complexes qui affirment la mort et la rupture. Ainsi, déchirer sa
chemise ou être dépourvu de chemise est le signe, non seulement
du plus extrême dénuement matériel, mais aussi d'une complète
solitude morale. Donner jusqu'à sa chemise, est le geste
d'une générosité sans limites. Dans la mesure où la chemise est une
seconde peau, c'est se donner soi-même, c'est partager son
intimité. (Cf. Chevallier, 1982)

154
CHAPITRE 14.
Vos os refleuriront comme l'herbe (Isaïe 65 :14)

La conviction que le mort pouvait revenir chez lui malgré toutes les
précautions prises a fortement été ancrée dans les mentalités juives
pendant des siècles. Cette conviction, bien que variable selon les
milieux, ne s'est atténuée que depuis une trentaine d'années
seulement. Jean Goulven (1927) nous relate ici les précautions que
l'on prenait pour éviter le retour indésirable :

« À peine le cercueil était-il déposé que l'on récitait le Kaddich assez loin de
la tombe, car le mort veut se sauver et dit: Attendez, je vais avec vous. Pour ne pas
l'entendre, chacun s'éloigne du tombeau car qui entend la voix est sûr de mourir dans
le courant de l'année. D'autres craignent de percevoir le cri que jette le mort lorsque
la terre le recouvre ».

Freud a très bien montré que la peur du mort prend aussi ses racines
dans le sentiment de culpabilité que suscite la mort, celle-ci pouvant
être vécue comme la réalisation d'un désir de mort envers le défunt.
Par un mécanisme de projection bien connu, la culpabilité des
survivants s'exprime dans l'agressivité attribuée au mort sous la
dénomination de démon malfaisant qui est le produit de cette
projection. Celle-ci résout un conflit affectif: le survivant ne veut
connaître que ses sentiments bienveillants à l'égard du mort, et il
nie son hostilité en la projetant sur le démon qu'il imagine succéder au
mort lui-même. Ainsi s'expliqueraient les" tabous des morts".

La cérémonie est clôturée par un repas sommaire mais symbolique


composé d'œufs durs et d'olives noires que consommeront uniquement
les parents directs du défunt (père, mère, mari, épouse, frère, sœur). Il
s'agit là d'un rite d'agrégation destiné à résorber le trouble et l'angoisse
provoqués par le départ d'un membre de la famille. Ce repas de
"consolation" pris en commun n'est qu'une répétition des actes d'union
ou d'agrégation. De même, l'œuf, par le germe qu'il contient,
symbolise la vie tandis que l'olive noire évoque la mort. Ces deux
éléments représentant la vie et la mort constituent le cycle de l'éternité,
qui est lui- même une référence à Dieu. On va également faire brûler,
dans la chambre mortuaire, une veilleuse ou une bougie placée à côté
d'un bol d'eau pendant toute l'année de deuil. Il s'agit là de l'âme du
défunt qui reste dans la maison et qu'il convient également de
protéger des Djennuns en leur offrant des boissons et des aliments :

155
Allumer une bougie ou une veilleuse est un geste très important car la
mèche qui brûle, comme l'âme humaine est une lumière de Dieu.
(Proverbes 20 :27) Quelques temps après le décès, période dont la
durée est variable, il convient de restituer à la demeure son caractère
profane d'innocuité. Tout ce qui a été en contact avec le mort est
considéré comme pollué et dangereux, il faut par conséquent procéder
à une purification. C'est pour cette raison que l'on brûlait le matelas
sur lequel avait reposé le moribond. De même, une grande lessive
suivait ordinairement le décès, également accompagnée du
renouvellement de l'eau contenue dans les récipients et dans les
réservoirs des demeures. A ce moment, la phase la plus importante des
funérailles est accomplie. Avant de quitter le cimetière, il est d'usage
d'arracher des brins d'herbes que l'on jette derrière soi, par-dessus la
tête. Ce rituel fait référence à la tradition qui dit :
« Vos os refleuriront comme l'herbe » ( Isaïe 65 : 14).
Plus généralement, à la fin de la cérémonie funèbre, les membres de la
famille se placent les uns à côté des autres pour recevoir les
témoignages d'amitié et les condoléances de leurs amis et
connaissances.
Une autre étape consiste à se purifier symboliquement avant de quitter
le cimetière en se lavant les mains. Rappelons que cette coutume
universelle, que nous avons déjà exposée, s'explique par la peur d'être
contaminé d'une part par la mort et d'autre part par l'impureté
inhérente à tout ce qui fut en contact direct ou indirect avec le corps.

156
CHAPITRE 15.
La période des deuils (avelout).

Le terme de deuil, recouvre plusieurs sens :


•" être en deuil " signifie une situation, le statut d' une personne qui
vient de perdre un être cher.
• " faire son deuil " désigne l'ensemble des états affectifs que vit
}'endeuillé.
•" le travail du deuil " au cours duquel le sujet finit par dépasser
progressivement la dépression qui l'accable pour retrouver le goût de
vivre.
•« porter le deuil " signale un état précis par des marques extérieures
socialement imposées et reconnues.
Les termes anglais " bereavement, grief et morning " rendent compte
de ces trois formes(Cf.Thomas Louis Vincent, 1975) -
On« portera le deuil », disent les textes talmudiques :
- pour son père, sa mère, sa fille, son frère, sa soeur et l'époux
(se) on ne le prendra pas : pour un beau-père ou une belle-mère, pour
un nourrisson décédé dans les trente jours de sa naissance ou
présentant une malformation jugée incurable, pour des parents
adoptifs sauf si ceux-ci n'ont pas d'autres enfants pouvant réciter le
kaddish. Un garçon de moins de 13 ans ou une fille de moins de 12
ans qui perd l'un de sept proches pour lesquels on prend
habituellement le deuil n'est pas soumis aux lois de deuil. (Cf.
Choul'han 'Aroukh chap.3)
Autrefois, les proches ne prenaient pas le deuil pour un suicidé- Car
Selon la Torah, le suicide est en général considéré comme un meurtre
- Car aucun homme n'est autorisé à mettre fin à une vie humaine, y
compris la sienne. De nos jours les proches sont autorisés à prendre le
deuil. La durée du deuil, bien qu'ayant subi quelques fluctuations, est
uniformisée.
La durée du deuil se divise en trois périodes successives :

• La première, celle du grand deuil, dure sept jours (chiva 'a). Cette
durée est fondée sur le texte de la Gen. :50 .1 0)et sur l'interprétation
d'un verset du prophète Amos (8 : 10)

• La seconde, trente jours (chlochim), débute à la fin de la chiva'a et


dure jusqu'au trentième jour après l'inhumation.

157
•la troisième, sept, neuf ou onze mois se réfère à la coutume en
vigueur dans la famille, le sexe ou le degré de sainteté du
défunt. (yarzeit) Dans le code juif, le deuil commence dès
l'enterrement au moment de la récitation du kaddisch. Il poursuit en
fait trois objectifs fondamentaux :

- il importe tout d'abord que le survivant expie son crime imaginaire


ou réel. Pour reprendre la terminologie psychanalytique, peut-être
le vivant a-t-il inconsciemment ou non désiré la mort de l'autre et ne
profite-t-il pas, par ailleurs, de cette vie dont justement l'autre ne jouit
plus ? Le deuil le convainc de sa faute et l'aide à s'en libérer à la fois.

- en second lieu, les pratiques du deuil préservent les survivants des


vengeances possibles du défunt. Un texte du Talmud dit que : « celui
qu'affiige le deuil est, durant les trois premiers jours, comparable à
l'homme qu'une épée à double tranchant suspendue au-dessus de sa
tête menace de mort ; du troisième au cinquième jour, l'épée mortelle
se dresse devant lui dans un coin de la pièce ; du septième au
trentième jour, elle passe et repasse devant lui dans la rue et toute
l'année, la famille risque d'en être victime.

- Enfin, et ceci concerne particulièrement la famille proche de parenté


directe, le deuil constitue à bien des égards une conduite
d'accompagnement du défunt. En règle générale, la rigueur des
interdits touchant la proche famille les met dans une situation d'étroite
participation avec le défunt. Ceci implique de la part de l 'endeuillée
une série d'épreuves plutôt pénibles durant la semaine de deuil :

- vie ascétique : aucune sortie, sauf pour se rendre à la synagogue


shabbat exclusivement et au cimetière.

-réclusion à la maison, même pas d'activité professionnelle.

- port des mêmes vêtements.

- la toilette : réduite au strict minimum avec interdiction de se raser ou


de se couper les cheveux. - la sexualité : pas de rapports.
- la nourriture : elle est, soit préparée par un membre non direct de la
famille, soit offerte par des tiers, étant entendu que les membres

158
directs ne doivent pas la préparer (tache possédant la même valeur
qu'un travail). Pas de consommation de viande ni de vin sauf le jour de
shabbat.
A la fin de chaque période de deuil, il est procédé à la levée du deuil.
Cette levée symbolise la réconciliation des vivants et du défunt, la
disparition des interdits post-mortem et la pureté retrouvée. La levée
du deuil représente un rituel de renaissance sur le plan symbolique.
En effet, le deuil ayant installé la proche famille dans un état de mort
symbolique, la première rupture (la chiv 'a) est célébrée la veille du
septième jour. Par la suite, la seconde étape aura lieu le trentième jour
(Chlochim) et la dernière à la fin de la période appelée " année
". (yarzeit)
Trois cérémonies permettent cette rupture :- tout d'abord des
« offrandes ». Elles consistent en une distribution de gâteaux à pâte
sucrée, d'alcools et de fruits secs suivie d'un banquet (se 'oudah).Au
Maroc, une offrande est spécialement destinée aux enfants des écoles
et se compose de couscous et de beignets.

- en second lieu, il est procédé à une veillée de lectures sacrées comme


la Bible, le Zohar et d'une étude (drash).

- enfin, le troisième temps fort de la levée du deuil reste la toilette et le


bain purificateur, rite marquant toujours le passage d'un état à un
autre. Au septième jour de deuil, il est autorisé de monter au cimetière
et de réciter des Psaumes près de la sépulture. Dans cette optique, les
versets du psaume 119 seront lus selon un ordre précis et suivront les
initiales du prénom du défunt. Chaque verset de ce psaume a la
particularité de commencer par une lettre de l'alphabet hébraïque.
Après cela il conviendra de réciter le kaddich si dix personnes sont à
proximité du tombeau. (CfChoul'hanAroukh, Chap. 344)
Un mois après le décès (à partir de l'inhumation), on procède à la pose
de la pierre tombale.
Autrefois, il n'en était pas ams1 : on érigeait une seule
tombe comprenant un seul cercueil destiné à tous les membres
d'une famille et l'inscription des noms était gravée sur la pierre
tombale au fur et à mesure des décès.
Il existe trois raisons à l'édification de cette pierre tombale :
-En premier lieu afin de délimiter un endroit impur.

159
-En second lieu par égard pour l'âme qui « erre aux alentours ».
Comme nous l'avons déjà vu dans l'eschatologie juive, l'âme du
défunt à du mal à se séparer du corps et elle est en jugement pendant
un an.
-Enfin, en troisième lieu, elle sert à localiser la tombe, élément utile
pour y pèleriner.On érige une pierre tombale pour un enfant, mais non
pour un mort-né.
On trouve, sur ces pierres tombales, des inscriptions et parfois
des dessins symboliques. Les inscnpt10ns sont en hébreu
et contiennent le nom du défunt, celui de sa mère ainsi que la date
hébraïque du décès exclusivement et non celle du Calendrier civil.
(TB YoréDé'ah: 30).Enfin, cinq lettres de l'alphabet sont inscrites:
tethn,nounJ,tsameh:::l,bethJ, he;-idont les acrostiches forment le
verset:" que son âme soit liée dans l'attache de la vie." (Tiyié nafcha
toérou rabitsro rhahazm) Voici un exemple d'inscription relevé :
- Abraham Ben Schlomo Didia Ben Peretz
Fils de ..... le vendredi Cinquième jour du mois de Chevath,
année 5606 de la création.le ...... 5282 ..
les quatre lettres teth, noun, tsameh,beth,J:::lm

Des dessins symboliques ornent patfois les pierres tombales. Voici


celles retrouvées au cimetière de Tétouan (Maroc):
• une rosace ou rose.
Cette figure tient une place imp01tante dans le Cantique II, 2 dans
lequel il est écrit :
« Telle la rose parmi les épines»
• Deux mains dont la position des doigts est particulière : les quatre
doigts sont divisés en deux groupes comprenant index et majeur d'une
part, annulaire et auriculaire d'autre part. Ils évoquent un Cohen qui
officiait en qualité de grand prêtre au temple de Jérusalem.
On n'accroche pas de photographie du défunt sur la pierre tombale à
cause de l'interdit.

« Ne vous conformez point à leurs lois». (Yoré Dé'ah, 32).

160
CHAPITRE 16.
Les commémorations Jahrzeitou Nahalah (héritage)

L'observance du Jahrzeit (terme judéo-allemand) qui désigne de jour


anniversaire de la mort est une coutume très ancienne qui remonte à la
période talmudique. Cet usage destiné à honorer la mémoire d'un
défunt a été très pratiqué dans l'Allemagne du Moyen-Âge. Par la
suite, les juifs Orientaux et méditerranéens l'adoptèrent en conservant
toutefois le même vocable Jahrzeit. Tous les ans, lors du jour
anniversaire, les enfants sont tenus de jeûner, de prier pour le repos de
l'âme de leurs parents. Dès le début de la soirée du YARSYAT, une
veilleuse est allumée pour l'élévation de l'âme du défunt. La veilleuse
symbolise le lien entre le corps et l'âme.
Comme il est écrit (Michle 20 : 27): l'âme de l'homme est un
flambeau divin» cette flamme symbolise la montée de l'âme dans les
cieux (Zohar Haye Sarah) .Les familles éprouvées se rendent au
cimetière pour y lire le Kaddisch. Cette récitation du Kaddisch
contribue aussi chaque année à élever l'âme du défunt vers une sphère
supérieure pour atteindre le Jardin d'Eden céleste. Une coutume
consiste à ce qu'une personne qui vient se recueillir sur une sépulture
dépose une pierre ou de l'herbe sur la tombe afin de marquer son
passage. (Yalkout Yossef,8) Il est également procédé à un repas du
souvenir et à une étude pour l'élévation de l'âme du défunt.

161
CHAPITRE 17.
Conclusion

Tout le rituel d'inhumation et de deuil que nous venons de décrire


obéit à une triple finalité :
• Une finalité pour le défunt.
Il agit dans un premier temps de l'assister de le purifier par la toilette,
et de le célébrer par des prières. La règle dominante est que les morts
font peur, et le problème majeur est de s'en débarrasser c'est-à-dire de
les séparer sans retour du monde des vivants. Jusqu'à la disparition
des parties molles du cadavre, le mort demeure à proximité des
vivants et il peut venir perturber leur existence ; ensuite, il subit une
série de mutations jusqu'à ce que son âme puisse entrer au jardin
d'Eden et devienne désormais neutre ou bénéfique.

• Une finalité pour les survivants.


Le but essentiel des funérailles demeure la codification et la régulation
du chagrin de l'endeuillé. Le premier moyen que la nature met à notre
disposition pour obtenir un soulagement d'une douleur qui nous
accable sont les larmes; pleurer, c'est déjà être consolé. ( ... ) Aussi
était-ce une excellente coutume, surtout en cas de décès, de venir de
toutes parts exprimer des condoléances aux parents les plus proches
du mort. En parlant avec chacun du malheur qui venait de les frapper,
ils éprouvaient un grand soulagement. L'institution des pleureuses
chez les Anciens tire son origine de ce besoin d'objectiver la douleur.
Les rites sont d'autant plus nombreux que la période du chagrin est
intense on se réunit pour parler, pour boire et manger, mais aussi pour
célébrer le disparu. Il convient de prendre en charge l'endeuillé. Les
rites sont efficaces en délimitant les formes légitimes d'expression de
la douleur et de l'attachement au défunt.

• Une finalité pour le groupe.


Les rites permettent au groupe de transcender le désordre causé par la
mort et de rétablir une « normalité » gravement mise en cause. Quand
un homme meurt, la société est atteinte dans le principe même de la
vie. La situation est encore plus critique lorsque les circonstances du
décès interdisent de traiter rituellement le cadavre (c'est le cas des
morts en mer, ou patfois des morts à la guerre) ou lorsqu'on a des
raisons de penser que le décès est survenu avant l'heure (c'est le cas de

162
la mort des enfants). Il faut donc avoir recours à des procédures
spéciales de réparation. Les repas communiels parachèvent le
rapprochement des membres de la communauté. Lors des chiva 'a ce
sont les membres de la communauté qui apportent à la famille en deuil
les repas préparés.
De même, les prières collectives du matin et du sotr
imposent obligatoirement la présence de dix hommes (minyan). Le
souci des morts correspond à enjeu social, un moyen d'appartenir à
une communauté familiale et locale. C'est cela le bon usage des morts
de créer des liens entre les vivants.

163
Quatrième partie

LA MORT CONTEMPORAINE

165
CHAPITRE 1.
La mort interdite

C'est à Philippe Ariès que nous empruntons cette expression« La mort


interdite » désignant une attitude où la mort est considérée comme un
tabou. La mort interdite, selon Ariès commence quand la proximité
entre morts et vivants n'est plus tolérée. Ainsi, s'agissant de l'histoire
européenne, Philippe Ariès a mis en évidence dans ce vécu collectif de
la mort, quatre étapes caractéristiques qui se succèdent dans le temps :
lamort apprivoisée, la mort de soi, la mort de toi et la mort interdite.
Entre le 5ème siècle et le début du 20ème siècle, la
mort« apprivoisée » faisait partie en quelque sorte de la vie. On
pouvait mourir très facilement et la mort ne paraissait pas quelque
chose d'extraordinaire. Il existait une proximité des morts et des
vivants.
Au 21 è siècle (la mort interdite) l'initiative de la mort résulte souvent
d'une décision technique (arrêt des soins). L'hôpital est le lieu où l'on
vient mourir.
Le deuil est estompé. Toute manifestation excessive est jugée comme
une anormalité morbide.
Le développement de l'incinération est la solution la plus radicale à
faire disparaître les morts. Les urnes ne sont pas visitées, les cendres
sont parfois dispersées.
L'évolution récente des pratiques funéraires dans nos sociétés
occidentales pourrait être en partie interprétée en fonction du recul de
la pratique religieuse, une seconde clé interprétative étant le
changement de notre rapport à la ritualité religieuse en général. Les
historiens et sociologues des religions ont noté les liens existant entre
le refus du ritualisme et l'intériorisation (la privatisation) des attitudes
religieuses. Un même phénomène se produit à l'égard de la mort des
proches : en réduisant la sphère de ceux qu'elle est supposée concerner
à un cercle des intimes, on revendique en quelque sorte un droit
d'exprimer librement ses affects et de s'abstraire des formes socialisées
(ritualisées) de "gestion" de la mort. Celles-ci, sans nul doute,
contribuent à dédramatiser la mort en définissant de façon rigide la
gamme des comportements légitimes du deuil. (Cf. Jean Pierre
Albert,halshs, 1999)

167
CHAPITRE 2.
L'autopsie

Si la pratique de l'autopsie ne pose pas de problème en France, elle


continue de susciter en revanche des controverses dans les
communautés juives d'Afrique du Nord et en Israël.

2.1.1. L'autopsie est interdite. Les bases de la théodicée juive sur


l'autopsie sont mentionnées dans le Talmud.
Voici un exemple extrait du Talmud relatif à des examens post-
mortem à des fins judiciaires et médico-légales. Ce cas est relaté dans
le traité Baba Batra 154a et concerne une personne qui vend la
propriété familiale et décède peu après. Les parents contestent la
validité de la vente, alléguant que le vendeur était mineur au moment
du décès. On demande à rabbi Akiba si le corps peut être exhumé et
autopsié : Vous ne pouvez pas profaner le corps et en outre, les signes
de la puberté peuvent avoir changé après la mort. De ce cas, le moins
que l'on puisse dire est qu'il existe des restrictions relatives à la
pratique de l'autopsie.
Quatre raisons sont avancées pour l'interdire :
- le contact du corps et l'impureté
- la profanation du mort
- l'inhumation du corps le jour-même
- ne tirer aucun bénéfice du mort .

Le contact du corps et l'impureté. La plupart des rites de deuil


s'expliquent par la notion d'impureté, comme nous l'avons déjà
souligné. La Bible le consacre en ces termes :

« Celui qui touchera un corps hwnain mort (cadavre) devient impur pendant sept
jours ; il doit se purifier le troisième et le septième, il deviendra pur, mais s'il ne se
purifie pas le troisième, etle septième jour, il ne sera pas pur. Celui qui touchera le
corps d'un homme mort et qui ne se purifie pas, souille le tabernacle de Dieu. Celui-
là sera retranché d'Israël » (Nombres, 19 :11 à 13)

« Lorsqu'un homme mourra dans une tente, quiconque entrera dans la tente et
quiconque se trouvera dans la tente sera impur pendant sept jours; quiconque
touchera dans les champs un homme tué par l'épée ou un mort, ou des ossements
hwnains ou un sépulcre sera impur pendant sept jours. » (Nombres 19 : 14 - 16}

168
La profanation du mort. Dans la tradition hébraïque, le corps
humain, même après la mort, reste encore revêtu de la majesté et du
respect conférés par son âme. La langue hébraïque désigne par le
même mot l'âme et le corps mort (nefesh). Le cadavre est, si l'on peut
dire, comme une âme. Un texte du Talmud consacre l'usage en ces
termes:
« Celui qui transporte des os d'un endroit dans un autre dans un sac, ne les placera
pas sur le dos d'un âne et ne chevauchera pas dessus parce qu'il adopterait une
attitude méprisante(. .. ) Tout ce qui vient d'être dit pour les os s'applique au sefer
Torah (le livre de la Loi) ».

Enterrer le mort sans délai. Un passage de la Bible aborde l'interdit


de la profanation du mort et le problème de l'enterrement:

« Et si un homme a commis un péché mortel, il doit être mis à mort et Il faut le


pendre à un arbre. Son cadavre ne doit pas rester toute la nuit sur l'arbre mais tu
dois, à coup sûr, l'enterrer le même jour.» (Deutéronome 21 à 23).

Le traité talmudique Nazir ajoute que le corps doit être enterré tout
entier, car si on en laisse exposée une prutie, c'est comme si on n'y
avait jamais procédé.

Ne tirer aucun bénéfice du mort.


Deux textes talmudiques, Avoda Zara 29b et Nedarim 48a, interdisent
l'autopsie comme d'ailleurs la dissection, car il convient de ne
tirer aucun bénéfice du mort.

2.1.2 L'autopsie peut être permise..


• L'autopsie dans le cas de maladies héréditaires est permise, car on
considère que les membres de la famille sont en danger immédiat.
• Si la personne a expressément stipulé qu'elle consentait à l'autopsie,
celle-ci est permise.
À noter que la famille, bien que non autorisée à permettre une
autopsie, peut, selon la Loi juive, en empêcher la procédure. La loi sur
l'autopsie en Israël correspond, grosso modo, aux points mentionnés
ci-dessus.
Ces études sur l'autopsie mentionnées ci-dessus sont centrées sur la
perspective médicale de l'autopsie et non des besoins légaux.
L'autopsie pour déterminer la cause du décès dans les situations
relevant des autorités légales est permise, mais avec les mêmes
critères que mentionnés dans ce texte : le respect de la dépouille doit

169
être observé et toutes les parties du corps doivent être inhumées
ensemble. Il est préférable de ne faire des autopsies lorsqu'il est
strictement nécessaire pour déterminer la cause du décès. De plus,
l'autopsie devrait avoir lieu le plus tôt possible pour ne pas retarder
l'inhumation.
On peut ajouter ici qu'il y a un aspect dans la Loi juive, la Dina de-
malkhuta dina, qui stipule qu'un Juif, en attendant de pouvoir vivre
dans la terre promise d'Israël, doit être un bon citoyen dans le pays qui
lui est hôte. Cette Loi est nécessaire pour les Juifs qui vivent dans la
Diaspora. Être un bon Juif, c'est aussi être un bon citoyen. Cette Loi
doit être observée tant que les lois du pays hôte ne portent pas
préjudice aux principes de la religion. Si un pays interdisait, par
exemple, la circoncision chez les hommes, les Juifs se verraient
obligés de désobéir à cette loi, car la circoncision, le signe de
l'Alliance du peuple juif avec son Dieu, est un trait fondamental de la
religion juive.

170
CHAPITRE 3.
Le testament.

Si le testament hébraïque n'est plus utilisé en France, il reste toujours


en vigueur en Israël et dans les communautés juives d'Afrique du
Nord. La première mention de testament remonte à la Genèse. Il s'agit
d'un passage dans lequel Abraham repartit entre ses enfants :
« Abraham donna tous ses biens à Isaac. Aux fils de ses concubines,
Abraham fit des donations. Mais de son vivant, il les éloigna de son
fils Isaac vers le pays de Qédem ». (Gen.15 : 5-6)
Cependant, il fallut attendre la rédaction du Talmud et des codes
hébraïques pour qu'apparaissent les règles précises et rationnelles du
testament hébraïque. Selon une définition du droit moderne, le
testament est un acte instrumentaire par lequel une personne, le
testateur, lègue après sa mort soit la totalité de ses biens, soit
seulement une partie de son patrimoine en faveur d'une ou de
plusieurs personnes appelées légataires. Cette définition peut
s'appliquer au droit hébraïque, mais avec les réserves suivantes : le
testateur peut à tout moment revenir sur sa décision, modifier ou
annuler son testament qui, soit dit en passant, se présente davantage
sous l'aspect d'une donation que d'un leg.
La propriété nue appartient aux bénéficiaires dès la connaissance du
testament, mais l'usufruit ne leur reviendra qu'après le décès du
testateur, ce qui confirme la règle hébraïque (lvfé'hayoum oul' Ahar
Mita), c'est-à-dire à compter de ce jour et après la mort.
Dans l'usage, ce n'est que quelques instants avant de mourir que les
dernières volontés testamentaires sont rédigées. Il serait long et
fastidieux d'énoncer toutes les règles, tous les principes fondamentaux
qui régissent les règles et les formes testamentaires juives telles
qu'elles sont prévues par le Talmud et par les codes hébraïques. Aussi
nous borderons- nous à présenter quelques exemples significatifs tires
de cette législation et de son application. (Cf.Zagouri,1969).

3.1. Du droit de succession La Bible consacra l'usage en ces ternes :

« Lorsqu'un homme mourra sans laisser de fils, vous transmettrez son héritage à sa
fille. S'il n'a pas de fille, vous donnerez son héritage à ses frères. S'il n'a pas de
frères, vous le donnerez aux frères de son père. Et si son père n'avait pas de frères,
vous le donnerez au plus proche parent qu'il aura dans son clan: c'est celui-là qui en

171
aura la possession. Ce sera pour les fils d'Israël une règle de droit conforme aux
ordres que le Seigneur a donnés à Moise. (Nombres 27: 8-11)

L'étude de ce texte met en évidence les déductions suivantes :- la


lignée issue du père est seule admise à hériter, la lignée maternelle
étant mise à l'écart de la succession.- à branche égale et à degré égal,
l'élément mâle exclut l'élément féminin ; les parents de la lignée
paternelle peuvent être admis à hériter par ordre de proximité de
parenté en cas d'absence de lignée directe. Ceci est développé dans
l'article Ide chapitre 276 de Hochen Hamispath:

« La succession revient en premier lieu au père du décédé, puis aux descendants du


père. En l'absence du père du décédé, c'est le frère de ce dernier qui vient à l'héritage
ou les descendants de frère ; garçons ou filles, jusqu'à la fin de la génération issue de
ce frère. Si le décédé n'a pas laissé de frère, la succession revient à sa soeur ou, à
défaut, à ses descendants garçons ou filles jusqu'à la fin de la génération issue d'elle.
Quand il n'y a pas de frère ou de soeur, c'est le grand-père du décédé qui hérite, ou
ses descendants ...»

3.2 De l'ouverture des successions. Dans l'ancienne législation


rabbinique, la succession s'ouvrait soit par la mort civile (pour raison
d'apostasie ou d'idolâtrie), soit par la mort naturelle. De nos jours, ce
n'est qu'au moment du décès que s'opère l'ouverture de la succession.
Il est à noter qu'une absence même prolongée ne constitue pas la
preuve d'un décès de l'absent
et, par conséquent, n'équivaut pas à une cause réelle d'ouverture de la
succession. Pour qu'il y ait preuve du décès, en cas d'absence
prolongée, un seul témoignage suffit, mais il doit être digne de foi. Le
témoin doit cependant se présenter de lui-même au prétoire, et non sur
convocation. En droit mosaïque comme d'ailleurs pour la plupart des
législations étrangères, la succession s'ouvre à l'endroit où le défunt
habitait au moment de sa mort.

3.3. De la saisine. Dans la tradition mosaïque, tous les héritiers sont,


dès le décès, investis de plein droit de la possession du patrimoine. Sur
le plan de la saisine, beaucoup de législations, en particulier la
française, reconnaissent deux sortes d'héritiers : d'une part, les
héritiers réguliers que sont les parents et enfants légitimes ainsi que
les enfants et parents naturels ; d'autre part les héritiers irréguliers que
sont les frères et soeurs naturels, le conjoint survivant et l'état. Dans la
législation juive, ce droit et cette distinction n'existent pas. Tous les

172
héritiers sont légitimes et peuvent, dès le moment du décès, être "
saisis " et appelés à la succession comme continuateurs et
représentants du défunt.

3.4. L'interdiction de succéder. Contrairement au droit musulman


qui prévoit au moins dix causes d'interdictions de succéder, le droit
mosaïque n'en compte que deux (ChoulhanAroukh, chap. 276). La
première cause est qu'un non-juif n'hérita jamais d'un juif. Cette
interdiction est valable pour le fils d'une non-juive comme pour l'aîné
d'un non-juif, même si son père s'est converti ensuite au judaïsme.
Notons que l'apostat est assimilé à un non-juif. La deuxième cause est
que le fils d'une esclave ne peut hériter de son père : là également,
l'enfant hérite de la condition de sa mère.

3.5.L'issourou le droit à la dot. Le législateur hébraïque a prévu, en


cas de décès du père, une dot pour sa fille représentant le dixième
(lssour) de la succession. En effet, la tradition juive impose au père le
devoir moral de doter ses filles lors de leur mariage. La fille non
mariée prend alors le rang de créancière à l'encontre de ses frères ou
de leurs représentants.(T.B. Traité Kétouboth :123 8).

3.6 De l'ordre des successions.la loi juive fixe l'ordre dans lequel les
héritiers sont appelés à succéder. Voici deux exemples significatifs qui
concernent la succession du père et celle du conjoint survivant. Cf
Zagouri,1969
- la succession paternelle. Conformément à cette règlementation, les
héritiers sont les suivants par ordre de préférence
1 - Le ou les fils légitimes ou naturels, adultérins ou incestueux. 2 - le
ou les fils du fils 3 - la ou les filles du fils. Si les descendants viennent
à manquer, la succession est dévolue comme suit aux collatéraux : 4 -
la ou les filles 5 - le ou les fils de sa fille 6 - la ou les filles de sa
fille. A défaut de collatéraux, la dévolution se poursuit ainsi :
7 - le père du défunt 8 - le frère consanguin 9 - le fils du frère
consanguin 10- la fille du frère consanguin II- la sœur consanguine
12- le fils de la sœur consanguine 13- la fille de la sœur consanguine

A défaut de collatéraux
14 - l'aïeul paternel 15 - l'oncle paternel
16 - le fils de l'oncle paternell 7 - la fille de l'oncle paternel

173
18 - la tante paternelle 19 - le fils de la tante paternelle 20 - la fille de
la tante paternelle ... -

la succession du conjoint survivant. Dans la loi juive, les droits


successoraux varient selon que le conjoint survivant est le mari ou la
femme. Dans le cas du mari survivant, il recueille la généralité des
biens de son épouse à condition toutefois qu'il n'existe pas de créances
non garanties par un gage ou une hypothèque (hochenhamispath,
chap.271,art.7 ).
Dans le cas de la femme survivante, elle ne possède théoriquement
aucun droit sur la succession de son mari. Celui-ci peut toutefois
constituer un leg au profit de son épouse aux conditions expresses que
le leg ne s'étende pas à la fortune entière et que le mari jouisse de
toutes ses facultés.

3.7. Les donations entre vifs. Comme la plupart des législations


modernes, le droit hébraïque admet le principe de la donation entre
vifs : dans ce cas, le donateur se dépouille à titre gracieux et
irrévocablement de la propriété de certains biens en faveur du
donataire qui accepte la donation faite à son profit.
Cette donation est faite de la main à la main s'il s'agit de biens
mobiliers. Dans le cas d'un immeuble ou d'une créance nominative,
l'établissement d'un acte par deux notaires ou soffrim est obligatoire. Il
convient de noter cependant que certaines catégories de personnes ne
peuvent accomplir de donation à autrui. Ce sont des femmes mariées
non assistées de leur mari, des personnes intellectuellement
déficientes ou atteintes d'infirmité mentales ou physiques (les idiots.
les attardés, les fous, les sourds- muets ... ), les mineurs ou leurs
tuteurs ; enfin, toute personne qui, pour une raison quelconque, par
exemple par suite d'ivresse ou de maladie, est momentanément privée
de l'usage de ses facultés mentales.
Les donations peuvent être exécutées sous condition résolutoire ou
suspensive. Ainsi, il peut être stipulé que le donateur subordonne sa
donation à la réalisation d'un acte. Par exemple la donation ne sera
réalisée que si le recevant se marie.
Par ailleurs la donation ne peut concerner qu'une partie des biens du
donateur. Ainsi si le donateur fait don de tout son avoir à l'un de ses
fils ou à sa femme, la loi considère qu'il a seulement voulu confier à
ses donateurs la gestion de son patrimoine.

174
Nous avons vu précédemment que la femme ne peut être constituée
légataire universelle de son mari. Ce principe de la donation entre vifs
constitue donc pour l'épouse l'unique moyen de pouvoir disposer de
biens.

3.8. Modèle de testament et de donation entre vifs.


Usuellement, la rédaction du testament ou de la donation s'effectue en
présence de deux soffrims ou notaires. Il existe également la
possibilité d'inclure, dans son acte de mariage, des dispositions
testamentaires : cette pratique est courante. La disposition du
testament dit " mystique " prévue par le code civil français dans
laquelle le testateur remet le testament clos et scellé au notaire n'est
pas reconnue par le droit rabbinique. Ceci étant précisé, voici un
modèle-type de testament et de donation entre vifs : " Tel jour de la
semaine... du mois de ... de l'année ... de la création du monde. Par
devant nous (notaires rabbiniques) soussignés, a comparu le nommé
(nom et prénom) demeurant à... détenteur d'une pièce d'identité n° ...
établie à... le ... , lequel, sous foi du serment, de son plein gré, nous a
requis de prendre acte :
1. que de tous les biens qui seront en sa possession au jour de sa mort,
il sera prélevé au profit de son frère x ... une somme de ... moyennant
laquelle il sera considéré comme ayant été désintéressé de ses droits
sur la succession de son frère le testateur susnommé. 2. d'une somme
de ... au profit de son frère Y... 3.somme de ... au profit de sa sœur Z ... ,
épouse de W ...
Les prélèvements effectués, tous les biens, appartements, meubles et
toute chose ayant une valeur quelconque sont légués par le testateur à
son épouse sus-nommée, avec effet dès une heure après son décès, à
charge pour cette dernière de supporter tous les frais mortuaires,
marbre tombal, les trois cérémonies religieuses, le tout selon son rang
social. Ces biens sont dévolus à l'épouse d'une manière ferme, légale
et régulière. Le testateur nous a ainsi déclaré :
« Ecrivez et signez publiquement cette donation afin qu'elle ne soit
point considérée comme clandestine, mais bien comme une donation
faite publiquement et irrévocablement par une personne saine de corps
et d'esprit. La présente donation est faite d'une manière légale et
régulière selon les règles d'usage.
Vu authentiques les signataires ci-dessus. »

175
CHAPITRE 4.
L'euthanasie.

Du grec eu, bon, et thanatos, mort,« la bonne mort».


L'euthanasie active, consiste, à mettre volontairement fin à la vie
d'une personne qui le demande en lui injectant un produit létal.Ce
geste est généralement accompli par un médecin. Cette procédure se
distingue du suicide assisté, où c'est la personne elle-même qui
s'administre le produit létal prescrit par un médecin.
En France, la loi Claeys-Leonetti de 2016,autorise l'administration
« d'une sédation profonde et continue jusqu'au décès» pour les
malades dont le pronostic vital est engagé à « court terme ». (quelques
heures et quelques jours)
En France, en 2022,l'euthanasie active et le suicide assisté sont des
pratiques interdites et passibles de poursuites pénales.

4.1.L'euthanasie active est interdite dans le judaïsme


Les bases de la théodicée juive sur l'euthanasie active sont
mentionnées dans le Talmud. Voici un exemple extrait du Talmud dans
le traité Shabbat 15 lB :

« Celui qui ferme les yeux d'un agonisant est un meurtrier, c'est comme une bougie
en train de s'éteindre, si un homme met le doigt dessus, elle s'éteint aussitôt ».

Cet interdit de l'euthanasie active existe même si le malade donne


l'autorisation au médecin de pratiquer l'euthanasie. Dans le judaïsme,
il n'y a aucune différence entre une personne qui se suicide et une
personne qui donne à une autre personne l'autorisation de la tuer. La
vie ne nous appartient pas, ni au malade, ni au médecin. C'est donc
interdit pour le malade comme pour le médecin.
Le recueil de loi (Choulhan 'Aroukh) le consacre en ces termes :
« Il est interdit de faire quoique ce soit pour hâter la mort. Et même si nous voyons
qu'il souffre beaucoup dans son agonie et que la mort lui serait douce, il nous est
néanmoins défendu de faire quoique ce soit pour hâter la mort, le monde et ce qu' il
contient appartiennent à Dieu et tel est sa volonté,,.

Un verset du prophète Ezéchiel aborde l'interdit de l'euthanasie qui


rapporte une parole de Dieu :

176
« Toutes les vies sont à moi, la vie du père comme la vie du fils, elles sont à moi ».
Dieu nous dit qu'il donne la vie, c' est lui qui a le droit de la reprendre quand il le
désire et en aucun cas un être humain ne pourra intervenir dans cette décision. »

Trois exemples vont l'illustrer :


• l ER cas :cesser un soin déjà mis en œuvre est interdit.
Débrancher une personne d'un respirateur ou d'une petfusion est
assimilé dans le judaïsme à une euthanasie active.
Un passage de la Bible aborde cet interdit sous l'angle de celui de
non-assistance à personne en danger. Car la non-assistance en danger
existe dans la bible dans le Lévitique 19-16 :
«Tune t'élèveras pas contre le sang de ton prochain ».
Qu'est-ce que l'assistance? C'est si elle est profitable à une personne
en danger. Mais si la personne en danger préfère mourir plutôt que
vivre avec ses souffrances, l'assistance n'est plus profitable à la
personne. D'autres réfutent cette thèse en disant que nous ne sommes
pas prophètes et qu'on ne peut exclure la découverte future d'un
traitement qui soulagerait le malade. L'assistance pourrait donc être
future même si elle n ' est pas efficiente dans le présent.
•2è cas : ne pas engager de soins ordinaires est interdit.
Ce type de soins ordinaires (boire, manger, oxygène, antibiotiques)
doit être assuré sinon c' est considéré comme une euthanasie active.

•3è cas : ne pas engager de soins extraordinaires.


Par exemple recourir à une réanimation, un électrochoc, brancher une
respiration artificielle, faire une intervention chirurgicale.
Dans ce cas c'est la présence ou non de souffrances qui sera le critère
à prendre en compte.
•Nous avons le droit de ne pas engager de soins si le malade est
incurable et en proie à de grandes souffrances.
Si le judaïsme s'oppose à l' euthanasie active, il réprouve également
« l'obstination déraisonnable». Ce terme a remplacé, depuis 2016,
l'expression«l'acharnement thérapeutique». On l'évoque lorsque
des traitements sont poursuivis alors qu'ils apparaissent inutiles,
disproportionnés ou n'ayant d'autres effets que le seul maintien
artificiel de la vie.
Dans bien des cas comme pour l'euthanasie le judaïsme prend en
compte la souffrance humaine.
Quatre exemples vont l' illustrer.
Exemple 1 tiré du Talmud traité Baba Kama page 51A

177
« Choisis pour lui une belle mort comme il est écrit tu aimeras ton prochain comme
toi-même».
Dans ce passage du talmud, on parle du condamné à mort auquel on
avait l'obligation d'administrer une potion anesthésique pour ne pas
qu'il souffre au moment de la mise à mort. A plus forte raison si un
condamné à mort ne doit pas souffrir, un malade encore moins.
Exemple 2 tiré des Psaumes (Tehilim), psaume 32 verset 6
« C'est ainsi que priera tout homme pieux au moment propice ».
Quel est ce moment propice ? Le Talmud traité Berakhot page 8A
nous dit que c'est le moment où la personne va mourir et qu'il est bon
de prier à ce moment-là pour demander à Dieu de ne pas nous faire
souffrir.
Exemple 3 sur la souffrance animale. Il est interdit dans la Torah, au
moment où on laboure un champ, d'atteler un âne avec un taureau. Ils
n'ont pas la même force, l'âne va souffrir
Exemple 4, Deutéronome 11-15, Dieu dit:

« J'ai mis de l'herbe dans ton champs pour ton animal, tu mangeras et tu te
rassasieras ».

On donne d'abord à manger à l'animal et ensuite l'homme mange et


se rassasie. L'animal poun-ait souffrir de voir l'homme manger alors
que lui n'a pas mangé. La Torah est très attentive à la souffrance
animale et donc à la souffrance humaine.
Pour conclure, le Talmud dans le traité Berakhot 60A nous dit :

« Dieu a donné la permission aux médecins de guérir, mais de donner la mort


consciemment à un malade ne fait plus partie du cadre de la mission d'un médecin ».

Dans la difficile confrontation entre le souci d'atténuer la souffrance


et l'interdit de supprimer la vie, la primauté doit être accordée à la vie
sur la souffrance. Si le judaïsme s'oppose à l'euthanasie, il réprouve
également l'acharnement thérapeutique dans des situations précises.
Dans le judaïsme, le suicide est interdit il n'y a aucune différence
entre une personne qui se suicide et une personne qui donne à une
autre personnel 'autorisation de la tuer. La vie ne nous appartient pas.
Il faut rappeler que dans l'Antiquité et sans doute en réaction envers
les doctrines stoïciennes, se suicider était considéré comme un
véritable crime qui rendait, par conséquent, indigne de sépulture ou
tout-au-moins, de sépulture normale.

178
CHAPITRE 5.
Le don d'organe

En France la loi du 29 juillet 1994, révisée en août 2004, prévoit que


le prélèvement d'organes et de tissus peut être pratiqué sur une
personne majeure décédée n'ayant pas fait connaître de son vivant son
refus d'un tel prélèvement ou sur une personne mineure décédée avec
le consentement écrit de la personne investie de l'autorité parentale.
Les personnes qui sont favorables au don peuvent porter une carte de
donneur.
En Israël depuis janvier 2010, la loi prévoit que le porteur d'une carte
de donneur d'organe est prioritaire pour l'attribution d'un organe par
rapport à un patient de gravité identique mais non porteur d'une carte
de donneur, et ce dans le but d'inciter au don d'organe.
Le don d'organes est le prélèvement d'organes et de tissus d'un corps
humain (appelé donneur) pour traiter des patients (appelés receveurs)
dont les organes essentiels sont gravement atteints. Ce prélèvement
chirurgical peut s'effectuer sur des personnes mortes en état de mort
cérébrale (don d'organes post mortem) ou sur des personnes
vivantes (don d'organe de son vivant).
La majorité des greffes sont réalisées à partir d'organes prélevés sur
des personnes mortes.
On distingue deux types de décès :
• Le décès en état de mort encéphalique.
• Le décès avec le cœur arrêté.

Décès en état de mort encéphalique. Suite à un accident vasculaire


cérébral ou à un grave traumatisme crânien, si les lésions sont trop
importantes, le cerveau est irrémédiablement détruit et le patient
décède. Cependant, il est possible, pendant quelques heures, de
maintenir artificiellement une activité cardiaque et une oxygénation
des organes et tissus avant d'envisager un prélèvement. On parle alors
de décès en état de mort encéphalique.

Décès avec le cœur arrêté. Sur une personne décédée à cœur arrêté
(l'activité cardiaque inexistante ne permet plus l'oxygénation des
organes et tissus), seul le don de cornées peut avoir lieu.
Sous certaines conditions bien précises (contraintes temporelles
notamment) les organes (rein et foie) de personnes en arrêt cardiaque
et respiratoire définitif, après échec de réanimation, peuvent être

179
prélevés (voir Prélèvement d'organes à cœur arrêté). On sait
aujourd'hui que les résultats des greffes de ces organes sont aussi bons
que ceux provenant de donneurs en mort encéphalique. Dans le
judaïsme, le don d'organe oppose deux principes :

D'un côté, le don d'organe est interdit (nivouthamet)


Cinq raisons sont avancées pour l'interdire :
- le contact du corps et l'impureté
- la profanation du mort
- l'inhumation du corps le jour-même
- ne tirer aucun bénéfice du mort. ( hana 'ah)
-1 'arrêt respiratoire est le critère de la mort et non pas la mort
encéphalique.
Les bases de ces interdictions s'appuient donc aujourd'hui encore sur
le Talmud, sur ces codes et sur les commentaires et responsa des
sages actuels et anciens.

De l'autre côté, le don d'organe est permis et exige de tout faire pour
sauver une vie (pikuahnefesh).

« Celui qui sauve une vie sauve un monde .»


(Michna, Sanhedrin 4, 5)

Cette primauté de la vie a la priorité sur le Shabbat,surYom Kippour


et sur tous les commandements (mitzvot) de la thora à part l'idolâtrie,
les relations interdites et le meurtre. Lorsque les médecins
effectuèrent les premières transplantations du cœur dans les années
1960, tous les receveurs moururent dans les quelques jours ou
semaines qui suivirent. Les autorités religieuses s'y opposèrent donc,
puisque les transplantations tuaient les receveurs au lieu de sauver la
vie. Ce n'est qu'après la découverte d'un médicament anti -
rejet( cyclosporine), dans les années 1980, que le taux de survie
augmenta considérablement (plus 80 % pour les transplantations
cardiaques, de reins, et de foie) les transplantations sont donc à
l'évidence une forme de pikuah nefesh, qui a la préséance sur le
plupart des interdictions de la Torah.
La plupart des organes du donneur ne peuvent être utilisés que si le
cœur continue à battre.
Autrement dit, prélever un cœur alors qu'il continue à battre peut tuer
d'un point de vue purement halakhique. Ce n'est qu'après l'emploi
de l'angiographie cérébrale ou un angioscanner cérébral qu'on

180
objectivera l'arrêt de la circulation dans le cerveau et le tronc cérébral.
Cet arrêt circulatoire conduit à la destruction irréversible de la
substance blanche et de la substance grise. Le tronc cérébral
commande la respiration donc, sa mort est en accord avec la théodicée
juive qui retient comme critère principal de mort l'arrêt respiratoire.
Les rabbins décisionnaires d'Israël publièrent en 1987 cinq conditions
nécessaires pour affirmer la cessation naturelle de la respiration ...
1-Connaissance claire de la cause des blessures
2-Cessation totale de toute respiration naturelle
3-Preuve clinique que le tronc cérébral est bien mort.
4-Preuve objective que le tronc cérébral est bien mort.
5-Preuve que no 2 et no3 continuent pendant ou moins 12 heures sous
traitement total et normal.
Il est recommandé d'être porteur d'une carte de donneur d'organes
pour éviter tout problème légal ou halakhique.

181
CHAPITRE 6.
La crémation

Aujourd'hui, selon l'Association française d'information funéraire


(AFIF), la crémation est choisie dans près d 'un tiers des décès. Ce
chiffre dépasse 50 % dans certaines grandes villes alors que cette
pratique ne concernait que 0,4 % des défunts en 1975.
Autorisée par l'Eglise catholique après le concile Vatican II en 1965,
la crémation est toujours prohibée par l'islam, le judaïsme ou
l'Eglise orthodoxe. Elle reste davantage privilégiée par les non
croyants (60 % y songent, selon un sondage Ipsos réalisé pour les
services funéraires de la Ville de Paris [SFVP] auprès de 1 016
Français) mais elle est désormais également envisagée par 40 % des
croyants.
Les motivations sont principalement de deux ordres, selon François
Michaud-Nérard, directeur général des SFVP: 35 % des personnes
qui choisissent la crémation souhaitent ne pas être une charge pour
leurs proches qui, dans le cas de la dispersion des cendres, n'auront
pas de tombe à entretenir; 24 % avancent des préoccupations
écologiques. Le coût de la crémation reste bien inférieur à celui de
l'inhumation.
5.1. La crémation est interdite. Les bases de la théodicée juive sont
mentionnées dans le Talmud (Cf.T.B. Baba batra154b). Pour la loi
juive, la crémation est prohibée car elle constitue « un avilissement
pour le défunt (nivoul ha-mèt, (Cf. Baba batra 154b). Même en
l'absence de toute vie, le corps humain conserve sa dignité pour avoir
abrité une âme. On ne peut en faire une « chose » en agissant à notre
convenance sur le corps devenu encombrant, en l'occurrence, en le
réduisant à néant par un acte volontaire.
Aussi, les soins accordés à la dépouille ainsi que son enterrement
s'inscrivent dans un souci général de souligner la sacralité de la vie
humaine. Les rites de deuils expriment ce respect.
Une deuxième raison est avancée pour l'interdire.
- conforter la croyance en la résurrection des morts. Comme le
dit Nahmanide (13ème s.), ce n'est pas la résurrection elle-même mais
la croyance en la résurrection qui se trouve mise en cause par la
crémation du fait que l'on n'accorde plus aucun égard envers le corps.
Il écrit :
« Rien n'empêche le Saint béni soit-Il de réunir toutes les parties disséminées d'un
corps ou de destiner à la résurrection tous les martyrs qui ont péri par le feu. Il n'en

182
demeure pas moins que tout ce qui est dit dans la Loi est destiné à conforter la
croyance en la résurrection des morts, c'est pourquoi on ne doit pas porter atteinte à
la dépouille» (Chaâr ha-Guemoul).
Bien que le rabbin ne puisse officier lors d'une crémation, le défunt ne
doit pas être privé des honneurs funèbres. Une cérémonie pourrait être
envisagée lors de la levée du corps ou lors de la Chivâ. Les cendres
devront ensuite être enterrées dans un caveau juif, familial ou
communautaire. Un psaume et éventuellement un kaddish sera alors
prononcé. Un peu de terre devra symboliquement être mêlée aux
cendres.
Toutes les règles de deuil classiques s'appliquent aux endeuillés.(!)

1. Pour une responsa récente concernant la crémation (ÇfDavid L. Abramson, « Concerninf!,


Cremation, One 'sRabbi 's Perspective »in:

183
Lexique
Haggadah : récit, conte.
Amora (Amoraraïm): maître de l'époque de la Guémara.
BaaléHatossafot: ajout complément. Nom générique désignant un
ensemble de commentateurs médiévaux rattaché à l'école de Rachi
(lle-13e siècle)
Baraïta : premier complément de la Michna.
Chivah: Les septjours de deuil.
Chloshim : Les trente jours de deuil
Guémara: complément et développement de la Michna, rédigé en
Babylonie au cours des troisième et septième siècles ; constitue la
seconde partie du Talmud.
Hashkabah : prière pour le repos de l'âme
Haskarah : commémoration liturgique
Hevrah Qaddisha : confrérie prenant en charge les agonisants, les
morts et les endeuillés
Hilloula :pèlerinage sur la tombe d'un saint.
Kabbale : « spéculative ou contemplative » qabbala 'iyounit.
Kabbale: «pratique» (qabbalama'asit).Tradition «magique » juive.
Kalam : philosophie de l 'Islamqui utilisait la dialectique Grecque pour
combattre la philosophie avec ses propres armes.
Michna : recueil de la loi oral basé du talmud, compiler au deuxième
siècle.
Midrach : recueil d'interprétation de la Bible.
Minhag : coutume, usage, habitude
Mitsvah : commandement, devoir
Mu'tazilisme : philosophie de l'Islam qui fait appel à la raison
N ahalah : héritage. Cérémonie de fin de deuil
Nihoum : rite de condoléances
Qaddish : prière des morts qui sanctifie le nom de Dieu
Queriah : déchirure pratiquée sur les vêtements lors d'un deuil
Rachi: acronyme de Rabbi Salomon ben Isaac, commentateurs
médiévale de la Bible et du talmud XIe siècle, France.
Sefer ha-razim :livre des mystères. C'est un texte de recettes
magiques Jmves.
Sefer hassidim :un texte de recettes de magie juive Askhenaz du 13èrne
- 14ème siècles.
Sefer Raziel: Livre de l'ange Raziel. Ouvrage de magie juive.
Taharah : pureté rituelle

185
Talmud :compilation de la Torah oral achevée au cinquième siècle.
C'est le texte de base en matière d'études et de réflexion sur la
loi.L'on compte une version dite de Babylone et une version dite de
Jérusalem.
Tana : sage de la michna
Tsaddiq (plur.tsaddiqim) : Homme pieux.
Torah: enseignement; nom donné au Pentateuque.
Toumah : impureté rituelle
Yahrzeit (yiddish) : anniversaire de deuil
Yizkor: Prière des morts. Cérémonie du souvenir.
Zohar :Livre de la splendeur, commentaire mystique sur Pentateuque,
ouvrage principal de la Kabbale.

186
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191
TABLE DES MATIÈRES
Avant-propos 7

Partie I :LA MORT DANS LE JUDAÏSME 9


CHAPITRE 1.LA MORT FAIT PARTIE DE L'ORDRE DU
MONDE 11
1.1. La mort apprivoisée 11
1.2.L'homme ne peut éviter la mort 11
1.3. La mort est la conséquence de ses péchés 12
1. 4.La mort n'a pas de raison d'être 14
1.5.La mort commence une ère nouvelle 19
1.6. Le livre de Job 21

CHAPITRE 2.LA MORT DOIT ÊTRE CONSTATÉE 25


2. 1.Un souille de vie dans la narine 25
2.2.La mort par un baiser 27

CHAPITRE 3.LA MORT EST UN PASSAGE 29


3.1. Le Sefer ha-Zohar (Livre de la splendeur) 29
3.2. La mort de soi 33
3.3. Les justes jouiront de la splendeur de la Chekhina 34
3.4. Les sept épreuves 34
3. 5. Lève-toi ta fin est arrivé 3 5
3.6. Les anges torturent les méchants 36
3.7. Le paradis ou jardin d'Eden 37
3. 8. La résurrection. L'esprit monte vers Dieu 3 8
3.9.La métempsychose. D'un corps mort vers un corps vivant 41

Partie II : Les croyances magiques 45


CHAPITRE 1. La magie juive 47
1.1 La tradition magique 47
1.2. La magie juive est tolérée 51
1.3le Séfer-ha Razim (Livre des Mystères) 54
1.4. Satan: l'ange de la mort 58
1. 5. Les démons et La démone lilith 59
1.6. Le mauvais œil 62
1. 7. Les anges 66

193
CHAPITRE 2. Se protéger de la mort 75
2.1. Les talismans 75
2.2. Les papiers découpés 78
2.3. Les amulettes 84
2.4. Les rabbins intercesseurs 88
2. 5. Le sacrifice du coq 90

CHAPITRE 3. Prévoir la mort: la divination juive 93


3.1. Pour savoir 93
3.2. Les devins et la clientèle 96
3.3. Les procédés divinatoires 98
3.3.1.Les procédés cléromantiques. 98
3.3.2. Les procédés oniromantiques. 98
3.3.3. Les procédés physiomantiques 102
3.3.4. Les omens ou les mauvais présages 108
3.3.4.1. Les auspices 108
3.3.4.2.L'astrologie. 110
3.3.5. Les procédés onomantiques 120
3.. 3.6. La nécromancie. 121
3.3.6.1. Les deux types de nécromancie 122
3.3.6.2. La femme d' En Dor 122
3.3.6.3. Interroger l'espri 123

Partie III : Les pratiques rituelles et symboliques 125


CHAPITREl.La veillée mortuaire 127
CHAPITRE 2.Un traitement spécial du cadavre 128
CHAPITRE 3.La toilette du mort 130
CHAPITRE 4.Le pouce droit dans le creux de la paume 131
CHAPITRE 5.Vêtir le mort 133
CHAPITRE6.Le benAdama 135
CHAPITRE 7.Le devoir d'enterrer 138
CHAPITRE 8. Avis à la population 140
CHAPITRE 9.Accompagner le défunt 142
CHAPITRE 10.L'élogefunèbre 145
CHAPITRE 11. Tourner sept fois 146
CHAPITRE 12.Le lamento 150
CHAPITRE 13.le requiem 153
CHAPITRE 14.Vos os refleuriront comme l'herbe 155
CHAPITRE 15.La période des deuils 157
CHAPITRE 16. Les commémorations 161

194
CHAPITRE 17. Conclusion 162

Partie IV : La mort contemporaine 165


CHAPITRE 1. La mort interdite 167
CHAPITRE 2. L'autopsie 168
CHAPITRE 3. Le testament 171
3.1. Les droits de succession 171
3.2.De l'ouverture des successions 172
3.3. De la saisine 172
3.4. L'interdiction de succéder 173
3.5. Le droit à la dot 173
3.6. L'ordre des successions 173
3.7. Les donations entre vifs 174
3.8. Modèle de testament 175
CHAPITRE 4.L'euthanasie 176
4.1. L'euthanasie active 176
CHAPITRE 5. Le don d'organe 179
CHAPITRE 6. La crémation 182

Lexique 185
Bibliographie 187

195
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Kabbale
Mort et Magie Juive

Dès que l'homme meurt, les trois degrés de l'âme se séparent du


corps, puis montent et regagnent le lieu d'où ils étaient venus, dit un
texte du Zohar. Dans le judaïsme, le sort de l'âme tient une grande
place; il est cependant important de savoir comment se conçoit cet
après-mort. C'est à partir des textes de la Kabbale que l'on apprend
à découvrir les sept épreuves qui attendent l'homme à sa mort. De
ce texte se découvre tout un imaginaire sur le monde de la mort
et de ses mythes, sur le paradis, les rites funéraires, les devoirs et
obligations. Comment expliquer l'importance de la place occupée par
la tradition, même dans les milieux très sécularisés ? Comment un
univers religieux, le judaïsme, a-t-il pu, au fil des siècles, entrer en
relation avec ce monde peuplé de nombreux êtres invisibles que sont
les démons, les anges et les morts.
La première partie traite de la mort dans le judaïsme à travers le
prisme des textes bibliques, talmudiques et kabbalistes.
La deuxième partie a pour tâche d'envisager les principes et les
croyances magiques.
Enfin, la troisième partie aborde les nouvelles pratiques et usages de
notre époque que sont le suicide, l'autopsie, l'euthanasie, la crémation,
le don d'organes et le testament.

David Rouach est docteur en médecine et l'auteur d'une thèse de doctorat de


recherches sur l'imaginaire en 1992.

ISBN: 978-2-14-028165-5 11
23 €

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